République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15
1re législature - 2e année - 9e session - 61e séance
PL 7526-F
Deuxième débat
Le président. Nous reprenons nos urgences et passons au PL 7526-F, en catégorie II, quarante minutes. Nous sommes au deuxième débat, le premier débat ayant eu lieu il y a un autre siècle, le 18 novembre 1999 - nous n'étions peut-être même pas nés ! (Commentaires.) Comme nous sommes au deuxième débat, je vous donnerai la parole au moment de traiter les amendements. Je laisse chacun des rapporteurs faire une petite introduction. Monsieur Dandrès, rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Comme l'entrée en matière a été votée en 1999, je pense qu'un petit rappel ne sera pas de trop; je serai assez bref. En janvier 2015, la plénière du Grand Conseil avait renvoyé ce projet de loi à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat qui, je crois, a assez bien travaillé et a pu répondre aux craintes d'une majorité de commissaires de voir les services de gestion du personnel s'écarter du cadre légal posé par le Grand Conseil. Le projet d'amendement général vise à responsabiliser les ressources humaines pour qu'elles ne licencient pas les fonctionnaires en l'absence de motifs fondés. Le principe est donc assez simple: si les ressources humaines violent la loi, ce n'est pas aux fonctionnaires de le payer; dès lors, une réintégration doit être possible. Au cours des débats, certains députés, notamment du groupe PLR, ont exprimé leur crainte de voir des fonctionnaires incompétents être maintenus en poste par ce mécanisme. Je tiens à les rassurer, l'amendement général intègre cette crainte et y répond: la réintégration serait possible uniquement si une personne est licenciée pour un motif qui ne serait pas fondé. Si le motif est fondé mais qu'il y a une violation d'autres règles, notamment de procédure, c'est le système qui prévaut actuellement qui continuerait à prévaloir dans le futur. Je tiens à préciser également que c'est une approche essentiellement préventive, puisque dans le cadre des travaux sur l'amendement général, l'office du personnel de l'Etat nous a indiqué que seuls trois recours contre des licenciements avaient été admis par la Cour de justice et qu'aucun de ces recours n'avait été admis sur la réalité du motif invoqué par les ressources humaines, mais exclusivement sur des problèmes de vice de forme, principalement de violation du droit d'être entendu. Les statistiques nous montrent que les ressources humaines ont aujourd'hui tout en mains pour faire fonctionner le service public et que, dès lors, il est inutile de violer la loi pour assurer des prestations de qualité. C'est pour cette raison-là que la majorité UDC, MCG et de l'Alternative propose à cette plénière d'accepter l'amendement général.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de minorité. Je remercie le rapporteur de majorité pour la concision de son propos. Je crois qu'il a bien posé le cadre dans lequel nous avons travaillé. Ce projet de loi, qui a été tiré d'un coma de cinq législatures par les bons soins du député Dandrès et par une curieuse et étonnante alliance de la gauche et de la droite la plus dure du parlement, pose trois problèmes: un problème de fond, un problème d'actualité et un problème de gestion. Le problème de fond, que ce Grand Conseil n'a toujours pas réussi à résoudre, c'est que le patron de la fonction publique est le Conseil d'Etat et non le Grand Conseil. Le Grand Conseil devrait agir comme un conseil d'administration dans une entreprise privée, en donnant des orientations stratégiques à sa direction notamment en matière de ressources humaines, mais son rôle devrait s'arrêter là et le vrai patron doit rester le Conseil d'Etat. Il est donc parfois pernicieux et dangereux d'allumer des feux et des contre-feux dans un terrain déjà miné et d'entraver ainsi l'action du Conseil d'Etat.
La question d'actualité a été soulevée: cela fait cinq législatures que ce projet a été présenté, il y a eu cinq rapports de commission avec systématiquement des propositions de rejet ou de non-entrée en matière, et c'est par un hasard tout à fait étonnant que cette fois-ci, l'entrée en matière a été acceptée et que nous nous trouvons dans ce deuxième débat. Au cours des débats est apparue une divergence importante évidemment entre la majorité et la minorité de la commission. La majorité de la commission privilégie manifestement une approche purement légaliste du problème alors que la minorité de la commission privilégie une conception qui consacre des principes de gestion des ressources humaines moderne et efficace. J'aimerais aussi rappeler, puisque nous avons auditionné entre autres le directeur général de l'office du personnel de l'Etat, que la position du Conseil d'Etat à ce propos n'a jamais changé depuis cinq législatures. A ce titre, je cite l'exposé des motifs de la LPAC, figurant dans le Mémorial de 1986: «Toute l'économie du projet repose sur l'idée qu'il n'est satisfaisant pour personne de voir un collaborateur licencié être réintégré dans son poste par dire de justice. L'ambiance du service où l'incident survient, de même que la qualité du travail ne peuvent que s'en ressentir. Par ailleurs, l'expérience a toujours démontré que le transfert de quelqu'un ne donnant pas satisfaction [...] n'est en dernière analyse que le transfert d'un problème. L'intérêt de la collectivité à être bien servie ne réside manifestement pas là.» Je reviendrai de façon plus approfondie une fois que nous aurons traité les amendements. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je rappelle que nous sommes au deuxième débat.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1 (souligné).
Le président. Nous passons à l'article 2 souligné, «Modifications à d'autres lois».
Mis aux voix, l'al. 1 (loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940 - C 1 10) est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement qui consiste à ajouter un alinéa 1bis modifiant la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015:
«Art. 2 (souligné), al. 1bis (nouveau)
1bis La loi sur l'instruction publique (LIP) (L 11470), du 17 septembre 2015, est modifiée comme suit:
Art. 147 Proposition de réintégration par la chambre administrative de la Cour de justice et réintégration (nouvelle teneur)
1 Si la chambre administrative de la Cour de justice retient que la résiliation des rapports de service ou le non-renouvellement ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l'autorité compétente la réintégration.
2 Si la chambre administrative de la Cour de justice retient que la résiliation des rapports de service ou le non-renouvellement est contraire au droit, elle peut proposer à l'autorité compétente la réintégration.
3 En cas de décision négative de l'autorité compétente ou en cas de refus du recourant, la chambre administrative de la Cour de justice fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à 1 mois et supérieur à 24 mois du dernier traitement brut, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération. Lorsque l'intéressé est non nommé, l'indemnité ne peut être supérieure à 6 mois.»
Je donne la parole à M. le rapporteur Christian Dandrès, pour nous donner des explications concernant cet amendement.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Très brièvement... (Remarque.) ...à la page 36 du rapport, dans l'annexe 1, se trouve l'amendement à la nouvelle loi sur l'instruction publique votée et publiée dans la «Feuille d'avis officielle» entre le moment où la commission a fini de traiter l'amendement général et celui du dépôt du rapport. Pour l'instant, le délai référendaire n'est pas achevé, mais après sollicitation des services du Grand Conseil, il m'a été suggéré d'ajouter un alinéa 1bis à l'article 2 souligné et de voter également l'article 147 modifiant la loi 11470, ce qui nous éviterait, le cas échéant, de devoir redéposer un projet de loi après la fin du délai référendaire. Je précise, et vous le constaterez aisément, que ces amendements sont d'une lecture simple, que le contenu de l'article 131A - à l'article 2 souligné, alinéa 1 - à la page 33, est rigoureusement identique à celui de l'article 147, à la page 36.
M. François Baertschi (MCG). Je demande le vote nominal.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en termes de technique parlementaire, il est quelque peu compliqué de reprendre un deuxième débat seize ans plus tard et d'intervenir à propos. Dans le fond, j'interviens ici, dans le cadre de ce deuxième débat, pour dire tout le mal que le Conseil d'Etat pense de ce qui est en train de se faire aujourd'hui. C'est probablement le moment opportun pour vous faire passer ce message, qui vous enjoint de refuser les amendements. Il faut les refuser parce que, Mesdames et Messieurs les députés, les dispositions actuelles de la loi conviennent parfaitement. Aux yeux du Conseil d'Etat, elles conviennent tout à fait, premièrement parce que, comme vient de l'indiquer le rapporteur de majorité, il n'existe pas de cas qui poserait problème ! On se demande d'ailleurs pourquoi un tel projet est exhumé après cinq législatures.
Deuxièmement, et c'est l'élément de fond que le rapporteur de minorité a très justement rappelé, c'est le Conseil d'Etat qui dirige et organise l'administration, cela ne doit pas être la république des juges - je ne parle donc pas du Grand Conseil, mais bien du pouvoir judiciaire. L'administration ne doit pas être organisée par la justice, Mesdames et Messieurs. Or ce qui est présenté là, avec cette obligation de réintégration, c'est en quelque sorte donner le pouvoir à la justice d'organiser l'administration et ce n'est pas normal.
Maintenant, les principes sains de management des ressources humaines nous démontrent... Et là je me tourne vers la partie droite du parlement, vers celles et ceux qui à longueur d'année nous indiquent qu'il faut gérer cette administration de façon plus dynamique, plus souple et plus conforme à des principes qui leur sont chers, notamment dans le domaine privé, et qui nous disent qu'il faut, dans le cas d'espèce, obliger le Conseil d'Etat à réintégrer un collaborateur alors que la disposition aujourd'hui en vigueur est celle, au demeurant, qui s'applique en toute logique. Cette disposition consiste à proposer la réintégration et, si celle-ci n'est pas possible - parce qu'elle est souvent impossible dans une situation très probablement conflictuelle au sein d'un service - à verser une juste indemnité à la personne concernée. Ces dispositions, Mesdames et Messieurs, conviennent amplement. Elles sont absolument en phase avec une gestion moderne des ressources humaines et c'est la raison pour laquelle il faut refuser les propositions faites aujourd'hui. Je vous le demande instamment au nom du Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais voter l'assemblée sur l'amendement que je vous ai lu tout à l'heure, qui consiste à ajouter un alinéa 1bis modifiant la LIP 2015, soit la loi 11470.
Mis aux voix, cet amendement (création d'un alinéa 1bis à l'article 2 souligné) est adopté par 62 oui contre 28 non (vote nominal).
Mis aux voix, l'al. 2 (loi sur la police, du 26 octobre 1957 - F 1 05) est adopté, de même que l'al. 3 (loi sur l'organisation et le personnel de la prison, du 21 juin 1984 - F 1 50).
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 3 (souligné) est adopté.
Troisième débat
Le président. Je passe maintenant la parole à ceux qui l'ont demandée.
Une voix. Ça ne marche pas !
Une autre voix. C'est bloqué !
Le président. Le système informatique est bloqué. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, je vais vous passer la parole et nous verrons comment nous procéderons au vote. Mme Haller, puis M. Aumeunier avaient demandé la parole, si je ne m'abuse. Madame Haller, vous avez la parole.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites et certaines méritent d'être corrigées. Tout à l'heure, on a prétendu que le Grand Conseil usurpait la fonction de patron du personnel de la fonction publique. De quoi s'agit-il en fait ? Il s'agit ici de modifier la loi; jusqu'à preuve du contraire, ceci est un organe législatif et je ne vois pas en quoi nous sortons de notre champ de compétences. Cela étant dit, dans son rapport, le rapporteur de minorité a établi une distinction entre les légalistes et ceux qui seraient attachés aux principes de gestion des ressources humaines. La question que j'aimerais lui poser est la suivante, vous transmettrez éventuellement, Monsieur le président: qu'est-ce qui empêche les uns d'être attachés aux mêmes principes que les autres ? En quoi la défense du droit ne serait pas compatible avec les principes de gestion des ressources humaines ? Parce qu'il est question ici de la réintégration de personnes qui ont été injustement licenciées ! Et peut-être qu'il faudrait que les tribunaux s'en occupent - et il ne s'agit pas de dire que les tribunaux deviendraient à leur tour les patrons de la fonction publique - car lorsqu'il y a une violation du droit et qu'on a licencié illégitimement quelqu'un, s'il n'y a que les tribunaux pour réintégrer cette personne dans ses droits, il faudra bien passer par là ! Ce que nous cherchons aujourd'hui avec ce projet de loi - quand je dis aujourd'hui, c'est depuis bien longtemps - c'est que le droit prévoie une possibilité de réintégration, non seulement pour donner réparation à celui qui a été victime d'une injustice, mais aussi pour donner un signal en matière de gestion des ressources humaines, en signifiant aux cadres qu'il faut faire attention, que cet outil est sensible et qu'il ne faut pas l'utiliser à mauvais escient. C'est à cela que ce projet de loi vous appelle et c'est pourquoi je vous invite à soutenir non seulement les amendements, mais aussi le rapporteur de majorité. Je vous remercie de votre attention.
M. Christophe Aumeunier (PLR), député suppléant. Comme cela a été dit, aujourd'hui la Cour de justice peut proposer la réintégration; lorsque l'administration la refuse, une indemnité est fixée et allouée au collaborateur. Ce projet de loi veut instaurer une obligation de réintégration, et ce n'est pas chez nous une question de principe ou de dogme que de refuser ce principe d'obligation de réintégration. Nous nous y opposons pour des raisons factuelles: au fond, il y a une rupture du lien de confiance. Or celui-ci est essentiel dans tout le droit suisse; dans le droit du travail et le droit administratif, ce qui lie l'employeur et l'employé, c'est le lien de confiance. Au-delà de cela, l'ensemble des responsables des ressources humaines que nous avons auditionnés nous ont dit et répété qu'il y a des difficultés à la réintégration. Mais, Mesdames et Messieurs, et surtout Mesdames et Messieurs de la gauche, ce n'est pas seulement l'employeur qui rencontre ces difficultés, c'est aussi l'employé ! L'employé qui se retrouve dans un milieu qui ne veut plus de lui dans certains cas ! Comment cet employé va-t-il vivre cette situation ? Comment l'ancien fonctionnaire va vivre son retour au travail après une procédure de deux ans ? Deux ans pendant lesquels il ne sait pas s'il va revenir. Pire encore: il reste pendant deux ans, soit toute la durée de la procédure, sans savoir s'il va pouvoir rester. Ce n'est sain pour personne ! Au fond, le licenciement permet de tourner la page et permet à chacun de repartir de son côté et de refaire sa vie professionnelle. La réintégration telle que prévue ici est contraire à ce que font les autres cantons suisses, contraire à ce que fait la Confédération et contraire à la politique voulue par le Conseil d'Etat qui souhaite alléger le statut de la fonction publique. Cela vous a été dit tout à l'heure, vous ne contribuez pas aux efforts fournis par l'Etat de Genève pour rendre ses collaborateurs épanouis et pour faire en sorte que ceux-ci fonctionnent de manière optimale. Pour ces raisons, c'est le refus de ce projet de loi que le PLR vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le système informatique fonctionne à nouveau. Ceux qui veulent prendre la parole peuvent se manifester. (Un instant s'écoule.) Monsieur Sormanni, c'est à vous.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que je trouve assez logique l'idée qu'un collaborateur quel qu'il soit puisse être réintégré après avoir fait l'objet d'un licenciement dont l'employeur estime qu'il était justifié mais dont la justice a conclu qu'il ne l'était pas; des solutions pourront d'ailleurs certainement être trouvées. (Remarque.) Malheureusement, cela arrive aussi dans le secteur privé et, que l'employé ait raison ou non, il se retrouve finalement dehors avec une indemnité, et vous savez à quoi cela aboutit en général: ce sont des gens qui finissent au chômage ou qui, entre guillemets, finissent leur carrière au chômage. Quand c'est injustifié, c'est injustifié ! On doit pouvoir permettre la réintégration et je me réjouis de ce projet. Par ailleurs, non seulement ces cas sont extrêmement rares, cela a été dit, mais en plus l'Etat est suffisamment grand pour trouver des solutions de réintégration d'un collaborateur qui aurait subi un licenciement injuste et reconnu comme tel par les tribunaux. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons cette modification législative, et je vous invite à faire de même.
M. François Baertschi (MCG). Comme l'a relevé mon préopinant, actuellement on constate dans la vie réelle que dans un certain nombre de départements et d'entités publiques, il existe des problèmes notamment de mobbing et de personnes licenciées de manière inacceptable. Le rapporteur, M. Dandrès, connaît d'ailleurs bien cette question et se bat pour beaucoup de personnes dans la république, il faut le reconnaître. Il faut améliorer le mode de gestion de ce genre de conflit, et ce qui vous est proposé par le rapporteur de minorité ira dans ce sens.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Gabriel Barrillier pour une minute cinquante.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, chers collègues, ce qui se passe à la commission ad hoc sur la fonction publique m'interpelle. Certains partis politiques, notamment l'Union démocratique du centre, prônent la souplesse et une amélioration de l'efficacité de l'Etat. Là, nous nous trouvons face à un cas pratique, et je me situe au-dessus de la problématique de la réintégration ou de la non-réintégration. D'ailleurs, j'aime mieux vous dire que, dans le secteur privé, une petite ou moyenne entreprise... Monsieur Fazio, si on vous obligeait à réintégrer un de vos travailleurs pour différents motifs, je crois que vous ne seriez pas très satisfait. (Remarque.) Actuellement, il existe une possibilité de verser une indemnité. A l'Etat, sauf erreur, cette indemnité est versée sur une période variant de 6 à 24 mois... (Remarque.) C'est bien cela ? (Remarque.) 6 à 24 mois, je crois ! Vous vérifierez, Monsieur le conseiller d'Etat. Alors que dans le privé, sauf erreur, c'est maximum 6 mois. (Remarque.) Vous prônez la souplesse et l'efficacité - je vous regarde vous ! - et vous vous alliez avec la gauche ! (L'orateur désigne les bancs de l'UDC.) Il y a une alliance avec l'UDC pour éviter toute souplesse, toute amélioration dans l'efficacité du fonctionnement de l'Etat ! Je ne comprends pas cette alliance, notamment du côté de l'UDC, je voulais vous le dire. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). J'ai l'impression que nos débats dérapent un peu et que la dernière intervention s'éloignait du sujet. Celle-ci relevait plutôt de ce qui se négocie généralement dans la salle des Pas-Perdus. Ce dont il est question, c'est de cette possibilité de réintégrer des personnes injustement licenciées, et j'insiste sur cet aspect-là. Dire aujourd'hui que faire réparation d'une injustice serait un obstacle à la souplesse et à la nécessaire fluidité des services est tout simplement une aberration ! Nous parlons de choses différentes. On mentionne le versement d'une indemnité à une personne qu'on a injustement sanctionnée et qu'on risque bien, comme l'a dit tout à l'heure M. Sormanni, de condamner au chômage parce qu'elle aura de la peine, selon son âge et son profil, à retrouver un emploi. Et qu'est-ce qu'on fait ? On lui remet une indemnité ! En fait, c'est s'acheter une bonne conscience; finalement, cela ne répare pas l'injustice et cela prétérite l'avenir de la personne qui fera les frais de cette procédure. Ce dont il est question, c'est de l'établissement de règles qui rendent les cadres attentifs, et là, il s'agit d'efficacité, de correction et d'intégrité dans l'application des règles des ressources humaines afin d'éviter la reproduction de ce type de situation. Je ne vois pas en quoi cela serait contraire à l'intérêt de l'Etat. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Vous transmettrez à M. Barrillier qu'il confond souplesse et injustice. (Remarque.) Parce qu'il ne faut pas du tout voir ce genre de choses... On a des cas par exemple de résidents genevois qui se font licencier par des cadres frontaliers... (Rires. Commentaires.) Ça arrive ! Ça arrive dans de nombreuses entités publiques, voire dans l'administration centrale. Un certain nombre de cas sont tout à fait scandaleux et nous, le MCG, nous ne pouvons les accepter ! (Brouhaha.)
M. Eric Stauffer (MCG). En complément de ce que mon collègue vient de dire, quand il y a un licenciement, évidemment du point de vue de l'Etat employeur, c'est toujours pour de justes motifs. Quand les tribunaux désavouent l'Etat employeur, il serait quand même fort de café, Mesdames et Messieurs, que cet employé paie sa vie durant une erreur reconnue par un tribunal. Il faut donc, bien entendu, que cette personne puisse être réintégrée. Sinon, cela veut dire que nous ne serions plus dans un Etat de droit, mais que l'arbitraire serait la référence et que n'importe quel petit chef improvisé dans l'Etat et se prenant pour un Napoléon pourrait mettre quelqu'un à la porte parce qu'il y a un délit de sale gueule ! Cet employé se défendrait, aurait gain de cause et ne pourrait pas être réintégré ! Voulez-vous vraiment, Mesdames et Messieurs les députés, vous opposer à un projet de loi qui permet de contrer ces décisions arbitraires ? (Remarque.) Le MCG répond résolument non, parce que oui, ces gens doivent être réintégrés lorsque la justice tranche dans ce sens !
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même répondre. En effet, l'UDC a privilégié une lecture juridique de ce projet de loi, se basant sur la LPAC, article 31, alinéas 2 et 3. Je cite l'alinéa 3: «Si la chambre administrative de la Cour de justice retient que la résiliation des rapports de service est contraire au droit, elle peut proposer à l'autorité compétente la réintégration.» Pour notre groupe, c'est une question de justice et c'est pour cette raison que nous soutiendrons ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de minorité. Je souhaiterais faire deux remarques à propos de l'intervention de Mme Haller. D'une part, je suis parfaitement capable de concilier la défense du droit et la gestion intelligente des ressources humaines, mais je ne crois pas que ce soit ce que nous faisons ce soir. (Remarque.) D'autre part, nous ne parlons pas ce soir de possibilité de réintégration, comme cela a été mentionné, mais d'obligation de réintégration, ce qui n'est pas du tout la même chose. Je rappelle, on l'a dit et cela figure dans les rapports, que depuis 2007, aucun cas de licenciement pour motifs infondés avec possibilité éventuelle de réintégration ou versement d'une indemnité ne s'est présenté. Je ne vois pas pourquoi il faudrait tout soudain légiférer alors que depuis si longtemps aucun cas ne s'est produit. Si un cas se présentait, la solution actuelle peut prévaloir, dans la mesure où elle offre la possibilité soit d'une réintégration, soit du versement d'une rémunération qui n'est pas des moindres, puisqu'elle atteint 24 mois de salaire.
Un député PLR s'est étonné tout à l'heure de l'alliance MCG-UDC-gauche-extrême gauche; elle ne m'étonne pas puisqu'on la voit assez souvent. En ce qui me concerne, ce qui m'étonne le plus, c'est que je connais quelques entrepreneurs au sein du MCG et de l'UDC, des entrepreneurs qui gèrent leur entreprise de façon tout à fait satisfaisante, semble-t-il, et je serais curieux de savoir quelle serait leur réaction si après le licenciement d'un collaborateur, le Tribunal des prud'hommes pouvait leur imposer - cela pourrait faire l'objet d'une modification de la loi, éventuellement - de réintégrer ce collaborateur après deux ans de bagarre, voire plus, devant les prud'hommes. (Remarque.) En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de refuser catégoriquement ce projet de loi et de laisser au Conseil d'Etat son rôle de patron et de gestionnaire de la fonction publique. Je vous remercie.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. J'évoquerai trois éléments. En premier lieu, je crois qu'une clarification doit être apportée concernant les propos de M. le conseiller d'Etat, selon lequel on empiéterait sur les prérogatives du Conseil d'Etat avec ce projet de loi. Que nenni ! On ne parle pas du tout de cela ! Vous verrez dans le rapport que l'amendement général ne modifie pas la loi sur l'aéroport international, par exemple, qui prévoit que la compétence d'édicter le statut de la fonction publique est une prérogative du conseil d'administration. Là, l'amendement général modifie la loi existante et c'est une compétence de notre parlement et non une compétence du Conseil d'Etat. L'amendement ne parle pas de la manière dont les équipes doivent fonctionner dans les services. Ce point est absolument capital. En droit privé, qui semble être l'horizon indépassable d'un certain nombre de députés PLR et du Conseil d'Etat, vous constaterez aussi que la question de la résiliation des rapports de travail est traitée dans le Code des obligations, loi votée par les Chambres fédérales. L'amendement concerne des éléments essentiels qui doivent figurer dans une loi au sens formel, et c'est ce que propose l'amendement général.
Ensuite, concernant la remarque que vient de faire le rapporteur de minorité, M. Guinchard, sur la réintégration au sein de petites et moyennes entreprises, la comparaison ne tient pas: dans le cas qui nous occupe, la réintégration ne se fera pas nécessairement au même poste de travail, mais au sein de la fonction publique au sens large. Dans cette fonction publique que vous dénoncez régulièrement comme étant pléthorique, il existe des possibilités de trouver des postes ailleurs. On ne peut en outre pas présenter la perte de la confiance pour refuser cet amendement; je pense que dans une petite entreprise familiale, la réintégration peut paraître difficile, mais au sein d'un secteur public qui compte 16 000 personnes, cela semble tomber sous le sens.
Enfin, sur la question soulevée par M. Barrillier concernant les coûts de l'indemnité, le projet de loi - l'amendement général - s'il était adopté, serait au contraire de nature à réduire l'impact financier d'un licenciement pour une raison simple: s'il y a réintégration, il n'y a pas d'indemnité versée, alors qu'aujourd'hui, l'indemnité peut aller jusqu'à deux ans de salaire ! En somme, ce que prévoit cet amendement, c'est de faire en sorte que la loi soit respectée, qu'il n'y ait pas de licenciement infondé, donc pas de licenciement de personnes qui n'auraient pas manqué à leurs obligations et qui travailleraient correctement, ce qui est quand même le minimum.
Par ailleurs, il faut rappeler aussi que d'un point de vue historique, à une époque, le licenciement n'était possible que pour des motifs objectivement fondés. Depuis, on a assoupli la loi et aujourd'hui le licenciement est possible pour des motifs fondés, et il y a deux ans de période probatoire. Donc, si l'administration, après ces deux années de période probatoire et après la nomination, viole la loi en licenciant une personne qui travaille très bien, je pense qu'il y aurait une volonté manifeste des ressources humaines de ne pas respecter le cadre légal, ce qui ne serait pas acceptable. C'est pour cela que ce projet de loi a une vertu principalement préventive. Les statistiques fournies par l'office du personnel de l'Etat le confirment, puisqu'elles indiquent que, jusqu'à présent, les recours portés devant la Cour de justice n'ont pas abouti à ce que celle-ci constate que les motifs des licenciements en cause étaient infondés. En cas de violation du droit d'être entendu et du principe de proportionnalité notamment, le système restera rigoureusement identique à ce que l'on connaît aujourd'hui. Nous ne sommes donc pas en train de parler d'une révolution profonde; il est simplement question de faire en sorte que les services des ressources humaines soient tenus de faire correctement leur travail.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer pour trente secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Juste une question, il y a un troisième... ?
Le président. Nous sommes en troisième débat, Monsieur Stauffer.
M. Eric Stauffer. C'est cela, je prends donc la parole maintenant. Merci, Monsieur le président. Je souhaite réagir aux propos du rapporteur de minorité. Vous aurez remarqué, Monsieur le président, que je suis resté très institutionnel dans mon argumentaire. Je n'ai pas parlé d'alliance des uns ou des autres, mais simplement du respect de la personne qui aurait subi l'arbitraire d'un licenciement confirmé par un tribunal. Alors je le répète, Mesdames et Messieurs les députés, si vous ne soutenez pas ce projet de loi... (Remarque.) ...cela équivaut à dire que vous plébiscitez l'arbitraire lorsqu'un tribunal s'est prononcé...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. ...sur un licenciement abusif ! Je demande le vote nominal. Merci, Monsieur le président. (Remarque.)
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas d'arbitraire ! Il n'y en a pas ! On sait que depuis 2007 en tout cas, il n'y a eu absolument aucun cas qui relèverait de la problématique dont on discute aujourd'hui. Je voudrais aussi contester les propos que le député Baertschi a tenus. A l'entendre, il y aurait des licenciements abusifs en masse, de surcroît perpétrés par des frontaliers. Evidemment, il faut s'élever et s'inscrire en faux contre de telles affirmations: les chiffres le montrent parfaitement, la réalité ne correspond absolument pas à ce que vous décrivez, Monsieur Baertschi ! Je voudrais saluer au contraire le travail tout à fait remarquable effectué par nos services RH.
J'aimerais ajouter que tout à l'heure, je ne contestais pas, bien entendu, le pouvoir du Grand Conseil à légiférer, mais je voulais simplement vous rendre attentifs au fait qu'en votant de pareilles dispositions, vous conférez en revanche aux juges des compétences qui ne sont visiblement pas les leurs. L'organisation de l'administration appartient au Conseil d'Etat. Vous voulez peut-être attirer davantage de compétences vers le Grand Conseil, mais en tout état de cause, ce n'est certainement pas à la justice qu'il faut les confier. Je vous invite donc, au nom du Conseil d'Etat, à refuser ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais voter l'assemblée sur l'ensemble de ce projet de loi.
La loi 7526 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 7526 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 33 non et 3 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Je salue à la tribune notre ancien collègue, M. Bernard Clerc, qui a siégé sur les bancs de l'Alliance de gauche. (Remarque. Applaudissements.)