République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1940-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Pharmacie publique aux HUG = Mort programmée des pharmacies de quartier
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 15 et 16 octobre 2015.
Rapport de majorité de M. Jean-Marie Voumard (MCG)
Rapport de minorité de M. Stéphane Florey (UDC)

Débat

Le président. Pour l'objet suivant, la parole est tout d'abord au rapporteur de majorité, M. Jean-Marie Voumard.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette pétition rend attentif à la mort programmée des pharmacies de quartier. Elle repose sur de bonnes bases, mais est devenue par la suite une pétition plutôt politico-commerciale. Je m'explique. Face à l'audition de trois députés comme pétitionnaires, puis d'un autre député pour faire suite à une demande d'audition, et enfin à l'étude du texte aujourd'hui en assemblée plénière, il y aurait peut-être des questions à se poser sur le traitement des pétitions par rapport au citoyen lambda. Autres points: cette pétition demande simplement au Conseil d'Etat et à la Ville de Genève de «renoncer [au] projet d'ouverture de la pharmacie publique aux HUG qui établirait une concurrence déloyale et ne répond à aucun besoin prépondérant». Lors des auditions effectuées par la commission, tant l'IMAD... (Remarque.) ...que l'hôpital, bien sûr, étaient en faveur de cette pharmacie, et la majorité des partis de la commission a indiqué que tout répondait à un besoin prépondérant. En effet, si vous sortez de l'hôpital d'une manière anticipée, si vous vous trouvez en rupture thérapeutique, de médicaments, avec cette pharmacie, vous aurez le loisir d'être soigné en conséquence. Cette pétition a été traitée par la suite par rapport aux actionnaires, nous avons délibéré sur la raison du choix de telle ou telle pharmacie. Une motion a été déposée, ce sujet pourra être discuté dans le cadre de cette motion, mais concernant cette pétition, la majorité de la commission vous demande de la déposer sur le bureau du Grand Conseil.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Laissez-moi vous parler du revers de la médaille dans ce projet. Avec ce dossier, on nage dans l'opacité la plus totale. Il s'agit d'un projet dont la légalité reste à prouver. Le règlement sur les institutions de santé est pourtant clair: la pharmacie doit avoir une entrée sur la voie publique et être clairement séparée de tout autre commerce ou institution de santé. En intégrant une pharmacie dans l'hôpital, on déroge nettement à ce règlement. Il y a ensuite le problème des appels d'offres: ce projet n'en a fait l'objet d'aucun, ce qui est plutôt surprenant de la part d'une régie publique. Là aussi, la loi sur les marchés publics n'a pas été respectée. La question de l'actionnariat à cette nouvelle pharmacie est plus que douteuse: seuls les membres de PharmaGenève pourront en acquérir des actions; cela obligerait les non-membres d'adhérer à PharmaGenève, ce qui est contraire à la liberté d'association. Restent enfin les déclarations du président de PharmaGenève en commission, qui se confondent avec le courrier que vous trouvez en annexe de mon rapport: elles sont totalement contradictoires et démontrent le but réel de cette nouvelle pharmacie, c'est-à-dire créer un abus de position dominante, une captation de clients, en un mot, un monopole, ce qui, pour la minorité, est inacceptable et représente un risque économique évident pour l'ensemble de la profession. C'est pourquoi la minorité vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le conseiller d'Etat, chers collègues, je ne reviendrai pas sur les problèmes déjà annoncés à propos de ce dossier, c'est-à-dire les soumissions AIMP qu'on n'a pas accomplies, le règlement d'application K 2 05.06 de la santé qui n'est pas respecté, les forfaits DRG qui englobent déjà les médicaments et annulent donc complètement l'aspect pratique, et la passerelle dont PharmaGenève a menacé les non-membres de ne pas pouvoir disposer, contrairement à tout ce que cette association a annoncé. (Remarque.) Je me permettrai en revanche de vous lire une partie d'un article paru aujourd'hui dans «L'AGEFI», où les fondateurs mêmes de PharmaGenève, soit la Pharmacie principale, s'expriment: «Si les autorités cantonales pensent que cette association est représentative des pharmaciens à Genève, c'est une erreur: elle est avant tout représentative du groupe Amavita, qui possède près de 40% des voix, et dont le président est un ancien pharmacien indépendant que le groupe a racheté.» Je vous cite un deuxième extrait: «L'association table sur un chiffre d'affaires de 2 millions de francs par année. C'est impossible: même en ne faisant rien, cette pharmacie rapportera bien davantage. A titre personnel, je pense qu'une telle officine peut rapporter plus de 40 millions de chiffre d'affaires par année.» Cela fait quand même un différentiel intéressant !

Maintenant, j'aimerais vous dire comment les membres de PharmaGenève financent l'association. Normalement, une cotisation de quelques milliers de francs par année est prélevée par pharmacie membre, ainsi qu'une cotisation sur la masse salariale des employés reversée à PharmaGenève par la FER. Sachez bien que le groupe Amavita, lui, ne paie pas de cotisation à PharmaGenève et ne paie que sur la masse salariale, ce qui lui permet finalement d'augmenter sa part de votes au sein de l'association et d'arriver aux 40% qui lui auront permis d'obtenir ce résultat lors de la consultation, consultation qui a exclu un tiers des pharmacies genevoises. Enfin, pour votre information, j'aimerais aussi vous dire que l'actionnaire principal d'Amavita est Boots, et pour votre information, cet actionnaire est basé dans le Delaware. J'espère que cela parlera à certains d'entre vous, et peut-être cela suggérera-t-il au Conseil d'Etat qui s'est fait prendre la main dans le pot de confiture de déléguer aussi ses primes dans le Delaware: ce sera peut-être une solution. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Sarah Klopmann (Ve). Nous comprenons bien le souci des pétitionnaires: en effet, le fonctionnement de cette future pharmacie est encore très obscur, il semble qu'il y ait pas mal de conflits d'intérêts, et en plus, il y aura aussi un problème de captivité des clients. Normalement, les personnes devraient partir de l'hôpital avec des médicaments pour un ou deux jours ou pour le week-end, c'est d'ailleurs compris dans le forfait d'hospitalisation, mais dans ce cas, on fera directement descendre l'ordonnance dans cette pharmacie. Sachant que les HUG sont le plus grand prescripteur du canton, on peut comprendre la crainte de concurrence déloyale qu'éprouvent les pétitionnaires.

Mais surtout, il y a un vrai problème de fond, celui du prescripteur vendeur: on perd le deuxième contrôle qui s'opère à la pharmacie, et le libre choix de la pharmacie se trouve amoindri. Surtout, on observe un risque d'extension de ce principe du prescripteur vendeur: une fois qu'on l'aura admis dans ce cas, il sera difficile de le refuser ailleurs; c'est très dommageable pour la santé publique et aussi pour la liberté de choix, surtout quand on sait que le domaine pharmaceutique, en Suisse notamment, est sclérosé par les lobbies et aussi les échanges de bons procédés - pour le dire poliment; et ça, c'est vraiment très néfaste. De plus, évidemment, si l'on vend les médicaments, on a aussi tendance à les prescrire davantage, ce que je déplore.

Malgré tout cela, l'ouverture de cette pharmacie publique présenterait un avantage indéniable: c'est effectivement un service à la population qu'on ne saurait nier; il est quand même assez agréable de savoir en tout temps où est la pharmacie de garde, et quand on sort des urgences, notamment pédiatriques, où l'on a passé des heures avec ses enfants, on est content de pouvoir aller acheter les médicaments sans devoir tourner dans tout le canton, c'est vrai. Du fait de ces avantages, une très large majorité de notre groupe est en faveur de ce projet.

Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président

Néanmoins, nous allons tenter de le modifier par la motion qui actuellement se trouve à la commission de la santé, motion qui a exactement le même titre, exactement le même texte; j'avais d'ailleurs suggéré que nous traitions les deux sujets en même temps, mais la commission des pétitions a préféré qu'on fasse le travail à double; nous le referons donc à la commission de la santé. Dans cette dernière commission, nous allons proposer plusieurs amendements, notamment pour qu'il n'y ait pas de parapharmacie dans cette pharmacie, puisqu'on nous vante les mérites de l'accessibilité aux médicaments quand on sort de l'hôpital. La présence de parapharmacie formerait une concurrence déloyale et injuste. Nous essaierons aussi de faire en sorte que la gestion soit soumise à un vrai appel d'offres, public, et surtout que cette gestion soit confiée...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Sarah Klopmann. Merci, Monsieur le président. ...à un groupe indépendant, et indépendant des HUG aussi. Nous tenterons d'obtenir que les ordonnances ne descendent pas directement des services de l'hôpital à cette pharmacie, qu'il n'y ait pas de réduction d'employés; et nous étudierons aussi la possibilité que cette pharmacie n'ouvre qu'aux heures de garde: en effet, si l'intérêt de cette pharmacie réside dans la nécessité d'heures de garde, pourquoi ne pas l'ouvrir que pendant ces heures ? Les Verts soutiennent donc le dépôt de cette pétition...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Sarah Klopmann. ...mais le projet est quand même à recadrer. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). En réalité, cette pétition fait état d'un certain nombre de problèmes, et pour nous, il est important de lui consacrer toute l'attention requise, parce qu'on ne saurait traiter cette question en la balayant du revers de la main et considérer qu'on peut, dans un établissement public, dans une propriété de l'Etat, offrir au fond une situation de privilège à un groupe pharmaceutique. Ce d'autant plus qu'outre cet élément-là, qui constitue véritablement un grave problème et, quelque part, une forme de détournement de biens sociaux - au sens où cet établissement en retirerait un certain nombre de bénéfices - on a aussi affaire à un autre problème posé par le lien entre le chiffre d'affaires et le loyer: finalement, on pourrait risquer de se retrouver dans une situation où on pousserait les gens à la consommation, parce qu'il faudrait que les uns encaissent un loyer plus important et que les autres puissent l'honorer; or, c'est un problème qui ne devrait rien avoir à faire avec la santé des personnes qui aujourd'hui sont atteintes dans leur intégrité personnelle. (Brouhaha.)

Par ailleurs, il y a quelques années, on a introduit des systèmes visant à favoriser le lien entre le pharmacien et les patients; on a introduit des taxes pour ce faire, parce qu'il fallait qu'on connaisse bien les gens, leurs pathologies; et aujourd'hui, que nous propose-t-on ? Une forme de concentration du marché, des gens que vous ne verrez plus ensuite, mais chez qui néanmoins vous aurez acheté, dans l'urgence, vos médicaments, ce qui vous dispense d'aller dans votre pharmacie de quartier, chez votre pharmacien, établir la suite de cette relation et y chercher les médicaments dont vous avez besoin. Cette pétition signale donc d'importants problèmes qu'on ne saurait négliger: c'est pourquoi notre groupe recommandera le renvoi au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention.

M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en ce qui concerne le PLR, je dois dire que nous sommes bien sûr particulièrement intéressés par ce projet de pharmacie à l'hôpital: il amène une approche novatrice sur plusieurs aspects, notamment celui de la délivrance de certaines prestations. Néanmoins, je dois dire que nous sommes un peu surpris de la manière dont le mandat potentiel a été attribué: comme le rapporteur de minorité l'a déjà dit, on n'a eu recours ni à un marché public ni à un appel d'offres élargi, ce qui nous dérange profondément. De plus, nous avons posé en commission plusieurs questions - je n'étais certainement pas le dernier à le faire - qui soit sont restées sans réponse, soit ont fait l'objet de réponses en clair-obscur. Ces questions concernaient entre autres le cahier des charges: quel est-il ? A ce jour, nous n'avons pas reçu de document qui y ressemble plus ou moins. Quelle est la base contractuelle ? Nous n'avons toujours rien reçu non plus en réponse. Quelles sont les limites de la collaboration qu'on entend établir avec les HUG, en d'autres termes, cette collaboration pourrait-elle avoir un impact notamment financier, puisqu'on parlait de développer une approche qui, encore une fois, est particulièrement louable, la relation entre le monde médical et celui de la pharmacie ? On nous a dit qu'on voulait développer un certain nombre de choses dans le domaine de la formation: là aussi, la question est de savoir s'il y aura des impacts notamment financiers pour l'Etat. Est-ce que l'Etat aura des prestations à fournir ? A ce propos également, nous n'avons pas reçu de réponse claire. Bref, pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il faut encore travailler sur le dossier, et je propose que ce Grand Conseil renvoie cette pétition à la commission de la santé, qui, comme nous l'avons dit plus tôt, et en plus du fait qu'elle va se voir saisie d'une motion relative à ce sujet, devrait pouvoir approfondir ce travail. Merci de votre attention. (Quelques applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Stéphane Florey, à propos du renvoi en commission.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Il est effectivement préférable de renvoyer la pétition à la commission de la santé pour pousser plus loin les investigations effectuées par la commission des pétitions, puisque bon nombre de points ne sont pas encore clairs, notamment les éléments nouveaux développés aujourd'hui par le député Bläsi. Il y a encore de nombreux problèmes à régler et il serait bien évidemment plus sage de renvoyer la pétition à la commission de la santé. Je vous remercie.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. La majorité que je représente refusera ce renvoi en commission, étant donné qu'une motion traite du même sujet et de la question de l'attribution du marché public. Cela n'a rien à faire avec la pétition, qui parle de l'ouverture de cette grande surface pharmaceutique à l'hôpital.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur le conseiller d'Etat, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi à la commission de la santé ?

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les mêmes qui, il y a un instant, prônaient une certaine retenue de l'Etat s'agissant de relations dans le domaine privé vous demandent aujourd'hui un interventionnisme étatique dans un domaine qui relève exclusivement de l'autonomie des Hôpitaux universitaires de Genève. Mais il est vrai - et c'est pour cela que je m'exprime - que cette pharmacie non pas des HUG, mais au sein des HUG, vouée à être exploitée par PharmaGenève, qui a très majoritairement accepté son principe à sa dernière assemblée générale, par 140 votes pour, 35 contre et 5 votes blancs, il est vrai, donc, que cette pharmacie est amenée à jouer un rôle dans la politique publique de la santé. Pour ma part, j'aimerais savoir quels sont les sous-marins économiques qui essaient de torpiller ce beau projet qui est dans l'intérêt de la population. Sous le couvert de l'intérêt public, certains essaient, dans le cas particulier, de favoriser des intérêts privés.

Rappelons simplement, pour la bonne forme, pourquoi les Hôpitaux universitaires de Genève, en lien aussi avec la direction générale de la santé, ont imaginé à juste titre d'offrir à la population un lieu qui soit ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept et trois cent soixante-cinq jours par année, qui forme la pharmacie de garde de référence, suffisamment approvisionnée pour pouvoir répondre en tout temps aux besoins des patients du canton, le lieu où l'on peut aller n'importe quand, à tout moment de l'année, pour chercher les médicaments dont on a besoin. Ses missions sont bien sûr la fourniture des médicaments de sortie: des personnes quittent l'hôpital parfois en fin de journée, sans avoir forcément les médicaments nécessaires; ils ont à ce moment-là à portée de main une pharmacie qui peut leur mettre à disposition les médicaments dont ils ont besoin durant les premiers jours, et ensuite, bien sûr, ces patients s'adresseront à leur pharmacien de quartier habituel, raison pour laquelle il ne s'agit pas d'une concurrence ciblée sur les pharmacies de quartier, bien sûr que non; d'ailleurs, il est même prévu que PharmaGenève rachète la pharmacie de la Roseraie, qui serait directement confrontée à la présence de cette pharmacie au sein des HUG, tout en reprenant le personnel de cette pharmacie afin qu'il n'y ait pas de dommages. Je disais donc une ouverture sept jours sur sept, une collaboration avec la pharmacie hospitalière des HUG, qui, elle, est une pharmacie interne, non pas ouverte au public, mais destinée aux patients hospitalisés, avec possibilité de recevoir des explications en temps réel, extrêmement court lorsqu'un patient a besoin d'une préparation particulière qu'une pharmacie ordinaire ne serait peut-être pas en mesure de remettre dans des temps aussi brefs. Cela permet aussi de développer un volet académique... (Remarque.) ...ce qui intéresse l'ensemble des pharmaciens du canton de Genève, par une collaboration avec la section des sciences pharmaceutiques de l'Université de Genève.

On nous propose aujourd'hui de renvoyer cet objet en commission: or, il existe de toute façon une proposition de motion... (Commentaires.) ...qui est pratiquement un copier-coller de ce qui vous est présenté ici; simplement, c'est une motion au lieu d'une pétition. On peut en reparler; ce que j'aimerais simplement, c'est que dans ce parlement, on soit bien au clair et qu'on ne se fasse pas instrumentaliser pour un prétendu intérêt public, alors que manifestement ce sont des intérêts privés qui s'expriment. J'ai entendu le PLR dire que l'attribution de cette pharmacie a eu lieu dans des conditions discutables, sans respect des règles de concurrence: mais excusez-moi, l'attribution des marchés publics est évidemment subordonnée à l'attribution d'un marché; or, les HUG n'attribuent pas un marché, ils louent simplement des locaux. Il n'y a pas de prestation rémunérée par les HUG à cette pharmacie... (Commentaires.) Cette pharmacie offre des prestations à la population. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Nous ne sommes évidemment pas, ici, dans le cadre de marchés publics. (Commentaires.) Je ne vois donc absolument pas où se trouve une concurrence déloyale dans ce domaine. Il est clair que les pharmacies avoisinantes peuvent être touchées par une atteinte au chiffre d'affaires, mais je vous signale que de gros groupes pharmaceutiques s'installent chaque année dans notre canton en totale légalité, mangent - en termes économiques - les petits pharmaciens sans que l'Etat puisse rien y faire. Si demain l'un de ces grands groupes pharmaceutiques décide d'acheter un immeuble devant les HUG et d'y créer une pharmacie, l'Etat ne pourra évidemment rien y faire, et ce sera pire, puisque nous n'aurons aucune contre-prestation à exiger; or ici, l'Etat exige que cette pharmacie offre des prestations de qualité à la population, comme je l'ai dit il y a un instant. En conséquence, Mesdames et Messieurs, je vous demande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et surtout de ne pas la renvoyer en commission. Si des débats doivent encore avoir lieu sur le sujet, ils seront menés à propos de la motion qui est encore pendante. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur le renvoi de cette pétition à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 1940 à la commission de la santé est rejeté par 43 non contre 34 oui et 1 abstention.

Le président. La parole est à M. le député Pascal Spuhler.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition présente quand même un petit problème quant à nos travaux. Deux députés s'opposent directement par le biais de ce texte; ils sont directement concernés professionnellement, ce qui est un peu gênant: c'est vraiment une affaire politico-commerciale, comme le disait le rapporteur de majorité. (Brouhaha.) Maintenant, les auditions nous ont montré quelques points intéressants à propos de cette pharmacie, censée tout de même - il y a eu des engagements - ne pas vendre de parapharmaceutique. Elle présente plusieurs avantages: on a une réponse directe, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à la sortie des urgences, ce qui évite à tous ceux qui les fréquentent et qui doivent sortir blessés ou malades de chercher la pharmacie de garde, qui ne se trouve pas forcément dans le quartier où ils habitent. Deuxièmement, l'IMAD: elle nous a affirmé le bien-fondé de cette pharmacie et son intérêt pour elle. Vous connaissez tous le travail énorme de l'IMAD et la qualité de ce travail. Je pense qu'on peut leur faire confiance sur ce point-là. Ainsi, Mesdames et Messieurs, nous avons été un peu gênés, au MCG, à propos de cette pétition, et vu les points positifs que cette pharmacie amène en faveur de la population, nous décidons de la déposer sur le bureau du Grand Conseil.

M. Christian Frey (S). Le projet d'une pharmacie publique non rattachée aux HUG, mais qui se situe à proximité immédiate, présente manifestement un intérêt public prépondérant. Imaginez-vous simplement - et cela a été mentionné lors de nos discussions au sein de la commission - de vous retrouver en ambulatoire à deux heures du matin, après être allé aux urgences avec votre enfant, à chercher un endroit où trouver des médicaments pour le week-end. (Brouhaha.) La responsable des prestations de l'IMAD, Mme Moine, que nous avons auditionnée, a dit que c'était très important pour eux, et que les collaboratrices de l'IMAD ont autre chose à faire que de passer la nuit à chercher une pharmacie de garde ouverte, voire à aller acheter elles-mêmes les médicaments pour des personnes qui ne pourraient pas se déplacer et dont elles auraient la charge. Par ailleurs, le projet de collaboration avec l'université, la création d'un centre de compétences et le financement de deux postes de doctorants sont intéressants et ne peuvent être que bénéfiques pour Genève. Beaucoup de discussions ont tourné autour d'une prétendue lettre de menaces écrite par le président de PharmaGenève: j'aimerais simplement dire à ce propos que si le président d'une association faîtière cherche à retenir une jeune collègue qui veut démissionner en lui vantant tous les avantages que comporte l'adhésion à PharmaGenève, actionnaire majoritaire de cette nouvelle structure, on ne peut pas lui en tenir rigueur. Enfin, le risque d'une brèche dans le domaine de la propharmacie, également mentionné, existe peut-être, mais pour le moment, la propharmacie est interdite à Genève, c'est ainsi. Pour toutes ces raisons, mais essentiellement en raison de l'intérêt public prépondérant de cette pharmacie ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre à la population, le groupe socialiste vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

M. Guy Mettan (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme on l'a dit, nous nous trouvons ici face à un cas flagrant de défense corporatiste: il s'agit pour certains de mener un combat d'arrière-garde contre l'ouverture d'un établissement d'intérêt public, collectif, afin de préserver certains privilèges. Il n'est pas question pour nous d'accepter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, nous sommes évidemment favorables au dépôt sur le bureau du Grand Conseil. J'aimerais aussi rassurer ceux qui ont demandé le renvoi en commission, notamment à la commission de la santé, ou, éventuellement - mais cela n'a pas été demandé - à la commission de contrôle de gestion: il n'est pas question ici de faire un appel d'offres, parce que les HUG, d'abord, n'y sont pas forcément soumis dans ce cas précis, et ensuite parce que le cahier des charges ne permet tout simplement pas à un privé de remplir cet appel d'offres. Souvenez-vous que ce qu'on demande ici, en plus de la mise à disposition de médicaments, c'est d'abord une ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce que bien peu de pharmaciens privés peuvent assurer, alors que cela représente évidemment un service utile non seulement pour les patients de l'hôpital mais pour l'ensemble de la population genevoise. Le deuxième élément qu'on demande et qui sera mis en oeuvre avec ce projet, c'est de la formation: il s'agit de former notamment... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...des cadres, ou des spécialistes pour la pharmacie, en coordination avec le département de pharmacologie de l'université. Pas question non plus que l'université puisse collaborer avec un privé, avec une institution qui aurait des buts purement commerciaux. Etant donné ce contexte particulier, l'appel d'offres n'a pas beaucoup de sens. Toutefois, si vous souhaitiez le faire, rien n'empêcherait d'en parler à la commission de contrôle de gestion. Tout cela pour les personnes qui avaient des scrupules quant à ce projet et souhaitaient le renvoyer en commission. Pour les raisons déjà exposées et celles que j'ai essayé d'apporter, je vous invite à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Personnellement, je suis tout à fait mal à l'aise face à ce rapport, pour des raisons dont quelques-unes sont assez fondamentales: la première est liée au thème de la santé publique et de l'intérêt général de la population; la seconde a trait à des relations de business à l'intérieur ou à côté d'une institution de droit public. Je m'explique. La manière dont on évoque, dans le rapport, la question de pouvoir trouver des médicaments vingt-quatre heures sur vingt-quatre est erronée: en principe, dans un service - et c'est la responsabilité des médecins et des autres soignants - on ne laisse pas un patient quitter l'hôpital sans les médicaments qu'il doit absolument prendre. (Applaudissement isolé.) Autrement, c'est une faute professionnelle, point, à la ligne, que ce soit trois heures de l'après-midi, un dimanche ou un vendredi soir.

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je vais les utiliser à bon escient, Monsieur le président ! L'IMAD a des relations avec l'ensemble des pharmaciens de Genève, et aussi, bien sûr, avec ceux qui sont de garde à tour de rôle vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'importance de la relation avec le pharmacien, s'agissant des patients de l'IMAD, n'est plus à démontrer, je pense; il n'y a pas besoin de faire un rapport, on peut travailler avec les documents à disposition. Il me semble donc que derrière cette innovation...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je conclus ! ...qui à la fois va permettre une relation avec l'université et avec le domaine commercial...

Le président. C'est terminé, Madame la députée, je suis désolé !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...qu'on ne me dise pas que c'est une démarche publique... (Le micro de l'oratrice est coupé.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Thomas Bläsi.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. De combien de temps est-ce que je dispose ?

Le président. De quarante secondes, Monsieur le député.

M. Thomas Bläsi. Alors ça va être court ! Concernant les médicaments dont a parlé M. Poggia: ils sont déjà facturés au niveau des DRG et devraient être remis au patient. Sachant cela, je ne vois pas où est l'utilité. Ensuite, je tiens à signaler à M. Spuhler que M. Forni - et c'est un compliment que je lui fais - s'est abstenu et que pour ma part, je n'ai pas voté. Il n'en a pas été de même de M. Mettan, je le signale au passage: Monsieur Mettan, puisque vous avez parlé de problèmes de corporation, je vous rappelle quand même que vous êtes venu demander ici une subvention pour votre association de journalistes. Mais ce n'était certainement pas du corporatisme ! Et quand M. Zacharias prend la parole sur l'immobilier et vote, cela ne pose pas de problème non plus au magistrat. Je conclurai en disant, Monsieur Poggia, que vous n'êtes pas aujourd'hui dans votre rôle de magistrat, mais dans un rôle d'avocat, et malheureusement, de mauvais avocat, car la plupart des choses que vous avez dites sont fausses. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous invite à respecter une certaine bienséance vis-à-vis du conseiller d'Etat, s'il vous plaît. La parole est à M. le député Raymond Wicky.

M. Raymond Wicky (PLR). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, j'aimerais revenir sur les propos de mon éminent collègue Christian Frey, qui a parlé de pharmacie publique: je préférerais qu'on parle d'une pharmacie privée, puisque c'est une structure privée en interdépendance avec la structure publique que sont les HUG. A mon avis, il y a une certaine nuance, d'où la nécessité que ce Grand Conseil se préoccupe de savoir ce que va faire une telle structure publique en interdépendance avec le secteur privé. Cela me paraît de notre ressort. Deuxièmement, compte tenu du fait que la demande de renvoi à la commission de la santé n'a pas été acceptée, le PLR suivra le rapporteur de minorité et votera contre le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

Mme Salika Wenger (EAG). J'ai un peu l'impression qu'on est obligé de rappeler la fonction de la pharmacie. Parce qu'actuellement, on est en train de parler de tout: de la formation, des vendeurs, des loyers... Une chose est très importante, ce sont les patients. Or mon questionnement à l'égard de cette proposition est le suivant: si par hasard je suis en panne de médicaments, que je n'ai pas mon ordonnance, et que j'ai besoin de ce médicament de manière urgente, cette pharmacie va-t-elle remplir la fonction de m'en fournir ? Parce que la pharmacie à côté de chez moi le fait, et elle attend effectivement de recevoir l'ordonnance dont j'ai besoin. Serai-je obligée de payer en liquide si j'ai oublié ma carte chez moi, ce qui peut arriver ?

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Salika Wenger. Mon propos consiste à dire que ce qu'on est en train de nous «vendre», entre guillemets, est un supermarché ! Ce n'est pas une pharmacie. Une pharmacie, c'est plus personnel, cela tient compte des patients et des médecins, en mettant les deux en relation. C'est aussi l'une des fonctions de la cité; et imaginer qu'on puisse tout faire dans un seul endroit et donner toute cette responsabilité...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Salika Wenger. ...à une entreprise privée, je suis navrée, mais même si M. le conseiller d'Etat nous a dit que nous ne pouvions pas entrer en matière sur une... (Le micro de l'oratrice est coupé.)

Le président. C'est terminé, Madame la députée, je suis désolé. (L'oratrice continue de s'exprimer hors micro. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Juste une petite rectification, car beaucoup d'inexactitudes ont été avancées. M. Bläsi a affirmé que dans le cadre des DRG, on pouvait distribuer des médicaments à l'hôpital. Mais il faut rappeler qu'en ambulatoire, il n'est pas question des DRG, qu'il n'est pas possible, à l'hôpital, pour les gens qui pourraient physiquement délivrer les médicaments au moment de la sortie des patients, principalement le soir et la nuit, de distribuer des comprimés uniques, et qu'il n'y a pas de réserve aux urgences qui puisse faire office de pharmacie. C'est donc vraiment inexact. Quant à ce qui concerne les DRG, c'est tout simplement faux. Je vous remercie, Monsieur le président.

Une voix. Très bien, bravo !

Présidence de M. Antoine Barde, président

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Jean-Marie Voumard pour une minute trente.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais rebondir sur les propos de M. Poggia: il n'y a pas besoin de construire autour de l'hôpital, il n'y a pas besoin de locaux. Mme Salika Wenger parlait de supermarché: oui, vous pouvez avoir un supermarché. Si vous n'êtes pas pressée, Madame Wenger, les citoyens genevois ont tous reçu dans leur boîte aux lettres de la publicité de cette pharmacie qui vous livre à la maison et vous donne un bon d'achat de 20 F à la Migros. J'attends de voir une éventuelle pétition de M. Bläsi contre cette entreprise.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. le rapporteur de minorité pour vingt-cinq secondes.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Laissez-moi juste vous lire un passage du fameux courrier envoyé par PharmaGenève: «En quittant PharmaGenève, vous perdez aussi la fonction passerelle que l'officine des HUG a pour mission d'établir avec les officines des patients», etc. Si cela ne relève pas clairement de la menace à l'encontre des membres démissionnaires, alors dites-moi ce que c'est. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le sentiment, à vous entendre, que les positions sont bien arrêtées: celles et ceux qui sont contre ce projet soutiendront la motion qui sera examinée en commission, pour des motifs que nous tenterons de rendre avouables, puisque manifestement, peu d'entre vous ont conscience de l'intérêt pour la santé publique dans ce canton d'avoir une pharmacie de garde dont on sache du 1er janvier au 31 décembre où elle se trouve. Je suis très étonné, car mes services me rapportent qu'il y a des difficultés constantes à mettre en place des tournus de pharmacies de garde... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...les pharmacies n'ayant qu'un intérêt très moyen à rendre ce genre de service: souvent, ces pharmacies prévoient une personne toute la nuit pour répondre aux besoins de la population, avec une demande particulièrement faible; il faut donc insister pour obtenir des pharmacies de garde, qui sont obligatoires. On devrait applaudir des deux mains à la nouvelle qu'enfin il y aura à Genève un endroit avec parking à disposition où notre population pourra se rendre à tout moment du jour et de la nuit pour obtenir des médicaments.

Alors on nous dit: mais ce n'est pas une pharmacie publique, c'est une pharmacie privée. Elle est privée, si ce n'est qu'elle ne se trouve pas aux mains d'un grand groupe; et c'est une pharmacie à laquelle on imposera des conditions. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les HUG, évidemment - et le département reste attentif sur ce point - posent dans le contrat de bail des conditions extrêmement strictes quant aux heures d'ouverture: il n'est pas question de faire ce qu'on veut. Le terme de pharmacie publique est d'ailleurs utilisé dans la pétition même: on y parle clairement d'une «pharmacie publique aux HUG», merci, donc, de rectifier par rapport à ces termes contenus dans la pétition.

Quant à M. le député Bläsi, vous lui direz, Monsieur le président, que je suis sans doute un mauvais avocat - je n'ai d'ailleurs plus besoin d'en être un bon, puisque je suis maintenant conseiller d'Etat... (Rires.) ...par contre, pour ma part je ne mélange pas les styles et ne suis pas à la fois député et pétitionnaire, en prenant la casquette de l'un ou de l'autre alternativement selon les besoins. Je vous remercie. (Exclamations. Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur les conclusions du rapport de majorité, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1940 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 44 oui contre 33 non et 1 abstention.