République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 15h
1re législature - 2e année - 9e session - 60e séance
P 1935-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Voici notre prochain point à l'ordre du jour: les objets liés P 1935-A et P 1936-A. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité Jean Romain, vous avez la parole.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Chers collègues, on aura tout entendu sur cette rocade ! Nous avons traité ces deux pétitions en même temps, elles sont donc conjointes dans le rapport que vous avez sous les yeux. Depuis qu'on a mentionné la notion de rocade de bâtiment, Genève a été le théâtre d'un psychodrame. Chacun est arrivé en commission avec sa bonne solution pour aider... (Un instant s'écoule.) J'attends juste que Mme Salika ait terminé... Puis-je continuer, Madame Salika ? (Remarque.) Je vous remercie, chère collègue !
Chacun est donc arrivé en commission avec sa solution, chacun a voulu aider, orienter, conseiller le département de l'instruction publique, chacun y est allé de son projet - alternatif, bien évidemment. Or la gestion des bâtiments revient au département de l'instruction publique, cela relève de son autorité. En l'occurrence, il se trouve qu'on ne choisit pas entre un bien et un mal, on choisit entre un mal et un moindre mal, et c'est évidemment ce qui nous ennuie un petit peu. Il faut s'adapter aux bâtiments qu'on possède, et il n'est pas juste d'affirmer que les choses ont été faites trop rapidement ni qu'on a placé les gens devant le fait accompli: il y a eu de l'information et des explications. Il n'appartient pas à tout Genève de cogérer le département de l'instruction publique ! Les professeurs sont arrivés avec leurs propositions, évidemment, et c'est parfaitement bien. Mais eux qui, lorsque M. Beer était au pouvoir, s'étaient opposés à la fameuse mixité, c'est-à-dire le fait de mêler deux ordres d'enseignement, sont aujourd'hui tout à fait d'accord avec une certaine mixité, et ça ne les dérange pas d'en venir à ce qu'ils ont combattu. Les parents d'élèves, de leur côté, sont aussi venus avec des propositions. Aujourd'hui, les choses sont bien avancées et nous devrions pouvoir mettre en place la rentrée dans des conditions normales - c'est en tout cas ce à quoi travaille le département de l'instruction publique.
Une dernière remarque: depuis les régions concernées, les élèves du CO devront effectivement parcourir un chemin un peu plus long; mais lorsque ces mêmes élèves se rendront au postobligatoire, le trajet sera plus court. L'un dans l'autre, la situation pourra tout à fait convenir, et c'est pourquoi nous demandons, la majorité du moins, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Il faut maintenant aller de l'avant et laisser les mains libres au département de l'instruction publique pour que les choses se passent au mieux. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. J'observe avec beaucoup d'étonnement la nouvelle ligne politique du rapporteur de majorité, que j'ai connu à une époque grand pourfendeur du département de l'instruction publique et que je découvre maintenant comme son plus fervent défenseur ! J'observe donc cette évolution, qui peut arriver à tout le monde, soit dit entre nous. Ce qui a déplu à la minorité et a donc donné lieu à cette opposition, c'est qu'un certain nombre de choses ont été faites dans la précipitation, c'est le moins qu'on puisse dire. Voilà moins d'une année qu'on nous a appris la suppression du cycle de la Seymaz, qui devait être remplacé par un établissement de l'enseignement secondaire II. Si on peut tout à fait imaginer qu'il y ait des rocades, il est quand même assez curieux de voir une telle impréparation, ça nous a surpris.
Dans un premier temps, nous avons voulu écouter le département, croire qu'il y avait sans doute une nécessité. Nous avons été surpris de constater que le prix était élevé, on parle de plusieurs millions. En cette période de difficultés budgétaires, je crois qu'il faut être sensible à cette dépense excessive: 3,5 millions pour des adaptations de bâtiments, c'est tout de même une somme importante. Plus nous étudiions le dossier, plus nous étions surpris, notamment par ce que nous ont dit des enseignants, à savoir qu'on a actuellement uniquement des prévisions pour le court et le moyen terme; on essaie d'aller au plus urgent et on n'a aucune visibilité sur le long terme, il manque en particulier un certain nombre de statistiques sur cet espace-temps, qui ne sont pas réalisées par le SRED. Il est pourtant important de gérer le long terme, parce que c'est cela qui va nous permettre de faire de vraies économies, pas juste des économies à la petite semaine. Aussi, nous pensons qu'il est bien que le Conseil d'Etat étudie la chose et nous donne des éléments supplémentaires sur l'aspect démographique, sur l'organisation scolaire du cycle de la Seymaz - quoique son avenir semble bien menacé - et, de manière plus générale, sur la gestion des bâtiments scolaires. C'était là notre première interrogation, nous nous sommes dit qu'il était quand même utile que le Conseil d'Etat nous fournisse des explications complémentaires. Je ne vais pas épiloguer sur tous les éléments du rapport de minorité, mais un certain nombre d'enseignants nous ont transmis des informations assez troublantes sur ce qui risque de nous arriver en termes démographiques.
Le second problème est bien évidemment le défaut d'information. On a vu certains partis représentés dans ce parlement accourir avant les élections pour chercher des voix auprès des opposants à la fermeture du CEVA... de la Seymaz, excusez-moi, pas du CEVA - c'était un lapsus révélateur, d'autant que ça se passe dans la même région ! On a vu des gens dire aux parents d'élèves: «Oui, c'est un véritable scandale de fermer cette école !» Et on voit les membres de ces mêmes partis, notamment de celui de la magistrate, suivre maintenant celle-ci de manière très disciplinée - bien évidemment, puisque les élections sont terminées et que les voix ont été engrangées ! Je suis un peu surpris par cette optique politicienne qui mérite d'être relevée, même si elle ne constitue pas l'essentiel du débat - elle est même vraiment très secondaire. Cela dit, il y a quand même eu un problème d'information, qui mériterait d'être améliorée à l'avenir, voire de préparation s'agissant de ce genre de réforme importante. Voilà les raisons qui ont poussé la minorité à demander le renvoi de ce dossier au Conseil d'Etat.
M. Thomas Bläsi (UDC). Messieurs les conseillers d'Etat, chers collègues, le groupe UDC s'opposera au dépôt de la pétition sur la Seymaz. Avant toute chose, j'aimerais répondre au rapporteur de minorité, M. Baertschi, qui a parlé de velléités électoralistes. Lors de la réunion sur la Seymaz, deux députés étaient présents: un député représentant la magistrate - M. Velasco - et moi-même. On n'a pas vu de député MCG ce jour-là, alors je ne pense pas que vous puissiez vous enorgueillir d'être les défenseurs de ce dossier. Vous n'étiez pas là, vous n'avez pas participé à la visite non plus. Alors venir maintenant parler de récupération... Même si nous voterons la même chose que vous ce soir, je pense que vous êtes très mal placés pour faire des commentaires ! (Exclamations.) Le groupe UDC... (Commentaires.) Monsieur le président, si vous pouviez sonner la cloche, ce serait gentil !
Le président. Doucement ! Poursuivez, Monsieur.
M. Thomas Bläsi. S'agissant du budget de la Seymaz pour la rénovation, la somme prévue était de 3,5 millions. Au mois d'août, les architectes sont passés et devaient confirmer ou infirmer ces coûts mais, jusqu'à présent, les coûts réels ne sont pas connus. C'est un problème car les bruits que nous avons entendus évoquaient au minimum un doublement voire un triplement de ce montant, ce qui change évidemment la donne.
Deuxièmement, la magistrate nous a annoncé qu'elle puisait dans le budget de rénovation, ce qui est un problème; il faudrait en fait puiser dans le budget de transformation puisqu'il s'agit en l'occurrence d'une transformation. Une transformation, c'est un investissement, et dans notre parlement, jusqu'à présent, les investissements ont une étanchéité. Si on commence à déroger à cette règle, ce sera un problème. C'est pour cette question de principe que nous refuserons de déposer la pétition et la renverrons au Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la prévision des effectifs, c'est un peu comme l'acquisition des connaissances et compétences: ça ne connaît pas de progression linéaire. Toujours est-il que des estimations existent, qui sont délivrées par le SRED, et on peut quand même s'y fier. Malheureusement, c'est cette gestion-là qui est à déplorer depuis très longtemps, et on l'avait déjà évoqué: il est bien évident que les 6000 élèves de plus dans l'enseignement primaire entre 1991 et 1997 sont allés autre part après, au cycle, au collège, etc. On pourrait donc mieux anticiper - et ça, c'est récurrent, patent et admis par tout le monde.
Maintenant, s'agissant du cas particulier de la Seymaz, il y a eu à l'évidence une précipitation et des décisions prises de manière tranchée sans écouter les partenaires. Nous, à Ensemble à Gauche, voulons que toutes les personnes concernées soient entendues. Le groupe de parents du CO de la Seymaz a écrit dernièrement à la conseillère d'Etat pour rappeler qu'une augmentation du nombre d'élèves au primaire est envisagée, que ces élèves iront bien ailleurs un peu plus tard et surtout - c'est là un point important que nous avons toujours défendu - que la question de la mixité n'est pas du tout rejetée par les parents. Ce sont des enseignants du secondaire qui ont des craintes infondées parce qu'ils ne l'ont jamais pratiquée. Dans l'enseignement primaire, Mesdames et Messieurs les députés, les élèves de 4 à 13 ans fonctionnent ensemble en toute mixité sans le moindre problème, donc on ne voit pas très bien pourquoi des élèves de 12 à 17 ans ne pourraient pas cohabiter, c'est ridicule de penser ça à notre époque. Cela dit, pour ce motif et vu que les parents sont inquiets quant à cette idée, nous demandons le renvoi de ces pétitions et de l'ensemble de ce dossier au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. François Baertschi, à qui il reste deux minutes.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je trouve la remarque de tout à l'heure un peu ridicule. Nous sommes allés voir les parents d'élèves personnellement, nous ne nous sommes pas pavanés à des réunions pour faire la chasse aux voix comme un certain député du PS, comme d'autres aussi. Si je ne remets pas en cause M. Bläsi, qui est cohérent à ce niveau-là, d'autres personnes naviguent étrangement, font de la godille ou je ne sais quoi de manière assez spéciale.
Pour le surplus, il est certain que ce n'est pas seulement le cycle de la Seymaz qui est en question ici; ce qui est en question, c'est l'organisation future des bâtiments scolaires du canton. Je sais que ce n'est pas un dossier évident ni facile, mais nous voulons donner un signal fort pour que le Conseil d'Etat nous informe davantage de ce qui va se passer. Il doit également informer les parents d'élèves et, à mon sens, la communication s'est mal faite, en tout cas selon les échos que j'ai eus. Je n'ai malheureusement pas tout suivi, je n'ai pas pu me rendre à toutes les réunions mais j'ai rencontré un certain nombre de parents d'élèves relativement inquiets quant à ce qui se déroulait et, apparemment, le contact ne se passait pas très bien, peut-être par manque de temps. Il y a eu des problèmes de précipitation dans cette affaire, et je crois que le Conseil d'Etat aurait tout avantage à nous fournir des explications supplémentaires. C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi de ces textes au Conseil d'Etat.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Trois points puis une conclusion. Tout d'abord, je répondrai à mon contradicteur que pour ma part, depuis bien des années déjà, c'est-à-dire depuis à peu près vingt-cinq ans, je suis une ligne, toujours la même - mais j'admets que la fidélité puisse surprendre ! Lorsque le département est sur ma ligne, je l'appuie - il n'y a aucune raison que je le rejette - et, lorsqu'il n'est pas sur ma ligne, je le combats. Il se trouve que dans le cas d'espèce, il fait juste, et je ne vois pas au nom de quoi j'irais dire que ce département se trompe alors que, de mon point de vue, il fait exactement ce qu'il faut.
M. Bläsi nous parle de confusion entre budgets d'investissement et de fonctionnement; nous sommes là aussi en train de discuter de quelque chose d'annexe, me semble-t-il, et Mme la présidente lui répondra que c'est un problème interne au DIP. Cette affirmation, que je veux bien admettre mais qui sort comme d'un chapeau au dernier moment, à tel point que l'UDC retourne sa veste - je parlais tout à l'heure de fidélité ! - ne va évidemment pas remettre en question la décision du département.
Il faut écouter ses partenaires, nous dit M. Baud; mais bien sûr que le département a écouté les partenaires ! Ce que je retiens de vos propos, Monsieur Baud, c'est que vous désavouez vos collègues à propos de la mixité - ils seront contents d'apprendre que leur façon de penser est ridicule. En conclusion, les choses sont déjà mises en route, un tiers des professeurs qui enseignaient jusque-là à la Seymaz a déjà été transféré vers d'autres établissements. Ce basculement est nécessaire et souhaitable, et nous le soutiendrons, chers collègues.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne souhaite pas citer à nouveau tous les chiffres, qui figurent en détail dans le rapport, puisque nous étions venus en commission avec l'ensemble des éléments concrets. Quelques remarques néanmoins à votre endroit, Monsieur Bläsi: vous nous dites que les coûts réels ne sont pas confirmés, qu'il y a des bruits de couloir. J'ai envie de vous répondre ceci, Monsieur Bläsi: le DIP n'est que l'utilisateur des bâtiments scolaires, ce n'est pas lui qui les construit ou les gère mais bien l'office des bâtiments, lequel dépend du département de M. Dal Busco. Nous avons fait les demandes nécessaires, nous sommes en attente de chiffres et n'avons actuellement aucun élément permettant de prévoir que ce sera pire, plus cher ou moins cher. J'attends simplement les faits; lorsque nous les aurons en notre possession, nous pourrons en parler.
Maintenant, il s'agit bien de transformation et donc d'investissement et, dans ce sens-là, l'enveloppe, qu'on appelle le crédit de renouvellement, dont dispose chaque département - pour le DIP, elle s'élève à 76 millions sur quatre ans, dont 57 millions dévolus à la partie formation scolaire et le reste aux hautes écoles - nous permet parfaitement de réaliser ce projet. Mesdames et Messieurs les députés, si vous préférez, construisons un nouveau bâtiment scolaire: ça nous coûtera entre 60 et 80 millions de francs et ça prendra quinze ans ! Ma responsabilité, en tant que cheffe de département, c'est que chaque élève de ce canton dispose d'une place de travail ou d'apprentissage correcte, et ce au moindre coût. C'est ce que nous avons fait, à l'unanimité du Conseil d'Etat qui était derrière cette décision.
S'agissant de la concertation avec les parents, je ne peux pas laisser dire que nous n'avons pas expliqué en long, en large et en travers les tenants et aboutissants de cette affaire. J'ai même proposé aux parents des élèves de la Seymaz de les rencontrer. Pour vous donner une idée du nombre de personnes qu'on attendait, il y avait plus de 500 élèves à la Seymaz, donc au moins 1000 personnes concernées, sans compter les élèves des écoles primaires avoisinantes qui, potentiellement, auraient été à la Seymaz l'année d'après. Nous aurions donc pu avoir plus de 1000 personnes. J'ai choisi la date et l'heure de cette réunion en concertation avec les trois personnes qui ont assailli chacun d'entre vous pour dire que les choses n'allaient pas. A cette rencontre - c'était le 11 juin dernier - ont participé en tout et pour tout 55 personnes, dont environ 6 enfants; parmi ces 55 personnes, il y avait des parents d'élèves de l'école primaire, notamment une famille dont l'enfant était, me semble-t-il, en 2P ou 3P - vous voyez s'il était directement concerné par le sujet ! Pire que ça: l'heure avait été choisie avec les parents, on m'avait demandé 19h parce que ce n'était pas possible avant. La séance devait donc se dérouler de 19h à 20h30. Eh bien figurez-vous qu'à 19h55, deux des trois organisatrices ont quitté la salle, prétextant pour la première une répétition de théâtre, pour la seconde autre chose. Voilà à qui nous avons affaire, Mesdames et Messieurs les députés ! Ces trois personnes ne sont même plus encadrées par l'organe faîtier des associations de parents d'élèves. En effet, elles m'ont écrit récemment et lorsque je leur ai répondu que je recevais prochainement cet organe et que j'étais disposée à discuter avec elles à ce moment-là, elles m'ont appris qu'elles n'étaient plus en lien avec lui, que l'association n'était pas concernée. Elles ne représentent donc plus qu'une poignée de parents.
Il faut vivre avec votre temps, Mesdames et Messieurs les députés, il faut répondre aux besoins des enfants. La ligne politique du département n'est ni de pourfendre ni de défendre qui que ce soit mais simplement de placer les élèves au centre des préoccupations - et je parle de la totalité des élèves, pas seulement d'une catégorie d'élèves. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, et invite l'assemblée à voter consécutivement sur ces deux objets.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1935 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 48 oui contre 34 non et 1 abstention.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1936 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 48 oui contre 35 non et 1 abstention.