République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 791
Proposition de résolution de Mmes et MM. Bertrand Buchs, Anne Marie von Arx-Vernon, Jean-Marc Guinchard, Guy Mettan, Jean-Luc Forni, François Lance, Vincent Maitre, Olivier Cerutti, Béatrice Hirsch, Jean-Louis Fazio, Emilie Flamand-Lew, Boris Calame, Lisa Mazzone, Christian Frey, Jean-Michel Bugnion, François Lefort, Sophie Forster Carbonnier, Sarah Klopmann, Isabelle Brunier, Cyril Mizrahi, Jean-Charles Rielle, Marie-Thérèse Engelberts, Roger Deneys, Salima Moyard, Caroline Marti, Thomas Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Romain de Sainte Marie, Lydia Schneider Hausser pour un accueil immédiat des réfugiés venant de Syrie
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.

Débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la proposition de résolution 791. La parole est à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Je vais essayer de rester le plus simple et le moins polémique possible, parce que je n'aimerais pas que cette résolution entraîne des débats extrémistes. Le propos du parti démocrate-chrétien et des autres signataires de cette résolution consiste simplement à dire que l'on connaît aujourd'hui probablement la plus grave crise humanitaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, et que la Suisse, même si elle ne fait pas partie de l'Europe, y est liée par les accords de Schengen et de Dublin; que l'hiver approche et que des milliers de personnes sont sur les chemins, ayant quitté le Liban, la Turquie, la Jordanie pour venir en Europe. Qu'on soit d'accord ou pas, qu'on considère que ce n'est pas notre problème, qu'on considère que c'est le problème des pays arabes et non des pays européens, ces gens sont là ! La Hongrie ferme ses frontières; la Croatie ferme ses frontières; tous les pays d'Europe de l'Est ferment leurs frontières. Que va-t-on faire avec tous ces gens ? Ils ne vont repartir ni en Turquie, ni au Liban, ni en Jordanie, et encore moins en Syrie. Il va donc falloir trouver des solutions pour l'automne et pour l'hiver qui arrivent à grands pas. L'Europe va devoir trouver des solutions et Genève doit montrer l'exemple. Cela signifie qu'il faudra probablement que nous prenions des réfugiés à notre charge. C'est pour cette raison que nous avons déposé cette résolution; pour rappeler que Genève est quand même un lieu de refuge, comme en témoigne notre histoire: nous avons accepté les huguenots, il s'agissait de milliers de personnes pour la toute petite population de la ville de Genève. Cela correspond aujourd'hui à environ 150 000 personnes qui arriveraient à Genève et qui y seraient logées. Nous avons accepté les Tchèques, les Hongrois, les Vietnamiens, les Cambodgiens, les Tamouls et les Kosovars. Maintenant, même si nous ne sommes pas tous d'accord sur la question de la Syrie, il va falloir faire un peu de place pour les familles syriennes. Même si, comme certains le soutiennent, ces familles sont des réfugiés économiques - peut-être, d'accord - imaginez-vous, vous avec vos enfants, partir sur la route sans rien et prendre tous les risques pour pouvoir survivre, parce que vous n'avez pas d'autre choix ! On aurait pu faire les choses autrement, on ne l'a pas fait, maintenant on se retrouve avec une urgence humanitaire qu'il faut assumer.

C'est pour cela que nous demandons à la Confédération de nous prêter la caserne des Vernets pour accueillir ces gens. Je précise qu'il s'agirait d'une mesure provisoire, car il est vrai qu'on a entendu dire qu'une telle mesure empêcherait le projet de construction aux Vernets. C'est provisoire ! C'est cette année, ou au début de l'année prochaine. Nous avons constaté cet été le problème survenu avec les abris antiatomiques. Ce sont des familles et nous n'avons pas les moyens de les loger ailleurs. Peut-être que personne ne va venir en Suisse et, dans ce cas, le problème sera réglé. Mais si des milliers de personnes doivent être hébergées dans tous les pays d'Europe, il faudra que nous assumions notre part. Je demande que Genève assume sa part, et le lieu le plus adéquat se trouve être la caserne des Vernets. Je demande le renvoi au Conseil d'Etat; cela ne sert à rien d'envoyer cette résolution en commission pour rediscuter. C'est simplement une résolution que nous demandons de renvoyer au Conseil d'Etat. Je pense d'ailleurs que le Conseil d'Etat a déjà réfléchi à ce problème. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). Il s'agit d'un sujet très délicat. On constate que cette immigration est massive et que même l'Allemagne est dépassée par le nombre. L'Union européenne n'arrive pas à se mettre d'accord sur des quotas; certains pays refusent les immigrants et on demande à la Suisse de respecter les accords signés, ce que les autres ne font pas. (Commentaires.) Dans les faits, les accords de Schengen et de Dublin sont morts et l'Union européenne doit tout remettre à plat en laissant aux pays leurs droits légitimes face à une immigration incontrôlée. Evidemment que je suis très touché par tous ces malheureux ! Cependant, les gens ne m'ont pas élu pour étaler mes états d'âme, mais pour défendre au mieux ma population et mon pays. Mon parti reconnaît que les réfugiés en danger dans leurs pays ont tout à fait droit à notre protection, mais ils doivent être différenciés des migrants économiques qui sont en grand nombre. La preuve, ils veulent tous aller en Allemagne et pas en France ! Ils doivent savoir qu'ils n'obtiendront pas l'asile. Je rappelle aussi que le droit d'asile est le privilège du protecteur et non pas du protégé. C'est par millions que les personnes veulent venir chez nous et changer de pays, c'est leur droit, mais c'est aussi le droit des pays accueillants que de les accepter ou les refuser. Vous avez sous les yeux la France qui a raté son intégration: des zones de non-droit par milliers, la ghettoïsation de ces personnes. Est-ce cela que vous voulez dans notre pays, parce qu'on accueille trop de gens qu'on ne parviendra pas à intégrer pour assurer leur bien-être ? Accepter rapidement un grand nombre de réfugiés syriens, c'est aussi un formidable appel d'air pour tous les autres réfugiés qui se trouvent face à des frontières closes. Nous sommes très émus par ces gens, mais n'oublions pas aussi que tous les jours que Dieu fait, trente mille enfants meurent dans le monde de mauvais soins, de malnutrition, de maladie; des gosses qui ne mourraient pas s'ils étaient en Suisse, et je n'entends rien, je n'entends personne qui s'élève contre cela, ce que je trouve scandaleux ! (Remarque.)

Un autre point important que vous ne devez pas oublier: en acceptant les réfugiés économiques souvent bien formés, nous appauvrissons les pays touchés par la guerre, nous siphonnons leurs élites qui ne rentreront jamais au pays ! Vous vous prenez pour des bienfaiteurs avec des motions ou des résolutions de ce type, mais en fait c'est du néocolonialisme ! Moi je refuse la dérive qui veut faire des citoyens suisses les responsables de toutes les misères du monde, cette extension de la notion de culpabilité qui dilue insidieusement l'estime de nous-mêmes et qui déstabilise la base même des liens qui nous rassemblent. Ce n'est pas la Suisse qui a mis le feu à l'Irak, à la Syrie, à la Libye ! Que ceux qui ont mis le feu aux poudres, les Etats-Unis et leurs coalitions, règlent le problème en envoyant des troupes au sol !

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Eric Leyvraz. Il n'y a aucune raison que notre Conseil fédéral accepte les conditions imposées par l'Union européenne. Rappelons que nous sommes élus pour défendre les institutions de notre pays souverain, que nous garderons notre démocratie exemplaire seulement si nous savons garder notre souveraineté, et qu'il n'y a pas de souveraineté sans frontières.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Eric Leyvraz. L'UDC dit oui à l'asile pour les gens en danger, mais non aux réfugiés économiques. On ne mène pas un pays avec des émotions.

Le président. Je vous remercie.

M. Eric Leyvraz. Je terminerai en citant La Bruyère qui disait: «On gouverne les hommes avec la tête, on ne joue pas aux échecs avec un bon coeur.»

Le président. Je vous remercie.

M. Eric Leyvraz. Mesdames et Messieurs, nous avons fait toute... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Monsieur le député, il faut conclure.

M. Eric Leyvraz. (Le micro de l'orateur est rallumé.) ...et j'aimerais qu'on en discute...

Le président. Merci !

M. Eric Leyvraz. ...et si vous n'êtes pas d'accord qu'on... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements. Commentaires.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Depuis plus de quatre ans, la communauté internationale est incapable de mettre un terme aux atrocités qui se déroulent actuellement en Syrie. Devant cette impuissance, je pense que nous avons aujourd'hui le devoir d'au moins gérer les conséquences de ce conflit. Depuis quatre ans, des millions de Syriens sont réfugiés de par le monde. 95% de ces personnes se trouvent dans des pays hors de l'Union européenne, hors de l'Europe. La Turquie en accueille actuellement plus de deux millions et le Liban plus d'un million. Aujourd'hui, ces pays ne peuvent plus gérer seuls ces réfugiés et tout naturellement les gens tentent de se rendre en Europe pour fuir la guerre, pour fuir la mort. Car ce qu'il se passe actuellement en Syrie touche premièrement les populations civiles. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Une voix. Chut !

Mme Sophie Forster Carbonnier. Ce sont en effet les hôpitaux et les écoles qui sont la cible des attaques, ce sont des civils qui aujourd'hui fuient véritablement la mort et cherchent à trouver refuge en Europe. Alors oui, les Verts vont soutenir cette résolution du PDC, car Genève, qui se targue d'abriter les sièges du HCR et du CICR, ne peut pas rester indifférente devant tant de misère. Je vous rappellerai également que l'histoire de l'Europe est remplie d'exemples de ce genre. De tout temps, nous avons connu des vagues de réfugiés: réfugiés espagnols, allemands, hongrois, arméniens, et nous avons toujours réussi à accueillir ces gens et à les intégrer. (Brouhaha.) Aujourd'hui, il est donc de notre devoir d'accueillir ces populations, de leur assurer le salut, un toit, et de faire en sorte qu'elles puissent poursuivre leurs vies dignement. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Christian Frey (S). Pour le groupe socialiste, le soutien à cette résolution est une évidence. Au moment dramatique que nous vivons, Genève se doit d'affirmer sa disponibilité en tant que terre d'accueil. On dit souvent qu'il vaut mieux aider sur place que faire venir des gens ici, mais en Syrie ce principe ne s'applique pas: ce pays est à feu et à sang. Tous les journaux, tous les analystes politiques le disent: il n'existe aucune perspective de solution à ce massacre en cours, ni à court ni à moyen terme. Par ailleurs, comme cela a déjà été relevé, les pays environnants sont tout à fait submergés. La presse a récemment publié des chiffres éloquents: la Turquie accueille 1,9 million de réfugiés syriens, le Liban 1,2 million, la Jordanie 650 000, l'Irak 250 000 et l'Egypte 132 000. Tous ces pays sont saturés. Il faut trouver d'autres solutions. L'accueil de réfugiés à la caserne des Vernets est une opportunité... (Remarque.) ...réalisable rapidement que le Conseil fédéral examinera certainement avec bienveillance. Opposer cela à la création de logements sur ce site est tout simplement inadéquat, parce qu'il s'agit bien sûr d'une solution transitoire limitée dans le temps et qui ne remet absolument pas en cause ce qui pourrait se construire là-bas. Par ailleurs, je pense aussi qu'il est très important de différencier deux choses. Nous avons beaucoup parlé au sein de commissions diverses de la question du logement en «bunker», comme on dit, dans des abris PC, etc. C'est un élément qui n'est en aucune manière à confondre avec la nécessité de fournir maintenant des solutions à des Syriens qui sont sur la route et qui sont massacrés dans leurs pays. S'il vous plaît, distinguez bien ces deux choses et n'assimilez pas un mouvement à un autre. Enfin, une délégation de cette députation, de ce parlement, vient de rencontrer M. Peter Maurer, président du CICR, qui nous a longuement parlé de l'expertise dont dispose le CICR entre autres, précisément pour l'accueil...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Christian Frey. ...et la mise en place de structures. Genève - surtout le CICR et ses partenaires - dispose d'une expertise en matière d'accueil de ce type. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter si possible à l'unanimité cette résolution généreuse. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra évidemment cette proposition de résolution. J'aimerais insister sur le fait qu'aujourd'hui 50% de la population syrienne est déplacée, que plus de quatre millions de Syriens vivent dans des camps dans les pays limitrophes, comme cela a déjà été relevé, et que dans les camps où se trouvent ces réfugiés, s'ils recevaient auparavant 1 dollar par jour du Programme alimentaire mondial, cette allocation a été réduite à un demi-dollar faute de moyens. Avec un demi-dollar par jour, il n'est plus possible de se nourrir. Il s'agit donc d'une situation de crise absolue du point de vue de l'accueil et de la survie de ces réfugiés. Bien entendu, personne sur ces bancs n'est responsable de cette situation; il ne s'agit pas d'imputer une responsabilité morale au Grand Conseil. Maintenant, pour ce qui est du refus d'assistance à personne en danger, c'est autre chose: nous avons des responsabilités. C'est la raison pour laquelle il me semble qu'une aide du canton de Genève... (Remarque.) ...dans la mesure de ses moyens s'impose aujourd'hui, et que dire non à une proposition de ce type relève de la pure idéologie. (Quelques applaudissements.)

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Il fallait oser, quelqu'un l'a fait. Je suis quand même surpris que le PDC se permette d'envoyer une proposition de résolution au dernier moment en demandant de la signer le jour même alors que M. Juncker était en direct de Strasbourg pour faire part de ses recommandations et de ses projets pour le financement et l'accueil des réfugiés au niveau européen. Dans le cadre de la discussion sur ce sujet sensible et grave, tout le monde est d'accord sur l'importance de la question des réfugiés et sur le fait qu'il faut les accueillir, mais je vous rappelle tout de même qu'il faut faire attention à tout. Les discussions sont en cours à Berne et dans toute l'Europe. Certains ferment leurs frontières, d'autres les ouvrent, mais je vous demande de rester bien attentifs à ce que vous faites. Simplement pour vous informer: savez-vous où l'on compte le plus de morts par arme à feu dans le monde ? Ceux qui étaient là mardi pourront répondre - je suis étonné que cette résolution arrive quand même; c'est en Amérique du Sud. Là, personne ne dit un mot, mais par contre pour les réfugiés syriens et irakiens, on va bouger ! (Remarque.) En Amérique du Sud, il y a plus de morts que partout ailleurs dans le monde. (Remarque.) Par ailleurs, le PDC a déposé cette résolution parallèlement à la résolution 788. Il faudrait peut-être faire preuve d'esprit logique: que voulez-vous ? Les Irakiens ? Ou demander l'urgence pour le traitement de la votation populaire sur la loi 11580 ? Pour ce motif-là, le groupe MCG refusera ce texte, et je vous invite à en faire de même.

Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (PLR). Ce thème occupe l'actualité de ces derniers temps. Nous avons entendu diverses interventions, notamment de la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga. Je crois que si notre parlement veut agir avec une véritable réflexion, il s'agit de suivre la ligne de la politique coordonnée au niveau européen, avec des Etats tiers et avec le HCR. Les programmes de soutien ont d'ailleurs été annoncés ce jour. En termes de timing, cette résolution tombe finalement assez bien, puisque la délégation du Grand Conseil s'est rendue au CICR cette semaine et qu'un grand nombre d'informations nous ont été transmises sur les maux de ce monde, sur la naissance du droit humanitaire ainsi que sur les qualités humaines dont on peut faire preuve à Genève dans l'esprit constructif des quatre personnes qui ont créé la Croix-Rouge. Notre vision humaniste est actuellement sollicitée parce qu'il y a les réfugiés syriens, mais ce qui m'a marqué et qui a marqué vraisemblablement tous les commissaires qui se sont rendus à la Croix-Rouge, c'est le chiffre de 14 millions: sur 60 millions de déplacés et de migrants, seuls 14 millions sont réfugiés, soit 23%. 23%, soit la pointe de l'iceberg, sont réfugiés. Il y a donc quand même tout le reste à gérer, et cela relève des diverses responsabilités que nous pouvons être amenés à assumer dans le réseau et dans l'activité politique européenne, ainsi que de ce que nous pouvons faire dans le cadre de l'aide au développement. Nous devons promouvoir ce à quoi aspirent les valeurs libérales et de responsabilité qui permettent à l'être humain de devenir plus abouti et de s'élever. C'est dans cet esprit qu'il faut assumer nos responsabilités en tant que Genevois et en tant que Suisses, avec une Constitution basée sur ces principes fondamentaux.

Alors comment résoudre ces problèmes fondamentaux ? Pas en mettant à disposition la caserne des Vernets. Cela a déjà été demandé lorsque nous avions traité la question de l'hébergement des requérants d'asile ici, dans les abris de la protection civile. Le Conseil d'Etat l'a demandée et elle a été refusée par la Confédération. Il faut être pragmatique et ne pas se leurrer: nous n'obtiendrons pas cela. Les vraies questions sont au nombre de trois et sont les suivantes: sommes-nous capables d'intégrer les réfugiés, qu'ils soient syriens ou autre ? La réponse est oui.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Serge Hiltpold. Ferons-nous l'effort d'adapter le soutien éducatif ? La réponse est oui. Prendrons-nous cette responsabilité ? La réponse est oui. Je paraphraserai un homme qui se montre suffisamment sage dans la difficulté: pouvons-nous voir l'opportunité dans la difficulté ? C'est cela qui a motivé les hommes à créer le droit humanitaire et c'est dans cet esprit de quiétude et de réflexion profonde que le PLR vous demande de traiter cette problématique de fond à la commission des Droits de l'Homme.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Serge Hiltpold. Si ce n'est pas le cas, nous renverrons cette résolution au Conseil d'Etat, mais les fondements de cette réflexion sur l'accueil...

Le président. Il faut conclure.

M. Serge Hiltpold. ...doivent être traités... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Merci. Je passe la parole à Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon pour deux minutes trente-quatre.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Permettez-moi d'apporter encore un éclairage sur un point qui n'a pas été suffisamment évoqué ici. Bien sûr, on a fait référence aux Arméniens en 1915, aux Hongrois en 1956, aux Tchèques en 1968, aux Vietnamiens en 1979, aux Afghans depuis 1979. Bien sûr, la plupart sont devenus suisses aujourd'hui. Comme beaucoup d'autres, Monsieur le président, j'ai personnellement accueilli des «boat people» en 1979, des Vietnamiens qui aujourd'hui sont avocats ou médecins, entre autres. Comme beaucoup d'autres, j'ai personnellement soutenu des familles afghanes. Vous savez, certains ont réussi brillamment, notamment deux jeunes gens que je connais très bien, qui sont aujourd'hui suisses, qui sont sortis premiers de l'EPFL et à qui on a déroulé le tapis rouge pour aller travailler à Boston, aux Etats-Unis, pour des salaires mirobolants, ce à quoi ils ont répondu: «Non, la Suisse a sauvé notre famille. Nous devons notre travail à la Suisse.» J'en connais beaucoup, mais beaucoup, beaucoup qui parlent ainsi. Aujourd'hui, de quoi avons-nous peur ? De quoi avons-nous peur ? Qu'éventuellement 50% des Syriens qui seraient accueillis restent, puisque la part de réfugiés restant sur place est estimée à environ 50% ? De quoi avons-nous peur ? Qu'ils deviennent nos élites de demain ? Mais quelle chance pour la Suisse ! Cette Suisse qu'on aime tant en a tellement besoin ! Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Henry Rappaz pour une minute vingt-cinq.

M. Henry Rappaz (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, face à la crise migratoire qui touche l'Europe, la Suisse s'est déjà beaucoup engagée pour accueillir un certain nombre de réfugiés. Toutefois, ces engagements provoquent de nombreuses interrogations: cette vague d'immigration est-elle risquée pour nos emplois et pour la sécurité de notre pays ? Il s'agit d'une première question pour laquelle il faudrait d'abord trouver des gens qui puissent y répondre. Faut-il croire les responsables politiques qui mettent en garde contre l'arrivée de terroristes ? On n'a pas répondu à cette question non plus. Pourquoi ces demandeurs d'asile choisissent-ils l'Europe plutôt que la Turquie ou les pays du Golfe, alors qu'ils traversent la Turquie ? Pourquoi n'y restent-ils pas ? (Commentaires.) Un tas de questions restent donc en suspens. Ces réfugiés ont des téléphones portables...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Henry Rappaz. ...de l'argent, pour payer cher des passeurs. (Exclamations. Le président agite la cloche.) Sont-ils vraiment dans le besoin ? (Remarque.) On répondra peut-être à cette question au cours des prochains jours. Beaucoup de pays n'ouvrent plus leurs portes. Nous avons ouvert les nôtres et je pense que nous avons fait notre travail. (Remarque.) Il n'y a pas besoin maintenant d'appuyer là-dessus d'une façon électoraliste. Nous faisons le nécessaire et nous espérons que nos conseillers nationaux à Berne font de même. Merci, Monsieur le président. (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Bertrand Buchs pour une minute vingt.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Le problème, c'est simplement que les gens sont sur la route. Que faites-vous d'eux cet hiver ? (Remarque.) Ils sont là ! Nous avons signé les accords de Dublin et de Schengen. Mme Sommaruga s'est rendue à Bruxelles et nous allons devoir prendre un contingent. Ce ne sont pas les trois mille personnes qu'on a promis d'accueillir; ce sera probablement beaucoup plus ! Ces gens-là sont sur la route ! Il va falloir les accueillir. C'est simplement une résolution qui a été déposée pour proposer une solution. Il s'agit d'une des solutions possibles. J'ai beaucoup aimé l'intervention du chef de groupe du PLR, M. Hiltpold; c'est une des solutions possibles, mais à quoi le renvoi de la résolution en commission servira-t-il ? L'urgence est là ! Ces gens sont sur la route. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution a le mérite de permettre à chacun d'exprimer son humanité, sa générosité, son empathie, sa solidarité ou inversement sa peur, ses craintes voire ses angoisses. Le sujet est sérieux, trop sérieux pour qu'on l'utilise de cette manière en demandant au Conseil d'Etat de faire ce qu'il fait déjà, ce qu'il essaie de faire le mieux possible et ce qu'il doit faire dans le cadre d'une opération concertée avec les autres cantons, avec la Confédération et au-delà, avec la communauté internationale. Si je n'avais pas conscience du sérieux de cette problématique, je pourrais même vous demander: à quand une résolution qui demande au Conseil d'Etat de s'engager dans la lutte contre la misère du monde ? La problématique des réfugiés est sérieuse et Genève fait sa part du travail. (Commentaires.) La Suisse fait sa part du travail. Nous avons 2% de la population de l'Union européenne, nous recevons pour l'instant 4% de la population migrante - même si «migrant» est un terme trompeur, puisque plus de 50% de ces personnes resteront chez nous; il s'agit donc d'une population immigrante, que nous nous réjouissons bien sûr aussi de garder parmi nous. Mais accueillir ces personnes, ce n'est pas uniquement ouvrir les bras et dire: «Vous êtes les bienvenus chez nous !» Mme Merkel en a rapidement fait l'expérience. Recevoir ces personnes, c'est aussi leur offrir les moyens de s'intégrer dans le pays où ils arrivent. Il ne suffit pas de leur donner un toit - c'est déjà difficile - et de la nourriture. Il faut aussi leur apprendre notre langue, leur permettre d'exprimer leurs compétences, leur métier, car souvent ces réfugiés syriens ont des compétences. Ce sont des personnes éduquées, formées et qui indiscutablement apporteront quelque chose à notre pays.

Mais ce sujet est trop sérieux, je le disais, pour qu'on nous demande simplement de nous mettre immédiatement à disposition de la Confédération pour prendre en charge un nombre important de migrants syriens. Je le veux bien. Je le veux bien ! Le canton essaie de faire beaucoup et est souvent très seul dans ce domaine. Par ailleurs, lorsqu'il fait appel aux communes, les réponses ne sont pas toujours à la hauteur de ce qui était exprimé dans ce parlement. Pour prendre un exemple, le Conseil administratif d'une commune, dont l'un des membres est la présidente d'un parti qui s'engage en faveur de cette résolution, sous prétexte qu'il est indigne d'installer des migrants dans des abris, ne mettra tout simplement pas à disposition l'abri de sa commune, ne mettra pas à disposition des bâtiments, ni même des terrains pour des constructions modulables. La solidarité, c'est bien, Mesdames et Messieurs, ailleurs c'est mieux ! C'est ce que pensent beaucoup de gens. Alors oui, nous faisons le nécessaire pour que ces personnes soient accueillies.

Concernant la caserne des Vernets, nous n'avons pas attendu cette résolution pour demander sa mise à disposition. M. Maudet et moi-même sommes intervenus il y a deux mois à Berne auprès de Mme Sommaruga et de M. Ueli Maurer. Nous avons essuyé un refus. Le Conseil d'Etat est lui-même intervenu à nouveau pour demander à l'armée de suspendre son occupation, son utilisation des Vernets pour que nous puissions mettre à disposition des réfugiés ce bâtiment qui est équipé pour cela. Nous espérons une réponse favorable. En attendant, notre Confédération fait des effets d'annonce, d'un côté en tenant un discours lénifiant, nous rassurant et nous soutenant que, bien que tous les pays qui nous entourent ferment leurs frontières, il n'y aura pas davantage de migrants chez nous - ce qui est contraire à l'élémentaire bon sens - et d'un autre côté, en écrivant aux cantons qu'elle se prépare à une forte arrivée de migrants, qu'elle va donc vider les centres d'enregistrement et envoyer aux cantons par anticipation les personnes qui s'y trouvent sans même procéder aux auditions sommaires. Vous verrez que la semaine prochaine, on nous demandera de les faire nous-mêmes. Nous allons donc recevoir des personnes que nous devrons prendre en charge du début jusqu'à la fin et plus longtemps sans aucun forfait d'intégration ! Vous savez en effet que, tant que la personne n'est pas admise provisoirement dans notre pays avec un permis F, elle est titulaire d'un permis N, pour lequel aucun forfait d'intégration n'est accordé. C'est donc bien joli de nous demander de nous engager, de nous investir. Nous le faisons ! Mais il faut que la Confédération le fasse. Sachez que le Conseil d'Etat s'acquitte de son travail, non pas simplement pour parader vis-à-vis de l'Union européenne et montrer que nous sommes de bons élèves, mais pour sensibiliser la Confédération et l'inciter à assumer ses responsabilités et à ne pas se décharger sur les cantons comme c'est le cas actuellement. Vous pouvez nous renvoyer cette résolution; cela ne changera rien au travail que nous réalisons avec assiduité avec la conscience de nos responsabilités, avec la conscience du rôle humanitaire que doit jouer, en tant que phare, un canton comme celui de Genève, dépositaire des conventions qui portent son nom et qui sont violées dans ces pays. Donc, nous le faisons, mais nous considérons que le sujet est trop sérieux pour qu'on l'utilise simplement pour se mettre en avant et dire que nous sommes meilleurs que les autres. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur le renvoi de cette proposition de résolution à la commission des Droits de l'Homme.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 791 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 51 oui contre 43 non.