République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 août 2015 à 14h
1re législature - 2e année - 7e session - 47e séance
M 2142-A
Débat
Le président. Nous poursuivons nos travaux avec la M 2142-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité Benoît Genecand.
M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ceux d'entre vous qui ont essayé de lire le rapport ont peut-être connu une déception; c'est un peu difficile à comprendre. C'est un peu de ma faute parce que je suis le rapporteur, mais c'est aussi un peu lié au fait qu'entre le dépôt de la motion et la fin de son traitement, les invites ont changé un certain nombre de fois, dans un souci du premier signataire de sauver ce qui pouvait l'être dans le cadre d'une discussion sur le développement de Genève. J'ignore quelle sera l'issue de notre débat et du vote, mais en tout cas il ne faudra pas se référer au rapport pour ce qui est des invites, mais aux dernières invites qui nous sont parvenues aujourd'hui par un amendement de M. Lefort.
Mesdames et Messieurs, il est question du développement du canton, un sujet important, que nous avons déjà débattu ici et sur lequel notre parlement n'arrive pas à sortir d'un paradoxe, toujours le même depuis des années... (Remarque.) ...à savoir qu'on veut le beurre, l'argent du beurre et la crémière: on veut une économie à 50 milliards de francs suisses par année... (Remarque.) ...et on ne veut pas construire de logements. C'est toujours la même histoire. Récemment, la Confédération en a remis une couche supplémentaire en nous contraignant au-delà de ce qui est nécessaire compte tenu de la politique urbanistique genevoise exemplaire des dernières années. Or il y a dans cette enceinte des gens qui voudraient remettre des couches, rendre la construction plus compliquée et inviter le gouvernement à faire des choses aussi évidentes que «fournir la liste des terrains constructibles déjà déclassés mais qui ne sont pas construits», ce que le magistrat a fait: il a réalisé une belle grande carte qui explique quand sera construit quel type d'opération. On peut lui redemander de le faire, c'est très bien ! Seulement, cela nourrit une espèce de délire administratif qui n'est pas très écologique. Mesdames et Messieurs, c'est extrêmement simple: nous avons un plan directeur cantonal que la plupart d'entre vous ont signé, notamment les Verts. Il faut l'appliquer, il faut faire notre part pour le développement de ce canton. Il faut construire ces 2500 logements qui sont notre responsabilité. Cela ne sert à rien de se plaindre du coût du logement, comme vous l'avez fait ce matin, Mesdames et Messieurs ! L'équation est très simple: vous faites 50 milliards de produit cantonal brut, vous contraignez massivement la production de logements et le logement est cher ! Il n'est pas nécessaire d'avoir suivi de grandes études d'économie pour comprendre cela.
Une voix. Bravo !
M. Benoît Genecand. Alors que ceux qui veulent une décroissance le disent et qu'ils expliquent à M. Dal Busco comment faire ! Parce que déjà en phase de croissance, on n'arrive pas à équilibrer notre budget. Donc si vous voulez moins, dites-le, et dites-le honnêtement ! Mais le déficit avec lequel on va se retrouver ne sera pas de 200 millions, il sera de 2 milliards ! Et votre Etat, il ne tournera pas avec 10 milliards de dépenses par année; il devra être réduit à 3 ou 4 milliards. Donc faites-le, dites-le ! Dites que c'est ce que vous voulez, et puis c'est le modèle qu'il faudra discuter, mais arrêtez de finasser, de pinailler... (Remarque.) ...et construisons ces logements ! Je suis un peu loin du texte de la motion, mais je me suis permis ces libertés parce que finalement, tout le reste est incompréhensible. Si à la fin, on veut juste inviter notre gouvernement à répondre à la première invite de cette motion, pourquoi pas ! La troisième invite est absolument incompréhensible, et tout ce qui ressemble à l'affirmation qui consisterait à dire qu'on ne déclasse pas un mètre carré agricole tant que tout ce qui est déclassé n'a pas été construit - parce que c'était le but principal, et je terminerai là, Monsieur le président - est un frein massif à l'urbanisme ! Un urbanisme de ce type-là, c'est la garantie d'avoir dans quinze ans un trou dans la production encore pire que ce qu'on connaît aujourd'hui ! Tout ce qui ressemble à cela doit donc être, de manière déterminée, massivement refusé.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité. Chères et chers collègues, si vous n'arrivez pas à lire le rapport de majorité, je vous conseille la lecture du rapport de minorité qui, lui, est très compréhensible bien sûr, au contraire de ce rapport de majorité dont l'auteur avoue lui-même qu'il n'a rien compris à ce que nous avons fait en commission. Quant aux amendements que vous avez reçus, ils ne sortent pas du néant, ce sont ceux qui ont été présentés en commission en particulier à la demande des commissaires majoritaires qui les ont ensuite refusés.
Bon, cela étant dit, quelle est la situation maintenant ? Le plan directeur cantonal 2030 a pour conséquence le déclassement de 600 à 900 hectares de terres agricoles. Actuellement, sur les plus de 12 500 hectares de zone agricole, en réalité seuls 10 000 hectares sont effectivement occupés comme surface agricole utile, ce qui donne une idée réelle de ce qu'il reste comme zones agricoles à Genève. Concernant les surfaces d'assolement, les SDA, donc les terres cultivables, il y en avait 8464 hectares à la fin septembre 2012. Là, cela se corse, parce que le quota fédéral fixé par ordonnance est de 8400 hectares pour Genève. (Remarque.) Nous sommes donc très près de passer sous ce quota fixé pour protéger les terres cultivables et assurer un support à la production de nourriture locale. Les conséquences de l'aménagement prévu sont qu'il resterait à l'horizon 2030 environ 7500 hectares de SDA. Vous voyez la différence entre les 8400 de l'ordonnance et les 7500 restants; c'est assez important. On comprend donc aisément que si tout ce qui est planifié est réalisé, ce sont les SDA qui seront le plus mises à contribution. C'est évidemment ce qu'a compris le Conseil fédéral qui a accepté le plan directeur cantonal 2030 avec réserves, ces réserves portant justement sur la sauvegarde de ce quota de SDA de 8400 hectares. Pour l'instant, Monsieur Genecand, le Conseil fédéral dit qu'il faudra respecter l'ordonnance fédérale. Il y a donc une nécessité et il reste donc une possibilité d'économiser le sol et de protéger les surfaces qui seraient sinon irrémédiablement perdues. Or, cette possibilité passe par l'optimisation des grandes surfaces déjà déclassées avant de procéder à de nouveaux déclassements et donc par le fait d'orienter l'aménagement du canton sur une échelle temporelle; c'est ce que propose cette motion et les amendements que vous avez sur vos tables. C'est ce que propose cette motion qui demande au Conseil d'Etat de donner la priorité à l'urbanisation des périmètres déjà déclassés et à l'urbanisation des zones agricoles enclavées impropres à l'agriculture. Bien sûr qu'il est probable que la zone agricole ne soit jamais sanctuarisée, mais permettre aujourd'hui le déclassement de zones agricoles sans qu'il y ait eu une densification de ce qui est déjà disponible en zone à bâtir, c'est bien entendu être certain que la densification n'aura pas lieu dans les autres zones, avec toutes les conséquences négatives sur l'économie du sol et sur les ressources publiques communales comme cantonales pour le financement des infrastructures publiques et des infrastructures de transports publics. Pour quelle raison faudrait-il encore déclasser alors que des surfaces vides sont disponibles aussi bien en zone à bâtir qu'en zone industrielle ? La priorité est de prendre ce qui est déjà déclassé, donc disponible, et de le densifier. 500 hectares disponibles ne sont pas construits, c'est pourquoi il est nécessaire, dans le cadre de cette motion, d'établir le recensement de ces surfaces non bâties.
Enfin, certains commissaires ont inlassablement répété - le rapporteur de majorité vient de le faire - que la volonté supposée des Verts par l'intermédiaire de cette motion est de bloquer la construction de logements à Genève. Eh bien c'est un mensonge ! Mais il ne suffit malheureusement pas de répéter un mensonge pour en faire une vérité ! Soyons clairs: les Verts n'ont jamais bloqué un logement à Genève; vous n'en trouverez nulle trace dans le Mémorial de ce Grand Conseil ! Alors faisons les comptes, Monsieur Genecand: concernant les blocages, les 1200 logements des Grands-Esserts à Veyrier... (Commentaires.) ...sont toujours bloqués par le PLR, tout comme les 2300 logements des Communaux d'Ambilly à Thônex bloqués par l'Entente... (Commentaires.) ...et les 1500 logements des Corbillettes par une majorité de ce Grand Conseil ! Cela fait donc 5000 logements bloqués ! Monsieur Genecand, qui sont les «bloqueurs» ? (Commentaires.) 5000 logements bloqués, 500 hectares déclassés et pas construits ! Voilà les coryphées du blocage ! Vous êtes assez forts, je le reconnais ! Quant au déclassement des Cherpines qui a été accepté contre l'avis des Verts, il n'y a toujours rien pour un gâchis de 62 hectares de terres agricoles, et il y aura peu en regard des densités choisies dès le départ.
Suite au débat en commission, nous avons présenté des amendements durant la séance de la commission pour intégrer les remarques et demandes de modifications que la majorité des commissaires avait demandées: ces amendements ont été dédaigneusement rejetés ensuite par la même majorité, c'est pourquoi nous les présentons à nouveau aujourd'hui en plénière. (Commentaires.) Ces amendements - vous les avez reçus - consistent en fait en la suppression des invites 2 et 3 qui étaient les plus problématiques pour les remplacer par des invites qui se déclinent de façon simple. Cette motion invite maintenant à fournir la liste des terrains constructibles déjà déclassés mais qui ne sont pas construits et, si possible, à fournir les raisons de cette absence de construction; à toiletter la zone agricole par des mesures de modification de zones afin de mettre en conformité les parcelles qui ne sont plus affectées à l'agriculture; et, chose nouvelle qu'il serait bien de faire, à étudier en amont des déclassements de zones agricoles - parce qu'il y aura des déclassements de zones agricoles - la possibilité de mettre en place un remembrement urbain afin de procéder à des échanges de terrains, même avec des terrains hors des périmètres déclassés; enfin, à procéder au déclassement des parcelles agricoles dites enclavées qui ont déjà été recensées.
Vous voyez que ces demandes sont tout à fait raisonnables. Elles ne demandent que des actions raisonnables. A leur lecture, je serais très étonné qu'on puisse encore trouver quelque volonté de blocage dans cette motion. Mesdames et Messieurs, nous vous remercions de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. (Commentaires.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. (Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur ? Ça se passe par là !
Une voix. Ou-hou !
Le président. Vous avez pris sur le temps de votre groupe.
M. François Lefort. Oui !
Le président. Vous en êtes conscient ?
M. François Lefort. Oui, j'en suis conscient. Merci, Monsieur le président.
Le président. Il reste deux minutes onze à votre groupe. Je passe la parole à M. le député Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Evidemment, le milieu agricole et l'UDC aussi sont favorables aux propositions concernant la préservation de la zone agricole. Je crois que c'est possible si on en a la volonté. Revenant de Taïwan qui compte 23 millions d'habitants sur un territoire de 30 000 kilomètres carrés, j'ai pu constater que ces gens ont préservé un quart de leur territoire en zone agricole - 800 000 hectares - avec une partie de plaine et un pays qui ressemble fichtrement à la Suisse. On peut donc densifier, on peut construire en hauteur, on peut maintenir une zone agricole qui soit nourricière pour la population. C'est le seul moyen, car on n'a pas encore trouvé le moyen de densifier le territoire pour les cent mille habitants supplémentaires qu'on aura dans les vingt-cinq prochaines années. Nous trouvons que les propositions d'amendements faites par notre collègue Lefort correspondent bien aux demandes de changements formulées en commission. Pour l'UDC, il faut donc renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et une fois le rapport rendu, nous verrons les points positifs qu'il sera possible d'en tirer. L'UDC votera cette motion.
Mme Bénédicte Montant (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je pense pouvoir dire que nous sommes tous d'accord avec le but apparent de cette motion qui exprime vouloir préserver nos zones agricoles et construire rapidement les logements dont la population a grandement besoin. Si l'intention est louable, les moyens proposés dans la première motion n'étaient cependant pas les bons. La commission en a débattu, il y a eu des propositions d'amendements et des modifications dont nous avons longuement discuté. Aujourd'hui, cette motion revient dans notre hémicycle avec d'importantes modifications, comme vous l'a expliqué le rapporteur de majorité. Ce que l'on comprend surtout entre les lignes de cet objet est qu'il porte la volonté de lier dans un espace de temps très étroit les déclassements amenés et les constructions effectuées sur des périmètres déjà déclassés. Nous le savons, les réserves émises par la Confédération lors de l'approbation de notre plan directeur cantonal nous limitent déjà dans notre développement plus qu'il n'est nécessaire. Nous devons d'ailleurs continuer à défendre les intérêts du canton dans le cadre de l'inventaire de nos surfaces d'assolement. Interférer dans la planification du plan directeur cantonal en conditionnant les futurs déclassements à la construction effective de périmètres déjà existants nous amènera des contraintes de planification supplémentaires inutiles et inacceptables. Cela bloquera assurément le déclassement de zones prévues dans le plan directeur et qui pourraient, encore une fois, accueillir le logement dont nos concitoyens ont besoin.
Je rappelle en outre que le plan directeur cantonal prévoit déjà, précisément, une urbanisation vers l'intérieur ainsi que la mise en oeuvre prioritaire des zones déjà déclassées, et que nous disposons depuis février 2013 d'indices minimaux de densité en troisième zone de développement. Enfin, certains craignent que cette motion ne vise à densifier la zone villas de façon plus large que ce que prévoit le plan directeur, ce qui n'est évidemment pas acceptable. En conclusion, cette motion ne facilitera pas la mise en oeuvre de nos projets de développement mais risque au contraire de générer des instruments bloquants et dommageables, c'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le parti libéral-radical ainsi que la majorité de la commission vous recommandent de la rejeter.
M. Jean-Louis Fazio (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, bien que l'on puisse être d'accord sur le fond, sur le titre de cette motion, le groupe socialiste la refusera, comme il a été discuté en séance de la commission d'aménagement du canton. En effet, les trois invites de cette proposition bloquent tout développement en matière de logement et tout développement économique de notre canton, car une mise en oeuvre prendrait une bonne quinzaine d'années au minimum. L'acceptation de cette motion paralyserait en outre l'administration. Cette motion, Mesdames et Messieurs les députés, est dangereuse. De plus, les amendements proposés par l'auteur sont déjà mis en oeuvre par l'administration et ont déjà été votés lors de la législature précédente. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, allons de l'avant, allégeons notre ordre du jour et refusons cette motion. (Remarque de M. François Lefort.)
Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons à un tournant dans la vision de l'aménagement de notre territoire. L'approbation avec réserves par la Confédération de notre plan directeur en est la démonstration. Dans ces réserves, il nous est notamment demandé de démontrer que nous pouvons densifier les zones à bâtir avant de déclasser des zones agricoles. La première invite proposée par cette motion va tout à fait dans ce sens. Quant aux autres invites, elles proposent des solutions pour construire sans déclasser afin de pouvoir créer plus rapidement du logement. Je pense que nous ne pouvons qu'adhérer. Pour ce qui est de la quatrième invite, la proposition est d'améliorer notre pratique. En effet, la pratique actuelle veut qu'on consulte les propriétaires après déclassement; créer un syndicat de remaniement parcellaire à travers ce remembrement urbain permettra de négocier les problématiques de foncier en amont des déclassements. Il est évident que procéder ainsi nous permettra d'éviter des éventuels recours des propriétaires. Pour toutes ces raisons, le groupe PDC votera cette motion amendée.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, d'abord nous avons un problème fondamental: le gouvernement fédéral a décidé que nous n'aurions plus droit au quota de zones constructibles que nous espérions, alors que le développement de notre région est très important et que celui-ci nécessite une urbanisation, si nous souhaitons en finir avec les va-et-vient incessants de nos concitoyennes et concitoyens. Je vous rappelle que plus de cent mille personnes arrivent le matin et repartent le soir, et celles et ceux qui sont déjà allés à un match de football avec trente ou quarante mille spectateurs ont un exemple de ce qui se produit quotidiennement dans notre canton. Tout le monde est d'accord de densifier et de construire à Genève pour répondre à ce besoin lancinant non seulement d'appartements, mais d'appartements bon marché. Vient ensuite la question du déclassement. On s'aperçoit - car c'est la réalité, il faut partir de la réalité - que des terrains ayant été déclassés il y a quinze ans - j'y ai participé - dans le cadre de l'ancien plan directeur cantonal ne sont toujours pas urbanisés aujourd'hui, ce qui est extrêmement dommageable. Ensuite, quand ils sont urbanisés - heureusement qu'il y a quand même eu cette votation qui a fixé des seuils de densification minimale - ils sont densifiés à minimum pour ne surtout pas changer le rapport de force politique... (Remarque.) ...de certaines communes suburbaines ou urbaines qui se prétendent encore agricoles alors qu'elles ont trois paysans qui se courent après. Cela constitue un véritable problème, mais je ne crois pas que le fait de condenser comme c'est proposé dans cette motion et de décréter qu'on ne pourra déclasser que lorsqu'on aura urbanisé ce qui a été déclassé... (Commentaires.) ...soit une bonne solution, malheureusement. En ce qui me concerne, j'aimerais bien pouvoir travailler de cette façon et dire: «On déclasse, on urbanise et après on s'attaque au reste !» Il existe un problème de fond. Nous, nous pensons qu'il faut reconsidérer l'ensemble de la zone agricole, parce qu'elle a été évaluée à la louche. Il faut donc procéder à une nouvelle mensuration - je me tourne vers le ministre en charge de cette question - et recalculer notre véritable zone agricole. Je vous rappelle qu'elle n'a pas été expertisée par des spécialistes, il faut le faire pour nous donner un peu plus d'air - de même au niveau de toute la Suisse, d'ailleurs. Ensuite, il faut déclasser et se donner les moyens d'urbaniser le plus rapidement possible, et ne surtout pas commencer à négocier avec les propriétaires, ceux qui vont toucher le jackpot. Il faut au contraire que l'Etat se substitue avant le déclassement pour acheter des terrains au prix où ils sont mis en vente et que ce soit l'Etat qui urbanise, plutôt que d'urbaniser parcelle par parcelle. Si on continue à urbaniser parcelle par parcelle, on arrivera à ce qui se passe aujourd'hui, c'est-à-dire à des plans localisés de quartier qui sont le fruit de consensus et qui bien évidemment abaissent le plus possible les densités pour faire le maximum d'argent et surtout ne pas mettre à disposition de la majorité de la population des appartements bon marché. Je vous remercie de votre attention.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Je voudrais compléter les propos du rapporteur de majorité. 3672 logements étaient en construction en 2013. En 2013, on a construit 1288 logements à Genève, ce qui est loin des 3000 logements nécessaires pour assumer les ambitions économiques du canton, auxquels il faut en ajouter 2000 pour faire face à la décohabitation des familles et 850 pour loger la jeunesse qui veut devenir indépendante, soit au total 5850 logements par année. Le plan directeur cantonal 2030 prévoit 100 000 habitants de plus d'ici 2030. Il faudra aussi loger 100 000 Genevois qui ont actuellement entre 0 et 20 ans. Merci, Monsieur le président.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement vous rappeler, une fois encore, deux votations populaires. L'une est fédérale et porte sur la loi sur l'aménagement du territoire, l'autre est cantonale et porte sur la loi sur les zones de développement pour une utilisation plus rationnelle du sol. La population a plébiscité une préservation de notre territoire, une préservation de zones agricoles et un minimum de souveraineté alimentaire - car il ne s'agit ici que d'un minimum - et une rationalisation, une densification des surfaces existantes. C'est bien de cela qu'il s'agit dans cette motion, autrement dit utiliser au mieux les surfaces existantes pour permettre la construction de nouveaux logements. Je vous remercie.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion part d'une bonne intention, parce que c'est une motion ! C'est-à-dire qu'elle demande au Conseil d'Etat d'établir le bilan et de réaliser une étude en suivant cette direction qui consiste à densifier à tout prix avant de déclasser la zone agricole. Mais ne nous trompons pas sur l'objectif de cette motion qui est de densifier la zone villas ! (Commentaires.) Or la loi précise déjà quelles sont les possibilités de densification de cette zone villas et également des zones prêtes à la construction. (Commentaires.) Alors, pour le MCG, non à cette motion, faisons tout pour appliquer la loi et le plan directeur tel qu'il est proposé, tel qu'il a été voté par ce plénum il y a deux ans, mais arrêtons de tirer à boulets rouges sur la zone villas pour la densifier à tout prix alors que c'est là qu'il y a le plus de résistance et que cela prendra le plus de temps ! Densifions, construisons des logements là où les terrains sont déjà en zone de développement 3 et là où il faut accélérer les autorisations de construire ! Je vous remercie.
M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Quatre points pour compléter la discussion: premièrement, si je dis que Genève est exemplaire en matière d'urbanisme, c'est parce qu'aujourd'hui le nombre d'habitants par kilomètres carrés déclassés à Genève est le plus élevé de Suisse. Soutenir que Genève gaspille le sol est donc faux ! Genève a été exemplaire et doit continuer de l'être, mais pas au détriment d'un développement économique raisonnable. Deuxièmement, quand j'entends qu'un mètre carré utilisé pour construire un logement est irrémédiablement perdu, je trouve que c'est faire bien peu de cas du besoin de se loger. Ce n'est pas gaspiller un mètre carré que de le donner à la population pour se loger ! Construire un appartement ne revient pas à perdre de la surface ! C'est donner un bien de première nécessité, reconnu par notre constitution comme besoin primaire. Troisièmement, le paradoxe de toute cette histoire, qu'aucun représentant écologiste n'a jamais réussi à dénouer, c'est qu'en acceptant le développement du canton à 50 milliards de francs par année et en refusant la création de logements, on est allé bouffer des mètres carrés en France ces dernières années, Mesdames et Messieurs ! Et je n'ai pas entendu une seule explication valable m'indiquant pourquoi un mètre carré à Cruseilles a moins de valeur écologique qu'un mètre carré à Plan-les-Ouates ! (Commentaires.) Il n'y a aucune raison ! (Commentaires.) La seule chose que cela montre, c'est notre hypocrisie ! Et dernière chose pour mon collègue Leyvraz: s'il veut conserver seulement un quart du territoire pour la zone agricole, alors nous avons un potentiel énorme ! Dans mon rapport figurent les kilomètres carrés du canton et leur distribution. Le canton a une surface de 282 kilomètres carrés.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Benoît Genecand. Ça me suffira ! Nous avons 107 kilomètres carrés de zone agricole, soit deux fois plus que la zone bâtie aujourd'hui. S'y ajoutent 34 kilomètres carrés de lac et 37 kilomètres carrés de forêt en croissance. (Brouhaha.) Si vous ajoutez toute cette zone non bâtie, 63% du terrain de Genève ne sont pas utilisés pour l'habitation ou le développement économique.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Benoît Genecand. Mesdames et Messieurs, c'est très bien ainsi, mais ne bridons pas trop la croissance, nous le paierons très cher !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Monsieur Pagani, avez-vous demandé la parole ? (Remarque.) Manifestement pas. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité François Lefort.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Quand je conseillais de lire la motion et surtout le rapport de minorité, je ne pensais pas si bien dire, car visiblement certains orateurs n'ont lu ni la motion, ni les rapports, ni les amendements qui étaient déjà proposés dans le rapport de minorité de la motion ! Je le rappelle pour les orateurs du MCG, les socialistes et Ensemble à Gauche: cette motion veut simplement donner la priorité à la densification de ce qui est déjà déclassé... (Remarque.) ...c'est-à-dire 500 hectares qui ne sont pas construits et qu'il faut construire maintenant. Par rapport aux affirmations de M. Genecand sur la valeur du mètre carré, à laquelle nous ne serions pas sensibles, je pense évidemment comme beaucoup de Verts qu'un mètre carré à une densité de 2,5 à 3, voire plus, est bien mieux utilisé qu'un mètre carré à une densité de 0,6. Mais M. Genecand, comme le sont souvent les membres de son parti, est un adepte de la plus basse densité en zone villa... (Commentaires.) ...ou en zone de développement, et c'est un véritable gâchis de terrain disponible auquel il faut mettre fin ! Voilà. Je ne peux que vous encourager bien sûr à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. En réalité, Monsieur Lefort, je vous réponds tout de go, le Conseil d'Etat ne veut pas de cette motion ! (Commentaires.) Pour ne parler que des invites, d'abord celles de la motion initiale, elles sont clairement bloquantes, cela a été relevé par le rapporteur de majorité; on a déjà tellement de peine à planter chaque clou pour construire un logement que si vous conditionnez le travail de l'administration sur certaines parcelles à la réalisation d'autres, vous pouvez tout simplement oublier et, franchement, à partir de là, on peut fermer boutique ! Ensuite, les invites de votre amendement, elles, il faut le reconnaître, enlèvent ces conditions, mais demandent des choses qui, pour la plupart, sont faites. (Commentaires.) «Fournir la liste des terrains constructibles»: Monsieur Lefort, vous avez un plan directeur cantonal adopté, en force; les parcelles sont repérées; mon département a présenté à la commission parcelle par parcelle, année par année, le moment où on entend les déclasser et où on entend avoir un PLQ en force. (Commentaires.) J'ai annoncé un programme de deux fois 2 millions de PLQ à réaliser d'ici 2018. Nous avons également planifié ce qui viendrait entre 2018 et 2023; l'enjeu, c'est de le faire. L'enjeu est de le faire, et non de le discuter. Nous devons réaliser le plan cantonal, rien que le plan cantonal, seulement le plan cantonal, mais complètement le plan cantonal, si je puis dire, c'est-à-dire tout le plan cantonal, et c'est là qu'interviennent le consensus et peut-être la discipline dont nous devons faire preuve. Je n'entends donc pas le rouvrir et affecter des heures de collaborateurs à réinventer la roue de ce plan directeur; nous devons l'appliquer. (Commentaires.)
L'enjeu qui se trouve derrière cette motion - celui-là, je le comprends et il mériterait peut-être une discussion à lui seul - c'est celui du toilettage de la zone agricole. Effectivement, il existe un décalage entre l'affectation réelle de certaines parcelles agricoles et la zone de fond, la zone juridique, à savoir la zone agricole elle-même. Nous sommes en train de réaliser ce toilettage. Il s'agit d'un travail de longue haleine; il faut évaluer ces petites parcelles enclavées une par une, mais je tiens à le dire aussi de manière très claire devant ce parlement, de sorte qu'il n'y ait pas de désillusion: le potentiel de zones constructibles réelles derrière ce toilettage de la zone agricole est pratiquement nul, parce que la plupart de ces parcelles qui ne sont plus propices à l'agriculture - parce qu'elles sont enclavées, parce qu'elles se trouvent près des bois et des forêts, etc. - ne sont pas non plus compatibles avec les principes d'un aménagement du territoire et d'une densification tournée vers l'intérieur. Autrement dit, ce sont des parcelles éparpillées sur notre territoire, sur les 63% de nos périmètres non construits, et par conséquent, même si on venait à les retirer de la zone agricole - on ferait ainsi justice au monde agricole, puisqu'il n'aurait plus à comptabiliser ces parcelles qu'il n'utilise pas - elles ne donneraient pas automatiquement lieu à des constructions de logements.
Donc oui, nous allons procéder à ce toilettage, mais non, ce toilettage ne nous ouvrira pas à vrai dire des potentiels démesurés, même si on peut y gagner quelques logements çà et là. Aujourd'hui, l'enjeu est d'appliquer ce plan directeur cantonal et de mettre en oeuvre tous les efforts possibles pour réaliser les PLQ dans les délais ambitieux que s'est fixés le département, et je vous prie en tant que parlement de contribuer fondamentalement à cet objectif-là à travers les modifications de zones. Par conséquent, le Conseil d'Etat ne souhaite pas s'embarrasser de motions supplémentaires, de celles-ci ou d'autres - je le dis en passant - qui nous demandent d'effectuer un travail qui a déjà largement été réalisé.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais d'abord voter sur l'amendement qui consiste à supprimer les invites 2 et 3 remplacées par les quatre nouvelles invites suivantes:
«- à fournir la liste des terrains constructibles déjà déclassés mais qui ne sont pas construits et, si possible, fournir les raisons de cette absence de construction;
- à toiletter la zone agricole par des mesures de modifications de zones afin de mettre en conformité les parcelles qui ne sont plus affectées à l'agriculture (mise en application de la motion 2069);
- en amont des déclassements de zone agricole, à étudier la possibilité de mise en place de remembrement urbain afin de, notamment, procéder à des échanges de terrains hors du périmètre étudié;
- à procéder au déclassement des parcelles dites enclavées recensées.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 31 oui et 11 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 2142 est rejetée par 58 non contre 22 oui et 5 abstentions.