République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1927-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Prostitution de salon contraire à la LDTR dans des immeubles d'habitation: STOP au laxisme du Conseil d'Etat - Pour une meilleure coordination des services et l'application de la loi (Pâquis)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 4 et 5 juin 2015.
Rapport de M. Stéphane Florey (UDC)
P 1928-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Prostitution de salon contraire à la LDTR dans des immeubles d'habitation: STOP au laxisme du Conseil d'Etat - Pour une meilleure coordination des services et l'application de la loi (Liotard)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 4 et 5 juin 2015.
Rapport de M. Stéphane Florey (UDC)

Débat

Le président. Je passe la parole à M. Stéphane Florey, rapporteur.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Les situations exposées dans ces deux pétitions montrent qu'en réalité il y a une sorte de flou juridique concernant certaines autorisations. En effet, on s'est aperçu que des salons de massage étaient exploités dans des immeubles d'habitation, or il règne un certain flou quant aux autorisations de ces personnes, parce que si effectivement elles ont une autorisation d'exploiter... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...dans la mesure où elles sont, selon leurs dires, déclarées, il n'en est pas de même concernant la LDTR, s'agissant de l'autorisation de transformer ces appartements en salons de massage. C'est là qu'il y a un vrai problème à régler et apparemment un flou juridique à éclaircir.

En commission, la majorité a pris deux décisions, car on se trouve en réalité dans une situation un peu particulière: tandis que la première pétition est encore valable, puisque le problème n'est pas résolu, la deuxième ne l'est plus, car la situation s'est réglée d'elle-même. En effet, le salon de massage a finalement été fermé par son exploitant suite à une action des propriétaires de l'immeuble. Ces deux pétitions ont donc fait l'objet de plusieurs votes: une majorité vous demande de renvoyer la P 1927 au Conseil d'Etat pour qu'il règle cette question et une autre majorité vous propose de déposer la P 1928 sur le bureau du Grand Conseil, car elle a estimé qu'il était un peu ridicule de renvoyer une pétition qui n'a plus d'objet, puisque cette question est déjà réglée. Cela dit, les majorités ont été légèrement différentes lors de ces votes, c'est pourquoi j'invite chaque député à bien regarder ce que son groupe a voté, tant pour le renvoi que pour le dépôt.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Ces deux pétitions concernent le sort de deux salons de massage, dont seulement un reste d'actualité... euh, en activité. (Exclamations. Commentaires.) Il faut savoir que le salon de massage sis au 14, rue de Bâle est dûment inscrit auprès de la brigade des moeurs, il s'exerce donc un contrôle sur ce dernier.

Les copropriétaires contestent le fait que le salon de massage soit installé dans les étages, mais accepteraient que l'exploitation du Salon Rouge se fasse dans des locaux commerciaux situés dans l'immeuble. Dans les grandes lignes, l'effet et les nuisances sont les mêmes, soit les continuels va-et-vient, le bruit incessant et le soulagement de besoins naturels. Lorsque les copropriétaires ont acheté leurs appartements, ils savaient que le quartier des Pâquis était un endroit qui pouvait être prédestiné au libertinage. (Exclamations.) Toutefois, leur immeuble ne comporte même pas de code d'entrée, ce qui est tout de même curieux dans un tel quartier.

En fait, c'est la nature de l'activité de la prostitution qui dérange les pétitionnaires. Selon le Tribunal fédéral, un salon de massage - qui doit occuper au moins trois personnes, ce qui n'est pas le cas dans cette affaire - n'est pas soumis à autorisation et il n'est pas nécessaire d'avoir l'accord des copropriétaires pour ouvrir un tel lieu. Il est évident que les copropriétaires auxquels on fait des reproches quant à l'utilisation de leurs biens-fonds sont égoïstes et cupides: ils laissent faire tant que, économiquement, leurs appartements sont très rentables.

Si les pétitionnaires de la rue de Bâle étaient vraiment déterminés dans leur action, il aurait mieux valu qu'ils utilisent la voie de la justice, qui est certes plus coûteuse, plutôt que la voie publique par le biais d'une pétition, qui elle est gratuite.

L'UDC vous demande donc de rejoindre le préavis du rapporteur sur ces deux pétitions en renvoyant la P 1927 au Conseil d'Etat, car elle concerne le commerce, le logement, la prostitution et les contrôles, et en suggérant que les pétitionnaires de la P 1928 retirent leur texte, car il est devenu sans objet.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. J'ai eu peur que vous nous demandiez de rejoindre le salon de massage... (Rires.) Je passe la parole à Mme la députée Sarah Klopmann.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, il n'y a pas de flou juridique, les lois existent bel et bien; l'ennui, c'est qu'il n'existe pas de lien entre la LProst et la LDTR, et c'est de cela que se plaignent les habitants de ces immeubles. Les salons de massage en question étaient dûment déclarés auprès de la police des moeurs et donc en accord avec la LProst, mais aucune annonce n'avait été faite auprès des services liés à la LDTR, et finalement le problème c'était simplement le déroulement d'une activité commerciale dans un logement sans autorisation et sans déclaration du changement d'affectation du lieu.

Le souci, c'est que si pour cette raison-là on accepte de modifier les lois, et notamment la LProst, ça signifie soit qu'on le fait pour toutes les lois qui concernent et régissent les autres activités commerciales - parce qu'il faut une justice et qu'on juge juste que les activités commerciales doivent être plus en lien avec la LDTR lorsqu'on change l'affectation des lieux - soit que tout d'un coup on décide que la prostitution est une activité commerciale différente, alors qu'elle est tout autant réglementée que les autres, raison pour laquelle nous, les Verts, ne voyons pas pourquoi il faudrait que nous l'appréhendions de manière différente. Ce qu'on pourrait faire, c'est plutôt réfléchir à la création d'une sorte de service ou plutôt de guichet unique au niveau de l'administration, afin qu'on puisse s'annoncer à tous les services en même temps et de façon plus simple, mais en tout cas pas en modifiant la LProst.

En plus de cela, nous n'avons pas eu la preuve qu'il y avait plus de deux personnes dans ces salons de massage, et s'il y a deux personnes - ce qui semble être le cas - c'est plutôt une bonne chose, car ça signifie que ce sont des prostituées qui ont actuellement, grâce à ces lois, la possibilité d'exercer dans leur logement d'habitation, en totale indépendance, et donc sans subir une quelconque pression extérieure. Or c'est quelque chose qu'il faut plutôt souligner et encourager, et il serait très dommage que nos votes viennent à péjorer leur situation.

Je peux comprendre qu'on soit dérangé par la présence d'un salon de massage, et je déteste ce terme, étant masseuse de profession - pas dans un salon de massage, dans un cabinet de massage, mais quand bien même, je n'aime pas ce terme... (Exclamations.) Je comprends donc que la présence de ce genre d'établissements à côté de chez eux puisse déranger les gens... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais même les habitants des Pâquis ont fini par nous avouer que ce n'était pas vraiment le va-et-vient qui les gênait; ils ont même admis que les clients étaient plutôt discrets et qu'ils se faisaient tout petits. (Brouhaha.) Ce qui les dérange, finalement, c'est l'enseigne, c'est l'idée même de l'activité qui se déroule à côté de chez eux, et le fait que cela dévaluerait peut-être... (Brouhaha.) Je sens qu'il y a des gags à cause de ma profession, mais ce n'est pas grave !

Des voix. Non ! (Commentaires.)

Le président. Vos collègues vous expliqueront ! (Rires.)

Mme Sarah Klopmann. J'ai compris ! Je suis un peu naïve, excusez-moi ! Ils nous ont donc finalement avoué que ce qui les dérangeait, c'était aussi le fait que leur immeuble puisse être dévalué à cause de l'enseigne «Salon de prostitution»...

Le président. Il vous faut conclure ! Enfin... (Hilarité. Applaudissements. Commentaires.) Je n'ose même pas vous dire de poursuivre !

Mme Sarah Klopmann. Je conclurai donc avec une position beaucoup moins alambiquée que celle de mes préopinants... (Rires.) ...et vous propose de déposer les deux textes sur le bureau du Grand Conseil. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Pascal Spuhler (MCG). Après le petit exercice physique de tout à l'heure et ces propos qui nous ont réchauffé le coeur, je dois dire que ça va être difficile de reprendre !

Le MCG aimerait pouvoir renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat, car la problématique est relativement simple. Au 14, rue de Bâle, on se trouve face à une situation qui est quand même un peu bizarre: des propriétaires peuvent effectivement faire des réclamations en raison des va-et-vient dus à ce salon, qui est un commerce en soi, mais dans le même immeuble il y a un cabinet médical. Alors pourquoi le cabinet médical pourrait-il être exploité et pas le salon ? La question peut se poser. On part du principe qu'à notre sens il n'y a pas de souci pour une professionnelle indépendante, puisqu'on peut considérer qu'un médecin indépendant peut exploiter un cabinet médical dans des locaux ou des appartements privés - des PPE - mais en revanche l'exploitation d'un commerce avec plusieurs personnes, par exemple plusieurs prostituées, ou d'un cabinet médical avec plusieurs médecins, pourquoi pas, pourrait alors effectivement provoquer des nuisances. Ce serait une exploitation de commerce dans une propriété privée, ce qui nous pose quand même un problème.

D'autre part, on peut saluer notamment les propriétaires et locataires de la rue Liotard, qui se sont mobilisés face à la situation à laquelle ils étaient confrontés en faisant un sitting dans l'allée - sans violence, évidemment - ce qui a bien sûr quelque peu rebuté le salon, mais surtout les clients, qui craignaient de se faire voir en se rendant dans ce salon. Les propriétaires ont donc gagné sur ce coup-là, mais il y a quand même un problème - raison pour laquelle on aimerait renvoyer ces pétitions au Conseil d'Etat - c'est qu'ils ont effectué des démarches officielles par écrit auprès du département, mais qu'ils n'ont pas vraiment obtenu de réponse. Il faut dès lors tout de même qu'on trouve une solution. Est-ce qu'on peut accepter une exploitation indépendante dans des propriétés privées, dans des PPE ? Ou est-ce qu'on accepte tout, des commerces, etc., y compris des salons de massage ? Voilà la différence que l'on doit pouvoir établir, et je pense donc que, sur ce point, les deux pétitions méritent d'être renvoyées au Conseil d'Etat.

M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous propose de renvoyer les deux pétitions sur cette question au Conseil d'Etat, parce qu'elles concernent finalement un problème global. Effectivement, il y a une grande différence entre le fait d'exploiter un salon, qui est une entreprise commerciale, et le fait que certaines travailleuses du sexe, qui ont là leur logement et donc habitent sur place, y exercent leur travail, accessoirement et en toute liberté. Selon l'association Aspasie, il y en a 145 à Genève, sur 2000 travailleuses du sexe.

Le renvoi au Conseil d'Etat nous paraît important, parce que les modèles particuliers d'intervention du DALE par rapport à la LDTR ne sont pas absolument clairs. Nous avons de plus auditionné un certain nombre de personnes qui nous ont dit que le flou - et spécialement cette question d'articulation entre la loi sur la prostitution et la LDTR - n'était pas vraiment clarifié. Cela dit, nous n'avons pas de solution toute faite à proposer à ce sujet, c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste suggère de renvoyer au Conseil d'Etat cette question, qui est importante, parce qu'effectivement le repos des voisins est important ! Mais encore une fois, faisons la différence entre un salon, une entreprise, une exploitation commerciale, et le fait que certaines personnes qui vivent sur place exercent accessoirement, en toute liberté et en toute légalité, le métier de travailleuse du sexe. Le groupe socialiste vous propose donc de renvoyer les deux pétitions au Conseil d'Etat.

M. Jean Romain (PLR). Tout ou presque a été dit, mais sachez simplement qu'il ne s'agit pas ici d'une question de morale: c'est une question de droits, tout simplement.

Nous sommes donc saisis de deux pétitions dont les auteurs se plaignent exactement du même fléau - enfin, de ce qu'eux considèrent comme un fléau - mais pour l'une d'elles la situation est réglée. En effet, l'une des pétitionnaires a organisé avec tous les habitants et les propriétaires de l'immeuble des verrées dans le hall d'entrée, et au final les habitués de ces salons de massage - on ne peut pas les appeler autrement - ont renoncé à venir parce que le hall d'entrée était occupé par les habitants. Bien, cela a été réglé de cette manière-là, et nous n'approuvons pas le fait qu'une habitante se fasse justice elle-même, mais enfin le problème exposé dans cette pétition 1928 est résolu et elle n'a donc plus d'objet, c'est pourquoi nous en demandons le dépôt.

Reste l'autre pétition, qui pour sa part est totalement pertinente. Il n'est pas possible d'appliquer le même stratagème en raison de l'architecture du hall d'entrée, et le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat est donc important au plus haut point. On ne peut pas laisser des propriétaires d'immeubles avoir recours à des mesures certes sympathiques, mais qui ressortissent à des méthodes de milice ! C'est sur ce point qu'on aimerait bien entendre le Conseil d'Etat, c'est pourquoi la P 1927 - et elle seule - sera renvoyée à ce dernier.

Mme Jocelyne Haller (EAG). C'est précisément pour le motif que vient d'invoquer M. Romain - mais avec une conclusion totalement contraire - que nous demanderons le renvoi de ces deux pétitions au Conseil d'Etat. En effet, il ne nous semble pas normal que, à partir du moment où une problématique est posée, les habitants d'un immeuble doivent faire leur propre police. Une action qui relève de la milice ne nous paraît de fait pas opportune, car c'est au gouvernement, aux autorités d'appliquer la loi et de faire en sorte qu'elle s'applique de la même manière pour tous.

D'autre part, je ne trouve pas acceptable cette pratique qui consiste à dire que, sous prétexte que trop de temps s'est écoulé ou que les gens se sont débrouillés tout seuls, une problématique qui avait du sens et qui interpelle véritablement ne doit plus être traitée, parce qu'on suppose qu'elle ne se reproduira plus. Pour ce motif, il nous semble indispensable de renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat.

Cela étant - et M. Romain l'a également évoqué - quelle que soit l'activité dont il s'agit, il n'y a aucune considération moralisante à avoir dans le traitement de ces deux pétitions, et pour nous c'est vraiment la question du droit qui se pose, celle de l'exploitation d'une activité commerciale dans des logements d'habitation. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur les conclusions de la commission concernant la P 1927, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1927 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 65 oui contre 14 non et 1 abstention.

Le président. Je vous fais maintenant voter sur les conclusions de la commission relatives à la P 1928, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1928 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 47 oui contre 36 non.