République et canton de Genève

Grand Conseil

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GR 526-B
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Monsieur R. S.

Débat

Le président. Nous passons au rapport de la commission de grâce GR 526-B, et je prie M. Vincent Maitre de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter le dossier de grâce. (Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur. Je vous remercie, Monsieur le président. Ce dossier, vous vous en souvenez, a déjà été abordé lors de la dernière session: votre Conseil avait décidé de le renvoyer en commission parce que certaines interrogations et certains doutes subsistaient quant à la grâce à accorder ou non à la personne dont il est question. Les faits sont particulièrement délicats puisqu'il s'agit d'une personne reconnue coupable par nos juridictions cantonales et fédérales de tentative d'instigation à assassinat dans des circonstances relativement rocambolesques, non seulement d'un point de vue général mais aussi du point de vue dont la procédure a été menée. Le procès a duré extrêmement longtemps puisqu'il a fallu sauf erreur plus de sept ans pour juger cette personne, qui est aujourd'hui incarcérée. Vous vous rappelez du contexte: il s'agit d'un ancien entrepreneur, propriétaire de plusieurs restaurants, qui s'est laissé aller à des intentions pour le moins contestables reconnues comme clairement criminelles par nos tribunaux. Il n'empêche que, ainsi que cela a été relevé, la commission de grâce s'est repenchée sur son cas et les circonstances dont je parlais et a estimé en substance que... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur le rapporteur, un instant, s'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs, nous traitons d'une grâce. C'est un sujet important, je vous prie donc de bien vouloir écouter le rapporteur. Merci.

M. Vincent Maitre. Je vous remercie, Monsieur le président. Je disais donc que la commission de grâce a estimé, après reconsidération du cas, que la peine complète infligée à cette personne, telle qu'elle doit la purger et pour laquelle elle a été condamnée, c'est-à-dire cinq ans d'emprisonnement ferme, était inopportune au regard des circonstances, pour ne pas dire plus néfaste que bénéfique, notamment en raison de la situation personnelle de ce monsieur, qui écoperait ainsi d'une double peine: une condamnation pénale, à savoir une peine de prison à purger, mais également une seconde peine qui reviendrait à l'expulser de Suisse, ce qui priverait ses enfants d'un père ainsi que ceux-ci et son épouse de contributions d'entretien. En effet, ce monsieur, divorcé aujourd'hui, paie une contribution d'entretien qui est, sous l'angle du droit du divorce, proportionnelle à ses revenus, lesquels étaient conséquents puisqu'il connaissait un certain succès en tant qu'entrepreneur. Aujourd'hui, puisqu'il est incarcéré et a fortiori s'il doit être expulsé de Suisse, il ne pourra plus verser cette pension à ses enfants ni même à son ex-épouse.

En outre, il est apparu à la commission que tout au long de l'enquête, certaines largesses pour le moins discutables - je ne dirais pas anomalies puisque cela a malgré tout été jugé conforme au droit - ont été retenues à charge des policiers ayant mené l'enquête. Vous vous en souviendrez, l'un des leurs avait été infiltré comme faux tueur, et il s'est avéré que dans les circonstances d'une mise en scène sordide et macabre, le prétendu assassin avait non pas instigué lui-même mais à tout le moins facilité la commission du crime par cette personne.

En tout état de cause, après des débats nourris en commission, une majorité - courte majorité, je dois le dire - a estimé que la grâce partielle devait malgré tout être accordée à cette personne et que sa peine devait être réduite d'une durée de cinq ans à une durée de vingt mois d'emprisonnement, tout cela pour éviter la double voire triple peine dont je parlais tout à l'heure, lui permettre de ne pas être expulsée de Suisse et ainsi continuer à verser ses contributions d'entretien. Je préciserai enfin qu'a également été retenu en la faveur de ce monsieur le fait qu'il est manifestement pénitent, qu'il a fait amende honorable et a réellement pris conscience de son acte, un geste malgré tout resté sans victime au sens pénal du terme puisque l'assassinat n'a pas eu lieu. Cet homme, qui avait quelques problèmes d'alcool à l'époque, est aujourd'hui totalement et parfaitement abstinent, ceci est attesté médicalement, il est très régulièrement soumis à des contrôles; il a suivi une psychothérapie et réellement pris conscience du mal ou en tout cas de l'idée criminelle qui l'avait animé, et s'en repent profondément. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles sa peine a paru sévère et surtout inutile à une majorité de la commission parce que cette personne n'est pas dangereuse, elle n'a aucune des caractéristiques qui pourraient laisser penser qu'elle serait sujette à récidive. Au vu de toutes les circonstances que je viens de rappeler, il convient de lui accorder une grâce partielle, c'est-à-dire une réduction de peine à vingt mois d'emprisonnement.

Mme Sandra Golay (MCG). Je voudrais simplement attirer l'attention des députés sur le fait que malgré ce que le rapporteur a dit, les policiers n'ont pas été poursuivis par la justice, c'est-à-dire qu'ils ont fait leur travail tout à fait correctement. Je souhaitais simplement rectifier ce qui a été sous-entendu par le rapporteur.

Mme Bénédicte Montant (PLR). Le rapporteur de majorité vous l'a dit: il n'y a aucune excuse pour le crime commis, et ce n'est pas dans ce sens-là que la commission a travaillé, même si ce crime a été facilité par la présence d'un agent infiltré qui a beaucoup relancé l'accusé afin qu'il commette ce crime. Finalement, et c'est bien heureux, rien n'a abouti. L'homme en question a purgé 93 jours de prison au moment où il a été arrêté; puis, pour des questions de lenteur de procédure, il est resté sept ans en liberté; au bout de ces sept ans, c'est-à-dire il y a quelques mois, cet homme a été condamné à cinq ans de prison.

Or pendant sa longue période de liberté, cet homme s'est amendé, s'est soigné, a traité son alcoolisme, s'est occupé de ses enfants ainsi que de son entreprise et de ses collaborateurs. C'est notamment pour ces raisons-là que la commission, après de lourds débats, parce que cela n'a pas été une décision facile à prendre, a pris le parti de réduire sa peine pour lui éviter son renvoi de Suisse, ce qui lui permettra d'une part de continuer à s'occuper de ses enfants, ce qu'il a fait de façon admirable jusque-là, d'autre part de se remettre à travailler et ainsi de contribuer économiquement à l'éducation de ses enfants. Voilà en résumé, chers collègues, les raisons pour lesquelles la commission a décidé d'octroyer une grâce partielle à cette personne.

M. Henry Rappaz (MCG). Chers collègues, je pense que dans cette affaire, on a oublié le côté passionnel et triste, on l'a totalement occulté. Pour ma part, je vais dans le sens contraire de ma préopinante du parti et pense que nous devons bien réfléchir à notre vote.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole au rapporteur, M. Vincent Maitre... qui renonce. Mesdames et Messieurs, je vais vous faire voter sur le préavis de la commission, soit la grâce partielle.

Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (grâce partielle de 40 mois - le solde de la peine privative de liberté à purger est donc de 20 mois) est adopté par 59 oui contre 30 non et 4 abstentions.