République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1932-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre la sous-enchère salariale favorisée par l'Etat
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 16 et 17 avril 2015.
Rapport de majorité de M. Guy Mettan (PDC)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Débat

Le président. La seconde pétition qui nous intéresse est la P 1932-A. La parole revient à M. Guy Mettan, rapporteur de majorité.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette pétition évoque le problème de deux nettoyeurs dans l'une des écoles de notre république, lesquels ont subi un changement d'affectation. La première entreprise pour laquelle ils travaillaient a vu son contrat résilié, il y a eu une redéfinition du contrat par l'office des bâtiments et la nouvelle entreprise qui l'a obtenu a d'abord modifié le contrat de prestations, c'est-à-dire le périmètre du travail à effectuer, puis réengagé ces employés mais à un tarif différent puisque l'office des bâtiments avait redéfini le cadre du contrat, ce qui semble assez logique.

Nous avons auditionné à ce propos M. Duvillard, qui nous a bien expliqué les circonstances dans lesquelles ce changement avait eu lieu, et une majorité de la commission a conclu qu'il n'y avait pas eu de violation de la convention collective... enfin, qu'il n'y avait pas eu de sous-enchère salariale dans ce cas-là puisque les gens avaient pu être repris. Ces quatre personnes avaient tout à fait le droit de déposer cette pétition, elles ont voulu attirer l'attention du Grand Conseil sur ce problème mais, je le répète, nous n'avons pas constaté de sous-enchère salariale à l'examen. La majorité de la commission a ainsi estimé qu'on pouvait déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil plutôt que de la renvoyer au Conseil d'Etat. Je m'arrête là pour le moment afin d'écouter avec attention la rapporteuse de minorité.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, au travers de la situation de deux nettoyeurs réengagés par l'entreprise Samsic, c'est toute une série de problématiques qui se voient mises à jour par cette pétition: tout d'abord celle d'une mise en concurrence exacerbée, qui induit une sous-enchère salariale et participe à la dérégulation du marché du travail; celle ensuite du vote de budgets qui ne permettent plus aux services de l'Etat d'exercer leurs offices et conduit à une baisse de quantité et de qualité des prestations; enfin, le fait de favoriser les apparentes meilleures offres et de pénaliser les entreprises à la fibre sociale qui respectent réellement les droits des travailleurs. Tout cela repose sur cette définition de la sous-enchère salariale.

On l'a vu, et j'ai essayé de l'expliquer dans mon rapport, ce qui a opposé la minorité et la majorité de cette commission, c'était la question de savoir s'il y avait véritablement eu sous-enchère salariale. Cela étant, tout le monde s'est ému du sort de ces deux nettoyeurs, qui ont été réengagés pour le même travail et le même nombre d'heures avec 700 F de salaire en moins. En partant d'un salaire brut de 4000 F, cette diminution amène à un salaire net de 2900 F, ce qui est l'équivalent du minimum vital, un montant en dessous du minimum insaisissable de l'office des poursuites. Ce qui est ainsi réellement en jeu, à travers cette pétition, c'est la responsabilité sociale de l'Etat en tant qu'employeur et maître d'ouvrage mais aussi en tant qu'autorité politique qui devrait garantir contre les risques de paupérisation. Voilà tout ce que cette pétition met à jour, et c'est pourquoi nous vous invitons à la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. François Baertschi (MCG). A première vue, ce dossier peut paraître délicat. En effet, il s'agit d'une entreprise de nettoyage sous-traitante, qui abandonne son mandat. Certes, les travailleurs ont été réengagés, donc on peut se dire que les règles ont été plus ou moins respectées. Mais si on aborde le problème d'une autre façon, on se rend compte d'une problématique plus inquiétante pour le fonctionnement de l'Etat, c'est-à-dire la question des AIMP, qui posent problème parce qu'on va vers une sous-enchère salariale: qu'on le veuille ou non, on va dans cette direction-là, vers une paupérisation de la population, en tout cas d'une certaine classe de travailleurs qu'on doit ensuite aider au travers de l'Hospice général.

Une autre chose est difficile à gérer: si on veut une privatisation de certains secteurs, il faut que l'Etat soit à la hauteur. Or, malheureusement, force est de constater... Bien sûr, c'est un exemple, et je crois que le Conseil d'Etat ne devrait pas nous répondre uniquement sur cet exemple-là mais, de manière plus générale, sur la politique qu'il mène en déléguant certaines tâches à des entreprises privées; il devrait nous montrer comment il effectue la gestion administrative des contrats. Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il est utile de lui renvoyer cette pétition. Je vous remercie.

M. Boris Calame (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous sommes à nouveau confrontés à un système de sous-enchère salariale engendrant la paupérisation d'une part de la population. Une personne qui agit pour le compte de l'Etat, quelle que soit la prestation qu'elle exécute, est en droit de bénéficier de conditions de travail décentes. Avec l'externalisation des tâches et sous prétexte des obligations liées aux marchés publics, l'Etat salarie des personnes qui lui sont indispensables comme si elles étaient à l'Hospice général. Heurté par cette situation, j'ai interpellé le Conseil d'Etat avec la question écrite 3751, qui portait le titre suivant: «Au travers des mandats qu'il attribue, l'Etat participe-t-il à la sous-enchère salariale et à la paupérisation croissante d'une part de la population active ?», et dont je vous encourage à lire la réponse datée du 15 avril dernier. J'y constate que notre société vit actuellement une situation quelque peu schizophrénique.

Je vais vous lire l'introduction et la conclusion de la réponse du Conseil d'Etat, qui devraient vous encourager à lui renvoyer cette pétition. L'introduction tout d'abord: «L'Etat partage les préoccupations soulevées par l'auteur de la question. Les collectivités publiques ont une responsabilité particulière et un devoir d'exemplarité sur les marchés publics. Tout comme il est de leur responsabilité d'utiliser les moyens dont ils disposent pour lutter contre le phénomène des "working poors".» Et ensuite, sa conclusion: «Le Conseil d'Etat partage les préoccupations exprimées par l'auteur de la présente question à l'égard de certaines décisions qui, bien qu'elles respectent la législation en vigueur, heurtent certains principes fondamentaux relevant de la dignité humaine. Il entend poursuivre ses réflexions visant à trouver une voie médiane et équilibrée entre la nécessité de promouvoir une saine gestion des deniers publics et la volonté de lutter de manière efficace contre la sous-enchère salariale.» Au nom des Verts, je vous remercie de bien vouloir renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin de nourrir quelque peu ses réflexions.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, contrairement aux contrevérités qu'a racontées M. Sormanni tout à l'heure à propos des bâtiments et sur le fait que la Ville serait... (Exclamations. Commentaires.) Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Sormanni, j'espère que vous en ferez de même ! Si, contrairement à ce qu'il a dit, la Ville est exemplaire s'agissant de ses bâtiments, elle ne l'est en revanche pas sur la question du nettoyage, tout comme l'Etat. Nous sommes confrontés à un véritable problème, Mesdames et Messieurs, parce que les conventions collectives entretiennent, elles aussi, la sous-enchère salariale.

Je vous rappelle qu'il existe deux conventions collectives, une pour le personnel de nettoyage à plein-temps, dont le salaire monte à 21,50 F, et une autre dont le salaire descend à 19,50 F. L'Etat a beau jeu de mettre en concurrence les travailleurs au niveau international, toujours est-il qu'ils ne gagnent pas suffisamment pour vivre ou alors se contentent, comme en Ville de Genève, de faire deux heures par-ci, deux heures par-là: ils travaillent deux heures à Genève, foncent à l'ONU pour deux autres heures, se rendent ensuite à Carouge pour deux heures supplémentaires, et ainsi de suite. Ils sont maintenus dans la précarité par l'Etat et la Ville de Genève, et ceci est déplorable, Mesdames et Messieurs, déplorable !

Nous devons trouver une solution parce qu'en définitive, c'est la collectivité qui paie: ce sont le chômage ou l'Hospice général qui prennent en charge ces travailleurs précaires, ces «working poors» comme on dit en anglais, parce qu'on a honte de les désigner comme des travailleurs pauvres. L'Etat, la Ville de Genève et les collectivités publiques entretiennent ce système alors qu'il serait très facile, Mesdames et Messieurs, d'intégrer ces travailleurs, comme cela se faisait dans le passé, et de mettre fin à ces situations. De toute façon, que ce soit par la caisse de l'Hospice général ou celle du chômage, c'est l'Etat de Genève qui prend en charge ces travailleurs in fine. On doit leur offrir un salaire décent mais surtout éviter les intermédiaires. En effet, dans ce secteur, il est très facile d'aller acheter trois balais et deux seaux et ensuite, en tant que patron intermédiaire...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Rémy Pagani. ...de se faire de l'argent sur le travail des autres. J'en appelle donc à la bonne volonté du conseiller d'Etat, M. Dal Busco, afin qu'il mette un terme à ces pratiques déloyales, comme nous essayons de le faire en Ville de Genève. Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). Ce que demande cette pétition est tout simplement inapplicable. La première invite demande principalement d'instaurer des critères prenant en compte la satisfaction des usagers du bâtiment concerné. Mais que ferait le Conseil d'Etat avec cette simple recommandation ? Il va demander leur avis à tous les usagers, il va perdre du temps, puis il va falloir instaurer des critères, se renseigner, et il devra attendre que les personnes répondent et disent si elles sont satisfaites ou pas...?! L'Etat a bien d'autres chats à fouetter que de traiter ce genre de demande !

Quant à la seconde requête, elle est également irréalisable puisque l'Etat non seulement ne doit pas mais ne peut pas s'ingérer dans la conduite d'une entreprise privée. Les entreprises sont libres d'engager qui elles souhaitent et de payer les salaires qu'elles souhaitent. Alors bien sûr, il y a des conventions qui régissent les salaires, elles sont donc tenues de les respecter. L'Etat peut tout au plus s'assurer que ces sociétés paient les charges sociales et respectent les conventions; mais au-delà de ça, c'est de la pure ingérence que nous ne pouvons pas accepter, en tout cas au groupe UDC. C'est pour ces deux principales raisons que nous déposerons cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, et nous vous invitons à en faire de même. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je profite de saluer à la tribune notre ancien collègue Louis Serex ! (Applaudissements.) La parole est à Mme la députée Nicole Valiquer Grecuccio.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes aimeraient souligner qu'il s'agit là d'employés qui travaillaient régulièrement; certes, ils ont été réengagés par l'entreprise repreneuse, certes, ils ont été engagés selon les normes de la convention collective, mais tout de même selon les normes les plus basses au prétexte qu'ils n'avaient aucune expérience. Or ces collaborateurs avaient déjà travaillé à satisfaction des écoles et assumaient des prestations jouant aussi un rôle social, notamment auprès des élèves, ce qui est évidemment une valeur ajoutée.

Nous demandons au Conseil d'Etat, lorsqu'il intervient dans les AIMP, de tenir compte des employés et des conditions de travail qu'ils avaient chez le premier employeur. Pourquoi ne pas imposer ce qui se pratique d'ailleurs dans le privé, à savoir le principe du transfert d'entreprise ? Quand une entreprise reprend un contrat, elle est normalement tenue de réembaucher les collaborateurs et collaboratrices aux conditions de travail qui étaient les leurs, en respectant conditions salariales et ancienneté. Ce qui s'impose aux entreprises privées selon le code des obligations, pourquoi l'Etat ne pourrait-il pas l'imposer à une entreprise qu'il rémunère pour bénéficier d'une prestation ?

Nous suivons d'ailleurs la position d'un commissaire PLR qui s'est demandé pourquoi on ne pourrait pas faire en sorte que ces collaborateurs deviennent employés de l'Etat. Eh bien oui, nous pensons que c'est une excellente proposition car nous devons internaliser le plus possible les tâches assumées par l'Etat. S'agissant du nettoyage des écoles, nous constatons que ces collaborateurs ont perdu plus de 700 F par mois alors qu'ils accomplissent des tâches nécessaires au bon fonctionnement de l'Etat. Que dirions-nous si on supprimait soudain aux collaborateurs que nous voyons régulièrement nettoyer ici...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...700 F mensuels ? Nous pensons qu'il relève de la responsabilité du Conseil d'Etat de faire respecter le principe du transfert et, si tant est que cela soit possible, d'internaliser les tâches.

M. François Baertschi (MCG). Ce que certains ont dit tout à l'heure légitime véritablement le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Monsieur le président, vous transmettrez à M. Pagani, puisqu'il est parti, la chose suivante: j'ai été très surpris par son discours et le fait qu'il critique la Ville de Genève alors que la gauche y est au pouvoir depuis vingt ou trente ans. C'est bien elle qui a mené une politique de privatisation, que je déplore à titre personnel, dans le domaine du nettoyage. On constate aujourd'hui que c'est une certaine impasse, et je pense qu'il faut mener une réflexion de fond sur la façon dont on veut gérer cela, non pas à la petite semaine mais avec une gestion responsable à la fois vis-à-vis des employés de l'Etat et des travailleurs des sous-traitants, lesquels ont aussi des droits. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Voici un chiffre, Mesdames et Messieurs les députés, pour que vous vous représentiez bien le problème: le cas le plus emblématique est celui de ce nettoyeur qui touchait 4325 F bruts par mois et qui, après licenciement, réorganisation et réengagement, se retrouve avec 3100 F bruts par mois, c'est-à-dire une perte de 28,5%. La question qui est posée ici ne relève pas de l'ingérence dans les entreprises privées, comme le prétendait le député Florey...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Jean-Michel Bugnion. ...mais plutôt d'une position claire que nous attendons du Conseil d'Etat concernant des cas de dumping salarial que lui-même a dénoncés dans d'autres circonstances et dans un autre contexte. Nous attendons absolument une réponse du Conseil d'Etat pour qu'il précise sa position et sa politique s'agissant des cas de dumping salarial. Je vous remercie.

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition soulève une problématique qui m'interpelle, ainsi que l'ensemble du PLR. On constate simplement la réalité des choses entre les secteurs privé et public ! Il y a un écart important entre un cahier des charges et une rémunération très différents, qui sont bien plus bas dans le privé. Puisque vous demandez une véritable évaluation, alors mettons-nous à l'oeuvre et travaillons sur SCORE. Travaillons sur SCORE !

Que dit cette pétition ? Pour moi, en tant qu'entrepreneur, lorsqu'on forme des jeunes et des apprentis dans la construction... (Remarque.) Merci, Monsieur Deneys, de me laisser parler jusqu'au bout et d'avoir la correction de m'écouter ! Que se passe-t-il lorsque vous avez conduit des personnes au CFC ? En général, elles partent aux Services industriels, dans les communes ou à l'Etat de Genève. La vraie question est ici. Ça veut dire que les conditions de travail pour ces fonctions sont bonnes, que celles-ci sont bien rémunérées. Il faut laisser le secteur privé s'organiser comme il le fait au travers des conventions collectives, dans le partenariat social, entre les patrons et les employés, et laisser faire le travail dans chaque secteur. Mais la vraie question, c'est la rémunération des petits salaires à l'Etat, et je crois qu'il faut avoir l'honnêteté de se la poser puisqu'on fait pareil avec les 14e salaires des hauts cadres qui, eux, se trouvent dans la même situation, mais inverse.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. J'aimerais préciser qu'en ce qui concerne cette situation, l'entreprise précédente était aussi une entreprise privée, qu'on est donc passé, de privé à privé, à une diminution de 700 F, soit 17,5% de diminution de salaire. Cela étant, ce qui apparaît au travers de cette pétition, c'est toute la problématique des AIMP. On l'a vu, il ne s'agit pas de faire le procès des AIMP; il est cependant vrai qu'au vu du nombre de travers qu'ils trahissent, certaines questions peuvent légitimement se poser. Un projet de révision est en cours, qui était à l'examen à la CACRI, et je pense que l'unanimité que cette révision a faite contre elle devrait nous amener à réfléchir encore sur cette question. En l'occurrence, on a pu constater que ces AIMP deviennent finalement un instrument de dumping salarial, qu'on le veuille ou non, c'est bien l'un des effets pervers qui s'est révélé, et cela n'est pas acceptable. La question qui se pose est celle de la responsabilité sociale du maître d'ouvrage, à plus forte raison quand il s'agit de l'Etat et que c'est encore lui qui devra en assumer les conséquences par la suite, et...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Jocelyne Haller. Merci. ...cela n'est pas acceptable.

Juste pour répondre à M. Florey, je voudrais dire qu'il ne s'agit pas de faire une large consultation pour savoir qui veut quoi, mais simplement de relever que le cahier des charges a été revu à la baisse et que la charge de travail pour cette entreprise est passée de huit heures par jour à trois ou quatre heures, ce qui laisse toute une série de prestations non couvertes. Enfin, l'idée n'est pas que l'Etat s'engage ou s'immisce dans les affaires...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Jocelyne Haller. ...des entreprises privées. En termes d'AIMP, c'est bien la responsabilité de l'Etat qui est engagée, et c'est à cela que nous appelons, c'est une réflexion à ce propos...

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Jocelyne Haller. ...que nous demandons. Je vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Je reconnais que le sujet abordé par cette pétition est important parce qu'il touche deux aspects, on l'a souligné mais je le répète, qui me paraissent cruciaux. D'abord celui de la sous-enchère salariale: il est vrai que s'il y a soupçon de dumping salarial, il est de notre devoir de nous atteler à cette question et de déterminer si c'est le cas. De ce point de vue là, j'ai trouvé légitime que nous soyons saisis de cette pétition. Ensuite, cela concerne une corporation, celle des nettoyeuses et nettoyeurs, qui est très fragilisée et souvent assez mal rémunérée, assez mal traitée. Double occasion, donc, de s'en mêler.

Cependant, je ne partage pas les conclusions de la rapporteuse de minorité car je pense qu'un problème n'est pas abordé - et j'ai essayé de faire le rapport de nos débats le plus complet possible - à savoir celui de l'Etat employeur. Il est légitime qu'un employeur, que ce soit l'Etat ou une entreprise privée - mais, en l'occurrence, c'est l'Etat - soit libre de définir le mandat de prestations qui correspond le mieux à ses intérêts, c'est-à-dire que la prestation soit couverte et, en même temps, que l'argent du contribuable soit épargné.

Comme vous l'avez dit, le contrat de prestations a diminué de 200 000 F, c'est-à-dire de plus de la moitié. Le nombre d'heures de travail à effectuer a donc aussi diminué de moitié. Après, on peut dire que certaines prestations ont été abandonnées, comme le relationnel, d'accord. Mais le travail principal d'un nettoyeur, ce n'est pas le relationnel, c'est tout de même de s'assurer que les bâtiments soient propres, les poubelles vidées, etc. On peut ainsi regretter cette perte-là, mais le boulot de l'employeur est quand même de s'assurer que la prestation, celle qui est précisément décrite dans le contrat, soit effectuée.

Je pense que dans ce cas-là, il faut respecter la liberté de l'employeur de pouvoir définir le mandat au plus près de ses intérêts, ce qui a été fait, c'est noté avec précision dans le rapport: «Il fallait recadrer ces mandats car certaines entreprises ont bien gagné leur vie des années durant.» Cela laisse entendre que certains employeurs du privé, sans dire qu'ils se sont sucrés, ont du moins bien gagné leur vie - gardons les termes du rapport - et qu'il y avait une marge de manoeuvre à la réduction. Or il relève de l'obligation de l'Etat d'user au mieux de ses ressources pour l'intérêt du contribuable.

La seconde chose qui me paraît importante, c'est qu'il n'y a pas eu de violation de la convention collective. S'il y avait eu une entorse à la convention collective, j'aurais immédiatement été d'accord avec vous, mais là, même M. Pelizzari l'a reconnu, la convention collective a été respectée. Certes, elle l'a été au plus bas, mais elle a été respectée quand même, ce qui est pour moi une dimension essentielle. Pour ces deux raisons, j'en suis désolé mais je vous recommande le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, M. Calame a évoqué la question écrite qu'il a posée au Conseil d'Etat ainsi que les réponses complètes et précises de celui-ci dont il vous a d'ailleurs lu quelques extraits. Je vous invite également à lire la réponse du Conseil d'Etat s'agissant de cette affaire. La première chose qu'il convient d'indiquer, et je dois le dire en tant que conseiller d'Etat chargé tant des bâtiments que des finances, c'est qu'il est de notre responsabilité de veiller à ce que la prestation de nettoyage soit effectuée selon le cahier des charges et les standards de qualité établis. Si ceux-ci ne sont pas suffisants, c'est une autre question; notre responsabilité est d'établir un cahier des charges et de vérifier que celui-ci est parfaitement respecté, et vous pouvez compter sur moi-même et les services de l'OBA pour que cela soit fait. Il y a d'ailleurs des cas où, lorsque ces cahiers des charges ne sont pas respectés, le contrat avec l'entreprise est résilié.

Ensuite, M. Calame a évoqué un passage de cette réponse: oui, les collectivités publiques et l'Etat de Genève en particulier ont une responsabilité dans la situation de travail des gens, qu'ils soient employés directement par l'Etat ou par des entreprises fournissant des prestations à l'Etat; oui, il est nécessaire - et cela m'amène au second sujet - de lutter contre la paupérisation, c'est absolument clair. Mais nous avons aussi la nécessité de respecter l'ordre légal en vigueur: on peut être satisfait ou non des AIMP et de leurs dispositions, mais nous devons les appliquer, ce que nous faisons avec discernement. Depuis dix-sept ou dix-huit ans que l'accord intercantonal sur les marchés publics est en vigueur et que le canton de Genève y a adhéré, ce parlement a toujours agi par voie de motions, de législations et de réglementations diverses dans le sens de la préoccupation sociale et environnementale, à tel point que nous avons la réglementation la plus sévère en la matière, à tel point que cela pose parfois problème. En effet, certains prestataires d'autres cantons contestent souvent le caractère quelque peu rigoriste de notre législation. Mais il relève de notre responsabilité de respecter les lois et la réglementation que nous avons établies.

Nous devons accorder l'importance la plus grande au respect des conditions de travail et des conventions collectives de travail. A ce titre-là, il n'y a pas de dumping salarial, c'est absolument clair. On peut déplorer - et, je vous le dis franchement, nous le déplorons - le fait que ces salaires soient bas, très bas, il faut le reconnaître. Mais lorsqu'on prône le partenariat social, il faut également reconnaître que si les deux parties se mettent d'accord, il faut respecter cet accord, et c'est ce que nous faisons. Que pouvons-nous faire dans pareille situation ? Nous pouvons essayer de renforcer, notamment dans les critères d'adjudication, les aspects qui relèvent du social, de l'environnemental, de la formation, comme c'est déjà le cas aujourd'hui. Je suis en train d'étudier avec mes services la marge de manoeuvre qui est la nôtre en la matière. Nous pouvons également, et c'est mon intention, même si le partenariat social est plutôt géré par mon excellent collègue Pierre Maudet... Vous savez quelle importance le Conseil d'Etat attache au partenariat social. A cet égard, j'ai pris contact avec l'Association genevoise des entreprises de nettoyage et de services pour déterminer dans quelle mesure nous pourrions renforcer le partenariat social dans le sens d'une valorisation de ces salaires. Je vous rappelle juste, parce que M. Pagani ne l'a pas évoqué, que les tentatives, notamment celle de la Ville de Genève en 2011, d'instituer une sorte de salaire minimum dans les appels d'offres ont été contrecarrées par le tribunal, qui a purement et simplement annulé ces appels d'offres; il est donc impossible de faire autrement que la pratique qui est aujourd'hui la nôtre.

Mesdames et Messieurs, ce que demande cette pétition n'est formellement pas applicable, comme l'a relevé l'excellent rapporteur de majorité. Libre à vous de nous la renvoyer, mais nous ne pourrons rien en faire. L'engagement que je prends en revanche auprès de vous, c'est d'aller dans le sens que je viens de vous indiquer, à savoir de déterminer dans quelle mesure nous pouvons articuler nos appels d'offres de manière encore plus renforcée et de favoriser davantage encore le dialogue entre les entreprises et les représentants des employés, ceci afin de revaloriser les salaires. Je vous remercie de suivre, dans le cas d'espèce, les conclusions de la majorité de la commission. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Chers collègues, vous voudrez bien vous prononcer sur les conclusions de la majorité, à savoir le dépôt de cet objet sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1932 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 49 non contre 41 oui.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1932 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 49 oui contre 42 non.