République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1917-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la pétition contre la baisse de l'aide sociale à Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22, 23 et 29 janvier 2015.
Rapport de majorité de Mme Frédérique Perler (Ve)
Rapport de minorité de M. Marc Falquet (UDC)

Débat

Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse de majorité. Brièvement, puisque la semaine passée nous avons traité deux motions intimement liées à cette pétition, soit les motions 2219 et 2217 qui ont été renvoyées au Conseil d'Etat, je vais vous expliquer la conclusion de la majorité, soit le renvoi au Conseil d'Etat. J'aimerais souligner le fait que cette pétition a été le fruit d'une forte mobilisation des personnes contraintes de solliciter l'aide sociale, mobilisation organisée avec l'aide et l'appui du Collectif contre la baisse de l'aide sociale. (Brouhaha.) En annexe du rapport de majorité, vous trouverez un manifeste contre la pauvreté - je sais que certaines et certains ont pu en prendre connaissance - qui contient un certain nombre de témoignages et nous fait la démonstration de la nécessité de pouvoir conserver l'entier du CASI, du contrat d'aide sociale, c'est-à-dire du supplément d'intégration.

J'aimerais vous dire aussi que les personnes assistées que nous avons entendues, à travers l'audition des représentants du Collectif, nous ont fait part de l'injustice qu'elles ressentaient quant au fait qu'on commençait par les plus démunis de notre collectivité pour faire des économies dans le budget. Cela revient, si vous voulez bien, à une sorte de rupture du contrat social passé entre les autorités genevoises et la population, et cette rupture a suscité un certain nombre d'inquiétudes parmi les citoyens, d'où les nombreuses signatures de cette pétition.

Voilà ce que je voulais souligner par rapport au traitement de cette pétition. Dans l'intervalle, lors du débat sur le budget, au mois de décembre, on a rétabli la moitié, c'est-à-dire 75 F sur les 150 F pour les personnes à l'aide sociale, ce qui est une chose heureuse. Ce que nous souhaitons aujourd'hui, c'est que dans la même veine que le sort que nous avons réservé aux deux motions précédentes, ce Grand Conseil persiste et renvoie cette pétition au Conseil d'Etat. (Brouhaha.) Je terminerai, Monsieur le président, par une citation qui m'a beaucoup réjouie dans les voeux du conseiller d'Etat, M. Poggia, que je vous livre et qui donne du sens à notre vision - enfin, c'est ainsi que j'interprète les phrases du conseiller d'Etat. C'est une citation d'Albert Camus dans «L'Homme révolté», qui nous dit que «la vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent». (Commentaires.) Je crois que cela s'inscrit tout à fait dans le travail que nous avons effectué en commission. Je remercie le Conseil d'Etat de prendre en considération cette pétition et vous invite à la lui renvoyer.

Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure; je vous indique que vous avez pris sur le temps de votre groupe. La parole est à M. Marc Falquet, rapporteur de minorité. (Brouhaha.)

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Merci beaucoup, aussi pour le bruit ! Effectivement, cette pétition a eu un grand succès, ce qui est normal. Essayez, par exemple, de diminuer de 1% le salaire des fonctionnaires, vous verrez si le tollé que ça entraînera ne fera pas plus de bruit que cette pétition. Concernant la générosité, je voudrais juste dire qu'elle est évidemment plus facile quand l'argent vient d'ailleurs que de son propre porte-monnaie; c'est toujours plus aisé d'être généreux avec l'argent des autres. Mais ce n'est pas là le principal. Ce que je voudrais dire, c'est que la majorité du Grand Conseil n'avait pas suivi le Conseil d'Etat; or, c'est ça qui est assez grave, car le Conseil d'Etat a quand même une volonté d'économie très modérée, avec des mesures raisonnables, qui vont dans le sens de l'intérêt général ! On parle toujours de l'intérêt des uns et des autres, mais il y a quand même un intérêt général à préserver, au-delà de ça. Ces mesures permettaient de contenir légèrement l'augmentation du budget social, qui augmente de 20 à 30 millions de francs par année depuis des années, et elles auraient permis de mettre en place des dispositifs au niveau de la formation pour aider les gens à sortir de l'aide sociale. On espère à présent que la majorité du parlement prenne conscience de la gravité de la situation financière de Genève et se penche une fois sérieusement sur les comptes. Parce qu'on sait que l'endettement de Genève est évidemment abyssal; nous avons l'endettement par habitant le plus élevé de Suisse, et pour l'instant rien ne montre que ce parlement ait vraiment la volonté de faire diminuer la dette, ce qui est assez inquiétant. Ce n'est pas inquiétant pour nous, c'est inquiétant pour nos enfants, qui vont sérieusement passer à la caisse, en conséquence de notre manque de rigueur budgétaire. (Brouhaha.) Alors la gauche a toujours de belles théories; mais prenons l'exemple de la Grèce. L'exemple de la Grèce montre que le surendettement affaiblit considérablement un pays. Malgré le programme de la gauche, maintenant ils sont bien obligés de reconnaître que ce sont ceux qui ont de l'argent qui mènent la barque. Et je ne sais pas s'ils vont réussir à mettre en place le programme social qu'ils avaient l'intention de créer. A Genève, l'Etat vit largement au-dessus de ses moyens depuis des années; tout le monde le sait mais personne n'a le courage d'agir, au sein du gouvernement. Je le comprends ! Lorsque M. Poggia prend des mesures minimes, il est attaqué de toutes parts. Le fait que son parti ne le soutienne pas est une chose, c'est déjà assez déplorable, mais je n'ai même pas entendu de soutien de la part du Conseil d'Etat, malgré sa volonté d'économie. Je trouve dommage qu'il se trouve finalement un peu isolé !

Mais la vraie problématique de cette pétition, ce n'est pas ça, c'est la politique genevoise de réinsertion. (Brouhaha.) A Genève, on a dépensé des millions de francs dans des structures de réinsertion alibis, où on met les gens pour les occuper, prétendument pour qu'ils se lèvent le matin, alors qu'on a des entreprises privées qui pourraient faire la même chose, qui pourraient progressivement occuper les gens une fois par semaine, sans qu'ils aient besoin de passer par ces structures démoralisantes. J'ai écouté des gens: lorsqu'ils sortent de ces structures, ils se retrouvent toujours à l'aide sociale, et c'est très démoralisant pour eux. Alors finalement, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux réviser ce système de prétendue réinsertion pour finalement travailler directement avec les entreprises privées ? On économiserait beaucoup d'argent. Parce que finalement, ces structures, elles servent à quoi ? Elles servent à leurs propres intérêts ! On fait tourner l'administration, on met en place des fonctionnaires, encore plus de fonctionnaires, et on se donne bonne conscience, entre autres. Voilà, c'était ce que je voulais dire pour l'instant.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Excusez-moi, Monsieur le président, mais vous pourrez dire au député Falquet que je trouve cette fois-ci l'analyse un peu simpliste quand même. Nous avons déjà voté sur les deux motions la semaine dernière, ainsi que nous l'avons proposé. Nous nous retrouvons donc avec un budget social réintégré, ce qui, pour nous, est tout à fait favorable aux personnes les plus démunies. Insinuer que finalement, quand on est dans une telle situation financière de détresse, on va à l'Hospice général par facilité... Peut-être, une personne sur je ne sais combien ! Mais je suggère au député Falquet d'aller passer une fois quelques jours à l'Hospice général. (Remarque.) C'est déjà fait d'un côté de la barrière; je pense qu'il faut aussi aller de l'autre. Pas uniquement pour soi, mais pour voir ce qui se passe chez les autres. Car avec tout le respect que je vous dois, je pense quand même que l'analyse doit porter sur un ensemble.

Ce qui me paraît aussi important, c'est de dire qu'il y a un certain nombre de personnes qui se trouvent à l'Hospice général dont on sait qu'elles n'en sortiront pas, car il y a une impossibilité. C'est vrai. Ce qui était proposé par le ministre de la santé Poggia me paraît d'ailleurs tout à fait intéressant, c'est-à-dire de regarder, par rapport à une certaine population, comment mettre un peu le turbo pour essayer véritablement de procéder à une réinsertion professionnelle assez rapide. Ce que je conçois, dans la critique qui est faite, et qui me paraît juste, c'est qu'il me semble qu'à Genève il y a de nombreux lieux dits de réinsertion, et là on est dans le champ de la formation. Il y a une grande diversité de lieux, certains au sujet desquels on peut se poser des questions, pourquoi ceux-ci plutôt que ceux-là, et je crois qu'il y aurait une analyse à faire dans le domaine de la formation professionnelle... (Brouhaha.) ...pour voir quels sont les lieux les plus adéquats pour faire réellement de la réinsertion professionnelle pour des personnes totalement démunies et qui se sont retrouvées à l'Hospice général. Je crois que c'est une analyse qui doit être faite. Il n'empêche que pour l'instant...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...nous ne renverrons pas cette pétition au Conseil d'Etat, puisque les autres motions ont déjà été votées. Mais cela n'empêche pas qu'une évaluation doit être faite pour savoir quels sont les lieux les plus à même de permettre cette réintégration professionnelle.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien est très sensible aux arguments des signataires de la pétition qui nous est présentée aujourd'hui, soit du Collectif contre la baisse des prestations sociales, collectif dans lequel nous trouvons d'ailleurs des membres d'organisations très actives dans le domaine de l'aide sociale telles que le Centre social protestant ou encore Caritas. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez certainement lu le manifeste contre la pauvreté qui était associé à ce rapport. Le parti démocrate-chrétien a relevé notamment la nécessité d'une stratégie concertée de lutte contre la pauvreté. En effet, si je reprends ce qui est écrit dans ce manifeste, il est indiqué que «si l'on veut prendre au sérieux les défis d'avenir pour notre collectivité, il est nécessaire de développer une approche transversale des problèmes. A savoir, articuler la politique sociale dans son ensemble aux stratégies concernant la promotion de l'économie et de l'emploi, la politique de la famille, la politique de la formation initiale et continue, la politique du logement et des transports ou encore la politique de santé, la politique fiscale, etc.» Si on examine toutes ces politiques, on s'aperçoit qu'elles représentent effectivement les défis auxquels est confronté aujourd'hui notre gouvernement. Il est encore indiqué que l'on ne peut pas envisager des économies dans le social sans travailler activement à une amélioration des conditions qui permettront une réduction des risques de précarisation, des conditions d'existence dans notre canton. Et c'est exactement la raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien s'est ému de l'annonce de la diminution du supplément d'intégration comme première mesure d'économie dans le budget qui nous a été présenté au mois de décembre. Nous trouvions que ce n'était pas un signal positif par rapport à cette problématique. Nous l'avons encore réaffirmé la semaine dernière, lors du renvoi des deux motions 2217 et 2219 au Conseil d'Etat, et nous confirmons aujourd'hui cette position. C'est une évidence qu'il convient de rappeler: il n'y aura pas de diminution majeure des dépenses sociales sans une action énergique visant à réduire la pauvreté. Dans ce cadre-là, et vu la globalité du problème, nous vous invitons donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ici on a beaucoup parlé de l'insertion et du «business» de l'insertion. J'aimerais juste rappeler que tel n'est pas l'objet de cette pétition. Effectivement, dans ces débats, certains ont dit que des gens se complaisaient à l'aide sociale; j'aimerais juste rappeler à ceux-là que 17% des personnes à l'aide sociale travaillent et sont à l'aide sociale au titre de complément à leur revenu, que près de 10% de ces personnes à l'aide sociale sont en activité de réinsertion ou en stage, donc ce sont des gens qui travaillent, mais gratuitement. D'autres ont des problèmes de santé, d'autres sont en attente d'une demande AI, d'autres encore traversent des difficultés particulièrement importantes qui font qu'ils ne sont pas immédiatement mobilisables pour un emploi. Mais ce sont des gens qui sont en train d'essayer de se reconstruire. Alors oui, les gens se bougent à l'aide sociale, que cela soit établi une fois pour toutes.

Maintenant, il y a un certain nombre de personnes qui, elles, pensent qu'il faut opérer des économies. Certes, les finances de notre canton sont préoccupantes; mais elles ne le sont pas par hasard, elles découlent de choix politiques qui ont été effectués dans cette enceinte. Là-dessus, malheureusement ou heureusement, nous ne sommes pas d'accord et nous continuerons à nous opposer à cela. En revanche, s'il y avait un point, un seul plus petit dénominateur commun, sur lequel nous devrions nous entendre, ce serait sur le seuil intangible de l'aide sociale, le minimum vital; ce en dessous de quoi il ne faut pas aller, parce que le minimum vital dit bien ce qu'il est. En dessous du minimum vital - je ne veux pas faire de méchant jeu de mots mais je n'y résiste pas - ça devient un minimum fatal ! Si nous voulons effectivement permettre aux gens d'assumer toutes leurs charges dans le cadre d'une intention de les aider à se réinsérer à la fois professionnellement et socialement, alors il faut leur en donner les moyens. Et c'est ce que demande cette pétition. Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'avoir des vaincus ou des vainqueurs; dans ce parlement, une grande majorité demande constamment au Conseil d'Etat de faire des économies. Aujourd'hui, ce que nous demandons, c'est qu'il donne un autre signal; celui du seuil qu'il ne faut pas franchir. Et c'est à nouveau à cela qu'appellent les pétitionnaires.

J'aimerais rappeler également que la semaine dernière, une majorité de ce parlement a déjà donné un signal politique fort. Aujourd'hui, il s'agit de consolider ce signal. Je vous rappelle que les pétitions, comme les motions, ne sont pas contraignantes. Plus le signal que nous donnerons au Conseil d'Etat sera fort, plus, effectivement...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Jocelyne Haller. ...il sentira l'invitation qui lui est faite d'y répondre favorablement. J'aimerais encore juste rappeler la deuxième invite de cette pétition, qui demande simplement que la volonté de ce parlement soit respectée, que le résultat du vote du 11 février 2011 s'applique, car aujourd'hui, la loi est violée; les normes qui concernent les maxima de loyers pris en compte et la franchise sur le revenu telles qu'elles avaient été votées en février 2011...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Jocelyne Haller. ...ne s'appliquent pas. Je vous invite donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)

M. Yves de Matteis (Ve). Beaucoup de choses ont déjà été dites, notamment par ma collègue, Mme Perler, mais j'aimerais ici souligner que le montant qui serait supprimé, même s'il n'est que de 150 F, représenterait tout de même 15% du montant de base de l'aide minimale qui s'élève à 977 F par mois pour une personne seule et sans responsabilité. Tous les organismes consultés, y compris le Centre social protestant et Caritas, ont relevé les conséquences négatives de cette suppression. J'aimerais peut-être ajouter qu'une personne qui dispose d'un budget déjà très restreint est à la merci d'à peu près n'importe quel imprévu et risque de se retrouver dans une situation encore plus difficile. Mais au lieu de renchérir sur les conséquences sociales de la suppression de cette aide, qui ont déjà été largement discutées notamment lors de nos précédents débats et en commission, j'aimerais plutôt parler à ceux et celles qui sont sensibles aux problématiques économiques évoquées auparavant. Par rapport à cela, il faut être conscient qu'une personne qui verrait ce montant lui être supprimé pourrait être amenée à faire de nombreux sacrifices, à la fois sur le plan de la santé et de l'alimentation; elle pourrait par exemple être tentée de se nourrir moins sainement ou de ne pas recourir à des prestations ou à des soins non remboursés. Cela pourrait avoir des conséquences très négatives et des effets désastreux sur le plan de la santé physique et de la santé mentale. Or, ces conséquences seraient négatives non seulement pour la personne concernée, mais également pour l'ensemble de la société sur laquelle les coûts médicaux engendrés seraient reportés par le biais de l'assurance de base. Economiser 150 F par mois sur le dos des populations précaires ne serait donc pas une économie, en fait, car les coûts médicaux et les coûts sociaux engendrés pourraient être bien plus importants que ce montant, somme toute assez minime. Ce manque de soutien à des personnes déjà très isolées et vulnérables est non seulement coupable et inique mais également totalement irresponsable sur le plan économique et social.

M. Michel Amaudruz (UDC). Dans le rapport de majorité, il y avait une phrase très intéressante. Mme Perler nous a dit très justement - je retiens son enseignement - qu'on avait débattu de ces questions très longtemps la semaine passée, beaucoup plus longtemps que ce n'aurait été le cas par le biais d'éventuelles questions orales. On repart dans des sujets corollaires dont le thème fondamental est l'Etat providence. L'Etat doit subvenir à tout, sans limite, sans calcul, sans rien ! C'est une espèce de ligne que l'on voudrait fixer, que même Marx, Engels ou Lénine réfuteraient, car elle ne correspondrait pas à leurs besoins personnels. Je crois que tant M. le président du Conseil d'Etat Longchamp que M. Dal Busco ont essayé d'expliquer à ceux qui rêvent de cet Etat providence infini qu'il y avait malheureusement certaines limites à respecter, et que ces limites s'appliquaient à tous les sujets confondus. C'est normal qu'il y ait donc une certaine restriction. Mme Engelberts a un peu fustigé M. Falquet, auquel elle a reproché d'être intransigeant; je ferai remarquer à Mme Engelberts - vous rapporterez, Monsieur le président - qu'il n'a nullement fait sienne cette théorie de Raymond Barre qui disait que le meilleur et le seul moyen pour la réinsertion, c'était de faire bosser les gens ! (Commentaires.) Sous-entendu... Bon, d'accord ! Tout cela pour vous dire que dans l'approche de ces problèmes, il ne s'agit pas de créer une division entre bien-portants d'un côté et souffrants de l'autre, mais simplement de rester dans les limites du raisonnable. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas parler de budget, je ne vais pas refaire le débat qui a eu lieu il y a une semaine à peine. J'aimerais juste, à ce stade, apporter un témoignage de ma pratique professionnelle et de celle de nombreuses personnes dans ce canton, qui s'occupent de près ou de loin de travail social et d'accompagnement, voire d'insertion, sociale et professionnelle. Ce qui se passe actuellement sur le terrain dépasse les 150 F enlevés aux personnes qui sont à l'aide sociale; ce que j'observe - et je vais dire «je» mais je pense qu'on pourrait dire «nous» - c'est une démobilisation, une désinsertion, un repli sur soi de la part des gens à l'aide sociale actuellement, qui dépasse ces 150 F et qui est lié à la non-reconnaissance de ce que ces gens ont investi dans l'insertion, qui n'est plus reconnu. En tant que travailleurs sociaux, ce sentiment de repli que nous constatons de la part des personnes à l'aide sociale nous cause beaucoup de souci, il est inquiétant; personnellement il me fait peur, et je voulais juste vous le communiquer aujourd'hui. Je pense que ces 150 F sont plus que ce que vous pensez pour beaucoup de gens, pour ces 15 000 personnes et leurs familles actuellement dans le canton de Genève. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Christian Frey.

M. Christian Frey (S). Il me reste combien de temps, Monsieur le président ?

Le président. Il vous reste une minute et vingt-deux secondes.

M. Christian Frey. Ah, ça va ! Brièvement, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés: je ne pense pas que la question du rétablissement du complément d'intégration en son entier va poser problème, à moins que certains députés, dans ce cénacle, ne se dédisent par rapport aux votes sur les motions 2217 et 2219. Je pense que courageusement, comme nous l'avons fait il y a quelques jours, il s'agit maintenant de confirmer cette volonté de rétablissement. J'aimerais simplement, Mesdames et Messieurs, attirer votre attention sur la deuxième invite de cette pétition, qui demande d'appliquer la loi telle que votée le 11 février 2011 par le Grand Conseil, soit d'aligner les montants des maxima de loyers et de franchise pris en compte sur le revenu, tels que défini par la loi sur le RMCAS. (Brouhaha.) Je pense que M. le conseiller d'Etat pourra nous confirmer que cette décision va bien être appliquée telle qu'elle a été décidée alors. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je me suis longuement exprimé la semaine dernière sur ce qu'il fallait penser de l'action du gouvernement dans ce domaine et je n'ai pas changé d'avis en quelques jours. Je vous ai entendus, du moins j'ai entendu la majorité fluctuante de ce parlement; mon opinion reste la même. Je voudrais simplement dire à ceux qui fustigent le Conseil d'Etat en le qualifiant de coupable et d'irresponsable - j'ai entendu ces termes dans cette enceinte - qu'ils ont manifestement raté un épisode de la saga lorsqu'ils disent que nous avons coupé 150 F aux plus démunis. Sachez que le règlement a été corrigé pour indiquer 75 F de réduction, conformément au budget qu'une majorité a voté dans ce parlement. Le supplément d'intégration est donc de 225 F depuis le premier janvier, même si, compte tenu des retards informatiques, il y aura un rétroactif qui devra être versé. Mais depuis le premier janvier, ce seront évidemment 225 F qui seront remis, sous réserve de ce que peut décider le Conseil d'Etat suite au vote de la semaine dernière. Il y a donc une réduction de 75 F, dont 25 F sont consacrés, je le dis, je le répète, à des mesures de réinsertion pour celles et ceux qui peuvent et veulent véritablement obtenir davantage qu'un montant mensuel s'ajoutant au forfait de base.

Alors c'est juste que la vraie générosité envers l'avenir commence aujourd'hui, Madame Perler; je ne ferai pas injure, évidemment, à votre intelligence, en vous apprenant que la générosité doit s'associer au discernement, et que si l'on veut être généreux demain, il faut aussi apprendre quelle doit être la mesure de la générosité d'aujourd'hui. C'est précisément pour cela et pour garantir la pérennité de notre Etat social que j'avais expliqué la semaine dernière pourquoi nous devions faire un petit sacrifice pour sauver l'essentiel. Le 25 janvier, la «Tribune de Genève» titrait encore: «Les services sociaux sont sous l'eau». Apparemment tout le monde se rend compte qu'il y a un problème, sauf une partie de ce parlement. La Conférence suisse des institutions d'action sociale, la CSIAS, va nous informer avant la fin de ce mois que désormais, ces normes seront soumises à la Conférence des directeurs de l'action sociale. La CSIAS exprimera uniquement un avis professionnel et laissera la CDAS exprimer un avis politique, afin, ils vous le diront, d'éviter un tourisme social dans ce pays et que les gens puissent choisir, finalement, le canton dans lequel ils vont vivre parce que les prestations sont plus intéressantes. Genève reste un canton particulièrement intéressant pour cela. Alors je l'ai dit et je le répète, nous devons trouver des bases communes pour travailler ensemble, dans ce parlement. Si le courage c'est uniquement de toucher les électeurs des autres, nous n'arriverons évidemment à rien. Nous devons d'abord apprendre à balayer chacun devant notre porte, savoir quels efforts nous pouvons faire chacun de notre côté pour trouver des dénominateurs communs qui nous permettront d'aller plus avant dans le sauvetage des finances de ce canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais mettre aux voix les conclusions du rapport de majorité, soit le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des affaires sociales (renvoi de la pétition 1917 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 44 oui contre 42 non. (Quelques applaudissements à l'annonce du résultat.)