République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 novembre 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 13e session - 83e séance
PL 11066-A
Premier débat
Le président. Nous reprenons notre ordre du jour bleu avec le PL 11066-A. Le rapport de majorité est de M. Pascal Spuhler, qui est remplacé par M. Ronald Zacharias. Le rapport de minorité est de Mme Aurélie Gavillet, qui est quant à elle remplacée par M. Romain de Sainte Marie. Je passe la parole au rapporteur de majorité ad interim, M. Zacharias.
M. Ronald Zacharias (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une très large majorité de la commission fiscale, dans sa grande sagesse, a refusé l'entrée en matière de ce projet de loi. Rappelons-le, Genève connaît le taux d'extractions fiscales le plus élevé de Suisse, et probablement du monde occidental. Dès lors, tout nouveau projet, tout nouvel impôt ordinaire ou spécial, toute nouvelle taxe sera systématiquement refusée par les nouvelles forces de bon sens de ce parlement. C'est pourquoi je vous demande avec enthousiasme de suivre les conclusions de la majorité, qui vous invite à rejeter l'entrée en matière de ce projet de loi.
Présidence de M. Antoine Droin, président
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi s'inscrit dans une volonté d'accroître les recettes fiscales pour le canton de Genève, puisque nous connaissons depuis un certain nombre d'années un déficit en matière de recettes fiscales qui cherche à être compensé par des coupes dans les charges, comme nous avons pu le voir encore récemment dans la proposition de budget 2015 avec des coupes à hauteur de 95 millions de francs, tel que proposé par le Conseil d'Etat.
Cela dit, ce projet de loi n'a pas qu'une portée économique: il permettrait effectivement, selon les estimations du département, d'engendrer 3 millions de francs supplémentaires de rentrées fiscales par année, mais il a aussi une portée environnementale, puisque, rappelons-le - et nous avons pu encore le mentionner hier - le canton de Genève connaît aussi bien au centre que dans la périphérie des taux bien supérieurs à ce que fixe l'ordonnance sur la protection de l'air, tant en matière de dioxyde d'azote, d'ozone, que de particules fines. Ce projet de loi vise justement à augmenter la taxation des bateaux à moteur les plus polluants, qui - on le mentionne trop rarement - contribuent à cette pollution atmosphérique du canton de Genève et de l'ensemble de la région. Il s'agit donc d'un projet de loi au double impact positif, puisqu'il tend d'une part à limiter la pollution dans le canton de Genève et d'autre part à engranger des recettes supplémentaires qui permettront ainsi le financement des prestations publiques qui font la qualité de notre canton.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, ces projets de lois font partie d'un bouquet de projets de lois socialistes pour une fiscalité plus écologique et plus sociale. Ils avaient tous le même objectif: permettre au canton de Genève de réunir davantage de moyens financiers pour éviter malheureusement des coupes supplémentaires lors des projets de budget successifs que nous avons eus devant ce Grand Conseil.
Ce projet de loi a été déposé il y a presque exactement deux ans, le 27 novembre 2012, et après les travaux en commission fiscale - peut-être un peu succincts en ce qui me concerne, en tout cas à la lecture du rapport - je trouve qu'on doit maintenant se poser la question de savoir ce qu'on fait de ces projets de lois. L'objectif était triple. Il s'agissait de réunir des nouvelles recettes fiscales dont le canton de Genève a besoin, notamment aujourd'hui quand on a un Conseil d'Etat qui établit un plan de mesures proposant un certain nombre de coupes dans le social, pour les personnes qui reçoivent des subsides d'assurance-maladie en raison de leurs moyens modestes, pour celles qui bénéficient de prestations sociales, qui sont handicapées ou qui sont âgées. On a donc besoin de moyens supplémentaires.
Il y avait en outre des enjeux écologiques, puisque l'idée était aussi d'essayer de faire en sorte que les Genevoises et les Genevois adoptent des comportements plus écologiques, moins polluants, et si possible transforment petit à petit leurs habitudes. Et bien entendu il s'agissait également d'essayer d'être social en tentant d'épargner les personnes à revenus modestes qui ne devraient pas être touchées par ces projets de lois. On a donc essayé de cibler des gens qui avaient des moyens suffisants pour prendre en charge ces coûts supplémentaires.
Ici, pour ce projet de loi, il est question à la page 4 du rapport de 3 millions supplémentaires, éventuellement - ce n'est pas très bien chiffré par l'administration, et on peut le regretter - mais compte tenu du processus budgétaire en cours, qui s'annonce difficile comme il y a deux ans, et peut-être de la nécessité pour notre Grand Conseil de rétablir certaines mesures proposées par le Conseil d'Etat contre les personnes défavorisées et à revenus modestes, moi je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, avec les socialistes, de renvoyer ce projet de loi comme les suivants à la commission fiscale... (Brouhaha.) ...afin d'étudier si ces projets de lois peuvent servir de recettes supplémentaires pour éventuellement annuler des propositions d'économies sur le dos des plus faibles faites par le Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Christo Ivanov. (Commentaires.)
M. Christo Ivanov. Merci, Monsieur le président...
Des voix. Et le renvoi en commission ?
Le président. Oui, excusez-moi ! A quelle commission désirez-vous renvoyer cet objet, Monsieur Deneys ? (Remarque.) La fiscale, très bien. Pardonnez-moi ! Seuls peuvent s'exprimer les deux rapporteurs, s'ils le souhaitent, et le Conseil d'Etat. Si ce n'est pas le cas, nous passons au vote sur le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11066 à la commission fiscale est rejeté par 42 non contre 30 oui et 3 abstentions.
Le président. Nous poursuivons notre débat et je passe la parole à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ne vous laissez pas mener en bateau par ce projet de loi déposé par le parti socialiste. D'ailleurs, une majorité de la commission fiscale a refusé l'entrée en matière sur cet objet.
Ce texte vise à taxer lourdement les bateaux à moteur. Aujourd'hui, le kilowatt est facturé 6,50 F par année et, avec ce nouveau projet de loi, il passera à 20 F, soit une hausse de 207%. Il s'agit donc de plus que tripler les taxes sur les bateaux à moteur. Ce texte ne fait pas non plus la distinction entre les bateaux à moteur privés et ceux qui seraient utilisés pour des activités professionnelles, par exemple par les plongeurs professionnels ou les pêcheurs. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Conne. (Un instant s'écoule.) Monsieur Conne, vous avez la parole.
M. Pierre Conne (PLR). Oui, excusez-moi. Merci, Monsieur le président ! J'aimerais juste citer quelques chiffres. Il y a 6500 bateaux actuellement à Genève, et 2500 d'entre eux - c'est-à-dire près d'un tiers - seraient touchés par cet objet. Comme cela vient d'être dit par mon préopinant, l'augmentation de la taxe de 200% correspondrait, en valeur absolue, à une hausse de 1200 F par année, qui s'appliquerait donc au tiers des propriétaires de bateaux. Cette augmentation de taxe est clairement inacceptable ! En plus de cela - et là je crois que je ne peux pas m'empêcher de citer le rapport pour montrer à quel point les initiants de ce projet n'avaient mené aucune réflexion sur la question - quand en commission l'administration est venue nous dire que cette augmentation était effectivement démesurée, les initiants ont répondu qu'on pourrait peut-être imaginer d'en faire un petit peu moins et de ne pas simplement proposer une augmentation de la taxe, mais de tenir compte du prix d'acquisition du bateau et d'autres critères comme l'utilisation d'un catalyseur. Aucune réflexion n'était donc à la base de ce projet de loi ! C'est un projet imprécis, farfelu, et qui vise en outre à toucher - contrairement à ce qui a été dit - une couche de la population parmi laquelle, pour ceux qui possèdent des bateaux de cette puissance-là, il n'y a pas forcément que des gens à hauts revenus. Je crois qu'il ne faut pas qu'on confonde le fait de se donner les moyens de pratiquer comme loisir un sport mécanique - que certains pourraient critiquer, mais qui est néanmoins à l'heure actuelle parfaitement acceptable - et le niveau de revenus des personnes concernées. Ce ciblage nous paraît donc complètement inadéquat et vise de plus une classe de la population qui se trouverait à un moment donné privée de ce loisir.
Et j'aimerais ajouter un autre élément de réflexion, Mesdames et Messieurs: vous ne pouvez pas en même temps dire que vous allez augmenter les revenus et encourager ces mêmes personnes, qui seraient surtaxées pour diminuer les gaz à effet de serre, à ne plus utiliser leur bateau. Il est complètement contradictoire et incohérent de viser ces deux objectifs ! Voilà un autre argument aujourd'hui pour vous démontrer que ce projet de loi n'est absolument pas réfléchi et qu'il vise à diviser la population en elle-même et finalement à priver des personnes qui se donnent les moyens de pratiquer un sport parfaitement acceptable de le faire. Rejetons donc vigoureusement ce projet, je vous remercie.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Comme a déjà eu l'occasion de le dire l'intervenant socialiste, il reste à la lecture de ce rapport un certain nombre d'interrogations, et le travail en commission semble pour le moins avoir été succinct. M. Ivanov a parlé des professionnels, et en l'occurrence on ne sait pas si ces derniers sont concernés ou pas. Et s'agissant de cet impôt, on ne sait pas non plus, car on n'a pas eu la possibilité de l'étudier, le pourcentage qu'il représenterait par rapport à la valeur du bateau, au prix de la place d'amarrage, à la consommation d'essence, etc. Rien de tout cela n'a été étudié. Depuis combien de temps cet impôt n'a-t-il pas été modifié ? Il faudrait par exemple une comparaison avec la taxation des voitures. Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien demande le renvoi à la commission fiscale. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Les rapporteurs veulent-ils s'exprimer sur ce renvoi ? (Remarque.) Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. En effet, comme cela a été mentionné par mes préopinants socialistes et Verts, le contexte budgétaire, dans une démocratie de consensus, nous imposerait de ne pas uniquement effectuer des coupes dans les charges, mais également de chercher des recettes supplémentaires. Ce projet de loi serait un signal positif pour la démocratie de consensus encourageant à ne pas s'obstiner dans l'idéologie mentionnée tout à l'heure par le rapporteur de majorité et consistant à s'opposer obstinément à toute recette supplémentaire dans notre canton. (Remarque.) Recette ou impôt ! Ici, il s'agit en effet d'un impôt supplémentaire, d'un impôt qu'on ne pourrait en tout cas pas qualifier d'antisocial, puisqu'une augmentation de l'ordre de 1000 voire 1500 F d'une taxe sur des bateaux valant à l'achat plus de 150 000 F est dérisoire pour ces personnes, qui ont largement les moyens de payer ce léger impôt supplémentaire, lequel, je le rappelle, n'a pas comme seule ambition l'aspect financier et des recettes supplémentaires, mais revêt également une portée environnementale...
Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur le rapporteur !
M. Romain de Sainte Marie. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cet objet à la commission fiscale pour que nous puissions plus largement en discuter. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Ronald Zacharias (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. (Remarque. Rires.) Mesdames et Messieurs, je vous invite à ne pas renvoyer cet objet en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le conseiller d'Etat souhaite-t-il intervenir ? (Remarque.) Si ce n'est pas le cas, je soumets à l'assemblée cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11066 à la commission fiscale est rejeté par 49 non contre 40 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous poursuivons notre débat et je passe la parole à M. Michel Ducommun.
M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. Si j'interviens, c'est parce qu'on sait que nous avons affaire à un budget qui, pour être à l'équilibre, fait des économies sur le dos des plus faibles, sur ceux qui sont à l'assistance sociale, mais aussi des économies sur les subventions, notamment aux EMS... (Brouhaha.)
Le président. Chut ! S'il vous plaît !
M. Michel Ducommun. ...aux organisations qui s'occupent de personnes handicapées, et j'en passe. Je crois qu'il faut que nous soyons conscients que les difficultés budgétaires que nous avons sont créées par une politique qui date de près de quarante ans déjà au sein de la droite et qui dit que, lorsqu'on veut faire diminuer les prestations de l'Etat, la seule politique possible, c'est les caisses vides. Je pourrais vous rappeler toutes les citations de représentants patronaux ou non qui le disent explicitement. Ils ont au moins l'honnêteté de reconnaître quelle est leur stratégie et quels sont leurs buts. A partir de là, je pense qu'on ne peut pas ignorer qu'il n'y a pas de solution aux difficultés que nous avons à Genève sans qu'on donne une réponse fiscale. Car avec toutes les réductions fiscales qui ont été déterminées depuis 1999, c'est environ 1 milliard par an qui manque aux finances publiques. Le résultat, c'est qu'effectivement on fait des économies sur ceux qui sont à l'assistance sociale. Il est donc vrai que le projet qui vous est présenté ne résout pas le problème, d'autant que l'on sait que celui-ci va augmenter: en 2019, ce sont environ 500 à 600 millions qui vont manquer dans les caisses avec la volonté de diminuer les impôts des entreprises. Il y a même avec le projet de budget 157 millions d'investissement... (Brouhaha.) Si vous voulez discuter, il serait peut-être bien d'aller dehors, parce que c'est plus intéressant ! C'est très convaincant de voir que les gens discutent ainsi dans ce parlement, ça donne une image du Grand Conseil qui est effectivement très intéressante... (Commentaires. Le président agite la cloche.)
Le président. Poursuivez, Monsieur le député !
M. Michel Ducommun. ...mais je continue quand même. J'ai encore un peu de temps ? Je continue donc sur la dette et les 157 millions qui manquent, et je pense que ça va convaincre un certain nombre d'entre vous de soutenir notre projet fiscal qui propose d'attribuer la moitié des recettes supplémentaires de ce projet au remboursement de la dette. Mais c'est vrai que pour éviter la situation difficile dans laquelle nous sommes, pour éviter la situation catastrophique dans laquelle nous serons, il faut réfléchir à des recettes nouvelles. Alors effectivement cette histoire de bateaux ne répond pas à tout, car vous me direz que 3 millions, ça ne suffit pas. Par contre, lorsqu'on prétend qu'il ne s'agit pas forcément que des riches, moi je tends à répondre que ce ne sont pas ceux qui sont à l'assistance sociale qui possèdent leur bateau privé sur le lac.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Michel Ducommun. Il y a de plus fondamentalement à la fois un objectif écologique et un petit objectif de ressources, raisons pour lesquelles nous voterons ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle aux personnes à la tribune qu'il est interdit de se lever, de prendre des photos ou d'applaudir. Merci ! Je passe la parole à Mme Sophie Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Il est vrai, Mesdames et Messieurs, qu'il est assez piquant de traiter ces projets de lois deux ans après leur dépôt et dans des circonstances budgétaires assez semblables à celles qui prévalaient il y a deux ans.
Ce projet de loi vise effectivement à taxer plus fortement les gros bateaux à moteur, donc les bateaux les plus puissants et les plus polluants. S'il est vrai que - et même l'auteur de ce projet de loi en convient - l'efficacité de ce texte sur la pollution des eaux et de l'air sera assez minime, nous les Verts estimons que ce projet de loi comporte quand même une valeur pédagogique, une valeur importante pour la population genevoise, à savoir qu'il lui permettra de mieux prendre conscience des conséquences de ses choix de consommation et du fait que ceux-ci ont un impact sur l'environnement à Genève, sur la qualité de l'air et de l'eau. C'est dans cette perspective que les Verts soutiennent ce projet de loi ainsi que les autres projets de lois socialistes qui sont déposés dans la même logique, afin que la population genevoise prenne davantage conscience de l'importance de protéger notre environnement. Dans ce contexte-là, je soutiens la demande de renvoi en commission qui avait été formulée et la redépose, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes donc à nouveau saisis d'une demande de renvoi en commission, que je vais soumettre à l'assemblée.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11066 à la commission fiscale est adopté par 44 oui contre 43 non et 3 abstentions. (Commentaires à l'annonce du résultat. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît ! Peut-on effacer la liste des intervenants inscrits ? (Un instant s'écoule.) Il faudrait que les membres du PLR en particulier veuillent bien s'asseoir, qu'on puisse poursuivre nos débats sereinement.