République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1830-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la pétition : Pas de destruction de logements !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 18 et 19 septembre 2014.
Rapport de majorité de M. François Lefort (Ve)
Rapport de minorité de M. Benoît Genecand (PLR)

Débat

Le président. Nous arrivons à présent au chapitre des pétitions et abordons la P 1830-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. François Lefort.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Voilà une histoire connue de tous. En résumé, la commission - c'est-à-dire celle de l'ancienne législature - avait déjà pris en considération à l'unanimité la motion 2059 qui demandait au Conseil d'Etat de soutenir l'alternative de la gare souterraine. Le Conseil d'Etat lui-même a apporté son soutien et annoncé l'été dernier qu'il se positionnait en faveur de cette alternative. Une initiative a même été déposée en ce sens. Pour des raisons d'oubli dans l'ordre du jour de la commission, nous avons traité quelques mois plus tard cette pétition qui a quand même reçu 7800 signatures réunies par le Collectif 500. Les auteurs de cette pétition, qui est liée à la thématique de la gare souterraine, demandent que dans le cadre des aménagements futurs de la gare Cornavin par les CFF, il n'y ait pas de destruction de logements. La nouvelle commission a estimé que par respect pour les signataires et ce qui avait été fait, il convenait de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. C'est ce que la majorité vous propose.

M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de minorité. Monsieur le président, chers collègues, puisque cette pétition a été réexaminée par la nouvelle commission d'aménagement après le changement de législature, il m'a semblé nécessaire que ce rapport de minorité soit produit, qui reprend les arguments que j'ai déjà eu l'occasion de développer ici concernant la gare Cornavin. Ce n'est absolument pas dirigé contre les pétitionnaires qui, ma foi, font très bien leur travail démocratique, mais il est un grand point d'interrogation qui persiste jusqu'à ce jour sur toute une série de questions principalement financières.

Pour ceux qui ont manqué les épisodes précédents, vous vous souviendrez que la Confédération nous avait offert une gare rénovée en surface et que, suite à l'opposition du quartier relayée dans ce parlement par des députés particulièrement aguerris, tout le monde s'était soudain dit qu'il valait mieux construire en sous-sol. Peut-être est-ce le cas; il n'en demeure pas moins qu'entre la solution en surface estimée à environ 800 millions - plus ou moins 30% - et la solution en sous-sol à 1,2 milliard - plus ou moins 50%, et j'insiste sur la marge d'erreur - il y a déjà 400 millions de différence que ce parlement devra financer. Ce n'est pas Berne qui les payera, c'est nous. Or 400 millions, ce n'est pas une petite somme, cela mérite une réflexion et autre chose qu'un traitement aux extraits, sans un mot, comme si tout allait de soi. A ces 400 millions s'ajoute par ailleurs l'incertitude, qui sera plus grande en sous-sol qu'en surface, sans parler de l'incertitude quant à la planification puisque le 1,2 milliard est à plus ou moins 50%. Donc si je fais 1,2 milliard + 50%, ça fait 1,8 milliard ! J'ai déjà eu l'occasion de le dire: quand on creuse, on tombe rarement sur de bonnes surprises; ce sont plutôt de mauvaises surprises. Si la somme finale s'élève à 1,8 milliard, c'est ainsi 1 milliard que ce parlement devra financer pour sa gare. Alors voici ma première interrogation: est-ce vraiment ce que veut ce Grand Conseil ? A ce prix-là, souhaite-t-il toujours la gare en sous-sol ?

Des voix. Oui !

M. Benoît Genecand. Très bien, alors il faudra faire un projet de loi et on aura une votation. Mais deux ou trois «oui» criés comme ça ne suffiront pas, il faudra une majorité.

Ma seconde question porte davantage sur la manière dont Genève réussit ou non à faire entendre sa voix à Berne. Il me semble que dans ce projet-là, on a fait preuve - on fait encore preuve - d'une grande naïveté. On dit «oui», M. Thomas Wenger dit: «Oui, oui, on va payer.» Du coup, la Confédération se dit qu'elle n'aura jamais à payer cette gare en sous-sol; les Genevois sont si généreux et ont tellement d'argent qu'elle va se contenter des 800 millions promis, sans jamais mettre un franc de plus. Voici la grande question politique: pourquoi le canton de Zurich arrive-t-il à faire rénover sa gare en sous-sol et à la faire financer par la Confédération alors que Genève, dans sa grande candeur, décide de creuser plutôt que de rester en surface et va finalement payer plus de la moitié de l'ouvrage ? Voilà l'objet de mon rapport de minorité sur un point qui est certes périphérique dans le débat démocratique et l'avancée de ce dossier, mais il me semblait et me semble toujours nécessaire - et je le ferai à chaque fois qu'on parlera de cette gare - de rappeler les enjeux qui ne sont pas seulement urbanistiques et de construction, mais également financiers.

Mme Christina Meissner (UDC). Le rapporteur de minorité est déjà en plein dans les travaux, il est déjà en train de spéculer sur le coût d'une gare en souterrain plutôt qu'en surface. Nous n'en sommes pas encore là ! La pétition que nous sommes en train d'examiner était liée à une motion, et les deux demandaient la même chose: étudier l'alternative d'une gare en souterrain qui nous permettrait d'utiliser la place de manière sans doute plus cohérente et de voir un peu plus loin en matière de besoins. Que devons-nous faire aujourd'hui ? Nous devons répondre à cette pétition, être cohérents avec nous-mêmes et donc répondre dans le même sens que nous l'avons fait pour la motion, c'est-à-dire en renvoyant cette pétition au Conseil d'Etat, ne serait-ce que par respect pour les 7500 signataires - pardon, 7800 - de cette pétition. Non, Monsieur Genecand, il ne s'agit pas juste de deux ou trois petites voix, il s'agit quand même d'un certain nombre de citoyens auxquels s'ajoutent les voix de plusieurs partis représentés dans ce parlement. Dès lors, l'UDC est cohérente avec elle-même: nous voterons le renvoi au Conseil d'Etat, nous soutiendrons le rapporteur de majorité, nous soutiendrons cette pétition comme nous l'avons fait pour la motion. Quant au résultat de l'étude, aux questions de coût et de prise en charge, cela fera l'objet d'un autre débat plus tard.

Mme Isabelle Brunier (S). Le 9 février dernier, il n'y a pas eu que des mauvaises nouvelles; il y en a eu au moins une excellente, en particulier en ce qui concerne la gare de Genève puisque les votants de notre canton ont décidé à 76% de voter les crédits du FAIF, ce qui représente 790 millions qui nous seraient attribués par Berne pour la gare Cornavin. A Genève en tout cas - et pas seulement, puisque la majorité a également été atteinte au niveau suisse - le choix prôné par les pétitionnaires puis repris par le Conseil d'Etat d'une gare souterraine a été largement soutenu par une majorité de la population de notre canton. Par ailleurs, depuis ce jour, et même déjà auparavant, je crois, deux études ont démontré que le projet de gare souterraine, indépendamment de son prix, était la meilleure solution non seulement en termes d'aménagement - pour éviter de détruire des logements et, plus généralement, tout le quartier de la gare et ses alentours - mais aussi du point de vue de l'efficacité ferroviaire et du réseau. Avec autant d'éléments positifs en faveur de ce projet, cette pétition, qui avait été largement appuyée par les signataires, mérite d'être maintenant portée par le Conseil d'Etat, et je terminerai en demandant des nouvelles des négociations qui devraient être en cours entre le canton et nos représentants à Berne. (Quelques applaudissements.)

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je me contenterai des informations qui ont été publiées jusqu'à maintenant, c'est-à-dire en juin de l'année passée. Une étude, rendue publique à plus ou moins 50%, montre l'intérêt évident de cette pétition pour une traversée souterraine de la gare Cornavin avec un tunnel et deux voies. Elle démontre non seulement qu'une gare souterraine est faisable, mais que les fonctionnalités sont par ailleurs extrêmement intéressantes et rendent rédhibitoire la variante aérienne. Monsieur Genecand, je m'étonne que vous reveniez à chaque fois en insistant pour que la variante aérienne reste d'actualité. Non, Monsieur Genecand, la variante aérienne a été quasiment abandonnée par les CFF. Cela nous permet notamment d'économiser - ce sont des informations qui ont été publiées - deux sauts de loup à 250 millions pièce, à Châtelaine et de l'autre côté, en 2025 ou en 2030.

Les pétitionnaires ont donc raison, et le Conseil d'Etat a raison de les soutenir. C'est la réalité des chiffres qui ont été publiés. Quant au chiffrage plus fin, à plus ou moins 30%, il arrivera - nous l'espérons tous - à la fin de cette année, c'est-à-dire dans deux ou trois mois, et les validera ou les invalidera peut-être, je n'en sais rien... alors que je serais bien placé pour le savoir, mais je n'en sais rien. De plus, les chiffres que vous avancez, Monsieur Genecand, sont purement spéculatifs. Vous prétendez que cela va coûter 1 milliard ou 500 millions de plus, mais je n'en sais rien, nous n'en savons rien du tout ! Nous ne pouvons que dire aujourd'hui que les fonctionnalités ont été étudiées par des spécialistes reconnus au niveau européen. Il est d'ailleurs étonnant que tous les responsables ferroviaires européens soumettent leurs projets à la personne que nous - CFF, Confédération, Etat et Ville de Genève - avons mandatée, qui est un expert de l'EPFL...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.

M. Rémy Pagani. ...en la matière. Je recommande donc, Mesdames et Messieurs, par gain de paix et parce que tout le monde tire à la même corde - sauf M. Genecand, peut-être - de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat qui, j'en suis persuadé, en fera bon usage. Je vous remercie de votre attention.

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, quand on évoque la gare souterraine par opposition à la version en surface, je pense que le débat s'étend au visage que l'on veut donner à notre Genève. En l'occurrence, il s'agit d'un visage à la fois urbanistique et sociologique. Préserver les Grottes, c'est aussi lutter contre la gentrification, protéger un quartier populaire, convivial, à la forte valeur architecturale et possédant une âme bien particulière; c'est un choix, une orientation politique pour notre canton.

Certes, cette gare en souterrain a un coût; comme beaucoup d'objets sur lesquels nous nous prononçons, nous votons sur des crédits. Or, qui dit coût dit choix et orientation politiques. Voilà pourquoi nous sommes aujourd'hui saisis de cet objet et le serons à l'avenir pour la suite du dossier. Cela a un coût, mais ce choix va avoir des répercussions à l'avenir puisque, comme on le sait, la solution en surface est une solution à court terme. A l'avenir, il y a de fortes chances pour que l'on doive de toute façon élargir encore la gare de Cornavin; à ce moment-là, la solution en surface ne sera pas suffisante et on devra de toute manière trouver des alternatives. Cela a un coût, certes, mais c'est un coût pour une solution à long terme, de même que pour s'inscrire dans la volonté populaire qui, comme l'a souligné ma collègue Isabelle Brunier, a été confirmée le 9 février avec le large plébiscite du peuple en faveur du FAIF, lequel nous amène un soutien conséquent de la part de la Confédération. On peut aussi voir dans le vote du 28 septembre dernier - c'est-à-dire dans le refus de la traversée de la rade - la volonté d'investir non pas en faveur de la route, mais pour d'autres priorités. (Exclamations.) Nous aurons de toute façon l'occasion de revenir sur le sujet dans le cadre de l'initiative populaire et, par la suite, quant au complément que devra apporter le canton de Genève en matière financière afin que cette gare soit réalisée en souterrain, que le quartier des Grottes soit protégé et que le rail soit développé à Genève sur le long terme. Je vous remercie.

M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien est naturellement pour le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Nous nous sommes toujours positionnés en faveur du projet de gare souterraine, et je pense qu'il n'est pas question de revenir là-dessus aujourd'hui. C'est en effet un projet capital pour Genève, qui recueille surtout un certain consensus. L'initiative populaire en faveur de cette gare souterraine a rencontré un grand succès, et il est même question qu'elle soit retirée si le Conseil d'Etat, qui a montré des signes tout à fait positifs et même donné une conférence de presse à laquelle nous avons tous pu assister, se bat en faveur de ce projet. Il n'est pas question ici de remettre en cause la volonté populaire comme semble vouloir le faire M. Genecand par une attitude que j'estime, à titre personnel, tout à fait contradictoire avec ce que veulent les Genevois. Peut-être certains milieux immobiliers désirent-ils construire des logements à cet endroit, mais on a vu que ce n'était même pas une possibilité très intéressante et qu'il y avait d'autres options à privilégier dans ce domaine. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous recommandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, j'ai l'impression qu'il règne une certaine confusion. L'objet de mon intervention n'est pas tant le vote qui va intervenir. Je ne compte pas gagner ce vote, ce n'est pas la question. La question est d'ordre financier s'agissant d'un projet d'importance pour Genève, et je continue de penser - s'il n'y en a qu'un qui reste à le dire, Monsieur Pagani, ce sera moi - que ce projet mérite mieux qu'un consensus mou où tout le monde se satisfait parce qu'il a l'impression de parler avec la population. Je ne dis pas cela pour vous, Monsieur Pagani, je connais votre attachement à ce quartier, mais peut-être pour d'autres qui se sont fait une opinion un peu rapidement, simplement en voyant quelques signatures sur un bout de papier.

J'entends très bien ce que vous dites, Monsieur Pagani. Pour moi, «the proof of the pudding» viendra au moment où nous voterons les budgets. Si on arrive effectivement à démontrer que ces sauts de mouton sont quelque chose qu'on remplace, alors on devrait les faire financer par la Confédération et, à ce moment, le besoin budgétaire ne sera pas de 400 millions ou de 1 milliard - dans le cas de la pire version qui peut être imaginée - mais de beaucoup moins. La seule chose que je demande aux parlementaires ici présents, c'est de mieux défendre et faire valoir nos droits auprès de Berne, qui finance ce genre d'infrastructures ailleurs, et de ne pas faire preuve d'une candeur qui nous caractérise parfois en disant: «Nous payerons de toute façon nous-mêmes, ne nous occupons pas d'aller revendiquer à Berne ce qui nous revient.» Voilà le but de mon intervention.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Lefort. Il vous reste deux minutes et cinq secondes, Monsieur.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je suis un peu étonné d'entendre parler de consensus mou et voudrais bien savoir ce qu'est alors un consensus dur pour M. Genecand ! Ici, nous avons une motion qui, comme je l'ai dit - j'ai rappelé tout le processus - a été soutenue à l'unanimité par ce Grand Conseil, a obtenu le soutien du Conseil d'Etat alors qu'une initiative a été déposée dans ce sens avec des milliers de signatures. Si ça, ce n'est pas du consensus dur, Monsieur Genecand, alors qu'est-ce que c'est ?

Pour le reste, on ne va pas se jeter des centaines de millions à la tête; ce n'est ni le moment ni l'endroit. Mais si vous aviez lu - en plus, vous l'avez fait - le rapport sur la motion 2059, vous vous souviendriez que nous avons auditionné le chef du projet «Léman 2030», qui nous a exactement expliqué quels étaient les plans des CFF, à savoir deux sauts de mouton souterrains à Sécheron et à Blandonnet, et une gare en surface. L'autre alternative, c'est une seule gare souterraine qui sert aussi à remplacer les deux sauts de mouton. Il semble peut-être raisonnable, contrairement à ce que vous dites, de ne faire des travaux qu'à un seul endroit et non à trois différents. Il est fort possible que ce soit moins cher et plus rapide. Voilà, je vous recommande donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je mets aux voix les conclusions de la majorité de la commission, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission d'aménagement du canton (renvoi de la pétition 1830 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 52 oui contre 10 non et 1 abstention.