République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 6 juin 2014 à 15h
1re législature - 1re année - 9e session - 55e séance
P 1878-A
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons à la P 1878-A. Je cède la parole au rapporteur de majorité. Monsieur Slatkine, c'est à vous.
M. Ivan Slatkine (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition a été déposée par des habitants du chemin Frank-Thomas, qui ont été fortement dérangés par les poussières occasionnées par le chantier du CEVA. Lors des auditions à la commission des pétitions, nous avons appris - je vais parler au passé, parce que les choses ont changé depuis mercredi - que c'étaient la Confédération et ses services qui devaient assurer le contrôle sanitaire du chantier. Mercredi passé, nous avons eu connaissance du communiqué de presse du Conseil d'Etat où figure, à la page 6, la décision de la délégation au canton du contrôle environnemental du chantier du CEVA. C'est une bonne chose, puisque l'une des raisons du renvoi de cette pétition était justement de demander que ce contrôle puisse être opéré par le canton et non pas par la Confédération, qui manque de moyens pour s'en occuper de manière fine. Depuis cette nouvelle, nous estimons néanmoins qu'il est toujours nécessaire de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, de sorte qu'il puisse faire un rapport sur les contrôles entrepris, ceci afin de rassurer les populations vivant aux environs du chantier du CEVA sur les nuisances en termes de poussière. Mais cela peut aussi toucher les nuisances en termes de bruit, car je crois savoir qu'une pétition concernant le bruit du chantier du CEVA est en cours de traitement à la commission des pétitions. Ainsi, nous pourrons avoir une réponse groupée. Il est temps de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat puisqu'on arrive dans la période chaude de l'été. Nous allons vivre un week-end de Pentecôte caniculaire, et l'on peut imaginer que les poussières sur le chantier du CEVA vont de nouveau être un problème. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de minorité. Par cette pétition, certains riverains du chantier du CEVA le long du chemin Frank-Thomas demandaient expressément que des mesures soient prises pour qu'ils soient protégés de la poussière dégagée par le chantier. Lors du vote, les commissaires Verts se sont positionnés en défaveur du renvoi de la pétition au Conseil d'Etat, ceci avant tout pour les raisons suivantes: premièrement, le Conseil d'Etat, à qui s'adressait la pétition, n'était pas en charge du chantier, qui est de la responsabilité de la direction du CEVA sous l'autorité de la Confédération, et plus spécifiquement de l'OFT - l'Office fédéral des transports - présent dans le comité de pilotage. Cet argument a été un peu modifié du fait de l'actualité. Mais il y avait quand même une deuxième raison pour laquelle les commissaires étaient peu favorables à ce renvoi: en effet, la plupart des mesures décrites dans la pétition étaient soit difficiles à prendre, soit déjà prises. Il avait notamment été souligné qu'à l'époque des auditions, le chantier en était à un stade où l'excavation était faite beaucoup plus en profondeur dans le sous-sol. Aujourd'hui, près d'une année après la mobilisation des pétitionnaires, les nuisances décrites - à savoir les poussières de surface - ont disparu, et ce renvoi de la pétition vient donc un peu trop tard, même si ce n'est ni la faute des pétitionnaires, ni celle de la commission, qui a traité l'objet rapidement, quitte à ne pas auditionner, par exemple, le médecin cantonal, lequel aurait pourtant pu donner une expertise très utile.
Aujourd'hui, en tant que rapporteur de minorité et représentant des autres commissaires Verts, il me semble que la mobilisation des pétitionnaires aura au moins eu comme effet positif d'alerter les services du CEVA, qui ont par exemple prévu d'ajouter un capteur supplémentaire afin d'analyser l'air plus près du domicile des pétitionnaires. Par ailleurs, vu l'actualité et étant donné la deuxième partie de la pétition - qui demande de manière implicite que ce type de problème soit considéré non seulement dans le cas d'espèce, mais aussi sur d'autres chantiers - le renvoi au Conseil d'Etat pourrait se révéler utile, notamment pour permettre d'éviter des situations similaires dans d'autres lieux du chantier, dans la mesure où le Conseil d'Etat aura obtenu la délégation de compétence de la Confédération. De plus, cela pourrait inciter le Conseil d'Etat à publier les chiffres concernant les analyses effectuées aux abords du chantier. Pour ces raisons, nous avons modifié notre opinion quant à ce dossier. Il faut tout de même souligner que le traitement de cette pétition a clairement montré que le laps de temps s'écoulant entre la mobilisation des pétitionnaires et le vote d'une pétition - qui peut durer à peu près une année, comme c'est le cas ici - ne permet pas...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Yves de Matteis. ...de traiter les cas urgents, notamment les sujets portant sur la santé publique. Il conviendrait donc de déterminer, à la faveur de l'examen du dispositif de médiateur administratif, si celui-ci ne serait pas plus rapide et efficace que le traitement des pétitions pour traiter des contentieux entre la population et l'Etat, qui doivent être résolus assez rapidement. Merci de votre attention.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, dans cette affaire, il était question d'une responsabilité que visiblement personne ne voulait assumer jusqu'à il y a une semaine, puisqu'on nous annonce que l'Etat sera responsable des contrôles. Les habitants se plaignaient de voir des nuages de poussière s'élever du chantier. Comme M. Slatkine l'a dit, quand on a des week-ends comme celui qu'on attend maintenant et que la chaleur va être intense, il est vrai que la poussière va voleter dans tous les coins. Il me semble donc important d'être sûr qu'il n'y a aucun risque pour la santé publique. Et là, personne ! Ni l'Etat ni la Confédération, et à peine la direction de chantier. C'est bien ce qui nous a finalement motivés à renvoyer cette pétition. Attention, si on fait le chantier du siècle, prenons les mesures de précautions du siècle ! On ne peut pas creuser impunément en se disant qu'on verra bien s'il y aura des retombées nocives - j'allais dire radioactives - sur la population, que ce n'est pas notre problème et que, de toute façon, ce n'est pas nous, c'est l'autre. Puis ce n'est pas l'autre, c'est encore un autre... Enfin bref, on se repasse la patate chaude d'un service à l'autre, d'une entité administrative à une autre, ce qui est un peu lamentable. C'est lamentable ! C'est même regrettable de la part des Verts, qui ont voulu soutenir leur magistrate - ce que je comprends évidemment - mais n'ont pas compris le message des citoyens, qui demandaient de faire quelque chose parce qu'ils sentaient que ce n'était pas normal. Bien sûr, il y a des gens qui vont dire qu'ils n'ont rien senti de spécial, que ça ne les a pas dérangés. Une atteinte à la santé ne touche pas forcément tout le monde, mais souvent les plus fragiles, et c'est ce qui est regrettable en général. Bien que nous ayons eu l'information que l'Etat est maintenant chargé du contrôle, nous préférons quand même renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Ceci d'autant plus - comme l'a précisé M. Slatkine - que d'autres pétitions sur le CEVA sont arrivées entre-temps, notamment s'agissant du bruit. Je vous remercie de votre attention.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Monsieur le président, vous pourrez rassurer M. Spuhler: les Verts ont déjà annoncé qu'ils avaient changé leur position. Nous voterons également le renvoi au Conseil d'Etat. Les deux rapporteurs ont expliqué pourquoi les Verts avaient initialement refusé la pétition - pour des questions de responsabilité - et pourquoi cet argument n'était plus valable actuellement. Néanmoins, même avant l'annonce de mercredi, les Verts avaient déjà décidé de changer leur position sur cette pétition. Il est en effet du rôle de l'Etat de se préoccuper de la protection des riverains lors de chantiers et de veiller à ce que le maître d'ouvrage prenne toutes les précautions nécessaires à chaque fois qu'il y a un chantier. D'ailleurs, cela pourrait même devenir l'une des conditions préalables qu'on pourrait introduire dans les demandes d'autorisation de construire à l'avenir. Je pense que ce serait bénéfique et que cela forcerait tous les constructeurs qui travaillent sur notre canton à se poser la question de la protection des riverains en amont, ce qui serait un grand pas en avant pour la santé publique.
Les chantiers du CEVA entraînent beaucoup de nuisances. Il y a déjà les nuisances de bruit et de lumière, qui ont des répercussions assez dramatiques sur le sommeil et l'état de nervosité de gens. Or si ce sont des soucis déplorables, ils disparaissent du moins avec la fin du chantier. Par contre, les problèmes sanitaires engendrés par le dégagement de poussière - dont des nanoparticules, des silicones et même, dans ce cas-là, des métaux lourds - sont beaucoup plus pérennes, parce que les produits dégagés dans l'air nous imprègnent et restent ensuite en nous. C'est pour cela qu'il nous faut être d'autant plus attentifs à ce problème. Les métaux lourds ne s'éliminent pas si facilement que cela, tout le monde le sait ici. Les problèmes respiratoires très pénibles sont déclenchés par ces poussières allergènes ou, à tout le moins, aggravent durablement la santé des personnes déjà fragilisées au niveau pulmonaire. Actuellement, nous savons que de plus en plus de personnes souffrent de problèmes soit allergiques soit respiratoires dus à de nombreux paramètres, notamment la pollution. Il est clairement du devoir de l'Etat, pour des questions de santé publique et de protection de la population, de prendre des mesures.
M. Stéphane Florey (UDC). Je ne pensais pas vraiment prendre la parole, mais ce que j'ai entendu du rapporteur de minorité - en tout cas sur le début - me fait quand même réagir. Ce n'est pas parce qu'au départ le Conseil d'Etat n'avait pas la responsabilité des nuisances évoquées par la pétition qu'il est totalement déchargé de ses responsabilités. Il a quand même la responsabilité de la population et, même si ce n'est pas lui qui s'occupe de ce genre de problème, d'alerter tout du moins les autorités fédérales pour le signaler; il en va de sa responsabilité. Maintenant, vous avez changé d'avis, c'est très bien. Par contre, je veux quand même relever encore une chose: c'est vrai que le traitement des pétitions prend du temps. Mais alors, la prochaine fois, réfléchissez bien avant et évitez de déposer des rapports de minorité qui font vraiment perdre du temps à ce Grand Conseil. Je vous remercie.
Mme Isabelle Brunier (S). J'aimerais juste conclure en disant deux mots. Tout d'abord, on peut se réjouir que la responsabilité ait désormais été déléguée au Conseil d'Etat puisque, jusque-là, il pouvait s'abriter derrière le fait que c'était celle de la Confédération. On espère qu'il en fera bon usage. Car sur d'autres aspects du chantier du CEVA pour lesquels il a déjà des responsabilités - je veux parler du plan social, du plan de la surveillance des conditions de travail - il y a déjà eu plusieurs cas de dumping salarial. On peut donc espérer que sur le plan des nuisances dues à la pollution atmosphérique, ce sera un peu mieux contrôlé et suivi.
Je terminerai en disant qu'il ne s'agit pas seulement des poussières soulevées par le chantier, mais également des ralentissements de la circulation sur les axes momentanément bloqués en raison du chantier du CEVA - ou d'autres chantiers, d'ailleurs. Là aussi, j'ai l'impression - j'habite sur le tracé - que les taux de pollution sont beaucoup plus élevés qu'auparavant sur des axes par ailleurs déjà extrêmement pollués. Pour ce qui est des capteurs sur le tracé du chantier, oui ! Mais installons-en également sur les axes d'accès au chantier pour les camions ou les voitures qui se retrouvent bloqués, par exemple sur la route de Chêne.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous allons voter les conclusions du rapport de majorité, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1878 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 74 oui (unanimité des votants).