République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

E 2213
Prestation de serment des magistrats du Pouvoir judiciaire élus, excusés lors de la prestation de serment du 27 mai 2014
E 2200-A
Prestation de serment de M. BUETTI Ivo, élu Juge à la Cour de justice
E 2201-A
Prestation de serment de Mme JUNG BOURQUIN Anne, Mme MASCOTTO Sabina et Mme MONTI Brigitte, élues Juges au Tribunal pénal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Milena Guglielmetti, élue juge au Tribunal civil;

Mme Nadine Maier Viñas, élue juge suppléante à la Cour de justice;

M. Christian Murbach, élu juge suppléant à la Cour de justice;

M. Louis Peila, élu juge suppléant à la Cour de justice;

M. Marc Mathey-Doret, élu juge suppléant au Tribunal civil;

M. Eric de Preux, élu juge assesseur à la chambre de surveillance de la Cour de justice;

Mme Maria Costal, élue juge assesseur à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice;

Mme Marta Marques Rodriguez, élue juge assesseur à la commission de conciliation en matière de baux et loyers;

M. Olivier Cingria, élu juge assesseur à la commission de conciliation en matière de baux et loyers;

M. Stéphane Miazza, élu juge assesseur à la commission de conciliation en matière de baux et loyers;

M. Patrick Blaser, élu juge assesseur au Tribunal administratif de première instance;

M. Jean-Marc Wasem, élu juge assesseur au Tribunal administratif de première instance;

Mme Gabrielle Maulini, élue juge assesseur au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant;

M. Souhail Sayegh, élu juge assesseur au Tribunal des mineurs;

M. Ivo Buetti, élu juge à la Cour de justice;

Mme Anne Jung Bourquin, élue juge au Tribunal pénal;

Mme Sabina Mascotto, élue juge au Tribunal pénal;

Mme Brigitte Monti, élue juge au Tribunal pénal.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Michel Amaudruz, Pierre Conne, Jean-Louis Fazio, Sandra Golay, Rémy Pagani et Ronald Zacharias, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Christian Decorvet, André Pfeffer, Françoise Sapin, Nicole Valiquer Grecuccio et Georges Vuillod.

Annonces et dépôts

Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes:

Pétition : Etudier dans des conditions décentes devrait être une priorité politique (P-1902)

à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport;

Pétition : Rénovation d'Uni-Bastions pour les 150 ans de la pose de la première pierre en 2018 (P-1903)

à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport;

Pétition relative aux nuisances sonores provoquées par la liaison ferroviaire Cornavin - Eaux-Vives - Annemasse (CEVA) (P-1904)

à la commission des travaux;

Pétition pour étudier dans des conditions décentes (P-1905)

à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.

PL 11460-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi de MM. Edouard Cuendet, Murat Julian Alder, Michel Amaudruz, Boris Calame, Jean-Marc Guinchard divisant en deux lois distinctes la loi 10697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.
Rapport de majorité de M. Boris Calame (Ve)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Premier débat

Le président. Nous passons au débat sur le projet de loi 11460 qui se fait en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Calame, vous avez la parole.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, ce rapport de la commission législative est un peu technique et il arrive un peu tardivement sur nos bureaux, mais puisque cette loi a déjà quelque peu traîné, la commission législative s'est fixé un délai très court pour partager ses considérations avec vous. Je vais rapidement survoler le rapport. Le cas échéant, vous pouvez toujours y retourner pour aller chercher quelques informations.

Il faut se remémorer un peu le processus du projet de loi adopté par le parlement ce printemps et se rappeler qu'en séance plénière du 27 mars, la loi 10697 a été approuvée par le Grand Conseil en trois débats.

Ce qu'il y a eu de particulier à ce moment-là, c'est que la commission des transports nous proposait... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...un outil nouveau issu de notre nouvelle constitution, le référendum facultatif, que l'on pourrait appeler parlementaire. Celui-ci doit être approuvé par les deux tiers du Grand Conseil et aurait obligé à soumettre cette loi au vote de la population.

Lors des débats, peut-être que nous n'étions pas prêts à accepter ce type de référendum ou peut-être que cela n'a pas été bien explicité, toujours est-il que le parlement a refusé l'article 44 de ce projet de loi, ce qui nous a placés dans une situation un peu particulière: le projet de loi a été transmis au Conseil d'Etat, qui s'est trouvé dans une position difficile, ne pouvant pas publier le projet de loi en l'état, puisque deux parties de cet objet étaient assujetties à des types de référendum différents, nécessitant respectivement cinq cents signatures et/ou celles de 3% du corps électoral.

Le Bureau du Grand Conseil a reçu un courrier du Conseil d'Etat expliquant la problématique et annexant une proposition de scission de la loi en deux lois distinctes. Ce projet a été transmis par le Bureau à la commission législative, qui, après l'avoir traité lors des séances du 2 et du 9 mai 2014, l'a ramené en séance plénière.

Lors des débats en commission, une jurisprudence du Tribunal fédéral nous a été rappelée concernant la loi sur l'énergie, pour laquelle cette problématique de scission et d'interaction avec différentes lois était déjà apparue. La majorité des membres de la commission a été convaincue qu'il était possible de procéder à cette scission - c'est-à-dire de séparer la loi en deux lois distinctes qui chacune serait assujettie à un référendum différent - sans tordre l'esprit de la loi sur l'exercice des droits politiques, c'est-à-dire en préservant l'attention de la population.

Le projet de loi 11460 a été traité par le Grand Conseil lors de la séance des 15 et 16 mai et renvoyé à la commission législative, qui a effectivement étudié ce projet de loi et est revenue sur cette problématique de l'interprétation de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Je pourrais dire que des doutes ont été évoqués, mais un engagement par rapport à l'article 85A de la LEDP a été donné par le Conseil d'Etat au Grand Conseil, qui l'a validé il y a relativement peu de temps. Cependant, cet article crée un conflit dans la situation présente.

En l'état, la majorité de la commission a considéré qu'il était tout à fait possible de scinder cette loi et de l'assujettir à deux référendums différents et que cela ne semblait pas tordre l'esprit de la LEDP. Le résultat des votes en commission a été relativement serré, nous nous sommes retrouvés à cinq contre quatre. Parmi les oui, on comptait l'UDC, le PLR, le PDC et les Verts, et parmi les non, le MCG, les socialistes et Ensemble à Gauche. Je crois que je vais m'arrêter là pour l'instant; si vous avez des questions, bien sûr que l'on y reviendra, mais il s'agit peut-être effectivement d'une erreur de travail ou d'une mauvaise compréhension du Grand Conseil au moment où la commission avait proposé ce référendum facultatif. La majorité de la commission pense que nous pouvons rectifier le tir sur proposition du Conseil d'Etat.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Concernant ce projet de loi de scission, plusieurs choses ont été dites: d'une part que nous étions obligés de scinder en deux la loi sur les taxis, parce que non seulement la constitution nous y obligeait, mais également l'arrêt du Tribunal fédéral et qu'en plus nous y étions quasiment conduits par le vote du Grand Conseil lors de la session du 27 mars 2014.

Or, à bien considérer ces textes, on constate que la constitution ne nous oblige en aucune manière à scinder ces projets de lois, bien au contraire ! Elle différencie les différents types de référendums et elle soutient que le référendum facilité est indiqué lorsqu'il s'agit de dispositions soit fiscales soit en matière de logement et d'habitat.

En ce qui concerne l'arrêt du Tribunal fédéral que j'ai inclus dans mon rapport de minorité, vous observerez, en le lisant attentivement, qu'en aucun cas il ne prescrit de scinder les lois en deux. Il dit que, à priori, le doute doit profiter au peuple et qu'il n'y aurait aucun dommage à soumettre la loi sur les taxis au référendum facilité; de plus, si d'aventure le Conseil d'Etat ou les constituants avaient voulu procéder à ce type de scission, ils devraient alors définir des règles très claires pour pouvoir éventuellement le faire. C'est là que le bât blesse: sur la loi sur l'exercice des droits politiques qui, lors de la modification de mars 2013, a inclus un nouvel article 85A dont on nous dit qu'il prescrit, lui, effectivement, de scinder un objet en deux lorsque nous avons des dispositions qui relèvent soit du référendum facultatif, soit du référendum facilité. Or, en l'état, autant le service de la direction des affaires juridiques que le Conseil d'Etat admettent que cette disposition - la 85A de la LEDP - n'a pas forcément tenu compte de tous les éléments qu'elle aurait dû prendre en considération et qu'elle pose plusieurs problèmes. Le premier étant notamment que si l'on scindait en deux la loi sur les taxis ou tout autre objet, il n'est de loin pas certain qu'une partie puisse survivre si l'autre était d'aventure refusée par référendum, ce qui montre bien les limites de cet article dont on veut aujourd'hui nous obliger à suivre les prescriptions.

C'est pourquoi la minorité a estimé qu'il n'était pas correct ni légitime, finalement, de cautionner une disposition discutable en elle-même et qui, selon les informations qui nous ont été données par la direction des affaires juridiques, devrait être corrigée.

Nous avons accepté d'attendre les résultats de ces travaux et de ne pas proposer directement une correction, mais aujourd'hui il nous paraîtrait plus cohérent de ne pas entrer en matière, ce qui reviendrait à cautionner et légitimer cette disposition 85A. C'est pourquoi la minorité de la commission vous propose de transformer cette loi de scission en une loi de dérogation en vous présentant les amendements contenus dans le rapport de minorité, qui visent essentiellement à déroger à cet article 85A, qui n'est pas pertinent, de sorte que la loi sur les taxis puisse être soumise dans son entier au référendum facilité.

M. Edouard Cuendet (PLR). Je dois dire que la commission législative que j'ai le privilège de présider modestement est devenue un haut lieu de l'exégèse byzantine de textes juridiques. L'apport de nos amis et collègues constituants n'y est pas pour rien. (Brouhaha. Commentaires.) On assiste à des échanges nourris entre doctes experts en droit qui s'éloignent parfois d'un salutaire pragmatisme. Le projet de loi 11460 illustre parfaitement ce phénomène. Je remercie d'ailleurs le rapporteur de majorité d'avoir pu résumer les enjeux en un temps record. Il est vrai qu'il a dû déposer très rapidement son rapport, qu'il a résumé de manière tout à fait pertinente juste avant moi.

Le problème est au fond très simple et il est décrit de manière limpide par le Conseil d'Etat dans sa demande de scission du projet de loi 10697 en deux lois. Je me permets de le citer, c'est peut-être un peu scolaire, mais je crois que c'est plus simple. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Edouard Cuendet. Je cite: «Selon l'article 67, alinéa 2, lettre a, de la constitution de la République et canton de Genève, les lois qui ont pour objet un nouvel impôt ou qui portent sur la modification du taux ou de l'assiette d'un impôt existant sont soumises au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques, alors que les autres lois n'y sont soumises que s'il est demandé par 3% des titulaires des droits politiques.» Le problème est donc d'une simplicité évangélique. Evitons par conséquent de nous livrer à des contorsions juridiques savantes et votons le projet de loi 11460-A tel qu'il est ressorti des travaux de la commission, sans entrer dans les détails des travaux, des «Materialien» - comme on dit en allemand - de la Constituante.

Une voix. Bravo !

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Je tiens à remercier le rapporteur de majorité pour la clarté de son rapport et pour avoir très utilement rapporté les différentes étapes de ce projet de loi. Je rappellerai néanmoins - même s'il a été suffisamment précis à ce sujet - que la commission des transports a tenu pas moins de dix-huit séances consacrées à ce projet de loi sur les taxis, projet de loi qui a également été traité en sus par une sous-commission. Finalement, ce projet a été accepté le 17 septembre 2013 par la commission des transports.

Il a été rappelé aussi... (Brouhaha.) Si je pouvais avoir un peu de silence, ce ne serait pas désagréable, merci. (Le président agite la cloche.) Le refus du référendum parlementaire facultatif intervenu devant notre Grand Conseil a aussi été rappelé...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. J'aimerais bien que les personnes de ce côté de la salle aillent discuter derrière, et non dans la salle. Merci. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Monsieur le président. Je rappelle donc que notre Grand Conseil, le 27 mars 2014, a refusé ce référendum parlementaire facultatif, nouveauté introduite par la constitution.

Je souscris entièrement aux propos de mon préopinant président de la commission législative pour estimer que nous sommes là en plein dans des arguties juridiques un peu compliquées, alors que le problème a été clairement explicité par le Conseil d'Etat et qu'il a été traité de façon rapide, pour une fois, et claire de surcroît, par la commission législative.

Cette loi 10697 se compose de deux parties, on l'a rappelé: l'une traitant de dispositions fiscales et donc soumise à un référendum facilité à cinq cents signatures, l'autre, une partie organisationnelle simplement et donc soumise au référendum voulu par la constitution à 3%. La commission législative a traité ce point les 2 et 9 mai 2014 et elle s'est entourée des avis suffisamment pertinents qui lui ont été donnés, en particulier par le service juridique du Conseil d'Etat et du Grand Conseil.

La loi de scission, à l'heure actuelle, est l'unique moyen de permettre à d'éventuels référendaires d'exercer leurs droits démocratiques, dans un délai raisonnable de surcroît - parce que cette loi a trop traîné. La rapporteure de minorité a donné une interprétation très personnelle, et très extensive surtout, des dispositions, qu'elles soient constitutionnelles ou afférentes à la loi sur l'exercice des droits politiques. Je retiens de cette interprétation que la minorité de la commission souhaite à tout prix que l'entier du texte soit soumis au référendum facilité à cinq cents signatures ! Il s'agirait là, Mesdames et Messieurs, chers collègues, d'un détournement de démocratie et d'un déni de cette même démocratie ! Sur cette base, le groupe démocrate-chrétien vous encourage à soutenir la majorité de la commission et à refuser les amendements qui vous sont proposés par la minorité.

M. Cyril Mizrahi (S). On nous parle de solutions simples. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en définitive il y a une solution assez simple et qui aurait pu être mise en oeuvre, si le Conseil d'Etat n'avait pas compliqué ce point à l'excès: c'est de soumettre l'entier de la loi au référendum à cinq cents signatures. Ni la nouvelle constitution, ni la loi sur l'exercice des droits politiques n'obligent à scinder cette loi en deux.

La seule chose que dit la LEDP, en définitive, c'est que dans une même loi, on ne peut pas prévoir que certaines dispositions soient soumises à un type de référendum et d'autres dispositions à un autre type. Ce n'est pas le cas de la loi sur les taxis. On peut donc tout à fait la soumettre dans son ensemble au référendum à cinq cents signatures et c'est ce que nous proposons.

On peut certes regretter que le Grand Conseil n'ait pas choisi l'outil du référendum à la majorité des deux tiers du parlement, qui aurait pu régler la question. A présent, nous nous trouvons dans le cas du référendum à cinq cents signatures. L'arrêt du Tribunal fédéral publié suite à la question qui avait été posée sur la loi sur l'énergie le dit clairement: cette loi sur l'énergie contenait des dispositions ayant trait à la protection des locataires et d'autres dispositions qui n'étaient pas couvertes par le champ du référendum sur le logement, et le Tribunal fédéral a clairement dit qu'il était possible de soumettre l'ensemble de la loi comme un tout au référendum le plus favorable au droit populaire - «in dubio pro populo». C'est ce qu'a rappelé le Tribunal fédéral.

Pourquoi demandons-nous de ne pas scinder cette loi ? Simplement parce qu'elle forme un tout et que le Conseil d'Etat a été très clair: il ne mettra pas en vigueur une partie sans l'autre et, si une partie devait être refusée en votation, il présenterait un nouveau projet devant ce Grand Conseil, parce que le coeur de cette loi porte tout de même sur ce qui va être payé par les taxis pour l'utilisation du domaine public. Il n'est donc pas justifié de séparer artificiellement cette loi pour essayer de saucissonner la chose. C'est pourquoi notre groupe ne votera pas cette loi de scission. Des amendements ont été proposés dans le rapport de minorité déposé sur vos tables. Nous accepterons ces amendements. Si la loi est amendée, nous la voterons, dans le cas contraire nous voterons contre, et nous vous incitons à en faire de même.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG). Moi ? (Commentaires.) Excusez-moi, Monsieur le président, je pensais que d'autres devaient intervenir avant moi. L'affaire est très simple: avons-nous peur du peuple ou pas ? C'est de cela qu'il s'agit. Des gens se battent ici pour soustraire une loi qu'ils ont votée et qu'ils estiment excellente - nous l'avons également votée et nous la soutenons - ou en soustraire un bout au verdict populaire en espérant que les auteurs du référendum annoncé ne recueilleront pas les signatures. Tout cela est bien peu démocratique !

A l'instant, M. Guinchard, du PDC, a considéré que la position du rapport de minorité défendue par Mme Haller serait un déni de démocratie. Quand même ! Il s'agit de faciliter la prise de position du peuple, enfin de la partie de celui-ci qui a le droit de s'exprimer et de la partie de celui-ci qui prendra la peine de s'exprimer. Quand même ! Il s'agit en l'occurrence de savoir si l'on est pour permettre le référendum facilité sur l'ensemble de cette loi ou pas. Notre position, parce que nous sommes des démocrates, parce que nous faisons confiance aux citoyennes et aux citoyens de cette république, est de dire oui. Nous sommes pour un référendum le plus facilité possible. Les cinq cents signatures ne nous posent pas de problème. Nous appellerons à voter oui à cette loi, mais nous sommes contre ce saucissonnage, contre ce traficotage tacticien, politicard et détestable de projets de lois pour essayer de les soustraire au verdict populaire !

S'il fallait se prononcer ce soir pour le référendum général à cinq cents signatures sur l'ensemble de nos travaux et sur l'ensemble des lois que nous votons, nous serions pour ! Rappelons quand même sur le fond, Mesdames et Messieurs, que Genève, par rapport à sa population, a l'un des taux de signatures nécessaires pour déclencher un référendum populaire les plus élevés ! De mémoire, à Zurich, qui a une population supérieure à la nôtre, pour contester une loi votée par le parlement, il faut quelque chose comme mille signatures. C'est bien ! C'est démocratique et cela n'engage pas la décision dans un sens ou dans un autre. Simplement, cela la remet plus facilement aux mains des citoyennes et des citoyens et en effet, cela enlève un peu de pouvoir à cette assemblée pour le remettre directement entre les mains des habitants, entre les mains des citoyennes et des citoyens de cette république. C'est cela, Mesdames et Messieurs les députés qui vous opposez au rapport de minorité, que vous appelez un déni de démocratie ? Le fait de confier une décision aux citoyennes et aux citoyens de cette république ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, vous avez une bien étrange conception de la démocratie !

M. Eric Stauffer (MCG). Cher Pierre, vous avez parfaitement raison - vous transmettrez, Monsieur le président - mais vous n'avez pas compris, cher collègue, qu'une partie de ce gouvernement a peur du peuple, notamment depuis la votation du 18 mai dernier concernant les parkings relais. Donc moins il doit consulter le peuple - pour une partie de ce gouvernement - mieux il se portera !

Quand on sait que la loi sur les taxis a été détruite, pulvérisée, atomisée par le Tribunal fédéral à réitérées reprises parce qu'elle n'était pas conforme à la Constitution suisse, notamment à son article 4 sur la liberté de commerce, quand on sait que l'homme d'affaires, le diplomate ou le touriste qui vient prendre un taxi à Genève ne comprend pas pourquoi, quand il monte dans le véhicule, il se fait arrêter par la police, parce que ce dernier utilise les voies réservées aux taxis... Cela est incompréhensible pour ceux qui visitent Genève, mais ce n'est qu'une genevoiserie de plus ! Le Conseil d'Etat a bien sûr continué - parce qu'on ne change pas une équipe qui perd, on la maintient - à faire de cette loi sur les taxis une spécialité genevoise.

Alors oui, chers collègues d'Ensemble à Gauche, une partie du gouvernement a peur du peuple et s'il pouvait fixer à cinquante mille signatures le droit de référendum, eh bien il le ferait ! Ou si, comme en France, il pouvait carrément le supprimer, il le ferait aussi ! Remarquez, on n'est pas loin de certaines dictatures où on ne veut consulter le peuple que lorsque cela arrange.

Eh bien non ! Au MCG, nous sommes pour une consultation beaucoup plus large et beaucoup plus fréquente de la population. Le peuple participe à l'exercice démocratique. Vous en êtes d'ailleurs l'émanation ici, ce soir, en tant que députés du Grand Conseil de la République et canton de Genève. Pour nous, il n'y a aucune ambiguïté à soutenir les deux amendements qui sont proposés et à refuser la scission de la loi. Le MCG, a contrario de certains autres partis, n'a pas peur du verdict populaire.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Michel Ducommun, à qui il reste une minute.

M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer d'intervenir en une minute. Ce qui me semble inquiétant dans le débat que nous avons actuellement, c'est le fait d'avouer que nous avons des projets de lois sans une vision globale et sans unité dans leur ensemble. On peut donc séparer ce qui peut être voté par référendum à cinq cents signatures et ce qui relève d'un référendum à sept mille signatures. Cela signifie que les gens qui ont des critiques par rapport à ce projet de loi doivent se dire: «Attention, il y a cette partie que je n'aime pas, mais il me faut cinq cents signatures, cela jouera peut-être, et puis il y a cette partie que je n'aime pas, mais je dois réunir sept mille signatures.» Si on en arrive à pouvoir partager le projet de loi - qu'on suppose devant garantir une certaine unité - entre ce qui relève de cinq cents et ce qui relève de sept mille signatures...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Michel Ducommun. ...je trouve qu'on est en plein déni de la qualité de ce qu'on fait et dans un déni du droit qu'ont les citoyens de s'exprimer...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Michel Ducommun. ...sur une loi que nous votons.

M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous voyons les limites du système avec le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Autrefois, à Genève, comme c'est le cas au niveau fédéral, il y avait un système spécifique pour le référendum en matière constitutionnelle et un système spécifique pour le référendum en matière législative. Depuis maintenant plus d'une douzaine d'années, nous avons deux référendums un peu particuliers en matière législative dans le domaine fiscal et celui du logement. Dans les domaines où une loi est soumise au vote du peuple, qui contient des dispositions en matière fiscale ou en matière de logement, on avait autrefois un référendum obligatoire et désormais un référendum facilité à cinq cents signatures. C'est une absurdité ! Toutes les lois devraient être soumises au même titre au référendum facultatif. C'est une question de bon sens. Pourquoi y aurait-il des lois supérieures à d'autres du simple fait qu'elles contiennent des dispositions en matière fiscale ou des dispositions en matière de logement ? (Commentaires.)

Une voix. Chut !

M. Murat Julian Alder. Le bon sens commanderait qu'on fasse table rase de ces guéguerres politiques stériles et que toutes les lois soient soumises au même type de référendum. La Constituante a souhaité respecter la volonté populaire simplement en corrigeant l'effet pervers du référendum obligatoire d'autrefois qui avait pour conséquence que même des lois approuvées à l'unanimité par ce Grand Conseil étaient soumises au vote du peuple genevois. (Commentaires.) J'insiste ici sur un point: la scission demandée n'est rien d'autre qu'une question de bon sens et j'aimerais ici contester d'emblée toute velléité de critique à l'endroit de la Constituante qui n'est pour rien du tout là-dedans. (Exclamations.) Sous l'ancien droit... (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Murat Julian Alder. Sous l'ancien droit, la situation aurait été pire, puisque...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Murat Julian Alder. ...nous aurions eu des dispositions soumises au référendum obligatoire et d'autres au référendum facultatif. Encore une fois, la Constituante n'y est strictement pour rien. (Commentaires.) Il est un peu facile de critiquer cet organe qui a réussi l'exercice de faire passer devant le peuple...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Murat Julian Alder. ...un texte constitutionnel.

Une voix. C'est bien !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites. Il est clair - on le voit à la lecture des deux rapports - que les positions sont tranchées. Mais, Mesdames et Messieurs, ne sommes-nous pas dans cette situation détestable d'intrigues de palais du Grand Conseil, de la législation, voire de la Constituante - même si cela ne plaît pas à mon préopinant - qui arrive à nous pondre des choses qui nous mettent dans des situations regrettables comme celle de ce soir ?

Cette situation est détestable: je vous rappelle les péripéties survenues lorsque nous avons parlé de ce projet de loi qui, malgré tout, grâce à un forcing à la commission, a été accepté et est parvenu devant le Grand Conseil, alors qu'il avait été complètement modifié et que bien des parties n'avaient pas été entendues.

On veut à présent, comme l'ont dit les bancs d'en face - que je rejoins, pour une fois - saucissonner et fractionner ce projet de loi. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons dans le cas de l'expression d'une volonté populaire. Cela ne sert à rien que je vous en dise davantage, le temps est compté ce soir. L'Union démocratique du centre pense très sérieusement - et c'est notre volonté politique générale - que le peuple, les électeurs, les citoyens doivent pouvoir s'exprimer. C'est la raison pour laquelle nous sommes pour l'entrée en matière sur ce texte, mais nous vous demanderons d'accepter les amendements proposés, faute de quoi l'UDC renoncera à ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité, Jocelyne Haller, à qui il reste une minute et cinquante secondes.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aurais voulu insister sur un aspect: jusqu'à l'introduction de l'article 85A, la cohabitation de dispositions qui relevaient du référendum facultatif ou du référendum obligatoire ne posait pas de problèmes. Personne ne criait au détournement de la démocratie.

M. Guinchard a évoqué tout à l'heure un déni démocratique, mais que dire alors du fait que l'article 85A ne conduit à rien d'autre qu'à une restriction du champ du référendum facilité ? De là à y voir une intention, la distance n'est pas grande, parce que finalement, si j'entends bien M. Alder qui parlait il y a deux secondes, que nous disait-il ? Il nous disait qu'au fond il devrait y avoir un seul type de référendum, le référendum facultatif, c'est-à-dire qu'il appelle de ses voeux la fin du référendum facilité. Voilà ce qui se cache derrière cet article 85A, voilà pourquoi nous ne voulons pas le créditer et pourquoi nous vous demandons de bien vouloir y déroger en acceptant les amendements qui vous sont proposés. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Calame, vous n'avez normalement plus de temps de parole, mais je pense que vous utilisez celui de votre groupe ? (Remarque.) Vous avez la parole.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Du moment qu'il n'a rien dit, je vais utiliser le temps de mon groupe. Je vous remercie, Monsieur le président.

Monsieur le président, chères et chers collègues, il y a une réalité, c'est que le Conseil d'Etat doit agir dans le cadre de la loi, celle que nous lui avons donnée. La jurisprudence du Tribunal fédéral dit que s'il n'est pas nécessairement exclu de scinder une loi pour la soumettre en partie au référendum obligatoire et en partie au référendum facultatif, ce procédé doit demeurer exceptionnel compte tenu des sérieux inconvénients qu'il présente. Nous sommes dans une situation exceptionnelle. Il serait néanmoins souhaitable que cette question soit clarifiée dans le droit cantonal et que le constituant ou le législateur, s'ils entendent permettre les scissions évoquées, les règlent expressément en éditant des conditions claires à cet égard.

De cet arrêt du Tribunal fédéral est sorti effectivement l'article 85A, alinéa 2 de la LEDP, soit le cadre légal donné par le Grand Conseil suite à cet arrêt du Tribunal fédéral. La solution simple, une soumission de l'entier de la loi à cinq cents signatures, n'est pas du ressort du Conseil d'Etat ! Elle est tout au plus du ressort de ce parlement. C'est notre choix, nous sommes le législateur. Le Conseil d'Etat, jusqu'à preuve du contraire, est censé respecter la loi et ne pas y déroger.

Pour conclure, je citerai un extrait du rapport: «Malgré certains doutes évoqués par des commissaires lors des débats, en lien avec le choix d'un système référendaire qui soit le plus favorable possible à l'expression de la volonté populaire, la majorité de la commission constate qu'en cas d'aboutissement de l'un et/ou de l'autre référendum, le-s vote-s se ferai-en-t de façon séparée. Ce faisant, si le résultat du vote populaire était négatif sur l'un ou l'autre des objets, la loi dans son entier ne pourrait entrer en vigueur, car conçue comme un tout. La majorité de la commission est cependant pleinement convaincue que, de ce fait, les droits des référendaires potentiels sont ainsi respectés, tout en permettant au Conseil d'Etat de respecter le cadre légal contraignant» que nous lui avons donné, «pour publication de la loi 10697 de façon scindée.» Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons au terme du premier débat. Nous procédons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11460 est adopté en premier débat par 62 oui contre 15 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre est adopté.

Le président. Nous avons un amendement au préambule déposé par Mme Haller, que vous trouvez à la fin du rapport de minorité et qui consiste à supprimer la référence suivante à l'article 85A LEDP: «vu l'article 85A de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982». Madame Haller, souhaitez-vous présenter les amendements ? (Remarque.) Je vous passe la parole. Chaque groupe dispose de trois minutes.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. J'interviens simplement pour dire qu'il s'agit là de biffer la référence à l'article 85A, précisément parce que nous allons vous proposer ensuite d'y déroger. Je ne vois pas ce qu'il y aurait à ajouter à ce stade.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Que le parlement vote ou non le premier amendement, le deuxième amendement y étant directement lié, il est évident qu'il faut être cohérent dans son vote.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets donc cet amendement modifiant le préambule et consistant à supprimer la référence à l'article 85A LEDP.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 43 non.

Mis aux voix, le préambule ainsi amendé est adopté.

Le président. Concernant l'article 1, un amendement a été déposé par Mme Haller. Voulez-vous prendre la parole, Madame Haller ? (Remarque.) Non, la parole n'est pas demandée. Je mets donc aux voix l'amendement de l'article 1, qui a la teneur suivante:

«Article 1 (nouveau, les articles 1 à 4 anciens abrogés et l'article 5 ancien devenant l'article 2)

En dérogation à l'article 85A, alinéa 2 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, la loi 10697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes, du 27 mars 2014, est soumise au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques, en vertu de l'article 67, alinéa 2, lettre a de la Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 44 non.

Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.

Le président. Je mets à présent aux voix l'amendement à l'article 2 qui a la teneur suivante:

«Article 2 Clause d'urgence

L'urgence est déclarée.»

Je vous rappelle que la majorité des deux tiers des voix exprimées est requise, sans tenir compte des abstentions, et que 51 voix au minimum sont nécessaires.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 72 oui contre 24 non.

Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté.

Troisième débat

Le président. Nous arrivons au troisième débat. Je vais vous soumettre l'entier de cette loi telle qu'amendée. (Remarque.) Pardon, il y a un amendement de Mme Haller au troisième débat, qui vous a été distribué. Il s'agit de modifier le titre de la loi. En voici la teneur:

«Intitulé de la loi (nouvelle teneur)

Projet de loi

(11460)

soumettant la loi 10697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes au référendum facultatif selon l'article 67, alinéa 2 de la Constitution»

Madame Haller, vous avez la parole.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais simplement indiquer qu'à partir du moment où les autres amendements ont été acceptés, il convient de modifier l'intitulé de la loi, ce que propose cet amendement. Je vous remercie de l'accepter.

M. Cyril Mizrahi (S). Il me semble simplement qu'il y a un certain nombre d'articles qui ont été abrogés quand on a voté l'amendement du rapport de minorité. J'espère donc que cela a bien été fait dans ce sens.

Le président. De quels articles s'agit-il, Monsieur ?

M. Cyril Mizrahi. L'amendement du rapport de minorité indique: «Article 1 nouveau, les articles 1 à 4 anciens abrogés et l'article 5 ancien devenant l'article 2.» Est-ce que cela a bien été voté ainsi ?

Le président. Oui.

M. Cyril Mizrahi. Très bien, merci.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets donc aux voix en troisième débat l'amendement au titre, que je vous ai lu tout à l'heure.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui contre 33 non.

Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, le préambule est adopté, de même que les articles 1 et 2.

Le président. Je mets à présent aux voix le projet de loi dans son ensemble, tel qu'amendé.

Mis aux voix, le projet de loi 11460 est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 52 non contre 43 oui.

PL 11326-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales (LRD) (J 4 06)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.
Rapport de majorité de M. Patrick Saudan (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. François Baertschi (MCG)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au prochain point de notre ordre du jour. Nous sommes en catégorie II, cinquante minutes. (Brouhaha.) S'il vous plaît, un peu de silence ! Je passe la parole au rapporteur de majorité. Monsieur Saudan, vous avez la parole. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi ce projet de loi ? Vous n'êtes pas sans savoir que le domaine des prestations sociales se trouve à l'intersection de nombreuses lois; il s'agit d'un domaine touffu et complexe, et c'est pourquoi l'Etat genevois, depuis une dizaine d'années, a initié un processus pour simplifier et surtout coordonner l'octroi des prestations complémentaires sous condition de ressources. Ce projet de loi reprend les principes de la loi sur le revenu déterminant unifié qui a été votée par notre parlement en 2005 et mise en application en 2007. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Patrick Saudan. Il introduit les modifications permises par la loi 10527, le crédit de fonctionnement voté en 2010. En quoi consiste le revenu déterminant unifié - parce que c'est ainsi qu'il faut l'appeler à présent ? Il s'agit d'une attestation... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)

Le président. J'ai demandé trois fois le silence, ma foi. Il revient à chacun de faire l'effort de respecter le silence, afin d'écouter le rapporteur. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Patrick Saudan. Je vous remercie, Monsieur le président. Je reprends donc mon propos. En quoi consiste l'attestation de revenu déterminant unifié ? Il s'agit d'une attestation permettant aux personnes qui y sont éligibles d'obtenir des réductions pour des prestations tarifaires comme des camps de vacances, des soins dentaires, des soins à domicile, ainsi que d'obtenir actuellement les subsides ordinaires pour les assurances-maladie.

Le revenu déterminant unifié est calculé sur la base du revenu net après déductions et l'addition d'un quinzième de la fortune nette. Il repose sur trois principes: une méthode de calcul unique, une hiérarchie des prestations tant dans la demande des prestations par les usagers que lors de l'octroi de ces prestations par les services concernés et une prise en compte de tous les revenus. Le but de ce projet de loi était d'élargir le périmètre du RDU à l'ensemble des prestations catégorielles et de comblement sous condition de ressources, et, pour y arriver, d'instaurer une culture de communication entre les services et entre les entités publiques concernées.

Les changements proposés par ce projet de loi sont très techniques. Ils consistent en des compléments, énumérés dans les pages 6 à 8 de mon rapport, qui consistent à actualiser le RDU - qui ne sera plus basé sur l'année «n moins deux», mais sur l'année actuelle - à définir l'organe de compétence du RDU, à mieux définir la base de données, son utilisation par rapport aux exigences de la LIPAD... (Brouhaha.) ...et par rapport aux services de l'Etat concernés par l'utilisation du RDU... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.) Je vous remercie pour votre silence. Les adaptations consistent surtout en un élargissement du périmètre d'action du RDU à toutes les prestations sociales, en une redéfinition du calcul RDU avec de nouvelles déductions possibles et surtout en un assouplissement dans la hiérarchie des prestations en cas d'urgence sociale.

Les travaux de la commission sur ce projet de loi extrêmement technique et difficile - il faut bien l'avouer - ont été caractérisés par un certain sérieux, mais aussi par une confusion, chez quelques commissaires, entre le moyen de transmission de données administratives qu'est le RDU et l'octroi des prestations sociales qui en découlent. Deux points ont fait débat durant nos travaux: la déductibilité des frais médicaux et la formulation de l'alinéa 2 de l'article 1. Je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion sur les amendements proposés par la minorité.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Il est piquant de noter que ce que le rapporteur de majorité qualifie de digression est finalement ce qui a été puissamment rapporté par les acteurs de terrain et largement alimenté par des commissaires particulièrement bons connaisseurs de ces problématiques, ce qui est quand même relativement étonnant, tout autant que de qualifier ce projet de loi de purement technique et de non politique, alors qu'il contient des éléments éminemment politiques. Ainsi en va-t-il de nos principales objections: élargir ou restreindre le champ d'accès aux prestations est un choix politique; les restreindre en ne prenant pas en compte les frais médicaux dans les charges en est une manifestation. Je tiens à relever ici, pour votre information - car il s'agit d'un élément important - que selon les estimations fournies par le département, si toutes les personnes qui pourraient bénéficier de prestations sociales en faisaient la demande, cela impliquerait une augmentation de 10% des prestations. Aussi, de quelque manière que vous preniez cette information, il n'en reste pas moins qu'un nombre considérable de nos concitoyens vit en dessous des minima sociaux. Ce n'est pas acceptable ! Il incombe à ce parlement de corriger ces déficits et non de les augmenter !

Les prestations s'adressent aux bas revenus ou aux plus modestes, c'est donc à ceux-là que s'adresse cette restriction. Une majorité a voulu que ce même parlement conserve les forfaits fiscaux, estimant qu'il y aurait de cette perte un retour sur investissement. Dans cette même logique - si elle vous appartient - il faudrait accepter l'amendement de la minorité, puisqu'on pourrait en attendre une amélioration de la qualité de vie de la population précarisée et un renforcement de la cohésion sociale, ceci juste pour quelques prestations de plus.

Je tiens à relever quelques arguments spécieux invoqués pour minimiser la nécessité de prendre en considération les frais médicaux dans le calcul des charges. La prise en compte des frais médicaux figurait dans la LRD et n'a pas été utilisée. Evidemment qu'elle ne l'a pas été, puisque la LRD ne touchait que les prestations tarifaires et l'octroi du subside à l'assurance-maladie. Or, aujourd'hui, nous introduisons six nouveaux organismes et bien plus de prestations. Dans ce contexte-là, les frais médicaux prennent une toute nouvelle dimension. La plupart des ayants droit, nous a-t-on dit, seraient au bénéfice de prestations soit d'aide sociale, soit du service des prestations complémentaires - SPC - et, de fait, leurs frais médicaux seraient intégralement pris en charge: oui, pour les 45 000 personnes qu'on nous a indiquées sur 100 000 bénéficiaires. Qu'advient-il des 55 000 autres ? Ceux-là ne bénéficient d'aucune prise en charge, ni de leurs frais médicaux, ni de leur franchise ou de leur participation.

Enfin, M. Bretton a lui-même admis - cela figure en page 77 du rapport de majorité, je cite - que «les frais médicaux peuvent aisément faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre». C'est donc bien de cela qu'il s'agit. Il invoque la complexité de la réactualisation des données, parce que, par définition, les frais médicaux sont aléatoires, mais cela est tout de même surprenant pour un projet de loi qui se caractérise précisément par sa volonté de réactualiser systématiquement les données.

Notre principale objection a aussi trait à la hiérarchisation, non pas que nous soyons opposés à son principe, au contraire; nous ne voulons pas, cependant, que cela soit purement déclamatoire et que ce projet de loi se résume finalement à un renforcement du contrôle et des sanctions des ayants droit à des prestations sociales. Plus précisément, nous ne voulons pas que le dispositif s'absolve de ses lacunes et qu'il se défausse sur l'Hospice général en y envoyant tous ceux qui auront à faire les frais de ces trop longs délais de traitement. Ce n'est pas la vocation de l'Hospice, et surtout - et cet argument ne devrait pas vous laisser indifférents - cela coûte beaucoup plus cher: cela engorge un service spécialisé comme l'Hospice général pour traiter des situations qui ne devraient pas lui incomber, cela crée des doublons, car les dossiers sont traités et par le service concerné et par l'Hospice général, qui doit, lui, procéder à des avances dans l'attente d'une réponse. Ceux qui sont friands ici de rationalité et de saine gestion comprendront aisément où se situe l'intérêt de la république en la matière.

Cela étant, je ne pourrais terminer sans dire deux mots sur le rapport de minorité de M. Baertschi qui, une fois de plus, diabolise les frontaliers. Si on peut convenir avec lui que la mondialisation a affecté le marché du travail, c'est bien cette transformation profonde du marché du travail qui est un facteur de paupérisation, au même titre que les régressions des assurances sociales, et je pense là aux lois fédérale et cantonale sur le chômage ou à la loi sur l'aide sociale; toutes choses pour lesquelles ce parlement n'est pas tout à fait innocent.

Par conséquent, je vous invite à accepter les amendements qui vous sont proposés, car ils sont pour nous une condition à l'acceptation de ce projet de loi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je crois qu'il faut définir le cadre dans lequel se place ce projet de loi. Le cadre est une société dans laquelle la paupérisation se développe. Il y a des cas de grande difficulté sociale à Genève et - n'en déplaise à certains - la mondialisation a un impact, qu'on veuille le voir ou pas. Ce n'est pas le sujet du RDU, mais il s'agit malheureusement du cadre dans lequel nous nous trouvons. Le moyen du RDU est à notre sens quelque chose de tout à fait positif. Il s'agit de la mise en place d'un dispositif coordonné devant améliorer la vie des personnes tombées dans la disgrâce de l'aide sociale, ce qui malheureusement est le cas de trop nombreuses personnes dans notre république. C'est également la possibilité de pouvoir mieux organiser l'aide sociale, mieux la coordonner, sortir de ce qui ressemble un peu actuellement à une jungle ou ce qui avait tendance à y ressembler.

L'objectif est donc la coordination. Il s'agit d'un projet gagnant vers lequel il faut aller. Mais dans ce projet gagnant, il ne faut pas qu'il y ait de perdants, tel est le fondement du rapport de minorité que j'ai signé. Mon rapport ne porte pas sur l'essentiel de ce projet de loi, mais je suis parti du principe que quand on fait une réforme sociale dans une situation difficile telle que nous la connaissons pour de nombreuses personnes à Genève, il ne faut pas que les allocataires y perdent.

Je vous invite à suivre l'amendement qui nous a été présenté par le département, qui demande que l'on prenne en compte les dépenses de santé, de dentiste, de médecin. Il y a des dépenses extraordinaires qui doivent être prises en compte et mon collègue socialiste, M. Christian Frey, a présenté un amendement allant dans ce sens - je voulais présenter le même, mais nous nous sommes retrouvés sur ce point-là. Il y a un amendement plus ambitieux de Mme Haller dont on parlera plus tard, qui pose d'autres problèmes, notamment un petit problème de bureaucratie et d'organisation, mais je ne vais pas lancer le débat maintenant sur ce sujet.

Nous allons encore traiter d'autres questions tout à l'heure. Le but de ce rapport de minorité est de demander que l'on ait une ambition dans l'action sociale qui tienne compte des réalités, et ce but est la direction dans laquelle nous devons tous aller. Il s'agit d'un projet important, il faut le soutenir et lui donner les chances de réussir pour une solidarité envers les personnes qui sont le plus en difficulté dans notre société.

M. Eric Stauffer (MCG). Chers collègues, le social fait mal, en termes financiers ! Cela fait très mal. Eh bien, je vais vous dire: le MCG n'oublie jamais ceux que la vie, temporairement ou de manière plus durable, laisse sur le trottoir. Alors oui, nous allons aller dans le sens de la minorité - le MCG en est du reste le deuxième rapporteur.

J'aimerais vous dire un chiffre, Mesdames et Messieurs: 20 000. Qu'est-ce que 20 000 habitants sur une population d'environ 450 000 personnes ? Ces 20 000 habitants, c'est le nombre de citoyens à Genève qui sont au bénéfice de l'aide sociale. Et je ne parle pas des 109 000 personnes - c'est-à-dire 50% de la population active du canton de Genève ou un quart de celle-ci - au bénéfice des subsides d'assurance-maladie, car au sens de la loi elles ne gagnent plus assez pour payer les primes LAMal !

La clé pour faire sortir ces gens de l'aide sociale, vous la connaissez tous ! Il n'y a qu'une seule clé, une seule solution miracle: c'est d'avoir un emploi avec un salaire digne de ce nom ! Quand on parle de 20 000 citoyens qui sont au bénéfice de l'aide sociale, quand on sait qu'on a 14 000 ou 15 000 chômeurs inscrits plus une dizaine de milliers non inscrits, que Genève crée 7000 emplois par année et que nous avons le taux record de chômage, parce que nous ne sommes pas foutus et capables de pratiquer la préférence cantonale en matière d'embauche, eh bien oui, le social, financièrement, fait mal !

Je m'adresse ici aux entreprises, au secteur privé, mais aussi à l'Etat: engager prioritairement des Genevois, c'est les faire sortir de l'aide sociale ! Si le secteur privé ne veut pas entendre ce message, les coûts sociaux continueront à augmenter et un jour nous devrons nous résigner à augmenter les impôts pour pouvoir couvrir ces dépenses du social.

Je parle ici aujourd'hui de responsabilité civique. (Brouhaha.) La clé pour faire sortir les gens du social est que ceux-ci aient un emploi, tout tourne là autour. L'eldorado genevois pour l'Union européenne doit se limiter aux résidents du canton de Genève ! Un point c'est tout ! Je vous le dis, Mesdames et Messieurs: ne jouez pas les pingres en refusant les amendements qui vous sont proposés, soyez seigneurs, vous qui représentez des lobbys de gens puissants et fortunés, n'oubliez jamais ceux qui sont restés sur le trottoir et qui ont été touchés par la disgrâce du chômage ! (Quelques applaudissements.)

M. Jean-Luc Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien soutiendra le projet de loi modifiant la loi sur le revenu déterminant en la nouvelle loi sur le revenu déterminant unifié. (Brouhaha.) Comme l'a relevé le rapporteur de majorité, ce texte à l'origine technique a généré de la part de bon nombre de commissaires plusieurs digressions et critiques, comme le sujet de la cyber-exclusion des personnes âgées ou désorientées, alors que ce projet de loi technique ne concerne que les gestionnaires.

On a aussi parlé du rôle et de la mission de l'Hospice général - on vient de l'entendre - ou encore du retard de certains services dans le traitement des dossiers, avec une insistance toute particulière pour le service des prestations complémentaires. Ce projet de loi prévoit, on vous l'a dit, les adaptations nécessaires à la mise en oeuvre du nouveau système d'information du RDU qu'on appelle le SI-RDU. Cette application a l'avantage de présenter, il faut le rappeler, en un seul endroit les informations concernant l'intégralité des prestations dont bénéficie une personne. Il s'agit d'un outil - rappelons-le encore une fois - qui est mis à disposition des gestionnaires, qui devrait faciliter et rationaliser leur travail et donc - c'est un des espoirs de ce projet de loi - accélérer la gestion des données.

Cette application est une véritable colonne vertébrale et permettra aux gestionnaires des six différents services en charge des prestations sociales d'avoir une information identique quant au revenu et à la fortune d'une même personne. Il faut d'ailleurs aussi saluer le fait que les services publics et privés - avec une certaine réserve, il est vrai, du côté des services publics - ont salué le gain de temps que constituerait l'accès à une base de données unique.

Revenons aux critiques suscitées par ce projet de loi qui font l'objet de demandes d'amendements dans les rapports de minorité. Concernant la problématique du remboursement des frais médicaux et dentaires, le groupe démocrate-chrétien partage l'avis de la majorité de la commission qu'une large proportion de personnes concernées par le RDU est déjà au bénéfice de l'aide complémentaire ou de l'aide sociale et voit ainsi ses frais d'assurance-maladie couverts par l'Etat. De plus, on en a parlé aussi tout à l'heure, l'adjonction de la proposition du premier amendement, article 5, lettre h avec la notion de prise en compte des frais jusqu'à concurrence de coûts de soins appropriés paraît difficilement mesurable et applicable.

Concernant la problématique de la hiérarchisation des prestations et du risque de blocage d'une prestation en l'absence d'une décision d'une prestation en amont, nous partageons l'avis que l'ajout dans ce projet de loi des termes «en principe» autorise toute dérogation utile permettant de délivrer une aide sociale dans les cas d'urgence.

Enfin, en ce qui concerne le troisième amendement relatif à la répartition des rôles entre l'Hospice général et le SPC pour les rentiers AVS-AI, nous pensons qu'il devrait faire l'objet, un jour peut-être, d'un autre débat.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien vous invite à accepter le projet de loi 11326 et à repousser les amendements proposés par les rapporteurs de minorité.

Mme Frédérique Perler (Ve). Je présenterai quelques observations de la part du groupe des Verts qui appuie évidemment et remercie la rapporteuse de première minorité tant pour ses propos que pour son intervention auxquels nous souscrivons pleinement. Les Verts étaient au départ favorables à ce projet de loi, car ils considèrent qu'il s'agit d'un outil logique pour l'administration genevoise. Il s'agit d'un projet de réforme, certes technique, mais qui vise à faciliter le traitement et l'octroi des prestations à travers une base de données commune. Cela est une bonne chose, car la situation qui a prévalu jusqu'ici, en tout cas jusqu'en 2005, était très compliquée et occasionnait une perte d'énergie, tant pour les citoyens que pour l'administration et les travailleurs sociaux qui devaient aider ces personnes à obtenir des prestations sociales.

En théorie, dans un monde idéal, ce projet de loi est magnifique. Cependant, pour que sa mise en pratique puisse se dérouler au mieux, la condition est que tous les services qui octroient ces différentes prestations, ces six nouveaux services qui vont entrer dans le dispositif, fonctionnent et n'accusent aucun retard dans leurs prises de décisions. C'est bien là, sur ce point, que nous n'avons pas pu être d'accord. Nous n'avons pas réussi à être entendus par la majorité sur cette problématique alors que, il faut quand même bien l'admettre, aujourd'hui certains services accusent des retards et connaissent des délais d'attente obligatoires ou malheureux qui ne dépendent pas forcément d'eux.

Tous ces services qui octroient des prestations seront donc désormais intégrés au système. Le rapport de majorité le mentionne bien: il s'agit d'un projet très technique et, à priori, sans enjeux politiques. Alors là, Mesdames et Messieurs, chers collègues, dire qu'il n'y a pas d'enjeux politiques dans un projet de loi visant à ordonner un système d'octroi de prestations est une erreur, et c'est là que nous n'avons pu nous faire comprendre, parce que, un peu plus loin, le rapporteur de majorité met en évidence ce qu'il nomme une grande confusion chez certains, laquelle consiste à confondre le SI-RDU en tant qu'outil de transmission de dossiers, et la délivrance de prestations sociales. Je rêve ! Et je dois dire qu'affirmer cela sans ambages est choquant à l'égard de toutes celles et de tous ceux qui travaillent sur le terrain - j'en suis - et des associations auditionnées dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, qui ont bien mis en évidence les difficultés qui pouvaient surgir si tous les services n'arrivaient pas à s'accorder et à respecter les délais. C'est pour ces raisons-là que nous avons déposé ces amendements: c'est justement pour se préserver et ne pas se contenter, en particulier dans l'article 11 de la loi, d'un «en principe» proposé par le Conseil d'Etat et réaffirmé par son administration. Nous avons déposé cet amendement, parce que si la loi est bonne en théorie et dans un monde idéal, il s'agit de l'adapter à la réalité du terrain, sans quoi elle deviendra une coquille vide tout à fait inefficace.

Il s'agit de garantir aux bénéficiaires potentiels... Et là je ne peux pas accepter d'entendre que la majorité des bénéficiaires sont à l'aide sociale ou aux prestations complémentaires ! Car si je bénéficiais d'un subside à l'assurance-maladie ou d'une allocation au logement, cela reviendrait à affirmer que je suis à l'aide sociale ou au bénéfice de prestations complémentaires. C'est tout à fait faux ! Les citoyens genevois qui ont droit à ces prestations doivent pouvoir en bénéficier...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Frédérique Perler. ...et ne sont pas seulement cantonnés à de l'aide sociale. Nous n'avons pas pu nous entendre, parce que justement la majorité n'a pas voulu écouter ce que le terrain avait à nous dire, et la fluidité n'est ici pas garantie. Pensez-vous sincèrement qu'un citoyen va se contenter d'attendre patiemment que les retards de l'administration et des différents services se résorbent pour obtenir sa prestation ?

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Frédérique Perler. Je conclus, Monsieur le président. C'est la raison d'être des trois amendements que nous proposons et qui sont énoncés dans le rapport de minorité. Sans l'acceptation de ces trois amendements...

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Frédérique Perler. ...je le regrette beaucoup, les Verts ne pourront accepter ce projet de loi.

M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Je réponds directement à Mme Perler, parce que, moi, ce texte ne me fait pas rêver. Il s'agit d'un projet de loi très technique et je pense que ces reproches sont totalement infondés. Elle nous parle d'un texte qui va entraîner des retards dans l'octroi des prestations sociales pour les personnes qui y sont éligibles. C'est tout le contraire ! Ce projet de loi cherche à augmenter l'efficience dans la délivrance de prestations sociales pour les personnes qui y ont droit.

Les organisations oeuvrant sur le terrain nous ont surtout fait part de craintes par rapport à la cyber-exclusion et elles ont salué, dans la plupart des cas, ce projet de loi comme un texte qui allait simplifier le fonctionnement. Il ne faut donc pas commencer à diaboliser ce projet de loi et à lui faire porter des fautes qu'il ne porte pas.

Il s'agit d'un texte technique servant simplement à assurer une meilleure efficience au niveau de l'administration. Je vous ferai remarquer quelque chose concernant la déductibilité des frais médicaux en vous donnant une image, parce que cela est plus parlant qu'une diatribe: on parle de 420 000 documents de frais médicaux qu'il faut scanner chaque année pour les personnes qui voudraient bénéficier de la déductibilité de ces frais. Le département nous a indiqué que cela reviendrait à employer quasiment à plein temps une dizaine de collaborateurs de la fonction publique. Cette disposition a été retirée lors des travaux de la commission, parce qu'elle est impraticable techniquement et que son absence ne désavantage en rien les personnes qui sont éligibles à une prestation, parce que ces frais médicaux - il faut le savoir - sont déjà déductibles fiscalement ! Ils participent donc à la constitution de ce qu'on appelle le RDU socle.

Concernant l'intervention de M. Baertschi, je répondrai brièvement à son propos déclarant que le département aurait présenté l'amendement qui permettrait que les frais médicaux soient déduits s'ils sont supérieurs à 5% du revenu. Cela est clairement spécifié dans mon rapport, le département l'a fait en désespoir de cause, vu la tournure des débats. Je ne crois pas que le département nous le propose à nouveau en plénière. J'interviendrai ultérieurement, lorsque nous parlerons plus spécifiquement des amendements.

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez entamé le temps de parole restant pour votre groupe. Je passe la parole à Mme la députée Simone de Montmollin, à qui il reste quatre minutes.

Mme Simone de Montmollin (PLR). Merci, Monsieur le président. Je crois que tout a été dit et bien expliqué par le rapporteur de majorité. Le PLR soutiendra bien évidemment ce projet de loi qui est - comme il a été dit - extrêmement technique. Il le soutiendra pour plusieurs raisons: la première est que cette base de données centralisée apporte la transparence et l'efficience que nous souhaitons tous voir exister dans l'attribution des prestations sociales. Deuxièmement, elle garantira l'égalité de traitement et l'équité dans l'octroi des prestations, deux principes auxquels nous sommes très attachés. Enfin, la centralisation de ces données pour l'ensemble de tous les services concernés par les politiques publiques mises en oeuvre par la DGAS est l'objectif central de ce projet qui doit pouvoir être mis en oeuvre au plus vite.

On a déjà parlé des amendements. Je crois que ce n'est pas le moment de le faire à ce stade. Nous le ferons le moment venu, mais j'aimerais encore dire que nous avons eu l'impression, dans cette commission, d'être un peu pris en otage par quelques groupes qui essayaient d'insinuer que cette nouvelle loi modifierait les systèmes d'attribution des prestations. Il n'en est rien. Il s'agit uniquement d'un système qui permettra au contraire d'assurer l'efficience et la célérité dans le traitement des dossiers et nous vous encourageons à l'accepter tel quel, sans aucun amendement.

M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, je serai extrêmement bref, compte tenu de tous les éléments qui ont été mis en avant. Contrairement à ma préopinante, j'ai trouvé les travaux assez agréables, je ne me suis pas particulièrement senti pris en otage. Mais il faut reconnaître en revanche que cette séance, pour un projet tout à fait technique, comme l'ont dit mes préopinants, est quand même extrêmement longue et coûteuse.

Le projet prévu par le département permettra de réaliser des économies notables entre autres sur les envois. Le groupe UDC félicite les rapporteurs pour l'excellence de leur travail, ainsi que l'administration. Nous regrettons l'amendement de M. Frey, cosigné par M. Baertschi, qui aurait pu retenir notre intérêt puisqu'il revient au taux de déduction des frais médicaux prévu au départ, seulement la tentation de présenter des taux améliorés ou plus favorables en commission nous a rendus relativement hostiles à la modification du texte final. Nous refuserons donc les amendements et voterons le texte proposé par le département.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je voudrais juste, en complément, mentionner un élément: effectivement, la démarche pouvait apparaître comme extrêmement technique. D'ailleurs, à certains moments on avait un peu de peine à suivre la proposition de changement de méthodologie suggérée par le département, mais la technique n'est jamais qu'un support des options politiques ! Fondamentalement, comme vient de le dire ma préopinante, nous devons préserver les principes fondamentaux et nous avons voulu, à travers ces amendements, nous assurer que les prestations destinées aux personnes qui en ont besoin soient véritablement garanties.

A un moment donné, ce ne sont pas ces éléments politiques qui nous ont conduits à une certaine confusion, c'est la difficulté à comprendre la technique et à voir les éléments d'efficience que ce projet allait amener. Restons quand même attentifs au fait que ce que nous voulons c'est que les bénéficiaires puissent réellement avoir les prestations dont ils ont besoin...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...et rappelons-nous que la technique n'est jamais qu'un moyen et non une finalité en soi.

M. Christian Frey (S). Beaucoup de choses ont déjà été dites. Ce que j'aimerais ajouter au nom du groupe socialiste, c'est que nous ne diabolisons en aucune manière ce projet de loi: il est globalement positif, il clarifie dans une large mesure les critères d'attribution des prestations sociales et surtout il précise l'ordre dans lequel elles peuvent être attribuées, ce qui est certainement un avantage. Cette classification va faciliter le travail des six services de l'administration cantonale qui agissent souvent indépendamment - en tout cas pour le moment - les uns des autres.

Mais, Mesdames et Messieurs, là où nous ne sommes absolument pas d'accord avec le rapporteur de majorité - cela a déjà été dit, mais je le répète encore une fois - c'est qu'il ne s'agit pas d'opposer un outil technocratique de transmission des données administratives et par ailleurs l'administration de prestations sociales. Il serait parfaitement incompréhensible pour nous qu'on élabore une loi ici et qu'on ne réfléchisse pas à la manière dont cette loi va déployer ses effets sur les bénéficiaires. Il me semble tout simplement absurde de procéder de cette manière.

Deux problèmes se posent et ont déjà été mentionnés... (Une sonnerie de téléphone retentit.) «Gaston, y a le téléphon qui son !» Excusez-moi, je continue. Deux problèmes sont mentionnés et sont à la base des deux amendements principaux du rapport de minorité. Le premier est que ce système ne doit pas devenir un système de blocage, or le risque existe. Le département nous a dit très clairement que la règle est de respecter la hiérarchie des prestations quelles que soient les conséquences. Quelles sont les conséquences ? C'est qu'on peut avoir, en attendant par exemple des prestations du SCARPA, des attentes très longues par rapport à d'autres services. Si cette réglementation vise à dire qu'on ne peut pas prétendre à des prestations prévues ultérieurement dans la hiérarchie, il y aura nécessairement des blocages.

A cela, on nous répond que l'Hospice général est là pour les situations d'urgence. L'Hospice général, la bonne à tout faire, en quelque sorte, dans ce sens-là ! Mais avoir recours à l'Hospice général signifie devoir ouvrir un dossier d'assistance, ce qui est très humiliant pour certaines personnes et incompréhensible, quand on ne fait qu'attendre d'obtenir une prestation à laquelle très probablement on va avoir droit. C'est le premier problème et cela signifie un recul par rapport à la situation existante.

Le deuxième problème concerne cette question des frais médicaux. Il n'est pas nécessaire de répéter encore une fois que la prise en compte des frais médicaux existait jusqu'à présent. Si l'objectif - d'après ce que j'ai cru comprendre à la commission des affaires sociales - n'est pas de détériorer et de donner moins, mais de donner au moins ce qui se faisait jusqu'à présent, il faut absolument maintenir la prise en compte des frais médicaux. Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, le groupe socialiste soutient l'amendement du rapport de minorité proposant les 0,5%, je ne reviens pas là-dessus.

Enfin, nous sommes également favorables au troisième amendement qui concerne davantage la forme que le fond. Effectivement, il n'y a pas de raison de différencier l'aide sociale octroyée à des bénéficiaires AVS-AI de celle qui est octroyée à d'autres personnes.

Mesdames et Messieurs, pour conclure cette intervention, je dirai: ce projet de loi est utile, il est nécessaire et intéressant, il amène un peu plus, mais avec les trois amendements, surtout les deux premiers, qui vous sont proposés par le rapport de minorité et que je vous demande de bien vouloir accepter. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais passer la parole à Mme la députée Jocelyne Haller, à qui il ne reste pas beaucoup de temps. Je pense que vous prenez sur le temps imparti à votre groupe ?

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Puisque j'ai du temps, je vais en profiter pour faire une véritable digression. Je voudrais simplement réagir à ce qui a été affirmé tout à l'heure par quelqu'un qui est présent dans cette salle, à savoir que finalement la lutte contre la pauvreté consisterait en l'anéantissement du Grand Genève. Je ne partage pas ce point de vue et je pense qu'il est erroné. Pour avoir travaillé trente-trois ans à l'aide sociale, je peux vous assurer que la pauvreté existait avant que le MCG ne cloue les frontaliers au pilori. Quant à l'Hospice général, il existe depuis 1535 et on peut dire là encore que la pauvreté existait à cette époque. Ne nous trompons donc pas d'adversaire !

En ce qui concerne l'amendement relatif à la prise en compte des frais médicaux, il s'agit bien des 55 000 personnes dont les frais médicaux ne sont pas d'ores et déjà pris en charge par le SPC ou par l'Hospice général, par le biais de l'aide sociale. Si on se réfère à l'exemple qui nous a été fourni par le département d'un groupe familial disposant d'un revenu imposable de 60 000 F, il faut savoir que 5% représentent 3000 F. En mensualisant ce montant, on obtient un seuil de 250 F par mois. Dans cette marge-là, on entre ou on sort de l'accès aux prestations sociales. Quand on parle de prestations sociales, il ne s'agit pas de l'aide sociale, il s'agit de toutes les autres prestations: allocations au logement, subsides pour l'assurance-maladie, avances sur les pensions alimentaires et autres.

Il faut que vous soyez conscients qu'en refusant l'amendement qui vous est proposé de 0,5% qui, lui, définit un seuil dérisoire de 25 F par mois, en optant pour la solution soit des 5% soit d'aucune prise en compte des frais médicaux, finalement vous empêchez un certain nombre de personnes à revenu extrêmement modeste de bénéficier de prestations sociales.

Enfin, en ce qui concerne la hiérarchisation des prestations, nous l'avons dit, nous sommes d'accord avec ce principe. Nous ne voulons simplement pas nous payer de mots. Si cette hiérarchisation peut fonctionner, qu'on nous explique comment fonctionnera le système dérogatoire, parce que la question a été posée à plusieurs reprises. A aucun moment on n'a été en mesure de nous assurer que ces situations... Et elles sont nombreuses, puisque le fonctionnement des services implique de longs délais de traitement, mais c'est un détournement, c'est une distorsion ! A aucun moment on n'a pu nous garantir que ces situations ne seraient pas renvoyées à l'Hospice général. Au contraire, c'est ce qui est apparu à certains moments.

Alors que demandons-nous ? Nous demandons que les services, d'une part, procèdent à des avances sur leurs propres prestations, mais surtout que ce faisant ils se rendent compte de la nécessité d'améliorer la célérité de leurs prestations. Il s'agit d'améliorer leurs services pour que leurs prestations soient rendues dans des délais convenables et non qu'il soit nécessaire d'attendre deux mois, alors que tous les documents nécessaires ont été fournis. C'est bien cela le coeur du problème.

Il ne s'agit pas de dire que nous ne voulons pas du RDU, nous voulons d'un vrai RDU qui fonctionne ! Si vous voulez que celui-ci fonctionne, acceptez les amendements qui vous sont proposés et surtout faites un choix politique ! Il ne s'agit pas d'un choix technique. En faisant le choix politique de prendre en compte les frais médicaux, vous permettrez à des personnes en difficulté d'accéder à des prestations sociales.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole au rapporteur de deuxième minorité, M. François Baertschi, à qui il reste une minute.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je vais essayer d'être très rapide. Je pense qu'on ne peut pas faire l'économie d'un débat sur un sujet aussi important que celui-là. On parle de vies de personnes, il faut en tenir compte. Il y a des êtres humains derrière ce débat. Cela est important.

Pour répondre rapidement à M. Saudan: le département n'a pas du tout été effrayé ou mis en difficulté ! Il nous a spontanément et de manière tout à fait rationnelle proposé quelque chose. Je n'ai donc pas senti cela, mais peu importe.

Par ailleurs, des choix politiques vont être faits ce soir. Le premier choix sera d'accepter ou de refuser le RDU, son principe. Ensuite, il s'agira de voir si on veut finaliser le projet de loi avec un niveau d'ambition important ou un niveau d'ambition plus faible.

Nous aurions été tentés de suivre Mme Haller avec la générosité de son projet. Le seul problème est que, si on veut vraiment appliquer sa mesure en faisant en sorte que, par exemple, on ne paie pas des frais de santé excessifs, il faut faire un contrôle qui malheureusement a un coût. On aurait pu développer ce coût même s'il est limité, on pourrait le faire, mais on a fait le choix de se dire qu'il fallait quand même essayer de réduire la bureaucratie. Le choix entre diverses options est parfois cornélien, comme l'autre amendement relatif au blocage de la hiérarchie des prestations. Je comprends qu'actuellement cela dysfonctionne, mais il faut faire le pari que cela fonctionne !

C'est le pari que nous avons fait. Le département s'est engagé à utiliser des clauses dérogatoires, des termes figurant dans la loi comme le «en principe» qui sont des éléments importants. Ce sont des garanties qui ont été obtenues par ce travail, que certains peuvent juger peut-être trop long, mais qui va quand même finalement apporter quelque chose, et je félicite Mme Haller pour son travail, même si nous ne sommes pas toujours d'accord.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. François Baertschi. Je félicite également le rapporteur de majorité, car je pense que par ce débat... Bien sûr, nous avons des intérêts parfois différents, des visions du monde différentes, mais à mon avis nous devons chercher le bien de notre république et je crois qu'il faut qu'on y arrive...

Le président. C'est terminé, Monsieur !

M. François Baertschi. ...en aidant les plus faibles.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier le rapporteur de majorité, mais aussi en grande partie le rapporteur de deuxième minorité pour le soutien qu'ils apportent au projet de loi qui vous est proposé. Mes remerciements vont également à l'endroit de Mme le rapporteur de première minorité qui, grâce à ses arguments, enrichit le débat que nous devons avoir au sein d'un parlement au sujet d'une loi importante. Elle est importante aux yeux du Conseil d'Etat et de mon département, parce qu'elle constituera, si vous l'approuvez - et je n'en doute pas un instant - un instrument de rationalisation et de simplification pour les assurés et les personnes en difficulté qui doivent pouvoir faire valoir leurs droits aux prestations sans avoir besoin de récolter à plusieurs reprises systématiquement les mêmes documents.

Aujourd'hui, les personnes qui sollicitent plusieurs prestations sociales dans un ordre hiérarchique prévu par la loi doivent produire à plusieurs reprises les mêmes documents auprès d'administrations différentes, ce qui prolonge les délais de manière inadmissible et par là même évidemment la souffrance des personnes qui sont dans l'attente desdites prestations. Je m'étonne d'ailleurs qu'une personne du côté des Verts ait dit que ce projet de loi pourrait avoir pour conséquence de retarder les prestations, alors que c'est précisément le contraire que nous voulons: c'est donner à l'administration un moyen pour aller beaucoup plus vite, de manière plus efficace, pour respecter aussi l'égalité de traitement, car malheureusement, lorsque des personnes doivent récolter à plusieurs reprises les mêmes documents, certains se perdent et des personnes qui auraient droit à des prestations finalement, pour n'être pas en mesure de récolter les documents nécessaires, se voient refuser lesdites prestations.

Il s'agit donc d'un projet de loi auquel nous tenons absolument et qui n'est pas un projet de loi de fond - cela a été dit à juste titre. Il y a des points que nous allons discuter à propos d'amendements, mais c'est une loi qui propose une base de données grâce à laquelle les prestations, telles qu'elles sont définies dans nos législations, pourront être appliquées. Ainsi, aucune révolution ne vous est présentée ici. Je rappelle que l'entrée en matière a été acceptée à l'unanimité par la commission des affaires sociales, consciente qu'il s'agissait véritablement d'un sujet important pour les personnes en attente de prestations sociales diverses.

Deux volets font l'objet des amendements qui vous sont soumis: le premier concerne la prise en compte des frais médicaux, nous en avons parlé longuement. Je rappelle aujourd'hui que l'article 5, lettre g de la loi sur le revenu déterminant prévoit que sont déduits du RDU les frais médicaux à charge «lorsque leur montant est exceptionnellement et/ou particulièrement élevé». Vous apprécierez toute la finesse de ces notions qu'on appelle des notions juridiques indéterminées, posant des problèmes pratiques tellement grands qu'elles en deviennent inapplicables. Alors, certes, Madame le rapporteur de première minorité, vous avez raison: actuellement, les frais médicaux sont déductibles, mais dans les faits, ils ne le sont tout simplement pas, compte tenu de la difficulté pratique de cette mise en place.

Aujourd'hui, il s'agit simplement de donner à l'administration un moyen d'être efficace. Pourquoi ? D'abord, parce que lorsqu'il s'agit d'actualiser un RDU, on doit faire une projection de ce que seront les frais médicaux pour l'année en cours. Qui d'entre nous sait quels seront les frais médicaux que nous aurons à supporter ? Nous espérons tous être en bonne santé, et si nous ne le sommes pas, nous ne savons pas exactement quelle part sera supportée par notre assurance-maladie et quelle part sera finalement à notre charge et donc déductible dans le RDU. C'est la première difficulté, parce qu'il s'agit précisément de frais médicaux futurs.

Ensuite, il s'agit d'effectuer une anticipation, puisque comme je viens de le dire, ce sont des frais futurs qui, en principe, sont pris en charge pour la grande partie des bénéficiaires des prestations par le service des prestations complémentaires - le SPC - ou par l'aide sociale. Nous sommes donc en train de créer une usine à gaz avec des déductions de frais médicaux, avec des factures qui circulent, sont scannées, déduites, anticipées, pour finalement prendre en compte des factures qui ne sont même pas à charge de la personne bénéficiaire des prestations, puisque le canton de Genève les prend en charge par l'intermédiaire des prestations complémentaires ou de l'aide sociale.

Je rappelle que les frais liés à un handicap, lorsqu'ils sont récurrents et qu'ils représentent des montants importants, sont déduits actuellement du RDU. Il n'y a donc pas à craindre que les personnes qui supportent des frais particulièrement lourds soient pénalisées par ce système.

Il y a deux amendements sur lesquels je reviendrai tout à l'heure brièvement, l'un présenté par le rapporteur de première minorité, l'autre par le rapporteur de deuxième minorité, qui - vous l'avez dit, Monsieur le rapporteur de majorité - a été proposé en désespoir de cause par le département en arguant que si véritablement on voulait déduire les frais médicaux, il fallait une solution qui soit au moins un peu praticable - mais évidemment ce n'est pas un idéal.

En ce qui concerne la proposition du rapporteur de première minorité - j'y reviendrai - elle est véritablement impraticable, parce que si j'ai parlé tout à l'heure de notions juridiques indéterminées, là il s'agit d'une forêt de dispositions juridiques indéterminées et je ne vois pas comment l'administration cantonale pourrait s'en sortir.

Concernant la hiérarchie des prestations, elle est imposée, c'est-à-dire qu'on n'a pas le droit à certaines prestations sociales si on n'a pas déjà fait valoir ses droits pour d'autres prestations sociales en amont, selon une logique que personne ne met en doute. Le système actuel prévoit que si l'on n'a pas sollicité la prestation précédente, on ne peut pas solliciter la suivante. Aujourd'hui, on a indiqué «en principe» dans ce projet de loi et c'est un choix politique, Madame Haller ! Nous sommes allés dans votre sens en ajoutant «en principe», parce qu'il est vrai que cela relève d'un formalisme excessif d'exiger de quelqu'un qu'il sollicite une prestation dont on sait d'avance qu'il ne l'obtiendra pas, et on peut donc effectivement passer à la suivante.

C'est pour cela - et j'espère que vous me croirez sur parole - que nous avons d'ores et déjà mis en place un règlement d'application de la LRDU qui, à son article 7, donne la signification de ce terme «en principe», une notion qui doit être précisée dans un règlement d'application. Je vous le lis, parce qu'il est important: ce terme s'appliquera «lorsqu'il existe une situation d'urgence». C'est bien ce qui vous inquiète: que dans les situations d'urgence, on ne bute pas sur une prestation et qu'on attende une réponse que l'on sait d'avance négative pour pouvoir passer à la suivante. «Lorsque la prestation est attribuée en vertu des dispositions de la loi spéciale, indépendamment d'une décision sur la ou les prestations en amont dans la hiérarchie ou alors lorsque l'octroi de la prestation en amont découle automatiquement de la prestation accordée»: si on a celle d'en dessous, on aura automatiquement celle du dessus; «lorsque la prestation en amont ne peut être légalement cumulée avec la prestation demandée» - vous voyez, il y a de la logique dans ce qui vous est présenté; «lorsque la décision sur la prestation en amont n'a pas d'impact sur la prestation demandée, lorsque le demandeur de la prestation ne peut, de toute évidence, bénéficier de la prestation en amont en vertu des dispositions de la loi spéciale, et enfin lorsque la prestation en amont a fait l'objet d'une décision de refus entrée en force dans l'année précédant le dépôt de la demande.»

Je pense qu'il est difficile d'être plus exhaustif pour englober l'ensemble des situations qui pourraient injustement pénaliser un bénéficiaire, par conséquent faites confiance au département et au Conseil d'Etat pour que ce terme «en principe» ne soit pas un vain mot et qu'il soit véritablement appliqué dans l'intérêt de celles et ceux pour qui ce projet de loi vous est présenté.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous arrivons au terme du premier débat. Nous procédons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11326 est adopté en premier débat par 96 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 (nouvelle teneur avec modification de la note) à 4, phrase introductive et lettres c, f et h (nouvelle teneur), lettres l et p (abrogées).

Le président. Monsieur Aellen, vous avez demandé la parole ?

M. Cyril Aellen. Non, pardon, c'est une erreur.

Le président. Ce n'est pas grave. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 5, alinéa 1, que vous trouvez à la fin du rapport de minorité à la page 275 et dont voici la teneur:

«Article 5, alinéa 1, lettre h (nouvelle lettre)

h) les frais médicaux et dentaires à charge, pour la part qui dépasse 0,5% du revenu net déterminé par l'administration fiscale cantonale. En cas de charge imminente, particulièrement onéreuse, il peut en être tenu compte jusqu'à concurrence du coût de soins appropriés.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 30 oui.

Le président. Nous sommes saisis d'un deuxième amendement présenté par MM. Frey et Baertschi, que vous avez trouvé sur vos tables et qui a la teneur suivante:

«Article 5, alinéa 1, lettre h (nouvelle)

h) les frais médicaux et dentaires à charge, pour la part qui dépasse 5% du revenu net déterminé par l'administration fiscale cantonale.»

Monsieur Frey, vous avez la parole.

M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. Nous avons proposé, M. Baertschi et moi, ce deuxième amendement, parce qu'il nous semble tout simplement qu'il n'est pas possible de revenir en arrière sur une chose qui existait jusqu'à présent. Dans la discussion à la commission des affaires sociales, en aparté - vous savez que c'est toujours en aparté que les discussions sont les plus intéressantes - des députés PLR, des députés du MCG - et je ne sais pas s'il y avait des députés de l'UDC - ont dit qu'ils n'étaient pas contre la prise en compte des frais médicaux. En référence à ces discussions informelles, je vous demande de bien vouloir accepter cet amendement qui n'est pas compliqué, comme l'a précisé M. Poggia. C'est le département lui-même qui nous l'a proposé, et nous le reprenons pour donner une chance à ce projet de loi qui, encore une fois, est bon et mérite d'être reconnu comme tel, mais ne peut en aucun cas représenter un pas en arrière par rapport à la situation actuelle. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai oublié de vous dire que pour le deuxième débat, le temps de parole est de trois minutes par groupe. Monsieur Saudan, souhaitez-vous intervenir maintenant ou en dernier ? (Remarque.) En premier, comme rapporteur de majorité ? (Remarque.) Je vous passe la parole, Monsieur le député.

M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Puisque nous entrons dans le coeur du débat concernant les frais médicaux, je ne vais pas répéter ce qu'a dit le conseiller d'Etat M. Poggia sur la complexité administrative à les prendre en charge, parce qu'il y a une volatilité des frais médicaux, qui changent d'année en année, or ce RDU doit être actualisé et cela est extrêmement difficile pour les usagers de le faire, puisqu'il doit de plus être mis en comparaison avec le RDU estimé par l'administration fiscale cantonale.

Un autre élément qui m'a frappé, c'est qu'à Genève on a l'habitude d'être intelligent tout seul, or le gouvernement a quand même pris la précaution de consulter d'autres cantons qui sont aussi généreux socialement, comme les cantons de Neuchâtel, de Bâle et de Vaud. Aucun de ces cantons ne déduit les frais médicaux dans le calcul d'un revenu déterminant unifié - ils ont un peu le même principe que nous. Pourquoi ? Parce que cela est terriblement complexe, pour les raisons qui ont été précédemment évoquées par M. Poggia.

Je vous encourage donc à ne pas entrer en matière sur cet amendement concernant la prise en compte des frais médicaux et à conserver la version votée en commission. Il faut savoir que oui, on peut revenir en arrière sur ce que vous appelez un droit acquis, pour une raison très simple: c'est que depuis 2007, date de l'entrée en vigueur de cette loi, aucun usager ne s'en est prévalu ! Cela montre bien qu'il s'agit d'un article totalement obsolète. C'est la raison pour laquelle je vous encourage à ne pas entrer en matière sur cet amendement.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Je vais simplement revenir sur la dernière déclaration de M. Saudan disant que personne ne s'est prévalu de cette disposition à ce jour. Je rappelle une fois encore que le RDU ne s'appliquait jusqu'à présent qu'à l'octroi du subside SAM et des prestations tarifaires. On parle d'autre chose, aujourd'hui. J'aimerais qu'il s'en souvienne.

Concernant le fait de dire qu'il est compliqué de tenir compte des frais importants auxquels peuvent être confrontés une famille ou un individu, j'aimerais juste préciser que l'office des poursuites, lui, lorsqu'il détermine le minimum insaisissable, en tient compte ! On serait donc moins intelligent pour le RDU que ce que l'office des poursuites peut faire ? Attendez, on se trompe, là !

De quoi s'agit-il finalement lorsqu'il y a des frais importants ? J'aimerais le faire remarquer, il s'agit souvent de personnes qui présentent des affections chroniques et malheureusement pour elles, ces frais ont tendance à se répéter. Il n'y aurait donc aucun problème pour les identifier. En ce qui concerne les autres frais, on peut imaginer des frais dentaires ou des dépenses de ce type-là. On pourrait admettre de les prendre en compte sur la base de devis, ce qui se fait dans certains dispositifs. Pourquoi n'arriverait-on pas à faire pour le RDU ce qu'on fait pour d'autres ?

Il s'agit simplement de permettre à un certain nombre de gens en difficulté, qui ont des revenus extrêmement modestes, de pouvoir bénéficier de prestations sociales. En refusant l'amendement que je vous propose, vous excluez ces personnes, c'est bien cela que vous devez admettre. Vous l'avez déjà refusé, mais finalement c'est cette responsabilité-là que vous devrez assumer ! Acceptez l'amendement à 5% aujourd'hui - il est proposé et visiblement il semble recueillir un certain écho. Rappelez-vous, il s'agit d'un seuil de 250 F que vous êtes en train d'ajouter à l'accès aux prestations. En ce qui nous concerne, nous nous abstiendrons sur cet objet, parce que nous ne sommes pas d'accord de rendre beaucoup plus difficile l'accès aux prestations à des gens qui en ont un éminent besoin.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je crois qu'il ne faut pas peindre le diable sur la muraille concernant cet amendement. Au contraire, il n'a rien de bureaucratique. Il s'agit d'un signe d'équité, d'un signe symbolique pour faire en sorte que la loi actuelle ne devienne pas plus dure envers les plus pauvres, qui ne méritent pas de ricanements, comme je l'ai entendu dans la salle, parce que je crois qu'on doit tous avoir du respect et je sais que vous l'avez. (Remarque.) Non, Monsieur Saudan, je sais que vous êtes quelqu'un de respectueux, mais je crois qu'il faut penser... (Commentaires.) ...aux gens qui sont dans la difficulté, et c'est pourquoi je vous demande de soutenir cet amendement modéré, pratique à établir et qui, à mon avis, donnera la touche qui manque à ce RDU.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, pour répondre à M. le rapporteur de deuxième minorité, qui vous propose cet amendement, je vous dirai que la loi n'est pas rendue plus dure pour les plus pauvres. Les plus pauvres ne paient pas leurs primes d'assurance-maladie, parce qu'on les paie pour eux et cela est juste qu'on le fasse. Les plus pauvres ne paient pas la part de frais médicaux qui est à leur charge, parce que c'est l'Etat qui la prend en charge et cela est juste qu'il le fasse.

L'amendement que vous présentez, proposant de prendre en considération les frais médicaux et dentaires pour la part qui dépasse 5% du revenu net déterminé par l'administration fiscale cantonale, est compréhensible intellectuellement, bien sûr. Mais imaginez la difficulté pour l'administration de demander tous les documents médicaux pour les comparer au revenu d'aide déterminant afin de voir ce qui dépasse le 5% du revenu net déterminant ! Et tout cela pour ceux qui ne sont pas les plus pauvres de notre république, faut-il le rappeler ? Alors que, nous le savons, toutes les personnes au bénéfice de prestations complémentaires ou à l'aide sociale voient leurs frais médicaux intégralement pris en charge.

Tout cela est donc une usine à gaz pour pas grand-chose, pour un symbole - il est vrai que parfois, il faut se battre pour des symboles, mais ici je considère qu'il s'agit d'un mauvais combat et je pense que nous pouvons parfaitement vivre avec la modification qui vous est proposée, étant précisé que nous passons d'une disposition qui indiquait: «lorsque leur montant est exceptionnellement et/ou particulièrement élevé» à ce que nous vous proposons aujourd'hui. Alors, jugez de ce qui est préférable.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix l'amendement de MM. Frey et Baertschi, dont je rappelle la teneur:

«Article 5, alinéa 1, lettre h (nouvelle)

h) les frais médicaux et dentaires à charge, pour la part qui dépasse 5% du revenu net déterminé par l'administration fiscale cantonale.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 45 oui contre 44 non et 7 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mis aux voix, l'article 5, alinéa 1, phrase introductive et lettres a, d et g (nouvelle teneur), lettre h (nouvelle), alinéa 2 (nouveau), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 6, phrase introductive (nouvelle teneur), est adopté, de même que les articles 7, phrase introductive (nouvelle teneur), à 10 (nouvelle teneur avec modification de la note).

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 11, alinéa 4, déposé par Mme Haller, que vous trouvez à la fin de son rapport de minorité et qui a la teneur suivante:

«Article 11, alinéa 4 (nouveau)

4 Lorsque le droit est hautement vraisemblable, une décision à titre provisoire est rendue dans les meilleurs délais. Le service concerné veille ainsi à ne pas entraver le processus de hiérarchisation et permettre l'accès à la prestation suivante.»

Madame Haller, souhaitez-vous prendre la parole ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas. Nous procédons donc au vote sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 32 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'article 11, alinéa 2 (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 12, lettre c (nouvelle teneur).

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 13, alinéa 1, lettre b, chiffre 8, présenté par Mme Haller et se trouvant à la dernière page du rapport; il consiste à biffer le chiffre 8 de cette lettre b. Monsieur Saudan, vous avez la parole.

M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, il s'agit d'un amendement qui peut paraître purement technique, mais qui impliquerait un dédoublement des dossiers administratifs puisque, actuellement, il faut savoir que les prestations sociales sont décernées par le service des prestations complémentaires, conformément à l'article 3 de la LIASI; et si nous acceptons l'amendement de Mme Haller... (Un martinet entre dans la salle. Exclamations. Commentaires.)

Une voix. Stauffer, sors de ce corps ! (Commentaires. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! On suspend la séance et on éteint la lumière pendant deux minutes. Ouvrez les fenêtres, s'il vous plaît ! Il faudrait éteindre la lumière à la tribune. (Brouhaha. Exclamations.)

Mme Christina Meissner. Laissez, il va tomber de lui-même. (Commentaires. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! (Un policier attrape l'oiseau. Exclamations. Applaudissements.)

Une voix. Un poulet s'en occupe !

Une autre voix. Bravo !

Mme Christina Meissner. Monsieur, est-ce que vous pouvez descendre de la tribune et le lancer par la fenêtre ? (Rires. Exclamations. Commentaires. Le policier relâche l'oiseau dehors.) Vous voterez l'urgence pour ma motion ! (Rires. Commentaires.)

Le président. Voilà, merci. On peut rallumer les lumières, s'il vous plaît ? Merci. (Applaudissements. Brouhaha.) Je prie les personnes à la tribune de bien vouloir s'asseoir, s'il vous plaît. (L'oiseau entre à nouveau dans la salle. Exclamations. Rires. Le président agite la cloche. Rires. Commentaires.)

Une voix. Où est le policier ?

Une autre voix. Attrape-le, attrape-le !

Une autre voix. Non, Cyril, ne saute pas ! (Brouhaha.)

Des voix. Fermez les fenêtres !

D'autres voix. Saute avec, Eric ! (Brouhaha.)

Une voix. Stauffer nous sauve la vie !

Mme Christina Meissner. Fermez les fenêtres, s'il vous plaît ! (Commentaires.)

Une voix. Merci, Eric ! (Applaudissements. Brouhaha.)

Une autre voix. Il y aura un article dans «Le Matin»: «Eric Stauffer sauve le parlement !» (Exclamations. Le président agite la cloche.)

Une autre voix. Non, laissez les fenêtres ouvertes ! (Le président agite la cloche.) De l'air !

Le président. Voilà, nous pouvons reprendre nos débats tranquillement. (Brouhaha.) Merci pour votre travail, Monsieur le policier. Merci pour les oiseaux, Monsieur Stauffer. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Monsieur Saudan, vous pouvez poursuivre, si vous savez encore où vous en étiez ! (Rires.)

M. Patrick Saudan. Oui, je serai très bref. Merci, Monsieur le président. Je me permets de me répéter. Le service des prestations complémentaires a pour charge de verser les prestations d'aide sociale aux rentiers AVS/AI en vertu de l'article 3, alinéa 2 de la LIASI et nous pensons qu'il faut garder un unique interlocuteur administratif: c'est pour cela que je vous propose de refuser l'amendement proposé par Mme Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Il ne s'agit pas d'interlocuteur administratif. Il s'agit de savoir quelle est la loi qui s'applique: en l'occurrence, c'est la LIASI dans les deux cas de figure. Simplement, une scission des charges entre l'Hospice général et le SPC a eu lieu.

Nous sommes actuellement en train d'étudier, à la commission des affaires sociales, un projet de loi qui pourrait le cas échéant nous conduire à ramener dans le giron de l'Hospice général les situations qui relèvent véritablement de ses compétences et donc, si on se réfère à ce qui a été dit par les acteurs de terrain, la scission actuelle n'est pas opportune. Il s'agit donc simplement d'un toilettage légistique qui ne vous engage à rien, mais qui pourrait, le cas échéant, être utile. C'est pourquoi je vous invite à voter cet amendement.

Le président. Merci, Madame la députée. Je mets aux voix l'amendement déposé par Mme Haller consistant à biffer le chiffre 8 de l'article 13, alinéa 1, lettre b.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 31 oui.

Mis aux voix, l'article 13 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les articles 13A (nouveau) à 17, alinéa 2 (nouveau).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).

Troisième débat

La loi 11326 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11326 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui contre 8 non et 20 abstentions.

Loi 11326

M 2212
Proposition de motion de Mmes et MM. Roger Deneys, Alberto Velasco, Christian Dandrès, Caroline Marti, Lydia Schneider Hausser, Thomas Wenger, Isabelle Brunier, Romain de Sainte Marie, Christian Frey, Christina Meissner, Irène Buche, Jean-Charles Rielle, Marc Falquet : Création d'une commission d'enquête parlementaire afin d'établir toutes les responsabilités dans le cadre de la tragédie vécue par Adeline M. et ses proches
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.

Débat

Le président. Pour le prochain point de notre ordre du jour, la M 2212, le débat a lieu en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Roger Deneys, pour trois minutes.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la question qui se pose avec cette proposition de motion est de savoir quelle réponse citoyenne nous donnons, comme élus du peuple, suite à un drame tel que celui qu'a connu Adeline. Quelle réponse citoyenne donnons-nous à sa famille, à ses proches, aux collaboratrices et collaborateurs de l'Etat, à ses collègues et finalement à l'ensemble de la population genevoise quand un tel crime est commis ?

Mesdames et Messieurs les députés, les réponses ont été fournies aujourd'hui par deux rapports d'experts, réponses techniques, voire peut-être technocratiques, mais qui ne sont certainement pas des réponses citoyennes. (Brouhaha.) De plus, Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, le fait que ces rapports divergent en partie dans leurs appréciations des responsabilités, et le fait que la famille, les proches et les collègues d'Adeline aient relevé des lacunes dans ces rapports suscitent notre interrogation.

Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut rappeler l'article 230E de la loi portant règlement du Grand Conseil qui dit que le Grand Conseil peut nommer une commission d'enquête parlementaire «si des faits d'une gravité particulière survenus au sein des autorités cantonales, d'un établissement ou d'une corporation de droit public cantonal ou de leurs administrations le justifient». C'est donc l'article 230E de notre loi portant règlement du Grand Conseil qui précise que nous pouvons constituer une commission d'enquête parlementaire.

Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, après mûre réflexion, il s'avère clairement qu'une commission d'enquête parlementaire permet de donner une réponse appropriée à ces questions de façon citoyenne et non technocratique, afin d'évaluer les dysfonctionnements et les responsabilités éventuels et, bien entendu, elle permet de donner une réponse transversale concernant les problèmes liés aux HUG, au département de la santé, qui était le département de tutelle, mais aussi au département de la sécurité, puisqu'il s'agit aussi d'une problématique de sécurité publique.

Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont convaincus que nous devons ces réponses citoyennes à la famille, aux proches, aux collègues et simplement à l'ensemble de la population genevoise. Cela relève de notre responsabilité, cela est lié à notre serment de députés et je crois que nous devons aujourd'hui assumer nos responsabilités et éviter de chercher toujours à reporter les réponses, même si elles risquent de fâcher. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à soutenir cette proposition de motion y compris avec les éventuels amendements déposés par le MCG, même s'ils rendent moins précise la mission de cette motion. Nous vous proposons de l'accepter avec un vote nominal sur tous les votes liés à ce texte. (Brouhaha.)

Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, très bien. Je passe la parole à M. le député Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole pour annoncer que je ne prendrai part ni au débat, ni au vote, en tant qu'employé des HUG. La situation sera la même pour mon collègue Lionel Halpérin, puisque son père présidait le conseil d'administration des HUG à l'époque où ce drame malheureux est arrivé. (Applaudissements.)

Le président. Merci pour cette information, qui vous honore. Je passe la parole à M. le député Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en une année, trois demandes de commissions d'enquête parlementaire sont passées devant cette assemblée pour divers motifs: la gestion de la Cour des comptes, le retard des travaux du CEVA et les investissements des SIG.

Le sujet de ce soir, «citoyen» d'après M. Deneys, développé dans cette proposition de motion socialiste, n'a pas manqué de choquer notre groupe tant par son contenu populiste que par les mesures envisagées pour traiter un cas douloureux, qui mérite d'être analysé avec le plus profond respect, loin de l'attention médiatique et surtout de ce parlement.

A ce jour, quatre enquêtes sont en cours dont deux réalisées avec un rapport établissant les faits: un premier rapport Ziegler, demandé avec diligence par le Conseil d'Etat dans les vingt-quatre heures qui ont suivi ce drame, ainsi qu'un deuxième rapport Chappuis, demandé par le conseil d'administration des HUG et remis ces derniers jours. A ce jour, une enquête sur le SAPEM et surtout - ne l'oubliez pas - une enquête pénale sont en cours.

Quel est le but de cette commission d'enquête que vous demandez, socialistes et MCG ? Corriger une sanction disciplinaire ? Ce n'est pas le rôle du législatif. Etablir une justice populaire et répondre à l'appel des loups ? Nous n'entrerons pas dans cette manoeuvre. Les libéraux et les radicaux sont attachés à une valeur fondamentale, non négociable et garantissant l'indépendance de la justice: cela s'appelle la séparation des trois pouvoirs, socle de notre Etat démocratique et fédéral. C'est sur cette valeur que nous engageons nos idées et elle n'est donc pas négociable.

Le législatif, premier pouvoir, doit avoir la sagesse de se placer au-dessus de la tentation de l'appel du sang. C'est la raison pour laquelle nous refuserons cette commission d'enquête parlementaire et vous invitons à rallier cette position républicaine. (Applaudissements.)

Mme Sarah Klopmann (Ve). Les Verts refuseront également ce texte. D'abord, parce que ce n'est pas notre rôle d'enquêter sur les éléments ayant conduit à ce drame, ni de juger les sanctions qui doivent être prises. Les enquêtes administratives ont montré que des erreurs avaient été commises à tous les échelons de l'administration, notamment de par l'isolement subi par La Pâquerette, mais aussi par le non-respect des procédures et du contrôle interne. La responsabilité doit donc également être portée par le gouvernement politique.

Les enquêtes doivent être totalement indépendantes et une commission d'enquête parlementaire est tout sauf indépendante, puisque justement elle est composée de politiques. Le reste doit dépendre du pouvoir judiciaire: une enquête est en cours, comme cela a été rappelé par M. Hiltpold. Une autre enquête administrative est également en cours concernant le SAPEM.

L'autre raison pour laquelle nous refuserons ce texte est que nous ne souhaitons pas alimenter de polémique. Il y a eu un drame et cela est inacceptable. Par respect pour la victime et pour les victimes, nous devons agir avec dignité. Notre devoir maintenant est de tout mettre en oeuvre avec cohérence et avec réflexion pour qu'un tel malheur ne se reproduise jamais. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette commission d'enquête parlementaire n'amènera certainement pas grand-chose de plus que les enquêtes qui sont en cours et les décisions du gouvernement sur cette dramatique affaire. Le MCG s'est toujours refusé à faire de la politique sur un événement tragique, par respect pour les proches, et nous continuerons dans cette ligne. (Commentaires.)

Cependant, il est à noter que la motion du parti socialiste est politiquement correcte: si l'on veut une réponse citoyenne à un problème donné, une enquête administrative et une enquête pénale ne seront pas suffisantes sans l'enquête politique. A ce titre-là et au titre de la transparence que le MCG prône à longueur d'année, nous soutiendrons la création de cette commission d'enquête parlementaire. Les enquêtes en cours seront intégrées dans les travaux de cette commission d'enquête parlementaire. Je demande simplement à tous les députés de ne pas en rajouter compte tenu de la situation... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Vous voyez, j'essaie de vous expliquer et il y en a qui trouvent encore le malin plaisir de rigoler, dans les rangs du PDC et du PLR. Je trouve cela lamentable, Messieurs !

Le président. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Je vous demande de rester dans la plus stricte normalité des fonctions qui sont les nôtres pour apporter une réponse factuelle à la population sur cet événement dramatique.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai bref. Le PDC n'acceptera pas de voter cette commission d'enquête parlementaire. Je crois qu'il ne faut pas mélanger les rôles. Le nôtre, en tant que députés... Et je n'aime pas ce terme de «réponse citoyenne», parce que cela veut dire tout et n'importe quoi, et souvent cela correspond au lynchage médiatique. Quand on veut substituer un pouvoir par le peuple, cela fait toujours penser à certaines extrémités que je ne voudrai jamais voir à Genève.

Au sujet de ce problème, il faut se poser la question: que peuvent faire les députés dans cette affaire Adeline ? Ce n'est pas se substituer à la justice ni aux enquêtes en cours, c'est se poser la question: est-ce que les députés peuvent faire quelque chose au niveau, par exemple, du contrôle interne de l'Hôpital ? Est-ce que le contrôle interne de celui-ci a été fait correctement ? On peut déjà répondre à ces questions, nous disposons déjà des moyens pour le faire: je vous rappelle que nous avons une commission de gestion et, dans cette commission, il existe une sous-commission chargée du contrôle de l'Hôpital. Actuellement, elle ne travaille pas, mais on peut la réactiver si cela est nécessaire. Si les groupes politiques ont des questions précises et techniques à poser, elles peuvent être posées ! Il n'y a absolument pas besoin d'une commission d'enquête parlementaire !

Je rappelle que la commission d'enquête parlementaire est extrêmement stricte: elle doit répondre aux questions qui sont posées dans une motion. Elle ne peut pas s'écarter de ces questions. Elle demande énormément de temps, beaucoup d'engagement, pour des résultats qui, souvent, sont décevants: on l'a vu pour celle sur la Cour des comptes.

On peut déjà répondre aux questions que vous posez, mais ce sont des questions du premier pouvoir ! C'est-à-dire des questions concernant la gestion au niveau de l'Hôpital cantonal. C'est là qu'il y a eu un problème, c'est ce point qui a choqué les gens, parce qu'ils se demandent quel a été le contrôle de cet organisme appelé «La Pâquerette». Est-ce qu'il y a eu un contrôle de la part du responsable qu'est l'Hôpital cantonal ? On a un conseil d'administration à l'Hôpital cantonal. Ce conseil d'administration, qu'a-t-il fait ? S'est-il remis en question ? A-t-il pris une position ? A-t-il rempli son devoir de contrôle ? Je pose ces questions, mais nous pouvons y répondre avec la commission de contrôle de gestion, que nous pouvons mandater. Il n'est absolument pas besoin de créer une commission d'enquête parlementaire qui ne répondra pas à la question; on l'a vu avec l'affaire Marie dans le canton de Vaud, où la multiplication des enquêtes a conduit à des dérives très importantes qui ont nécessité à la fin la création d'une nouvelle commission d'enquête pour essayer de régler tout ce que les autres commissions d'enquête avaient fait.

On ne pourra pas répondre à l'interrogation de la famille d'Adeline par le biais d'une commission d'enquête parlementaire, ce ne sera pas possible. On va augmenter l'angoisse des gens, parce qu'on n'aura peut-être pas de réponses à leur donner à la fin.

Notre devoir - je le maintiens - est d'intervenir sur le fonctionnement au niveau de l'Hôpital cantonal, du contrôle interne et du contrôle de La Pâquerette, c'est notre devoir de député, cela entre dans nos prérogatives, rien de plus.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Vincent Maitre, à qui il reste une seconde. (Remarque. Commentaires.) Merci, Monsieur le député. Désolé. Je passe la parole à M. Thomas Bläsi.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, le point de rupture entre l'UDC et le MCG a conduit notre propre proposition de motion pour une commission d'enquête parlementaire à échouer, mais la paternité de ce type de demande nous importe finalement peu, puisque la motivation qui était la nôtre au départ était de répondre aux légitimes inquiétudes sur les réponses que nous avions apportées à la famille.

J'ai entendu parler de populisme, certains ont évoqué une démarche déplacée, mais j'aimerais quand même souligner le fait que les invites - qui finalement étaient les mêmes dans les deux demandes de commission d'enquête - sont finalement le simple résumé des questions posées par la pétition, cette pétition en cours qui a réuni sept cents signatures en quatre heures et risque d'en obtenir un nombre record. C'est à ces questions citoyennes que la commission d'enquête parlementaire aurait la vocation de répondre.

J'entends bien: vous dites que cette commission n'apportera rien, que ce sera très long, que cela coûtera trop cher, mais en termes de réponse citoyenne, est-ce que finalement il ne serait pas préférable que le parlement anticipe ces questions, qui de toute façon arriveront par le biais de cette pétition ? Cela aurait quand même de l'allure que nous décidions d'empoigner nous-mêmes ce problème et d'aller de l'avant pour avoir déjà fait une partie du travail lorsque cette pétition arrivera.

Je reviendrai sur ce sur quoi nous achoppons. L'UDC votera la proposition de motion socialiste, elle la votera évidemment intacte et sans amendement; nous vous expliquerons pourquoi au moment de la présentation de ceux-ci.

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, comme toujours, et dans ce débat en particulier, il faut se méfier des copies, l'original est toujours de meilleure qualité. Nous voici donc à devoir juger une proposition de commission d'enquête parlementaire présentée par les avatars de droite et une partie de la gauche de ce parlement. Et pourquoi ? Parce qu'il y a une expression à la mode ce soir: on parle tous ici d'une «démarche citoyenne». Cela est faux, Mesdames et Messieurs ! Remplacez, s'il vous plaît, le mot «citoyenne» par «populaire» et vous aurez une justice populaire ! Quelques souvenirs... Vous aurez des décisions et des condamnations populaires. Est-ce de cette manière-là que nos institutions doivent fonctionner ? Avez-vous lu les questions qui sont posées dans cette proposition de motion ? On pose des questions en indiquant déjà quels sont les coupables. C'est cela, la justice populaire...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Renaud Gautier. ...c'est quand on demande à une entité qui n'est pas directement concernée de bien vouloir publiquement déjuger quelqu'un et qu'on donne déjà ici la liste des coupables. Mesdames et Messieurs, jamais ce parlement ne devrait s'autoriser à tomber aussi bas que cela, à dénier les autorités, à dénier celles et ceux qui ont déjà effectué des rapports...

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.

M. Renaud Gautier. ...et à dénier des rapports qui doivent encore être faits. Très franchement, aujourd'hui, ce parlement se fait plus de mal qu'autre chose. (Applaudissements.)

M. Christian Zaugg (EAG). Chers collègues, je dois dire que cette proposition nous laisse un peu pantois. Elle met très mal à l'aise le groupe Ensemble à Gauche, en tout cas dans sa majorité. Nous avons le très net sentiment qu'on cherche à surfer sur la douleur, qu'on s'approprie des désespoirs. Je rappelle que deux rapports ont été présentés et qu'une sanction a été prononcée. Jusqu'où veut-on aller ? J'aimerais que chacun se pose la question, parce que les gestes et les votes peuvent avoir des conséquences extrêmement graves et non celles que vous attendez. Je pense qu'il convient de s'arrêter là. Les choses ont été faites, elles ont été dites. Arrêtons de désigner des boucs émissaires. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une commission d'enquête parlementaire n'est pas là pour désigner des coupables, sa mission est de relever les dysfonctionnements et d'apporter les correctifs législatifs nécessaires, parce que je vous rappelle - si d'aucuns l'avaient oublié ce soir - que les lois sont écrites et votées par ce parlement et qu'elles doivent être appliquées par le gouvernement. Remettons l'église au milieu du village ! Cette commission d'enquête parlementaire aura donc pour mission d'apporter ces correctifs législatifs.

Monsieur le président, vous transmettrez au député Buchs, qui se demande que fait le conseil d'administration des HUG: j'en fais partie depuis sept ans et je peux vous dire, Monsieur le député, qu'en tant que membre de ce conseil d'administration j'ai été très furieux d'apprendre par la presse l'histoire du blâme, parce que ni le nouveau conseiller d'Etat en charge du département, ni le conseil d'administration n'ont été consultés et n'ont pu discuter. Nous avons appris ce blâme par la presse et il a été décidé par le bureau du conseil d'administration présidé par le PLR Halpérin.

Il y a donc effectivement des questions qui se posent et il appartiendra à la commission d'enquête parlementaire d'y répondre de manière citoyenne et non populaire, parce que ces réponses, nous les devons à la population, dans la dignité...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. ...et dans le respect.

M. Thomas Bläsi (UDC). Je suis désolé, mais quand j'entends des propos tels que «surfer sur le désespoir», ce n'est pas possible ! On est en présence de citoyens qui sont dans une situation extrêmement difficile et qui en sont réduits, pour être entendus, à manifester et à présenter une pétition. C'est bien cela le problème: si le Conseil d'Etat était arrivé à une solution pour préserver nos institutions et éviter cette situation en trouvant un terrain d'entente avec la famille acceptable pour elle, on n'en serait pas là !

Mais en tant que citoyens, je pense que nous aurions tous pu être concernés par cette histoire. Je ne sais pas si vous avez vu le trajet qui a été effectué lors de cette sortie. (Remarque.) Je suis désolé, mais il y a un moment où il faut le dire ! Et je le regrette, je trouve inacceptable que vous puissiez estimer satisfaisant que des personnes dans cette situation se trouvent obligées de manifester pour être entendues. Ce n'est absolument pas acceptable, ce n'est pas surfer sur... (Remarque.) Bien sûr que c'est vrai ! Toutes ces manifestations ont été essentiellement engendrées...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Thomas Bläsi. ...par les réactions de la famille traduites dans la presse. C'est notre métier, nous sommes citoyens et notre travail est effectivement de porter, de représenter et de contrôler: en l'occurrence, cela entre pleinement dans la fonction.

M. Michel Ducommun (EAG). La gêne de mon groupe par rapport à cette demande de commission d'enquête parlementaire a déjà été exprimée. Elle provient essentiellement de deux éléments: une telle commission comporte un aspect quasi juridique, tel un tribunal qui va déclarer qui sont les coupables, quelles sont les responsabilités. Or, à mon avis, nous ne sommes pas des juristes compétents pour constituer un tribunal.

Mais ce qui m'inquiète encore davantage est l'autre aspect de la commission d'enquête parlementaire, qui consisterait à évaluer le choix qui a été fait en matière d'emprisonnement et de réinsertion de criminels dangereux passant de longues années en prison: sommes-nous qualifiés pour juger de la bonne technique à adopter pour ce genre de problème ? Parce que c'est de cela qu'il s'agit: quand on parle de pouvoir législatif, on semble dire qu'il a pour rôle de déterminer une vision de l'emprisonnement et de la manière de résoudre ce type de problème. Or, je ne pense pas que nous soyons les plus qualifiés pour ce faire. C'est dans ce sens-là que nous avons ces hésitations. Il est vrai que nous sommes dans une situation difficile et lourde, mais je ne suis pas sûr que nous soyons capables de répondre à ce type de question et, de ce point de vue là, une commission d'enquête parlementaire aboutirait dans un cul-de-sac, ce qui est peut-être à éviter.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Serge Hiltpold, le temps de parole du parti libéral-radical est épuisé. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia, puis nous voterons.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que dire face à une proposition comme celle qui vous est soumise, si ce n'est de vous exprimer la consternation du Conseil d'Etat de voir à quel point l'émotion légitime de la population face à un drame terrible est manipulée et utilisée à mauvais escient ?

Je voudrais croire évidemment que le mobile est noble et que l'on recherche une vérité que d'autres nous auraient cachée. Mais quelle vérité ? Votre vérité ? On le sait bien, il est plus facile de désigner les coupables que de les rechercher, et c'est précisément ce que l'on veut mettre en place ici. Il y a une pétition, on se rend compte que la population est émue, qu'elle est sensible au sujet et donc on emboîte le pas. On veut attirer la sympathie de la population en disant: «Nous, parlementaires, allons faire ce que d'autres ont été incapables de faire, parce que les autres sont corrompus ou en tout cas n'ont pas l'impartialité qui était de mise dans cette affaire.»

Vous voulez donner des réponses citoyennes. Qui donc voulez-vous pendre à la lanterne, aujourd'hui, Monsieur Deneys ? C'est cela que vous voulez ! Il ne suffit pas de mettre un blâme dans un plateau de la balance et dans l'autre un crime terrible pour dire que celui qui a été l'objet du blâme a bénéficié de complaisance. Qui d'entre vous, Mesdames et Messieurs, a lu intégralement le rapport de M. Bernard Ziegler ? Qui d'entre vous a lu intégralement le rapport de M. Benoît Chappuis ? Certainement pas les signataires de cette proposition de motion... (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. ...sinon, ils ne vous demanderaient pas de faire un rapport sur les erreurs ou les dysfonctionnements transversaux, puisque c'est précisément sur ce point que M. Ziegler s'est exprimé. Nous avons deux rapports, avec leurs erreurs et leurs imperfections, sans doute. Qui ne se trompe pas ? J'ai de la peine à voir quelles sont les erreurs, je trouve plutôt qu'il y a de la pondération à l'égard d'une affaire qui aurait pu pousser à tous les excès - certains d'entre vous en fournissez la démonstration ce soir. Au contraire, ces rapports sont mesurés et nous en attendons d'autres, puisque vous savez qu'il y a une enquête disciplinaire contre la directrice du SAPEM. Il y a aussi une procédure pénale qui est aux mains du procureur général. La justice est donc saisie de cette affaire.

J'entends l'un d'entre vous dire que cette commission d'enquête parlementaire n'apportera peut-être pas grand-chose: si on est à ce point convaincu de cela, pourquoi l'ordonner, si ce n'est pour se mettre en avant et pour se donner des compétences et des qualités que l'on n'a pas ? Je crois qu'il faut laisser à d'autres le soin de dire où sont survenus les dysfonctionnements qui, cumulés les uns aux autres, ont permis la réalisation d'un drame atroce. Est-ce pour cela qu'il y a des coupables uniques à désigner ? Car si nous avions pris une photographie de la situation un mois avant les faits, sans doute que beaucoup d'entre nous auraient trouvé que ce qui se faisait à La Pâquerette était remarquable - comme les autorités vaudoises qui prenaient en exemple cette institution. Et il y a eu le drame, un drame de trop, intolérable. Mais ce n'est pas pour cela que nous devons mettre en balance d'un côté ce drame et de l'autre les réussites de cette sociothérapie, car il y en a eu. Paradoxalement, ce sont précisément ceux qui vous proposent cette motion qui ont toujours été les fervents défenseurs de cette sociothérapie, considérant que beaucoup de ces personnes qui finissent sur le banc des accusés ne sont finalement que le produit d'une société incapable de les intégrer correctement.

Je vois d'ici l'avocat de l'assassin qui doit se réjouir de nos débats, en se disant qu'en Cour d'assises il va pouvoir déclarer: «Vous voyez, on a laissé mon client faire ce qu'il a fait grâce à tous ces dysfonctionnements. Mon client n'est qu'un fétu de paille sur l'océan de la société qui l'a poussé à commettre ce drame.» Non, Mesdames et Messieurs, il y a en tout cas un assassin, nous en sommes certains, il est là. La justice dira jusqu'à quel point sa culpabilité doit être retenue et quelle sanction doit être prononcée. D'autres ont une responsabilité morale et l'Etat de Genève et les HUG ont immédiatement reconnu, à l'égard des victimes, leur responsabilité et leur disposition à entrer en matière pour assumer celle-ci. Que cherchez-vous davantage aujourd'hui, si ce n'est de faire souffrir encore ceux qui sont incapables de faire ce deuil, parce que précisément on veut leur faire croire qu'on leur cache la vérité ? (Remarque.) La pétition viendra vers vous, oui, effectivement. Eh bien, vous en ferez ce que vous devez en faire; vous entendrez sans doute ce qui a été dit. C'est vrai que l'instruction de cette pétition a déjà commencé sur une grande chaîne locale, vous poursuivrez donc ce travail de fond qui a déjà été commencé par d'autres avant vous. (Commentaires.) Par contre, en ce qui concerne cette proposition de motion, je vous demande de la rejeter, par respect pour nos institutions, par respect pour les victimes et par respect pour la mémoire de cette femme qui est décédée en croyant, au plus profond d'elle-même, à la justesse de ce qu'elle faisait. (Longs applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement MCG qui consiste à supprimer les cinq dernières invites de la proposition de motion. Je mets aux voix cet amendement. (Commentaires.) Le temps de parole est épuisé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 38 oui et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je vous fais voter cette proposition de motion dans son ensemble.

Mise aux voix, la proposition de motion 2212 est rejetée par 48 non contre 45 oui (vote nominal). (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)

Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite une bonne nuit et vous donne rendez-vous demain à 15h. Bonne soirée !

La séance est levée à 22h55.