République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 5 juin 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 9e session - 53e séance
PL 11004-A
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 11004-A. Nous sommes en catégorie II - quarante minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi...
Le président. Attendez, votre micro ne fonctionne pas ! (Un instant s'écoule.) Voilà !
M. Bertrand Buchs. Je vous remercie. Ce projet de loi prévoit notamment la création d'une zone sportive réversible de 32 132 m2, d'une zone 4B protégée de 3500 m2 pour un toilettage des parcelles non bâties et d'une zone de verdure de 5000 m2... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Bertrand Buchs. Il faut bien voir que ce projet de loi concerne des zones qui se trouvent actuellement au centre de la commune de Perly-Certoux, à côté des terrains de football qui existent déjà, près de l'église et de l'école. La commune de Perly-Certoux désire créer une zone au centre de son village, parce qu'elle prévoit une augmentation... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
Une voix. Chut !
M. Bertrand Buchs. Merci beaucoup. La commune prévoit une densification de ses zones à bâtir, avec plus de bâtiments et plus de logements, mais en contrepartie elle désire avoir une zone de verdure au centre du village qui fasse la jonction entre Perly et Certoux, ce qui permettra aussi, au niveau urbanistique, un développement de ce village de façon cohérente. Il s'agit d'une demande de la commune, cela figure dans le plan communal de développement et cela a été voté à l'unanimité du Conseil municipal de la commune. La commission d'aménagement, après avoir entendu la commune de Perly-Certoux, a voté ce projet de loi à l'unanimité moins deux voix et vous demande donc d'accepter ce projet qui permettra à la commune de Perly-Certoux d'avoir un poumon de verdure en son centre.
Je précise en outre qu'il s'agit actuellement d'un terrain agricole, mais que ça fait longtemps que l'on n'a plus rien planté à cet endroit-là. Enfin, j'aimerais revenir sur la polémique concernant les terrains de football, qui était la plus importante au niveau de la discussion. La commune de Perly-Certoux, qui possède un terrain de football pour sa première équipe et un terrain pour les entraînements des multiples équipes, désire augmenter le nombre des terrains de football, parce que les joueurs n'arrivent plus à faire leurs entraînements sur ces terrains. Et concernant la polémique consistant à dire qu'il faudrait utiliser d'autres terrains ailleurs, la commune de Perly-Certoux a répondu qu'elle collaborait avec l'équipe de football de Saint-Julien-en-Genevois à côté et qu'elle ne voyait pas l'intérêt d'aller jouer sur les terrains de football des Cherpines et de Plan-les-Ouates. En conclusion, la commission vous propose d'accepter ce projet de loi.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité. L'intérêt d'un rapport de minorité, c'est évidemment de compléter le rapport de majorité, et je vais commencer à le faire tout de suite. Ce projet n'a pas été voté à l'unanimité moins deux voix, mais à la majorité, Monsieur Buchs, car il y avait deux contre et une abstention. Ce n'est donc pas l'unanimité ! Ensuite, quant au fait que rien n'est cultivé sur cette surface, ça nous ne l'avons pas entendu en commission, et je ne crois pas que les propriétaires paysans soient d'avis que rien n'est cultivé sur ces parcelles.
Cela étant, ce projet de déclassement pour un stade n'est tout simplement pas coordonné aux projets de développement et de construction de zones sportives dans cette même région. La présentation de ces projets sportifs a été faite à la commission par le service des sports du canton, mais après le vote du projet de loi, parce que la majorité de la commission n'a pas voulu en prendre connaissance avant le vote. Etonnant ! Si les équipements actuels de Perly sont en surexploitation, ce qui est vrai, eh bien c'est conjoncturel, parce que lorsqu'on lit l'exposé des motifs et qu'on auditionne la commune, on s'aperçoit que 60% du public qui fréquente ces installations provient d'autres communes où des équipements se développent, comme à Plan-les-Ouates - enfin, à l'époque ils se développaient, maintenant ils sont terminés et en fonction - ou alors existent déjà mais sont sous-utilisés. C'est le cas à Saint-Julien-en-Genevois, à moins de 500 mètres de ce projet de stade et de pistes d'athlétisme. A moins de 500 mètres !
Alors bien sûr, ce projet de loi initié par la commune s'inscrit dans la densification future qui est prévue dans le plan directeur cantonal 2030, mais dans une perspective de besoins futurs, dans une perspective d'urbanisation, ce qui n'appelle pas forcément une réalisation immédiate. En effet, Mesdames et Messieurs, tout ce qui est projeté dans le plan directeur cantonal n'a pas vocation à être construit en 2014 ! C'est un plan directeur cantonal d'une dimension chronologique dans l'avenir d'environ vingt ans. Et surtout, on ne va pas commencer à réaliser ce plan directeur cantonal à la périphérie du canton pour construire un stade. La population genevoise n'a pas besoin de stade tout de suite: elle a besoin de logements, de logements au plus près de la ville, et pas de stade en rase campagne. Et il n'y a pas à attendre non plus d'assouplissement de notre quota de surface d'assolement, qui est déjà gravement endommagée, comme nous l'avait confirmé il y a peu le conseiller d'Etat, avec des nouvelles en provenance de Berne. Il est aussi possible que Perly-Certoux n'ait nul besoin de telles installations dans un proche avenir: les installations actuelles suffisent aux résidents actuels puisqu'elles accueillent autant de sportifs qu'il y a de sportifs locaux qui les fréquentent. Les Verts ne voient donc absolument aucun intérêt à accroître l'offre sportive à cet endroit, alors qu'elle est déjà surdimensionnée par rapport aux besoins de la commune, avec bien sûr comme conséquence un accroissement des déplacements provoqué par cette offre supplémentaire à la périphérie. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous regrettons en particulier la clause d'utilité publique dont a été affublé ce projet... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. François Lefort. ...et qui permet ainsi l'expropriation des propriétaires agricoles. L'expropriation est très rare à Genève, mais quand c'est possible, c'est pour exproprier des paysans. Incroyable ! Sur le fond, ce n'est pas seulement une étendue conséquente de 4 hectares de surface agricole utile qu'on va enlever, mais, dans un contexte toujours plus poussé...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. François Lefort. ...ce sont des sols cultivables qui vont être retirés de la surface agricole utile à Genève. En plus, la réversibilité dont on nous parle est un trompe-l'oeil, parce qu'on ne croit absolument pas que cette surface expropriée retournera un jour à l'agriculture.
Pour conclure, c'est un projet de loi du passé qui fleure bon les années 60 et ne tient pas compte des réalités actuelles, et donc pour tous ces motifs nous demandons un sursaut de raison à cette assemblée pour ne pas accepter ce projet de déclassement.
Mme Caroline Marti (S). Ce projet de loi émane d'une volonté de la commune de Perly-Certoux de créer une zone sportive et une zone de loisirs avec espaces verts, etc., sur son territoire. La raison évoquée est une extension future du village de la commune, et donc une extension également des futurs besoins et demandes en infrastructures sportives. Mais aux yeux du parti socialiste, ce projet de loi est une aberration, en premier lieu pour une question de timing, puisque la commune choisit de développer d'abord ses infrastructures sportives, comme un stade, en attendant un éventuel probable futur développement de son territoire. A notre sens, ce développement doit se faire en parallèle, puisque les infrastructures sportives doivent répondre aux besoins réels de la commune au moment de son développement.
La deuxième particularité de ce projet de loi, c'est qu'il insiste sur la réversibilité des infrastructures. Personnellement, je dois vous avouer que je peine un peu à comprendre en quoi le fait de décréter la réversibilité des infrastructures et des aménagements les rend réellement plus facilement réversibles. Il me semble qu'il est assez rare qu'on construise des stades de foot en Lego qu'on pourrait démonter et remonter en les transformant en autre chose, et donc en ce sens il me paraît difficile d'imaginer que les infrastructures sportives pourraient se muer facilement en un autre type d'aménagement.
Finalement, comme l'a très justement souligné le rapporteur de minorité, c'est également une aberration du point de vue de la planification territoriale, puisque le stade de Saint-Julien, qui est très largement sous-utilisé - cela a été souligné - se trouve à 500 mètres à vol d'oiseau. Vous imaginez bien ce que représentent 500 mètres à vol d'oiseau ! Si vous décidez de vous rendre au stade en courant, par exemple, ça constituera un petit échauffement, encore que, en 500 mètres, vous n'aurez même pas le temps de vous être suffisamment échauffés !
Et puis ce qui rend ce projet de loi inacceptable aux yeux du parti socialiste, c'est la problématique des surfaces d'assolement - SDA. En effet, ce projet de loi demande le déclassement d'une SDA, alors que nous sommes maintenant, comme vous le savez toutes et tous, arrivés au bout de notre quota de SDA. La priorité pour notre canton, c'est de construire du logement, et donc lorsqu'on déclasse de la zone agricole ou de la SDA, qui est infiniment précieuse, on doit le faire uniquement pour construire du logement. C'est à ce titre que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, c'est au parlement qu'il revient d'accepter ou non les déclassements; c'est une fonction importante, et c'est à cela que nous devons nous employer dans ce cas. Il ne s'agit pas ici d'un grand périmètre: il est effectivement question de 5 hectares, de 50 000 m2 de zone agricole qui sont déclassés en grande partie en zone sportive. Ce n'est pas la totalité, c'est un peu plus complexe que cela, parce qu'il y a quand même des ajustements qui sont faits aux marges de cette grande parcelle.
Les communes disposent d'une compétence, elles ont travaillé, dans le cas de Perly, de manière sérieuse, et elles formulent une proposition qui est étayée, mais entre la proposition et l'examen par ce parlement, il est évident que les choses changent, que la politique fédérale change et que la position des uns et des autres peut également changer. Et ici, même s'il s'agit d'un petit terrain de 5 hectares, on est face à l'une des problématiques les plus intenses que nous aurons dans ce canton, à savoir la rareté du sol, avec la volonté unanime, je crois, dans ce parlement de préserver la zone agricole si ce n'est religieusement, du moins avec une grande prudence. Je pense qu'on est tous d'accord sur ce point. Ici on a une zone agricole qui se prêterait à un déclassement, je crois que là n'est pas la question, elle se situe au centre du village, pour ceux qui connaissent Perly, dans une zone où les équipements sont à disposition, dans une zone qui, sur son périmètre, est d'ailleurs déjà bâtie, mais la question qui se pose consiste à savoir s'il est bien intelligent de déclasser, sur ces 5 hectares, plus de 3 hectares pour construire deux terrains de football. Il y a vraiment une interrogation ici, une interrogation que le PLR partage avec pas mal de groupes dans ce parlement, mais le PLR ne voudrait pas refuser purement et simplement ce projet de loi: il trouverait préférable, compte tenu du changement de circonstances, que ce texte soit renvoyé en commission... (Commentaires.) Je vous rassure, cela ne devient pas une habitude, mais il me semble quand même qu'on doit parfois tenir compte des changements de circonstances, et nous proposons par conséquent de renvoyer cet objet à la commission d'aménagement, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Seuls les rapporteurs peuvent s'exprimer, ainsi que le Conseil d'Etat s'il le souhaite. La parole est à M. le député François Lefort.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Quoi qu'en dise M. Genecand, cela devient une habitude, il est même spécialiste de la demande de renvoi en commission ! De telles demandes sont parfois intempestives mais, cette fois, disons que cela pourrait convenir, et la minorité soutiendra donc le renvoi de ce projet en commission. (Brouhaha.)
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. L'autre spécialité, c'est que durant les débats le rapporteur de majorité devient le rapporteur de minorité et vice-versa. Cela devient une habitude dans ce parlement !
J'aimerais juste répondre à ceux qui disent qu'on ne doit pas tenir compte de l'offre sportive parce que des gens viennent d'ailleurs pour jouer au football à Perly-Certoux: je crois qu'il faut également écouter les personnes qui vivent sur place et qui ont aussi besoin d'installations sportives. Le sport fait partie d'un encadrement de vie, d'une façon de vivre, alors à vouloir toujours trouver d'autres solutions et tout préserver, je me demande si les gens pourront continuer à pratiquer leurs activités sportives dans le cadre du canton de Genève. Pour ma part, je vous propose donc de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant pas demandée par le Conseil d'Etat, je soumets à cette assemblée la demande de renvoi à la commission d'aménagement du canton.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11004 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 74 oui contre 12 non et 1 abstention.