République et canton de Genève

Grand Conseil

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IN 154
Initiative populaire 154 "Pour des transports publics plus rapides!"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.
IN 154-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire 154 "Pour des transports publics plus rapides!"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons notre point fixe, à savoir l'IN 154 et l'IN 154-A. La parole est à Mme Lisa Mazzone.

Mme Lisa Mazzone (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous aurons bien sûr l'occasion de discuter plus largement de cette initiative dans le cadre de la commission des transports, mais étant donné qu'il s'agit d'une initiative des Verts, je trouvais utile de rappeler l'importance de ce sujet et la nécessité d'aller de l'avant sur notre initiative et non pas sur la voie d'un contreprojet. Pour quelle raison ? Cette initiative demande d'accorder la priorité aux transports publics, qui connaissent la vitesse commerciale la moins bonne de Suisse. On sait que la priorité peut être accordée d'une part grâce à une régulation des feux en faveur des transports publics, et d'autre part par des aménagements en site propre des voies de bus ou de tram. Je pense qu'il est essentiel de respecter ce qui est écrit dans notre constitution en termes de vitesse commerciale qu'on recherche; on ne l'atteint pas actuellement, et pour cela on a besoin d'avoir une volonté politique claire et déterminée. Aujourd'hui, ce que nous présente le Conseil d'Etat - c'est en tout cas le sentiment qu'on a en lisant ses communications - c'est à nouveau une façon de ménager la chèvre et le chou, de ne pas faire de véritable choix, or en matière de mobilité à Genève nous avons justement besoin de choix, de choix en faveur d'une mobilité durable et à même de répondre aux enjeux d'aujourd'hui, tant environnementaux que de santé publique. Je pense donc que donner une véritable priorité aux transports publics devrait être l'une des orientations majeures de notre conseiller d'Etat, et il ne s'agit pas seulement de le faire en Ville de Genève: il convient aussi de le faire sur des grands axes, sur des trajets en lien entre la périphérie et le centre, comme par exemple la ligne Vernier-Genève, qui est constamment bouchée à la hauteur de Châtelaine et où un important transfert modal pourrait être réalisé. Mais il s'agit de rendre le transport public véritablement efficace, et par conséquent véritablement attractif. Et c'est justement par ces choix qu'on améliorera non seulement la qualité de l'air, dont on a subi encore dernièrement la dégradation, avec des pics de pollution lors desquels on se contente d'inviter les gens à rester cloîtrés chez eux, mais aussi la qualité de vie de l'ensemble des habitantes et des habitants de notre canton, grâce notamment à une diminution du bruit, du bruit routier...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée !

Mme Lisa Mazzone. Je vous remercie. ...à une diminution des accidents causés par la circulation et, plus globalement, à une réappropriation de l'espace public.

On aura l'occasion de reparler de ce sujet et j'y reviendrai évidemment avec vigueur dans le cadre de la commission des transports, mais je vous invite d'ores et déjà à accueillir avec bienveillance notre initiative et à ne pas vous faire attirer par...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Lisa Mazzone. ...des projets qui sont à nouveau dans l'absence de choix. (Quelques applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, quand on lit l'intitulé de cette initiative, «Pour des transports publics plus rapides !», on pourrait bien sûr croire que c'est une bonne idée. Mais ce qui est quand même assez paradoxal, c'est que ce sont les Verts eux-mêmes qui étaient en charge de la mobilité à Genève... (Commentaires.) J'ai bien dit qu'ils «étaient» en charge de la mobilité à Genève ! ...or c'est durant la dernière législature que le terme «mobilité» a été remplacé par «immobilité» genevoise. Je m'explique.

Nous avons financé, payé et construit un réseau de trams. Fort bien, jusque-là le groupe MCG ne peut que soutenir cette démarche. Mais alors dans l'application, Mesdames et Messieurs, eh bien le précédent gouvernement - ou la précédente conseillère d'Etat - a donné l'impulsion de casser les réseaux de circulation. En effet, si on prend le TCOB - le tram Cornavin-Onex-Bernex, qui a été rebaptisé depuis - et la route de Chancy, eh bien à pas moins de six reprises le tram traverse la route de Chancy de gauche à droite ou de droite à gauche, ce qui génère évidemment des feux de signalisation routière, alors que les ingénieurs auraient pu, comme dans toutes les grandes métropoles, placer les voies de circulation à droite et les transports publics à gauche, lesquels n'auraient été embêtés par aucune voiture privée. Mais non ! Il fallait faire ces giratoires au milieu, ce qui est aussi très sécurisant pour les usagers des transports publics, dans la mesure où, au lieu de se retrouver sur le trottoir, ils se retrouvent sur une berme centrale, ce qui implique la mise en place de passages piétons, qui vont encore freiner la circulation ! C'est un peu comme celui qui viendrait dire aujourd'hui qu'il n'arrive plus à cueillir ses cerises sur la branche parce que la branche a disparu, alors que c'est lui qui l'a sciée quelques années auparavant. C'est exactement pareil ! Par conséquent, bien que par son titre cette initiative puisse paraître alléchante pour les transports publics, nous demandons, nous, au nouveau conseiller d'Etat en charge de l'immobilité...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Je vais conclure. ...de l'immobilité temporaire de rendre cette mobilité à Genève et, si besoin est, de modifier certains tracés, pour que la volonté populaire déjà exprimée sur la complémentarité entre transport privé et transport public soit respectée - et c'était une votation populaire. Le groupe MCG refusera donc toute entrée en matière sur cette initiative.

M. Pierre Vanek (EAG). C'est un peu surprenant que le groupe MCG refuse toute entrée en matière sur l'avis de plus de 10 000 citoyennes et citoyens genevois qui ont signé cette initiative ! M. Stauffer vous a fait un grand discours concernant le titre de l'initiative, mais il aurait pu - parce que le titre, c'est une chose - en citer le texte. Ce qu'il s'agit de savoir, c'est si on est favorable à l'aménagement du réseau et des règles de la circulation routière pour donner la priorité aux transports publics. Il ne peut y avoir qu'une réponse à cette question, et c'est évidemment oui ! C'est évidemment oui, parce qu'il y a une nécessité impérative d'accroître l'efficacité et l'attractivité des transports publics. Nous avons contribué à accroître leur attractivité avec la baisse des tarifs que le peuple, que les citoyens genevois ont acceptée non pas une fois, Mesdames et Messieurs, mais deux fois, il s'agit aujourd'hui d'améliorer leur efficacité en termes de vitesse commerciale moyenne, et cette disposition constitutionnelle ne fait que définir le principe en indiquant qu'il faut régler et aménager les choses là autour.

Mais je vais quand même me prononcer en deux minutes sur le rapport du Conseil d'Etat. Ce rapport dit que ce n'est pas bien, parce que la Constituante a écarté une disposition de ce type-là au profit d'autre chose. Mais bien évidemment ! C'est d'une bêtise extrême ! Si la Constituante avait adopté ce principe, on ne serait pas en train de débattre d'une initiative constitutionnelle ! Il est donc évident que toutes les initiatives à venir porteront sur des objets qui, dans sa grande sagesse, ou disons dans sa sagesse modérée, n'ont pas été adoptés par la Constituante.

Et concernant l'essentiel de ce qu'on nous objecte, on nous oppose le libre choix du mode de transport. Mais c'est d'une absurdité évidente ! Le libre choix du mode de transport signifie-t-il qu'on ne peut pas améliorer le fonctionnement des transports en commun ? Signifie-t-il qu'on doit mettre sur une parité exacte l'automobile et les transports collectifs ? Si on appliquait ce même genre de raisonnement à d'autres cas... On a le libre choix de l'école, par exemple: les citoyens genevois peuvent mettre leurs enfants dans des écoles privées, mais est-ce à dire qu'il faille ne pas s'occuper de développer la qualité et l'accès aux écoles publiques et à la formation publique sous prétexte qu'il existe ce libre choix des citoyens en matière d'éducation ? Et je pourrais multiplier les exemples ! Ce libre choix du mode de transport, quand on l'emploie de la manière dont il est employé ici, est une tarte à la crème visant à s'opposer à l'amélioration de quelque chose qui est évidemment indispensable, indispensable du point de vue écologique, indispensable du point de vue de la crise climatique et indispensable pour la qualité de vie de nos concitoyennes et concitoyens. Alors c'est avec la dernière énergie que le groupe Ensemble à Gauche soutiendra cette initiative jusqu'en votation populaire, où je suis persuadé qu'elle aura...

Le président. Il vous faut conclure !

M. Pierre Vanek. J'étais en train de conclure, Monsieur le président !

Le président. C'est parfait, Monsieur le député !

M. Pierre Vanek. Quel talent ! Vous l'aviez repéré !

Le président. Oui !

M. Pierre Vanek. ...où cette initiative, je n'en doute pas, aura l'honneur de recueillir une majorité de voix des citoyennes et citoyens de ce canton.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Les transports en commun doivent avoir la priorité dans la circulation. Cela devrait augmenter leur vitesse commerciale - actuellement de 16 km/h - qui passerait à 18 km/h voire à 30 km/h en site protégé si l'on régule les feux lumineux de façon à prioriser les trams et les bus. Cela va donc augmenter la cadence des bus et des trams ainsi que la fluidité globale de la circulation. Cela incitera les automobilistes et les motocyclistes à prendre les transports publics, car ils auront moins de problèmes de parking, pourront éviter les bouchons et feront des économies sur l'essence, les réparations et les impôts. Or davantage d'utilisateurs des transports publics, c'est moins de trafic individuel motorisé ! La facilité qu'auront les véhicules de livraison améliorera la rapidité des transports professionnels.

L'Etat devra faire des arbitrages en favorisant les modes de déplacement les plus efficaces selon les contextes. Il privilégiera une logique de complémentarité des différents modes de transport, c'est-à-dire que l'on pourrait commencer un trajet avec un véhicule privé, puis prendre les transports publics, avant de terminer le parcours à pied ou à vélo. Les véhicules privés devront se limiter dans leurs déplacements, les rues n'étant pas extensibles. Il y aura donc un rééquilibrage, et c'est une question de changement d'état d'esprit des personnes privées, car il y a un rattrapage en matière de développement des infrastructures qui doivent simultanément faire face à une grande augmentation de la mobilité due au dynamisme de la croissance économique et démographique dans le canton, ce qui va accroître la compétitivité de Genève.

L'Etat a compris la demande contenue dans l'initiative 154 qui donne une priorité absolue aux transports collectifs, ce qui est en contradiction avec les objectifs de Mobilités 2030. Il faut effectivement s'appuyer sur l'ensemble des modes de transport pour répondre à la demande de déplacements, tout en opérant des choix de priorisation en fonction du lieu et du moment des déplacements. Dans quelques mois, l'Etat va soumettre au Grand Conseil un projet de loi dans ce sens qui favorise les transports en commun tant dans le cheminement que dans le passage des carrefours.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Bernhard Riedweg. Par conséquent, le Conseil d'Etat nous demande de rejeter cette initiative 154 et nous soumettra un contreprojet indirect à cette initiative.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais juste revenir un peu en arrière et répondre à l'intervention de M. Stauffer, du MCG - vous transmettrez, Monsieur le président - en disant que, effectivement, avant c'était une conseillère d'Etat Verte qui dirigeait la mobilité, mais dans un Conseil d'Etat à majorité de droite. Et qu'ont fait les Verts en 2012, comme vous pouvez le lire dans le rapport ? Ils ont déposé un projet de loi qui modifiait l'article 190, alinéa 2, de la constitution, et qui visait à donner la priorité en matière de circulation aux transports publics dans les zones urbaines du canton. Or que s'est-il passé ? Après trois séances, la majorité de la commission des transports a refusé ce projet de loi, et dès lors les Verts avec leurs alliés socialistes et d'autres associations ont décidé de lancer cette initiative constitutionnelle qui a réuni plus de 10 000 signatures. Et quelle est la réaction du MCG aujourd'hui ? Sa réaction est de s'asseoir sur ces 10 000 signatures et de dire que de toute façon il n'entrera pas en matière. Pour nous, c'est clairement un déni de démocratie ! En effet, toute initiative doit être traitée, notamment en commission, et doit être discutée pour essayer de trouver des solutions.

En deux mots, puisqu'on aura le temps d'en reparler, que demande cette initiative ? Elle demande effectivement de donner la priorité aux transports publics. Par conséquent, il y aura la possibilité d'augmenter la vitesse commerciale, qui est la plus basse de Suisse, Mesdames et Messieurs ! Si l'on prend l'exemple des autres grandes villes, je peux vous indiquer notamment qu'à Bâle, elle se situe à 18,9 km/h, à Berne, à 19,9 km/h, et à Zurich, à environ 17 km/h. Or chez nous, cette vitesse commerciale s'élève à 16 km/h de moyenne ! Nous avons actuellement les transports publics les plus lents de Suisse, il est donc important de faire des choix en termes de mobilité.

Dans ce parlement, nous avons également abondamment parlé des normes de protection contre la pollution de l'air qui sont régulièrement dépassées, ainsi que des normes de protection contre le bruit: aujourd'hui à Genève, 80 000 personnes souffrent du bruit et des normes qui sont régulièrement dépassées, et c'est pourquoi il faut étudier sereinement cette initiative en commission afin d'essayer de trouver des améliorations pour la mobilité à Genève et faire de vrais choix. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Et le fait - je terminerai par là, Monsieur le président - que le MCG ne veuille pas entrer en matière sur cette initiative nous montre bien que celui-ci ne souhaite absolument pas trouver de solutions pour la mobilité à Genève; il ne veut rien faire, il préfère continuer à avoir des bouchons et des bouchons pour dire dans quatre ans qu'il y en a marre ! Pour notre part, ce n'est pas notre stratégie, et nous voulons des solutions pour les Genevoises et les Genevois. (Applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (PLR). Ecoutez, moi je n'ai pas envie de faire le débat sur le siège ! On a dit que ce genre de propositions étaient normalement directement renvoyées en commission, donc je trouve inutile d'entamer ce débat en séance plénière si l'on veut avancer dans notre ordre du jour ! Je demande donc le renvoi direct de cet objet à la commission des transports.

Une voix. Très bien ! Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je mettrai aux voix ce renvoi à la fin du débat. La parole est à M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. On sera très content de discuter de cette initiative en commission des transports, à laquelle il était prévu de renvoyer ce texte. Je ne pense pas que l'on va s'asseoir sur les 10 000 signatures, mais on va discuter. Pour reprendre un peu ce qu'a dit M. Riedweg, il sera très bien de traiter cette initiative en même temps que le projet de loi qui sera proposé et qui fera office de contreprojet indirect à celle-ci. De même, il sera très intéressant de discuter du fait que la vitesse commerciale est déjà prévue à l'article 2 de la loi sur le réseau des transports publics et d'examiner cette initiative en fonction du programme Mobilités 2030 que l'on a voté il n'y a pas longtemps.

Le président. Merci, Monsieur le député. L'initiative et le rapport doivent être renvoyés à la commission des transports. Je vais donc mettre aux voix cette demande.

Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 154 et du rapport du Conseil d'Etat IN 154-A à la commission des transports est adopté par 56 oui contre 13 non.