République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 mars 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 6e session - 40e séance
R 690
Débat
Le président. Nous abordons le point suivant de notre ordre du jour, la R 690. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de répondre à quelques affirmations entendues depuis le dépôt de cette résolution, qui date du 16 avril 2012. (Brouhaha.) Certains m'ont approché pour en discuter. C'est vrai, vous le savez tous, cela fait vingt ans que je suis pompier volontaire. Mais qui d'autre qu'un sapeur-pompier volontaire est mieux à même de parler d'un problème qui concerne cette vénérable corporation ?
Deuxième chose: oui, c'est également vrai, la Fédération genevoise des sapeurs-pompiers n'est pas entièrement favorable à cette résolution. Malheureusement, elle ne tient pas compte de l'avis de la base. Il faut savoir également... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que si l'on prend les trois plus grosses compagnies du canton, deux ne sont pas membres de la Fédération. On ne peut donc pas dire que l'avis de la Fédération soit la référence sur la question. Enfin, non, les cas cités dans l'exposé des motifs ne sont pas les miens, mais ce sont des exemples parmi ceux d'une bonne dizaine d'employés de divers horizons professionnels, qui se plaignent d'avoir de plus en plus de mal à concilier leur travail avec cette activité, et qui m'ont approché afin d'essayer de trouver une solution.
Sur le fond, il faut savoir que l'activité de sapeur-pompier volontaire est un maillon important de la chaîne de secours. De plus en plus de sapeurs-pompiers sont appelés, un jour ou l'autre, à faire un choix entre leur profession et leur activité de sapeur-pompier, ou alors doivent accepter une retenue sur leur salaire, par exemple s'ils sont à l'armée pendant les heures de travail. Les conséquences en sont simples: de plus en plus de sapeurs-pompiers finissent par ne plus répondre aux alarmes ou, plus grave, ils décident de démissionner. A terme, cela pourrait poser problème en cas d'événement majeur comme le fameux incendie de la Jonction, qui a mobilisé plusieurs centaines de pompiers volontaires et professionnels pendant plus de quarante-huit heures. Les sapeurs-pompiers volontaires sont des personnes qui donnent de leur temps au service de la collectivité, au détriment de leur vie de famille ou d'autres occupations, et qui parfois mettent leur propre vie en danger pour le bien commun. Est-il normal que, pour accomplir ce qui est également considéré comme un devoir civique, les sapeurs-pompiers volontaires doivent dans certains cas...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Stéphane Florey. Je prends sur mon groupe, merci. Est-il normal que, dans certains cas, ils doivent subir une perte de salaire ? Car même si les sapeurs-pompiers sont soldés pour accomplir leur devoir... (Brouhaha.) ...les soldes ne compensent en rien une éventuelle perte de salaire, la moyenne cantonale étant à 11 F de l'heure. Prenons également l'exemple d'un volontaire qui est astreint à suivre des cours au niveau fédéral: ces cours...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. Je prends sur mon groupe, merci !
Le président. Pardon, excusez-moi, allez-y.
M. Stéphane Florey. Ces cours se déroulent généralement la semaine, sur des semaines entières, et les personnes qui les suivent doivent prendre soit une semaine sur leurs vacances, soit un congé non payé.
Si la Fédération n'est pas entièrement favorable à cette résolution, c'est notamment parce qu'elle craint une surcharge de travail administratif pour les états-majors des compagnies pour l'établissement des demandes d'indemnisation. Or, c'est complètement faux, celles et ceux qui ont accompli leur service militaire le savent très bien: il n'y a rien de plus simple que l'établissement d'un formulaire de demande d'indemnisation, ce système a fait ses preuves depuis longtemps. De plus, les formulaires sont maintenant entièrement informatisés et la surcharge de travail est quasi nulle.
Je préciserai enfin que le but de cette résolution n'est pas d'obliger le patronat à libérer du personnel pour que celui-ci puisse accomplir sa mission de secours, ni de rendre le service de pompier volontaire obligatoire comme c'est le cas dans d'autres cantons, mais d'offrir une solution simple à mettre en oeuvre et de permettre à tous les sapeurs-pompiers volontaires d'accomplir leur devoir sans d'éventuelles pertes de salaire. Je vous remercie, et je vous invite fortement à soutenir cette résolution.
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, pour clarifier le jeu, cette fois c'est un ancien sapeur-pompier professionnel qui vous parle, donc pas de conflit d'intérêt avec nos collègues volontaires. Je voudrais dire que l'acte citoyen très marqué qui consiste à s'engager dans le monde des sapeurs-pompiers volontaires devient de plus en plus difficile, on l'a vu ces dernières années, même avant que je parte à la retraite. Par exemple à la Ville de Genève, où j'étais fonctionnaire, on s'est aperçu qu'on avait de la peine à faire libérer des employés pour qu'ils puissent assurer leurs devoirs de sapeurs-pompiers volontaires. Je crois que cette catégorie de personnes mérite que nous portions un regard attentif sur cette proposition de résolution.
Cela dit, ce n'est pas un nouveau problème ! J'ai eu l'occasion de siéger pendant plusieurs années en qualité de vice-président de la Fédération suisse des sapeurs-pompiers, qui à l'époque était forte de 225 000 membres dans tous les cantons suisses, et cette question revenait régulièrement. Simplement, les autorités cantonales n'avaient jamais véritablement eu le courage de transmettre ce dossier à Berne, puisque comme vous le savez, les cartes APG nécessitent une modification des textes constitutionnels, et l'on disait à chaque fois qu'il y en avait pour quinze ans de démarches, et donc qu'il fallait qu'on trouve des solutions ! Cela a été fait par exemple à Zurich, où l'établissement cantonal d'assurance avait décidé, à un moment donné, de trouver une formule de compensation. Il faut savoir qu'à Zurich, les sapeurs-pompiers volontaires ne touchent pas de 0 à, disons, 25 F de solde à l'heure, mais touchent des salaires pour compenser le problème de la mise à disposition par l'employeur de son personnel. Cette modification comporte effectivement, malgré tout, quelques risques, dans le sens de ce qu'on a vécu il y a quelques années dans le cadre de la réforme Armée 95. Une autre mesure qui avait été donnée par rapport aux sapeurs-pompiers volontaires était une diminution de leur taxe militaire. Malheureusement, on a vu à ce moment-là que le cadrage avait été fait de manière un tout petit peu trop légère, et il y a eu quelques petits problèmes, quelques petits abus. Fort de ces considérations, je vous propose un amendement - vous l'avez trouvé sur vos places il n'y a pas longtemps - que j'ai rédigé notamment en commun avec l'ami Stéphane Florey.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Raymond Wicky. Merci, Monsieur le président. Cette proposition est écrite en toutes lettres, il s'agit de compléter l'invite en précisant clairement quelles sont les activités que l'on estime devoir compenser, et je vous encourage bien entendu à soutenir cette résolution et à accepter surtout cette proposition d'amendement.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, cosignataire de cette résolution, il est évident que nous ne pouvons qu'être d'accord avec la demande des sapeurs-pompiers volontaires, parce que nous leur devons notre gratitude pour leur efficacité, leur esprit de service, leur prestige mérité auprès de la population, et nous sommes également attentifs à leur légitime besoin de reconnaissance vis-à-vis de leur employeur. Et ça, c'est très important. Nous pourrons également soutenir les amendements qui nous sont proposés, mais ce que nous souhaitons, c'est étudier cette proposition avec tout le sérieux nécessaire, et, pour réparer ce qui pourrait être une injustice, Monsieur le président, la renvoyer à la CACRI afin de lui donner toute l'importance qu'elle mérite. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous voterons sur votre proposition en fin de séance. Je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Employer un sapeur-pompier dans son entreprise peut être bénéfique pour celle-ci. On peut confier à ce sapeur-pompier la sécurité feu de l'entreprise, et l'on évite ainsi de devoir former d'autres employés moins concernés et motivés à lutter contre les sinistres. Les sapeurs-pompiers font des sacrifices financiers et familiaux, ils consacrent du temps à une bonne cause qui peut profiter à tout un chacun à un moment inattendu. C'est une vocation et une forme de mécénat vis-à-vis de la collectivité publique. (Brouhaha.) Il s'agit d'un hobby utile et contraignant... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...exigeant une disponibilité de tous les instants. Un sapeur-pompier est obligé de suivre un entraînement qui est bon pour son équilibre physique et psychique. Par conséquent, aidons les sapeurs-pompiers ! L'UDC vous demande d'accepter cette résolution et nous soutenons les amendements du PLR. Merci, Monsieur le président.
Mme Marion Sobanek (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs, personne ne va nier que les sapeurs-pompiers ont un métier difficile qu'ils doivent exercer comme nous, de façon militante, à côté d'une activité professionnelle. Et nous savons tous que dans les milieux associatifs, ou même dans les partis politiques, on peine à trouver des gens qui s'engagent. Ce d'autant plus pour le sapeur-pompier qu'il doit faire des exercices de répétition - au moins quatre - doit rester sur place peut-être pendant un certain temps, et prévoit de rester peut-être plusieurs heures, avant d'être renvoyé, et qu'on ne sait pas comment il va être défrayé pour cette activité. Donc l'idée d'avoir une inscription à la caisse de compensation est une bonne chose, mais nous pensons... (Commentaires.) Oui, maintenant vient le «mais», évidemment il y a un «mais» ! Parce que je me suis étonnée que, dans cette enceinte, on parle tout de suite de compensation quand il s'agit d'une activité de pompier, policier, etc., mais quand il s'agit de penser aux travailleurs agricoles - et je vais y revenir parce que j'ai trouvé la discussion extrêmement médiocre et extrêmement faible - là, au niveau financier, on ne fait pas preuve de largesse. Et il y a d'autres activités qui mériteraient peut-être le même traitement.
Mais je voudrais aussi inviter l'assemblée à réfléchir: pourquoi cette difficulté à faire coïncider une activité professionnelle et une activité un peu bénévole pour l'ensemble de la communauté ? Parce qu'on ne court qu'après le fric ! Et vous, vous tentez aussi de régler ce problème des sapeurs-pompiers avec quelque chose que vous reprochez toujours aux socialistes, soit le fait de donner des sous aux gens. C'est la raison pour laquelle les socialistes pensent que cela vaut la peine de renvoyer le projet en commission pour en discuter, afin d'en voir tous les impacts. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Dans la droite ligne de ce que vient d'exposer ma préopinante, les Verts soutiendront également cette résolution ainsi que les amendements proposés, mais souhaitent néanmoins - tout comme le parti démocrate-chrétien et le parti socialiste - renvoyer cet objet en commission. Effectivement, nous estimons que la réflexion doit se faire de manière un peu plus approfondie sur la faisabilité et les chances de faire aboutir cet engagement. Les Verts reconnaissent évidemment que c'est un acte citoyen fort que de s'engager dans les sapeurs-pompiers volontaires; de plus, si effectivement on n'arrive plus à trouver assez de personnes qui sont d'accord d'assumer cet engagement, notre collectivité aura quelques petits soucis d'effectifs pour garantir notamment la sécurité à la population. Voilà sur le fond de cette résolution.
Cela me permet de réaffirmer ici - avec les Verts, bien entendu - que l'engagement citoyen est une activité que nous soutenons, et qu'il faut se demander si notre société est une société uniquement monétaire ou si l'on revalorise également l'engagement. Mais l'engagement pour la collectivité publique n'est pas seulement celui des pompiers volontaires ! Je saisis l'occasion de cette porte d'entrée, qui est excellente, pour refaire passer un message sur la reconnaissance de l'engagement des autres, l'engagement pour les activités Jeunesse et Sport, l'aide aux malades, l'engagement associatif ou dans le social. Et puis j'aimerais faire observer que cette proposition de résolution nous vient des bancs d'en face, et que ce sont ces mêmes bancs qui entravent les engagements bénévoles dans le monde associatif et les découragent en épuisant ces associations, notamment à travers les contraintes que ces mêmes bancs imposent sans cesse via la LIAF - on en a encore eu quelques exemples ce matin. Je voulais vous rappeler cela, et peut-être élargir le débat sur un engagement...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée !
Mme Frédérique Perler. ...beaucoup plus large dans notre société, et pas uniquement celui des pompiers volontaires. Je vous remercie.
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais faire un petit peu de lecture puisque j'ai préparé quelque chose - malheureusement on n'arrive pas à imprimer, il y a un problème, mais ce n'est pas bien grave.
Je dirai en préambule que le système des sapeurs-pompiers en Suisse est régi au niveau communal, notamment pour l'organisation des défraiements, au niveau cantonal pour la doctrine de la défense incendie et au niveau national pour l'indication des principes de base. C'est pourquoi on retrouve, en Suisse, des principes de défraiement hétérogènes, mais adaptés aux besoins cantonaux et communaux. Le défraiement va de 0 F de l'heure, dans certains cantons, à 117 F, et la moyenne suisse est à 35 F de l'heure. A Genève, le défraiement va de 0 F à 25 F de l'heure pour une moyenne de 15 F. Les 90 000 sapeurs-pompiers de milice savent que la mission est exigeante et doit être vécue comme un bénéfice personnel et tournée vers le secours à la collectivité.
La question des APG est revenue deux fois récemment. Courant 2009, dans le cadre de la concertation nationale sur le projet SP 2015+, cette proposition est remise à l'ordre du jour. Elle est rejetée comme principe de base pour les sapeurs-pompiers, aussi bien par les sections cantonales et la Fédération suisse des sapeurs-pompiers que par d'autres entités telles que les inspectorats cantonaux du feu et les associations des communes et des villes suisses, impliqués dans ce projet. (Brouhaha.) En mars 2012, dans le cadre de la concertation sur le projet national Stratégie de la protection de la population 2015+, le refus est à nouveau confirmé, et ce par les mêmes entités. En mai 2012, le président cantonal des sapeurs-pompiers - après concertation avec le comité genevois et le comité suisse - a personnellement informé certains députés que les pompiers genevois et suisses ne soutiendraient pas la proposition de résolution R 690. Selon la même fédération suisse des pompiers, on ne doit pas établir un règlement national pour un problème local.
De plus, si le fondement même de cette résolution est de donner des APG aux sapeurs-pompiers, cela n'est pas souhaité par la corporation et, selon elle, la desservira. En revanche, si le principe de cette résolution est de revaloriser les sapeurs-pompiers pour leur engagement auprès de la collectivité, alors cette résolution est mal formulée et doit être traitée au niveau cantonal, et ce à travers la commission consultative sur la prévention des sinistres, l'organisation et l'intervention des sapeurs-pompiers.
Indépendamment de tout ce que je viens de vous dire, le groupe MCG n'est absolument pas opposé à renvoyer cette résolution en commission...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Thierry Cerutti. ...afin qu'on puisse la traiter.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey, à qui il reste trente-quatre secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Il me semblait que l'amendement proposé par M. Wicky était suffisamment clair pour éviter un débat en commission. Si toutefois vous souhaitez quand même renvoyer cette résolution en commission, eh bien faisons-le, mais de mon point de vue cela ne sert à rien. Par contre, pour revenir sur les propos de M. Cerutti, je suis désolé, mais l'ancien président de la Fédération genevoise, qui fait partie de vos rangs, ne tient pas compte de la base; la base n'a jamais été entendue... (Commentaires.) ...ni au niveau cantonal ni au niveau fédéral, les supérieurs et les fédérations font la sourde oreille...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député !
M. Stéphane Florey. ...et ils refusent d'entendre leur base, ce qui est vraiment déplorable. Alors renvoyons cette résolution en commission...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. ...et faisons le travail. Je vous remercie !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Wicky, il vous reste sept secondes !
M. Raymond Wicky (PLR). Très largement suffisant, Monsieur le président, pour dire que cela ne me dérange pas que la résolution soit, le cas échéant, renvoyée en commission, selon les propositions de nos amis de l'aile gauche !
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, la sécurité civile, effectivement, est quelque chose d'important, les sapeurs-pompiers en assument la mission mais ne le font pas en solitaires: Il faudrait se rappeler que nous avons aussi des sauveteurs sur le lac qui font un travail énorme pendant toute la période estivale, et que ceux-ci sont bien souvent oubliés. Je signalerai aussi que les sociétés de samaritains, qui effectuent aussi une lourde tâche chaque fois qu'il y a des concerts ou des grandes manifestations à Genève, font partie de ce tissu de sécurité civile nécessaire à notre population. Je pense qu'en commission, vous devriez prendre en compte l'ensemble des acteurs de la sécurité civile afin de respecter l'égalité de traitement. Je vous en remercie !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais donc mettre aux voix l'amendement. (Remarque.) Ah, pardon, oui, il y a une demande de renvoi en commission, exactement. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais donc voter sur le renvoi de cette résolution à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 690 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 90 oui (unanimité des votants).