République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 735
Proposition de résolution de Mmes et MM. Prunella Carrard, Anne Emery-Torracinta, Catherine Baud, Philippe Schaller, Michel Forni, Marie-Thérèse Engelberts, Jean-Marie Voumard, Brigitte Schneider-Bidaux : Allocations familiales du secteur agricole
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Nous abordons maintenant la résolution 735. Nous sommes toujours en catégorie II. Je passe la parole à Mme Valiquer Grecuccio.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez, en juin 2011 la très grande majorité de ce parlement, si ce n'est le groupe PLR, a voté une augmentation des allocations familiales qui est entrée en vigueur le premier janvier 2012. Notre ancienne collègue, Prunella Carrard, notamment, a ensuite déposé un projet de loi pour demander que les allocations familiales et de formation perçues par les agriculteurs indépendants et les travailleurs agricoles soient au même niveau que celles des autres familles qui les obtiennent au niveau cantonal. Cela a donné lieu à un travail au sein de la commission des affaires sociales, qui aujourd'hui vous est soumis sous forme de résolution demandant, en fait, une égalité de traitement entre toutes les familles de ce canton, c'est-à-dire, concrètement, des allocations familiales pour un montant de 300 F et non pas 200 F comme ces travailleurs les reçoivent aujourd'hui, et une allocation de formation non plus de 250 F mais de 400 F, comme l'ensemble des familles. Et je crois que ce qui nous est demandé aujourd'hui, en rappelant que ces travailleurs sont soumis à la loi fédérale sur les allocations familiales, c'est simplement de promouvoir une égalité de traitement avec les familles qui, elles, reçoivent les allocations selon les montants cantonaux, et tout simplement d'appliquer le principe «une allocation, un enfant; un enfant, une allocation».

Concernant les questions de financement... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il a été notamment proposé de prélever une taxe sur la plus-value foncière - vous verrez les différents arguments qui ont été émis - mais la commission a préféré, dans sa sagesse, laisser le Conseil d'Etat évaluer cette question-là. Cependant, à la grande majorité de ses membres, la commission vous demande cette égalité de traitement, que soutient évidemment le parti socialiste. Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le PDC ne votera pas cette résolution pour les raisons suivantes.

Concrètement, les allocations familiales des travailleurs agricoles concernent principalement les employés saisonniers, et là on parle de complément versé aux allocations familiales perçues dans les pays de résidence, car bien entendu les enfants ne sont pas en Suisse. Je peux vous assurer que les travailleurs sont enchantés par ce complément ! Les travailleurs agricoles établis à Genève ont très souvent des conjoints qui travaillent dans un autre secteur... (Brouhaha.) ...et les allocations familiales sont versées par cet autre secteur. En réalité, on parle d'environ 25 enfants «annuels», entre guillemets, ces chiffres provenant donc du tableau de la CAFNA.

Il est proposé des dépenses, mais les recettes pour les financer sont floues. La piste de la taxe sur la plus-value est un leurre; ce fonds est vide, et quand il sera alimenté l'argent aura déjà été dépensé. Je vous signale que ce même Grand Conseil a voté le projet de développement régional, et que celui-ci est financé par les recettes de la taxe sur la plus-value. Il ne restera alors que la piste des cotisations qui, je vous le rappelle, sont déjà plus élevées que dans les autres secteurs. En acceptant cette résolution, on ne va pas harmoniser mais bien accentuer les disparités. Pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser cette résolution.

M. Eric Leyvraz (UDC). Le groupe UDC refusera également cette résolution. (Brouhaha.) Je vous rappelle quand même qu'environ 70% de nos ouvriers agricoles sont des personnes très jeunes qui viennent ici de façon temporaire, et que pour toutes les personnes sans enfant il y a une allocation de ménage de 100 F, ce que ne touchent pas les autres individus dans d'autres secteurs. Maintenant, avec la nouvelle loi genevoise, c'est à partir de deux enfants qu'il y a une différence négative pour nos employés.

Je vous rappelle aussi que nous nous battons, ici, à Genève, avec AgriGenève, depuis des années, pour avoir une convention collective suisse concernant l'agriculture et les employés agricoles, ce que nous n'arrivons absolument pas à obtenir. Il y a, à l'intérieur du pays, une concurrence tout à fait déloyale; nous avons les ouvriers agricoles qui ont l'horaire le plus léger, qui ont la paie la plus élevée de Suisse, et nous avons une différence, par exemple avec Zurich, de 25%. Et nous n'arrivons pas à avoir une convention collective en Suisse. Donc déjà au sein de notre propre pays, notre agriculture est soumise à une concurrence qu'on peut qualifier de déloyale.

Enfin, je vous signale aussi que si les charges sociales sont de 1,9% pour les employés concernant ces allocations familiales, pour l'agriculture elles sont déjà de 2%. Or, si ce projet de loi était accepté, nous passerions à 2,5%. Alors je trouve que l'agriculture est déjà assez mise à contribution, ce changement concernerait extrêmement peu de personnes, et pour ces raisons-là, si vous voulez que l'agriculture genevoise continue à exister, il ne faut pas surcharger le bateau, il l'est déjà suffisamment. Je vous remercie donc de refuser cette résolution.

Mme Simone de Montmollin (PLR). Mes préopinants ont dit l'essentiel du message que le PLR veut faire passer. Je rappellerai tout de même quelques points.

Le PLR ne soutiendra pas cette résolution car, cela a été dit, le financement de ces augmentations n'est pas précisé. D'autre part, on ne précise pas non plus quels seraient les éléments pris en considération pour déterminer le niveau de cette augmentation.

Ce projet a une intention louable, mais elle échoue à vouloir faire cohabiter deux systèmes existants: le système fédéral, qui prévaut dans l'agriculture depuis 1952, et le système cantonal des allocations familiales, qui, lui, est beaucoup plus récent. Le premier tient compte des particularités de la main-d'oeuvre du secteur agricole - cela a été dit, la saisonnalité, le fait que ce sont souvent des jeunes sans enfant - raison pour laquelle il prévoit des allocations ménage, destinées à compenser le relatif manque à gagner de cette population-là. Le PLR ne veut donc pas jouer les incendiaires en remettant en cause un système qui a été bien pensé, qui a fait ses preuves, qui est appliqué au niveau fédéral, du fait que, depuis 2012, des améliorations au niveau cantonal ont pu voir le jour dans d'autres secteurs.

Le PLR ne partage pas non plus le constat des initiants selon lequel il y aurait des inégalités crasses entre les employés du secteur agricole et les autres. Il est bon de rappeler que le secteur agricole a été précurseur dans l'introduction, en 1952, de ces allocations familiales, alors qu'elles ne sont apparues sur le plan cantonal qu'en 1996, et sur le plan fédéral en 2006. Certes, une distorsion existe depuis 2012, mais qui concerne-t-elle ? Elle concerne des familles qui ont deux enfants ou plus, dont les deux parents sont employés du secteur agricole, ce qui ne représente, en fait, qu'une petite quarantaine de cas au moment du dépôt de cette résolution. Depuis, l'essentiel des cas ont été résolus puisqu'un des deux conjoints travaille généralement dans un autre secteur et que c'est ce secteur qui fait foi pour l'attribution des allocations familiales. Il nous paraît donc impossible, aujourd'hui, de régler cette question au travers d'une loi, question qui ne concerne qu'un très faible nombre et qui pourrait être résolue d'une autre manière.

Enfin, nous ne voulons pas, par l'intermédiaire de cette résolution, que les employeurs agricoles soient prétérités. Il a justement été précisé...

Le président. Il vous faut conclure, Madame.

Mme Simone de Montmollin. ...par M. Leyvraz que l'agriculture genevoise était déjà la plus favorable en matière de conditions de travail, qu'il existait une disparité et un manque de compétitivité sur le plan national. Ce n'est donc pas le moment d'en rajouter, d'autant que l'agriculture genevoise est fragilisée par la politique agricole 2014-2017 et qu'elle doit faire face à de nombreux défis pour ces prochaines années. Alors tous les partis qui, dans cet hémicycle, disent soutenir l'agriculture...

Le président. Vous avez terminé, Madame.

Mme Simone de Montmollin. ...eh bien qu'ils le démontrent aujourd'hui en renonçant à cette résolution. Merci ! (Applaudissements.)

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Moi je vous le dis franchement, je suis choquée de voir qu'une résolution qui a été décidée par deux socialistes, deux Verts, deux PDC et deux MCG, qui a été discutée en commission... (Commentaires.) ...et acceptée... Je peux continuer, Monsieur le député libéral ? (Commentaires.) Radical, pardon, oui... PLR ! Donc je suis choquée pour la raison suivante: il y a quinze jours, on a remis totalement en question ce qui avait été aussi décidé dans l'ancienne législature. A croire que les députés qui étaient là étaient vraiment endormis ! Ou avaient certains problèmes de compréhension ! Alors ça, je trouve que c'est d'abord insultant pour nos prédécesseurs - certains sont encore ici - et finalement, ici, pour quelle problématique ? On est là sur une régulation. Je trouve que les arguments qui sont amenés aujourd'hui par le PDC comme par l'UDC reflètent finalement le point de vue d'un employeur plutôt que celui de personnes directement concernées. Alors vu les sommes qui sont indiquées ici, vu l'ajustement informatique que cela suppose, je trouve que la décence serait au moins de renvoyer cette résolution en commission, pour qu'on puisse éventuellement s'expliquer. Mais il n'y a même pas cette décence-là ! Pour des sommes qui sont honnêtement dérisoires ! Quand on dit que le système actuel est très très bon, très bien; mais tout système doit être remis en question et peut être amélioré ! Ou alors dans quarante-cinq ans on en sera encore là à dire les mêmes choses. Je trouve que c'est fort dommage, d'autant que c'est rare qu'on arrive à des résolutions de commission assez constructives, après un travail qui a été fait vraiment dans l'analyse par notre collègue Prunella Carrard. Je trouve vraiment indécent qu'on rejette cette résolution simplement comme ça. Alors ce que je pourrais vous demander aujourd'hui, et j'espère que mes collègues socialistes seront d'accord, c'est au moins de renvoyer cette résolution en commission pour qu'on puisse la rediscuter... (Remarque.) ...plutôt que simplement décider que ce que vos collègues ont dit il y a quelques semaines était totalement non pertinent. Voilà, je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, pour une minute et dix-huit secondes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Il faut préciser que les allocations familiales plus basses du secteur agricole sont compensées par des allocations de ménage... (Remarque.) ...et des allocations pour formations spécifiques au secteur agricole, en plus des prestations accordées au niveau de la Confédération, au niveau du canton et au niveau de l'Union européenne. (Commentaires.) Etant donné que dans le secteur agricole il y a de très fortes mutations du personnel, surtout chez les saisonniers, et des changements de métiers pour certains agriculteurs en hiver, les mises à jour des dossiers de ces travailleurs engendrent des coûts administratifs et informatiques disproportionnés. Nous refuserons cette résolution. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, pas mal de choses ont déjà été dites, mais le propre d'une politique sociale est d'être cohérente. Ce parlement - je n'y étais pas - a décidé, à un moment donné, d'améliorer la situation en termes d'allocations familiales; quand on prend une décision de ce genre-là, elle s'applique à tout le monde ! C'est le principe démocratique de base. D'ailleurs, à l'époque, ce projet avait été largement soutenu, y compris d'ailleurs par le PDC qui manifestement change d'avis pour des raisons qui, pour nous, socialistes, sont incompréhensibles.

La question du financement, effectivement, se pose; il y a une proposition qui a été faite, qui peut-être soulève aussi un certain nombre de problèmes, nous le reconnaissons. Ce n'est vraisemblablement pas parfait, c'est la raison pour laquelle nous aimerions que le Conseil d'Etat face une proposition cohérente en termes de politique sociale et en termes de respect des personnes concernées. Il est vrai que tout coûte quelque chose et que l'on n'arrivera pas à solutionner cela sans un certain nombre de moyens, qu'il reste à trouver. Nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission, mais la position du parti socialiste est de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, pour qu'il fasse une proposition quant au financement de ce qui n'est que justice pour cette partie de la population. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Tout comme mon préopinant ainsi que Mme Marie-Thérèse Engelberts, je suis un peu surprise d'entendre un certain nombre d'horreurs au sein de cette salle. Je suis surprise et en même temps rassurée que tous les enfants soient à l'école, comme ça ils ne risquent pas de nous entendre - et les parents de ces derniers non plus, pour la plupart d'entre eux, puisqu'ils travaillent. Ils n'entendront donc pas parler des finances et des complications compliquées qu'on arrive à mentionner au cours de nos débats, ni que, finalement, les préoccupations financières de l'Etat l'emportent sur un principe qui est celui de l'égalité. Cela fait un certain nombre d'années, à Genève, que la règle «un enfant, une allocation» est appliquée; cette règle a ensuite été adoptée au niveau fédéral, et il s'agit, à travers cette résolution - comme l'a expliqué Mme Valiquer - d'arriver à un projet de loi, qui attend en commission le mauvais sort que vous allez donner à cette résolution pour voir s'il va être retiré. Donc cette résolution, elle demande quoi ? Elle demande au Conseil d'Etat de trouver une voie pour modifier la loi cantonale... (Brouhaha.) ...et son règlement d'application, afin que tous les enfants soient traités de la même manière. Chers collègues, au nom de quoi pouvez-vous affirmer que si on est un enfant d'agriculteur ou d'ouvrier agricole, on doit avoir moins d'allocations que si on est un enfant d'enseignant, d'employé de banque... (Commentaires.) ...ou d'assistant social ? Mais enfin, c'est d'une incohérence crasse, et là je ne comprends pas, et les Verts ne comprennent pas, le revirement du parti démocrate-chrétien... (Protestations.) ...qui défend les plus pauvres et qui met l'humain au centre; c'est un petit peu surprenant ! Mesdames et Messieurs, il y a suffisamment de difficultés dans la vie, et notre Etat social se doit de diminuer les inégalités qui règnent; au nom de l'égalité de traitement, au nom de l'égalité des chances, les Verts vous demandent donc de bien vouloir renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat qui, lui, a les moyens de trouver une voie au niveau cantonal et fédéral. Ce n'est pas dans une commission que des députés vont pouvoir trouver la solution ! Néanmoins, nous ne nous opposerons pas au renvoi si c'est le choix de la majorité. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je serai très brève puisque Mme Perler vient de faire une excellente intervention, et qu'elle a, en gros, développé les arguments que j'aurais moi-même exposés. Il en reste un, néanmoins, qui n'a pas été traité, c'est l'étonnement qu'on peut ressentir en connaissant la constitution de cette assemblée, et en sachant le nombre de personnes qui travaillent justement dans le milieu agricole et qui ont un besoin, je dirais impérieux, de main-d'oeuvre. (Commentaires.) Et les entendre expliquer que les besoins de cette main-d'oeuvre seraient moindres, comme l'a dit Mme Perlette, que ceux des fonctionnaires ou des employés... (Rires. Exclamations.) Mme Perlette ! La Perlette ! (Rires.) Mon amie, Mme Perler ! Comme l'a dit Mme Perler, donc, imaginez qu'il y a une différence entre les enfants... (Brouhaha.) ...et essayez d'imaginer comment toutes ces personnes qui travaillent dans le milieu agricole vont expliquer à leurs employés la position qu'ils sont en train de défendre tout de suite; ça, c'est un petit peu embarrassant.

Par ailleurs, il a été soulevé le problème de la concurrence: une CCT est exactement l'outil qui nous permettrait de lutter contre une concurrence déloyale. (Brouhaha.) Il semble que ce que je dis n'intéresse personne; excusez-moi, Monsieur le président, est-ce que vous voulez demander le silence ou est-ce que c'est moi qui dois me taire ?

Le président. Poursuivez, Madame, s'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.)

Mme Salika Wenger. Je vous remercie, Messieurs. Je disais donc que pour lutter contre la concurrence déloyale qui semble être une préoccupation, il suffit d'une convention collective de travail, qui réglerait un certain nombre de problèmes. Alors aujourd'hui, je crois que, comme Mme Perler l'a dit tout à l'heure, encore une fois, il est bon de renvoyer ce projet au Conseil d'Etat afin qu'il nous fasse des propositions qui soient des propositions justes pour tous les travailleurs.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Marc Falquet, pour quarante secondes.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, juste pour dire que les ouvriers agricoles, à Genève, sont très très loin d'être à plaindre ! Ils bénéficient de loyers d'environ 300 F à 400 F par mois. (Remarque.) 345 F par mois. Allez trouver un loyer à 345 F ! En général, ce sont d'excellents logements qui leur font économiser environ 1500 F à 2000 F par mois par rapport aux autres employés. Je vous garantis qu'un ouvrier agricole économise beaucoup plus d'argent par mois que n'importe lequel d'entre nous.

En plus, ils sont logés sur place, donc ils n'ont pas de frais de déplacement... (Commentaires.) ...et ils bénéficient, en général, des légumes invendus...

Mme Salika Wenger. Et en plus ils sont payés ! (Exclamations.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Marc Falquet. ...donc ce sont des gens qui sont loin d'être à plaindre ! Voilà !

Le président. Vous avez utilisé votre temps de parole, Monsieur.

M. Marc Falquet. Merci, c'est tout ce que je voulais dire. (Brouhaha.) Donc il ne faut pas les plaindre et les prendre pour des gens...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Marc Falquet. ...défavorisés, merci beaucoup.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Martine Roset pour une minute et trente secondes.

Mme Martine Roset (PDC). Merci, Monsieur le président. Je vais faire très court. On a accusé le PDC de retourner sa veste: je pense que le PDC a juste pris connaissance de certains mécanismes... (Commentaires.) ...très particuliers qui touchent les allocations familiales. Je vous cite deux exemples. Savez-vous qu'un couple dont monsieur travaille dans l'agriculture et madame dans un autre secteur touche plus d'allocations familiales que vous et moi ? (Commentaires.) Tout simplement parce que madame touche les allocations familiales genevoises normales de son secteur, et monsieur continue à toucher l'allocation de ménage ! Donc ils ont 100 F de plus par mois que n'importe quel couple genevois.

Deuxième exemple: savez-vous qu'un employé temporaire dont les deux enfants sont au Portugal touche plus que le SMIC portugais ?

Mme Salika Wenger. Et alors ? (Brouhaha. Exclamations.)

Mme Martine Roset. Voilà, ce sont des exemples très concrets qui montrent que ces mécanismes sont très particuliers, et malheureusement je pense que les membres PDC de cette commission n'en avaient pas connaissance. D'où le changement de position de notre groupe. (Commentaires. Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Madame Engelberts, il vous reste dix-sept secondes !

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Dix-sept secondes juste pour dire qu'effectivement, il n'y avait pas l'ensemble des représentants pour signer cette résolution; le PLR vient de me rappeler très aimablement qu'ils ne l'ont pas signée ainsi que l'UDC...

Le président. Merci, Madame.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...ce qui confirme les dires qui étaient les nôtres.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord bonjour. Concernant cette proposition de résolution sur les allocations familiales du secteur agricole, elle est incontestablement séduisante à priori; à priori, je le dis, car je vous soumettrai ensuite les motifs qui m'amèneront à vous suggérer de ne pas la suivre.

C'est vrai que les principes d'égalité de traitement et de justice sociale sont évidemment... (Commentaires.) ...des motifs qui parlent à tout un chacun, et c'est vrai qu'à priori, on ne comprend pas pourquoi la modification de juin 2011 de votre parlement faisant passer les allocations familiales de 200 F à 300 F pour les salariés de ce canton ne s'appliquerait pas aux ouvriers agricoles. Je rappelle que cette proposition de résolution n'est que la suite de l'interpellation urgente 1387 puis de ce projet de loi 11116, qui est actuellement gelé en commission et qui l'a été précisément à la suite des débats qui ont permis à l'ensemble des commissaires présents de constater qu'il y avait réellement une problématique - qui n'est pas niée ici - mais que celle-ci ne pouvait pas être réglée par le texte de loi qui était proposé, d'où cette résolution. Selon le résultat de cette dernière, selon les discussions en commission, il a été décidé que l'examen de ce projet de loi serait, à ce moment-là, repris. Donc la question ne sera en tout cas pas définitivement enterrée aujourd'hui si vous rejetez cette proposition de résolution.

Rappelons le cadre légal, si vous le voulez bien, parce que c'est important. Les allocations familiales ont été adoptées au niveau fédéral tout d'abord dans le domaine agricole - c'est une loi de 1952 - et il a fallu attendre un demi-siècle pour que finalement, ce principe qui avait été accordé aux travailleurs agricoles soit appliqué à l'ensemble des travailleurs de notre pays. Malgré cela, la loi sur les allocations familiales de 2006, qui est entrée en vigueur le premier janvier 2009, n'exclut pas la loi sur les allocations familiales dans le domaine agricole; c'est donc bien que notre législateur fédéral a considéré, en adoptant la loi générale sur les allocations familiales, que le secteur agricole était véritablement un secteur particulier, avec ses caractéristiques propres, qui ne pouvait pas être englobé dans l'ensemble des éléments pris en considération dans la loi générale. Genève, quant à elle, a amélioré la situation fédérale avec la loi cantonale sur les allocations familiales que vous connaissez, qui a augmenté ces dernières, comme je l'ai dit, en juin 2011, pour les faire passer à 300 F.

Alors quels sont, effectivement, les éléments particuliers de ce domaine agricole ? On vous les a exposés dans le cadre des différentes interventions, mais je pense qu'il faut le rappeler. D'abord, ce qui est identique: l'allocation de naissance de 2000 F. Les travailleurs agricoles reçoivent cette allocation de naissance. L'allocation pour enfant, en revanche, est de 200 F en lieu et place de 300 F, selon la modification adoptée par votre parlement. L'allocation de formation est également inférieure, puisqu'elle est de 400 F pour l'ensemble des travailleurs et de 250 F pour le domaine agricole. Mais dans le domaine agricole - et c'est là la grande différence - on vous l'a dit, il y a une allocation de ménage de 100 F qui est reçue par les travailleurs. Alors on vous l'a expliqué également, les cotisations sociales - qui sont de 1,9% - sont déjà de 2% dans le domaine agricole et seraient encore augmentées à moins d'un financement intégral par l'Etat, qui coûterait - cela a été estimé en commission - un demi-million la première année compte tenu des frais de mise en route, puis 400 000 F par année, ce qui, étant donné le contexte budgétaire de l'Etat, n'est évidemment pas anodin. Mais encore une fois, ce n'est pas uniquement une question d'argent parce que l'égalité de traitement implique évidemment toujours des efforts financiers de la part de la collectivité publique, et cela ne doit pas être un motif pour maintenir dans un système inégalitaire des situations qui seraient similaires. Mais ici, comme je l'ai dit, les situations ne sont pas similaires. D'abord il y a cette allocation de ménage; il faut donc dire que si vous faisiez ce qui vous est demandé, eh bien nous aurions une inégalité de traitement en sens inverse, puisque nous aurions à ce moment-là un privilège qui serait accordé aux travailleurs agricoles. Ce n'est évidemment pas le motif de la démarche ni sa finalité. Cela impliquerait de toute façon un travail complémentaire pour un rééquilibrage... (Brouhaha.) ...afin qu'il n'y ait pas d'inégalité - merci, chers collègues - entre les travailleurs agricoles et les autres, de tous les autres secteurs confondus. Ce que l'on vous a dit aussi, et je pense qu'il faut insister là-dessus - c'est d'ailleurs le motif pour lequel notre législateur fédéral avait maintenu une situation différente pour le secteur agricole - c'est que les travailleurs agricoles sont, pour la quasi-totalité, logés là où ils travaillent, avec des conditions de logement extrêmement favorables ! (Commentaires.) Vous le savez, un citadin qui a un, deux ou trois enfants doit faire face à des loyers qui sont évidemment importants; avoir un enfant dans un logement en ville coûte beaucoup plus cher que dans un logement à la campagne. (Commentaires.) Or, les travailleurs agricoles sont dans des logements la plupart du temps mis à disposition par leurs employeurs... (Brouhaha.) ...avec des conditions extrêmement avantageuses, cela ressort d'ailleurs des travaux en commission pour ceux qui y étaient. Donc c'est vrai que là aussi, il y a des prestations indirectes en nature, je dirais, dont bénéficient les travailleurs agricoles et dont les autres travailleurs ne profitent pas. Donc pour ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat considère que cette proposition de résolution ne doit pas être suivie. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi à la commission des affaires sociales. Je mets donc aux voix cette demande.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 735 à la commission des affaires sociales recueille 44 oui et 44 non. (Exclamations.)

Le président. Il y a égalité des voix; je vais trancher en faveur du renvoi en commission.

La proposition de résolution 735 est donc renvoyée à la commission des affaires sociales par 45 oui contre 44 non.