République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 mars 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 6e session - 31e séance
PL 11141-B-1 et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous passons à notre deuxième urgence, soit les PL 11141-B-1 et 11141-B-2. Nous sommes en catégorie I. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité.
M. Ronald Zacharias (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tous été informés des abus commis par les propriétaires, opérateurs ou promoteurs immobiliers souscrivant ou conservant bon nombre d'appartements en PPE au sein des zones de développement. L'affaire de La Tulette, particulièrement visible, a mis le feu aux poudres et provoqué une législation d'urgence matérialisée par le projet de loi 11141, dit loi Longchamp. Je ne veux pas me prononcer sur la raison pour laquelle ces pratiques condamnables n'ont pas été contrées plus tôt - car elles étaient largement connues du département concerné, et ce depuis de très nombreuses années, pendant lesquelles la thésaurisation non pas de quelques appartements mais de 50% à 100% du programme était la règle, du fait de quelques acteurs peu scrupuleux, pour dire le moins. J'ai bien évidemment les noms de ces promoteurs qu'on peut qualifier d'oiseaux de proie, avec le détail précis de leurs opérations depuis 2007, et il est vrai qu'il y a de quoi s'indigner. Il est cependant incontestable que dégoûté par l'ampleur du phénomène, le département, de concert avec l'office du logement, a souhaité y mettre un terme définitif. (Brouhaha.)
C'est sur la manière d'y mettre un terme que porte notre analyse critique, matérialisée au moyen de trois amendements déposés respectivement par le PDC, le PLR, l'UDC et le MCG, votés et acceptés par la majorité de la commission. Le premier concerne la qualité pour acquérir, limitée au primo-acquérant, c'est-à-dire aux personnes issues par excellence de la classe moyenne qui ne sont pas encore propriétaires d'un logement à Genève. Un seul appartement par personne physique pourra être acquis, et non pas au travers d'une personne morale, d'une société. Cela mettra un terme définitif aux abus, soit à l'accaparement de plusieurs logements sociaux - dont le prix est contrôlé - par des acteurs auxquels ces appartements ne sont pas destinés. En effet, des personnes faisant l'acquisition d'un premier logement, et pour qui cet achat constituera dans la plupart des cas l'achat de leur vie, habiteront dans ce logement, c'est évident, et avec notre amendement, elles ne pourront en acheter d'autres. Tel acheteur n'ira pas louer ailleurs alors qu'il est devenu fraîchement propriétaire, un peu de bon sens le démontre. Ainsi, nul besoin de l'obliger à occuper son appartement, car dans l'immense majorité des cas, pour ne pas dire dans tous les cas, cela aura constitué le but même de son achat. Soyons sérieux ! On ne devient pas un infréquentable opérateur immobilier ou un infâme spéculateur avec un seul logement ! Avec notre amendement, pas d'accaparement ni de thésaurisation: cela a été notre préoccupation première, mettre un terme définitif aux abus. Pour toutes ces raisons, je vous invite à accueillir favorablement notre premier amendement.
Le deuxième amendement consacre le cas précédent en supprimant l'interdiction de revente dans le cas où l'appartement aurait été offert en location ou loué. Nous le savons tous pour l'avoir vécu, les années 90, voire début 2000 ont été marquées par une crise immobilière majeure. Ce qui a véritablement sauvé les petits propriétaires et les autres à cette époque de crise, c'était précisément la faculté de pouvoir louer librement leur bien et de faire ainsi le dos rond en attendant des jours meilleurs. Cela leur a permis de ne pas devoir vendre à perte, de faire face dans l'intervalle à leurs engagements bancaires et pour certains, d'éviter la ruine. Il est donc indispensable de maintenir intacte la soupape conjoncturelle que constituent la possibilité d'une mise en location et celle de revendre son bien; le projet Longchamp la supprime. Mais il y a plus grave: en démantelant de la sorte le droit de propriété, les acquéreurs à un prix contrôlé, soit à un prix qui n'est pas très éloigné du prix libre, deviendront des demi-propriétaires. C'est dès lors l'acquisition elle-même qui pourrait être remise en cause, décourageant par voie de conséquence l'acte de construction en zone de développement.
J'ai personnellement pris connaissance il y a peu de trois projets de construction de logements sociaux pilotés par d'importantes régies de la place, tous gelés dans l'attente de la confirmation du refus du projet Longchamp. Il en va au total de plus de mille logements. Assombrir inutilement ce secteur de notre économie n'est pas souhaitable par les temps qui courent. Les oiseaux de proie doivent certes être mis en cage, mais non rôtis vifs ! Car s'ils sont embrochés, qui construira à leur place ? Je le rappelle, il ne peut s'agir que d'un seul logement par primo-acquérant, qui dans quasi tous les cas sera habité par son propriétaire. On ne va pas acheter le seul logement auquel on a droit et aller habiter ailleurs ! Ne cédons pas à l'émotion ni aux fantasmes, faisons confiance à notre raison. Je vous invite donc à accueillir favorablement le deuxième amendement.
Le troisième amendement combat l'insoutenable rétroactivité proposée par le projet Longchamp. Les adeptes de cette rétroactivité font valoir que l'esprit de la loi a été violé et exigent le retour des appartements qui auraient dû être attribués selon la loi générale sur les zones de développement. Le fait est que cette sanction n'existait pas au moment des faits. On ne pouvait donc la connaître ni se conformer à une législation qui n'existait pas encore. Au-dessus du droit, il y a la morale, à savoir notre sentiment de ce qui est juste, de ce qui est bien et de ce qui ne l'est pas. C'est cela qui doit nous guider lorsque nous légiférons. Le principe de rétroactivité ne fait pas partie de ces valeurs, car il consiste à conférer à une autorité administrative ou judiciaire la faculté de saisir un état de fait actuel et de pouvoir un jour lui appliquer une loi qui aujourd'hui n'existe pas encore. C'est la négation de l'Etat de droit et la négation de tout sentiment de sécurité juridique. Le troisième amendement tord le cou à ce principe funeste et je vous invite à l'accueillir favorablement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression, en entendant le rapporteur de majorité, que la droite va tenter ce soir de nous faire prendre les vessies pour des lanternes et fera preuve d'indignation, «ma non troppo». On peut difficilement le lui reprocher, dans la mesure où le Conseil d'Etat avait tiré le premier avec son projet de loi initial: il avait essayé de faire croire qu'en fait, la LGZD - loi générale sur les zones de développement - était un instrument destiné à faciliter l'accession à la propriété. On peut y voir une lecture arrangeante et un peu monomaniaque des travaux préparatoires qui ont donné lieu à la loi que nous connaissons actuellement. L'exposé des motifs rappelle quelques citations de Robert Ducret, l'ancien conseiller d'Etat, qui affirmait très clairement - il n'y a aucun doute là-dessus - que pour répondre aux besoins de la population en matière de logement, il fallait réaliser des appartements en location. La question du contrôle des prix de vente est arrivée plus tard pour lutter contre une dérive, celle des ventes spéculatives. Mais il n'y avait en fait aucune volonté de Robert Ducret de modifier l'économie même de la loi. C'est sous Mark Muller, en 2007, qu'une brèche a été ouverte, et qui menace aujourd'hui de faire s'écrouler tout l'édifice: c'est dans cette brèche-là que la droite veut s'engouffrer au risque de donner le coup de grâce à la politique publique du logement voulue par la LGZD.
En somme, la droite considère que pour répondre aux objectifs de la loi, il faut favoriser les logements destinés à la propriété. M. Ducret - Robert, j'entends - doit se retourner dans sa tombe. Le parti radical est en train de bazarder son héritage politique. (Vives protestations. Commentaires.) S'il vous plaît, s'il vous plaît !
Le président. S'il vous plaît !
M. Christian Dandrès. Mesdames et Messieurs les députés, si vous pouviez faire moins de bruit, ma voix est assez faible aujourd'hui !
Le président. Poursuivez, Monsieur le rapporteur.
M. Christian Dandrès. La politique qu'on tente à droite de nous vendre ce soir va aggraver plus encore les effets de la crise du logement pour l'écrasante majorité des habitants de notre canton: sur le trop faible nombre de logements qui sont construits... (Brouhaha.) Monsieur le président, il y a beaucoup de bruit, pourriez-vous sonner la cloche ?
Le président. Poursuivez, Monsieur le député. (Le président agite la cloche.)
M. Christian Dandrès. Je vous remercie. J'indiquais que sur le faible nombre de logements construits chaque année, une part trop importante est destinée à la PPE et aux villas, deux types d'objets inaccessibles à la majorité de la population. Avec ce projet de loi, on a un plébiscite de cette pratique qui risque de poser d'énormes difficultés à plus de 70% de la population qui n'a pas les moyens de se payer ces types de logements. Pour répondre à ces arguments, le rapporteur de majorité a justifié cet écart en expliquant que la PPE est une nécessité absolue pour pouvoir financer le locatif et le LUP, le logement d'utilité publique. Evidemment, tout cela est correct dans la mesure où l'on ne touche pas au dogme libéral, c'est-à-dire qu'on ne modifie pas deux autres variables des plans financiers: le premier est le montant des prix des terrains, que M. Muller avait très fortement élargi; l'autre dogme est la marge bénéficiaire des promoteurs, et qui rogne en tout cas 15% des plans financiers, sans la TVA.
Si on limitait la rente foncière et si on pouvait restreindre l'appétit des promoteurs, il serait naturellement possible de construire mieux, moins cher et pour la majorité de la population. C'est pourquoi le projet de loi Longchamp initial manque l'objet principal et, partant, il rate sa cible. Il aurait dû au contraire tenter de limiter le nombre de logements PPE en zone de développement pour développer le locatif et le logement LUP.
Il faut tout de même reconnaître deux vertus à ce projet de loi, et c'est ce qui avait conduit les socialistes à l'accepter en commission dans un premier temps: le fait, d'abord, qu'il ait dénoncé des pratiques scandaleuses que même le rapporteur de majorité reconnaît, qui consistent à contourner la loi et à engranger des plus-values importantes après la période de contrôle de l'Etat. L'autre vertu consistait dans le renvoi à la LDTR qui permettait de protéger les locataires en place et d'éviter que des derniers soient victimes des manquements du propriétaire. Cela semblait d'autant plus justifié que bon nombre de ces locataires doivent supporter des loyers qui ne correspondent pas toujours à ce qui figure dans les plans financiers. Il y avait donc quand même une certaine forme de cohérence et de sérieux dans le projet de M. Longchamp, et c'est pour cette raison que les socialistes l'avaient soutenu.
L'autre élément de cohérence, c'est que l'accession à la propriété, pour M. Longchamp, était à destination de l'habitant, et non pour favoriser des investissements et la possibilité d'obtenir des plus-values très importantes à la fin de la période de contrôle de l'Etat. Cet élément-là - et c'est quelque chose de regrettable - a pu choquer les milieux immobiliers qui ont manifestement rappelé à l'ordre leurs troupes, ce qui a amené au vaudeville qu'on a vu en janvier 2014, où le rapporteur de majorité est finalement devenu rapporteur de minorité, puis a fini par disparaître purement et simplement de la commission du logement du Grand Conseil. On poursuit aujourd'hui dans cette démarche.
Avant de conclure, j'aimerais souligner un dernier point: l'aberration des amendements acceptés par la commission, qui consistent à supprimer l'obligation d'habiter. C'est une aberration pour une simple raison: elle risque d'aboutir à l'invalidation de la loi. La droite, en effet, maintient la mesure de contrôle sur le prix de vente des terrains - c'est en somme une atteinte au droit de propriété cher à son coeur - mais elle supprime la dimension de l'intérêt public, qui est d'offrir des logements pour l'habitat. On peut difficilement considérer qu'avoir un placement sûr ou offrir des placements sûrs avec des possibilités d'importantes plus-values relève de l'intérêt public. Il y a de fortes chances que cette loi soit cassée par le Tribunal fédéral. Et je pense que cette aberration et cette incohérence expliquent pourquoi la droite a essayé de faire le grand écart en soutenant qu'elle ne voulait pas de l'obligation d'habiter, mais qu'avec le primo-accédant ou le mono-accédant, le problème serait de toute façon réglé. C'est quelque chose de paradoxal. Que la droite, avec un cynisme qu'on peut relever, ait refusé de limiter au canton de Genève le logement dont doit être propriétaire la personne qui achète en PPE...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Christian Dandrès. Je vous remercie, Monsieur le président, j'achève. ...et qu'un propriétaire puisse donc posséder cinquante immeubles à Nyon et toutefois acheter à Genève un appartement en PPE montre, je pense, tout le crédit qu'il faut apporter aux déclarations du rapporteur de majorité. J'en reste là, j'aurai l'occasion de commenter les amendements une fois que nous serons au deuxième débat, et peut-être de répondre aux questions qui pourraient alors être soulevées. (Applaudissements.)
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en Suisse, et d'autant plus à Genève, nombreux sont ceux qui souhaiteraient pouvoir devenir propriétaires de leur logement. Les milieux immobiliers nous abreuvent régulièrement de documentation nous expliquant que l'offre n'arrive pas, aujourd'hui, à répondre à la demande. Pourtant, la loi générale sur les zones de développement a pour but de répondre aux besoins prépondérants de la population. En ce sens, elle devrait également faciliter l'accès à la propriété de la classe moyenne. On l'a vu ces dernières années, ces objectifs sont bien souvent contournés, et c'est par ce projet de loi 11141 que le Conseil d'Etat souhaite mettre fin à ces déviances. On a parlé de La Tulette, un cas typique, mais la problématique est bien plus ancienne déjà: de tous les projets construits entre 2008 et 2010, plus de 50% des appartements sont actuellement loués. La Tulette n'était donc que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase d'une situation qui n'a que trop duré. Le Conseil d'Etat a proposé par conséquent d'inscrire dans la loi une disposition prévoyant que les logements destinés à la vente doivent être occupés par leurs propriétaires: quelle disposition plus simple, en effet, pour expliquer que le propriétaire d'un appartement doit y habiter s'il en est le propriétaire ? Vous dites que certaines situations exceptionnelles ne le permettent pas. Mais dans sa version précédente, la loi prévoyait de justes motifs, que ce soit en cas de séparation, de divorce ou de décès, ou même de succession.
Cette loi pourtant plébiscitée a reçu ce coup de Jarnac du 23 janvier, lorsque le projet a été renvoyé en commission, et relativement démantelé, au final, puisque cette disposition centrale de la loi a été remplacée par une autre qui dit qu'une personne physique qui n'est pas déjà propriétaire d'un logement dans le canton peut acquérir ces logements, ce qui ouvre la porte à toutes sortes d'abus. Pour nous, des moyens financiers qui permettent d'acheter un appartement, un autre au fiston et un autre à jolie-maman - qu'elle y habite ou pas n'est pas très important, c'est un placement - ne représentent pas exactement notre définition des moyens de la classe moyenne. En quoi - c'est la question que je vous pose ce soir, à vous qui avez remanié le projet - en quoi votre amendement répond mieux aujourd'hui à l'objectif de la loi qui veut permettre à un maximum de gens d'être propriétaires de leur logement ?
Un dernier point sur les travaux en commission. Nous avions prévu quatre séances pour traiter cet objet et nous n'y avons finalement consacré que deux séances. On voit que le travail a malheureusement été bâclé, puisqu'on se retrouve avec une série d'amendements qui n'avaient jamais été discutés en commission, ce qui est fort regrettable. Nous sommes maintenant saisis de huit amendements, nous allons donc refaire en plénière le débat que nous aurions dû avoir en commission. Si nous venions à nous embourber, Monsieur le président, je demanderais le renvoi en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, nous voici devant le plat de résistance de cette session. La société civile s'est largement invitée dans le débat au travers de la presse, de Léman Bleu et de la radio. Le sujet est d'importance, et c'est bien pour cela que nous avons demandé le renvoi en commission ainsi que de revoir un certain nombre de principes afférents à cette loi afin de l'améliorer. Comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur de majorité, j'estime que les améliorations sont là et qu'un certain nombre de pare-feu ont été mis en place. En premier lieu, je voudrais remercier M. le président Longchamp, et je demande au vice-président et aux membres du Conseil d'Etat ici présents de lui transmettre nos remerciements sincères pour le geste qu'il a fait... (Remarque.) ...en mettant cette loi en place. Pour nous, ce projet de loi Longchamp restera le projet de loi Longchamp... (Rires.) ...car sans lui, les scandales n'auraient pas éclaté. (Commentaires.) Laissez M. Ducret à Carouge... vivant !
Au travers de mes interpellations à la commission du logement, le groupe démocrate-chrétien a souhaité éviter le scandale, éviter la répétition d'une affaire comme La Tulette. Mais nous avons aussi voulu défendre la classe moyenne. Nous pensons que les PPE sont aujourd'hui une nécessité dans le tissu des logements mis à disposition de notre collectivité. Nous avons besoin de PPE, nous avons besoin de HM, nous avons besoin de LUP et nous avons besoin de logements libres. La mixité est la reine d'une société qui se développe en harmonie, et c'est dans ce sens que le groupe démocrate-chrétien m'a demandé d'intervenir. Je crois que les différents amendements qui vous sont proposés ce soir constituent de véritables pare-feu, que nous devons mettre en place pour éviter que de nouveaux scandales ne se produisent. Mesdames et Messieurs, je vous invite à suivre le rapport de majorité et je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a déjà fait couler beaucoup d'encre. Après le renvoi en commission le 23 janvier dernier, la commission du logement a travaillé vite et bien, car le projet de loi a été voté en deux séances; cinq semaines plus tard, il est de retour en plénière. (Remarque.) Oui, c'est magnifique, vous pouvez le dire, Madame Forster Carbonnier; mais de mon côté je ne me permets pas de vous interrompre lorsque vous prenez la parole, alors faites de même à mon égard, merci.
Le président. Poursuivez, Monsieur le député.
M. Christo Ivanov. Entrons donc dans le vif du sujet. L'opération de La Tulette a fait l'objet d'un accord entre l'Etat et le vendeur du terrain. Les prix des appartements en PPE ont été contrôlés par l'office cantonal du logement. Par conséquent, si le vendeur du terrain n'avait pas obtenu de compensation de la part de l'Etat, on n'aurait pas construit 250 logements, car le prix du mètre carré en zone de développement est plafonné à 1000 F par unité. Je m'étonne donc des propos du premier rapporteur de minorité, M. Dandrès - vous transmettrez, Monsieur le président - qui dit, je le cite: «Après le scandale de la promotion de La Tulette, il n'apparaissait pas politiquement acceptable, même pour un gouvernement de droite, de mener une politique publique en faveur de la PPE sans avoir tout d'abord fait place nette.» Je pense que ce projet de loi, d'ailleurs, va faire place nette. Dans cette affaire, pas de vendeur, donc pas de logement; donc pas de psychodrame. Le premier rapporteur de minorité persiste en indiquant, je cite encore: «Les PPE ne répondent pas au besoin de la majorité des habitants.» C'est un point de vue, mais l'UDC, au contraire, défend l'accession à la propriété pour les classes moyennes et les classes moyennes supérieures; vous, à gauche, êtes opposés quoi qu'il en soit à tout accès à la propriété, c'est donc quelque chose qui ne devrait même pas vous déranger. Ce projet de loi répond à cet objectif que nous défendons, puisque les appartements sont destinés à une personne physique qui n'est ni une personne morale, ni un portage, ni une quelconque fiduciaire, et j'en passe: il s'agira bien d'une personne physique qui n'a jamais été propriétaire d'un logement et qui pourra ainsi le devenir dans ce canton.
Le deuxième rapporteur de minorité, M. Buschbeck - vous transmettrez, Monsieur le président - indique que cette loi est la porte ouverte à toutes sortes d'abus, alors qu'il y a une période de contrôle par l'Etat de dix ans. Mais il ajoute: «Le plus inique est [...] l'absence de sanction.» Or, l'article 9 de la nouvelle loi déclare que des sanctions n'excédant pas 20% du prix total... En l'occurrence, nous allons même durcir les sanctions puisque dans les amendements qui vous seront proposés, la sanction augmentera de 20% à 50%: elle sera même aggravée. (Brouhaha.) Par conséquent, dans le projet de loi, la sanction existe et est très cohérente.
L'argument que je retiens de la minorité de la commission du logement est la problématique de la location. En effet, l'acquéreur d'un appartement ayant un coût de l'ordre de 600 000 F - prenons cette somme - devra verser 20% de fonds propres, soit 120 000 F. Il s'agit d'une personne physique et non d'une personne morale ou de tout autre montage financier. L'acquéreur a donc tout intérêt à habiter son propre appartement; par là même, le risque de location abusive est restreint, voire quasi nul. De toute façon, le risque zéro n'existe pas, et il y aura toujours la possibilité de contourner la loi.
L'UDC soutient le PL 11141 tel que sorti de la commission ainsi que les amendements qui seront présentés; notre parti en proposera un cosigné par le PLR et le MCG concernant l'article 12, alinéas 4, 5 et 6. Je vous remercie.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Le débat de ce soir, nous aurions dû l'avoir il y a de nombreuses années déjà: en effet, cela fait très longtemps que nous connaissons la situation des propriétés par étage et la manière dont elles sont vendues en zone de développement. Ce problème avait été soulevé à maintes reprises avec le conseiller d'Etat précédent, à savoir M. Mark Muller, qui avait admis que la situation était inadmissible et qu'il fallait y remédier; évidemment, il n'a rien fait, et c'est M. Longchamp qui, le premier, a eu le courage de s'attaquer à cette question. Les Verts avaient donc salué le projet de loi du Conseil d'Etat, ce projet de M. Longchamp visant à mettre fin à un scandale qui n'avait que trop duré.
Ces appartements vendus à des prix inférieurs à ceux du marché n'ont pas du tout profité à la classe moyenne à qui ils étaient pourtant destinés. Ils ont été accaparés par des promoteurs et des spéculateurs. Ils ont ainsi été vendus en catimini. Imaginez, l'aubaine était trop grande: acheter aujourd'hui à un prix inférieur pour pouvoir revendre dix ans plus tard avec des plus-values plus que confortables, puisqu'il s'agit parfois d'au-delà de 50% ! C'est scandaleux et cela détourne complètement l'esprit de la loi. Conséquence de cette façon de faire: la classe moyenne genevoise n'a pas pu acheter ces appartements, elle n'y a pas eu accès et a dû aller habiter en France voisine ou dans le canton de Vaud. (Brouhaha.)
Aujourd'hui, je suis touchée par tous ces élans d'émotion de la part de la droite, qui vient nous expliquer, la bouche en coeur, qu'on va désormais mettre fin à ce scandale et que oui, on a compris que des abus avaient eu lieu. Vous aviez l'occasion d'y mettre un terme avec le premier projet de loi de M. Longchamp qui résolvait tous ces problèmes. Ce soir, je voudrais dénoncer le bricolage qu'on nous propose: vous avez renvoyé le projet de loi en commission, vous l'avez vidé de sa substance avant qu'il ne revienne en plénière. Cependant, sentant le scandale monter et la population réagir, vous vous êtes dit: «Peut-être qu'il faudrait quand même offrir un petit cadeau à ces pauvres de la classe moyenne qui s'agitent !» Et vous venez donc aujourd'hui nous proposer de jolis amendements qui résoudront tous les problèmes. Ces amendements n'ont jamais été étudiés en commission: on n'en connaît pas exactement la portée, parce qu'évidemment il y a autant d'experts légaux que d'agents immobiliers dans cette salle, et comme chacun y va de sa petite interprétation, on ne sait pas exactement quel impact ils auront et ce qu'ils signifient. C'est donc véritablement du bricolage que nous faisons aujourd'hui, raison pour laquelle les Verts vont demander que nous votions le projet de loi initial, à savoir celui de M. Longchamp. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. le rapporteur de majorité énoncer les premier, deuxième, troisième, quatrième amendements. Quant à moi, j'aimerais partir d'un fait: il y a environ sept ou huit ans, Mesdames et Messieurs, nous étions ici, un certain nombre de députés, justement pour déclasser ce terrain de La Tulette. Ce projet nous avait été soumis avec une densité de 1,2, comme on le ferait dans de telles zones si c'était à Onex, à Vernier, etc. Puis, s'agissant de La Tulette, des députés représentant une certaine caste de cette république ont décidé, à la demande de la commune - celle-là même qui a demandé hier justement la suppression de sa fondation de droit public pour la construction et la gestion de logements, parce qu'elle ne construisait plus de logements - de réduire cette densité à 0,8. On a déjà là un scandale: il y a des zones à Genève où l'on densifie - là où c'est populeux - et d'autres réservées où l'on «dé-densifie»; c'était La Tulette, Mesdames et Messieurs.
La question est grave, Monsieur le rapporteur de majorité: ces terrains, à l'époque, en zone de développement, étaient à 600 F le mètre carré afin qu'on puisse y construire du logement social. Pour l'Etat, effectivement, il fallait déclasser ces terrains pour en faire des zones de développement à 600 F le mètre carré. Afin de faire plaisir à une certaine catégorie de promoteurs de ce canton, M. Muller a décidé de relever le prix à 1000 F le mètre carré, parce que sinon, on ne contrôlait pas. 1000 F au mètre carré, soit: c'est déjà la limite pour faire du logement social. Mais s'agissant de la construction de PPE sur du terrain à 1000 F le mètre carré, nous pensions, je pensais que ces appartements iraient à des familles, à de jeunes familles, à de jeunes couples qui s'installent et qui veulent ha-bi-ter dans leur bien ! Personnellement, je croyais que quand on achète un appartement, Monsieur le conseiller d'Etat, Monsieur le président - merci pour votre projet ! - c'était pour y habiter ! Or, que nous dit le rapporteur de majorité ? «C'est infect, infect, Mesdames et Messieurs, d'acheter un appartement à 1000 F le mètre carré et de ne pas pouvoir le vendre ensuite !» C'est-à-dire que c'est infect, n'est-ce pas, que l'Etat mette à disposition des terrains à bas prix pour que la classe moyenne et les jeunes qui veulent s'acheter un appartement puissent y loger et qu'ils ne puissent pas le revendre ensuite. Mais l'objectif, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas de le revendre ! C'est que les gens puissent y habiter, parce que pour la spéculation, il y a d'autres lieux, Monsieur ! Vous n'avez donc pas à déposer un amendement pareil, vous n'avez qu'à vous satisfaire du projet de loi de M. Longchamp. (Brouhaha.)
Cela dit, Mesdames et Messieurs, j'étais l'autre soir devant la télévision et je voyais le président du parti libéral-radical, Alain-Dominique Mauris. Je m'attendais à un débat très dur. Quelle ne fut pas ma surprise - parce que M. Mauris est quelqu'un que je respecte énormément, c'est un homme de valeurs: quand j'ai siégé ici par le passé, nous avons toujours eu des débats très respectueux. (Brouhaha.) Et le président du PLR nous affirme solennellement: «Le parti libéral-radical soutient le projet de loi de son magistrat, M. Longchamp.» Là, je me suis dit qu'il y avait tout de même un problème ! Le président du parti, le PLR soutiennent leur magistrat et le projet de loi, et un quarteron de députés... (Rires.) ...ou je ne sais pas, ou plus, de sa majorité bombardent le projet ou l'émasculent totalement... Avouez que cette république est quand même un peu bizarre, ou je ne comprends plus rien ! Je me suis demandé si le président allait demander aux députés du parti de revenir là-dessus. Réponse des députés: «Oui, nous allons présenter des amendements qui vont en effet revenir là-dessus.» Or, les amendements que vous proposez aujourd'hui n'ont rien à voir avec ce but, Monsieur, ils ne reviennent pas au projet de M. Longchamp, au contraire ! Vous passez outre le contrôle et permettez d'abord que papi n'achète pas d'appartement parce qu'il en a peut-être d'autres, mais que le premier, le deuxième ou le cinquième enfant puisse acheter un appartement. Bravo, alors ! Vous nous prenez pour des cons, ou quoi ? Je m'excuse pour le terme, mais c'est comme ça ! Non, ce n'est pas juste.
Deuxièmement, Mesdames et Messieurs, vous le savez, dans ce canton, le revenu médian - celui de 70% à 80% de la population - se situe entre et 60 000 F et 70 000 F par personne. Voyez-vous, pour s'acheter un bien immobilier aujourd'hui à Genève, il faut mettre au moins 200 000 balles sur la table, en fonds propres ! Et la suite ! Effectivement, Mesdames et Messieurs, si les classes moyennes n'ont pas la possibilité d'acheter un bien en PPE dans ce cadre-là, à 1000 F le mètre carré, mais comment vont-elles accéder au logement ? Imaginez que l'Etat, voyant par exemple qu'il y a un problème avec les aliments, décide de créer pour les citoyens un magasin vendant des denrées à prix réduit. Imaginez maintenant que là-dessus, une caste de citoyens décide: «Attendez, attendez, nous, on va aller dans ce magasin avant qu'il soit ouvert !» Ils vont au magasin, s'approprient une partie de la marchandise et laissent le reste aux autres. C'est très gentil ! Eh bien, c'est exactement ce qui s'est passé là. Et j'ajoute une chose, Mesdames et Messieurs: quand des gens veulent habiter des HLM ou des HBM qui sont construits dans les zones de développement, ils s'inscrivent sur une liste. A l'office du logement ou dans les fondations, il y a des critères ! Le revenu, la personne, le moment de l'inscription... L'ouverture de la liste est publique. En l'occurrence, dans ce cas, avant même que les citoyens et les citoyennes aient pu avoir connaissance de ces appartements, avant même qu'ils aient pu aller s'inscrire, une certaine caste composée de l'élite de cette république...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. Je reviendrai après, de toute façon, donc vous pouvez y aller ! (Rires. Commentaires.)
Une voix. C'est une menace !
M. Alberto Velasco. Une certaine caste s'est approprié, comme ça, ces appartements, alors que la logique eût été qu'effectivement ces appartements construits pour la classe moyenne, à 1000 F le mètre carré - 1000 F le mètre carré ! normalement c'est 3000 F ! - soient ouverts à une liste avec des priorités. (Brouhaha.)
Le président. Il vous faut conclure.
M. Alberto Velasco. Je souhaiterais, de la part de mes collègues du PLR, franchement, que vous retiriez vos amendements et que l'on revienne au projet de loi de votre conseiller d'Etat, président du gouvernement, M. Longchamp...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Alberto Velasco. ...avec l'amendement présenté par mon collègue Dandrès et moi. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Oui, pas de problème. La parole est à M. le député Vincent Maitre.
M. Vincent Maitre (PDC). Je vous remercie, Monsieur le président. En préambule, j'aimerais m'associer aux paroles de mon collègue Olivier Cerutti à l'attention du président du Conseil d'Etat, non seulement pour le féliciter, mais aussi pour le remercier d'avoir lancé ce débat et permis de mettre un terme - nous l'espérons - à tous les abus qui ont pu être commis en matière de spéculation immobilière, pour appeler un chat un chat.
Si aujourd'hui le projet de loi a été quelque peu modifié dans son principe - principe qu'on a rappelé, celui du primo-accédant - ce n'est pas simplement pour le plaisir et le bonheur de retourner en commission et de farfouiller, de triturer un projet de loi afin d'en changer le but; bien au contraire, par définition, lorsque ce parlement, comme n'importe quel autre, vote une loi, la moindre des choses est que cette loi soit applicable, concrètement et facilement, sans qu'on ait à engager des moyens disproportionnés pour ce faire.
Or, c'était peut-être l'une des faiblesses du projet de loi initial, qui impliquait un contrôle probablement démesuré, puisque le principe de base qu'on voulait inscrire dans la loi - l'obligation d'habiter son logement - était, dans les faits, très difficilement réalisable: cela aurait notamment impliqué des moyens considérables en effectifs et en argent pour vérifier si un propriétaire habite réellement son logement ou non.
Le grand avantage de ce projet de loi tel qu'il ressort de commission et tel qu'il a été amendé est que le contrôle est largement facilité, qu'il est pragmatique et n'implique aucun coût supplémentaire, puisqu'il s'agira, avec le principe du primo-accédant, tout simplement, d'effectuer une brève recherche au registre foncier pour déterminer si un acquéreur est déjà propriétaire d'un bien dans le canton. C'est pourquoi ce principe de base, tel qu'il ressort des travaux de la commission, nous paraît bien meilleur et plus avantageux pour arriver au but attendu de la loi. (Brouhaha.)
Le projet de loi initial nous paraissait, je le disais - en plus de son applicabilité rendue plus difficile - discutable quant à sa conformité au droit fédéral. Pourquoi ? Parce que notre code civil, qui est la norme fédérale cadre, prévoit que la propriété est constituée de trois piliers fondamentaux: le droit d'usage, le droit de jouissance et le droit de disposition. Le droit de jouissance implique tout simplement de pouvoir percevoir les fruits de son bien et donc de le louer. Or, le fait de dénaturer, comme le voulait le principe initial, c'est-à-dire d'obliger le propriétaire à habiter son bien, et donc de l'amputer de son droit de jouissance, nous paraissait potentiellement contraire à la norme de droit fédéral à laquelle je viens de faire référence. Il en est d'ailleurs de jurisprudence constante, puisque cette thématique a fait l'objet de trois arrêts du Tribunal fédéral relativement anciens qui n'ont pas bougé depuis lors, lesquels ont été appuyés par la doctrine juridique majoritaire, qui découle de l'article 26 de la Constitution: selon la doctrine, lorsqu'une restriction émane d'un canton en matière de propriété, elle ne doit ni éluder des règles du droit civil, ni en violer la lettre ou l'esprit. Nous estimions possible qu'avec le principe de l'obligation d'habiter son logement, nous nous retrouvions face à une élusion, voire à un détournement des garanties primaires de la propriété. (Brouhaha.)
Enfin, il me paraît nécessaire de parler quelque peu des amendements déposés. Vous le constaterez tous au vu du rapport de majorité, il est, je crois, ou il était du moins communément admis que ce projet de loi va plus loin que le projet initial. A la lecture du rapport de majorité, M. le conseiller d'Etat Hodgers y a d'ailleurs consenti. Il va plus loin, parce qu'il limite toute forme d'élusion de la loi, notamment en introduisant les fameuses proscriptions des droits d'emption, de réméré et des possibilités d'acquérir des logements à titre fiduciaire. (Brouhaha.) Ainsi, les propriétaires que l'on pourrait prétendre spéculateurs n'auraient plus la possibilité de récupérer un bien au-delà de la période de protection pour en tirer les bénéfices d'une plus-value juteuse.
Ce projet de loi, comme je l'ai dit, va donc plus loin, il est plus concret, plus facile à appliquer, et je crois qu'il est utile de préciser ici - même si cela ne fait pas l'objet d'amendements particuliers - qu'à l'article 5, comme vous le constaterez, un certain nombre d'exceptions sont prévues. Mon propos va dans l'esprit de dire qu'il n'était pas possible de prévoir toutes les exceptions dans la loi; en revanche, pour le Mémorial - parce qu'il est à peu près certain que des juristes, dans des cas concrets, auront à se référer au Mémorial pour bien retenir l'esprit de la loi - il y a des exceptions qui, je le disais, n'ont pas pu être inscrites. Je prends par exemple les cas de succession, en particulier de propriétaires qui seraient devenus nu-propriétaires par succession, c'est-à-dire ceux qui ont acquis par succession un bien immobilier, qu'ils ne peuvent pas habiter et dont ils ne peuvent pas jouir, parce que ce bien est grevé d'un usufruit: ces gens-là devront...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Vincent Maitre. Bien sûr ! ...devront pouvoir acquérir un bien en PPE en qualité de primo-accédants, et cela ne ferait pas d'eux d'affreux spéculateurs ou de riches propriétaires qu'il faudrait viser du doigt. Je terminerai mon propos en réagissant à une remarque du deuxième rapporteur de minorité, qui, en gros, reprochait à la majorité un travail bâclé, exécuté à la va-vite...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Vincent Maitre. Je conclus tout de suite. ...alors que ce rapporteur de minorité est issu de ces mêmes bancs qui, lors de la dernière session du Grand Conseil, reprochaient précisément à cette majorité de vouloir enterrer le projet, de vouloir le faire traîner en commission et de vouloir qu'il meure...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Vincent Maitre. ...de sa belle mort. Alors, Monsieur Buschbeck, vous m'excuserez, mais je crois qu'on ne peut pas d'une session à l'autre dire tout et son contraire...
Le président. Monsieur, c'est terminé, s'il vous plaît.
M. Vincent Maitre. ...en reprochant tout et son contraire... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Je salue à la tribune notre ancienne collègue, Mme Fabienne Gautier. (Applaudissements.) La parole est à M. le député Rémy Pagani.
Une voix. Ah !
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, je me souviens d'il y a cinq ans, pour avoir écouté les déclarations de M. Mark Muller et de cet hémicycle: on proposait la paix du logement en disant qu'on allait construire des logements en PPE, destinés à la vente; cela devait libérer un certain nombre de biens en location et permettre aux ouvriers, aux employés, aux salariés, de se loger dans de meilleures conditions. Parallèlement à cela, il était proposé de construire 15% de LUP, selon la loi de Mark Muller. Tout le monde sauf l'ASLOCA avait signé au bas de cet accord qui promettait des jours heureux aux demandeurs de logements.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, on en est à la situation suivante: nous avons péniblement construit 1200 logements; ces quatre dernières années, sur ces 1200 logements, en moyenne - et encore, je suis au haut de la fourchette - il y a eu 60% de PPE. Sur ces 60% de PPE, on nous dit que 50% de ces appartements à vendre sont détenus, accaparés par un certain nombre de profiteurs, de spéculateurs qui, contrairement à la volonté de ce parlement il y a trente ans, utilise la zone de développement pour se faire... euh...
Une voix. Des couilles en or !
M. Rémy Pagani. Voilà, c'est ça ! (Rires.) De l'autre côté, s'agissant des LUP qu'on nous promettait, c'est tout juste si on construit aujourd'hui 1% de logements HBM. Et ces logements HBM, où se trouvent-ils, figurez-vous ? En ville de Genève, et nulle part ailleurs, nulle part ailleurs, Mesdames et Messieurs ! Si j'étais l'un ou l'autre de ceux qui ont proposé ce compromis - même si l'un d'entre eux est parti - je démissionnerais immédiatement, parce que la politique que j'aurais alors instituée, que j'aurais proposée, aurait complètement échoué, Mesdames et Messieurs. C'est aujourd'hui la conclusion qu'on peut tirer. Certains auront beau dire maintenant: «On va remettre de l'ordre, vous allez voir, demain, les jours seront meilleurs pour la classe moyenne !» Parce que tout le monde parle de la classe moyenne; mais est-ce que cette classe, dans la situation actuelle - avec un revenu de 60 000 F à 70 000 F, puisque les gens gagnent ces revenus-là en moyenne - va pouvoir se payer des logements à deux millions et demi hors zone de développement, et puis, avec tout le traficotage que vous nous proposez, allez, soyons généreux, à un million et demi ?
Cette politique, Mesdames et Messieurs, doit être inversée, et d'ailleurs, nos anciens l'avaient compris, puisqu'ils avaient inversé le rapport que vous avez transformé: ils disaient qu'il faut construire des logements locatifs qui correspondent aux besoins de la population. Ils avaient même mis sur pied un système de HLM qui vaut ce qu'il vaut, qui valait ce qu'il valait, mais qui permettait au moins aux jeunes couples de pouvoir accéder à un logement locatif, puis, au fur et à mesure que la subvention baissait, de pouvoir accéder au prix du logement, parce que de tout temps, le logement a coûté cher; et évidemment, pour y faire accéder une majorité de la population, il s'agit de mettre en place une politique réelle du logement: construire du logement, aider les promoteurs à en construire, et non de la PPE. Il faut inverser le rapport, et c'est là le fondement de la nouvelle politique que nous entendons défendre.
Cela étant, par rapport à ce projet de loi, bien évidemment, notre groupe soutiendra son état initial, qui vise à mettre un peu d'ordre. (Brouhaha.) Mais il ne faut pas se faire d'illusions: les promoteurs qui vont construire ou qui ont construit, qui sont aujourd'hui propriétaires de logements en PPE, vont-ils les vendre dans les conditions dans lesquelles ils seront mis sur le marché, dans les conditions qu'on va leur faire, dans les conditions du débat final de ce soir ? Je ne pense pas, il y a un certain nombre de promoteurs, d'ailleurs, qui n'ont jamais vendu leurs logements en PPE. Ils vont les garder, et c'est eux qui vont se faire... un large bénéfice dans dix ans, après les avoir loués pendant dix ans: au bout de cette période, ils feront les plus-values escomptées.
Ainsi, Mesdames et Messieurs, tant du point de vue du fond de la politique qui a été instaurée par votre majorité de droite, par le gouvernement de droite dont certains sont encore présents ici, que du point de vue de la prétendue paix du logement, cette politique-là a fait faillite, et il faut le dire ! Et du point de vue de la régulation que vous proposez, il y a un certain nombre de problèmes qui subsisteront de toute façon, que vous ne pourrez pas régler, dans la mesure où vous ne pourrez pas... A moins qu'il y ait un amendement - j'ai vu qu'il y en avait un - qui force les promoteurs à vendre leur appartement dans les conditions de la troisième zone de développement et dans les conditions qui sortiront de cette discussion, à moins qu'on ne fasse cela, je ne vois pas comment on peut sortir de cette ornière. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai par dire que le MCG entend combattre les quelques profiteurs qu'il y a dans le canton de Genève, qui ont, c'est vrai, pendant trop longtemps, bloqué toute forme d'accession à la propriété pour le plus grand nombre de citoyens. Et je crois, sans trop m'avancer et sans me faire le porte-parole des cent députés, je crois que tous les groupes et tous les députés sont d'accord avec ce constat.
Il n'en demeure pas moins vrai, Mesdames et Messieurs, que les remèdes à appliquer au secteur immobilier à Genève sont divers et variés, et qu'ils sont de l'homéopathie ou des antibiotiques de cheval selon la tendance par laquelle ils sont présentés. Je tiens à vous le dire, Mesdames et Messieurs de la gauche: vous parlez du scandale de cette nouvelle loi, des amendements, de la méchante droite. Je ne me sens pas visé, car comme nous ne sommes ni à droite ni à gauche... (Exclamations. Hilarité.) ...je pense que vous nous avez oubliés dans l'équation. Vous venez dire que ce n'est pas normal, que cela ne fonctionne pas. Mais je vais vous dire aujourd'hui qui sont les vrais flibustiers de cette république et qui empêche M. et Mme Alvarez - je m'empresse de dire: nom fictif - des Eaux-Vives... (Commentaires.) ...d'acquérir leur logement. Je prends cet exemple volontairement. Eux qui gagnent modestement leur vie, habitent dans un HLM ou même en loyer libre, eh bien, ils ne peuvent pas acheter leur logement, parce que les vrais pirates de cette république, le vrai scandale de cette république, c'est la LDTR, Mesdames et Messieurs, et je vous le dis en vous regardant dans les yeux, c'est bien vous qui entretenez cette pression sur les pauvres locataires que vous avez pris en otage... (Protestations.) ...qui jamais, jamais ne pourront acheter leur logement ! Parce que M. Alvarez, qui est ouvrier et qui gagne 5000 F par mois, et sa femme qui gagne 4500 F, ils pourraient acheter leur logement, parce qu'ils paient 2200 F pour un quatre pièces...
Le président. Monsieur Stauffer, doucement !
M. Eric Stauffer. ...alors que s'ils l'achetaient, ils pourraient le payer 1200 F ! Et vous le savez, Mesdames et Messieurs !
Une voix. Bravo !
M. Eric Stauffer. Et c'est bien là que se trouve le problème dans cette république ! Alors je vous le dis: les vrais pirates, c'est la gauche, c'est vous qui entretenez cette situation parce que vous avez une machine électorale qui s'appelle l'ASLOCA. Eh bien la parole du MCG ce soir, c'est qu'avant la fin de cette législature, nous tuerons la LDTR qui a pris en otage la population genevoise et nous donnerons à M. et à Mme Alvarez, des Eaux-Vives, qui gagnent modestement leur vie, la possibilité d'acheter leur logement et de léguer quelque chose à leurs enfants, et non de nourrir les bancs de la gauche comme vous êtes en train de le faire avec le maintien de cette loi. (Protestations.) Maintenant, je dirai, Mesdames et Messieurs... (Remarque.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Mais bien sûr, Monsieur Vanek, adressez-vous au président et surtout demandez la parole ! (Commentaires. Brouhaha.) Parce que votre colistier, M. le magistrat de la Ville de Genève, qui vient dénoncer les promoteurs de La Tulette - et je ne les porte pas dans mon coeur non plus - oublie de vous dire qu'il a accepté des mêmes promoteurs de La Tulette un don d'un demi-million pour finir son skatepark ! (Applaudissements. Commentaires.) Eh oui, vous vous en expliquerez, Monsieur Pagani, parce qu'on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre, la crémerie et le pré qui va avec ! (Commentaires. Brouhaha.)
Alors, Mesdames et Messieurs, moi, je vous le dis une fois encore: le projet de loi qui aujourd'hui est amendé par la commission, par la majorité de ce parlement, et les amendements présentés, donnent les cautèles pour combattre les profiteurs, permettre l'accession à la propriété au plus grand nombre, et ça, c'est un bien pour la république. Je vous demande... et de toute façon vous ne l'ignorez pas, Mesdames et Messieurs, parce qu'à part faire du cinéma ce soir, les dés sont déjà jetés, et vous savez très bien que le bon sens l'emportera avec ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). S'agissant du marché de la propriété immobilière dans notre canton, il y a hélas beaucoup d'appelés mais peu d'élus. (Brouhaha.) Car le problème principal est le financement de l'appartement en PPE, même à des prix au mètre carré contrôlés par l'Etat, prix situés en dessous du marché libre. Deux critères doivent être remplis, soit 20% de fonds propres calculés sur le prix d'achat pour une construction neuve - c'est la condition la plus facile à remplir - mais il faut aussi que le ou les revenus des clients soient trois fois plus élevés que le montant total formé par les intérêts calculés à 5% voire 5,5% par la banque ou la compagnie d'assurance; montant total auquel on doit ajouter un amortissement de 1% à 2%, auquel on ajoute encore une prime d'assurance risque décès pour couvrir l'hypothèque au deuxième rang entre 65% et 80% du prix de l'objet. A la fin du compte, être propriétaire coûte tout de même cher... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...même si on dispose du minimum de fonds propres exigé. Les coûts cités doivent pouvoir être supportés durant plus de trente ans, voire cinquante ans, avec un amortissement de 2%. Cela veut dire qu'être propriétaire incite d'une part à ne pas devoir subir les affres d'une période de chômage de plus de six mois, et d'autre part à ne pas divorcer si les revenus sont calculés sur les deux têtes. Si on considère qu'un couple sur deux divorce, vous comprendrez bien qu'on puisse se demander s'il y a assez d'acheteurs potentiels dans le canton pour acquérir des appartements en propriété par étage.
Le calcul du député Dandrès, aux pages 15 et 16 du rapport sur le projet de loi, n'est pas tout à fait exact comparé à la réalité, car il prévoit un taux d'intérêt de 2,75%, ce qui est admis actuellement, mais avant de donner son accord pour octroyer le ou les prêts hypothécaires, la banque ou la compagnie d'assurance appliquera un taux de 5% au minimum - je vais l'expliquer tout à l'heure - pour tenir compte de son risque. En effet, les taux d'intérêt peuvent augmenter durant les prochaines décennies; le client pourrait alors avoir des problèmes, même dans le cas d'un taux fixe, à son échéance. C'est là que le bât blesse, Mesdames et Messieurs les députés. Je me suis permis de reprendre les chiffres de M. Dandrès dans son exemple. J'ai fait le calcul des charges incombant à un propriétaire et du salaire qu'il doit percevoir pour convaincre la banque de lui accorder un prêt hypothécaire. Mais la réalité est tout autre, par rapport au calcul de M. Dandrès qui arrive à des charges annuelles de 29 725 F.
La banque va faire le calcul suivant pour un appartement d'un prix de 782 255 F, soit ce qu'on pourrait trouver éventuellement à La Tulette, 85 m2 pour un couple avec des enfants - il ne spécifie pas le nombre d'enfants, mais le mot est au pluriel, il y en a donc au moins deux. L'appartement est relativement petit. Les fonds propres sont de 156 000 F. Prêt hypothécaire: 625 804 F à 5,25%, soit 32 854 F, ce qui couvre aussi la hausse des taux d'intérêt; c'est là que réside le risque de la banque. Amortissement: 2% sur 625 804 F, 12 516 F; 1% des charges du propriétaire sur le prix d'achat - c'est ce qu'applique la banque - 7822 F; et pour mémoire, l'assurance risque décès pour couvrir la deuxième hypothèque au cas où l'un des deux conjoints devait casser sa pipe. Les charges totales annuelles sont donc de 53 000 F. Le couple, Mesdames et Messieurs, doit gagner 160 000 F par année, ou 13 300 F par mois, pour être propriétaire ! Selon les chiffres de l'OCSTAT, seules 36 000 personnes ont un revenu supérieur à 160 000 F dans notre canton, soit 14% des contribuables que l'on peut comparer aux 18% de propriétaires qui occupent leur logement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Comme vous pouvez le constater, le potentiel d'acheteurs de PPE à Genève est donc limité et cela peut être la raison pour laquelle les notaires, les promoteurs, les avocats, les employés de banque ou d'assurance s'arrogent les appartements en zone de développement, car il manque de candidats pouvant devenir propriétaires. En d'autres termes, on pourrait dire que pour devenir propriétaire, il est nécessaire de naître dans un bon lit ou d'avoir une profession avec un revenu confortable. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) S'il vous plaît, un peu de silence ! La parole est à M. le député Roger Deneys.
Une voix. Ah !
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, je crois que ce projet de loi est révélateur d'un grand malaise qui règne dans cette république, et la manière dont le débat s'est déroulé depuis le premier renvoi en commission l'illustre parfaitement, à mon avis. On a aujourd'hui un rapport avec un rapporteur de majorité actif dans les milieux immobiliers; on a des intervenants du côté du PLR qui sont aussi, ma foi, pour certains d'entre eux, actifs dans l'immobilier... (Remarque.) ...notamment à la Chambre genevoise immobilière; un article est paru dans un journal intitulé «Tout l'immobilier» évoquant les liens de l'ancien conseiller d'Etat Pierre-François Unger avec la société Vertical Holding justement impliquée dans le dossier de La Tulette; dans le même journal, on apprend aussi l'avis de M. Genecand, qui se félicite de la nouvelle mouture du projet de loi; j'aimerais encore ajouter que M. Stauffer a été actif dans l'immobilier il y a quelques années et que d'autres, semble-t-il, qui étaient dans cette salle lors du premier vote, sont peut-être propriétaires ou ont signé des promesses de vente pour des appartements à La Tulette. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que cette question de liens d'intérêts particuliers, économiques, est fondamentalement problématique... (Remarque.) ...pour un parlement qui ne représente plus la population mais des intérêts privés, privilégiés au détriment de tous les autres. Avec le débat de ce soir, on a pour moi l'illustration parfaite de ce conflit d'intérêts dans les amendements justement cosignés par le PLR, le PDC et le MCG, l'alliance sacrée des milieux privilégiés, l'alliance sacrée des promoteurs contre tous les autres, contre la classe moyenne. (Commentaires.)
J'ai apprécié que M. Zacharias dise qu'il faut préserver les oiseaux de proie. Comme ornithologue amateur, j'y suis évidemment sensible, mais s'il faut évidemment faire attention aux oiseaux de proie, je dirais qu'il faut éviter que tous les autres, tous les pigeons locataires et membres de la classe moyenne ne soient grillés et définitivement rayés de la carte à Genève. Car c'est bien cela le problème aujourd'hui: ce projet de loi n'a qu'un but, celui de maintenir les privilèges de certains qui ont abusé du système et qui veulent continuer de pouvoir le faire - mais évidemment, en donnant le change... Parce que ce serait trop simple de dire: «Nous refusons de nous occuper de ce problème, nous n'en sommes pas conscients !» D'ailleurs, je crois que M. Stauffer a bien expliqué le malaise, au fond, qu'il y a dans son parti: le soi-disant défenseur des citoyens genevois attaque la LDTR votée par le peuple ! Il faudrait savoir: les citoyens ont voulu cette loi, les citoyens genevois ont voulu des contrôles supplémentaires et en général, quand les milieux de défense des locataires déposent des textes, ils sont soutenus par la population genevoise ! Je crois qu'il faut en être conscient, c'est le résultat d'un malaise et des abus des milieux immobiliers qui ne cessent pas à ce jour.
Prenons un exemple. Les Cherpines sont l'un des périmètres déclassés récemment, sur les communes de Plan-les-Ouates et de Confignon. Le Conseil municipal de Plan-les-Ouates a décidé dernièrement d'exercer son droit de préemption pour une parcelle, ce que ne fait pas le canton, et c'est très regrettable. En zone de développement - c'est de la zone agricole - le prix du terrain est de 10 F le mètre carré. Pour un promoteur qui va construire, le terrain va être racheté 400 F à son propriétaire actuel. La bascule des prix est déjà importante: cela représente quarante fois la valeur initiale du terrain rien que pour le promoteur, avant même de vendre. Eh bien je vais vous dire: si c'est en zone de développement 3, avec des prix prétendument contrôlés, et prétendument sans spéculation possible, j'aimerais bien savoir pourquoi les promoteurs immobiliers font recours quand la commune exerce son droit de préemption ! Pourquoi ? Je vais vous le dire: c'est certainement parce que malgré les contrôles, ils savent que s'ils sont eux-mêmes propriétaires, ils vont pouvoir gagner encore plus, spéculer plus, parce qu'une durée de contrôle de dix ans est tout simplement insignifiante et pas crédible quand on connaît la durée de vie d'un bien immobilier. Ce n'est pas du tout crédible: on voit que les prix explosent à Genève, ne serait-ce que parce qu'on attire toujours plus de personnes avec des moyens.
Mesdames et Messieurs, je crois que le point de départ du projet de loi dont nous discutons est problématique, parce qu'il ne vise pas à répondre aux besoins de la population genevoise, mais à défendre des intérêts de privilégiés: les promoteurs. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont proposé des amendements; mais il faut être bien clair: en réalité, si ce travail avait été fait sérieusement par la droite et si ses intentions étaient si louables que cela, les amendements n'auraient pas été déposés hier en séance plénière, mais en commission, pour y être étudiés sérieusement, avec le point de vue du département, et non en catimini, et en plus sans la retransmission sur Léman Bleu, ce qui arrange certainement une partie des députés. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, pour toutes ces raisons, les socialistes demandent le retour au projet de loi initial afin éviter ces magouilles et cette spéculation. (Applaudissements.)
M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, je ne veux pas entrer dans les détails techniques de ce projet. Tout a été dit, rien n'a été dit. Je compte sur mon collègue Ronald Zacharias pour nous donner des détails. Pour ma part, je pense qu'aujourd'hui, le débat est fondamentalement un débat de société. (Brouhaha.) Voulons-nous, oui ou non, passer d'une société de locataires à une société de propriétaires ?
Une voix. Non !
M. Carlos Medeiros. C'est ça, la question. Regardez, on vient d'entendre la réponse ! Mon collègue Eric a dit à M. Vanek - vous transmettrez, Monsieur le président - que son fonds de commerce est l'ASLOCA, etc. Vous êtes pratiquement tous là-dedans, d'une façon ou d'une autre, secrétaire, secrétaire romand, national, permanent... (Rires.) Vous-même, Monsieur Vanek - vous transmettrez - vous êtes un syndicaliste professionnel, vous gagnez votre argent dans la politique... (Commentaires.) ...et vous venez de dire à l'instant: «Non, nous ne voulons pas d'un peuple de propriétaires.» C'est justement le débat de ce soir, un débat de société. Est-ce que oui ou non, pour une fois, nous voulons une société où - pourquoi pas ? - deviennent propriétaires de leur logement ceux qui le peuvent, ceux qui ont les moyens, voire ceux qui pourront l'être grâce à des structures ou des lois de l'Etat ? Bien. (Brouhaha.)
Nous sommes confrontés à un petit quarteron de spéculateurs, mais dans tous les métiers, on a des brebis galeuses. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous ne pouvez jamais faire une loi, une loi absolue... (Brouhaha.) ...qui va couvrir entièrement n'importe quel sujet, que ce soit l'immobilier ou un autre secteur; vous ne pourrez jamais créer une loi qui va couvrir tous les tricheurs, voire des gens qui vont magouiller, voire des gens comme ceux ayant agi dans le cas de ce projet tristement célèbre que tout le monde cite comme exemple - et je tiens quand même à vous dire que dans ce cas-là, les gens n'étaient pas dans l'illégalité, il ne faut pas dire n'importe quoi: ils ont profité des failles du système pour faire cela... (Remarque.) ...mais ce n'est pas illégal. Certes, vous n'êtes pas d'accord, moi je ne suis pas d'accord, personne n'est d'accord, mais ce n'est pas de l'illégalité, ils étaient dans leur bon droit. Maintenant, nous avons compris que cette loi avait des failles et nous sommes tous ici pour essayer d'y remédier. Mais attention: moi, je ne veux pas vivre dans une société socialo-communiste où tout le monde habite dans des HLM pourris, où personne ne pourra profiter un jour de l'ascenseur social - et je suis bien placé pour parler ainsi.
Il y a quelques chiffres que j'aimerais rappeler. Nous sommes toujours dans une logique où les promoteurs sont tous des voyous, les riches, il faut les mettre dehors, il faut les étrangler. Mais Mesdames et Messieurs, soyons vraiment concis, soyons factuels: aujourd'hui, dans le canton de Genève, 5% de la population - écoutez bien ce chiffre - paie 50% d'impôts; 5% paie 50% d'impôts ! (Brouhaha.) Or, contrairement aux députés des bancs d'en face qui éprouvent de la haine contre les riches, nous, au MCG, nous ne sommes pas contre les riches, nous sommes contre la pauvreté. (Commentaires.) Notre problème, ce ne sont pas les riches, mais les pauvres. Nous voulons des lois qui profitent au plus grand nombre, mais dans la logique d'une société économiquement forte, pour une politique sociale efficace. Le problème est là: c'est que la classe moyenne en a marre, à un moment donné. Ça ne peut pas être toujours elle qui paie ! 5% paient donc 50% de la charge fiscale; et vous savez combien ne paient rien, zéro impôt ? 40% de nos concitoyens ! 40% des citoyens de ce canton ne paient pas d'impôts. Pourquoi ? Mères célibataires, foyers fiscalement démunis... Je n'entre pas dans les détails. Mais ce dont j'aimerais bien que vous soyez conscients, c'est que nous ne pouvons pas toujours créer un système qui va bloquer entièrement les intérêts légitimes de la plupart, parce que nous tous, et pas seulement les frontaliers qui aiment avoir leur petite villa de l'autre côté, nous tous, nous aimerions devenir un jour propriétaires. Et au contraire de M. Vanek - vous transmettrez - je ne suis pas pour un système de locataires à vie, j'aimerais payer peut-être 1000 F, 2000 F, n'importe, par rapport à mes moyens, mais pouvoir avoir l'ambition de devenir un jour propriétaire. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Je vais parler quant à moi comme un candide, s'agissant de cette situation du logement. Je suis locataire, je ne suis pas propriétaire; je ne me suis jamais préoccupé de ces choses-là. A vous entendre, je trouve que nous sommes tous des hypocrites, parce qu'il a fallu le courage d'un homme, M. Longchamp, pour dénoncer ce qui se passait avec les zones de développement et les PPE, mais je n'ai pas entendu que la gauche ait déposé avant lui un projet de loi qui ressemblait au sien. C'est donc bien la droite qui a déposé ce projet de loi, ce n'est pas la gauche ! Vous saviez depuis des années que ça ne fonctionnait pas dans ces zones: avez-vous déposé quelque chose ? Etes-vous venus dire devant ce parlement que c'était un scandale ? (Remarque.) Ce n'est pas une question de conseiller d'Etat, nous sommes le parlement, nous avons le droit de déposer des projets de lois. (Commentaires.) Vous ne l'avez pas fait ! Ce que je veux dire ici, c'est qu'il faut arrêter cette querelle stupide entre la gauche et la droite, avec des idées primaires comme: tout le monde est méchant, tout le monde n'est pas beau, les riches sont des gens affreux, il faudrait mettre les promoteurs en prison... Arrêtons avec ces images d'Epinal, parce que la plupart des gens sont tout à fait sérieux. Si vous voulez construire à Genève, il faut des promoteurs ! Dans ma commune, Carouge, si on veut effectuer des projets, on les fait avec les promoteurs ! On n'a pas l'argent pour construire, on ne peut pas construire, il faut donc bien travailler avec eux ! (Brouhaha.) Arrêtons donc de nous engueuler en nous accusant mutuellement d'avoir tort. Nous l'avons dit et nous le répétons: non aux spéculateurs, oui à la classe moyenne ! Nous sommes tous d'accord ce soir: non aux spéculateurs, oui à la classe moyenne !
Cela dit, il y a deux visions des choses purement techniques: la première consiste à contrôler après dix ans si la personne a vécu dans son logement. (Brouhaha.) C'est pour nous une façon compliquée de contrôler, parce qu'après dix ans, il faut qu'on fournisse la preuve que les gens n'ont pas vécu dans leur logement, ce qui ouvre la possibilité de procès ou de procédures extrêmement longues, alors que ce qu'on demande est très simple: la personne qui achète un appartement doit venir démontrer qu'elle n'est pas propriétaire d'un logement à Genève. C'est très simple, mais le résultat est le même.
Alors c'est vrai, vous n'aurez pas des lois parfaites, vous aurez toujours une personne qui comprendra par quelle combine elle peut se soustraire à la loi. Quand j'ai débuté comme médecin, je me souviens qu'un de mes premiers patients m'a dit: «Mon métier est de trouver dans les lois les combines pour que ma société» - c'était une grande entreprise pétrolière - «ne paie pas d'impôt; mais je reste dans la légalité, et tout en gagnant beaucoup, je ne paie pas un sou à Genève.» Il y a des gens qui trouveront toujours les combines pour contourner la loi.
Je m'adresse maintenant au Conseil d'Etat, parce que j'ai entendu des choses... C'est vrai que La Tulette a probablement représenté quelque chose de tellement exagéré qu'il y a eu une réaction nécessaire; c'est allé beaucoup trop loin, beaucoup trop loin. Si on veut drainer l'abcès en étant honnête avec tout le monde, je m'adresse au Conseil d'Etat: s'il a entendu que des pratiques relevant de la justice pénale ont été commises dans le cas de La Tulette, je demande qu'il saisisse le procureur général. Parce qu'on ne va pas faire une loi s'il s'agit de pratiques relevant du pénal: si c'est du pénal, on le juge à cette aune; si c'est arrivé parce que la loi n'était pas adéquate, on la change; mais je crois qu'on est là en train de mélanger deux choses, dont des problèmes probablement d'ordre pénal à La Tulette, parce que ce que j'ai entendu, pour moi qui ne suis pas du domaine, ça relève du pénal, et j'aimerais bien que s'il y a eu des actes délictueux dans le cas de La Tulette, le procureur général soit saisi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont encore inscrits: M. Hodgers en dernier, Mme Grecuccio, M. Ducommun, M. Velasco, Mme Marti, M. Amaudruz, M. Lefort, M. Pagani, Mme Haller, M. Aellen, M. Baertschi, M. de Sainte Marie et les trois rapporteurs à la fin. Je passe la parole à Mme Grecuccio.
Une voix. Valiquer !
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Je précise, Monsieur le président: c'est Mme Valiquer qui prend la parole ! Cela étant dit, j'aimerais rappeler que nous parlons ce soir de la zone de développement. Cela paraît un peu particulier, mais je constate que personne ne veut le rappeler; or, cette zone de développement a été instituée en 1957 par nos prédécesseurs qui avaient une vision très protagoniste de la ville et avaient décidé de créer ce qu'à l'époque on appelait un périmètre d'expansion de l'agglomération urbaine. Pourquoi ? Pour prévoir le développement de la ville et du canton et réserver la possibilité pour chacun et chacune de se loger, dans le cadre de ce développement. Si on se réfère au Mémorial de l'époque, on constate qu'un point important consistait à non seulement encourager la construction d'immeubles et de logements, mais surtout, surtout, à lutter contre la spéculation sur les terrains - je cite là le rapporteur de l'époque, qui n'était pas un gauchiste patenté. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que cette zone de développement, on doit aujourd'hui la conserver et lui donner l'affectation pour laquelle elle a été prévue.
Il y a évidemment deux éléments: construire des logements sociaux, dont des HBM, d'utilité publique, vocation première de la zone de développement, à laquelle s'est ajoutée bien des années plus tard la possibilité de construire des logements en propriété par étage, mais de manière contrôlée, c'est-à-dire que sachant que le prix du terrain est à ce moment-là d'environ 1000 F le mètre carré et le prix de vente de ces appartements d'à peu près 7000 F le mètre carré, cela voulait dire et veut encore dire qu'on affecte ainsi ces logements à la classe moyenne, à celles et ceux qui n'ont absolument pas la possibilité d'acheter un appartement en zone ordinaire. Il me semble important de le souligner, à la fois pour arrêter avec cette hypocrisie avec laquelle on se tourne vers M. François Longchamp et le félicite d'avoir élaboré un projet de loi, tout en expliquant que finalement, son texte n'était pas tout à fait dans la cible. Comme socialiste, je tiens à le féliciter au nom de mon groupe, parce qu'il a placé le sens de l'Etat et l'intérêt collectif au-dessus des intérêts particuliers pour répondre au besoin prépondérant de la population. Quand on parle de l'accession à la propriété de la classe moyenne, il s'agit de la classe moyenne qui n'a pas accès à la vente des autres appartements.
A propos de La Tulette, j'aimerais quand même rappeler qu'on parle de cinq immeubles qui seront construits après la vente d'une propriétaire, ainsi que de onze immeubles aux mains d'une société immobilière. On n'est pas en train d'évoquer seulement quelques logements qui seraient vendus. L'enjeu de maintenir la possibilité pour la classe moyenne d'accéder à ce type de logements est aussi de garantir la mixité sociale dans cette zone de développement où, il faut le rappeler, nous construisons aussi des logements pour les plus démunis, pour celles et ceux qui ont le moins de revenus et qui ont quand même le besoin et le droit de se loger.
Cela étant dit, il convient aussi de souligner un point: la transparence. Il est tout à fait anormal que finalement, la classe moyenne qui pourrait accéder à ces logements n'ait jamais communication - ou très rarement - de la possibilité de les acheter, parce que quand ils sortent de terre, ils sont déjà vendus.
Je ne vois pas ce qu'il y a de scandaleux dans la proposition faite par M. Longchamp que celles et ceux qui achètent habitent leur nouveau bien, au point d'arriver à la détourner en réservant l'achat au primo-accédant. On peut être un primo-accédant et ne jamais habiter son logement ! Or, qu'est-ce qui était visé par ce projet de loi ? Donner la possibilité à des personnes de la classe moyenne d'acheter un bien, mais surtout de l'habiter. Je pense que c'est une autre façon de garantir le droit au logement.
J'ai entendu tout à l'heure un membre éminent du MCG expliquer que la gauche n'avait strictement rien compris, qu'elle avait tout bloqué avec la LDTR. J'aimerais quand même signaler notamment que si la Ville de Genève a autant de population et n'en a même jamais perdu, c'est bien parce qu'on a su y conserver des logements à affectation d'habitation d'abord, et que surtout grâce à la LDTR, dans les années 80, on a freiné le mouvement des opérations de démolition-reconstruction et les changements d'affectation de logements en bureaux. D'éminents rapports le soulignent, demandés entre autres par la commission externe d'évaluation des politiques publiques de l'époque.
Ce fameux membre du MCG, qui vitupérait tout à l'heure contre la gauche, j'aimerais lui renvoyer une phrase qu'il a lui-même prononcée il y a une année. Il disait, en parlant du projet de loi du conseiller d'Etat François Longchamp: «C'est très, très, très bien.» Trois fois le mot «très» ! Et il ajoutait: «Il fallait avoir le courage de le faire.» Eh bien oui, vous transmettrez à M. Stauffer, Monsieur le président, il fallait avoir le courage de le faire. Avant les élections, tout le monde s'était félicité...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...et après les élections, plus rien. Quant au groupe socialiste, nous remercions le conseiller d'Etat François Longchamp, et nous continuerons à soutenir par tous les moyens le projet de loi initial. (Applaudissements.)
M. Michel Ducommun (EAG). Je dois vous dire que j'ai quelque peu l'impression de vivre un paradoxe. Lorsque j'ai été élu dans cette noble assemblée, je ne pensais pas que je prendrais un jour la parole pour défendre le projet de loi d'un conseiller d'Etat que je ne crois pas vraiment à droite... (Commentaires. Hilarité. Exclamations. Applaudissements.)
Des voix. A gauche !
M. Michel Ducommun. Je voulais dire à gauche ! Mais mon lapsus n'est pas si faux... (Commentaires. Rires. Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît, laissez poursuivre M. Ducommun.
M. Michel Ducommun. ...puisque je ne le croyais pas si peu à droite qu'il serait combattu par toute la droite dans cette assemblée ! Et c'est quand même cela qui est en train de se passer ! Je défends en effet son projet, parce que je trouve... Et je vais argumenter en fonction de ce que j'ai perçu dans ce débat. (Brouhaha.)
Premier argument que j'ai entendu: on a dit que ce projet existe parce qu'il y avait un problème; on l'a renvoyé en commission pour l'a-mé-lio-rer. La question que je me pose est la suivante: l'améliorer en faveur de qui ? Que considère-t-on comme une amélioration ? Et je vous dirai qu'à mon avis, il s'agit non d'une amélioration mais d'une émasculation !
Des voix. Oh !
M. Michel Ducommun. Totalement ! C'est-à-dire que ce qui était voulu par le projet de loi initial est supprimé par ces modifications. (Brouhaha.) Je vous donne deux éléments symboliques de cette suppression. Premier élément - c'est un autre argument que j'ai entendu dans cette enceinte: il est toujours possible de contourner les lois. Mais suivant lesquelles, elles sont plus ou moins faciles à contourner. Et à mon avis, la disposition initiale - habiter son logement - est plus difficile à contourner légalement que celle qu'on propose maintenant. Parce que je reviens à l'idée qu'il serait difficile de contrôler si quelqu'un habite son bien: est-ce que vraiment il vit dans son logement ? On ne va tout de même pas poster un policier à chaque étage ! Par contre, pas de problème, dit-on, pour le primo-propriétaire: mais ceux qui avancent cela savent que le financement de l'achat par une personne quelle qu'elle soit n'est pas contrôlable. En d'autres termes, on prétend qu'il est difficile de savoir si quelqu'un habite vraiment ce qu'il a acheté... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais quant à savoir si l'argent avec lequel le bien est acquis vient de celui qui pour l'instant n'a rien acheté, il est encore beaucoup plus compliqué de le prouver, ce qui fait que du point de vue du contrôle, j'estime qu'il y a toujours possibilité, comme quelqu'un l'a dit - et non de mon côté, mais de l'autre - de contourner la loi. C'est donc beaucoup plus simple si on ne sait pas d'où vient l'argent de celui qui achète. Il s'agit peut-être bien de sa première propriété, mais il peut y avoir quatre ou cinq personnes qui acquièrent une première propriété et qui ont des liens avec quelqu'un qui a intérêt à financer ces achats.
Troisième élément qui me semble important dans cette histoire: il a été donné comme argument que le droit de propriété n'impliquait pas forcément d'habiter, mais on parlait, si j'ai bonne mémoire, de droit de jouissance. Droit de jouissance - c'est donc un détournement, parce que tous les arguments qu'on a avancés, c'étaient des arguments pour affirmer qu'il faut que la classe moyenne puisse habiter dans un logement qu'elle possède ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Michel Ducommun. Cette fois, si la notion du droit de jouissance devient plus importante, cela veut dire que l'idée de la PPE n'est pas que la classe moyenne puisse habiter dans un logement qu'elle possède, mais qu'elle puisse faire des affaires financières; en effet, si on achète sans habiter, on fait des affaires financières. Le droit de jouissance permettrait de les faire, et ce n'est en tout cas pas la définition du but de la construction en zone de développement. (Brouhaha.) Je pense donc qu'il y a là un détournement, qui est du reste un peu prouvé par les chiffres donnés par M. Riedweg - et j'ai calculé des chiffres un peu analogues. Il arrive à la conclusion que finalement, cet objectif que la classe moyenne puisse acheter des appartements dans ces conditions est une illusion, puisqu'on arrive à des coûts qui dépassent ce que la classe moyenne peut dépenser. (Brouhaha.)
J'avais une autre petite remarque à faire: j'ai entendu durant la campagne électorale que le MCG n'est ni de gauche, ni de droite. (Rires.) Or, depuis que je suis dans cette enceinte, je n'ai jamais vu le MCG faire autre chose que lancer des critiques violentes contre la gauche et passer alliance avec la droite. Alors s'il vous plaît, faites au moins preuve de cohérence et d'honnêteté. (Remarque.) Si vous avez chaque fois voté avec la droite, effectivement vous êtes à droite !
Deux éléments encore que je voulais aborder... (Commentaires.) Non, j'abrège et termine en déclarant que nous défendrons le projet de loi initial et proposerons le maintien du texte déposé par le conseiller d'Etat Longchamp. Mais il est clair que notre vision du thème du logement n'est pas forcément fondée sur l'objectif de la propriété du logement: il serait selon moi important, par rapport aux objectifs sociaux, de considérer que le logement est un besoin social comme l'éducation ou la santé, et que sur ces éléments-là, fondamentalement, il ne doit pas y avoir de place pour un profit quelconque.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Michel Ducommun. Créer du profit sur le logement signifie forcément créer des difficultés de logement pour les locataires à Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). On parle, avec le fameux amendement défendu par le rapport de majorité, de contrôle sur le logement. Mesdames et Messieurs, le département a déjà actuellement des difficultés pour contrôler les loyers des HBM et des HLM. Imaginez, dans le cas des PPE, le contrôle est extrêmement faible.
Par ailleurs, j'aimerais aussi dire un mot sur les personnes qui achètent. Un député radical, M. Hiltpold, a déposé une motion au Conseil national: voyant que la loi sur le blanchiment d'argent - la LBA - ne s'appliquait pas aux investissements immobiliers, il a demandé que la loi les concerne aussi. Malheureusement, cela n'a pas été accepté. C'est dire que là aussi, on ne connaît pas l'origine de l'argent de certains investisseurs. Quand un citoyen met 3000 F à la banque, on lui demande de remplir tout un formulaire pour savoir d'où vient cette somme; en revanche, si vous voulez acheter un immeuble à un, deux, trois ou dix millions, on ne vous demande pas par un formulaire la source de cet argent.
Cela dit, Mesdames et Messieurs, comme mes collègues l'ont fait remarquer, il y a dans ce canton une crise du logement extrêmement grave. On est passé de 16% de logements sociaux à 9%. Le Conseil d'Etat a fixé pour objectif 20%, mais vous croyez qu'on peut y arriver en faisant deux tiers de PPE et un tiers de logements sociaux, ou un tiers de LUP, plutôt ? Parce que dans les LUP, vous savez, figurent les HLM; c'est le cas à La Tulette... (Commentaires.) ...mais je ne pense pas qu'à La Tulette, il y ait beaucoup de HBM ! Par conséquent, Mesdames et Messieurs, c'est extrêmement difficile d'arriver aux 20% si en plus on affecte à la PPE la majeure partie des terrains en zone de développement. (Brouhaha.)
Je reviens au sujet principal. J'ignore ce qui va se passer ce soir ici, si les amendements des députés Dandrès et Buschbeck seront acceptés: peut-être que oui, peut-être que non. Quelle que soit l'issue du débat, si par hasard, Mesdames et Messieurs, on n'en revenait pas à la loi de M. Longchamp, je vous le dis - vous l'avez lu dans la presse - il y aura une initiative populaire... (Remarque.) ...oui, Monsieur, qu'on lancera avec l'ensemble de la population pour revenir à la loi Longchamp. (Remarque.) Alors faites ce que voulez ! Comme votre président de parti, M. Mauris, a dit qu'il soutenait le projet de loi de son magistrat, et comme nous lancerons une initiative dans le même but, je vois mal le PLR ne défendant pas cette initiative. Donc ce sera vraiment sympathique !
Quant au MCG qui défend les classes populaires - à part vous, Monsieur Zacharias: vous ne faites pas partie des classes populaires, vous; vous venez de la colline, et vous vous êtes inséré dans les classes populaires, je ne sais pas comment, mais vous vous y êtes inséré. (Rires.) Soit. Monsieur le président, vous permettez, c'était un petit discours adressé à M. Zacharias. (Commentaires.) C'est quand même sympathique qu'à la suite de l'arrivée de M. Zacharias, Monsieur le président, au sein du groupe MCG, grand défenseur du peuple, tout à coup ce parti se mette à attaquer une loi qui a été faite à l'origine pour défendre les loyers, ou, disons, les contrôler. C'est très intéressant ! Mais cela dit, Mesdames et Messieurs du MCG, et notamment Monsieur le président du MCG, Monsieur... Où est-il ? (Commentaires.) Ah, il est parti ! Comme toujours ! (Commentaires.) Ah, d'accord, d'accord, comme toujours ! Eh bien disons que nous, nous avons malheureusement - malheureusement ! - le monopole de la défense des locataires ! Mais nous vous accueillerons très bien, nous accueillons toutes les personnes qui veulent défendre les locataires ! Tout le monde peut venir, nous n'avons pas de monopole, absolument pas ! Mais je vous le signale, pour les consultations de ses avocats, l'ASLOCA pratique des tarifs qui ne sont pas les mêmes que les vôtres, que ceux de vos avocats: ce n'est pas 500 F ou 600 F, c'est beaucoup plus bas ! (Commentaires.) Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, beaucoup de citoyens et de citoyennes viennent chez nous pour se faire défendre.
Mesdames et Messieurs, je trouve vraiment que ce que vous faites, c'est une négation de l'Etat de droit.
Une voix. C'est une connerie ! (Rires.)
M. Alberto Velasco. Oui, parce que tu défends les nantis, c'est pour ça que c'est une connerie ! (Remarque.) Quand on défend les nantis, tout ce qui est contre eux, c'est une connerie, évidemment ! (Commentaires.)
Le président. Adressez-vous au président, Monsieur le député.
Une voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Le sens de la république, Monsieur le président, voudrait justement qu'on répartisse, qu'on respecte ceux qui ont moins, qu'on essaie d'égaliser un peu, n'est-ce pas. Mais non, là, en l'occurrence, de nouveau - je le répète - les appartements qui devaient être mis à disposition de la classe moyenne avaient été accaparés avant même la publication d'une annonce. C'est tout de même extraordinaire ! Et une autre chose incroyable, c'est qu'on ne connaît pas les noms des gens. Tout le monde essaie de savoir qui est derrière ces appartements, qui les a pris, qui veut les acheter. Il semblerait qu'une trentaine de familles bien connues du canton, bien dotées, soient derrière ces appartements. J'aimerais bien les connaître ! J'aimerais bien que le Conseil d'Etat nous dise qui sont les personnes qui ont acheté ces appartements et pourquoi on ne peut pas les connaître ! Une question écrite urgente a été déposée par un collègue, on verra quelle sera la réponse. (Brouhaha.) Mais pourquoi tant de mystère, puisque vous n'avez pas fauté ? Pourquoi tant de mystère ? Vous dites que vous n'avez pas fauté, alors dites-nous les noms, bon Dieu ! Qu'on les sache, au moins ! Il se peut que derrière ces familles il y ait des familles pauvres, en difficulté ! Peut-être, je n'en sais rien ! Mais qu'on les connaisse, qu'on les connaisse !
Mesdames et Messieurs, je tenais à vous dire que nous lancerons effectivement cette initiative. Mais j'espère, j'espère...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. ...qu'on reviendra au projet de loi du conseiller d'Etat François Longchamp, tel que déposé à l'origine et qui est le seul qui mérite d'être défendu ce soir. (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S). Je pense que si nous sommes en train de légiférer aujourd'hui, c'est parce que nous avons fait la constatation d'une situation absolument inacceptable, une situation de spéculation des plus immorales. Il s'agit du détournement d'une disposition légale comprise dans la LGZD qui, à première vue et au départ, avait pour but de favoriser l'accès à la propriété pour les classes moyennes en plafonnant les prix de vente des appartements pendant dix ans. C'est donc une utilisation immorale de cette disposition spéciale. (Brouhaha.)
Le principe consistait donc à accaparer des logements destinés à des familles pour qu'elles puissent y habiter, et à les revendre dix ans plus tard au prix du marché en empochant une très grosse plus-value allant jusqu'à 50% ou 100% du prix d'achat. (Remarque.) Alors effectivement, Monsieur Medeiros, ce n'était pas illégal, mais vous considérerez avec moi que c'est toujours hautement immoral, scandaleux et inacceptable. (Remarque.) Pourquoi ? Parce que le logement, le fait de pouvoir se loger est un besoin fondamental. Et je pense, Mesdames et Messieurs les députés, que certains d'entre vous ne conçoivent pas la souffrance que peuvent ressentir certains de nos concitoyens parce qu'ils ne trouvent pas d'appartement qui corresponde à leurs besoins, parce qu'ils doivent payer des loyers beaucoup trop élevés qui grignotent une énorme partie de leur revenu. Pardonnez-moi l'expression, mais ce serait se foutre de la gueule des Genevoises et des Genevois... (Exclamations. Rires.) ...que d'accepter ou de tolérer des pratiques qui permettent à des promoteurs ou à des propriétaires, à des membres de cette caste de riches personnes actives dans l'immobilier, évoquée par mon collègue Velasco, de s'enrichir encore un peu plus sur le dos de la classe moyenne. Face à ces magouilles, j'éprouve un profond écoeurement et je pense que je suis suivie par un grand nombre de nos concitoyens.
Devant ce phénomène, le Conseil d'Etat a décidé de lancer un projet de loi qui avait le mérite d'être clair, simple, précis et efficace pour lutter contre le fléau qu'est la spéculation immobilière. Ce projet de loi a été renvoyé en commission où une majorité composée du PLR, du PDC, du MCG et de l'UDC a entrepris un véritable travail de sape pour vider la loi de son sens, notamment en supprimant la nécessité d'habiter dans un logement. Or, il me semble qu'un logement, c'est justement fait, à priori, pour qu'on l'habite. Ils ont donc constitué une brèche dans le dispositif anti-spéculation de cette loi.
Nous sommes maintenant de retour en plénière, et j'ai l'impression que certains des députés ici présents commencent à avoir un peu la trouille, un peu peur d'assumer au grand jour qu'ils ont donné des coups de hache dans ce dispositif anti-spéculation. Et donc, aujourd'hui, les députés de droite et d'extrême droite s'appliquent à nous recréer un projet de loi que je qualifierai de «patchwork»: on reformule des amendements pour modifier les amendements déposés en commission, on atténue un peu certaines dispositions, on renforce certaines mesures, on plaque encore des amendements sur le tout pour l'opacifier et que plus personne n'y comprenne rien; et maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, après ces trop nombreux retournements de vestes - et pour faire référence à Jacques Dutronc, à mon avis certains vont bientôt se mettre à retourner leur pantalon - je pense qu'à un moment, il va falloir que vous choisissiez, que vous vous demandiez si oui ou non, vous souhaitez combattre la spéculation immobilière, si oui ou non vous souhaitez favoriser l'accès à la propriété pour les classes moyennes. (Brouhaha.) Si c'est le cas, je vous invite à voter les amendements déposés par la gauche qui demandent un retour au projet de loi initial, projet visant à abolir la spéculation en zone de développement de manière, je l'ai dit, précise, claire et sans détours ni entourloupes. Dans le cas contraire, je ne pourrais m'empêcher de croire que votre but, ce soir, serait peut-être d'embuer un petit peu ce Grand Conseil ainsi que nos concitoyens, de jeter un voile sur ce projet de loi qui ménagerait une brèche, une marge de manoeuvre pour que la spéculation immobilière en zone de développement puisse perdurer.
Pour terminer, Monsieur le président, je suis tout de même frappée de ne pas entendre les députés PLR sur ce projet. Je me demande pourquoi ils ne souhaitent pas participer à ce débat, et je m'interroge: Monsieur le président, ce n'est pas possible, rassurez-moi, je ne pourrais pas le croire... Vous n'allez pas me dire qu'ils pourraient tous être concernés par l'article 24 de la LRGC ? Ce n'est pas possible ! (Rires. Commentaires. Applaudissements.)
M. Thomas Wenger. C'est possible !
Mme Caroline Marti. En tout cas, je trouve dommage de ne pas vous entendre, parce que manifestement, avec tous les amendements que vous avez déposés... (Commentaires.) ...avec tous les amendements que les députés PLR ont déposés et ont décidé de soutenir, ont signés, ils veulent manifestement débattre ici, en plénière; et je trouve un peu surprenant que dans ces conditions, ils ne participent pas au débat en exposant leurs arguments. (Applaudissements.)
M. Michel Amaudruz (UDC). J'ai écouté avec attention cet échange de vues où l'on s'adresse réciproquement et de façon répétitive les mêmes reproches. Seulement, quelque chose d'essentiel n'a pas été évoqué, qui devrait former, pour moi, le point de départ; je parle là plus particulièrement, avec tout le respect que je lui dois, à M. le président Longchamp. Je me pose quand même la question de savoir si ce que l'on appelle, d'après la loi Friedrich, la loi Longchamp, est compatible avec notre Constitution fédérale. (Exclamations.) Et je monte un pas au-dessus des observations tout à fait pertinentes de M. Maitre qui a noté certaines contradictions avec le code civil. Je sais, Monsieur le président Longchamp, que vous me direz que j'ai dans ma poche un avis de droit du professeur Tournesol. (Rires.) Je vous répondrai que j'ai celui du capitaine Haddock. (Rires.)
Mais laissons ces querelles juridiques de côté. Votre projet de loi et votre courage, je vous en félicite. Il n'en demeure pas moins que cette loi vide de sa substance la propriété, droit fondamental de notre Constitution. Avec la LDTR, avec les zones de développement ou tout ce que vous voudrez, vous enlevez certains attributs inaliénables de la propriété, notamment quant au droit de pouvoir disposer librement d'une chose jusqu'à la frontière du tolérable, c'est-à-dire ne pas incommoder son voisin. Qui plus est, vous envisagez une rétroactivité, ce qui est contraire à notre droit fondamental. Je suis certain, Monsieur le président, que si votre loi entre en vigueur, un jour, le Tribunal fédéral sera saisi d'un recours et je ne saurais vous dire s'il préférera l'avis du professeur Tournesol à celui du capitaine Haddock. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Eh bien, après deux heures de débat libre, rappelons quand même pourquoi nous en sommes là ce soir. Exposons donc la méthode. Il y a un mois, les partis qui avaient voté la loi initiale en commission après onze séances de travaux, entre mai et octobre 2013 - mentionnons ces partis: le PDC, le parti radical, disparu, le MCG - tournaient casaque et soutenaient le renvoi en commission. Sous quel prétexte ? Un prétexte innocent: des améliorations auxquelles, bien sûr, n'auraient pas pensé les députés de l'ancienne législature. Le vrai prétexte: mettre la loi Longchamp à mort.
Ce soir, on voit la qualité du travail de ces nouveaux commissaires qui nous rendent une copie bâclée après seulement deux séances de commission. On nous avait promis des miracles il y a un mois, et l'on nous rend un torchon qui vide la loi initiale de sa substance. La loi Longchamp est morte, si vous suivez la majorité. Le travail de ces nouveaux députés, qui avaient tellement envie d'améliorer cette loi, est tel que ce soir, nos tables sont couvertes d'amendements qui n'ont même pas été étudiés en commission. Ce n'est pas une méthode acceptable et il est hors de question de soutenir ces amendements qui ont champignonné ces deux derniers jours dans les couloirs du parlement. Il restait un peu de substance à cette loi, mais c'était encore trop; ces amendements viennent l'achever définitivement. Les partis qui ont tourné casaque il y a un mois sont un peu honteux, et certains, d'ailleurs, l'ont remarqué; la mauvaise conscience est telle qu'on s'en prend à la gauche, et l'on veut rendre la gauche responsable du résultat auquel on pourrait arriver ce soir. C'est assez incroyable, mais c'est une bonne méthode aussi, une méthode déculpabilisante. On reproche même à la gauche de ne pas avoir eu l'idée de déposer ce projet de loi avant M. Longchamp. Evidemment, la loi Longchamp nous satisfaisait et les amendements que nous allons soutenir ce soir et que nous présentons sont ceux qui retournent à la loi initiale.
Soyons clairs, maintenant: ceux qui présentent ces amendements ce soir, ce sont ceux qui défendent la classe moyenne, l'accès de la classe moyenne au logement, ici, ce soir, et pas ceux qui ont tourné casaque il y a un mois, n'en déplaise à ces députés honteux qui ont choisi le camp non des... Comment avez-vous dit ? Pas des oiseaux de proie, non, Monsieur Zacharias - vous transmettrez, Monsieur le président - mais ceux qui ont choisi le camp des vautours de l'immobilier, à qui M. Zacharias - vous transmettrez, Monsieur le président - nous demandait de ne pas tordre le cou. Eh bien, nous n'avions pas vu les choses ainsi, nous nous étions contentés de vouloir fournir des logements aux classes moyennes. Mais si en plus, nous pouvons tordre le cou aux vautours de l'immobilier, nous ne nous en priverons pas: votons les amendements qui nous permettent de retourner à la loi initiale ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Rémy Pagani.
Des voix. Ah !
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, je n'irai pas récolter des signatures avec mon collègue Velasco: je pense que cette loi, si elle régule bien évidemment un certain nombre de problèmes, et notamment d'abus, ne changera pas fondamentalement les choses. Je le redis ici: notre groupement souhaite revenir à ce qui se passait avant, c'est-à-dire faire en sorte d'aider les promoteurs à construire des logements destinés à la majorité de la population. A 4500 F la pièce par année, il est possible de construire avec une rentabilité de 4,5% et de mettre des appartements en location pour des familles qui n'ont pas de moyens, c'est-à-dire la majorité de la population, Monsieur Stauffer. Personnellement, j'aimerais bien que ces 25% de la population qui ne paient pas d'impôts en paient ! Ils n'en paient pas parce qu'ils ont été appauvris par le système dans lequel nous vivons. En conséquence, j'irai récolter des signatures quand l'ASLOCA déposera une initiative - et j'espère qu'elle le fera - visant à inverser le rapport de la construction entre les PPE et le locatif: nous n'aurions jamais dû quitter cette proportion. Le manque cruel de logement aujourd'hui vient de cette politique insensée, Mesdames et Messieurs.
Par ailleurs, il faut tout de même rectifier un certain nombre de choses. Pourquoi la LDTR a-t-elle autant d'importance aux yeux de beaucoup ? Mesdames et Messieurs, celles et ceux qui étaient là il y a quarante ans se sont rendu compte qu'ici comme dans les autres villes suisses ou européennes, des bureaux prenaient la place de logements. Nous avons, pied à pied, avec les associations d'habitants, avec les associations de locataires, avec le gouvernement qui était un peu plus sensé que l'actuel ou en tout cas le précédent - qui a voté cette inversion de proportion - mis en place une structure pour faire en sorte que nos quartiers, que la ville restent ce qu'ils sont, habités, et que les bureaux ne prennent pas toute la place. Et heureusement qu'on a fait ainsi, parce que je vous signale qu'à Berne, à Zurich ou ailleurs, partout en Europe, on paie les habitants pour qu'ils reviennent habiter plutôt que de venir simplement travailler, pour qu'ils réinvestissent ce qui est le sens de la cité, le fait d'habiter en collectivité publique et non à deux heures de train, sans plus avoir de relations collectives, sociales, ou avec ce qui fait la vie de manière générale. La formule «métro, boulot, dodo», tout le monde l'a connue: heureusement que Genève ne se trouve pas dans cette situation. On le doit à la LDTR, parce que cette loi permet encore aujourd'hui de payer son logement à 3600 F la pièce par année, voire en dessous. Ça, c'est une première chose.
Ensuite, M. Stauffer ou M. Medeiros nous parle de l'ascenseur social. Mais il n'y a plus d'ascenseur social, dans le système capitaliste où nous sommes ! Moi aussi, j'aimerais bien... Et notre génération en a profité, de cet ascenseur social ! (Commentaires.) Sauf qu'aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, un couple avec des enfants se voit précarisé quand une personne tombe au chômage: on sombre alors dans la pauvreté. (Brouhaha.) C'est le système dans lequel nous vivons aujourd'hui. Il n'y a qu'à voir dans les pays qui nous entourent: en Espagne, par exemple, 40% des jeunes sont au chômage. Aujourd'hui, à Genève - je n'ai pas besoin de vous donner les chiffres: 5,5% ou 5,6% de la population active est au chômage. C'est une réalité, l'ascenseur social ne fonctionne plus. Alors après, certains chantres populistes diront que tout est la faute de la gauche. Non, Mesdames et Messieurs ! C'est la faute du système inégalitaire dans lequel nous vivons, qui augmente de plus en plus les écarts entre les pauvres et les riches. Tant que nous n'y mettrons pas fin, nous ne trouverons pas de solution. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Mesdames et Messieurs, il reste huit inscrits. Nous irons d'abord manger. Auront la parole ensuite: Mme Haller, M. Aellen, M. Baertschi, M. de Sainte Marie, les trois rapporteurs et M. le conseiller d'Etat.
Fin du débat: Session 6 (mars 2014) - Séance 32 du 14.03.2014