République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 février 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 5e session - 27e séance
PL 11061-A
Premier débat
Le président. Nous abordons donc le point 17 de notre ordre du jour... (Commentaires.) ...avec le PL 11061-A. Nous sommes en catégorie I. Le rapporteur de minorité Miguel Limpo est remplacé par... par... (Remarque.) ...par vous, Madame Perler, c'est fantastique. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité Jean-Marie Voumard.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Effectivement, ce sujet revient assez fréquemment dans nos discussions: il est apparu en 79, en 93, en 2001, et finalement, le 24 avril 2005, 52% de la population genevoise accordait le droit de vote au niveau municipal aux étrangers. Par rapport au reste de la Suisse, vous l'avez vu dans mon rapport de majorité, nous ne sommes pas en arrière; ce n'est de loin pas une Genferei de ce côté-là, le canton de Genève est ouvert et accorde le droit de vote au niveau municipal aux étrangers.
Avec ce droit de vote, on va parler de l'intégration des étrangers. Là aussi, l'intégration à la société locale est favorisée, dans le domaine social, grâce au droit de vote municipal. Dès lors, pour nous, le droit de vote au niveau cantonal et l'éligibilité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sont assimilés à la naturalisation et, dans ce sens-là, nous ne pouvons accepter de donner le droit de vote aux étrangers, surtout après un délai de cinq ans. Si ce projet de loi devait passer, nous demanderions un délai de huit ou dix ans par un amendement. Nous verrons la suite.
En conclusion, avec un résultat très chaud de sept voix contre sept, la majorité de la commission vous demande néanmoins de suivre le rejet de ce projet de loi. Merci.
Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, avez-vous observé que sur les quelque 470 000 habitants que compte notre canton, un peu plus de 240 000 sont des électeurs inscrits, et donc que sur l'ensemble de la population genevoise, quasiment un habitant sur deux a le droit de vote et d'éligibilité ? S'agissant de ce projet de loi, j'aimerais souligner en premier lieu que l'extension des droits politiques est une revendication de longue date de la part de la minorité, et que depuis 2005, année durant laquelle la population genevoise acceptait d'octroyer le droit de vote au niveau communal aux étrangers, c'est-à-dire depuis dix ans, aucune nouvelle extension de ces droits n'a eu lieu, malgré nos espoirs placés dans les travaux de la Constituante. Notre nouvelle constitution souffre donc d'un déficit démocratique important.
Deuxièmement, j'aimerais souligner que les arguments en faveur de l'ouverture des droits politiques aux étrangers contenus dans ce projet de loi ont tout de même convaincu la moitié de la commission lors du vote d'entrée en matière, avec sept voix contre sept. Une égalité qui, compte tenu de notre règlement, correspond à un refus. (Remarque.) C'est donc la démonstration que cette revendication et cette proposition conservent toute leur légitimité. Et ce vote à moitié favorable, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas rien, même si c'est insuffisant; c'est tout de même l'expression d'une ouverture, qui signifie très clairement que la moitié de la commission s'est exprimée en faveur de cette proposition. Et en cela, Mesdames et Messieurs, celle-ci mérite d'être soumise à l'ensemble de la population. Il s'agit donc, ce soir, d'accomplir un nouveau pas et d'accorder enfin les droits politiques complets aux étrangers résidant dans notre canton, lesquels contribuent largement à son développement, à sa prospérité, et participent à la vie du pays. Cela, il est important de le réaffirmer ce soir.
Troisièmement, il y a deux visions qui s'opposent sur cette question. La première, celle de la majorité, consiste à rendre indissociable le droit de vote de la nationalité, les opposants en faisant une question de principe; citoyenneté est égale à nationalité, sans véritablement que cette position ne soit argumentée. A cet égard, je regrette qu'il ne figure pas, dans le rapport de majorité, des arguments un petit peu plus étayés sur le concept de la citoyenneté et de la nationalité. A tel point que la minorité n'a pu être convaincue sur ce point-là.
Selon la deuxième vision, celle de la minorité, on considère qu'il n'est pas nécessaire de posséder un passeport suisse pour se sentir concerné par la politique cantonale et communale et par les décisions qui sont prises dans ce cadre, lesquelles influencent et pèsent très directement sur notre cadre de vie, donc sur notre quotidien. Du reste, la tendance actuelle des sociétés démocratiques s'oriente vers davantage de droits politiques à la résidence, cela nul ne peut le nier, et parmi les pays qui ont accordé le droit de vote aux étrangers, aucun n'est revenu sur sa décision. (Commentaires.)
Une voix. Quels pays ?
Mme Frédérique Perler. C'est donc bien la démonstration que cet élargissement des droits politiques constitue une valeur ajoutée et contribue à une intégration réussie; la minorité estime que c'est un enrichissement pour la collectivité que de donner à ces personnes la possibilité d'enfin pouvoir s'exprimer. (Remarque.) A Genève, canton cosmopolite, la proportion d'étrangers atteint 40% de la population résidente, et ils ne bénéficient que du droit de vote communal. C'est trop peu.
Une voix. C'est déjà pas mal !
Mme Frédérique Perler. En effet, comment parler d'intégration réussie s'ils n'ont pas voix au chapitre sur les décisions qui les concernent, alors qu'ils représentent une petite moitié de la population ? Comme je vous le disais tout à l'heure, cela revient à accepter que 60% de la population décide pour l'ensemble de cette dernière. (Brouhaha.) Et cela rappelle singulièrement, Mesdames et Messieurs, les débats homériques sur le droit de vote des femmes, avec leurs peurs et leurs clichés, où la moitié d'alors - c'est-à-dire les hommes - décidait pour les autres. (Commentaires.) Comment attendre de ces étrangers résidents qu'ils s'engagent et s'associent pleinement à la vie locale s'ils sont privés de donner leur avis ? Au fond, les étrangers ont les mêmes devoirs que les Suisses, mais ils n'ont pas les mêmes droits ! Or, dans une communauté où chacun a les mêmes devoirs, il convient naturellement que chacun bénéficie des mêmes droits, et non du seul demi-droit de vote sur le plan communal qui est accordé actuellement.
J'aimerais souligner encore, à l'adresse de la majorité, que la participation des étrangers au niveau des votations communales est similaire à celle des Suisses. Il n'y a donc pas à craindre de bouleversement spectaculaire suite à l'introduction de droits politiques au niveau cantonal; c'est bien précisé en page 8 du rapport.
Enfin, reconnaître aux étrangers le droit de prendre part aux débats publics et aux décisions du canton dans lequel ils vivent, c'est aussi franchir un cap vers une société plus juste et représentative des différentes tendances qui la composent, étant entendu que chaque vote renforce notre démocratie et notre sentiment d'appartenance à une communauté.
En dernier lieu, le droit de vote des étrangers peut aussi se lire et se comprendre comme une reconnaissance pleine et entière de l'importance de leur apport à l'économie, à la culture, à la société genevoise ou à un pays. Preuve en est la résolution que nous avons adoptée en première partie de cette session, et que soutient largement notre Conseil d'Etat.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, Genève est un canton cosmopolite, il est fier de sa diversité culturelle, et en tant que tel il pourrait faire oeuvre de pionnier en la matière, comme il l'a déjà fait sur d'autres sujets - la LAMat, par exemple - en accordant l'extension des droits politiques complets aux étrangers résidant depuis cinq ans en Suisse. En soutenant ce projet de loi, le Grand Conseil donne au peuple genevois la possibilité de se prononcer sur un sujet... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que notre Assemblée constituante a préféré écarter. Pour toutes ces raisons, la minorité vous invite à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention. Et si vous me le permettez, j'aimerais ajouter une petite remarque que j'ai trouvée dans ce fascicule que vous avez toutes et tous reçu - il s'agit donc du Programme d'intégration cantonal, le PIC. Au point C, il est bien précisé: «de réaliser l'égalité des chances en permettant à l'ensemble des étrangers et étrangères de participer à la vie économique, sociale et culturelle de la Suisse.»
Une voix. C'est pas possible !
Mme Frédérique Perler. Et un peu plus loin, il est bien indiqué qu'il s'agit aussi d'être innovant ! Je vous invite donc à en faire de même. (Applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Tout d'abord, merci à la rapporteure de minorité qui, je crois, a très très bien exposé ce sur quoi nous allons discuter ce soir.
Ce projet de loi revêt en effet une importance très particulière pour les Verts; le droit de vote et le droit d'éligibilité pour les étrangers sont, pour nous, un facteur essentiel de leur intégration. Après plusieurs années passées en Suisse durant lesquelles les étrangers s'acquittent de tous les devoirs qui leur incombent, dont notamment, par exemple, le fait de payer des impôts, les Verts estiment qu'il est nécessaire de leur octroyer également le droit de vote, pour qu'ils puissent se prononcer sur des sujets qui les touchent dans leur quotidienneté. Il n'est pas nécessaire de posséder un passeport suisse pour se sentir concerné par la politique de notre canton. Le droit de vote contribue à l'intégration car il crée une identité commune. Les personnes se sentent concernées, se sentent ainsi appartenir davantage à une communauté de destins et ont plus l'ambition de s'engager pour la collectivité si elles sont considérées comme des personnes à part entière. Il est important de souligner que depuis que le droit de vote a été introduit au plan communal, il n'y a pas eu de changement politique significatif à Genève dans les communes; il n'y a pas eu de révolution Verte ou de révolution socialiste.
Je vous rappelle également que deux cantons connaissent déjà le droit de vote au niveau cantonal pour les étrangers: le canton du Jura et celui de Neuchâtel. A nouveau, là non plus, pas de révolution politique puisque même le canton de Neuchâtel a élu récemment un conseiller d'Etat UDC. Preuve en est que les étrangers ne participent pas... (Remarque.) ...à une révolution de gauche, mais plutôt sont heureux de prendre part de manière démocratique à la construction de notre société.
Le vote de ce soir revêt, pour les Verts, une importance toute particulière, notamment suite aux votations de ce week-end. Pour nous, il est important maintenant de changer la perception qu'ont les Suisses de l'étranger. Depuis de trop nombreuses années, chaque fois que nous parlons des étrangers, c'est pour évoquer des problèmes. Il est temps d'avoir une vision beaucoup plus innovante, d'avoir une vision beaucoup plus positive de ce qu'apporte la population étrangère en Suisse. Nous avons, ce soir, l'opportunité de donner un signal fort, de dire que le repli sur soi n'est pas la solution, que l'ouverture à l'autre peut être signe de grande avancée, et de grande avancée pour Genève. Je vous invite donc à soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, d'un côté - nous l'avons déjà dit ce soir - nous avons un canton qui a refusé à plus de 60% l'initiative UDC, prenant ainsi en compte l'apport des nombreuses communautés étrangères dans notre dynamisme. De l'autre côté, nous avons le «leader massimo» de l'UDC, qui qualifie tous ceux qui ne pensent pas comme lui de citoyens qui ont une conscience nationale au rabais ! (Commentaires.)
Une voix. C'est pas vrai !
M. Jean-Michel Bugnion. Le débat est clairement posé. D'un côté nous avons une Suisse isolationniste, nous avons une Suisse qui se veut plus suisse que suisse, et de l'autre nous avons une Suisse qui vise l'ouverture, qui vise les échanges, qui vise les rencontres... (Remarque. Le président agite la cloche.) ...comme la terre genevoise l'a toujours fait. A partir de là, choisis ton camp, camarade ! (Commentaires.) Octroyer les droits politiques au moins sur le plan local aux étrangers représente une marque de reconnaissance et constitue clairement, aux yeux des Verts, une position qui correspond à la majorité du canton et à la majorité de ce parlement. Si je peux très bien comprendre qu'on lie la nationalité aux droits politiques sur un plan national, sur un plan local, il me semble que c'est plutôt le fait de partager, ensemble, les mêmes infrastructures, les mêmes logements, les mêmes écoles, les mêmes préoccupations, qui fait sens. Un Genevois et un Fribourgeois pourront soutenir l'équipe suisse de hockey sur glace, mais je n'ai encore jamais vu un fervent supporter du Genève-Servette Hockey Club soutenir aussi le HC Fribourg ! (Commentaires.) Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Actuellement, seuls les deux cantons de Neuchâtel et du Jura accordent le droit de vote au niveau cantonal, et cinq cantons accordent le droit de vote au niveau communal. Il faut bien différencier le droit de vote et le droit d'éligibilité, et il faut se demander si après cinq ans de présence dans notre canton, un étranger lambda est en mesure de connaître suffisamment...
Le président. Monsieur Riedweg, excusez-moi une minute s'il vous plaît. Je rappelle aux personnes à la tribune qu'il est interdit de prendre des photos ou de filmer les séances. Je ne sais pas si c'était le cas, mais cette règle est de coutume dans notre parlement. Vous pouvez poursuivre, Monsieur Riedweg.
M. Bernhard Riedweg. Je poursuis: il faut se demander si après cinq ans de présence dans notre canton, un étranger lambda est en mesure de connaître suffisamment les systèmes économique, social et politique genevois, pour appartenir à la communauté cantonale ! Notre groupe pense que ce délai est bien trop court dans la grande majorité des cas. Dès son arrivée en Suisse, un étranger est accaparé plutôt par des questions professionnelles et d'équilibre de sa vie familiale que par la politique, qu'elle soit communale ou cantonale. Dans les statistiques de participation des étrangers aux diverses votations entre 2007 et 2011, il ne ressort pas d'une manière évidente l'envie qu'ont les étrangers de prendre part d'une manière active à la vie politique du canton qui les héberge, voire même de demander une naturalisation. (Brouhaha.) On est en droit de se demander ce qu'une personne étrangère peut apporter à la collectivité publique après cinq ans de résidence dans le canton. La nationalité et la participation à la vie politique, dans la tradition démocratique, sont étroitement liées et corrélées au droit de vote. Pour un étranger, la situation se complique du point de vue de la compréhension de la langue, de la mentalité de la population et de l'intégration dans la vie associative pour qu'il soit suffisamment connu par les électeurs et électrices. Avoir une chance d'être élu demande une grande disponibilité et une période d'assimilation relativement longue, pas seulement en tant que résident suisse mais surtout en tant que résident dans le canton ! Nous, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons fait nos expériences à ce sujet avant de siéger dans cet hémicycle.
Le rapport de minorité mentionne également que le droit de vote des étrangers contribue à l'intégration; c'est plutôt le contraire qui serait vrai ! Lors des délibérations de la Constituante... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui ont abouti en octobre 2012, celle-ci a clairement refusé d'envisager un délai de cinq ans, préférant laisser cette question délicate ouverte ! Genève est le canton où le droit de vote communal accordé aux étrangers est l'un des plus libéraux de Suisse; Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pouvez-vous imaginer partager nos prérogatives dans ce Grand Conseil avec des étrangers maîtrisant à peine notre langue, ne connaissant que faiblement nos us et coutumes... (Commentaires.) ...ayant par exemple réussi à convaincre la forte colonie des Portugais du canton, qui représente 23% du corps électoral étranger, pour être élus ? Les Belges, qui votent à raison de 50,2%, pourraient également être cités. En fait, ce projet de loi vise un effet d'annonce mais ne correspond pas à la logique de la politique que nous souhaitons poursuivre ! L'Union démocratique du centre a refusé l'entrée en matière de ce projet de loi, et nous vous demandons d'en faire de même ! Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Super, bravo !
M. Bertrand Buchs (PDC). Le sujet a été longuement débattu au sein du parti démocrate-chrétien, et il est clair que nous ne pouvons pas accepter le droit de vote et d'éligibilité au niveau cantonal, cela a été clairement défini par nos délégués. En revanche, au niveau municipal, nous pouvons l'admettre. Pourquoi ? D'abord, nous nous sommes battus au sein du groupe «J'y vis, j'y vote» quand il y avait eu le débat et la campagne sur le sujet. Le parti démocrate-chrétien et les jeunes démocrates-chrétiens avaient été très actifs, et nous continuons donc à soutenir cette démarche.
Maintenant, un problème se pose s'agissant du droit de vote au niveau municipal: les étrangers ont ce droit après huit ans, mais ils l'utilisent très peu. Et ils l'utilisent très peu parce qu'il manque le droit d'éligibilité; je pense que quand on donne un droit, on doit donner l'autre. Au niveau municipal, cela ne pose pas de problème qu'on soit suisse ou pas; on participe... (Remarque.) ...à la même communauté, on travaille sur le même lieu, on discute des mêmes problèmes, qui sont des problèmes qui ne soulèvent pas de questions politiques fondamentales. Ce sont des problèmes de circulation, des problèmes de budget, des problèmes d'école, et là je ne vois pas comment le fait qu'on est suisse ferait qu'on a plus de droits que celui qui vit depuis plus de huit ans dans la commune, qui paie ses impôts et qui participe à la vie communale. Mais alors, si on lui a donné le droit de vote, pourquoi on ne lui donne pas le droit d'être élu ? Ce n'est pas logique, il n'y a aucune cohérence là-dedans. Le groupe démocrate-chrétien veut donc rétablir cette cohérence en donnant le droit d'éligibilité pour les étrangers. Mais nous voulons maintenir les huit ans et ne pas passer à cinq ans, et nous ne voulons pas étendre ces droits au niveau cantonal. C'est pour cela que s'il y a une entrée en matière, nous proposerons un amendement pour restreindre ce projet de loi uniquement au niveau municipal et imposer un délai de huit ans.
Voici une autre remarque: si on regarde les statistiques qui concernent les élus municipaux, on voit que le nombre de ceux qui mettent fin à leur mandat est énorme ! Plus de la moitié des élus municipaux change chaque législature ! Nous avons fait le calcul à Carouge, c'est plus de 50% de changement dans une législature. Tous les partis ont de gros problèmes pour trouver des candidats au niveau municipal, et je ne sais pas si c'est le cas dans vos partis, mais dans mon parti, au niveau local, nous avons des gens qui sont non suisses et qui viennent participer, qui viennent nous aider dans les campagnes, qui votent, mais qui ne peuvent pas se faire élire alors qu'ils seraient tout contents d'être sur les listes des élections. Ce sont des gens qui ont une conscience politique, et je ne crois pas que, parce qu'on a un autre passeport, on n'a pas de conscience politique au niveau municipal et qu'on ne peut pas amener des bonnes idées, qu'on ne peut pas défendre sa commune, même après huit ans. Quelqu'un qui s'inscrit, c'est quelqu'un qui va travailler sur le terrain. Et si vous donnez l'éligibilité aux étrangers, ils ne vont pas se ruer pour demander à être maire, conseiller administratif ou conseiller municipal ! Ce sont des gens qui s'intéressent, et qui s'intéressent déjà maintenant à travailler au niveau municipal. Il est donc logique, si on a donné le droit de vote à ces gens-là, qu'on leur permette d'être élus sur des listes. Merci beaucoup.
Une voix. Bravo !
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est un sujet important, ce soir, qui intervient quelques jours après une votation malheureuse pour l'image de notre pays. (Exclamations. Protestations. Le président agite la cloche.) La Suisse, qu'on le veuille ou non...
Le président. S'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. La Suisse est un pays multiculturel, fondé sur quatre langues nationales... (Brouhaha. Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. ...et qui connaît une richesse grâce à différentes cultures. Qu'on le veuille ou non - et même si certains n'en veulent pas - à Genève se trouvent, à l'heure actuelle, plus de 40% de personnes n'ayant pas la nationalité suisse. Et pourtant, ces gens-là font Genève... (Commentaires.) ...vivent au quotidien dans ce même territoire. J'entends souvent les bancs d'en face vanter la Genève internationale; ce multiculturalisme, c'est la Genève internationale ! C'est également la richesse, pas seulement d'un point de vue monétaire, mais la richesse culturelle de notre pays.
La richesse de notre pays, c'est aussi son système politique; c'est la démocratie directe. Ce système-là, c'est un système qui encourage la participation politique. La participation politique, nous pouvons la définir, il en existe différents stades: on peut manifester, on peut prendre contact avec des élus et, comme l'a dit M. Buchs, on peut aussi adhérer à un parti sans pour autant exercer des droits politiques. Maintenant, il est intéressant de se pencher sur les fondements mêmes d'une démocratie. Et là je vous pose une question, Mesdames et Messieurs: est-ce qu'une démocratie ne doit pas s'appuyer sur un maximum d'habitants d'un même territoire ? Pour ma part, eh bien je pense que oui ! Je ne crois pas qu'il faut tenter de réduire la taille du suffrage populaire, bien au contraire; nous, élus, devons nous fonder sur une base la plus grande possible et la plus représentative possible. Aujourd'hui ce n'est pas le cas, puisque seulement 59% des habitants de notre canton ont le droit de s'exprimer. (Commentaires.) Alors j'ai entendu, de la part notamment de mon collègue PDC, que ces gens-là s'impliquaient au niveau communal; eh bien grande surprise, Mesdames et Messieurs, ils ne s'impliquent pas qu'au niveau communal, ils s'impliquent aussi au niveau cantonal, et je dirai même au niveau national. Et cela, eh bien nous devons en tenir compte, ce soir. Il s'agit d'une part d'un fondement même de la démocratie, et d'autre part d'un facteur d'intégration. Et, ce soir, je suis particulièrement choqué par certains propos sur les compétences et les connaissances non suffisantes pour pouvoir exercer ce droit démocratique. Quand j'entends cela, cela me fait penser - même si je n'étais pas né à l'époque - aux arguments contre le droit de vote des femmes: manque de connaissances, manque d'intérêt... Au fond, pourquoi les femmes voteraient-elles ? Et pourquoi les étrangers prendraient-ils part à la vie politique, même dans le canton dans lequel ils vivent ? (Protestations. Le président agite la cloche.) Les arguments sont les mêmes, Mesdames et Messieurs les députés ! (Exclamations. Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. Ce n'est absolument pas misogyne ! A ce moment-là je pourrais vous retourner la critique par rapport aux étrangers...
Le président. Vous vous adressez au président, Monsieur le député !
M. Romain de Sainte Marie. ...mais je n'oserais pas prononcer ce mot. Ce soir je dirai donc ceci - et je terminerai là-dessus - par rapport aux connaissances et compétences: je crois qu'il y a beaucoup d'étrangers qui en ont davantage que certains, à Genève, même parmi nous, et je pense également, quand on voit certains votes - et je ne mentionnerai pas le dernier - que parfois on peut se poser certaines questions légitimes sur les connaissances et compétences des élus, notamment quand on songe au vote sur les minarets, qui s'est fondé sur l'existence de quatre minarets. Pourtant, une majorité de la population a voté sur ce faux problème. Merci. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je peux être d'accord avec la première partie de l'intervention de M. de Sainte Marie, mais pas avec la deuxième, et je vais essayer de vous dire pourquoi.
D'abord, j'aimerais savoir quels sont les pays qui ont accordé le droit de vote aux étrangers. Je n'en connais pas. Au sein de l'Union européenne, il y a une citoyenneté européenne; ce n'est pas la même chose. On ne peut pas dire que la France ait accordé le droit de vote aux Allemands. La France permet le droit de vote aux membres de la Communauté européenne...
Une voix. C'est pas vrai !
M. Pierre Weiss. ...sur le plan communal, mais pas pour les élections au parlement, pas pour les élections au sénat, pas pour les élections à la présidence de la république. (Remarque.) En ce qui me concerne, je vois une identité stricte entre citoyenneté et nationalité, entre citoyenneté et devoirs, dont notamment celui de voter. Combien, parmi les citoyens suisses, respectent ce devoir ? S'ils le respectaient tous, eh bien nous aurions peut-être moins à nous lamenter du résultat de dimanche passé. Mais le devoir, c'est aussi celui d'accomplir des obligations militaires, de parler la langue du pays dans lequel on vit; voilà des éléments d'intégration qui, bien souvent, manquent aux différentes communautés qui vivent à Genève, que ce soit la Genève internationale ou que ce soit la population immigrée qui exerce des emplois d'une nature plus simple. Je suis donc pour que l'on facilite la naturalisation par tous les moyens possibles... (Commentaires.) ...que l'on abolisse les obstacles pécuniaires qui existent encore, et que l'on permette, par conséquent, la multi-citoyenneté et pas seulement la double citoyenneté. A lui seul, le motif du refus explique peut-être l'absence de volonté d'intégration; certains ont parlé des minarets, on pourrait parler, ici encore, des femmes voilées. Donc je refuse cette innovation qui tient de l'expérimentation; le droit de vote ne s'octroie pas - le mot a été utilisé plusieurs fois - le droit de vote se mérite ! Il faut une preuve par l'acte... (Commentaires.) ...il faut une demande de naturalisation, il faut qu'il y ait un examen de cette demande. Je n'oppose pas l'ouverture à l'isolationnisme, comme certains l'ont fait à mon avis de façon légère; j'oppose en revanche l'angélisme à la diabolisation de l'étranger, ce qui me distingue de certains partis qui sont présents dans cette salle. Je refuse aussi d'assimiler le suffrage sur le plan communal au suffrage sur le plan cantonal, comme certains, Madame Perler, ont d'ailleurs refusé d'assimiler le suffrage sur le plan cantonal au suffrage sur le plan fédéral. Parce que si l'on assimilait les deux premiers, cela serait considérer les cantons comme n'ayant pas plus de compétences que les communes, ce qui, sur le plan genevois, vous le reconnaîtrez, serait accepter de réduire passablement le niveau de nos compétences. C'est à mon avis une mauvaise compréhension du fédéralisme, et ce n'est en tout cas pas la mienne. Le droit de vote et d'éligibilité permettrait, au surplus, des prises de décision par des étrangers pour des problèmes qui concernent les citoyens suisses; ça, c'est une incohérence que je ne suis pas prêt à accepter. Bref, je m'oppose à la conception quantitative de la citoyenneté développée par M. de Sainte Marie au profit d'une conception qualitative de la citoyenneté. On pourrait développer - mais je ne le fais pas ici - ce que j'entends par «conception qualitative». Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, eh bien voilà une thématique qui me tient beaucoup à coeur, notamment en raison de mes origines des Grisons ! Comme vous le savez tous, je suis aussi d'origine portugaise, et je suis arrivé ici vraiment à l'échelon le plus bas possible; pire, il y a peut-être les requérants d'asile. J'ai eu un permis A, un permis B, un permis C, puis je suis devenu citoyen suisse. Or quand nous parlons ici aujourd'hui d'intégration, en disant que ce projet de loi va aider les étrangers à s'intégrer... Peut-être ! Mais au bout du processus, c'est-à-dire comme aboutissement de cette intégration, pas au début ! Parce qu'au début, soyons honnêtes: moi qui avais 21 ans quand je suis arrivé ici, qu'est-ce que je connaissais à la démocratie suisse ? Rien. J'avais écouté, lu des choses dans des livres, qui parlaient beaucoup d'écologie; la Suisse, dans les années 80, était à la pointe de l'écologie, notamment par rapport à la protection des grenouilles qui devaient traverser les autoroutes, vous voyez. C'était quelque chose d'extraordinaire, quand même, pour quelqu'un comme moi, qui avais vu une certaine misère et des gens qui n'avaient pas de quoi manger, de lire dans les livres d'école qu'il y avait un peuple en Europe qui se souciait du sort des grenouilles ! (Remarque.) Ça, ça m'a marqué, effectivement. (Rires. Commentaires.) Mais on ne parlait pas des droits politiques ! On ne parlait pas des référendums ! On ne parlait pas des initiatives ! On ne parlait pas de cette démocratie participative, qui est unique et qu'on doit maintenir. Et si je pense simplement à mon parcours, la prise de conscience ne se fait pas trois ans, pas quatre ans, pas cinq ans plus tard, elle se fait - ce qui est assez étonnant - après une certaine période, on va dire. Moi je dirais après dix ans. A partir de ce moment-là, on commence à comprendre, effectivement, on lit des journaux, on suit un petit peu l'actualité, et on a l'envie de participer. Et c'est à ce moment-là qu'on se demande pourquoi on n'irait pas demander sa naturalisation. Parce que, Mesdames et Messieurs, la seule différence que cela fait aujourd'hui avec un permis C, voire un permis B, qui est là depuis huit ans, c'est le droit de vote ! (Remarque.) C'est l'éligibilité ! C'est ce qui diffère aussi entre un Suisse et ce soi-disant étranger qui est très bien intégré.
Quand on analyse les chiffres à un niveau communal, qu'est-ce qu'on observe ? Que finalement, les étrangers, ils votent comme les Suisses, voire moins que les Suisses. Donc quand j'entends dire que les étrangers, ça va les aider à s'intégrer, etc., excusez-moi de vous le dire, mais c'est du bidon ! Non ! Les étrangers, ce qu'ils aimeraient, vous savez ce que c'est ? C'est trouver des bonnes conditions de travail pour eux et leurs enfants qui sont nés ici, qui aujourd'hui ne trouvent pas d'emploi, vous savez bien pourquoi: parce que malheureusement ils sont confrontés notamment - même si ce n'est pas que ça - au problème des frontaliers. Il est là, le problème ! (Exclamations. Commentaires.) Il est là, le problème ! Mesdames et Messieurs, vous voulez savoir quels sont les problèmes des étrangers ? Eh bien moi je vous le dis ! Je les connais vraiment. Ce n'est pas de la démagogie de vous dire ça ! Aujourd'hui, les gens qui sont arrivés ici dans les années 80 ou dans les années 90, qui ont aidé à construire cette richesse, comme vous dites, et notre qualité de vie, ce qu'ils ne comprennent pas, c'est pourquoi leurs enfants ne trouvent pas une place de travail, pourquoi leurs enfants ont de la difficulté à trouver une place d'apprentissage. Ça, c'est un réel problème. Alors si vous voulez les aider, commencez par là.
Aujourd'hui existe, en Ville de Genève, une commission qui s'appelle la commission des naturalisations. D'accord. Alors la question que je me pose, elle est très simple: demain, on va élire un conseiller municipal étranger - sauf si vous voulez faire des conseillers municipaux A et B. Même s'il a un permis C et qu'il est là depuis dix ans, lui-même va se prononcer, dans cette commission des naturalisations, sur le fait qu'un étranger puisse devenir suisse ! Vous ne trouvez pas qu'il y a quand même quelque chose de bizarre dans cette histoire ? Non, Mesdames et Messieurs, les étrangers - en tout cas ceux que je connais, c'est-à-dire un certain nombre - ne vous demandent pas l'octroi de plus de droits politiques. Les étrangers vous demandent, comme je l'ai déjà dit, des meilleures conditions de vie, ou en tout cas les mêmes chances qu'un Suisse d'origine. C'est tout ce qu'ils vous demandent ! Il y en a sûrement quelques-uns qui aimeraient participer davantage à la vie politique. Alors ceux-là, notamment de ma communauté d'origine - qui représente quand même 35 000 personnes dans ce canton, dont 23 000 ont la possibilité de demander la naturalisation - qu'ils demandent la naturalisation ! Engagez-vous ! Participez ! Moi je vous conseille, et le MCG - qui a d'ailleurs 30% de membres d'origine étrangère, je tiens à vous le dire - est tout à fait d'accord pour ça ! Facilitons la naturalisation, mais ne bradons pas la nationalité suisse ! (Brouhaha.) Ne bradons pas le droit ! Parce que vous savez, c'est simple: à un moment donné, cette communauté multiculturelle, comme M. Romain de Sainte Marie disait - vous lui transmettrez, Monsieur le président - elle est tout à fait naturelle. Mais cette communauté doit avoir un équilibre. Si d'un coup vous laissez entrer tout le monde, voire vous laissez voter tout le monde, vous changez quoi, finalement ? Le corps électoral. Cela en misant sur un fait très simple, celui que ces gens-là, comme vous disiez tout à l'heure - oui, vous les appeliez «ces gens-là» - vont sûrement voter pour les forces progressistes de gauche. (Protestations.) Eh bien méfiez-vous... (Applaudissements.) ...Monsieur de Sainte Marie, parce qu'ils risquent bien de voter pour le MCG ! Et demain... (Protestations.) ...au lieu de cartonner au niveau communal, eh bien on va cartonner au niveau cantonal, beaucoup plus qu'on ne le fait maintenant ! Merci ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Thomas Bläsi (UDC). Messieurs les conseillers d'Etat, chers collègues, le PL 11061 pose de nombreux problèmes. Mais avant de les aborder, j'aimerais remercier les rapporteurs tant de majorité que de minorité pour la qualité de leur travail - vous transmettrez, Monsieur le président.
Des travaux du philosophe György Markus, il ressort une dichotomie des travaux de Karl Marx. Une dichotomie entre le réel et l'idée. Le groupe UDC ne peut que constater que le groupe socialiste du Grand Conseil sombre dans les mêmes erreurs que son maître. (Exclamations.) Mais le groupe UDC aimerait revenir sur les problèmes que pose ce projet de loi constitutionnelle. (Brouhaha.)
Tout d'abord, les problèmes de fond: le droit de vote au niveau communal, accordé le 24 avril 2005, n'est employé que par un quart à un cinquième des titulaires, selon leur communauté d'origine. Ce droit n'est donc, dans les faits, que peu ou pas utilisé. Il nous semblerait donc intéressant de se pencher sur ce «Waterloo» des droits politiques pour en comprendre la raison. A trop vouloir fantasmer le désir des autres, on oublie que leur volonté ne coïncide pas forcément et pas nécessairement avec la nôtre. Regardons cela d'un peu plus près: échec en votation populaire en 1979; en 1983, ce sont deux échecs devant le souverain, en juin puis en novembre; en 2001, échec à nouveau. Sans doute de guerre lasse, le droit de vote passe faiblement l'épaule en 2005, l'éligibilité étant de nouveau, quant à elle, refusée. L'abstentionnisme chronique et le désintéressement des citoyens pour les affaires publiques se comprennent mieux à l'aune de la constante répétition des objets qu'on leur soumet. Comment s'étonner, dès lors, du peu de succès de ce droit, acquis par un tel acharnement thérapeutique ? Les partis de l'Alternative ont réussi à plier la volonté et la réalité à l'idée qu'ils s'en faisaient, en bons disciples de Marx. (Brouhaha.) Dans ce cadre, la commission des naturalisations devient un cas d'école. Il semblerait difficile, si l'éligibilité au niveau communal était acceptée, qu'un élu étranger ait la possibilité de participer à la procédure de naturalisation d'un autre étranger. Ce serait une première mondiale. Devant cette incohérence bien réelle, vous l'aurez compris, la solution de nos acrobates de la démagogie est simple: réformons nos institutions, supprimons ladite commission, ainsi la réalité deviendra l'idée, enfin, leur idée.
Abordons maintenant les problèmes de forme: tous les débats concernant l'élargissement des droits politiques ont été menés il y a à peine deux ans à l'Assemblée constituante. L'éligibilité communale fut finalement abandonnée pour le péril trop grand qu'elle faisait courir à l'ensemble du projet. La réussite de la votation populaire confirma que cette option était un bon choix. Ce qui l'est moins, c'est de nous soumettre une modification constitutionnelle en tout début de législature. Je me rappelle la première intervention... (Remarque.) Je me rappelle la première intervention de notre collègue, M. Cyril Mizrahi... (Commentaires.) ...lorsqu'il s'est exclamé: «Je ne veux pas me poser en gardien du temple, mais...» alors qu'on effleurait à peine ledit projet. Eh bien c'est dommage ! C'est vraiment dommage, car de fait, il l'est ! Comme les différents constituants qui ont accepté le projet lors du vote final. Ce n'est pas un hasard si l'on en trouve dans pratiquement tous les groupes politiques; c'est une volonté du souverain ! Rappelez-vous les interventions de M. Mizrahi, de M. Genecand, de M. Velasco, de M. Calame, de M. Guinchard; elles sont pour l'instant l'exemple d'une courtoisie et d'une qualité qui nous seront nécessaires tout au long de ces cinq années pour travailler ensemble. Que le groupe UDC choisisse un constituant sur un sujet aussi sensible est un signe que vous ne sauriez ignorer ! Notre travail consistera à trouver les lois d'application et les modifications fonctionnelles, pas à perdre notre temps en combats d'arrière-garde.
Je conclurai, Monsieur le président, en soulignant que la volonté patente du groupe socialiste... (Commentaires.) ...d'amener ce sujet à nouveau au parlement est l'expression d'une stratégie dangereuse... (Brouhaha.) ...et un casus belli qui rendra leur position intenable... (Exclamations.) ...lorsque nous verrons pointer des velléités de modification des droits fondamentaux, par exemple ! Il deviendra alors impossible à ceux qui auraient pu les soutenir d'avoir une quelconque crédibilité interne. Le groupe UDC vous demande, Messieurs les députés, d'opposer un vote de sanction à ce texte... (Brouhaha.) ...et suggère au groupe socialiste de le retirer dans un but d'apaisement... (Protestations.) ...et pour ne pas prétériter nos rapports futurs !
Des voix. Les Verts !
Le président. S'il vous plaît !
M. Thomas Bläsi. Et les Verts ! Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je ne pense pas que de crier à travers la salle change beaucoup de choses pour le débat. La parole est à M. Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce soir, laissez-moi vous dire ma fierté lorsque j'entends mon collègue Carlos Medeiros vous parler des étrangers qui sont venus en Suisse. Regardez le parcours admirable qu'a fait cet émigré... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui est arrivé comme saisonnier, qui s'est intégré, qui a travaillé, qui n'a jamais fait un jour de chômage de sa vie, qui a été un entrepreneur, qui a demandé la nationalité suisse, qui a été élu au Conseil municipal, et qui a été élu député au Grand Conseil de la République et canton de Genève. Eh bien c'est un parcours remarquable, et c'est ce que tous les étrangers devraient faire s'ils voulaient participer à la vie active de notre beau canton.
M. Pierre Weiss. Mais pas tous au MCG !
M. Eric Stauffer. Pas tous au MCG, ça, ils choisissent, c'est la démocratie, cher ami Weiss ! Partant de ce principe-là, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il ne faut pas trop en vouloir aux socialistes avec ce projet de loi... (Protestations. Rires.) Les Verts, mais c'est la même chose, c'est l'alliance rose-verte ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ils le plébiscitent tous les deux ! (Exclamations.) Et il y a une raison à ça, parce qu'il n'y a jamais de fumée sans feu. Regardez: depuis l'arrivée du Mouvement Citoyens Genevois, le parti socialiste et le parti des Verts n'ont cessé de fondre; aujourd'hui, le parti socialiste, jadis grand parti de Genève, est tombé à 15 députés, le MCG est monté à 20; les Verts, de 17, sont tombés à 10 ou 11, je ne me souviens plus...
Des voix. 10 !
M. Eric Stauffer. ...et le MCG est toujours à 20. (Protestations.) Alors que cherchent-ils à faire ? A convaincre vous autres, chers collègues, d'élargir le segment des électeurs en espérant qu'ils voteraient pour eux. Mais laissez-moi vous dire, Mesdames et Messieurs, que le vote des étrangers dans les communes va majoritairement au Mouvement Citoyens Genevois. (Commentaires. Brouhaha.) Parce que tant que vous n'aurez pas saisi que les premiers qui font les frais... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de l'exagération de la main-d'oeuvre frontalière, ce sont les communautés étrangères, vous n'aurez encore rien compris. Et regardez: dans les communes de Lancy, Onex, Meyrin, Vernier, le MCG est le premier parti. C'est vrai, il y a un seul magistrat, je le reconnais; à Lancy, nous l'avons loupé pour 200 voix ! (Exclamations. Protestations.) A Meyrin, pour 100 voix, à l'exécutif ! (Protestations.) A Vernier, pour 430 voix ! (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Et si les libéraux ne s'étaient pas alliés avec les socialistes, nous aurions gagné et nous aurions quatre magistrats ! (Protestations.) Et c'est bien ça qui vous dérange, Mesdames et Messieurs ! C'est bien ça qui vous dérange ! (Commentaires.) Oui, c'est vrai, mais quand on fait des alliances contre-nature, un jour ou l'autre l'addition arrive, chers collègues magistrats du parti PLR d'aujourd'hui. (Commentaires.) Alors, Mesdames et Messieurs, moi je vous le dis: soyons respectueux de nos institutions et de notre pays. (Brouhaha.) Lorsque vous prêtez serment de votre fonction de conseiller municipal, de député ou de magistrat communal ou cantonal, vous prêtez serment en déclarant fidélité à la République et canton de Genève. Comment imaginer, si vous n'avez pas la citoyenneté du pays pour lequel vous êtes appelé à représenter une partie de la population, que ce soit le cas ? Evidemment, vous aurez compris, Mesdames et Messieurs, que le MCG s'opposera toujours au droit de vote pour les étrangers au niveau cantonal, et à l'éligibilité dans tous les cas et dans toutes les sphères du pouvoir politique. Ce n'est pas une question d'être irrespectueux envers les étrangers, mais c'est simplement que quand on veut participer activement - surtout aujourd'hui, avec la facilité avec laquelle on peut obtenir la nationalité suisse - eh bien on passe par la formalité de faire justement allégeance à la Suisse, pour pouvoir espérer récolter un suffrage populaire et en assurer les destinées. Restons maîtres de notre destin, refusons ce projet de loi des Verts-socialistes, et passons à autre chose. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Serge Hiltpold (PLR). Je vais revenir sur le rapport de minorité, et puis parler un petit peu de l'étude de ce projet de loi en marge de la discussion qu'il y a eu à la Constituante. On a traité ce projet de loi à la commission des droits politiques, que j'ai présidée, et les débats ont eu lieu juste avant l'adoption de la nouvelle constitution. Pour votre information, il était délicat de mener ce débat dans une commission des droits politiques alors qu'une Assemblée constituante avait travaillé pendant quatre ans sur cette thématique. Je pense qu'intellectuellement, c'était compliqué de faire la liaison entre deux sessions de commission et le travail qui avait été fait en quatre ans. Ça, c'est juste pour la méthode. Et, en tant que président, j'avais volontairement reporté le travail sur ce projet de loi constitutionnelle après l'adoption de la constitution du 1er juin, pour avoir un appui sur un vote populaire.
Au-delà de la méthode, je pense que le rapport de majorité qui est sorti de la commission est juste, bien qu'il soit à sept contre sept, parce que la constitution a été adoptée par le peuple. Et pourquoi a-t-elle été adoptée par le peuple ? Parce que ce principe des droits de vote complets sur le plan cantonal était le point clé de la division des groupes, et ce qui pouvait clairement faire capoter la constitution. Donc on est en train de faire le travail de la constitution ce soir, et on parle du point précis qui aurait pu la faire échouer. Je pense par conséquent que le débat mérite quand même une réflexion un petit peu plus large.
Pour le PLR, les arguments sont clairs. D'abord, on se base sur le principe de réciprocité. Et la réciprocité ce n'est pas du racisme ou quoi que ce soit, c'est simplement de constater que finalement, dans le rapport de minorité de Miguel Limpo, on voyait qu'elle s'appliquait au Malawi, au Cap-Vert, en Guinée... Je vous les cite à titre humoristique, mais je crois que cette notion-là est importante pour nos citoyens.
Ensuite, ce qui est important pour nous, c'est de penser vraiment à l'intégration au sens large, par la naturalisation. (Brouhaha.) Et la naturalisation doit aussi être facilitée, elle doit être raccourcie, en tout cas dans les démarches, elle doit être accessible, et on y travaille.
Le dernier élément important, c'est la notion d'acquis. La notion d'acquis, dans la vie, je pense que ce n'est pas mériter quelque chose, c'est en faire la demande. Celui qui fait la demande de se naturaliser, finalement, il l'obtient. Et je crois que la limite à la participation à la vie politique est là pour le PLR: les étrangers ont le droit de vote sur le plan communal, et c'est la limite pour nous; ça s'arrête là ! Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste. (Commentaires.) Restent inscrits: M. Michel Ducommun, M. Pascal Spuhler, M. Yvan Zweifel, Mme Emilie Flamand-Lew, Mme Caroline Marti, M. Jean-Marc Guinchard, M. François Baertschi, M. Patrick Lussi, M. Pierre Vanek, Mme Lisa Mazzone, M. André Pfeffer, Mme Marion Sobanek, M. Mathias Buschbeck, M. Benoît Genecand, M. Jean-François Girardet, M. Boris Calame, M. Bertrand Buchs, M. Romain de Sainte Marie, Mme Jocelyne Haller, puis les deux rapporteurs, j'imagine. Nous poursuivons, et je donne la parole à M. Ducommun.
M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues... (Brouhaha.) ...je vais commencer par quelque chose qui, je suppose, ne va pas vous surprendre: notre groupe est pour le droit de vote des étrangers à Genève, pour des raisons... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.) Merci. ...pour des raisons relatives à notre vision de la démocratie ! (Commentaires.)
Le président. Chut, s'il vous plaît !
M. Michel Ducommun. Selon notre vision de la démocratie, chaque être humain doit avoir un certain pouvoir sur ses conditions d'existence, sur ce qui détermine son quotidien; et dans une population, lorsque 40% des gens ne peuvent pas avoir ce pouvoir sur ce qui détermine leur existence, nous estimons qu'on s'éloigne de la démocratie. Je pense que c'est un principe fondamental. Malheureusement, je n'ai pas l'impression que j'arriverai à convaincre une majorité, dans cette enceinte, d'avoir cette vision de la démocratie.
Je fais appel à un autre élément, et je trouverais quand même assez normal qu'une majorité d'entre vous y soit sensible. Je commence par parler de ce qui s'est passé au sein de la Constituante: le 10 juin 2010, une majorité de la Constituante a voté pour le droit d'éligibilité... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.) Vous m'excusez, mais si éventuellement...
Le président. Poursuivez, Monsieur le député !
M. Michel Ducommun. Je trouve assez malhonnête... (Commentaires.) Mais...
Le président. Monsieur Ducommun, il y avait du silence, poursuivez !
M. Michel Ducommun. Donc le 10 juin, je disais, une majorité de la Constituante a voté pour le droit d'éligibilité des étrangers au niveau communal. La suite c'est que ce vote a été remis en cause, non pas parce qu'une majorité pensait que c'était une erreur, mais parce qu'une majorité a estimé qu'il y avait un danger de compromettre, au niveau de la votation populaire, l'acceptation de la nouvelle constitution au travers de cet élément. Je me permets ici de citer - et je l'ai sortie du Mémorial de la Constituante - la phrase suivante: «[...] à la refuser et à la mettre dans une disposition transitoire pour permettre de soumettre cela - donc le droit de vote et d'éligibilité des étrangers - séparément au peuple pour savoir, au fond, qui d'entre nous a raison. J'entends certaines voix, assez nombreuses, dire que le peuple dans sa majorité soutiendrait une telle disposition. Si c'est vrai, il aura l'occasion de trancher par le biais d'un vote séparé.» Je viens de citer ce qu'a dit, à la Constituante, le chef de groupe libéral !
Comme je l'indiquais, il y a un problème qui se pose au niveau de la démocratie: si une majorité, ici, votait pour le refus d'entrée en matière, ce n'est pas seulement une position qui montrerait que nous sommes contre le vote et l'éligibilité des étrangers, c'est une position qui montrerait que nous sommes contre le fait que le peuple puisse voter là-dessus ! (Brouhaha.) Et c'est là qu'à mon avis il y a un refus de la démocratie ! Nous ne voterons pas, ce soir, pour instaurer le droit de vote des étrangers, nous voterons ce soir pour que le peuple ait la possibilité de se prononcer sur cette question ! Nous voterons, ce soir, sur la possibilité de débattre de l'amendement du PDC, qui effectivement modifie le projet de loi proposé. Refuser l'entrée en matière sur le projet de loi, c'est refuser de pouvoir même discuter de l'amendement et de cette situation, ce que la Constituante avait voulu puisqu'elle pensait juste qu'il y ait une possibilité pour le peuple de s'exprimer sur ce problème. (Commentaires.) De ce point de vue là, je pense que, qu'on soit d'accord ou non avec ma vision personnelle de la démocratie - selon laquelle le peuple peut s'exprimer - qu'on essaie, par un vote de refus d'entrée en matière, de ne pas discuter l'amendement du PDC et de ne pas permettre au peuple de voter, là, je pense qu'on a quelques problèmes avec la démocratie. Et je rajouterai une petite provocation: ceux qui sont opposés au vote des étrangers sont certains qu'ils sont en phase avec la population; tout ce que j'ai entendu, c'est que ça ne servait à rien que le peuple vote parce que de toute façon il allait refuser, comme certains le pensent. Si vraiment vous avez raison, je crois que vous faites une erreur politique ! Parce que s'il y a un vote qui confirme votre position, elle sera renforcée ! Quand on est certains que la population ne nous suivra pas et que donc il ne sert à rien de faire voter, on dit qu'il ne sert à rien que la population montre qu'elle est d'accord avec nous. Mais moi, politiquement, si j'ai la possibilité d'avoir une preuve que la population me suit, je suis content de l'avoir et je n'essaie pas de la refuser !
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'octroi des droits politiques pour les étrangers est effectivement un serpent de mer dont on n'a pas fini de discuter, et je pense que ce sera encore proposé à plusieurs reprises, au cours de ces prochaines années, à ce Grand Conseil. Tout est une question d'intégration, finalement; j'ai entendu qu'on voulait accorder aux étrangers le droit de gérer leur avenir, le droit de gérer leur entourage, l'endroit où ils vivent, etc. Mais ils l'ont déjà ! Le droit de vote communal aux étrangers a été accordé en 2005, et aujourd'hui, ce vote à peine assimilé, vous voulez déjà donner le droit d'éligibilité ! Quand nous avons des votes communaux, on peut constater en moyenne que 25% à 30% d'étrangers en profitent, et on voit donc bien, justement, que cette possibilité de voter n'est encore pas assimilée par les étrangers.
La seule raison, pour un étranger, de pouvoir être éligible dans un parlement quelconque, communal ou cantonal, c'est une intégration. Je vous parle d'intégration parce que j'ai présidé la commission des naturalisations de la Ville de Genève, et chaque fois que j'allais visiter des gens qui avaient sollicité la nationalité suisse... (Brouhaha.) ...j'ai constaté que c'était des gens qui avaient vraiment fait un effort d'intégration, qui avaient des relations avec des Suisses, des étrangers, qui avaient su intégrer nos coutumes tout en gardant les leurs - je dis bien, tout en gardant les leurs, car il n'y a pas de raisons de renoncer à ses coutumes d'origine. Mais ces personnes avaient su s'intégrer. Et franchement, je n'ai rencontré quasiment que des gens qui avaient envie de participer à la vie politique. Donc il y a des gens qui se sont donné de la peine, qui ont fait un effort - on a cité tout à l'heure l'exemple de Carlos Medeiros, et pour ceux qui ont connu l'ancienne législature, on pourrait aussi citer Mme Loly Bolay, qui est un parfait exemple d'intégration, en l'occurrence socialiste. Ce sont des gens qui ont fait un effort, qui peuvent être élus et participer à la vie politique. Mais je ne comprends pas comment on va pouvoir donner une possibilité d'être élu à un étranger qui n'aurait pas fait cet effort, mais qui, par automatisme, pourrait, au bout de cinq ans ou huit ans, être éligible. Cette personne-là serait élue alors que peut-être elle ne parlerait même pas le français; peut-être qu'elle ne connaîtrait même pas nos us et coutumes; par contre, elle pourrait participer à la vie politique ! Il y aurait quand même un petit problème à ce niveau-là. Avec le droit de vote communal, même si la personne n'est pas parfaitement intégrée, elle sait quand même si elle va voter pour la crèche, pour le déclassement éventuel d'un terrain communal, enfin, elle peut prendre des décisions à titre communal qui sont quand même beaucoup moins importantes que les lois que nous devons émettre dans ce parlement. Donc, non, le MCG n'entrera pas en matière sur ce projet de loi; ce n'est pas une bonne proposition et nous vous proposons donc de ne pas la soutenir. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR), député suppléant. J'aimerais tout d'abord, en préambule, dire à titre personnel et au nom du groupe PLR que nous partageons évidemment l'un des objectifs principaux de ce projet de loi, qui est celui de l'intégration. Mais, Mesdames et Messieurs, pour le PLR, l'intégration c'est une volonté bilatérale - pour les bancs de droite, je suis désolé pour ce gros mot - en ce sens que c'est une personne qui demande à adhérer à un groupe, à une association ou à un pays, dans le cas qui nous intéresse ici. Et puis de l'autre côté, c'est ce groupe, cette association ou ce pays qui est d'accord que cette personne adhère. Cela va donc dans deux sens.
Permettez-moi ici, pour exprimer mon propos, de reprendre une métaphore sportive, celle qui a été évoquée par notre collègue Bugnion tout à l'heure. Prenons l'exemple d'un supporter de hockey sur glace - il avait choisi celui d'un supporter du Servette en se demandant s'il soutiendrait un autre club, par exemple celui de Fribourg-Gottéron. Moi je pose une autre question, en gardant l'exemple de ce supporter de hockey sur glace. Il est supporter, il est fan, grand fan, de son club. Mais il n'en est pas membre ! (Brouhaha.) A-t-il alors le droit de participer aux décisions du club ? A-t-il le droit de choisir l'entraîneur du club ? A-t-il le droit de se prononcer sur les investissements que ferait ce club pour sa patinoire ou pour son stade, si l'on prend l'exemple d'un club de foot ? (Commentaires.) La réponse est bien évidemment non ! (Remarque.) S'il veut y participer, s'il veut avoir une influence, alors il devient membre du club ! Et s'il veut vraiment avoir un certain poids, alors il devient membre du comité du club ! C'est juste logique et c'est dans ce sens que ça va. Notre collègue, Mme Sophie Forster Carbonnier, disait, je cite: «Pas besoin d'avoir un passeport suisse pour participer à la vie politique suisse.» Elle a raison ! Elle a entièrement raison ! Et je reprends l'exemple du supporter de hockey du Servette: il n'a pas besoin d'être membre pour être fan du Servette ! Mais s'il veut participer directement à la vie de son club et influencer ce dernier, alors il en devient membre ! C'est la même chose, Mesdames et Messieurs, pour un parti politique ! Je m'adresse aux Verts, instigateurs du projet, et au parti socialiste puisqu'il est apparemment lié - vous transmettrez, Monsieur le président - et je leur pose la question: si je suis - Dieu m'en garde, je ne le suis pas - adhérent aux valeurs socialistes ou Vertes, est-ce que vous allez accepter, si je ne suis pas membre de votre parti, que je participe aux décisions qui le concernent ? Est-ce que, si je ne suis pas membre des Verts, ou pas membre du parti socialiste, que je n'en paie pas la cotisation, vous allez accepter que je devienne membre du comité directeur de ces partis-là... (Commentaires.) ...que j'y sois élu et que je participe aux décisions ? Bien sûr que non ! (Brouhaha.) Vous allez d'abord me demander d'être membre, et de payer ma cotisation. C'est exactement la même chose pour un pays. (Applaudissements. Exclamations.)
Des voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel. La logique, Mesdames et Messieurs, pour un pays... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...c'est qu'une personne veuille d'abord en faire partie et en fasse la demande, et que ce pays, ensuite, l'accepte évidemment à bras ouverts. Mesdames et Messieurs, ce processus s'appelle la naturalisation ! Et là je rejoins les propos de mon collègue Pierre Weiss: il faut effectivement faciliter la naturalisation, mais on passe d'abord par là pour dire qu'on veut être membre de la Suisse, qu'on veut participer aux décisions de la Suisse. Ensuite, la Suisse doit évidemment accepter ces personnes-là.
Et puis, étant donné qu'on m'interpellait sur l'histoire des impôts, permettez-moi quand même de dire cela à tous ceux qui veulent, ici, lier le fait de payer des impôts au fait de voter: si l'on inverse la chose, alors on arriverait à une situation extrêmement dangereuse que - je le dis avant qu'on ne m'attaque là-dessus - je ne souhaite pas. (Commentaires. Exclamations.) Parce qu'on pourrait alors dire que celui qui ne paie pas d'impôts n'a donc pas le droit de vote ! (Protestations. Applaudissements. Le président agite la cloche.) Je crois que c'est une catastrophe pour la démocratie, je ne suis évidemment pas pour ce système-là, mais c'est exactement la direction que vous voulez prendre ! (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, en conclusion je vous appelle à voter non à ce projet de loi, mais effectivement à tout faire pour faciliter la naturalisation. Merci ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce soir, une première chose est frappante, c'est la volonté de certains d'esquiver le débat. Nous avons d'abord eu une tentative avortée - là encore, les bancs d'en face m'excuseront si je dis des gros mots... (Rires.) - de notre collègue du PDC de reporter ce débat, de le renvoyer en commission, puis nous avons eu toutes sortes d'intervenants qui nous ont parlé de la Constituante. Alors parce que la Constituante... (Brouhaha.) ...dans sa grande sagesse, n'a pas inscrit le droit d'éligibilité des étrangers au niveau communal, et encore moins le droit de vote et d'éligibilité des étrangers au niveau cantonal, on ne devrait plus y toucher pendant 150 ans. Il me semble que nous avons débattu hier de manière assez longue d'un projet de l'UDC qui vise à modifier la constitution pour y ajouter la mention d'une infrastructure, avec le détail du nombre de voies dans le tunnel - peut-être même la couleur des catelles... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...on n'était pas tout à fait sûrs. Nous, ce soir, nous vous proposons d'inscrire des droits politiques pour la population étrangère; ça, c'est quelque chose qui a sa place dans une constitution.
Contrairement à ce qu'a dit M. Serge Hiltpold, nous n'avons pas déposé ce projet avant le vote de la population sur la constitution, puisque la nouvelle constitution a été adoptée le 14 octobre et que notre projet de loi a été déposé le 20 novembre. Ici, nous ne sommes pas à la Constituante... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous pouvons prendre d'autres décisions; ce que la Constituante n'a pas osé faire, c'est donner le droit au peuple de se prononcer sur ce sujet. Ce soir, nous vous proposons donc de poser la question à la population. De quoi avez-vous peur, Mesdames et Messieurs ? (Brouhaha.) Si un étranger devient conseiller municipal, conseiller administratif...
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
Mme Emilie Flamand-Lew. ...ou même député, cela signifiera tout simplement qu'il aura été choisi par les électeurs étrangers et suisses, tout comme vous et moi. Après le 9 février, quel signal voulons-nous donner, quel signal voulez-vous donner aux Genevois qui n'ont pas le passeport suisse ? (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, il n'est pas possible de continuer à travailler comme ça. Respectez un petit peu les gens qui prennent la parole, s'il vous plaît ! Poursuivez, Madame.
Mme Emilie Flamand-Lew. Merci, Monsieur le président. Après la votation de dimanche, disais-je, quel signal voulons-nous donner aux Genevois qui n'ont pas le passeport suisse ? Quel signal à ces «étrangers», entre guillemets, dont certains vivent à Genève depuis dix, vingt, trente ou quarante ans ? En récoltant des signatures sur les marchés pour des initiatives ou des référendums, combien de fois n'ai-je pas entendu: «Je suis ici depuis toujours mais je n'ai pas le droit de vote.» Certains disent que ces gens n'ont qu'à se naturaliser, mais les partis bourgeois, à Berne, ne font que durcir et durcir les conditions de naturalisation. Quel message donne-t-on à ces personnes, dont on a vanté les mérites ici, il y a quelques heures, en parlant essentiellement, il est vrai, de chiffres et d'apports économiques, et très peu d'humains ? (Brouhaha. L'oratrice s'interrompt.) Pardon, mais c'est un peu dérangeant. Je suis désolée ! Et vous, députés du Mouvement Citoyens Genevois qui prétendez régulièrement défendre les résidents genevois...
Une voix. Oui, c'est vrai !
Mme Emilie Flamand-Lew. ...je cite, «quelle que soit leur couleur de peau ou leur religion»... Roger Golay, 4 janvier 2014. Ce n'est pas souvent que je cite Roger Golay dans mes interventions, je vous prie de le noter ! (Rires.) Comment allez-vous justifier votre position auprès de ces résidents étrangers, tout juste assez bons pour voter pour vos candidats aux élections municipales, mais pas suffisamment, selon vous, pour figurer sur un bulletin, ni pour voter et être élus au niveau cantonal ?
Certains disent que la citoyenneté doit rimer avec nationalité, ou encore avec le fait de faire son service militaire. Alors je vous pose la question: les femmes ne sont-elles pas des citoyennes à part entière ? (Remarque.) Et les nombreux Genevois qui se font réformer ou qui font leur service civil, ce ne sont pas des vrais citoyens ? C'est ce que vous pensez ? (Commentaires.)
Les étrangers qui vivent dans notre canton, certains depuis de nombreuses années, paient des impôts. On ne crache pas dessus, à ma connaissance, on en a besoin pour construire nos infrastructures, nos écoles, nos EMS, nos routes, nos trams. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit de se prononcer sur l'opportunité, par exemple, d'une traversée de la rade à 1,5 milliard ? A Genève, Mesdames et Messieurs les députés, nous vivons tous ensemble, nous construisons tous ensemble, nous devons décider tous ensemble. Alors je vous en prie, votez oui à ce projet de loi, et donnez la parole au peuple ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je vais suspendre la séance pendant quelques minutes. J'aimerais qu'on ouvre les fenêtres pour aérer et que le Bureau et les chefs de groupe se rendent à la salle Nicolas-Bogueret.
La séance est suspendue à 21h41.
La séance est reprise à 21h57.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît, veuillez regagner vos places ! (Un instant s'écoule.) S'il vous plaît, regagnez vos places ! Mesdames et Messieurs les députés, nous avons pris la décision - sage, je l'espère - de garder la liste close comme elle l'était, et de répartir les temps de parole à sept minutes par groupe. C'est une décision prise entre le Bureau et les chefs de groupe pour que cela se passe le mieux possible, et surtout pour que le débat puisse se faire dans le calme et la sérénité ! Je vous remercie d'avance de jouer le jeu. Je passe la parole à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas rallonger le débat sur les différents arguments en faveur de l'extension des droits politiques pour les étrangers habitant à Genève puisqu'ils ont été largement débattus. Je vais plutôt vous parler d'un témoignage. J'aimerais vous raconter l'histoire d'un de mes amis, qui est un jeune socialiste d'à peine 18 ans, qui est déjà membre du comité directeur de la Jeunesse socialiste suisse, qui a été responsable de la coordination de toute la campagne sur l'initiative 1:12 dans tous les cantons romands... (Remarque.) ...et qui est un jeune extrêmement investi en politique au niveau suisse, au niveau genevois et au niveau municipal. Ce jeune souhaiterait d'ailleurs prolonger ses engagements au sein d'une enceinte politique en se présentant lors des prochaines élections municipales. C'est donc le cas d'un jeune homme dynamique, engagé et motivé à promouvoir ses idées, ses convictions, et à participer à la construction de l'avenir de Genève. Toutefois, ce jeune homme n'étant pas de nationalité suisse - bien qu'il vive à Genève depuis des années - il ne peut pas concrétiser sa volonté d'action politique.
Je considère que ce jeune homme a énormément de courage; énormément de courage pour s'engager avec tant de détermination, tout en sachant qu'il est exclu de la plupart des voies d'expression démocratiques. (Commentaires.) Je trouve que cet engagement est donc admirable. Je pense que de très nombreux jeunes - et moins jeunes, d'ailleurs - qui habitent dans notre canton et qui sont étrangers ont, à n'en pas douter, d'excellentes idées, d'excellentes propositions concernant l'avenir de notre république. Leur engagement est malheureusement freiné parce que nous ne leur accordons pas l'opportunité de s'exprimer. Le parti socialiste considère que nous serions bien mal inspirés de nous priver de cette force de proposition et de cette diversité qui seraient fondamentalement bénéfiques à notre société. En outre, le parti socialiste considère également que nous serions bien mal inspirés de nous priver du facteur d'intégration sociale que représentent les droits politiques et le droit de participer aux décisions. Pour le parti socialiste, le sentiment d'appartenir à une société passe effectivement par cela.
Par ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés - nous l'avons plusieurs fois entendu dans ce débat - certains d'entre vous estiment que la solution est la naturalisation. Certes, Mesdames et Messieurs les députés, on peut le voir de cette façon. Mais c'est sans compter le coût que peut nécessiter un processus de naturalisation, ce qui le rend parfois inaccessible pour certaines personnes... (Brouhaha.) ...et notamment les jeunes sans revenus. C'est également sans compter la durée moyenne d'une procédure de naturalisation, qui est actuellement de trois ans à Genève. Pour toutes ces diverses raisons, le parti socialiste soutient depuis des années l'extension des droits politiques pour les étrangers, et vous recommande aujourd'hui d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, dans l'état d'avancement de ces travaux, j'ai l'impression que les blocs sont définis, que les idées sont faites et que les votes ne vont pas changer grand-chose. J'aimerais juste ajouter un ou deux éléments, notamment relativement aux travaux de la Constituante, qui ont été cités par un ou deux intervenants.
Ce qu'il faut savoir, c'est que lorsque la Constituante a abordé le sujet du droit de vote aux étrangers dont il était prévu qu'il soit étendu tant sur le plan communal que cantonal, la Constituante a fait un travail de fond; elle a auditionné de nombreuses personnes, elle est également allée sur le terrain, en particulier au Lignon - qui est quand même un endroit relativement sensible - pour rencontrer les étrangers et pour avoir le témoignage de ce qu'ils pouvaient ressentir. C'est un travail de fond que je n'ai malheureusement pas retrouvé dans le rapport relatif au projet de loi sur lequel nous devrions nous prononcer ce soir.
Cela étant, ce travail de fond ayant été souligné - il est important de le dire parce qu'on a souvent critiqué la Constituante pour son manque de rigueur - il faut rappeler aussi que si la Constituante a abandonné l'idée d'améliorer les droits de vote ou les droits civiques en général pour les étrangers, ce n'est pas parce que, comme l'a dit la rapporteure, elle a préféré en faire ainsi; nous nous trouvions face à trois problèmes que nous n'arrivions pas à résoudre. Le premier, c'était les droits de vote et d'éligibilité des étrangers; le deuxième, c'était le problème de l'organisation territoriale - sur lequel nous n'avons malheureusement pas réussi à atteindre nos objectifs - et le troisième, c'était celui de la péréquation fiscale et financière entre les communes et le canton. Il s'est agi, alors, de trouver un compromis qui permette de gommer ces différences et d'arriver, malgré tout, à prendre le risque de proposer au peuple une constitution qui soit acceptable pour tout le monde. Ça, c'est pour l'historique du projet sur lequel nous nous sommes prononcés.
Le projet de loi qui nous est soumis ce soir, je le comprends, et le PDC votera son entrée en matière. Je le trouve cependant un petit peu trop tôtif, si je peux dire, c'est-à-dire déposé un peu trop tôt... (Commentaires.) ...et trop ambitieux. C'est aussi la raison pour laquelle le PDC a proposé un amendement qui permettrait de donner le droit de vote et d'éligibilité sur le plan communal aux étrangers. Pourquoi ? Parce que c'est une première étape, et parce que nous pensons que les droits de vote et d'éligibilité sont des droits qui ne peuvent pas être dissociés et qui doivent donc faire partie d'un tout.
Sur le plan communal, on a beaucoup parlé d'intégration. Si un étranger souhaite se présenter, sur le plan communal, à un poste à l'exécutif ou au législatif, s'il n'est pas parfaitement intégré - que ce soit sur le plan sportif, associatif ou autre - il n'a aucune chance de réussir. Donc de ce côté-là, les risques qui ont été soulevés sont relativement faibles.
On a également parlé de participation, et on a critiqué la participation des étrangers aux votations communales en disant que cela représentait à peine 25% à 30%. Mais, Mesdames et Messieurs, chers collègues, regardez les taux de participation des dernières votations, à part celle du 9 février dernier: on dépasse rarement les 25% ou 30%, et ce sont pourtant bel et bien de vrais Suisses, naturalisés, qui peuvent se prononcer. On n'a pas non plus enregistré une augmentation faramineuse lorsque le même droit de vote et d'éligibilité a été donné aux femmes en 1971.
Dernier point concernant les amalgames qui ont été faits entre les clubs sportifs et les fans du Servette ou du Fribourg-Gottéron: je tiens à préciser à cet égard que, oui, j'aime bien l'équipe du Fribourg-Gottéron ! (Exclamations.) Et je la soutiens toujours. (Rires.) Je tiens aussi à mentionner que le fait de payer une cotisation n'est pas simplement un critère; les étrangers que nous avons chez nous paient des impôts, et je vous rappelle aussi qu'il y a un certain pourcentage de personnes genevoises, suisses, domiciliées à Genève, qui ne paient pas d'impôts et qui ont pourtant le droit de vote et d'éligibilité sur les plans communal et cantonal.
Mesdames et Messieurs, pour résumer le PDC votera l'entrée en matière, et si par impossible cette entrée en matière était acceptée par les différentes majorités qui se sont pour l'instant exprimées contre, eh bien je souhaite que vous fassiez un bon accueil à l'amendement que nous avons déposé. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Droin, président
M. François Baertschi (MCG). Si le MCG s'oppose à cette loi, c'est qu'il est opposé aux droits à géométrie variable. Parce que ce que l'on est en train de nous proposer n'est ni plus ni moins qu'un système que nous connaissions sous l'Ancien Régime à Genève... (Commentaires.) ...où il y avait des natifs, des citoyens, des bourgeois et des nobles, un fatras de statuts divers qui n'honoraient pas notre république. Et je pense qu'on ne va pas l'honorer non plus en allant dans la direction de ce projet de loi. Parce que pour nous, au MCG, l'intégration des étrangers est primordiale. Nous avons un nombre d'étrangers beaucoup plus important que dans d'autres partis, nous les avons intégrés, ils sont présents à des postes importants, à de nombreux postes, à des postes intermédiaires également. Et ces personnes-là sont particulièrement fières d'être suisses. Et cette fierté d'être suisse, cette fierté d'être genevois, c'est quelque chose qui, pour nous, est important. A ce titre-là, nous devons à ces personnes un certain respect, ce qu'a très bien dit mon préopinant le député Medeiros, qui lui-même a vécu ce passage et qui a aussi fait l'objet, de la part d'un certain milieu bien-pensant de la gauche et de certains milieux bien-pensants de la droite et du centre, de certaines remarques désobligeantes, d'un certain racisme sournois. Et on a entendu, ce soir, une expression que je trouve particulièrement malheureuse: deux personnes, deux députés qui plus est, ont dit «ces gens-là» avec un air de dédain; dire «ces gens-là», à qui on va donner le droit de vote, comme si c'était des animaux à qui on allait distribuer Dieu sait quoi... (Commentaires.) ...c'est du mépris ! On n'a pas le droit de traiter comme ça les personnes étrangères dont on veut se faire une clientèle, ou par rapport auxquelles on a je ne sais quelle arrière-pensée, ce qui, en soi, n'est pas acceptable. Non, on ne peut pas tolérer ce genre de xénophobie latente et ce genre de procédé ! (Protestations.) On voit dans certains partis... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...les coups de crayon qui se font quand les gens ont certains noms d'origine étrangère; on voit comment, encore, lors de l'élection au Conseil d'Etat, l'un des candidats a été victime d'un racisme très précis ! Et certaines personnes, dans cet hémicycle, dont les partis se sont mal conduits, devraient peut-être avoir une certaine modestie à ce niveau-là, et se dire que l'intégration, elle se fait à la base; l'intégration, elle se fait dans vos partis; l'intégration, elle se fait dans la vie ordinaire, dans la vie quotidienne; et c'est ça le vrai message. Ce ne sont pas des lois vides que l'on lance pour se donner bonne conscience. C'est ça que le MCG veut défendre. Merci.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président, j'essaierai de respecter vos prescriptions. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi quand même d'emblée de revenir sur ce que l'un des premiers orateurs a relaté, soit les propos de celui qu'il appelait notre «leader massimo» qui étaient peu élogieux pour les Romands. Oui, c'est vrai. J'aimerais simplement que vous alliez jusqu'au bout et que vous considériez aussi - et je vous le dis ce soir - ce qui figurait dans la «Tribune» d'hier: quelqu'un qui, pour moi, est plus haut placé que ce «leader massimo» - qui ne l'est plus - soit l'ancien président de la Confédération, M. Ueli Maurer, à son arrivée à Sotchi, interrogé sur le sujet, a clairement condamné ces propos. C'est un UDC bien supérieur à moi, c'est pour cela que je jugeais utile de répéter cela ce soir, pour qu'il n'y ait pas de malentendu. En ce qui me concerne, je fais miens les propos de notre ancien président de la Confédération.
Je voudrais dire aussi que pour l'UDC, qui est bien sûr un peu blackboulée par ce qui s'est passé dimanche dernier - en tout cas en ce qui me concerne, et je rejoindrai donc des préopinants libéraux et autres - une question se pose par rapport à ce qu'a dit tout à l'heure ma préopinante socialiste - à quoi j'ai été très sensible - en donnant l'exemple de ce jeune homme: pourquoi ne veut-il pas se naturaliser ? (Commentaires.) Parce qu'en définitive, c'est lui qui s'autopunit. Alors je fais partie des UDC qui, c'est vrai, sont d'accord de revoir les procédures de naturalisation pour qu'elles soient plus simples. Mais on ne confie pas les règles d'un pays à quelqu'un qui n'en fait pas partie. Et vous me permettrez, pour terminer, Monsieur le président, de citer un texte que vous, les bancs de gauche, aimez toujours nous mettre dans les gencives, à raison, c'est la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Eh bien dans ce texte, le seul endroit où on parle du droit de l'Homme d'être éligible, dans son pays, c'est à l'article 21. Vous ne l'avez pas ailleurs. Donc même la Déclaration des droits de l'Homme fait la différence entre des droits sociaux, des droits humains, et le droit d'éligibilité, qui est la conscience de diriger un pays. Raison pour laquelle le groupe UDC n'entrera pas en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
M. Pierre Vanek (EAG). J'essaierai d'être bref. J'aimerais d'abord dire que le saucissonnage des droits de vote et d'éligibilité est inadmissible. Ils vont évidemment ensemble, et c'est extrêmement honteux, en matière communale, de dire qu'on donne le droit de vote à un certain nombre de personnes mais à condition qu'elles ne puissent pas voter pour leurs semblables, et qu'on réserve l'expression de leurs suffrages à des Suisses ou à des Suissesses. J'ai connu ça dans un autre domaine, puisqu'il fut un temps où les fonctionnaires, les employés de l'Etat de Genève, n'avaient pas le droit de siéger dans ce parlement; on a été quelques-uns à avoir été élus et à ne pas pouvoir siéger parce qu'on avait le droit de vote, certes, mais pas le droit d'éligibilité, et il y avait des dizaines de milliers de personnes, dans cette république, qui souffraient de cette séparation. Donc ces droits vont ensemble, comme vont ensemble les droits cantonaux et municipaux à notre avis. Et j'ai un peu honte d'avoir à rappeler ces choses élémentaires d'un point de vue démocratique; ce n'est pas une optique particulièrement de gauche, c'est une optique démocratique bourgeoise élémentaire que de dire par exemple - et c'était le slogan de la Révolution américaine: pas de taxation sans représentation ! Parce qu'en effet... (Commentaires.) ...les colons transatlantiques étaient taxés par un parlement anglais auquel ils n'avaient le droit d'envoyer aucune espèce d'élu ! Il est évident que si on demande à des gens de cofinancer un certain nombre d'investissements publics, de cofinancer un certain nombre de services publics, ces gens-là doivent pouvoir élire et être élus pour décider de la manière dont l'argent qu'ils versent à la caisse publique est dépensé.
Quelqu'un parlait des droits de l'Homme à l'instant. J'aimerais citer, comme exemple des droits de l'Homme, l'un des documents les plus avancés - encore une fois, c'est parfaitement bourgeois, ça n'a rien d'une position de gauche - issu de la Révolution française, à savoir la Constitution de l'an I de 1793, qui fonde un certain nombre de droits de l'Homme et qui stipule ceci, en son article 4: «Tout homme - mais il est évident qu'il faut dire "toute personne", aujourd'hui - né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis; tout étranger - tout étranger ! - âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail [...] ou épouse une Française, ou adopte un enfant... (Protestations.) ...ou nourrit un vieillard; tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité, est admis à l'exercice des Droits de citoyen français.» (Brouhaha.) Et c'est de ça qu'il s'agit quand on est démocrate ! Ceux qui n'ont pas le droit ou qui ne devraient pas avoir le droit d'exercer et de porter le noble titre de citoyen, ce sont les parasites qui ne vivent pas de leur travail ! Ce sont ceux-là ! Mais tous ceux qui vivent de leur travail, qui entretiennent, comme c'est dit ici, un vieillard, qui le soutiennent, qui accomplissent un certain nombre de tâches sociales, eh bien tous ces gens-là... (Exclamations. Commentaires.) ...il est parfaitement antidémocratique de les priver... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...du droit de vote et d'éligibilité !
Enfin, bien sûr, pour revenir à Genève - car vous me direz que je cite des exemples étrangers - eh bien quelqu'un l'a dit sur les bancs d'en face: toute l'histoire des combats démocratiques, à Genève... (Remarque.) ...a été une histoire de combats pour l'extension des droits démocratiques; extension aux natifs, à ceux qui étaient nés ici et qui étaient privés du droit d'être des citoyens; extension aux habitants qui n'étaient pas nés ici, mais qui collaboraient à construire cette cité qui est la nôtre ! Et de ce point de vue là, il est parfaitement scandaleux de refuser à 40% de la population résidente des droits démocratiques élémentaires, sous prétexte qu'elle n'a pas le passeport de la couleur que vous aimeriez être celle d'une catégorie... (Protestations.) ...qui bénéficie d'une inégalité scandaleuse ! (Brouhaha.) De ce point de vue là, il n'y a qu'une solution... (Exclamations.)
Une voix. Rends ton passeport !
Le président. S'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Excusez-moi, je m'interromps pour que ma collègue puisse s'exprimer, mais je crois que vous avez compris le sens de mes paroles ! (Exclamations. Rires. Applaudissements.)
Le président. Parfaitement, merci, Monsieur Pierre Vanek ! La parole est à Mme Lisa Mazzone.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Ce débat est symptomatique de la difficulté que l'on a à réformer les institutions, puisque les personnes qui décident bénéficient pleinement du droit qu'elles refusent à d'autres. En d'autres termes, ceux qui s'accommodent du système semblent devoir se faire violence pour le réformer; on l'a vu avec le droit de vote des femmes, et toutes les barricades qu'il a fallu faire tomber avant de l'obtenir. Plus encore, les personnes qui participent de près aux institutions les façonnent pour elles-mêmes, muselant ainsi une partie de la population et s'octroyant le droit de décerner le sésame à ceux qui le «mériteraient», je cite. Car il paraît maintenant que le droit de vote se mérite ! (Commentaires.) Mais qu'est-ce qu'on n'entend pas ! Je ne sais pas vous, mais c'est probablement la chose pour laquelle j'ai le moins de mérite. C'est typique de l'incapacité de ceux qui détiennent le pouvoir à le partager. (Remarque.)
Mais le débat est ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés. Comment justifier qu'une personne n'ait pas voix au chapitre alors qu'elle participe à notre Etat, paie des impôts selon ses moyens, est assise à côté de votre enfant à l'université, etc. ? Vous avez l'habitude de faire signer des initiatives et des référendums - enfin, je ne sais pas pour vous, mais du moins c'est mon cas: il est absolument impossible de reconnaître l'étranger du Suisse, vous le concéderez. C'est bien parce que cette distinction n'est pas pertinente. Qu'importe la couleur de son passeport; dès lors qu'une personne habite à un endroit, elle a le droit tant de s'exprimer que de participer à la construction de son canton, car c'est son quotidien. Comment expliquer que quelqu'un qui paie des impôts n'ait pas le droit de choisir comment ses impôts seront attribués ? Nous partageons une communauté de destins, et le fait que 60% de la population puisse imposer ses choix aux autres est un scandale pur et simple.
J'aimerais enfin m'adresser à l'Entente: on a vu trôner, ces derniers temps, vos affiches qui disaient: «N'abattons pas notre prospérité.» Et vous vous défileriez maintenant, quand il s'agit de partager le pouvoir avec ces personnes qui permettent notre prospérité ? Quel message transmettons-nous aux étrangers ? Travaille et tais-toi ? Eh bien elle est belle, votre éthique ! (Commentaires.)
En dernier lieu, j'aimerais dire qu'à titre personnel, une moitié de ma famille ne peut pas voter aujourd'hui. (Exclamations. Commentaires.) Si le peuple accepte ce projet demain, ces gens-là iront voter. Quand j'entends des députés... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
Mme Lisa Mazzone. Quand je dis «ces gens-là», c'est ma famille ! Mon oncle, ma tante, mes grands-parents iront voter ! Quand j'entends des députés dire que c'est un projet de loi creux, qui n'aura pas d'impact, je suis simplement scandalisée ! Je vous remercie.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. En tant que membre du club, je me permets d'exprimer mon avis politique. La proposition du parti écologiste vise moins une meilleure intégration des étrangers qu'un bas calcul électoral. Elle s'inspire de la stratégie du parti socialiste français aux dernières élections présidentielles, élaborée par le laboratoire d'idées Terra nova, dont l'un des membres influents, M. Jean Mallot, n'est autre que le conseiller politique du premier ministre Jean-Marc Ayrault. Je me permets de vous citer un article paru dans «l'Humanité» en 2011, qui dit ceci: «[...] Terra nova propose un changement radical de stratégie électorale pour la Gauche. Nous devrions tourner le dos aux ouvriers, taxés de conservatisme et qui glisseraient irrémédiablement vers la Droite, voire le Front national. Cette stratégie du renoncement serait la seule utile afin de concentrer nos réponses sur un nouvel électorat constitué d'un agrégat incertain "avant tout unifié par des valeurs culturelles, progressistes" communes.» Fin de citation. Le parti socialiste français s'est effectivement approprié en grande partie les recommandations qui visent à rechercher le vote de toutes les minorités au détriment du Français au carré - pour ceux qui ne savent pas ce que veut dire «Français au carré», vous savez qu'en France il est aujourd'hui interdit de parler de «Français de souche»; ce sont donc les Français issus de deux parents français. (Remarque.) Les recommandations du laboratoire d'idées Terra nova, mises en oeuvre pendant la campagne présidentielle de 2012, ont permis au candidat Hollande de capter 87% des voix de la communauté française de confession musulmane, à savoir l'écart de voix qui a séparé les deux candidats au deuxième tour des élections présidentielles. Si la France avait accordé le droit de vote aux étrangers... (Brouhaha.) ...ce qui figure dans le programme électoral de François Hollande, le candidat Hollande aurait pu accroître ce différentiel d'un facteur trois ! Dans un canton qui compte 40% d'étrangers, offrir à ces derniers le droit d'éligibilité permettra au parti écologiste, et à la gauche en général, de capter une grande partie des votes communautaristes et de bénéficier de la situation.
Finalement, après tout ce que j'ai entendu sur les bancs de la gauche quant aux étrangers qui participent effectivement à la richesse de ce canton, qui participent effectivement aux finances communales, je me demande pourquoi le parti écologiste ne propose pas d'accorder au moins le droit de vote aux frontaliers qui contribuent à la richesse de ce canton et aux finances des communes. Enfin, il ne vous aura pas échappé... (Brouhaha.) ...que la Grèce vient de décider de supprimer le droit de vote aux étrangers sur le plan communal.
Pour toutes ces raisons, je vous recommande de rejeter ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
Mme Marion Sobanek (S), députée suppléante. Je vais être très brève et évoquer deux arguments qui n'ont pas été présentés. L'un vient des fondamentaux des libéraux, à savoir: no taxation without representation. (Exclamations.) C'est le bon vieux principe selon lequel on a le droit de décider ce qu'il advient de l'argent qu'on met dans la caisse commune.
Et l'autre élément, c'est que le parti socialiste ne soutient pas ce projet de loi pour des raisons électoralistes, mais pour des raisons fondamentalement humaines. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme... non, à M. le député Mathias Buschbeck, pour quatre minutes vingt.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Merci, Monsieur le président, j'aurai besoin de beaucoup moins. J'ai entendu plusieurs arguments: comment quelqu'un qui est là depuis cinq ans peut-il participer à la vie de notre société, être intégré, savoir de quoi il parle ? Va-t-on vraiment partager le pouvoir avec ces gens-là ? Et puis tout d'abord, il faut maîtriser la langue, qui est quand même un élément prépondérant ! Ces arguments que l'on entend aujourd'hui, ils sont quand même très anciens, et je fais une petite note historique: ces arguments, on les présentait déjà en 1870, lorsqu'on se posait la question de savoir s'il fallait octroyer le droit de vote communal et cantonal aux Confédérés ! C'est vrai, ces catholiques qui n'avaient pas du tout l'esprit calviniste et genevois, comment pouvaient-ils voter à Genève ? (Brouhaha.) Donc ces arguments on les connaît, ils sont éculés.
Aujourd'hui, on dit aussi que la citoyenneté, eh bien c'est la nationalité. On voit que ça n'a pas toujours été comme ça, par exemple pour le droit de vote des femmes; il y a trente ans, on avait la nationalité mais on n'était pas citoyenne. En 1870, on pouvait être de nationalité suisse mais, à nouveau, pas citoyen au niveau du canton et des communes genevoises. Donc vous voyez que cette règle selon laquelle citoyenneté égale nationalité, que vous tenez comme intangible, n'est vraiment pas éternelle.
Un dernier point: je trouve particulièrement hypocrite de dire qu'il faut faciliter la naturalisation pour obtenir le droit de vote, et que vous vous battez pour cela. Moi qui suis les débats à Berne, aujourd'hui, je vois qu'il y a un durcissement très clair de la loi sur la nationalité qui est promu par vos partis, par les partis de droite et d'extrême droite, et je pense que c'est vraiment hypocrite de dire que vous voulez faciliter la naturalisation alors qu'en même temps vous en durcissez à Berne les conditions. Donc je vous invite à accepter cette proposition des Verts. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Benoît Genecand (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, le débat arrive à peu près à son terme, et les trois orateurs PLR qui m'ont précédé ont expliqué pourquoi notre parti n'entrerait pas en matière sur ce projet de loi. J'ai écouté le débat qui, à mon avis, a été de bonne tenue - malgré les craintes exprimées au début - et je ne vois pas trop ce que je pourrais ajouter. Je crois, comme Jean-Marc Guinchard, que personne dans cet hémicycle n'est de toute façon tellement ouvert à changer d'avis; notre salle sera partagée, on peut déjà savoir à peu près quel sera le résultat... (Remarque.) ...et il me semble qu'il n'y a qu'une seule chose qui rendrait cette salle très majoritaire, c'est la possibilité de terminer le débat rapidement et d'aller se coucher. Je vais donc renoncer à prendre la parole plus longuement pour le PLR.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Boris Calame, pour deux minutes vingt-cinq.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, quelle peur de l'étranger ! Cet étranger intégré, qui participe quotidiennement à la vie genevoise. Le droit de vote dissocié du droit d'éligibilité est une Genferei; cette dernière aurait dû être corrigée par la Constituante, mais par volonté de concordance, notamment envers les groupes MCG et UDC, la majorité de celle-ci a choisi le statu quo. (Remarque.) Toutefois, la majorité du centre droit s'est engagée à remettre l'ouvrage sur le métier, pour donner la possibilité à la population de se prononcer. Que garder de l'histoire de la Constituante, si ce n'est une forme de volonté du faire-ensemble ? C'est ainsi qu'au printemps 2012, nous avons été d'accord de réaliser la concordance pour Genève. Il est maintenant temps d'associer les 40% de notre population à notre destinée commune; pour que vive et progresse Genève, nous vous encourageons à accepter ce projet. N'oublions pas que l'étranger et le Suisse qui votent sont simplement des individus qui s'intéressent à la chose publique.
Enfin, pour être élu il faut être reconnu et intégré; il n'y a donc pas de peur à avoir, juste une volonté du faire-ensemble, pour Genève et toute sa population. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Romain de Sainte Marie, pour trois minutes vingt-huit.
M. Romain de Sainte Marie (S). Je serai même plus bref, Monsieur le président. Ce soir, nous avons entendu qu'un droit se méritait ! Eh bien je ne crois pas qu'un droit se mérite. (Commentaires.) Je crois que les droits appartiennent à chaque individu, ainsi que les devoirs, mais ils ne se méritent pas. Il ne suffit pas d'avoir de l'argent pour monnayer son droit, non, c'est un droit qui appartient à chacune et à chacun. Je tiens à donner un exemple: prenons une classe, avec un conseil de classe qui choisit de désigner son délégué ou sa déléguée. Eh bien ce n'est pas parce qu'il y a un petit nouveau qui est là depuis six mois qu'il n'aurait pas le droit de voter pour désigner la personne qui devrait représenter sa classe. C'est la même chose pour un canton, c'est la même chose pour un pays. (Commentaires.)
Enfin, je terminerai juste, puisque nous avons eu des comparaisons footballistiques, en disant qu'au vu des résultats du Servette FC, nous devrions peut-être davantage nous inspirer du FC Barcelone qui, lui, donne en effet le droit de vote aux supporters du club de foot, et qui connaît pourtant de très bons résultats ! (Commentaires.) Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller, pour deux minutes quarante-quatre.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, à entendre certains ici, ce soir, tous les étrangers seraient de gauche, et leur accorder les droits politiques nous conduirait au seuil du grand soir. (Brouhaha.) D'autres, d'ailleurs du même groupe, soutiennent allègrement le contraire ! Qu'en penser ?
On nous dit aussi que les étrangers ne demandent pas le droit de vote, ni d'éligibilité. C'est faux ! Lorsque vous faites de la politique sur le terrain, quand vous allez à la rencontre des gens, lorsque vous faites signer des référendums et des initiatives, vous les entendez régulièrement vous dire que ça fait des décennies qu'ils travaillent ici, qu'ils vivent ici, mais qu'ils n'ont toujours pas l'exercice des droits politiques. (Commentaires.) Ils ne peuvent toujours pas se prononcer sur ce qui régit leur vie au quotidien ! Les étrangers participent pleinement à la vie sociale, sportive, économique et associative de ce canton. Ils sont partie intégrante de notre collectivité, et pourtant, nombreux sont ceux, ici, qui veulent leur nier cette qualité en leur refusant le corollaire de la citoyenneté que représente l'exercice des droits politiques. (Brouhaha.)
Enfin, à entendre l'étendue des qualités et des compétences que beaucoup semblent estimer indispensables pour l'exercice des droits politiques pour les étrangers - et pour les étrangers exclusivement - sans attendre la réciproque ou l'identique pour les nationaux, je ne peux manquer d'évoquer ce que l'on dit encore par dérision de l'égalité homme-femme, à savoir que l'égalité sera faite le jour où l'on nommera des femmes incompétentes à des postes à responsabilités !
On nous dit ce soir que cette salle est partagée; oui, elle est partagée. Mais je rappelle à d'aucuns ici, ou à certains groupes, que lors des travaux de la Constituante, ils s'étaient engagés... (Brouhaha.) ...au motif de la concordance, à soutenir l'octroi des droits politiques aux étrangers. Ils en avaient pris l'engagement formel ! Je le leur rappelle aujourd'hui, et je les invite, comme je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir ce projet de loi ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je vais passer la parole à la rapporteure de minorité, Mme Frédérique Perler, puis à M. Jean-Marie Voumard, et ensuite nous voterons. Madame Perler, vous avez la parole.
Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Effectivement, on ne pouvait pas s'attendre à rallier l'ensemble des opposants à ce projet. Néanmoins, j'aimerais vous dire - et ce sera une sorte de conclusion - que si ces prochains mois je devais déménager à Soleure ou à Berne, eh bien je bénéficierais, dans les trois mois qui suivent, des droits politiques complets, alors que je n'ai aucune idée de ce qui se passe dans ces communautés-là, et que je ne parle pas le «Bärndütsch». (Brouhaha. Applaudissements.)
Le président. S'il vous plaît, on a presque fini. Allez-y, Madame. (Un instant s'écoule.) Vous avez fini ?
Mme Frédérique Perler. J'ai terminé, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Monsieur le rapporteur de majorité, c'est à vous.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je crois que tout a été dit ce soir. La question qu'on peut se poser c'est, si ce projet de loi est accepté, à quoi cela servira, pour un étranger âgé de 16 ans - parce qu'on va y venir aussi - de demander la nationalité suisse. Dès lors, il faut absolument refuser de brader notre identité nationale en rejetant ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons procéder au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Exclamations. Presque toutes les mains se lèvent.) C'est quasiment une unanimité !
Mis aux voix, le projet de loi 11061 est rejeté en premier débat par 52 non contre 41 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons maintenant un huis clos. Je vais donc demander aux huissiers de bien vouloir faire sortir les personnes de la tribune, de fermer les fenêtres, de fermer les portes, et à Mme l'opératrice de couper les micros et la retransmission sur notre site internet.
La séance publique est levée à 22h35.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.