République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 janvier 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 4e session - 19e séance
R 754
Débat
Le président. Nous abordons la proposition de résolution 754. Il s'agit d'un débat de catégorie II. Je passe la parole à M. François Lefort, premier signataire de cette résolution.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. D'après le rapport divers 1000 - soit le point 203 de l'ordre du jour - qui porte sur la gestion de l'Aéroport international de Genève pour l'exercice 2012, Genève Aéroport se porte bien. La bonne santé économique du secteur de l'aviation à Genève est donc avérée; la masse de travail et le volume d'affaires ne cessent d'augmenter à l'aéroport, et cela depuis dix ans - ce n'est pas nouveau. Les bénéfices des entreprises augmentent aussi, et ceux de Genève Aéroport y compris puisqu'ils sont passés, en dix ans, de 25 à 66 millions par an, dont une partie revient évidemment à l'Etat de Genève. Le développement de l'aéroport continue, avec chaque mois de nouvelles lignes, de nouveaux vols, et davantage de passagers. Mais chose incroyable, cette croissance ne profite pas aux employés, qui ne sont pas invités à en partager les bénéfices. Les salaires baissent, les conditions de travail se péjorent, il y a même des augmentations du temps de travail à salaire constant. Soyons clairs sur les mots: cela s'appelle du dumping salarial, et cela peut se faire dans le champ d'activité d'une entreprise publique autonome, Genève Aéroport. Cela est donc inacceptable.
Résumons la situation avec quelques exemples: Gate Gourmet, entreprise en bonne santé, au bénéfice cumulatif sur plusieurs années, licencie, en septembre 2013, l'ensemble de son personnel pour le réengager à des conditions salariales inférieures. Cela a comme conséquence, pour les employés, des pertes de plusieurs centaines de francs par an, et ce sur des salaires qui sont déjà extrêmement bas. Gate Gourmet a été inventif dans ce conflit: licenciements de grévistes, licenciements de délégués syndicaux, dépôts de plainte, recours au travail temporaire illégal, refus des arbitrages. Casser des accords sans négociation, mettre fin unilatéralement à des conventions collectives, refuser la négociation, voire des arbitrages sous les auspices de la CRCT puis du conseiller d'Etat, ce n'est pas et ce n'est plus du partenariat social; c'est casser le partenariat social qui nous est cher et qui doit nous être cher à nous, Grand Conseil.
Maintenant, quelles sont les autres nouvelles en provenance de l'aéroport ? Une autre compagnie, SR Technics, 100 employés sur le site, dénonce la CCT en vigueur pour le 30 juin 2014, propose de geler les progressions salariales prévues par la CCT, d'augmenter le temps de travail de 40 à 42 heures pour le même salaire, de supprimer les congés compensatoires et les mesures de préretraite liées à la pénibilité du travail pour certains postes.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. François Lefort. Oui, merci. Trente secondes, vous êtes bien généreux ! (Rires.) Par ailleurs, Swissport, 1200 employés, annonce vouloir geler les mécanismes salariaux prévus par la CCT en vigueur et menace les syndicats de dénoncer la CCT pour pratiquer des économies - Monsieur le président, je vous informe qu'avec la permission du groupe, je m'exprimerai sur le temps des Verts.
Enfin, en ce qui concerne Dnata, qui compte 450 employés aujourd'hui, la CCT en vigueur sera vraisemblablement menacée dès l'été 2014. Voilà ce qui se passe dans des sociétés concessionnaires de Genève Aéroport, une entreprise publique autonome qui appartient à la population genevoise. Alors la responsabilité de Genève Aéroport est engagée; la responsabilité sociale de Genève Aéroport est engagée, et nous demandons à Genève Aéroport de faire respecter, en notre nom, les usages du travail par les compagnies concessionnaires. Et nous voulons signifier, par cette résolution qui vous est proposée ce soir, un message à ces entreprises: la population genevoise, représentée par son Grand Conseil, est attachée au partenariat social ! Elle est attachée aux conventions collectives, et elle exige des conditions de travail exemplaires à l'aéroport de Genève.
Nous demandons donc au Conseil d'Etat d'intervenir pour enrayer cette épidémie de dumping salarial qui s'annonce, nous lui demandons d'intervenir pour empêcher par tous les moyens légaux à sa disposition ce dumping salarial sur le site de l'aéroport de Genève, nous lui demandons de protéger les conventions collectives et de les étendre partout où cela est possible. (Brouhaha.) C'est d'ailleurs ce que prévoient les mesures d'accompagnement des accords bilatéraux, et il serait quand même incroyable que, dans une situation où les entreprises font des bénéfices, les salaires et les conditions de travail des employés soient péjorés. Enfin, nous demandons également au Conseil d'Etat de garantir l'exercice des droits syndicaux tel que prévu par la constitution. Si cela ne suffit pas, et si cela devient nécessaire, nous lui demanderons d'envisager de ne plus autoriser l'activité de ces entreprises qui ne respectent pas le pacte social sur le site de l'aéroport de Genève, et donc de mettre fin aux concessions.
Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de voter cette résolution et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat, qui sera épaulé, armé grâce cette volonté du Grand Conseil de signifier à ces entreprises qu'on ne joue pas avec le pacte social à Genève ! Merci ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que la situation actuelle à Genève Aéroport est problématique et assez paradoxale: d'un côté, on a des entreprises qui réalisent des bénéfices... (Brouhaha.) ...on a Genève Aéroport, en tant qu'entité appartenant à l'Etat, qui profite de ses bénéfices, y compris dans le cadre des débats budgétaires puisque le conseiller d'Etat se félicite des bons résultats de cette entreprise - près de 30 millions pour 2014 - et parallèlement on apprend régulièrement par la presse, par les médias, par d'autres canaux, que le partenariat social est mis à mal sur le site de Genève Aéroport. En fait, le problème c'est que ce n'est pas nouveau; des mouvements sociaux, des mouvements de mécontentement se sont exprimés à Genève Aéroport depuis 2010, même avant, et chaque fois on se rend compte que cet instrument économique nécessaire à Genève, nécessaire à l'économie genevoise, est menacé par un mauvais partage de la richesse qui est créée sur ce lieu. Genève Aéroport est source de richesse, les multinationales qui sont propriétaires en profitent, les actionnaires propriétaires de ces multinationales en profitent aussi, et pendant ce temps on baisse les salaires des employés qui travaillent à Genève Aéroport ! Evidemment, pas à Genève Aéroport comme institution, mais dans toutes les entreprises qui sont actives sur le site ! Et comment pouvons-nous expliquer aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, que des Genevoises et des Genevois doivent vivre avec moins d'argent qu'il y a une dizaine d'années, alors que tout augmente ? Les loyers augmentent, les assurances-maladie augmentent, donc pour toutes les personnes qui vivent ici, cette situation est clairement un paradoxe insupportable et je crois que les députés doivent réellement manifester leur intention de mettre un terme à cette sous-enchère permanente dans les salaires.
Donc Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution vise à apporter un appui aux démarches du Conseil d'Etat, parce que je crois qu'il faut aussi le signaler au-delà de tout clivage politique, le ton a changé depuis l'élection...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...d'un nouveau Conseil d'Etat; alors qu'avant on ne portait même pas l'attention nécessaire aux problèmes du site de Genève Aéroport, nous pouvons constater qu'au moins ce Conseil d'Etat - et M. Maudet en particulier - se préoccupe de ce qui se passe. Je pense qu'en soutenant cette résolution, on donne un très bon message au Conseil d'Etat et on lui montre qu'il est appuyé par le Grand Conseil genevois. Donc je vous invite à voter cette résolution. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Que de propos venons-nous d'entendre de la part de M. Deneys ! Extraordinaire ! (Commentaires.) Vous venez de vous apercevoir de ce qui se passe avec les accords bilatéraux, Monsieur Deneys, cher collègue ? Parce que vous vous demandez comment expliquer aux Genevois qu'ils vont toucher moins d'argent qu'il y a dix ans; eh bien dites-leur comment vous les avez trahis en leur vendant l'Europe et les accords bilatéraux ! (Protestations.) Parce que Gate Gourmet ne fait aucune action illégale, ils sont parfaitement dans la loi ! C'est scandaleux, je vous l'accorde, mais c'est légal ! Il faut que les gens le sachent ! Alors vous m'excuserez, mais vous repasserez avec votre discours de bon samaritain pour Gate Gourmet !
Mesdames et Messieurs les députés, Gate Gourmet est une société privée, au bénéfice d'une concession octroyée par l'Aéroport international de Genève, sur directive de l'Office fédéral de l'aviation civile ! Ils n'ont aucune obligation légale quant au niveau de salaire qu'ils veulent pratiquer... (Commentaires.) ...et ils ont le droit d'en décider. Du reste, nous n'avons pas vu le Conseil d'Etat entamer une procédure contre Gate Gourmet, c'est donc bien la démonstration qu'ils ne sont pas dans l'illégalité !
Maintenant, évidemment, comment vivre à Genève avec 3000 F par mois ? Eh bien le jour où vous aurez compris que les accords bilatéraux vont ont trompés, ont détruit la Genève d'en bas et apporté un flux de frontaliers absolument indécent dans notre canton, eh bien vous aurez compris que le 9 février, il vous faut voter oui à l'initiative de l'UDC pour renégocier les accords bilatéraux ! Et ça, c'est une réalité ! J'en ai terminé, merci !
M. Gabriel Barrillier (PLR). J'aimerais d'abord constater, en tant que rapporteur pour le rapport divers 1000 sur le devenir et le fonctionnement de l'Aéroport - on en parlera plus tard, car malheureusement on ne le traite pas en même temps que la résolution de ce soir - que cet aéroport, qui est un outil indispensable pour Genève et notamment pour la Genève internationale, est victime d'un certain harcèlement. Imaginez que si on n'avait pas d'aéroport, il n'y aurait pas de conférences internationales telles que nous avons ces jours. (Commentaires.)
Deuxièmement, il règne une certaine hypocrisie - et là je m'adresse à ces bancs, là, notamment aux représentants des Verts: qui, dans cette enceinte, ne se réjouit pas - ce n'est pas mon cas, je prends très peu l'avion - de pouvoir aller à Barcelone, de pouvoir aller dans le monde entier pour rien du tout, pour vingt francs, pour trente francs, pour quarante francs ? Est-ce que vous imaginez, quand vous prenez un billet à ce prix-là, que les compagnies qui travaillent à Genève Cointrin vont pouvoir offrir des salaires mirifiques ? Là, il y a un paradoxe et une hypocrisie dans toutes les travées de ce parlement. Ça, c'est vraiment important, et je vous rends attentifs à ce point.
Maintenant, sur les invites de la résolution: «empêcher, par tous les moyens légaux, le dumping salarial sur le site...» Il nous a été dit, lors des auditions que nous avons menées, que sur le site de l'aéroport il y avait des conventions collectives, mais surtout qu'on s'était mis d'accord sur des usages, qui ont été ratifiés par l'OCIRT. Premier point. Deuxième invite: «protéger les conventions collectives de travail existantes en les étendant partout où c'est possible.» Evidemment ! Mais pour étendre une convention collective de travail, vous le savez très bien, il faut des majorités ! Il faut une volonté de négocier, je le reconnais, et de demander cette extension. Ensuite, on a «protéger les droits syndicaux.»
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Gabriel Barrillier. A mon avis, il n'y a pas de preuve qu'on ait empêché quiconque, sur ce site, d'exercer les droits syndicaux. Enfin, «prévoir que les employeurs ne pratiquent pas le dumping.» Effectivement, l'aéroport octroie des concessions; on peut très bien accepter que, dans ces concessions, il y ait un certain nombre d'obligations qui concernent les conditions de travail. Donc en gros...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Gabriel Barrillier. ...ce n'est pas la catastrophe, mais le groupe PLR est d'accord de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat et à M. Maudet qui, d'après ce que nous savons, a déjà pris son bâton de pèlerin pour améliorer le climat sur ce site. Je vous remercie.
Mme Christina Meissner (UDC). Après Gate Gourmet, voici le développement de cas de dumping salarial à l'aéroport. La résolution qui nous est proposée aujourd'hui parle même d'épidémie. Mais quand on laisse la porte ouverte comme c'est le cas aujourd'hui, que la main d'oeuvre se presse à cette porte dans des quantités incroyables parce que la situation est désespérée en Europe, quel employeur ne serait pas tenté d'en profiter pour baisser les salaires, pour des gens qui de toute façon sont prêts à travailler à n'importe quel prix, dans n'importe quelles conditions ? Voilà les conséquences, les vraies conséquences de l'immigration massive que notre pays est en train de subir, et Genève tout particulièrement !
Alors vous dites qu'il faut mettre un terme à cette situation. Vous avez raison ! Il faut le faire ! Mais comment ? Eh bien moi finalement, je regrette que le 9 février nous ne votions pas aussi sur le salaire minimal à 4000 F ! Parce qu'alors, on aurait pu vérifier si tous les milieux qui aujourd'hui s'opposent au contrôle de la porte d'entrée, comme le veut l'initiative de l'UDC, étaient aussi prêts à verrouiller la porte de l'intérieur ! Parce que c'est ça qu'il se passe aujourd'hui, vous avez le choix: vous contrôlez à l'entrée, ou vous verrouillez après par des conventions collectives, ou - comme M. Barrillier le disait - par du flicage des entreprises, parce qu'il faut le faire. Alors à vous le choix ! Pour l'UDC il est fait, le 9 février il faut voter oui à l'initiative contre l'immigration de masse ! (Commentaires.) Parce que ça, c'est la bonne solution, la solution qui n'est pas extrême ! Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. François Baertschi, pour une minute trente !
M. François Baertschi (MCG). Alors d'abord, en préambule, je vais dire une chose: le MCG - il l'indique dans un projet de loi - est favorable à des conventions collectives de branche. C'est ce que nous proposons. En revanche, nous ne pouvons pas accepter la résolution en l'état, telle qu'elle est formulée. Il y a un tel tissu d'erreurs, de tromperies, que nous ne pouvons le tolérer. (Brouhaha.) Traiter Gate Gourmet d'entreprise voyou, comme on le fait ou presque, c'est tout à fait inacceptable quand on sait que les salariés de cette entreprise sont mieux payés que les autres grâce à l'héritage de Swissair, qu'il y a certains avantages par rapport à la concurrence alors qu'ils viennent de perdre 7% de leur chiffre d'affaire avec une compagnie aérienne. Non, ce n'est pas tout rose, contrairement à ce qu'on nous raconte. C'est vrai que le véritable problème, comme l'a très bien dit mon préopinant Eric Stauffer, vient de l'Europe et vient de Berne ! C'est l'Europe qui impose des directives très précises, qui oblige à avoir une concurrence entre trois entreprises concessionnaires - c'était deux, ce sera bientôt trois; c'est Berne qui nous oblige à...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député !
M. François Baertschi. ...rattacher la convention collective de l'hôtellerie et de la restauration; il y a tout un ensemble d'éléments. Et le pompon - excusez-moi du terme - c'est quand on vient nous dire que la liberté syndicale est en jeu, alors qu'il y a quand même eu de la violence syndicale ! Ce n'est pas le syndicalisme que nous connaissons...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. François Baertschi. ...le syndicalisme de la paix sociale, le syndicalisme de dialogue, qui essaie d'amener à des solutions; non, c'est l'affrontement, c'est la guerre, c'est le militantisme, il faut le savoir. Au MCG ce ne sont pas nos méthodes, nous pensons qu'il faut d'abord défendre les salariés genevois, c'est notre ligne, merci !
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va accepter cette proposition de résolution et la renvoyer au Conseil d'Etat. Nous avions déjà pris la parole il y a quelques semaines sur Gate Gourmet, et nous répétons les mêmes choses: un, les conventions collectives de travail sont essentielles. S'il y a une richesse en Suisse, c'est grâce aux conventions collectives, c'est grâce à la stabilité sociale, c'est grâce à la stabilité politique. On peut dire tout ce qu'on veut sur le 9 février, ça ne changera rien au problème. Si on vit dans une opulence telle que celle qui est la nôtre actuellement, c'est parce qu'on a cette stabilité. Les conventions collectives de travail sont indispensables, c'est pour ça que le parti démocrate-chrétien n'accepte pas qu'on les remette en question.
La deuxième chose que le parti démocrate-chrétien n'accepte pas, c'est que pour nous, tout travail mérite salaire. Et lorsqu'on a un travail qui ne permet pas de vivre dans des conditions décentes, à Genève, c'est inadmissible. Ça, on doit le dire et le répéter, on ne peut pas le tolérer. Lorsqu'on a la possibilité de produire de la richesse, on doit aussi payer correctement ses employés. C'est une chose fondamentale, et cela touche la fibre sociale des démocrates-chrétiens; tout travail mérite salaire. Or, qu'est-ce qu'on voit ? Que de plus en plus, le travail ne mérite pas de salaire, c'est-à-dire qu'on ne peut pas vivre avec son revenu. Alors après on peut rajouter tout ce qu'on veut sur le 9 février, on peut rajouter l'histoire des gens qui viennent et qui partent, mais le problème c'est que maintenant on doit avoir des salaires qui permettent de vivre, on doit avoir des salaires qui n'obligent pas à faire des heures supplémentaires, on doit avoir des salaires qui n'obligent pas à travailler le samedi ou le dimanche pour gagner un peu plus. C'est pour ça que nous faisons confiance au Conseil d'Etat pour régler cette situation. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression que nous nous trompons de débat, ou alors que certains l'instrumentalisent pour défendre leur chapelle et soutenir des thèses qui ne sont de loin pas les nôtres.
Parlons de Gate Gourmet, parlons de la résolution qui vous est proposée. Il s'agit ici d'éviter un nivellement par le bas; il s'agit de refuser que les conventions collectives de travail soient dénoncées au profit de conventions qui sont moins avantageuses. Mme Meissner a dit tout à l'heure que c'était la faute de ces gens qui se pressaient aux frontières, et elle a demandé quel employeur ne serait pas tenté de baisser les salaires. Alors à qui la faute ? A ceux qui cherchent du travail ou à ceux qui profitent de cette situation pour diminuer les salaires ? Soyons clairs ! La meilleure manière de pratiquer, c'est protéger les salaires et ne pas protéger les frontières ! Aujourd'hui, nous avons besoin d'une économie qui va au-delà des frontières ! Nombreux sont ceux qui l'affirment. Mais on voudrait nous faire croire le contraire. Il ne s'agit pas de ça. Nous sommes fermement opposés à un nivellement par le bas; nous sommes opposés à une dégradation des conditions de travail du personnel par des affreux chantages comme celui qui a été effectué à Gate Gourmet ! Et là on peut effectivement parler de pratique voyou ! Aussi, nous accepterons cette résolution, et nous défendrons, bien au-delà encore, lors du débat suivant, les grévistes de Gate Gourmet. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Jean-Michel Bugnion, pour une minute.
Une voix. C'est une erreur !
Le président. C'est une erreur, d'accord. La parole est donc à M. François Lefort, pour une minute.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Alors je suis très étonné du discours de l'honorable Barrillier, qui a été un éminent partenaire social dans une autre vie. Je suis très étonné qu'il puisse railler une soi-disant hypocrisie des Verts, qui prendraient honteusement l'avion à bas prix. Mais, Monsieur Barrillier, vous avez mis le doigt sur la vraie hypocrisie; C'est celle... (Commentaires.) ...cher collègue, éminent partenaire social, de faire croire qu'un billet d'avion puisse coûter vingt francs ! Elle est là, l'hypocrisie ! Et ce n'est pas celle des Verts, qui ont d'ailleurs proposé récemment deux projets de lois - que vous avez refusés en commission de l'économie, chers et honorables camarades - qui visaient à faire cesser cette comédie et à faire participer ce marché privilégié, où le carburant n'est pas taxé, à la transition énergétique. (Commentaires.) Je vous en prie, chers collègues, ne vous énervez pas ! (Rires.)
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.
M. François Lefort. Merci, Monsieur le président. Le MCG cherche des responsables ailleurs, à Berne, en Europe, ce sont les habituelles incantations. Les responsables sont ici, dans cette salle: députés et conseillers d'Etat, votre responsabilité est garante du partenariat social et des mesures d'accompagnement. Et ce soir, votre responsabilité c'est de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, j'espère bien que vous le ferez ! Merci ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, pour une minute.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. On mentionne, dans cette résolution, que ces sociétés veulent diminuer leurs charges pour augmenter leurs bénéfices, ce qui est bon pour l'Etat ! Ces sociétés paient effectivement des impôts supplémentaires, ce qui devrait réjouir les initiants par rapport à la prise en charge des prestations sociales ! Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Ducommun, pour une minute trente.
M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. Je ferai trois remarques, le plus rapidement possible puisqu'il ne reste pas beaucoup de temps.
La première est la suivante: c'est vrai que je serais quand même étonné qu'une majorité de ce Grand Conseil estime que c'est une pratique patronale que de licencier les gens pour supprimer une convention collective de travail... (Commentaires.) ...et les faire adhérer à une autre convention qui paie moins ! Je rappelle que le salaire d'embauche voulu par Gate Gourmet, c'est 3500 F. Certains s'offusquent du fait qu'on ne peut pas vivre à Genève avec cette somme !
Deuxièmement, je tiens à dire ma surprise par rapport à la position du MCG. Le MCG dit d'un côté que c'est ignoble d'exploiter les gens de cette manière, se présente comme leur défenseur et a d'ailleurs déposé un projet de loi qui réclame qu'il n'y ait pas d'employé, à l'aéroport, qui ne soit pas au bénéfice d'une convention collective de travail. Par contre, le MCG se satisfait très bien du fait...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Michel Ducommun. ...que les conventions collectives trop favorables soient éliminées !
Le troisième élément que je voulais avancer concerne les violences qui ont été mentionnées; je rappelle quand même qu'elles n'ont pas encore été jugées, et qu'en général on attend un jugement pour être sûr de ce qu'on affirme ! Je vous remercie.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le texte de cette résolution nous rappelle certains principes élémentaires du fonctionnement du partenariat social. Le partenariat social et les mesures d'accompagnement n'ont de sens que si, avec volonté, patrons et syndicats sont capables de négocier des conventions collectives qui permettent à chacun d'avoir des conditions de vie décentes, et qui amènent à couvrir le maximum de secteurs économiques possibles. Ce sont les mesures d'accompagnement qui nous ont permis, ces dernières années, de passer d'un nombre très limité de conventions collectives, à Genève, qui avaient le statut de conventions collectives étendues - il y en avait 3 avant les accords bilatéraux - à plus de 26 aujourd'hui.
Il y a, dans le cas particulier, une situation inédite: une convention collective existante se substitue à une convention collective existante également, ayant un statut étendu. Il va peut-être vous étonner que le Conseil d'Etat vous demande de lui renvoyer cette proposition de résolution; nous considérons en effet qu'il nous appartient de démontrer, en particulier dans une entreprise publique, que cette entreprise empêche effectivement, par tous les moyens légaux, les situations de dumping salarial.
Et si nous nous trouvons, ici, dans une situation particulière, il s'agit aussi de vous apporter les garanties que, sur l'ensemble du site de l'aéroport, avec certaines mesures qui ont été prises notamment à l'égard des entreprises concessionnées - et en particulier dans le cadre du renouvellement des concessions qui interviennent, en général, tous les trois ans - les mesures d'accompagnement et la lutte contre le dumping salarial existent. Nous voulons donner la garantie à notre population que chacun ait la capacité, à Genève, de vivre avec un salaire décent, un salaire qui soit supérieur, nous l'avons dit - je regarde Mme Haller et je vois son sourire - aux salaires qui ont été prévus notamment pour les emplois de solidarité. Nous les avions calés, vous vous en souvenez, sur les conventions collectives les plus modestes: cela, je vous le rappelle, avait suscité quelques débats. Mais nous ne pouvons évidemment pas accepter cela dans une entreprise de cette nature. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous invite à lui renvoyer cette résolution, afin que des éclaircissements puissent vous être apportés. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets donc aux voix cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la proposition de résolution 754 est rejetée par 54 non contre 43 oui et 1 abstention.