République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2104-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Jean Romain, Charles Selleger, Pierre Conne, Jacques Jeannerat, Eric Bertinat, Nathalie Fontanet, Francis Walpen, Beatriz de Candolle, Mauro Poggia, Pierre Ronget, Mathilde Chaix, Christina Meissner, Vincent Maitre, Christo Ivanov, Bernhard Riedweg, Patrick Lussi, Stéphane Florey, Claude Aubert, Guy Mettan, Jean-François Girardet, Antoine Barde, Patrick Saudan pour une révision de l'application genevoise de l'ordonnance fédérale sur les certificats de maturité (ORM 95)

Débat

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, autres motions, autres réponses, autres positions, de ma part en tout cas. La réponse du Conseil d'Etat à la motion demandant de simplifier non pas le contenu mais la structure de la maturité, cette réponse - si vous l'avez lue - est contrastée: d'une part, elle s'ingénie à contrer tous les considérants et, de l'autre, à admettre qu'il faut une simplification de la maturité au motif, justement, que c'est un peu compliqué. L'axe de cette motion est le principe que j'ai appelé celui des options liées. Pour des raisons purement idéologiques, le département ne veut pas de ce principe. Or, il aurait tous nos suffrages, car nous y gagnerions en simplification.

Un bon point parmi les réponses: parmi les mesures proposées, l'OS - option spécifique - va commencer dès la première année et non plus dès la deuxième. Le reste, tout le reste, est de la poudre aux yeux. Je vous le présente... On tergiverse sur le lien entre le latin et le grec au motif que, dans un profil enfin clair «langues anciennes», cela diminuerait tout simplement les inscriptions. Il n'y a pas de raisons pédagogiques, c'est le nombre d'inscriptions qui risque de diminuer, il faut donc séparer le latin et le grec. Dans le profil scientifique, on veut bien lier l'option maths fortes à l'OS physique et application des mathématiques, option rare, mais cette même OS, on ne veut pas la lier avec biologie-chimie qui draine la forte majorité des élèves, au motif que ce serait dissuasif. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Jean Romain. Ce n'est pas pour des raisons pédagogiques, mais pour des raisons purement psychologiques. Pour le troisième profil, économie et droit, on caresse de loin l'idée qu'on pourrait peut-être, éventuellement - mais sans oser le déclarer - lui lier l'allemand obligatoire. Je vous signale que la jurisprudence qu'on étudie à l'université durant les études de droit est essentiellement en allemand ! Quant au profil arts, c'est très bien: musique et arts visuels; fortement régionalisé comme vous le savez, chers collègues, il resterait tel quel. Enfin, et c'est l'énorme problème, le profil langues vivantes qui s'organise autour de quatre langues vivantes. Il permet toutes les combinaisons et toutes sortes de variétés possibles. Mais là, on ne s'entend pas, parce que chacune des parties veut tirer à elle la couverture et, devant cette cacophonie, le Conseil d'Etat admet prudemment que le statu quo est sans doute le mieux.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat reconnaît qu'il y a problème, que la motion soulève de justes difficultés, mais qu'on ne peut les résoudre que très «cosmétiquement», évidemment, à part - je l'ai dit - pour l'option spécifique qui commencerait en première année. Chers collègues, en acceptant cette motion il n'y a pas très longtemps et en la renvoyant au département, le Grand Conseil s'attendait à un plus grand effort d'imagination de sa part et à des mesures plus énergiques, afin de mettre en place le fameux principe qui constitue le socle de cette motion, les options liées. Nous pouvons le faire, parce que cela a déjà existé: cinq types de maturité dans un jeu d'options, c'était le système Rousseau, le système Sismondi. Nous pouvons le faire, et l'ORM actuelle n'est pas un obstacle à cela. Je demande donc de renvoyer sa copie au Conseil d'Etat et de ne pas prendre acte de cette réponse si peu convaincante parce que trop peu imaginative. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je soutiens cette demande de renvoi au Conseil d'Etat. Pourquoi ? La proposition de motion avait été travaillée dans la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, et avec une large majorité, elle avait été préavisée pour être renvoyée au Conseil d'Etat. Le présent rapport ne répond à aucune des demandes évoquées dans cette motion. M. le député Jean Romain vient de développer tout un argumentaire pour vous convaincre de renvoyer ce rapport: je ne reprendrai pas tous les arguments, mais vous encourage à faire de même.

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le motionnaire, M. Jean Romain, n'est manifestement pas satisfait de la réponse du Conseil d'Etat, qui a pourtant bien entendu le Grand Conseil dans sa demande de simplifier quelque peu le système. Le conseiller d'Etat, à l'époque M. Charles Beer, avait répondu à la commission que le département planchait depuis un moment déjà afin de simplifier un peu la grille horaire effectivement très complexe de nos jeunes au collège.

Le premier motionnaire l'a bien dit: à l'époque, à Sismondi et à Rousseau, c'était possible. C'est donc bel et bien un retour en arrière que demande cette motion, et nos premiers débats à propos de cette motion l'avaient déjà montré. Elle demande un retour en arrière vers le système que nous avons connu, afin que nos enfants suivent une scolarité qui convienne principalement à leurs parents, alors qu'au cours des travaux en commission - et à l'époque je l'avais déjà mentionné - les jeunes, tant ceux qui sont actuellement au collège que les jeunes à l'université, nous avaient démontré à quel point ces profils différents étaient un plus pour eux. Le fait de pouvoir enfin choisir le grec non pas avec le latin, mais seul, est un plus; le fait qu'en option complémentaire on puisse avoir la philosophie alors qu'en option spécifique on suit physique et application des maths, c'est un vrai plus: ça permet à ces jeunes d'avoir une ouverture qui à l'époque ne nous était pas offerte. Je trouverais donc immensément dommage de restreindre ce choix que nos jeunes demandent, et ce uniquement afin que les parents ou les conservateurs qui souhaiteraient revenir à notre ancienne école puissent simplement comprendre la grille horaire de ces enfants. Je propose donc de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat et je vous en remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je suis d'accord au moins sur un point avec M. Romain à propos du rapport sur cette motion: à la lecture de cette réponse que je n'ai bien évidemment ni cautionnée ni rédigée, on s'aperçoit que dans la première partie on y dit tout le mal qu'on pense du contenu de la motion et que l'on répond d'une autre manière dans la deuxième. Je vous le concède.

Cela dit, je crois qu'il faut répéter une chose importante: on est quand même lié, en l'occurrence, par le droit fédéral et par l'ordonnance fédérale sur la maturité. Monsieur Romain, vous nous dites: «Nous pouvons le faire», mais jusqu'à preuve du contraire je n'ai pas l'assurance que ce soit le cas. Vous avez donné un exemple très concret, celui de l'allemand. On peut le regretter en effet, et à la limite je suis de celles qui auraient plutôt tendance à le regretter; mais enfin, le choix existe entre l'allemand et l'italien, et l'on ne peut pas empêcher ce choix-là.

Quant à votre argument que les élèves qui font de l'économie et du droit doivent faire de l'allemand sous prétexte que la jurisprudence est surtout en allemand, j'y répondrai ainsi, Monsieur Romain: les études gymnasiales ne sont pas des études professionnelles qui destinent à une voie particulière. Au contraire, ce qui fait la force de ces études, c'est d'ouvrir l'esprit. Pour ma part, j'invite toujours les jeunes à faire justement des choix qui ne soient pas liés à ce qu'ils voudront étudier à l'université. En effet, je trouve beaucoup plus intéressant de choisir les sciences après des études gymnasiales humanistes ou l'inverse, et de savoir s'ouvrir l'esprit. Par pitié, ne nous liez donc pas les mains en nous disant qu'il faut à tout prix faire de l'allemand !

La vraie question qui se pose, Monsieur Romain - mais j'en avais déjà parlé avec vous - est de savoir au fond pourquoi vous voulez changer les choses: si vous vous interrogez sur les taux d'échec, sur l'accessibilité des jeunes au collège, par exemple, alors mettez clairement cette question sur la table, nous nous y attaquerons autrement, mais n'y allons pas par le biais de la grille horaire du collège.

Mesdames et Messieurs les députés, sachez qu'une des premières choses que j'ai demandées au directeur général de l'enseignement postobligatoire a été de ressortir tout le projet de réforme mis en place par les directions de collèges avec les enseignants, etc. Ce projet, qui est bloqué, va partiellement - très partiellement, mais tout de même - dans votre sens, il ajoute et renforce certains profils. On parlait tout à l'heure des sciences; je vais vous donner la réponse au débat que nous venons d'avoir: ce n'est pas au cycle d'orientation qu'on va ajouter des heures, ce projet de réforme permettait de faire commencer l'option biologie et chimie en première année... (Remarque.) ...comme toutes les options. Cela va dans le sens d'un renforcement des profils, dans le sens aussi d'un renforcement des sciences. Je vous conseille donc de prendre acte, pour l'instant, de ce rapport et, d'ici peu, je vous donnerai aussi des nouvelles de la réforme en cours. Je vous remercie.

Le président. Je vous fais voter le renvoi au Conseil d'Etat de ce rapport.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2104 est adopté par 45 oui contre 37 non.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2104 est donc refusé.