République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 8 novembre 2013 à 17h
1re législature - 1re année - 1re session - 3e séance
IN 150-TF-I et objet(s) lié(s)
Suite du débat
Le président. Nous poursuivons avec le point 217, l'initiative 150 dont l'arrêt du tribunal vient de vous être lu. Je vais passer la parole à ceux qui l'ont demandée. Je passe la parole à M. le député Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR). Tout d'abord, le groupe PLR souhaite dénoncer la prise en otage de l'ordre du jour qu'a fait le parti socialiste en demandant la lecture de l'intégralité d'un arrêt du Tribunal fédéral... (Applaudissements.) C'est absolument inadmissible et je tiens à le dénoncer. Pour le surplus, parfois, en politique, il faut savoir être bon perdant. En l'occurrence, c'est vrai, nous avons eu le droit à une lecture entière de cet arrêt et il est vrai que le Tribunal fédéral a donné raison aux recourants sur l'initiative 150 contre les cadeaux aux multinationales, sauf sur la question de la rétroactivité qui a été considérée comme contraire au droit supérieur. Sur cette base, le groupe PLR est d'avis que le parti socialiste doit avoir toute latitude pour défendre devant le peuple son combat acharné et de longue durée contre les multinationales. Ce combat fait partie du coeur de son programme économique. Pour rappel, l'exposé des motifs de l'initiative 150 ne comporte pas moins de vingt-cinq fois la mention des «multinationales». Ces dernières sont accusées de tous les maux pour les cantons, et le parti socialiste et les initiants n'hésitent pas à traiter ces entreprises de parasites.
Pour se convaincre du caractère irresponsable de cette croisade contre les multinationales, il suffit de citer l'avis d'un Conseil d'Etat, unanime sur cette question: «Près de 20 000 emplois en équivalent temps plein, plus de 1 milliard de francs d'impôts pour le canton et les communes et près de 10% de la valeur ajoutée totale du canton. Tels sont les impacts directs sur l'économie genevoise des 945 sociétés concernées et des 136 entreprises qui leurs sont liées. En additionnant les effets directs, indirects et induits sur l'économie cantonale, ces sociétés génèrent environ 50 000 emplois en équivalent temps plein et contribuent à hauteur de près d'un quart du PIB cantonal.» Pour ces motifs, le groupe PLR est totalement opposé sur le fond à cette initiative et n'est pas favorable à l'idée d'un contreprojet.
Le parti socialiste doit assumer devant le peuple sa stratégie destructrice de prospérité et d'emplois. Nous soutiendrons le renvoi en commission fiscale. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christian Dandrès.
M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Comme initiant, comme recourant, comme député et comme membre du parti socialiste, c'est un grand plaisir de pouvoir entamer ce soir le débat sur le fond de cette initiative. Parce que la bataille a été rude: il a fallu faire face à un monceau de mauvaise foi et recourir au Tribunal fédéral qui a donné un petit cours de civisme au PLR et aux personnes qui l'ont soutenu dans cette démarche. C'est regrettable, nous avons perdu un certain nombre de mois, mais ce soir nous pouvons enfin entamer ce débat. Le problème, c'est qu'emporté dans sa volonté de ne pas soumettre cette initiative au peuple, le rapporteur de majorité, M. Cuendet, s'est fendu d'un petit rapport mesquin dans lequel il tronque les arguments qui ont été avancés par les initiants et les personnes auditionnées et qui, du coup, ne permet pas au plénum de débattre en toute connaissance de cause de l'objectif et des vertus de cette initiative. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste soutiendra la demande faite par le Bureau de renvoyer cette initiative en commission fiscale. En commission fiscale et non pas en commission législative, parce que je pense qu'il faut rappeler ici que cette commission a largement fauté, a largement manqué aux obligations qui étaient les siennes dans le cadre de l'examen préalable de la recevabilité de cette initiative. La commission fiscale pourra aborder des thématiques aussi essentielles que la question de l'égalité de traitement devant l'impôt et celle des risques majeurs que font peser les allègements fiscaux sur les relations internationales que notre pays entretient avec la communauté internationale. Je pense que le conflit que l'on connaît aujourd'hui avec l'Union européenne - baptisé pudiquement différend fiscal - est en réalité une véritable bataille et devra également être traité par cette commission en vue des débats futurs que nous aurons sur l'imposition des entreprises.
Donc, le groupe socialiste soutiendra le renvoi en commission fiscale. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Golay.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, alors, nous revoilà avec cette initiative avec un intitulé très trompeur, puisqu'on parle de cadeaux. «Pas de cadeaux» comme ça avait été dit pour les forfaits fiscaux, alors que les forfaits fiscaux sont stipulés dans la loi fiscale. Et, bien sûr, vous avez cette habitude d'avoir des titres enchanteurs pour convaincre une partie de la population, pour abuser d'elle... (Commentaires. Rires.) Dans le sens d'une démocratie qui n'existe pas du tout avec vous !
Ce qui veut dire pour le MCG que, bien entendu, on constate une fois de plus ce que fait la gauche, notamment les socialistes, plutôt que de retirer cette initiative qui va mettre à mal notre économie, au cas où les gens se seraient effectivement trompés par rapport à ce que j'ai expliqué avant. Voilà, vous êtes vraiment les fossoyeurs de notre économie - de l'emploi. Vous essayez par tous les moyens de faire grossir vos rangs avec des gens qui sont dans la précarité. (Exclamations.) On sait combien de postes sont issus des multinationales et vous n'avez pas conscience de ce que ça peut rapporter aux communes, ces multinationales ! Et je pense que votre acharnement, comme l'a dit M. Cuendet, est juste déplorable parce que vous allez peut-être mettre des milliers de personnes dans une certaine crise si on ne trouve pas d'autres solutions. Mais ça va avec tout le reste: vous vous attaquez à la place financière et à l'industrie et la seule chose qui compte pour vous, c'est de grossir vos rangs avec des gens qui auront l'illusion d'appartenir à un groupe qui les défend socialement alors que c'est vous qui les mettez dans la misère. C'est ce que nous vous reprochons !
Pour en terminer, on soutiendra aussi le renvoi à la commission fiscale de cette initiative.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, je ne veux pas faire beaucoup plus long que mon collègue Roger Golay, mais je tiens quand même à saluer la déclaration du PLR parce que effectivement vous critiquez le soi-disant temps qu'on a perdu par rapport à votre initiative, mais vous commencez tout de suite à nous faire perdre du temps avec la lecture d'une lettre que personne n'a écoutée, je vous le dis tout de suite. J'ai regardé, à commencer par vous-même, vous parlez entre vous, vous voyez. Je ne sais pas, mais si c'est ça que vous appelez la productivité dans ce parlement, je suis très étonné. Mais passons !
Votre initiative, si je comprends bien, elle se base sur quoi, encore une fois ? Sur vos principes dogmatiques, rien d'autre. Vous êtes anti-multinationales parce que vous êtes à priori des jaloux. Je ne sais pas, vous avez une petite jalousie primaire. Sinon, vous n'êtes pas contents de la bonne qualité de vie que ce pays - Genève notamment - a réussi à avoir avec ces multinationales. Ici, dans votre exposé des motifs, je vois tout de suite «profiteurs». C'est très important, vous le mettez tout de suite en exergue: «profiteurs» ! Moi, je pense que tout le reste va dans ce sens-là. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous avez ici des chiffres qui ne savent strictement rien dire et ce que je trouve encore très intéressant, c'est à la page 7 où vous parlez du chômage: soi-disant que c'est grâce à ces multinationales que le nombre de chômeurs a passé de 4% à 7%. Vous me faites bien rire, Mesdames et Messieurs, parce que pour nous, ce ne sont pas vraiment les multinationales le problème. Vous dites à un autre moment de votre exposé qu'elles ne créent pas de l'emploi. Effectivement, elles ne créent pas de l'emploi, mais par contre la masse de frontaliers qui a explosé durant la même période, ça oui, ça a créé des problèmes. Ça oui, les Genevois le sentent tous les jours ! Alors, arrêtez de nous bousiller avec vos chiffres bidon qui ne veulent strictement rien dire et, moi, le conseil que je vous donne, c'est que vous êtes dans un combat d'un autre temps. Dépassez ces problèmes dogmatiques et pensez quand même qu'entre autres, même si on a une situation fiscale à 11,65%, si vous voulez être cohérents avec les PME genevoises, soutenez justement la baisse pour tous, c'est-à-dire une moyenne de 13% qui, je vous le signale, est quand même ce que l'Irlande, un pays de la Communauté européenne, met en pratique.
Donc, nous sommes aujourd'hui en guerre économique, avec des places financières comme Londres et Singapour. Alors, soit nous sommes plus forts que tout ce monde-là et on veut à tout prix les garder, soit je ne comprends pas pourquoi Londres et certains pays extrême-asiatiques font tout pour que ces sociétés déménagement chez eux. Il y a quand même une économie qui se met en place autour de ces entreprises. Nous sommes dans une ville qui a quand même une industrie horlogère de luxe. Nous avons quand même des stands de bagnoles et il faut bien vendre ces voitures. Nous avons des restaurants. Il y a du personnel de maison. Et tous ces gens-là, tous ces gens-là, avec des salaires à grande valeur ajoutée, font que cette économie se maintient en place. Alors, arrêtez de vouloir bousiller notre qualité de vie. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien prend acte de la décision du Tribunal fédéral, ce qui est normal. Donc, nous irons en votation. Nous irons en votation sans contreprojet parce que nous allons nous opposer à un contreprojet et nous irons en votation avec les explications qui ont été données...
Le président. Il vous faut parler plus dans le micro, s'il vous plaît !
M. Bertrand Buchs. Oui. Nous irons en votation avec les explications qui ont été données par M. Cuendet et d'autres personnes. Les explications que nous avons vont convaincre la population. Donc, nous sommes sûrs que nous gagnerons cette votation. Parce que là, le parti socialiste joue vraiment avec le feu et si cette votation est gagnée au niveau cantonal, nous nous faisons beaucoup de soucis pour la suite de l'économie genevoise.
Donc, ça ne nous déplaît pas qu'on aille en votation, parce que là, nous aurons les arguments pour convaincre le peuple.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, vous transmettrez au député Medeiros qu'il pouvait écouter au préalable la lecture de l'arrêté fédéral, puisqu'il a admis ne pas avoir compris le fond de cette initiative. Je suis heureux de voir qu'il y a une justice dans ce pays, une séparation des pouvoirs quand on voit la prise d'otage effectuée par l'arrogante droite avec la commission législative. (Huées.) Je suis heureux de voir qu'il y a une justice dans ce pays, grâce à cet arrêté du Tribunal fédéral qui dit, je cite: «l'initiative 150 n'a donc rien de trompeur». Je m'aperçois donc qu'au jeu du plus menteur, puisque la droite traitait le parti socialiste de menteur dans cette initiative... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. Il semblerait que le Tribunal administratif ait tranché et c'est bien la majorité de la droite et de la commission législative qui s'avère être la plus menteuse. Et, maintenant, je n'ai pas encore entendu parler ce soir des PME. Eh bien, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, le parti qui défend les PME à Genève, c'est le parti socialiste ! (Rires. Applaudissements.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. Vous ne défendez que les grands ! Vous oubliez les petits ! Le parti socialiste défend les PME. Le parti socialiste défend l'équité fiscale, une véritable équité fiscale entre les PME et entre les multinationales. Encore une fois, le parti socialiste a vu juste, il y a trois ans, en lançant cette initiative, puisque aujourd'hui nous nous dirigeons vers une véritable équité fiscale, vers une véritable justice fiscale pour laquelle nous nous battons et je vous encourage à voter le renvoi en commission fiscale ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Forster Carbonnier. J'aimerais un peu de silence, s'il vous plaît !
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, la première chose que j'aurais voulu souligner, c'est qu'en effet, je regrette qu'il ait fallu passer par le Tribunal fédéral pour qu'enfin le Grand Conseil puisse traiter de cette initiative. Nous étions de ceux, il y a de cela quelques mois, à dire que, certes la rétroactivité n'était pas valable, mais que tout le reste de l'initiative était valide et qu'il fallait que l'on travaille. Ces mois de retard sont extrêmement regrettables.
Les Verts soutiennent le renvoi de cette initiative en commission fiscale et cela pour diverses raisons. Certes, certains arguments avancés par le PS ne sont pas tout à fait corrects. (Commentaires.) La plupart de ces aménagements fiscaux bénéficient à l'heure actuelle aux entreprises genevoises et aussi à des PME, pas seulement à des multinationales, mais il est très important d'élaborer un contreprojet parce que je pense qu'en effet c'est jouer avec le feu que de ne pas faire de contreprojet.
Il faut élaborer un contreprojet parce que davantage de transparence est nécessaire dans ce dossier. Il faut établir des critères et des critères stricts auxquels les entreprises doivent se conformer pour avoir accès aux allègements fiscaux. Il faut des critères environnementaux. Il faut des critères sociaux. Raisons pour lesquelles les Verts soutiennent le renvoi en commission fiscale. Merci, Monsieur le président.
M. Lionel Halpérin (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, permettez-moi de vous dire que je suis ému et heureux de prendre la parole pour la première fois dans cette assemblée et que c'est l'occasion pour moi de dire que je me réjouis de siéger avec chacun d'entre vous pour travailler pour le bien de Genève.
En parlant du bien de Genève, cette initiative 150 «Pas de cadeaux aux multinationales» est trompeuse. Elle est tellement trompeuse que, visiblement, le parti socialiste n'a pas compris cela lui-même quand il nous explique que les PME seraient défavorisées par rapport aux multinationales. Nous parlons ici des allègements fiscaux. Les allègements fiscaux ne sont pas réservés aux multinationales. Ils touchent avant tout les PME locales. Ça a d'ailleurs été dit par notre collègue Forster Carbonnier et c'est important de le redire, parce que ici on est train de prétendre s'en prendre aux multinationales, alors qu'en réalité, on s'en prend d'abord à des entreprises locales.
La deuxième chose qu'il est important de dire, c'est que c'est inconscient de s'en prendre aux multinationales aujourd'hui. Inconscient parce que les multinationales dans le canton, c'est 77 000 emplois. 77 000 emplois dont 46 000 pour des multinationales étrangères. 28% des emplois du canton, et contrairement à ce que l'on prétend il y a autant de Suisses et de personnes titulaires de permis de longue durée - permis C - qui travaillent dans les entreprises multinationales à Genève qu'il y en a qui travaillent proportionnellement dans les entreprises locales. Par conséquent, il est faux de prétendre que les entreprises multinationales ne donneraient que du travail à des gens qu'elles amèneraient avec elles. Les entreprises multinationales sont un trésor pour notre canton, il faut les défendre et il faut les défendre activement plutôt que de s'en prendre à elles régulièrement sous des prétextes démagogues. Surtout aujourd'hui ! Aujourd'hui, alors que notre canton est en train de se battre s'agissant des statuts spéciaux, qui est un autre sujet qui, visiblement, est mélangé par les uns et les autres à la question des allègements fiscaux. La question des statuts fiscaux est essentielle, c'est une question qui est mise en avant par l'Union européenne qui exige de la Suisse de renoncer à ses statuts spéciaux et la Suisse est en train de discuter de ces sujets. Le Conseil d'Etat se bat à Genève pour conserver des emplois essentiels pour le canton et pour conserver des recettes fiscales essentielles pour le canton, puisque, si les statuts spéciaux sont abandonnés, on parle d'un risque potentiel direct et indirect de perte de 2,5 milliards pour le budget de notre canton, c'est-à-dire un risque insupportable pour le canton, évidemment.
Dans ces circonstances, il faut faire corps avec le Conseil d'Etat, il faut se battre pour défendre nos multinationales et il faut arrêter de s'en prendre à elles, si on veut préserver non seulement l'emploi dans le canton mais aussi le filet social que nous défendons tous.
Il faut donc cesser ces attaques contre les multinationales qui font non seulement vivre le canton, mais qui font aussi que Genève n'est pas qu'une petite ville de province.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Salika Wenger (EAG). J'ai été cheffe d'entreprise et j'avais une entreprise de confection. Dans mon métier, j'ai appris une chose: quand on n'a qu'un seul fournisseur, un jour ou l'autre, inéluctablement, on finit par avoir des problèmes avec ce fournisseur et, de fait, avec son entreprise. En ce moment, on est en train de nous expliquer que l'économie genevoise dépend des multinationales. Or, ces multinationales, nous savons tous qu'elles peuvent déménager demain et que, donc, ses emplois ne sont pas pérennes.
Par contre, Messieurs et Mesdames de droite, vous avez toujours prétendu défendre les petites et moyennes entreprises. On parle du secondaire. Or, c'est faux, vous les avez abandonnées et, aujourd'hui, vous êtes en train de nous faire la leçon en nous expliquant qu'il est très important de soutenir des emplois qui ne sont pas pérennes et je dirai que vous ne parlez jamais de cette production-là, de cette qualité de travail, d'une part, et surtout du nombre d'employés que représente le secondaire: 75% des emplois sont fournis par des entreprises de moins de dix employés.
Alors, quand on arrive en donnant des avantages à des entreprises qui sont loin d'en avoir besoin et qu'on ne fait pas le même effort en ce qui concerne un champ qui permettrait par exemple de faire baisser le chômage... Parce que le problème de chômage que nous avons, c'est justement la qualité des emplois qui sont proposés. Or, le secondaire permettrait de résorber une partie de ce chômage. Alors, vous faites un cadeau à ces entreprises. On nous dit qu'on veut l'équité... Vous voulez l'équité, mais moi je ne veux pas l'équité telle que vous la promouvez. Moi, je veux que les grandes entreprises paient beaucoup ! Et que les petites entreprises paient moins ! Donc, je veux un impôt qui soit progressif - et pas du tout l'équité ! Alors, effectivement, comme il semble que nous n'ayons pas la même idée, je suis ravie que nous envoyions ce projet à la commission fiscale pour que soient rediscutés un tout petit peu les termes de ce projet. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs qui nous regardez... (Rires. Commentaires.) Ne vous laissez pas tromper par de fausses déclarations: la gauche ici réunie, dans sa nouvelle version de la première année de la première législature, continue sur la droite ligne, malheureusement, de ce qui a été fait. Vous jouez, Mesdames et Messieurs, aux apprentis sorciers; vous jouez avec la boîte d'allumettes et un jour elle vous explosera en pleine figure !
Laissez-moi vous dire, Mesdames et Messieurs, à quoi vous vous attaquez pour les Genevois - il faut que les Genevois le sachent !
Vous vous attaquez aux multinationales qui ont, en emplois directs, 21 000 employés et, en emplois indirects, 30 000 employés sur le canton de Genève. Ce sont 51 000 employés qui sont directement ou indirectement liés aux multinationales.
Laissez-moi encore vous dire, Mesdames et Messieurs, que les 21 000 employés directs des multinationales génèrent, pour le canton de Genève, 1 milliard de recettes fiscales. Voilà à quoi s'attaque la gauche aujourd'hui. Et quand vous aurez fini d'exploser les multinationales, vous aurez 1 milliard de francs de moins dans les budgets. Dites-moi, Mesdames et Messieurs, quelles prestations nous allons couper par votre inconscience ? Qui allons-nous encore laisser sur le carreau, sur l'autel du soi-disant «je convoite l'argent du riche» ? Vous finirez par voler celui du pauvre ! Dites-le moi, Mesdames et Messieurs, dites-le à la population qui vous regarde !
Par ailleurs, vous hurlez sur la fiscalité. Laissez-moi vous dire et ce n'est pas le ministre des finances qui me contredira ce soir: sur la période de 2005 à 2012, nonobstant le vote de la baisse d'impôts proposé par ce Grand Conseil et plébiscité par la population, nous avons augmenté de 3% les recettes fiscales.
Alors, expliquez-moi, Mesdames et Messieurs de la gauche, est-ce que le fait de baisser les impôts a diminué les rentrées ? Non ! Ça a dopé l'économie, ça a créé des emplois. Et c'est ça qu'il faut pour Genève: c'est une économie forte, pour faire du social efficace. Votre programme électoral, le programme de vos candidats au Conseil d'Etat est de tuer la Genève économique. Et vous n'aurez plus rien à distribuer. La population doit le savoir. Je le répète: les multinationales génèrent indirectement ou directement 51 000 emplois sur Genève et rien que sur les emplois directs 21 000 employés. C'est 1 milliard de francs de recette fiscale. Sachez-le, imprimez-le ! Et, surtout, au lieu d'entendre, essayez de comprendre ce qui est dit ici et arrêtez de jouer aux apprentis sorciers ! Merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Le parti UDC prend également acte de la décision du tribunal et renverra comme il se doit cette initiative à la commission fiscale. Reste qu'effectivement cette initiative est trompeuse et dangereuse...
Le président. Il vous faut parler dans le micro, Monsieur.
M. Stéphane Florey. Ce que veulent en fait les initiants, c'est priver l'Etat de rentrées fiscales; c'est appauvrir le plus faible et le rendre de plus en plus dépendant de l'Etat. C'est ça, en fait, les conséquences directes de cette initiative. C'est pourquoi l'UDC la refusera, de toute façon, quoi qu'il arrive. Elle refusera également un contreprojet et laissera le parti socialiste prendre ses responsabilités.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que tout d'abord il faut reconnaître une chose, c'est qu'il y a un nombre suffisamment important de Genevoises et de Genevois qui ont signé cette initiative pour qu'elle puisse être déposée et qu'elle puisse être traitée devant ce Grand Conseil. Donc, je pense que toutes celles et ceux dans ce Grand Conseil qui insultent le texte de l'initiative insultent en fait les Genevoises et les Genevois qui sont préoccupés par la situation économique et la situation sociale qui règne dans ce canton.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve votre procédé particulièrement inadéquat, parce que si on peut évidemment contester le fond de cette initiative et sa proposition, il faut reconnaître que les personnes qui s'expriment ici sont simplement en train d'exprimer un malaise profond que nous connaissons à Genève.
Alors, il faut aussi rappeler que le Conseil d'Etat, quand nous avons traité l'initiative la première fois, avait reconnu qu'il y avait un problème avec les allègements fiscaux et qu'il était certainement opportun de présenter un contreprojet à cette initiative, peut-être pour la formuler autrement, peut-être pour diminuer le périmètre des allègements fiscaux tels qu'ils sont aujourd'hui offerts, de façon non transparente - parce que je crois que c'est aussi ça le problème ! Cela avait déjà été évoqué à l'époque, c'est que nous ne savons pas à quelles conditions, à qui, comment et pourquoi les allègements fiscaux sont attribués. D'ailleurs, j'ai relevé la contradiction dans l'intervention d'un député PLR tout à l'heure: il a dit que, non, ça s'adresse aux PME locales, mais qu'il faut faire attention à ne pas faire fuir les multinationales. Vous ne savez même pas ! (Brouhaha.) Alors, il ne faudrait pas les opposer !
Le président. Monsieur le député, vous vous adressez au président !
M. Roger Deneys. Il faudrait en réalité justement qu'on connaisse un petit peu mieux ce qui se passe du côté des entreprises qui bénéficient d'allègements fiscaux, parce que ça pose un certain nombre de problèmes - effectivement - aux entreprises locales, aux PME en particulier, pour différentes raisons. Alors, quand j'entends que c'est un trésor pour l'économie genevoise, laissez-moi rire ! C'est peut-être un trésor pour les avocats d'affaires, pour les patrons de boîtes de nuit, pour les promoteurs immobiliers ou pour les vendeurs de téléphones portables. Mais en réalité, pour les Genevoises et les Genevois des classes moyennes, ce n'est certainement pas un trésor ! Parce qu'il faut bien comprendre qu'attirer des entreprises qui viennent pour des allègements fiscaux d'une durée limitée dans le temps, c'est en réalité voler de l'emploi dans d'autres pays, voler de l'emploi dans d'autres cantons et c'est aussi importer de la main-d'oeuvre que certains partis contestent ensuite parce qu'elle est frontalière ou parce qu'elle est étrangère !
Alors, il faut être cohérent, Mesdames et Messieurs ! Si nous voulons donner de bonnes conditions-cadres aux entreprises genevoises, ce n'est pas juste de les pénaliser avec des concurrents qui ont plus de moyens, qui paient moins d'impôts et ont des allègements. Or, c'est exactement ce qui se passe. Cela permet à certaines entreprises de venir quelques années ici et de repartir quand ça les arrange. On l'a vécu encore récemment, une entreprise est repartie du côté de Zurich. Bien entendu, on a l'exemple, dont il faut quand même se souvenir, de Merck Serono qui fait 750 millions de bénéfice et qui ferme du jour au lendemain une entreprise genevoise avec plus de 1 000 collaboratrices et collaborateurs, alors qu'elle fait 750 millions de bénéfice sur l'année. C'est ça la réalité des multinationales, Mesdames et Messieurs les députés ! Et si vous pensez que ça, c'est rendre service aux Genevois, eh bien, je vais vous dire, vous êtes en train de tuer l'économie genevoise locale, qui ne peut pas se payer des loyers de luxe... (Commentaires.) Vous êtes en train de tuer le social aujourd'hui. Vous êtes en train de favoriser les emplois de misère comme les emplois de solidarité. Vous êtes en train de favoriser le dumping salarial, années après années. (Commentaires.) En plus, venant de groupes parlementaires qui ont voté 400 millions de francs de baisse d'impôts et qui ont fait augmenter la dette de 1,5 milliard de francs en quelques années, je crois que vous n'avez pas de leçons à nous donner. En réalité, cette question des allègements fiscaux mérite d'être posée, comme l'ensemble des problèmes de fiscalité à Genève. Parce que aujourd'hui, quand on fait des budgets équilibrés comme le Conseil d'Etat les propose, en volant l'argent aux plus pauvres et aux plus démunis et aux classes moyennes, je vous dis que nous ne rendons pas service à Genève.
Cette initiative doit donc être renvoyée en commission et l'hypothèse d'un contreprojet doit être étudiée; en fonction de ce qui est proposé, on discutera. (Applaudissements.)
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative soulève un problème réel et un problème qui touche Genève depuis une quinzaine d'années. Genève est une ville un peu particulière et je pense que les gens qui écoutent ce débat dans le reste de l'Europe, s'il y en a, auraient certainement un peu de difficulté à comprendre de quoi nous parlons.
En fait, nous parlons d'une croissance trop forte. Le problème de Genève, c'est qu'elle a connu une croissance non maîtrisée, qui est une croissance trop forte. Il faut resituer ce débat dans cette perspective, sinon il est incompréhensible. Une croissance trop forte a un effet sur la mobilité, un effet sur les loyers. Ce sont les deux principaux effets dénoncés par cette initiative. Donc, Genève a la chance d'avoir une croissance trop forte et il s'est développé dans ce canton, autant à gauche qu'à droite, une tendance qu'on appellera malthusienne qui est de dire qu'on peut revenir à une situation qui était mieux avant. Il y a même des t-shirts qui fleurissent maintenant: «Genève, c'était mieux avant». On sait où se situent à peu près les gens qui sont de cette tendance. Et, pour eux, c'est une initiative «win-win» comme on dit en mauvais français. En gros, on désigne un coupable idéal, qui est la multinationale. C'est un coupable qui ne vote pas, donc c'est assez utile. En passant, on ne se rappelle pas, quand on est socialiste de toute la tradition internationaliste de ce parti. On ne se rappelle pas non plus ce que sont certaines grandes marques genevoises. Pour ne citer que deux d'entre elles, Rolex a été fondée à Genève en 1919 par un Allemand et Patek Philippe est une entreprise polonaise, pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas. Ce sont des étrangers qui ont énormément amené à ce canton. Et ceux qui travaillent dans les multinationales qu'on conspue ici, chez DuPont ou chez Procter & Gamble qui a reçu le prix de l'économie cette année, donné par le magistrat Pierre-François Unger, sont des gens qui sont établis. Ce sont des gens qui ont des amis dans ce canton. Ce sont des gens qui sont là depuis quinze ans en moyenne. Ce sont des gens qui contribuent à notre prospérité. L'oublier, c'est tirer un trait sur tout le passé genevois et c'est surtout prendre un risque énorme quand on est socialiste. C'est le risque, à mon avis, de prendre la voie de transformer Genève en une ville de la taille de Dijon.
Il faudra s'en souvenir, quand on voudra une économie qui n'est que locale. Cette économie locale sera une économie qui ne donnera pas du travail à 280 000 personnes, puisque la particularité de notre canton, on le sait, c'est d'avoir plus d'emplois que de gens en âge de travailler, ce qui suscite toute une série de problèmes et qui nourrit toute une série de partis. Il faudra s'en souvenir quand on voudra retourner à une économie employant 150 000 personnes. Cette économie-là, elle existe dans d'autres cantons suisses, mais elle ne carbure pas à 12 milliards par année de budget étatique. Elle ne paiera certainement pas des soins dentaires gratuits. Elle ne paiera certainement pas les prestations qui sont offertes aujourd'hui dans ce canton. Alors, on peut choisir cette économie-là quand on est socialiste. On peut le faire, et quand on est à gauche de la gauche, on l'a fait depuis longtemps: on a choisi effectivement la décroissance, on a fait le choix d'une société vieillissante et c'est sans aucune agressivité que je dis ça. Mais la gauche n'est pas seule; à droite ce mouvement est très fort et il ne faut pas le sous-estimer, comme on le verra lors des initiatives «Ecopop». On le verra lors de l'initiative UDC et c'est un mouvement qui menace profondément notre modèle social.
Je sais que ce modèle présente des difficultés. Je sais que, pour une partie de la population, il est extrêmement difficile d'accepter cette prospérité quand on n'en est pas soi-même le bénéficiaire. C'est sûr, mais si on veut autre chose, il faut bien faire attention à ce que l'on souhaite, si cette autre chose c'est une Genève qui doit appuyer sur le frein à fond, quand on voit la marge de manoeuvre dont nous disposons aujourd'hui en matière budgétaire. Je vous encourage tous à lire cet excellent document du Conseil d'Etat qui planifie la marge de manoeuvre dont nous bénéficions pour des décisions politiques sur quatre ans, c'est-à-dire 288 millions de francs ! Chacune de ces sociétés qu'on menace, auxquelles on dit qu'elles peuvent partir parce qu'elles sont finalement peu intéressantes, parce qu'on ne les aime pas, parce qu'on les conspue, il n'y en a pas des centaines peut-être, mais des dizaines. Et le Conseil d'Etat nous dit que chacune d'entre elles, c'est 20 millions en contributions fiscales, sans compter la contribution des employés qui paient eux des impôts, qui n'ont absolument rien de privilégiés ! Donc, attention à ce qu'on fait ! J'ai la chance d'être dans la commission fiscale et je me réjouis beaucoup de discuter de cette question, parce que je pense qu'il s'agit d'une question fondamentale. Je pense qu'il n'y avait aucune raison de ne pas vouloir en discuter. Je pense que le peuple a le droit de se décider, mais le jour où il se décidera sur cette question, il faudra qu'il soit conscient de quoi on parle et quelles sont les conséquences. Il ne faut pas lui promettre le beurre, l'argent du beurre et la crémière. Il ne faut pas lui promettre la possibilité de choisir de ne pas vouloir le «trader», de ne pas vouloir le banquier, de ne pas vouloir ça et lui dire, pour le reste, nos 12 milliards de francs de fonctionnement par année, on y pourvoira. Si on est prêt à avoir un budget de 5 milliards par année, alors on peut commencer à faire du «cherry picking», on peut commencer à dire quelle entreprise on veut, quelle société, de quelle taille, de quelle provenance, d'où viennent les gens qui y travaillent. Mais si on n'est pas prêt à faire ce genre de concessions, des concessions extrêmement dures, alors il faut éviter de casser le jouet. Merci de votre attention ! (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Je voulais intervenir brièvement. Combien de temps est-ce que j'ai ?
Une voix. Trois heures ! (Commentaires.)
Le président. Cinq minutes.
M. Pierre Vanek. Cinq minutes ? Mais c'est Byzance ! En réaction à l'intervention du porte-parole du PLR juste en face, là, qui s'est exprimé... (Commentaires.) Vous avez raison, excusez-moi, je me suis trompé ! Je disais en réaction à l'intervention du porte-parole du PLR, Monsieur le président, mais j'ai en effet commis une petite erreur: c'est le porte-parole de l'annexe du PLR qu'on a entendu tout à l'heure s'exprimer ! Alors, je vois des gens dans cette salle, en face, qui portent des petits écussons genevois et qui font profession de patriotisme, mais qui défendent par ailleurs avec assiduité la négation même de la démocratie en matière économique. Ils défendent les multinationales; ils défendent la possibilité pour des conseils d'administration dans lesquels il n'y a aucune espèce de transparence et qui sont non pas dans la région genevoise, mais à des centaines voire à des milliers de kilomètres, y compris outre-Atlantique, de prendre des décisions essentielles pour la vie et l'emploi des Genevoises et des Genevois. Mon collègue Roger Deneys l'a exprimé tout à l'heure: le plus grand licenciement qu'a connu Genève, ne l'oubliez pas, c'est le licenciement par Merck Serono. D'un claquement de doigts de l'autre côté de la frontière, un conseil d'administration a pu décider de liquider 1200 places de travail à Genève ! Et c'est ce type d'économies qui est défendue, structurellement, par des porte-parole d'une logique qui est une logique purement PLR, comme je l'ai dit tout à l'heure.
De ce point de vue là, Merck Serono, ça me fait penser à quoi ? Cette entreprise et ses locaux, c'est quoi ? C'est le cadavre de quoi ? C'est le cadavre des ateliers de Sécheron ! C'était cette industrie-là, à Genève, qui était la fierté de notre République ! Le représentant que je n'ai pas cité parlait d'explosion de l'économie genevoise et de tous les torts qu'allait causer à notre économie cette initiative du parti socialiste. Mais les torts ont été causés ! La première fois que je suis entré dans cette salle, c'était en 1981 - pas en 1993 quand j'ai été élu député - lors d'une manifestation pour la défense du secteur secondaire genevois, avec 5000 travailleurs en bleu de travail - des ouvriers de Sécheron, des Charmilles et de dizaines d'entreprises qui ont fermé depuis. Nous étions 5000 et nous sommes montés ici amener une pétition pour demander au Conseil d'Etat de l'époque d'avoir une politique active, volontariste, pour défendre ses entreprises qui faisaient la fierté et la richesse de cette République. Des entreprises dont le capital n'était pas seulement le capital financier, mais où le capital se trouvait dans les mains de travailleurs qualifiés comme nul autre au monde. Il était dans les mains de ces gens-là et ces gens-là, on les a laissés tomber ! Ces gens-là, on a dynamité leurs outils de travail, au nom d'une Genève des banques, du fric et des multinationales ! Au nom d'une monoculture qui présente toutes sortes de défauts et qui peut nous péter entre les doigts du jour au lendemain !
De plus, vous nous avez dit qu'avec cette initiative du parti socialiste, on va perdre des milliards de recettes pour la collectivité et que l'on devra faire des coupes, mais ce milliard, Mesdames et Messieurs, le milliard, vous l'avez déjà piqué dans la caisse de la collectivité depuis quinze ans, avec le total cumulé des cadeaux fiscaux qui ont été faits aux riches pour l'essentiel - comme l'escroquerie de la baisse d'impôts de 12% que les libéraux ont faite passer. C'est une escroquerie ! Je l'ai dit à l'époque et je le répète: la succession de cadeaux qui ont profité pour l'essentiel aux riches prive notre collectivité de 1 milliard de francs de recettes par an ! Ensuite, on n'a pas les moyens de faire du social, on n'a pas les moyens d'engager les travailleurs sociaux nécessaires ! Par exemple, pour le SPMI qui était en manifestation devant notre Grand Conseil hier ou pour le service de protection des adultes qui est en grève. On n'a pas les moyens de mener une politique indispensable pour faire autre chose que dépenser des dizaines de millions de francs pour ouvrir des prisons, comme on nous le proposera dans un point suivant de l'ordre du jour. Mesdames et Messieurs, voilà ce que j'avais à dire, notamment au représentant du PLR qui est juste en face. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Vous transmettrez à mon préopinant que j'ai fait une petite erreur dans la présentation des chiffres tout à l'heure quand je vous ai dit que 3% de recettes avaient été perçus en plus durant la période 2005-2012, nonobstant la baisse des impôts. Alors, l'erreur c'est qu'il s'agit de 3% par année et pas sur toute la période. Excusez-moi ! Donc, vous voyez qu'une fois encore, eh bien, nous sommes très loin de ce que vous êtes en train d'essayer de vendre, avec les mensonges que vous proférez. Monsieur le président, vous transmettrez à la population genevoise ! Mais, heureusement, Genève n'est pas dupe. La preuve, c'est cette répartition du Grand Conseil qui reflète la volonté populaire des citoyens de Genève. Et, finalement, heureusement qu'ils sont raisonnables: ils savent bien que de tout faire et tout entreprendre pour faire partir les multinationales créerait du chômage, créerait beaucoup de chômage, puisque - comme je vous l'ai dit avant - ce sont 51 000 postes de travail qui sont concernés directement ou indirectement. En ce qui me concerne, quelle que soit la fonction que j'occuperai la semaine prochaine, je continuerai à me battre pour préserver ces 51 000 emplois et préserver ce milliard de rentrée fiscale.
Là où il y a un bémol qui a été soulevé par mon préopinant M. Genecand, c'est qu'il y a effectivement une disparité entre les entreprises locales et les multinationales au niveau de la taxation, donc de l'assiette fiscale. Effectivement, ça, ça pouvait être un problème. Et c'est tellement un problème que l'Europe, la Communauté européenne et la France en premier, viennent dénoncer le mauvais peuple suisse et genevois qui donne des avantages fiscaux aux multinationales qui viennent. C'est la raison pour laquelle, dès le mois de juin ou de mai de cette année, sauf erreur de ma part, le Mouvement Citoyens Genevois a déposé un projet de loi pour uniformiser la fiscalité à 13% pour les multinationales et les entreprises locales. Comme ça, il n'y aura plus de disparités et l'Europe en restera pour son compte et nous continuerons à avoir une économie florissante qui accueillera ces multinationales.
Pour terminer, Monsieur le président, vous transmettrez au chef de file du parti socialiste, M. Deneys, qui s'est exprimé avant. Quand il vient faire toute sa théorie sur la fiscalité, eh bien, moi j'invite le parti socialiste, puisque nous sommes en période budgétaire à couper 1 milliard de francs qui correspondent à l'équivalent de ce que génèrent les multinationales à Genève dans le budget 2014. Nous allons voir quelles prestations vous allez couper à la population et à ce moment-là, eh bien, vous aurez convaincu la majorité de ce parlement que nous n'avons plus besoin des multinationales, parce que vous aurez enlevé 1 milliard de francs au budget 2014.
Ensuite, Monsieur le président, vous transmettrez à M. Vanek de cette extrême gauche que, quand il parle d'opacité dans les conseils d'administration, j'aimerais ici rappeler que M. Vanek a siégé aux Services industriels de Genève en tant que membre du Bureau, à plus de 60 000 F par année, et qu'avec l'opacité des déchets napolitains et le salaire de M. Mouchet, on a vu mieux ! (Commentaires.) Alors, Monsieur Vanek, nous étions habitués à voir la gauche caviar. Nous vous remercions, vous avez amené en plus le champagne et, maintenant, c'est donc la gauche caviar-champagne qui siège dans ce parlement. (Brouhaha. Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). A jouer avec le feu, effectivement, on finit par se brûler les doigts. La fiscalité cantonale dans son ensemble est quelque chose de complexe et il s'agit de trouver le bon équilibre. Alors, moi, je vous le demande, Mesdames et Messieurs de la gauche, que ferons-nous avec 1 milliard de moins de budget, quand vous aurez fait fuir toutes les multinationales ? Comment ferons-nous avec 20 000 chômeurs de plus, je vous le demande ?
Mais le pire dans tout ça - parce qu'il y a malheureusement pire ! - c'est que nous aurons tué totalement notre économie et nous ne pourrons plus rien faire, nous devrons renoncer à des investissements. Nous devrons renoncer à peu près à tout et ça revient à dire ce que je disais avant: ce que cherche le parti socialiste, c'est asservir le plus faible vis-à-vis de l'Etat. Car il faudra bien, pour finir, justement penser à rééquilibrer également la LIPP, si un jour vous arrivez à vos fins, ce que je n'espère pas. Je vous rappelle qu'à Genève, il y a 30 000 personnes qui ne paient pas d'impôts. Pourquoi ? Parce que justement, c'est ça l'équilibre fiscal à Genève: une partie des plus riches paie la partie que ne paient pas les plus pauvres.
Mme Salika Wenger. C'est normal ! (Commentaires.)
M. Stéphane Florey. C'est pour ça que si vous remettez ce système en jeu, nous devrons, finalement, peut-être nous résoudre à taxer également ces personnes. Ce que, à ce jour, nous avons toujours refusé.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Alberto Velasco. Le Bureau a décidé de clore la liste. Restent inscrits: M. Vanek à qui je donnerai dix secondes, M. Roger Golay, M. Christian Dandrès, M. Michel Ducommun, Mme Magali Orsini et M. Roger Deneys. La parole est à M. Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, vous transmettrez. Alors, M. Florey veut taxer la misère...
Une voix. C'est vous qui voulez taxer la misère !
M. Alberto Velasco. C'est-à-dire, vous avez relevé que 30 000 personnes ne paient pas d'impôts. Quand on ne paie pas d'impôts, c'est qu'on est au minimum vital. Non seulement ces gens sont au minimum vital, mais M. Florey voudrait encore les taxer !
Ce que je veux dire, c'est que ces 30 000 personnes paient des impôts - ne serait-ce que parce qu'elles consomment, Mesdames et Messieurs. Ensuite, elles aimeraient bien payer des impôts, ces personnes ! Seulement, voilà, quand on n'a pas les revenus adéquats, on ne peut pas payer des impôts !
Monsieur le président, j'aimerais aussi dire quelque chose à M. Genecand, parce que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt son exposé. J'aimerais lui dire que, quand il y a une croissance mais que les faibles ne profitent pas de cette croissance, cette croissance ne sert à rien ! Peut-être que cette croissance sert quand même à certaines entités du canton ? C'est très bien, qu'elles se développent ! Mais si la croissance ne sert pas aux plus démunis, ça sert à quoi ?
J'ai lu que le PIB de ce canton ne fait qu'augmenter. Extraordinaire ! Par contre, les ressources fiscales ne suivent pas, proportionnellement au PIB. Pourquoi est-ce que le PIB augmente mais que l'assiette fiscale ne suit pas ? Il y a quand même un problème à considérer !
Ce qu'il faudrait dire, et, moi, j'interprète cela comme la richesse qui devrait être redistribuée dans ce canton pour que les personnes puissent consommer et payer des impôts, ne se fait pas. Il y a dans ce canton une rupture. Ça, vous l'admettrez !
Maintenant, parlons du logement. En 2007, Mesdames et Messieurs, en 2007, un quatre-pièces à Genève, ça se payait 1200 F ou 1300 F par mois. Aujourd'hui, un quatre-pièces, Mesdames et Messieurs, c'est 3000 F ! Trouvez-vous ça normal ? Cela veut dire que, pour une famille avec deux enfants qui a besoin d'un quatre-pièces, il faudrait qu'elle gagne combien ? Cinq fois plus: 10 000 F puisque le taux d'effort est de 20%. 10 000 F ! Trouvez-vous qu'il y ait beaucoup de petites et moyennes entreprises qui peuvent payer leurs travailleurs avec des salaires pareils leur permettant de se loger ? Voyez-vous, le petit patron que vous défendez tellement, le petit patronat que nous défendons aussi, il faudrait qu'il puisse avoir des gens qui puissent être logés convenablement, qui puissent bénéficier de l'accès à la culture. Oui mais pour cela, Mesdames et Messieurs, il faut quand même avoir un revenu. Or, il se trouve qu'aujourd'hui, ils n'arrivent plus à payer leurs employés avec des salaires adaptés leur permettant de trouver des logements adéquats. Vous n'avez qu'à voir les chiffres des évacuations pour non-paiement de loyer et vous comprendrez la chose !
Donc, moi je ne suis pas pour casser le jouet, mais quand le jouet commence à être injuste envers certaines catégories de la population, il faut quand même se poser des questions, parce que là, je crois qu'il y a un problème qui fait que ça ne fonctionne pas.
Maintenant, par rapport au chantage... Franchement alors, une collectivité publique comme Genève devrait se soumettre au chantage des multinationales ? Le grand chef manitou du MCG nous disait tout à l'heure qu'ils ont déposé un projet de loi à 13%, mais 13% ça fait 500 millions de francs de revenus fiscaux en moins par année. 500 millions par année ! Alors, comme le disait le député Vanek: avec vos baisses récurrentes, vous avez déjà amputé la République de presque un milliard par année et M. le député-chef du groupe MCG nous promet encore 500 millions en moins ! Je vous avertis que vous allez voter des baisses dans l'enseignement, dans le social... (Commentaires.) Vous avez vu l'Hospice général ? Je vous le dit, parce que j'aimerais bien que vous nous disiez comment vous allez faire, avec 500 millions de moins. Vous êtes la majorité. Nous, nous sommes la minorité. Et on verra au moment du budget !
Le président. Monsieur Velasco, au président !
M. Alberto Velasco. Pardon ?
Le président. Il faut vous adresser au président.
M. Alberto Velasco. D'accord. Alors, ce que je veux dire par là, Mesdames et Messieurs, c'est que vous accusez la gauche de mettre soi-disant à bas l'économie genevoise, mais c'est vous qui, en 2000, avez baissé de 12% les impôts, amputant de presque 10 milliards l'assiette fiscale de ce canton. (Commentaires.) Voilà votre misère, Mesdames et Messieurs: c'est vous qui provoquez la misère ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Golay.
M. Roger Golay (MCG). Merci, Monsieur le président. Lorsque j'entends les propos de M. Vanek, on n'a vraiment plus aucun doute du retour parmi nous des bolchéviques, après un temps d'absence qui ne nous a pas manqué du tout. (Commentaires.)
Alors, contrairement à vous, nous défendons l'emploi ! Nous défendons le pouvoir d'achat des Genevois ! La qualité de vie des citoyens ! Et, pour cela, nous défendons les multinationales. J'ai la chance d'habiter une commune qui est financièrement riche, une commune suburbaine. Riche, parce que nous avons le ministre des finances de cette commune, M. Lance, qui la gère très bien et nous avons aussi une multinationale, une multinationale qui paie quasiment le 10% du budget de la commune. 10%, c'est quoi ? Ce sont les subventions des crèches; ce sont les améliorations au niveau des écoles; ce sont des subventions pour le sport, pour la culture. Ce que vous défendez régulièrement - la culture ! Eh bien, voilà, c'est tout ce qu'on devrait supprimer, si on n'avait pas cette manne financière qui vient d'une seule multinationale. Ce que vous voulez, vous, aujourd'hui, c'est réduire en cendre économiquement notre canton. Et c'est ça qu'on déplore, que vous n'ayez même pas le discernement de voir où est le mal et où est le bien. Aujourd'hui, le bien, ce sont les multinationales et le mal c'est vous ! (Rires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christian Dandrès. Je vous rappelle qu'il faut vous adresser au président.
M. Christian Dandrès (S). Je ne vais naturellement pas répondre aux propos de M. Golay qui ne sont pas très intéressants. J'aimerais par contre répondre au PLR sur deux points: sur le malthusianisme et sur la question de l'internationalisme.
Sur le malthusianisme, le PLR nous indique que cette initiative serait l'esprit de la nostalgie d'une Genève d'antan, d'une Genève qui ne serait pas une Genève de croissance. J'aimerais vous répondre qu'au contraire, cette initiative vise à répondre à une crainte.
M. Medeiros a cité l'exemple de l'Irlande, sans probablement avoir lu une quelconque ligne sur cette question. L'exemple de l'Irlande est parfaitement éloquent. L'Irlande a mené une politique fiscale de sous-enchère qui lui a amené un certain nombre de multinationales. Cela a fini par une crise financière majeure lorsque ces multinationales ont quitté ce pays, détruisant le PIB qui a reculé de 15%. C'est quelque chose d'extraordinaire pour un pays qui n'est pas en guerre !
Du coup, l'intérêt de cette initiative, c'est de permettre une réflexion sur un développement économique du canton qui soit durable, qui permette une croissance peut-être moins forte que celle que nous connaissons aujourd'hui, mais une croissance durable - durable sur plusieurs décennies et permettant d'éviter les écueils qui ont été soulevés dans l'exposé des motifs joint à l'initiative que vous n'avez pas lu. Sans ça, vous auriez soutenu ce projet, à moins de voir, dans le choix du PLR, une forme de syndicalisme de banquiers et des milieux financiers !
Sur la question de l'internationalisme, nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous sur cette thématique-là. Le parti socialiste a toujours eu une approche internationaliste, tandis que le PLR préconise depuis des décennies, et en particulier aujourd'hui, une véritable guerre économique. Des sympathisants de votre parti - voire ses membres - se sont exprimés dans la presse, notamment le patron de M. Cuendet alors qu'il était président de l'Association suisse des banquiers pour expliquer que l'administration allemande était comparable à la Gestapo. Voilà l'internationalisme du PLR aujourd'hui !
Un peu de sérieux, travaillons cette initiative avec un état d'esprit constructif et une méthodologie de travail digne de notre parlement et de notre canton ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Ducommun. Monsieur Cuendet, la liste est bloquée. (Le président est interpellé.) Non, non !
M. Michel Ducommun (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que c'est une première pour moi d'assister à une séance ici et c'est l'occasion d'un certain nombre de surprises.
Première chose que je constate: nous avons un long débat grâce à une décision du Tribunal fédéral qui a refusé ce que la majorité de droite voulait - que le peuple ne puisse pas se prononcer sur cette initiative. Au moment où j'entends des gens de droite dire «Ah! On est tellement contents, on va pouvoir enfin voter !» alors qu'ils ont voulu empêcher ce vote et que c'est le Tribunal fédéral qui va le permettre, je trouve ceci assez surprenant !
Je suis pareillement surpris par rapport à la question de la fiscalité. Depuis dix ou quinze ans, il est clair que la droite a voulu diminuer les impôts, en particulier ceux des gens fortunés. Ça a été une politique menée depuis dix-quinze ans d'une manière absolue, d'une manière continue. On peut chiffrer le nombre de milliards qui ont ainsi disparu. Or, ce soir, j'entends tout d'un coup que le souci principal de la droite, c'est de défendre les impôts: vive le milliard que l'on a grâce aux multinationales ! Nous voulons plus d'impôts ! Tout d'un coup, la droite change totalement de discours. Ça m'intéresserait de savoir pourquoi.
Une des premières choses qui m'avait frappé et qui m'avait fait mal, il y a à peu près quinze ans, c'est quand j'avais entendu M. Guy-Olivier Segond - qui n'était certainement pas un des pires conseillers d'Etat que nous ayons connus - dire qu'on ne pouvait plus soigner selon les besoins en matière de médecine, qu'on ne pouvait plus soigner que selon les moyens. Je trouvais que c'est scandaleux qu'on ne puisse pas soigner selon les besoins dans une des villes les plus riches du monde. Je trouve qu'il y avait là quelque chose d'insupportable. Ce n'est pas du tout au même niveau, aujourd'hui, mais en même temps nous sommes tellement contents des finances que nous avons, le lendemain du jour où le Conseil d'Etat a décidé de ne pas respecter la loi sur les salaires de la fonction publique en n'octroyant pas les annuités. Je rappelle que c'est un projet de loi proposé par le Conseil d'Etat le 6 novembre, il y a deux jours.
Donc, je pense que, sur la réalité des faits, croire que ce sont les multinationales qui sont les garantes d'une meilleure fiscalité et d'un meilleur emploi, je pense qu'il faut se souvenir, premièrement, qu'une grande partie des emplois des multinationales sont des emplois que les multinationales importent à Genève. Ce ne sont pas des nouveaux emplois à Genève.
La deuxième chose qu'il faudrait peut-être aussi garder en tête, il y a eu beaucoup d'éléments qui sont sortis au niveau international, c'est le fait que les multinationales semblent être les meilleures en termes d'évasion fiscale et d'optimisation pour ne pas payer d'impôts au niveau international. Je crois que les multinationales sont à ce niveau-là des championnes et elles l'ont démontré ces derniers temps. Croire que la prospérité de Genève et son avancement sont dus aux multinationales est à mon avis une manière de ne pas reconnaître la réalité ! (Applaudissements.)
Mme Magali Orsini (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis également une nouvelle élue et je me réjouis de faire bientôt bénéficier la commission fiscale de mes maigres lumières. Je voulais simplement dire que j'étais jusqu'ici habituée à un peu de cohérence et que j'avais été étonnée de voir à quel point un débat qui s'annonçait sur une initiative concernant un seul article de la loi fiscale cantonale avait débordé tous azimuts. Donc, si je pouvais me permettre de simplement essayer de les ramener, je connais bien cet article, il s'agissait de permettre effectivement au canton d'attirer de nouvelles entreprises grâce à des avantages fiscaux qu'on leur faisait pendant un certain nombre d'années. Nous avons constaté tous autant que nous sommes qu'une fois passé ce certain nombre d'années, pas mal d'entre elles trouvaient que c'était mieux de repartir ailleurs et de recommencer le même cirque dans un autre canton. Donc, c'est uniquement ce point-là que, j'avais cru comprendre, nous avions à traiter à propos de ce renvoi en commission.
Je voulais simplement dire que si je me réjouissais d'être dans cette commission fiscale, c'est aussi avec l'idée d'obtenir de l'administration fiscale des vrais chiffres, actualisés et détaillés par rapport à chacun des sujets traités. Il me semble que c'est une question de respect par rapport à la population de ne pas articuler n'importe quel chiffre, à tort et à travers, à coup de milliards plus virtuels les uns que les autres. Je ne voudrais pas moi aussi déborder, mais on nous parle de ce que nous perdrions si certains partaient et on ne nous parle jamais de ce que nous allons perdre en baissant certains taux d'imposition du bénéfice des entreprises.
Donc, nous nous attendons à beaucoup de rigueur et à beaucoup de détails de la part de l'administration fiscale.
Je pense qu'on ne peut pas parler d'emploi local par rapport à des entreprises qui ne sont pas encore là. Le but, c'est de les faire venir et, encore une fois, je ne pense pas indispensable de faire de pareils cadeaux à des gens qui nous en sont aussi peu reconnaissants. Ce sera tout pour aujourd'hui. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que ça me permettra d'enchaîner avec la question de savoir quelles entreprises nous devons attirer, pourquoi et pour combien de temps.
Aujourd'hui, la question qui se pose avec les allègements fiscaux, c'est de savoir que, dans la réalité, il y a des entreprises qui viennent parce qu'elles bénéficient d'allègements fiscaux et, quand l'allègement fiscal est terminé, elles repartent. C'est bien ce type de comportement qui n'est certainement pas souhaitable pour l'économie genevoise. Ce n'est pas d'attirer des entreprises en soi qui pose problème, c'est de les attirer avec des avantages qui sont de telle nature qu'en cas d'avantages supérieurs accordés ailleurs, elles repartent. Ça, c'est certainement nuisible pour l'économie genevoise parce que l'installation de ces entreprises demande des infrastructures, des logements, des routes et des places de crèches. Et, quand ces entreprises repartent, ces infrastructures ne servent plus. D'où les questions qui se posent, comme celle-là, quand Merck Serono quitte Genève: qu'est-ce qu'on fait d'un tel lieu, alors qu'on a construit toute une infrastructure autour d'une telle entreprise ? Ces questions méritent d'être posées, parce qu'une entreprise qui vient pour un allègement fiscal quitte un autre lieu et, en réalité, crée le même problème ailleurs. Alors, ne soyons pas trop égoïstes non plus. Pensons aussi qu'attirer une entreprise simplement pour des raisons fiscales, c'est aussi créer des problèmes dans d'autres collectivités publiques, et nous devons assumer nos responsabilités de façon plus globale. Je pense que, quand les gens viennent chercher de l'emploi à Genève ou dans d'autres régions économiquement fortes, cela crée des problèmes aussi pour la population locale et nous devons aussi être conscients de ces problèmes.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont extrêmement attachés à la survie des entreprises locales et, aussi, extrêmement attachés au maintien d'un niveau de recettes fiscales qui permettent à notre collectivité de vivre décemment. Ce qui a été dit sur la progression des recettes fiscales est peut-être vrai, mais, en même temps, il ne faut pas oublier que la population genevoise résidente croît en moyenne de 5000 personnes par année et qu'il y a donc aussi un accroissement des recettes fiscales pour cette raison. En plus, le nombre de frontaliers a aussi crû massivement et cela fait qu'il y a aussi des recettes fiscales qui proviennent des frontaliers.
Donc, il faut penser que ces paramètres attirant des entreprises pour des allègements fiscaux sont à mettre dans une balance, parce que, comme l'a dit mon collègue Velasco avec raison, la population locale en souffre et doit aussi s'exiler. Et je ne crois pas que ce soit notre souhait, comme députés de la République et canton de Genève, que les Genevoises et les Genevois s'exilent. Ces questions méritent d'être posées avec attention et c'est pour cela que nous avons regretté que cette initiative ne soit pas directement renvoyée en commission.
Pour le reste, les économies ont déjà été faites ces dernières années ! Ce n'est pas simplement dire aujourd'hui qu'on va commencer les premières économies si toutes les entreprises partent. Les baisses d'impôts déjà octroyées ont conduit à des économies qui font souffrir la population genevoise.
J'en ai une petite liste. On peut penser au dernier projet de loi qui a été fait sur les crèches dans lesquelles vous voulez augmenter le nombre d'enfants par groupe. On peut penser aux associations auxquelles vous coupez les subventions année après année, alors que les moyens explosent. On peut même penser à l'office cantonal de l'emploi qui n'a plus les moyens de traiter correctement les demandeuses et demandeurs d'emploi genevois. On peut penser au SPMI dont les moyens sont insuffisants - cela a été exprimé de manière réitérée par ce service depuis des années - et les moyens ne lui sont toujours pas accordés.
Ensuite, il y a un paramètre pour les entreprises locales qui me touche beaucoup, puisque j'ai été patron pendant une vingtaine d'année. Quand les impôts baissent, la conséquence immédiate pour les petites entreprises, en général, c'est que les taxes augmentent ! Alors là, l'inégalité est flagrante, parce que les taxes ne sont liées ni au bénéfice ni au chiffre d'affaires, elles sont égales pour toutes les entreprises et, en conséquence, les petites entreprises sont particulièrement discriminées par les taxes. On l'a déjà vécu avec le budget 2012: une majorité de ce Grand Conseil a refusé de suspendre le bouclier fiscal, qui rapporte 40 millions de francs par année. Par contre, le PLR, le PDC et l'UDC ont voté une augmentation des taxes sur les cafetiers-restaurateurs de 600 000 F ! C'est ça la réalité ! On augmente les taxes sur les petits entrepreneurs et, en fait, on baisse les impôts pour les riches ! Ça, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ne le veulent plus et nous vous demandons donc de voter cette initiative et, si possible, de ne pas faire ensuite de contreprojet ou alors il va falloir trouver de nouvelles recettes fiscales ailleurs. Et c'est là qu'on pourra aussi discuter: si ce n'est pas aux allègements qu'on touche, où allons-nous chercher l'argent ? Donc, Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de donner une suite favorable à cette initiative.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Vanek pour dix secondes !
M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, j'ai été interpellé: on me reproche de l'argent que j'aurais touché comme représentant du Conseil municipal ou du Grand Conseil aux Services industriels. Pas un sou de cet argent n'est resté dans ma poche, il a été à ma formation politique et il a permis de faire la campagne qui nous a menés ici. On pourrait poser des questions sur l'argent que d'autres qui m'ont mis en cause ont touché, par exemple, on a le droit de s'interroger...
Le président. Il faut conclure !
M. Pierre Vanek. ...de la part des multinationales qu'ils défendent avec tant d'énergie et de talent. M. Golay a dit à l'instant que le mal et le bolchévisme étaient ici et que le bien c'était les multinationales. C'est tellement absurde que je vais conclure sans répondre à cette allégation stupide.
Le président. Je vous remercie, c'est très honorable. La parole est pour le même temps de parole à M. Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Le socialiste, M. Dandrès a cru bon de me mettre en cause. Non seulement, le parti socialiste attaque aujourd'hui les multinationales et leurs emplois, il attaque maintenant aussi la place financière et ses 35 000 emplois. Je me permettrai juste de rappeler à M. Dandrès que son collègue de l'Internationale socialiste allemande, le ministre Peer Steinbrück avait lui envisagé...
Le président. Il vous faut conclure également.
M. Edouard Cuendet. ...d'envoyer la cavalerie pour mater la Suisse. C'est un bel esprit belliqueux qui, je pense, est cautionné par le parti socialiste genevois. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant pour conclure à M. le conseiller d'Etat David Hiler.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'âge venant on perd ses illusions et je n'avais évidemment pas l'illusion qu'on parlerait d'allègements sans parler de tout le reste. Donc, je me suis aussi un peu préparé à parler de tout le reste. Des choses ont été dites dont certaines très contradictoires, à mon sens des deux côtés de cet hémicycle. Je vous dirai aussi qu'en écoutant, je me suis trouvé une éventuelle activité si je devais m'ennuyer pendant ma retraite: faire l'inventaire des chiffres faux proférés dans cette enceinte, séance après séance, parce que c'est tout simplement ahurissant - et il n'y a pas de monopole ! Ça ne facilite pas le travail pour trouver des solutions, lorsque les faits sont faux, pour des raisons de mémoire ou autres.
Alors, vous l'avez tous dit, il y a deux problématiques. Il y a la problématique des statuts qui est extrêmement importante parce que les statuts ont été introduits en 1994 au niveau de la loi fédérale, mais cela existe dans notre canton depuis des décennies, même avant-guerre en ce qui concerne les holdings, avec la signature de la direction de l'administration fiscale pour être clair. Donc, là on a une construction de très longue durée qui explique d'ailleurs qu'un certain nombre d'entreprises multinationales ont ici des quartiers généraux et fêtent des anniversaires qui ne sont tout de même pas des anniversaires de cinq ou dix ans, mais de quarante ou cinquante ans. On va aussi distinguer les entreprises qui ont un siège principal ailleurs dans le monde. C'est ainsi que les choses ont fonctionné depuis bien longtemps. La loi fédérale a quelque peu cadré ces questions et c'est sur cette base que les pratiques sont à peu près uniformisées, même si elles ne sont pas exactement pareilles en Suisse centrale qu'ici. Il n'y a rien de nouveau, le système était en place et il n'a jamais été remis en question, même quand il y avait dans cette enceinte une majorité de gauche. Le système des statuts n'a jamais été remis en question: il est dans le droit fédéral, il est dans le droit cantonal.
Maintenant, le fait est qu'il y a là un enjeu de taille puisque, en moyenne, sur le canton de Genève, ces sociétés paient un taux de 11,6%. Les autres entreprises paient 24% en taux effectif - pas en taux statutaire. Cela est comparable à l'Union européenne. Evidemment, nous ne vivons pas en économie de marché dans un monde de bénévoles. Donc, si la Suisse, notre canton et une dizaine d'autres rompent ce contrat, il n'y a pas de raisons que des autres restent ici. C'est assez logique, puisque pour le reste, je vous rappelle quand même que les salaires sont extrêmement élevés à Genève et que la vie est relativement chère et que, par conséquent, les charges sont fortes.
A partir de là, il y a des pressions de l'Union européenne, avec un petit malaise quand même, avec tous ceux que vous avez désignés comme exemples: moins de 3% pour Google, ça se passait en Europe, à preuve du contraire. C'est un montage entre l'Irlande et les Pays-Bas, avec une possession des Pays-Bas qui permettait d'aboutir à 2 ou 3%. Ce n'est pas un cas unique, c'est à peu près le cas de toute l'informatique. Notez qu'il y a une autre manière de procéder qui ne me paraît pas meilleure, comme lorsque le ministre français Montebourg verse des millions par année à l'entreprise Amazon pour la retenir en France. C'est une manière de faire, mais voilà... Donc, ça, c'est la situation. A propos de l'Union européenne, on devrait mentionner aussi le Royaume-Uni, avec ce qui s'appelle dans le jargon la «IP box», c'est à dire des taux différenciés pour la propriété immatérielle qui a une importance immense dans l'économie d'aujourd'hui: le taux est de 10% au Royaume-Uni.
On se retrouve donc dans cette situation avec une bonne nouvelle, c'est que, sous l'impulsion du G20, l'OCDE entend fixer de nouvelles règles, notamment pour l'informatique, puisque toutes les sociétés informatiques ont été prises dans ce jeu-là. Notamment, pour assurer un minimum de transparence qui permette d'éviter le «profit shifting» - le transfert des bénéfices là où ils n'ont pas été créés, dans le langage de l'OCDE.
Donc, nous sommes dans cette situation et nous devons trouver une formule au niveau fédéral puis au niveau cantonal, pas par rapport à une réalité qui n'existe pas, mais par rapport à la réalité actuelle de notre canton. De ce point de vue, vous allez devoir suivre la question au niveau fédéral. Il ne faut pas baisser les taux, il faut réinventer des systèmes qui permettent d'avoir des taux différenciés. Ça a des avantages, mais l'équité que vous recherchez ne serait pas franchement acquise. Deuxième élément, il se trouve que la plupart de ces méthodes ne sont pas applicables dans un secteur clé pour le canton de Genève: le négoce. Parce que la propriété intellectuelle du négoce, je veux bien y croire mais ça va quand même être compliqué à défendre. Or, il se trouve que ces sociétés ont, elles, une substance à Genève, des gens y travaillent et, derrière elles, il y a un secteur de la place financière qui est le prêt. Dans ce domaine spécifique, le pétrole a une place totalement dominante; ce n'est pas le domaine qui m'est le plus sympathique, mais je crois qu'on ne me demande pas ce que je trouve sympathique: on me demande de penser ce qui se passera par rapport aux Genevois. Evidemment, on parle donc de recettes directes et indirectes qui sont considérables.
Donc, vous allez devoir vous prononcer sur tout cela, en faisant des choix politiques. Toutefois, la réalité d'aujourd'hui c'est qu'aucune des entreprises majeures de ce canton imposées sur le bénéfice au taux de 11,6% ne restera si le taux passe à 24%. Je veux dire qu'elles sont venues parce que le taux était à 11,6%, pas parce que c'était 24% ! Il n'y a même pas un procès moral à leur faire, c'est la Suisse qui a offert ça et elles en ont profité.
Deuxième élément qui me paraît quand même relativement important sur la question des multinationales: il y a des multinationales qui ont des statuts, il y en a qui n'en ont pas. Et ce qui est assez désagréable dans ce débat, c'est qu'on prend tout le monde à chaque fois dans le même filet.
Troisième élément: l'horlogerie genevoise est un des fleurons de ce qui reste du secteur secondaire à Genève. Oui, ça a été dit: Rolex est à l'évidence une multinationale. Le groupe Richemont, propriétaire d'entreprises horlogères aux noms bien genevois, n'est à ma connaissance pas autre chose qu'une multinationale, jusqu'à preuve du contraire. Toutefois, ces sociétés ne disposent pas de statut sur ce type d'activités: il n'y a pas de statut dans l'horlogerie.
Ces éléments, il faudra toujours les garder en tête, parce que, dans bien des cas et c'est vrai pour une partie de la chimie aussi, une bonne partie de la présence du secteur secondaire dépend malheureusement de ça. Moi, je vous donne des faits. C'est important dans l'horlogerie, la production, elle est ici, en immense majorité ! A partir de là, vous allez devoir trouver une solution. Le Conseil d'Etat a fait faire une étude, il y a une étude qu'on pouvait faire nous-mêmes: combien on allait perdre - les 21 000 emplois directs. Ça, on pouvait le calculer. Avec la perte de ces 21 000 emplois, parce qu'il s'agit de gens qui partiront et, avec la perte de l'impôt sur le bénéfice, cela représente un milliard de francs.
Il y a une deuxième question et, là, je dois dire que, parfois, c'est bien de discuter avec les chauffeurs de taxi et les garçons de café, parce que eux, au moins, ils comprennent ! Si 20 000 personnes à haut pouvoir d'achat s'en vont, évidemment que ceux qui vont boire la tasse, c'est le chauffeur de taxi parce qu'il aura moins de courses, c'est le garçon de café parce qu'il y aura moins de clients. Les 20 000 ne créeront pas de chômage parce qu'ils s'en iront, mais les 30 000 indirects seront eux touchés et ils le savent. Comme M. Grobet qui connaît aussi beaucoup de gens, j'en connais des garçons de café qui ne gagnent pas lourd. C'est une chose que j'ai d'ailleurs beaucoup appréciée chez vous. Eux, ils comprennent que ça va tendre le petit commerce. On ne peut pas dissocier de façon dogmatique ces deux choses.
Madame Wenger, s'il y a une chose avec laquelle je suis d'accord, c'est qu'il faut instaurer un taux unique. C'est ce que nous avons proposé, mais s'il est unique il est bas. Autrement, il faudra faire autre chose ou il faudra perdre.
Maintenant, je veux encore vous dire que ce milliard de francs de perte, c'est sans compter les effets induits. Ça prend en compte uniquement les employés et l'impôt sur le bénéfice.
Une autre chose que je veux tout de même vous rappeler, c'est qu'on a souvent dit que la pyramide des recettes sur les personnes physiques était très pointue - que très peu de personnes payaient énormément. D'abord, ça se discute un peu, parce que, en haut de la pyramide, il y a les banquiers privés qui, évidemment, sont des entreprises, mais qui jusqu'en 2014 figurent parmi les personnes physiques. Par contre, pour les entreprises, je vais vous le dire clairement, comme je l'ai dit dans d'autres contextes. C'est une donnée connue: 80 entreprises représentent 75% des recettes de l'impôt sur le bénéfice et sur le capital. C'est comme ça que c'est aujourd'hui. Vous devrez trouver une solution à ceci ! J'espère que la solution qui sera choisie sera celle qui fait le moins de mal aux gens parce que je ne veux pas vous cacher que ce que nous avons recherché, ce n'est pas ce qui correspondait à des idéaux abstraits, mais ce qui fait le moins de mal dans la situation actuelle.
Maintenant, je dois aussi vous dire qu'il n'y a aucune solution praticable si la Confédération ne bouge pas. C'est elle la grande bénéficiaire, qui touche plein pot sur ces impôts: elle touche l'entier de l'impôt fédéral direct. Si elle ne bouge pas, de toute façon, l'affaire se finira très mal d'ici six ou sept ans.
Deuxième élément: l'initiative. Le Conseil d'Etat avait indiqué que cette initiative devait simplement être amputée de son caractère rétroactif, mais qu'elle était parfaitement recevable. Le Tribunal, sans surprise pour nous, parce que nous l'avions quand même fait étudier par le département des affaires juridiques de la Chancellerie, a confirmé cela et nous aurions dû traiter immédiatement cette question.
Là-dessus, l'impact n'est évidemment pas du tout le même. C'est vrai, il y a eu une très forte utilisation de ces allègements à la fin des années 1990, mais rappelez-vous quand même la situation. Il y avait 400 à 500 millions de déficit chaque année; il y avait une crise économique assez lourde; il y avait une crise immobilière et on voit aujourd'hui dans d'autres pays ce que c'est quand on se ramasse une crise immobilière. On n'en sort pas en trois ans. C'est le cas de l'Irlande. Ce n'est pas parce que les entreprises multinationales sont parties, c'est parce que le système financier a pété dans l'immobilier, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
A partir de là, on est dans une situation où, depuis les années 2000, il y a eu relativement peu d'allègements accordés, que ce soit du temps où Mme Calmy-Rey était aux affaires, ou Martine Brunschwig Graf ou encore votre serviteur. On est dans une moyenne de quatre par an et la moitié de ces allègements concerne ce qu'on appelle des «JEDI», c'est-à-dire des petites entreprises qui sont encore au stade de la recherche et du développement. Généralement, d'ailleurs, c'est un cadeau qui ne coûte rien du tout, parce que ces entreprises ne font pas de bénéfice. C'est malgré tout quelque chose qui nous a été utile pour convaincre certaines entreprises locales de développer certaines activités, notamment industrielles, ici plutôt qu'en Europe de l'Est. Je n'ai pas le droit de dire des noms, vous le savez, je suis soumis au secret fiscal genevois. Ce qui m'embarrasse, parce que la plupart du temps, j'aimerais mieux que la loi soit différente pour que je puisse dire de qui il s'agit, mais je n'ai pas le droit. C'est pénal, je ne vais pas le faire, pas maintenant; je veux avoir la paix ces prochains temps ! (Rires.)
Il a été peu utilisé - et l'expansion de 2006-2007 n'a rien à voir avec ça - non pas parce que nous sommes vertueux, comme ça vous me croirez, mais parce que, pendant ces années, le canton de Vaud offrait des taux à 0% parce qu'il allait perdre le bénéfice de l'arrêté Bonny sur les zones suburbaines. Alors, évidemment, nous, avec les 7,6% effectifs de l'impôt fédéral direct, on n'a pas été la destination de choix pendant ces années-là. Par contre, on a été un peu plus agressifs, je vous le dis tout aussi franchement, ça se voit sur les graphiques qui sont dans le rapport du Conseil d'Etat, lorsque la crise est venue, en 2009-2010, avec l'abolition du secret bancaire - abolition partielle, mais sauf «wishful thinking» tout le monde savait que ça allait disparaître. Maintenant c'est fait, avec une crise à laquelle personne ne savait comment nous allions résister - fort bien au demeurant, mais nous avons eu là une politique peut-être plus agressive.
Faut-il maintenant un contreprojet ? L'avis est assez secondaire puisque nous nous en allons, mais le Conseil d'Etat avait dit oui. Il avait dit oui parce qu'il nous semble qu'il y a un certain nombre de paramètres qui sont fixés aujourd'hui de façon extrêmement large dans la loi et qui mériteraient d'être précisés. Je pense simplement à ce qu'on appelle le «clawback»: quand une entreprise part dans les années qui suivent celles où elle a obtenu des allègements, elle doit payer les impôts auxquels elle a échappé. Il y a eu une période où il n'y avait pas de «clawback». Il y a encore un cas pour lequel il n'y avait pas de «clawback», hérité d'avant. Depuis lors, systématiquement, cette clause existe. Elle existe sur cinq ans. Peut-être qu'il faudrait la porter à dix ans, comme le canton de Vaud l'a fait ? Le canton de Vaud, pas gauchiste et roi de la sous-enchère sur les questions d'allègements, a quand même porté cette clause à vingt ans.
Deuxième élément: est-ce qu'il faut limiter ? Ce n'est pas très malin de s'enlever la possibilité de faire des allègements pour des activités productrices. Franchement, on n'a pas grand-chose d'autre comme atouts. On pourrait trouver un meilleur outil pour les «JEDI», franchement, mais on ne l'a pas et il faut un changement de la loi fédérale. Ce n'est pas très malin non plus. Et puis, il peut y avoir des opportunités dans un certain nombre de cas. D'ores et déjà, dans la pratique, il n'y a pas d'allègements en faveur de sociétés financières en réalité, que ce soit clair, c'est dans le rapport. Il y a des exceptions extrêmement rares et je pense qu'elles ont été des erreurs. Qu'il s'agisse de banques, qu'il s'agisse de «hedge funds» ou qu'il s'agisse de ce que vous voulez, aucune société n'a eu un allègement fiscal, ça doit être clair. Il y a eu deux exceptions depuis qu'existe la loi cantonale concernant le négoce: ça n'avait pas lieu d'être vu qu'elles avaient un statut. Deux exceptions, d'accord, dont une est encore en vigueur.
Donc, la question porte essentiellement sur les quartiers généraux «EMEA» de multinationales - «Europe - Moyen-Orient - Afrique» dans le jargon - puisque c'est un terreau qui a beaucoup prospéré à Genève depuis les années 1960 et de façon encore beaucoup plus forte à la fin des années 1990 et ces sociétés se sont développées. Est-ce que cet outil est le bon ? Je dois quand même vous dire que ça dépend finalement de deux choses, que tout le monde semble avoir gentiment oubliées.
D'abord, ça dépend du taux qu'une majorité de ce Grand Conseil voudra appliquer à l'ensemble des sociétés, parce que si ce taux est bas, ce n'est pas la peine de faire des allègements.
Ensuite, ça dépend de savoir si, avec les travaux de l'OCDE et ceux de l'Union européenne qui a durci le ton à l'intérieur, de façon forte, le «tax holiday», comme on dit dans les autres pays, sera encore une possibilité acceptée. Pas sûr ! Ça n'entre pas dans la négociation du 13%, c'est une négociation à côté, mais l'arrêté Bonny, par exemple, il est fortement mis en cause, parce que c'est du 0%.
Donc, nous pensons qu'il vaut la peine de faire autre chose que de s'invectiver et se demander, pratiquement, pour un développement économique, sur lequel vous pouvez diverger, si ce n'est pas la question: est-ce qu'on a besoin de cet outil ou pas et à qui doit-on le limiter ? Le Conseil d'Etat, M. Unger et moi-même ne pourrons pas vous faire de propositions, puisqu'une demande qui avait été faite par le parti socialiste, sauf erreur, que nous fassions un rapport, a été refusée par ce parlement. Toutefois, l'essentiel est dans le rapport du Conseil d'Etat et je pense que c'est une base solide.
Voilà, tout est éphémère et nos successeurs vous feront les propositions qu'ils trouvent les meilleures, mais c'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous pensons que le tribunal a bien eu raison de faire ce qu'il a fait. Je pense que ça allait de soi, qu'on ne pouvait pas imaginer autre chose, d'abord. Ensuite, Genève doit réfléchir en termes de programme économique et social, parce qu'il n'y a pas de programme social sans programme économique, mais qu'inversement, un programme économique qui ne profite pas à tous n'est pas satisfaisant non plus. Enfin, lorsque les choses sérieuses commenceront, il faudra juste essayer d'être un peu plus factuels, me semble-t-il. Et, je vous dirai quand même que si le Conseil d'Etat n'était pas intervenu extrêmement fortement sur la question des statuts, en disant que la seule solution que nous avons à Genève pour ça c'est de baisser radicalement les taux et que nous avons besoin de la Confédération, nous n'aurions pas obtenu du Conseil fédéral, dans une séance de la Conférence des gouvernements cantonaux, qu'il dise que, à priori, oui, la Confédération prendrait la moitié du coût. Parce que si on ne dit pas les choses, on a peu de chances de le faire !
Maintenant, vous avez les cartes en main là-dessus. Je pense qu'il est important que ce dossier, celui-ci, celui dont on parle, donc pas celui sur les statuts, soit réglé, mais nous pensons que c'est l'occasion ou jamais de recadrer un petit peu cette politique des allègements, pour qu'elle puisse servir par rapport à une politique économique dont je souhaite quand même qu'elle englobe une large part de ce parlement. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets le renvoi de l'IN 150-TF à la commission fiscale.
Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 150-TF à la commission fiscale est adopté par 91 oui (unanimité des votants).
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Bureau du Grand Conseil IN 150-C.