Séance du vendredi 22 septembre 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 11e session - 55e séance

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, Laurent Moutinot, Robert Cramer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. David Hiler, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne-Marie von Arx-Vernon, Loly Bolay, Mathilde Captyn, Renaud Gautier, Philippe Guénat, Pierre Losio, Christian Luscher, Pierre-Louis Portier et Pierre Schifferli, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. M. David Hiler, conseiller d'Etat en charge des finances étant retenu à Berne, dans le cadre de la nouvelle péréquation financière et des enjeux financiers importants que cela représente pour notre canton, nous demande de reporter à 20h30 le traitement ordinaire des objets du département des finances, soit les points 32 à 39 de notre ordre du jour, et de bien vouloir, par conséquent, commencer nos travaux aujourd'hui à 17h en traitant d'abord les points du département de l'instruction publique. Je soumets à vos voix cette proposition de modification de l'ordre du jour.

Mise aux voix, cette modification de l'ordre du jour est adoptée par 60 oui (unanimité des votants).

Le président. Il en sera donc fait ainsi.

Communications de la présidence

Le président. La présidence, au nom du Bureau, communique ceci: la commission ad hoc, à laquelle a été renvoyé hier, pour poursuivre ses travaux, le petit groupe de projets de lois du Conseil d'Etat concernant les salaires de la fonction publique, qui était en panne sur la question de savoir si elle constituait une nouvelle commission ad hoc ou la prolongation de l'ancienne et qui a consulté le Bureau à ce sujet, reçoit la réponse que voici: «Le Bureau a commis l'erreur de convoquer cette commission, comme s'il s'agissait d'une commission nouvelle. Vérification faite et au vu du texte de l'article 190 de la loi sur le règlement du Grand Conseil - que j'aurais mieux fait de relire avant - cette commission continue ses travaux, elle n'était pas dissoute. Elle a donc, pour l'instant, la même présidence, mais elle est naturellement libre, dans le cadre de sa propre organisation, d'en changer quand il lui plaira, si tant est que l'importance des travaux qui lui restent à accomplir justifie ce genre d'effort.».

Correspondance

Le président. Vous avez trouvé sur vos places la correspondance qui se trouve sur vos places. Elle figurera au Mémorial.

Lettre de M. CRAMER Robert, Conseiller d'Etat en charge du Département du Territoire au Grand Conseil au sujet de la modification de la Convention des conventions (B 1 03) (Copie transmise à la Commission des affaires communales, régionales et internationales) (C-2290)

Annonces et dépôts

Néant.

Interpellations urgentes écrites

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Kunz : Un nouveau débarcadère au quai Wilson. Vraiment ? (IUE 303)

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Kunz : EXIT aux HUG, le Conseil d'Etat cautionne-t-il cette démarche et se propose-t-il de saisir le Grand Conseil ? (IUE 304)

Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Disparition du pourcentage de logements sociaux en légende des plans localisés de quartier (IUE 305)

Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : CASS : quel démantèlement pour quel avenir ? (IUE 306)

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Losio : Davantage d'attention portée aux autorisations accordées pour des manifestations se déroulant sur le lac (IUE 307)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : L'État ne devrait-il pas montrer l'exemple ? (IUE 308)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Caisse « occulte » de l'État pour le rattrapage des années de cotisations 2e pilier / AVS de fonctionnaires étrangers engagés à l'État (IUE 309)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Violation de la loi B 5 05 - Question 1 (IUE 310)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Violation de la loi B 5 05 - Question 2 (IUE 311)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Violation de la loi B 5 05 - Question 3 (IUE 312)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Violation de la loi B 5 05 - Question 4 (IUE 313)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Violation de la loi B 5 05 - Question 5 (IUE 314)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Violation de la loi B 5 05 - Question 6 (IUE 315)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Violation de la loi B 5 05 - Question 7 (IUE 316)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Violation de la loi B 5 05 - Question 8 (IUE 317)

Interpellation urgente écrite de Mme Sylvia Leuenberger : Lien entre une société installée à Genève et le rejet de déchets toxiques à Abidjan ? (IUE 318)

Interpellation urgente écrite de M. André Reymond : Le Conseil d'Etat craint-il un « burn out » pour la nouvelle cheffe de la Police ? (IUE 319)

Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Typologie des bénéficiaires de l'Hospice général : un bilan objectif s'impose (IUE 320)

Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Recrutement des gendarmes : Parle à mes baskets, ma tête est malade ? (IUE 321)

Le président. ... Ah, bon ? (Commentaires.) C'est moi, qui ajoute: «Ah bon ?»... Je continue.

Interpellation urgente écrite de M. Olivier Wasmer : Suppression du stationnement par saucissonnage et limitation du droit de recours (IUE 322)

Interpellation urgente écrite de M. Olivier Wasmer : Moratoire sur les zones 30 et projet de loi n° 9857 (IUE 323)

Interpellation urgente écrite de M. Guy Mettan : Est-il permis à la société pédagogique genevoise (SPG) d'utiliser la messagerie de l'Etat à des fins de propagande politique ? (IUE 324)

IUE 303 IUE 304 IUE 305 IUE 306 IUE 307 IUE 308 IUE 309 IUE 310 IUE 311 IUE 312 IUE 313 IUE 314 IUE 315 IUE 316 IUE 317 IUE 318 IUE 319 IUE 320 IUE 321 IUE 322 IUE 323 IUE 324

Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit au plus tard lors de la session suivante, à savoir celle d'octobre.

Nous devons maintenant traiter deux rapports de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe qui font l'objet d'un rapport de minorité de M. Stauffer. Ce sont les PL 9617-A - que j'avais appelé tout à l'heure par erreur et dont le vote que j'avais provoqué a été annulé - et le PL 9829-A.

PL 9617-A
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner la parcelle 11015, plan 38, de la commune de Plan-les-Ouates
Rapport de majorité de Mme Fabienne Gautier (L)
Rapport de minorité de M. Eric Stauffer (MCG)

Premier débat

Le président. Madame le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ? Non. Et vous, Monsieur le rapporteur de minorité ? Oui. Vous avez donc la parole.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Ce rapport de minorité est nouveau par rapport à ce qui vous est présenté d'habitude. Et vous verrez, dans mes interventions, qu'il pose un problème de fond et un problème de droit. Nul doute, avec le nombre d'avocats qui siègent au sein de cet hémicycle, que ce rapport de minorité vous interloque quelque peu.

Ce dossier, que nous avons traité en commission, accuse une perte de 73,39%. Il s'agit donc d'une perte conséquente et qui, bien entendu, devra être assumée in fine, par nos contribuables.

La fondation, qui a reçu pour mission de valoriser au mieux les objets dont elle a hérité de la débâcle de la Banque cantonale de Genève, a procédé, comme c'est l'usage, à une explication en commission. Cette dernière a défini ses directives, puis la fondation a inséré cet objet sur son site internet et en a commencé la promotion.

Il ressort des travaux de commission que la fondation a reçu plusieurs offres pour cet objet - dont, je vous le rappelle, la valeur initiale était grosso modo de 11 millions et quelques centaines de milliers de francs - comprises entre 1 million, pour les plus farfelues, et 3,1 millions pour la plus importante. Le commissaire que je représente a été étonné de constater que c'est une offre d'un montant inférieur qui a été acceptée, soit de 2 950 000 F, ce qui fait une différence de 150 000 F. Nous avons donc voulu savoir pourquoi la Fondation de valorisation a choisi d'accepter une offre inférieure à l'offre maximale reçue. L'explication qui nous a été donnée, c'est que cette offre est arrivée après que la fondation s'est réunie et a accepté de son propre chef - selon certaines directives établies notamment par la commission de contrôle - qu'elle ne pouvait donc pas retenir cette offre... Alors, je me suis enquis de savoir si cette offre était avalisée par un acte authentique, c'est-à-dire un acte notarié. En fait, nous nous sommes aperçus que l'acte notarié intervenait toujours entre quinze et quarante jours après l'acceptation de l'offre par la fondation. J'ai donc également voulu savoir, puisqu'on nous a expliqué que la fondation devait s'en tenir à la parole donnée - ce principe est louable - quel était l'usage lorsqu'un acquéreur faisait une offre. Si l'acquéreur fait une offre, par exemple de 6 millions pour un objet, et que la fondation l'accepte, peut-il se dédire une fois cette dernière acceptée ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, il le peut ! Aucun acte authentique n'étant signé, il peut renoncer à l'acquisition. Par conséquent, la fondation est obligée d'accepter les éventuels dédits des acquéreurs tant et aussi longtemps qu'un acte authentique n'a pas été signé par devant notaire, comme une promesse d'achat ou l'acte de vente lui-même, conditionné par des articles qui invalideraient cet acte de vente si notre Grand Conseil devait refuser un projet de loi pour l'aliénation des biens.

J'estime donc - nous estimons - que si cela fonctionne dans un sens, cela doit fonctionner dans l'autre. J'avais donc proposé à la commission d'exiger de la fondation que, lorsqu'elle confirme une offre, elle insère une petite phrase dans sa lettre de confirmation, dont la teneur serait la suivante: «Nous avons retenu votre offre d'acquisition pour le montant de xxx F. Cependant, nous attirons votre attention sur le fait qu'un tiers serait susceptible de relever l'offre que vous avez faite, tant et aussi longtemps qu'une promesse d'achat par acte authentique n'a pas été signée par devant un notaire.». Je le répète: ce qui fonctionne dans un sens doit aussi fonctionner dans l'autre. Alors, tout le monde s'est insurgé, disant que cela n'était pas comme cela que l'on procédait depuis la création de la fondation... Mesdames et Messieurs, il faut tenir compte des changements intervenus depuis cette nouvelle législature ! Je pense qu'on ne peut pas négliger une somme de 150 000 F, d'autant moins que la perte se monte à 73,39% dans ce dossier, ce qui est tout de même très conséquent. Le montant de 150 000 F vaut la peine que l'on décide de choisir l'offre la plus importante. Il ne s'agit pas de réagir pour une différence de 10 000 F - ce qui est, malgré tout, une somme énorme pour certaines personnes ! Nous n'avons pas le droit, Mesdames et Messieurs les députés, de laisser dire et de laisser faire la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe ! Nous n'avons pas le droit de la suivre et d'accepter cette offre à 2 950 000 F ! Ce d'autant moins - et je terminerai là, Monsieur le président - que cette offre de 3,1 millions n'a toujours pas été invalidée auprès de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe !

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, avec tout le respect qui est dû à ce parlement, je vous demande d'accepter ce rapport de minorité et de renvoyer ce projet de loi à la commission pour que la Fondation effectue ce pourquoi elle a été créée et constituée, c'est-à-dire pour valoriser au mieux les actifs de la débâcle de la Banque cantonale de Genève.

Le président. Monsieur le député et rapporteur de minorité, vous semblez demander le renvoi en commission, alors que dans les conclusions de votre rapport de minorité vous demandez le rejet du projet de loi... Voulez-vous nous dire laquelle de ces deux voies est réellement l'objet de votre demande ?

M. Eric Stauffer. Par définition, Monsieur le président - vous avez raison de le préciser - si ce projet de loi est refusé, il repart en commission ! (Exclamations.) S'il est refusé, il faudra bien vendre cet objet, Monsieur le président !

Le président. Ça, c'est une autre chose ! Mais s'il est refusé, il est refusé !

M. Eric Stauffer. D'accord !

Le président. Ayez la gentillesse de me dire si vous demandez le renvoi en commission ou le rejet du projet de loi, c'est tout ce que je veux savoir !

M. Eric Stauffer. Alors, je vais jouer la carte du renvoi en commission, Monsieur le président.

Le président. Très bien !

M. Roger Deneys (S). Il me semblait qu'un membre éminent du parti libéral souhaitait prendre la parole, mais manifestement il a renoncé... S'agissant de ce projet de loi, j'aimerais juste expliquer pourquoi les socialistes ne soutiendront pas le rapport de minorité de M. Stauffer et pourquoi, en fait, la majorité de la commission estime que cette vente peut avoir lieu maintenant... (Exclamations.) Je ne parle pas assez fort ? Tout va mal dans ce Grand Conseil ! Quatre, trois, deux, un: ça va mieux ?

Dans ce projet, la perte est effectivement de 73,39%... C'est énorme ! Ce qui est encore plus énorme, c'est le nombre de millions que cela représente: 8 356 000 F ! C'est surtout cela qui est important. C'est une perte considérable sur un immeuble artisanal industriel. Comme toujours dans ce type de projets de lois, il n'est pas très évident de savoir de quoi il s'agit, de quel objet il s'agit, et on ne connaît pas forcément très bien l'histoire des dossiers, ce qui est regrettable de notre point de vue.

Toutefois, l'argument de M. Stauffer, selon lequel la Fondation de valorisation devrait choisir la meilleure offre, même si celle-ci est faite après que la fondation a déjà accepté une offre moindre, ne tient pas la route ! En effet, quand l'on fait du commerce, ce n'est pas parce qu'on a affaire à un client douteux que l'on doit soi-même devenir douteux ! Je prends un exemple pour être plus explicite: si je vends des ordinateurs et qu'un client m'en commande vingt puis renonce ensuite à les acheter, ce n'est pas pour autant, quand des clients me passeront par la suite une commande d'ordinateurs, que je prendrai leur argent et que je n'honorerai pas leur commande. Eh bien, c'est la même chose ici ! La Fondation de valorisation doit rester crédible - c'est un organisme important de la République - pour l'ensemble des citoyens et des acteurs économiques de ce canton. Et ce n'est pas parce qu'une meilleure offre est proposée qu'elle doit la suivre, dès lors qu'elle est faite hors délai et que la Fondation a déjà donné sa parole ! C'est une question de principe ! Certaines personnes ont le sens de l'honneur dans les affaires, et cela doit être respecté. Et si M. Stauffer souhaite changer cette pratique, peut-être en créant une bourse, genre site internet, de l'«Easy Fondation de valorisation» au plus offrant de dernière minute, libre à lui ! Mais cela nécessiterait un projet de loi qui change la loi initiale, et pas un rapport de minorité.

De toute façon, il serait risqué de renoncer à une procédure pour une nouvelle offre de 200 000 F de plus que la première sans aucune garantie, car ce n'est pas parce qu'une offre supérieure est faite que l'affaire va se réaliser. On le constate dans de nombreux dossiers, parfois des acquéreurs potentiels font des offres mirobolantes, mais ensuite ils ne trouvent pas forcément de financement. Résultat des courses, c'est une offre moindre qui obtient l'objet !

Dans le cas qui nous occupe une offre a été acceptée dans les délais impartis, et ce n'est pas parce qu'une offre est faite tardivement, sans garantie, que nous devons l'accepter, même si elle est meilleure ! Il en va, je le répète, de la crédibilité de la Fondation de valorisation.

Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse de majorité. J'aimerais revenir sur ce qui s'est passé dans cette affaire, ce n'est du reste pas la première fois que cela se produit à la fondation. Mais effectivement, comme l'a expliqué M. Stauffer, le Conseil de fondation a reçu sept offres; et à un moment donné, il faut prendre une décision et arrêter une offre. Le jour de la décision, la vente a été arrêtée et confirmée à un acquéreur qui en offrait 2 950 000 F. Trois jours après, une offre plus élevée lui est parvenue, mais le Conseil de fondation avait déjà pris langue avec l'acquéreur et lui avait confirmé que le bien lui était réservé pour un montant de 2 950 000 F.

Un fait similaire s'était déjà produit par le passé, sous l'ancienne législature. Le Conseil de fondation avait cependant estimé que l'affaire qui était conclue posait le problème de la parole donnée. Afin de clarifier cette situation, il avait exposé ce problème à la commission de contrôle de gestion, qui a défini que la pratique de la Fondation de valorisation devait rester en l'état: une fois que sa parole était donnée, elle ne devait pas revenir dessus. Cela avait d'ailleurs été entériné en plénière par le Grand Conseil: la fondation ne devait pas revenir sur la parole donnée. La fondation a donc continué de pratiquer ainsi. Il ne s'agit même pas d'une question juridique, c'est une affaire commerciale. Et, en plus, la fondation est une fondation de droit public, Monsieur Stauffer ! Et quand une fondation de droit public donne sa parole, elle doit la tenir: c'est la pratique de la fondation, et nous la respecterons !

C'est pour cette raison que nous voterons ce projet de loi tel qu'il est présenté. Nous ne le renverrons pas en commission.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Monsieur Stauffer, brièvement, je vous prie !

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Je dois pouvoir m'exprimer, il s'agit de sujets importants pour la République !

Le président. Vous vous êtes déjà exprimé sept minutes tout à l'heure ! Vous avez demandé le renvoi en commission. Si vous avez quelque chose à ajouter à ce sujet, vous pouvez intervenir, sinon je soumets cette proposition aux voix.

M. Eric Stauffer. Oui, j'ai quelque chose à ajouter sur le renvoi en commission ! Je veux expliquer pourquoi il me paraît important de renvoyer ce projet de loi en commission ! Il a été dit dans cette enceinte et devant nos électeurs, Monsieur le président, que... (Exclamations.) ... lorsqu'une parole est donnée, il faut la tenir... Bien sûr ! C'est un principe très honorable ! Mais, ce n'est pas à vous, Monsieur le président, qu'il faut rappeler que les principes légaux ne sont entérinés que par des actes authentiques ! Et je reviens à mon exemple précédent.

Monsieur le président - avec tout le respect que je vous porte - je le répète, seul un acte notarié est un acte authentique qui fait foi ! Un acquéreur peut se désister tant et aussi longtemps qu'un acte authentique n'est pas signé ! On vient me dire que cette pratique à été entérinée en plénière et qu'il faut respecter la parole donnée... Oui ! Eh bien, on a pu voir ce que cela donne, Monsieur le président ! Et l'on reparlera certainement dans les jours qui viennent de l'immeuble sis 18, Louis Casaï - je serai extrêmement bref, Monsieur le président ! La Fondation a fait expertiser cet immeuble à 37 millions; elle l'a acquis pour un montant de 51 millions; pour le revendre à 39 millions ! Voilà, la parole donnée a un coût de 11 millions, à la charge du contribuable !

Mesdames et Messieurs les députés, évidemment que vous êtes libres de faire comme vous l'entendez, c'est le principe même de la démocratie... (Exclamations.) ... et j'ai beaucoup de respect, vous le savez très bien, pour nos institutions, mais j'aimerais que tout le monde sache que ce Grand Conseil prend en toute connaissance de cause une décision, et qu'on perd sciemment 150 000 F alors qu'aucune disposition légale ne l'autorise puisque seul un acte authentique fait foi !

Et maintenant, c'est l'électorat qui choisira ! La facture de la Banque cantonale de Genève s'élève déjà à 2,5 milliards... Avec la décision que vous prenez, Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aggravez encore ! Certes, seulement de 150 000 F - par rapport à la facture globale de 2,5 milliards, ce n'est rien - mais, pour bon nombre de citoyens, 150 000 F est une somme considérable !

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9617 à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe est rejeté par 56 non contre 8 oui et 2 abstentions.

M. Olivier Jornot (L). Ce que je vais dire porte aussi bien sur le renvoi en commission que sur le fond. Au cours du débat intéressant auquel nous venons d'assister, l'on pouvait avoir le sentiment qu'il y avait d'un côté les règles de l'honneur et, de l'autre, celles du droit, et je voulais apporter un correctif sur ce point.

Bien entendu, je partage pleinement les propos tenus par M. Deneys, ce qui, s'agissant des affaires de la Fondation de valorisation, est en quelque sorte une première ! A savoir que les règles de l'honneur et du comportement commercial adéquat doivent s'appliquer. Traduit en droit, cela s'appelle «les règles de la bonne foi» ! Et cela signifie, Monsieur Stauffer, qu'il n'est pas exact de dire que l'on peut librement, lorsqu'on organise des enchères privées, se départir de l'accord que l'on a donné à l'enchérisseur que l'on a choisi. En effet, le droit prévoit dans un cas de ce genre - si l'on rompt l'accord conclu, même si la vente n'est pas intervenue faute d'acte authentique, comme vous le dites - que le vendeur s'expose à une demande de dommages et intérêts, parce qu'il a manqué aux règles de la bonne foi. L'on ne peut donc pas d'un côté préconiser de faire une économie en changeant de cheval - si vous me passez l'expression - et, de l'autre, affirmer que cela n'aurait pas de conséquences juridiques. Ce n'est pas exact ! Si l'on parle de l'intérêt financier - en l'occurrence celui de la fondation - on doit aussi prendre en compte le fait que le manquement à la parole donnée pourrait engendrer des conséquences financières !

C'est donc la bonne solution que de voter ce projet de loi tel quel, en demandant à la Fondation et à la commission qui la contrôle de continuer la pratique adoptée jusqu'à présent.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole... Je vous la donne pour la dernière fois.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Monsieur Jornot, vous n'avez pas bien lu le dossier... Ce n'est pas une vente aux enchères qui a eu lieu... Ce sont des offres séparées qui sont arrivées à la fondation. Par conséquent, le cas de figure que vous avez évoqué - sur lequel je vous aurais donné pleinement raison - n'est pas le même que celui de ce dossier.

Ensuite, Monsieur le député, vous parlez de règles d'honneur... Encore une fois, et avec tout le respect que je peux avoir, comment peut-on parler de «règles d'honneur» ? Bien sûr, nous ne demandons pas de les enfreindre - mais, tout de même, Mesdames et Messieurs les députés, le dossier de la BCGe représente 2,5 milliards à la charge du contribuable ! Pour des paroles données par des banquiers qui ont prêté sans compter des sommes dont ils savaient qu'ils ne les récupéreraient jamais ! Alors, s'il vous plaît, un peu de compassion pour nos contribuables qui vont devoir éponger cette facture !

Je maintiens qu'il faut refuser ce projet de loi, ce qui donnera aussi un signal fort à la Fondation de valorisation pour qu'elle fasse ce pourquoi elle est payée. Mesdames et Messieurs les députés, 150 000 F, c'est beaucoup d'argent ! Et je voudrais quand même vous dire que ce Conseil de fondation, qui se réunit tous les jeudi après-midi parce que ses membres en ont décidé ainsi, coûte plus de 500 000 F par année au contribuable ! A lui seul, son président touche la bagatelle de 180 000 F, pour siéger une fois par semaine !

Je le répète, 150 000 F, c'est une somme importante, et nous - Mouvement Citoyens Genevois - nous ne pouvons pas accepter de laisser perdre de tels montants ! En guise de conclusion, je le redis: seul un acte authentique fait loi et fait foi.

Le président. Monsieur le député, nous avions compris, c'est la troisième fois que vous le dites ! Madame Gautier, rapporteur de majorité, pour une dernière intervention... Attendez, M. Wasmer a demandé la parole ! Ce n'est pas l'usage d'intervenir après les rapporteurs... Monsieur Wasmer, je vous donne la parole après le rapporteur de minorité et avant le rapporteur de majorité ou pas du tout ? Vous la voulez tout de suite ? Prenez-la !

M. Olivier Wasmer (UDC). Merci, Monsieur le président. Nous retombons sur les mêmes débats que d'habitude... Par contre - exceptionnellement - je dois reconnaître que M. Stauffer semble avoir raison sur un point dans la mesure où, effectivement, une vente immobilière doit se faire par acte authentique.

J'ai posé les mêmes questions en commission, notamment afin de savoir pour quelles raisons les acquisitions se faisaient oralement. Le conseiller d'Etat Hiler nous a confirmé que l'Etat n'avait pas l'habitude de se dédire. Comme l'a dit tout à l'heure la rapporteuse de majorité, Mme Fabienne Gautier, il est évident que la parole de l'Etat, d'une fondation de l'Etat a fortiori, est tout à fait valable. J'avais demandé initialement en commission que l'on signe des promesses de vente sous forme authentique, mais, malheureusement, il m'a été répondu que cela engendrait une trop grande lourdeur et que c'était totalement superfétatoire, puisque la fondation elle-même donnait sa parole. Donc, aujourd'hui le débat me semble clos, puisque le conseiller d'Etat Hiler nous a confirmé que la pratique de la fondation était de donner sa parole. On ne peut pas constater que la Fondation ait failli dans ses ventes par rapport aux acquéreurs, et je pense qu'il y a effectivement lieu d'adopter ce projet de loi.

Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse de majorité. J'aimerais simplement vous faire une remarque sous forme de question. Qu'est-ce qui fait perdre le plus d'argent au contribuable: ne pas voter des projets de lois ou les voter ? Comme vous avez pu le constater aujourd'hui, grâce à une bonne collaboration dans la commission de contrôle, nous allons voter vingt projets de lois. Je pense que c'est louable, que nous avons bien travaillé et que nous pouvons nous en féliciter ! Et cela, ça ne fait pas perdre d'argent au contribuable, Monsieur Stauffer !

Mis aux voix, le projet de loi 9617 est adopté en premier débat par 53 oui contre 8 non et 4 abstentions.

Le président. J'indique à ceux qui regardent le tableau qui est à ma gauche qu'il semble y avoir des problèmes de lecture... Mais les autres tableaux fonctionnent et nous arrivons à faire le contrôle des voix.

La loi 9617 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9617 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui contre 8 non et 3 abstentions.

Loi 9617

PL 9829-A
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner les parcelles 2643 et 6772, plan 76, de la commune de Genève, section Cité
Rapport de majorité de Mme Fabienne Gautier (L)
Rapport de minorité de M. Eric Stauffer (MCG)

Premier débat

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. J'interviens à nouveau dans ce dossier dans le souci de préserver les deniers publics. Nous avons affaire dans ce rapport de minorité à un porteur dont les administrateurs ne sont autres que les ceux de la régie qui gère cet immeuble acquis par la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève. C'est dire si ces personnes sont proches des événements survenus dans le cadre de ce dossier, puisque ce bien a été repris en 1998 - bien présenté aujourd'hui à notre Grand Conseil - évidement sans savoir à cette époque que la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale serait créée en 2001 pour reprendre toutes ces affaires qui concernent tant les contribuables.

Ces personnes sont donc impliquées depuis 1998 dans ces affaires et elles ont touché des commissions sur les biens déjà acquis à cette époque et ont continué à les administrer. Nous savons par ce biais qu'elles ont faussé la comptabilité de la Banque cantonale de Genève, ce qui a conduit à sa débâcle et à la découverte du pot aux roses en 2000. La Banque cantonale de Genève, qui avait commis ces actes illicites - je vous rappelle que certains de ses dirigeants sont aujourd'hui inculpés, mais, cela va de soi, ils bénéficient de la présomption d'innocence - leur a permis de signer ces acte de vente. Aujourd'hui, dans le concept du respect de la parole donnée, comme je le disais, elles ont obtenu de qu'on appelle un «mandat de vente exclusif», à tout le moins un mandat de gestion exclusive de ces biens qui pourrait être un jour invalidé pour actes illicites ou contraires à l'honneur... Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un article du code civil.

Dans un souci de sauvegarde des intérêts publics, nous estimons au MCG qu'il n'est pas judicieux de verser des commissions à ces courtiers qui pourraient être impliqués au niveau pénal dans la débâcle de la Banque cantonale de Genève. Nous pensons qu'il faut conserver ces commissions en attendant que la chose soit jugée et nous espérons tous qu'elle le sera avant prescription. Je dis cela, car nous constatons une certaine lenteur dans les procédures pénales concernant le dossier de la Banque cantonale de Genève... Et le souci d'anticipation et de prudence devrait normalement nous pousser à conserver ces commissions en attendant force de chose jugée.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement. Etant donné qu'on m'a reproché de mentionner sur la place publique le nom de sociétés de gens impliqués dans cette débâcle, nous avons volontairement inscrit des initiales qui ne correspondent à rien. En revanche, le fond du texte est parfaitement juste. Vous excuserez une faute de frappe qui m'a échappé dans l'exposé des motifs, ce qui n'est pas très important dans la mesure où, comme tout le monde le sait, peu de personnes le lisent. J'en veux pour preuve le sort qui va être réservé à ce rapport de minorité dans quelques instants... Ce qui est important, c'est la teneur de l'article que j'entends modifier par cet amendement. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, j'en ai terminé...

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur !

M. Eric Stauffer. C'est gentil, Monsieur le président, mais vous me coupez la parole... J'ai dit: «J'en ai terminé»...

Le président. Vous avez dit: «J'en ai terminé», j'en ai déduit que vous aviez terminé ! J'ai cru...

M. Eric Stauffer. ... mais c'est une phrase ! C'est une phrase, Monsieur le président !

Le président. ... que vous seriez sensible à cette manifestation de l'attention soutenue que je vous porte en toutes circonstances. Vous dites: «J'en ai terminé»; je vous crois sur parole !

M. Eric Stauffer. Merci. Je voulais juste ajouter que j'espère que ce principe de prudence sera accepté par notre Grand Conseil. Merci, Monsieur le président.

Le président. N'en doutons pas, n'en doutons pas ! Mesdames et Messieurs les députés, la parole est encore à Mme le rapporteur de majorité.

Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse de majorité. Je vois, à la lecture du rapport de minorité, que le rapporteur semble avoir oublié la pratique en usage et les contrats qui lient la fondation aux anciens porteurs. La reprise de portage par la fondation implique, lorsqu'il y a vente, aliénation, que l'ancien porteur bénéficie d'un mandat d'exclusivité durant six mois. C'est un courtier. Et je pense qu'il mérite, pour avoir trouvé un acquéreur...

M. Eric Stauffer. Un porteur !

Mme Fabienne Gautier. Non ! Il n'est plus un porteur: il est devenu un courtier !

M. Eric Stauffer. D'accord !

Mme Fabienne Gautier. Je ne parle pas de ce qui s'est passé avant la création de la Fondation... (M. Eric Stauffer interpelle l'oratrice.) Laissez-moi parler ! Je vous ai écouté, Monsieur le rapporteur de minorité, alors ayez au moins l'obligeance de me laisser parler ! (Brouhaha.) Je reprends. Il s'agit d'un mandat de courtage. La propriétaire - qui est actuellement la Fondation - a un contrat qui la lie à l'ancien porteur devenu courtier, pendant six mois, à partir du moment où l'objet est mis en vente. En l'occurrence, cette vente s'est réalisée durant ce laps de temps. Et il faut la saluer, puisque la perte ne se monte qu'à 23,63%, ce qui est très honorable.

M. Eric Stauffer. Quelques millions !

Mme Fabienne Gautier. Il ne s'agit pas de quelques millions, mais de 1,3 million ! Ce ne sont donc pas quelques millions ! On reste toujours aux alentours d'un million.

Tout travail mérite salaire. Vous dites dans votre rapport que cette perte ne va pas être à la charge du débiteur... Ce n'est pas vrai ! Absolument pas ! La Fondation a valorisé ce bien. Que vaut-il mieux perdre, Monsieur Stauffer ? Pour ma part, je pense qu'il vaut mieux perdre seulement 23,63% que plus de 100% d'un bien ! (L'oratrice est interpellée par M. Eric Stauffer.) Si, car parfois l'on perd un peu plus !

Voilà pourquoi je ne pourrai pas prendre votre amendement en considération - ni le voter, bien sûr !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de voter ce projet de loi tel qu'il a été accepté par la majorité de la commission.

Le président. Monsieur le député Stauffer, vous avez redemandé la parole ? Je vous la donne, mais sachez que nous sommes très attentifs. Nous vous avons entendu répéter tout le temps les mêmes choses depuis que vous avez commencé à faire des rapports de minorité sur ces malheureuses affaires. Nous sommes par conséquent en mesure de répéter par coeur, chacun d'entre nous, tout ce que vous nous dites ! De sorte que la répétition pourrait même entamer la confiance que vous portent vos électeurs... Vous avez la parole.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, c'est vrai, il y a beaucoup de répétitions: c'est la preuve que je suis écouté, mais pas entendu... (Rires.) Parce que ce Grand Conseil n'est pas soucieux des deniers publics, Monsieur le président ! (Exclamations.) Ecoutez, c'est la vérité, avec tout le respect que je vous porte, Mesdames et Messieurs les députés ! Lorsque nous proposons un projet ou un amendement pour économiser 150 000 F, vous dites que ce n'est rien... Nous avons entendu la rapporteuse de majorité dire que la perte dans ce dossier n'était que de 1,3 million... Excusez-moi, Madame la députée, mais, au Mouvement Citoyens Genevois, nous n'avons pas les mêmes valeurs ! Pour nous, c'est une fortune ! Que la plupart de nos concitoyens n'osent même pas espérer gagner dans leur vie !

Alors quand vous venez expliquer qu'un porteur, qui s'est rendu complice en plombant les comptes et en falsifiant les bilans de la BCG, a fait perdre 1,3 million et qu'en plus il va toucher une commission pour service rendu, nous ne pouvons que nous insurger ! Le MCG estime que ce n'est pas tolérable ! C'est pourquoi nous n'avons pas les mêmes valeurs ! Et c'est peut-être aussi pour cela, Madame la députée, qu'aujourd'hui le Mouvement Citoyens Genevois siège dans cette enceinte ! Voilà ! Monsieur le président, j'en ai terminé.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de soutenir l'amendement que le Mouvement Citoyens Genevois a déposé.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Bonne note est prise de votre insurrection.

Mis aux voix, le projet de loi 9829 est adopté en premier débat par 54 oui contre 4 non et 2 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.

Le président. Nous sommes saisis d'une demande d'amendement à l'article 2. Il s'agit d'un article 2 (nouvelle teneur), «Paiement de commission de courtage» (nouveau). Le voici: «Le paiement d'une commission de courtage et tout autre paiement n'est pas autorisé par la fondation à toutes entités considérées comme société dite de portage et/ou à d'autres sociétés de gérance immobilière ou les dirigeants et/ou administrateurs sont les mêmes personnes physiques siégeant au conseil d'administration des sociétés dites de portage.». Cet amendement est signé par MM. les députés Claude Jeanneret, Roger Golay, Thierry Cerutti, Sébastien Brunny, Mme Sandra Borgeaud, MM. Henry Rappaz et Eric Stauffer.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 8 oui.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que l'article 3.

Troisième débat

La loi 9829 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9829 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 8 non et 2 abstentions.

Loi 9829

PL 9755-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat renouvelant un crédit de fonctionnement de 298'500F en 2006 et de 300'000F en 2007, 2008 et 2009 au titre de subvention cantonale annuelle en faveur du Théâtre du Loup
Rapport de M. Guy Mettan (PDC)

Premier débat

Mme Janine Hagmann (L). Vous avez tous remarqué, Mesdames et Messieurs les députés, que notre collègue Mettan innove dans la manière de rédiger un rapport... Je me permets donc humblement, à mon tour, d'innover dans mon intervention, quitte à faire se retourner Victor Hugo dans sa tombe.

«Ô combien de plaideurs, combien de quémandeurs

Qui sont partis joyeux réclamer des faveurs,

Dans ce morne horizon se sont évanouis !

Combien ont disparu, dure et triste fortune,

Lâchés par un Etat qui n'a pas trop de thunes

Et qui parfois dit: non ! vraiment, c'est inouï !

Combien de crédits morts avec leurs équipages !

Pourtant justifiée leur ampleur semblait sage,

Disaient les quémandeurs, qui surfent sur les flots !

Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.

Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée;

L'une a cassé la quête et l'autre ses héros !

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !

Vous roulez à travers les sombres étendues,

Heurtant de vos fronts pâles des écueils inconnus.

Ô que de spectateurs, qui n'avaient plus qu'un rêve,

Apprennent tristement la nouvelle de Genève:

Au Théâtre du Loup: cruelle déconvenue !

On s'entretient de vous parfois dans les veillées.

Maint joyeux cercle assis, la pupille mouillée,

Mêle encore quelque temps vos noms d'ombre couverts

Aux rires, aux redites, aux récits d'aventures,

Aux slogans politiques percutants du futur,

Tandis que vous dormez derrière des rideaux verts !

On s'interroge aussi: ce théâtre survit-il ?

Nous a-t-il délaissés pour un bord plus fertile ?

Les souvenirs élogieux tout à coup ressurgissent:

Comédie, tragédie, chaque pièce est bonne à voir !

Mise en scène et décors, on ne broie pas du noir !

Impossible qu'une telle troupe quitte Genève ou périsse !

Bientôt, des yeux de tous, votre ombre est apparue,

Citoyens, citoyennes descendent dans la rue:

«Subvention ! Subvention !» réclament-ils en choeur.

Les politiques, sensibles, ne peuvent plus attendre,

Parlent encore de vous, en justifiant de rendre

Le crédit demandé, un peu à contre-coeur.

Voilà pourquoi, Mesdames, Messieurs les députés,

Conscients que c'est utile, en plus de qualité,

Et un apport précieux à l'offre de culture,

Suivons les conclusions de ce drame en deux actes,

Créé au mois de mars, à huis clos, par un pacte,

Et, pour cette subvention, desserrons la ceinture !»

(Applaudissements.)

Le président. Monsieur Pierre Kunz, vous avez la parole pour autant que vous vous exprimiez en vers et, au minimum, en alexandrins ! (Rires.)

M. Pierre Kunz (R). Merci, Monsieur le président, mais j'avoue n'avoir jamais appris autre chose que la prose... Vous m'excuserez !

Une voix. Et sans le savoir !

M. Pierre Kunz. Et sans le savoir ! (Rires.) Cela dit et sans vouloir crier «Au loup !», les radicaux aimeraient profiter du texte qui nous occupe pour souligner, à l'attention du Conseil d'Etat, combien, dans le domaine culturel, aussi, il nous paraît nécessaire que notre gouvernement entreprenne le travail qu'il a commencé d'effectuer dans d'autres domaines en matière de subventions des associations.

Nous voulons parler en premier lieu de la manière dont il traite, filtre - ou ne filtre pas - analyse - bien ou mal - les demandes de subvention qu'il reçoit des associations. C'est en effet, le message que nous aimerions faire passer une fois de plus: le rôle du Conseil d'Etat, il faut le rappeler, consiste à étudier les demandes, en faire une synthèse, la plus efficace et la moins coûteuse possible, puis - puis, seulement ! - soumettre le résultat de son analyse au Grand Conseil. Comment, sans cela, pourrions-nous effectuer notre travail convenablement ? Comment pourrions-nous trancher efficacement ? Comment pourrions-nous voter raisonnablement ? (L'orateur est interpellé par M. Etienne Barrillier.) Trancher ou retrancher: effectivement ! (Rires et exclamations.)

En second lieu, il s'agit pour le Conseil d'Etat de fixer au plus vite, dans le domaine culturel aussi, une répartition efficace et raisonnable des tâches avec les communes et la Ville. Avec les communes, et surtout la Ville ! Nous demandons que soit mis un terme aux doubles financements commune/Etat et ville/Etat, si nombreux actuellement. Des doubles financements qui, sans aucun doute, conduisent au gonflement non indispensable des dépenses des associations.

Les radicaux invitent, dans ce contexte, le Conseil d'Etat à viser la fin de son engagement direct dans les théâtres. Le subventionnement de ceux-ci doit être pris exclusivement par les communes, moyennant - moyennant ! - sous une forme ou sous une autre, de la part de l'Etat, une contribution annuelle globale, aisément contrôlable par ce Grand Conseil, aux communes concernées.

Alors, Mesdames et Messieurs, dans l'attente de ce monde où, en matière culturelle, tout ne sera plus que calme, douceur et volupté, les radicaux vous incitent à suivre le rapport de M. Mettan.

Le président. Merci, Monsieur le député. La fin n'était pas mal ! La parole, pour une saynète ou un quatrain, est donnée à M. Henry Rappaz...

M. Henry Rappaz (MCG). Le loup dont je veux vous parler n'est pas le loup carnassier du Mercantour... Un large public composé de députés, d'adolescents, d'artistes, d'amoureux du spectacle - qui le connaissent, qui l'ont observé - sait combien il est indispensable à notre environnement, ce théâtre ! Il vous prie donc de lui faire un bon accueil dans notre enceinte, parce que, vous l'aurez sans doute compris, c'est bien du Théâtre du Loup dont qu'il est question !

Aussi, c'est en choeur que le Mouvement Citoyens Genevois lance à son tour un appel d'encouragement à la meute de parlementaires pour que soit accordée à ce théâtre la subvention indispensable à sa survie ! (Des députés imitent le hurlement du loup.)

Le président. Merci, merci ! Madame la députée Virginie Keller Lopez, avez-vous quelque poésie à ajouter à ce florilège ?

Mme Virginie Keller Lopez (S). Je voudrais rappeler à M. Kunz qu'il n'est pas si facile dans le domaine de la culture de séparer les communes de l'Etat. Depuis de nombreuses années, le travail du Théâtre du Loup - et j'ai l'impression que vous l'appréciez tous, dans cette enceinte - s'est réalisé patiemment. Il lui a fallu, année après année, convaincre la commune de la Ville de Genève, puis convaincre - année après année aussi - les députés ici présents, afin de pouvoir, toujours année après année, bricoler des petits budgets pour faire fonctionner ce théâtre, et cela au ravissement de tous et de toutes aujourd'hui.

C'est facile, Monsieur Kunz, de nous dire qu'il faut cesser tout double financement ! Mais si ces réalisations existent - et que vous saluez aujourd'hui tous ensemble, vaillamment - c'est bien parce que des conseillères et conseillers municipaux et des députées et députés se sont battus pendant des années pour que ces projets aboutissent ! Demander aujourd'hui que l'Etat ne se préoccupe plus de culture, Monsieur Kunz, n'est-ce pas aller à l'encontre de tous les ponts qui ont été construits durant des décennies, entre notre système éducatif et tous ces théâtres, avec les concerts et orchestres que vous connaissez, que vous subventionnez et que vous soutenez ?

En lisant le rapport sur le Théâtre du Loup, on salue non seulement l'esprit de créativité de ses membres, leur humour, leur capacité de rassembler les Genevoises et les Genevois autour de leurs spectacles, mais aussi le travail extrêmement important effectué en lien avec le DIP: les spectacles, l'aspect scolaire, les stages et cours. Et c'est cet édifice, Monsieur Kunz, construit patiemment entre le DIP et la culture, le résultat d'une collaboration très importante entre la Ville de Genève et l'Etat, que vous mettez en danger ! Il n'est pas si simple que chacun reprenne ses billes aujourd'hui sans mettre en danger cette structure...

Des discussions ont déjà eu lieu à propos des répartitions - de même que l'on traitait hier, au point 65, du projet de loi 9902 sur les répartitions dans le domaine social - et il est important d'en parler. Le conseiller d'Etat, je crois, le fait avec le magistrat de la Ville depuis quelque temps déjà, mais il n'est pas aussi simple de se répartir les tâches, le théâtre pour l'un, la musique pour l'autre, etc. Les personnes qui, patiemment, travaillent dans le domaine de la culture et de l'éducation savent que bien des projets sont liés à la collaboration. Et il me semble un peu simpliste de parler aujourd'hui de doublons, je préfère parler de collaboration.

Au parti socialiste, nous sommes très contents de voter ce projet de loi, qui pérennise le travail effectué depuis des années pour la réalisation de ces projets. En effet, des personnes devaient venir chaque année défendre leur subvention et leur travail devant des commissions; aujourd'hui, notre plénum a la sagesse de reconnaître ce travail, de le pérenniser par un contrat valable plusieurs années. Nous espérons que nous pourrons - ici, au Grand Conseil - continuer à soutenir cet aspect de la vie, essentiel et indispensable quand il s'agit du besoin de respect, de culture et d'éducation. Il faut donc continuer à subventionner ces projets culturels !

Mme Véronique Pürro (S). Je souhaite également répondre à notre collègue, M. Kunz. Pour avoir travaillé pendant quasiment deux ans sur la question de la répartition des institutions privées subventionnées par la Ville et par le canton dans le domaine du social et de la santé, je suis en mesure de dire que l'on ne peut pas du tout comparer ce domaine avec celui de la culture, et cela pour plusieurs raisons. J'aurais voulu en évoquer au moins une, celle des compétences des institutions publiques. En effet, si dans le domaine du social et de la santé, l'Etat et les communes délèguent à des associations privées qu'elles subventionnent des compétences qui sont généralement reconnues comme étant les leurs, il n'en est pas de même s'agissant de la culture.

Dans le domaine du social et de la santé, nous avons en général des bases légales et, bien souvent, nous confions certaines missions de ces dernières à des institutions privées. Vous les connaissez, puisque certains d'entre vous font partie de leurs comités. En réalité, il s'est créé une véritable logique pour éviter - non pas les doublons, parce que l'on n'a jamais octroyé doublement une subvention - les difficultés liées au fait qu'une subvention provenait de deux entités différentes, en répartissant les subventions selon les compétences qui sont fixées, comme je vous l'ai dit, dans les bases légales.

Mais il n'en va pas du tout de même au niveau de la culture. On ne peut pas dire que le domaine de la culture est aussi vaste et complexe que celui du social et de la santé, mais, si nous souhaitons assurer la diversité culturelle dans tous les domaines de la culture et sous toutes ces facettes, il est important que nous assurions une diversité de subventionnements et que les communes puissent soutenir certains projets moins importants, alors que certains projets nécessitent un subventionnement plus conséquent réparti sur les communes et le canton.

Ce sujet doit être abordé avec une véritable une rigueur intellectuelle. Il ne faut pas vouloir mettre ce qui a été fait dans le domaine du social et de la santé dans le même trend. Parce que ces domaines ne sont pas comparables, Monsieur Kunz ! Même si votre idée est bonne à la base, elle est peu applicable dans le domaine de la culture. Ce que nous pourrions peut-être suggérer aux magistrats - mais peut-être le font-il déjà - c'est de reprendre dans le domaine culturel la première étape que nous avons effectuée dans le domaine social et de la santé. C'est-à-dire que les personnes qui font des demandes de subventionnement n'aient plus à présenter des dossiers différents; qu'une institution culturelle subventionnée par le canton, qui doit produire un rapport d'activité - ce qui est normal - et un rapport aux comptes, puisse produire le même rapport, avec le même type d'informations, aux communes qui la subventionnent.

M. Pierre Weiss (L). Je n'ai pas besoin de faire l'exégèse des propos de mon collègue Kunz... Je crois qu'il va prendre à nouveau la parole pour clarifier les propos qu'il a tenus tout à l'heure.

Je trouve qu'il faut pas mal de culot, le jour même où la Ville annonce la suppression de sa subvention à quatre écoles de musique, pour vanter la qualité de sa politique ! De ce point de vue, il me semble qu'un dérapage aurait pu être évité dans des interventions précédentes. Une répartition claire des compétences est nécessaire, y compris en matière culturelle, que ce soit le canton ou que ce soit la Ville ! Mais le mélange actuel contribue à des complexités, voire à des inefficiences importantes !

Pour notre part, nous voterons la subvention au Théâtre du Loup, parce que nous considérons que ce théâtre fait un excellent travail, et il le fait à des coûts qui sont remarquables, compte tenu de la qualité des spectacles qui sont fournis et des moyens qui sont mis à sa disposition. Mais, de grâce, que l'on ne vienne pas nous servir l'antienne sur l'aide inespérée que peut apporter la Ville, quand on voit ce qu'elle fait par ailleurs !

M. Eric Bertinat (UDC). Une partie de mon intervention est similaire à celle de Pierre Weiss, à savoir qu'il conviendrait tout de même d'avoir une répartition des tâches claire. La culture, c'est plutôt le rôle de la Ville, à voir le budget qu'elle y consacre; il serait donc judicieux, à mon avis, de définir son rôle.

La deuxième remarque que je veux faire porte sur les nombreuses associations qui nous sollicitent. Aujourd'hui, c'est le Théâtre du Loup, qui fait du bon travail - tout le monde l'a reconnu en commission. Mais quand nous avons fait remarqué à ses représentants que les finances du canton étaient en grande difficulté et que nous attendions de chacun qu'il fasse un effort - eux y compris - par exemple, en diminuant de 10% leur subvention et en la reportant dans leur prestation, peut-être en faisant un spectacle de moins, une économie ici ou là, nous avons reçu une fin de non recevoir: ils nous ont expliqué que cela était absolument impossible. C'est, du reste, pratiquement la même chose pour toutes les associations qui nous sollicitent et à qui nous demandons de réfléchir à l'état désastreux de nos finances.

Nous nous sommes donc abstenus, et nous nous abstiendrons encore lors de ce vote. C'est une manière de reconnaître le bon travail qui s'y fait, mais, aussi, de manifester notre dépit face à toutes ces associations qui nous sollicitent et qui ne sont pas prêtes à faire des efforts pour nous aider à redresser les finances.

M. Pierre Kunz (R). Si j'ai bien compris, nos collègues socialistes qui se sont exprimées ont compris que les radicaux soutenaient la subvention... C'est déjà ça !

Par contre, il me semble qu'elles n'ont pas bien compris la suite: les radicaux ne proposent pas que l'Etat se retire de la vie culturelle du canton. Ils proposent l'adoption, en quelque sorte, pour les associations, de ce que l'on appelle dans d'autres domaines le «guichet unique» ! Un guichet unique qui serait financé dans chaque commune par une contribution cantonale annuelle, que ce parlement pourrait contrôler correctement et dont la commune disposerait pour mener sa politique culturelle. Il ne s'agit donc pas non plus d'un transfert de charges, mais bien d'une répartition intelligente entre ceux qui disposent de moyens financiers, mais qui sont éloignés de la culture - à savoir nous - et les communes qui, elles, n'ont peut-être pas toujours les moyens financiers, mais qui savent quels sont les lieux où se déroule la vie culturelle.

M. Roger Deneys (S). Je voulais m'inscrire en faux contre les propos de M. Weiss... Car la Ville de Genève fait des efforts extraordinaires en matière de culture ! Et je vous rappelle que si elle doit prendre des mesures concernant les écoles de musique, c'est parce que nous - le Grand Conseil - imposons des charges supplémentaires aux communes ! Dans ce sens, nous les mettons dans des situations très délicates.

En ce qui me concerne, je trouve que la Ville de Genève a tort avec les mesures qu'elle a prises à l'égard des écoles de musique, elle ferait bien mieux de diminuer la subvention au Grand Théâtre et de mettre le Grand Conseil devant ses responsabilités !

Une remarque a été faite concernant les équipements du Théâtre du Loup. Le Théâtre du Loup fait un travail exceptionnel, c'est reconnu. Vous suggérez, Monsieur Bertinat, qu'il fasse un spectacle en moins... Je suis désolé de vous le dire, mais je trouve cela ridicule. Si un théâtre existe, c'est pour que des personnes y travaillent, pour qu'il soit utilisé à longueur d'année qu'il soit reconnu ! Et au niveau cantonal, on n'a aucune leçon à donner quand on pense au stade de la Praille qui a coûté une fortune, soit bien plus cher que ce théâtre, et qui n'a rien rapporté à personne à ce jour !

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je remercie la commission des finances et M. Guy Mettan pour la qualité de son rapport. Je relève simplement que les débats sur la répartition des tâches, notamment traitée par vous-mêmes à travers la Conférence culturelle il n'y a guère plus d'une année, nous donneront la possibilité de revenir sur ces questions.

Pour l'instant, je vous remercie de soutenir cette subvention et le Conseil d'Etat.

Le président. Nous avons donc achevé ce débat... Je voudrais à mon tour saluer l'originalité et la mise en page du travail de M. le rapporteur Mettan. Comme Cyrano, on aurait pu dire: «Ô Dieu, bien des choses en somme !» Et avec Victor Hugo, choisi par Mme Janine Hagmann, on aurait pu dire, parodiant «La légende des siècles»: «2006 ! Ô temps où des Genevois sans nombre attendaient prosternés sous un nuage sombre que ce Conseil eût dit oui !» Ou encore, plus politique, tirée de «Ruy Blas», cette apostrophe: «Bon appétit, Messieurs ! Ô ministres intègres !» (Rires.)

Mis aux voix, le projet de loi 9755 est adopté en premier débat par 57 oui et 6 abstentions.

La loi 9755 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9755 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui et 3 abstentions.

Loi 9755

PL 9765-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 375'000F pour l'équipement et l'ameublement des locaux des sites de la Haute Ecole de Santé pour les filières des physiothérapeutes, diététicien-ne-s et technicien-ne-s en radiologie médicale
Rapport de M. Renaud Gautier (L)

Premier débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur ad interim. Ce sont parfois les petites demandes de crédit qui nous révèlent des choses grandement étonnantes... Lorsque cette demande de crédit d'investissement à été présentée à la commission des finances, elle a suscité un certain nombre d'interrogations. Certaines ont reçu des réponses, d'autres pas. Et celles qui ont reçu des réponses ont reçu des réponses étonnantes. Par exemple, en matière de chronologie, le crédit d'investissement dont il est question a été déposé en janvier 2006 et l'acte d'achat par l'école du matériel décrit dans le projet de loi a été conclu en juin 2005... Cela a d'ailleurs permis à la commission de se rendre compte que l'école en question disposait de réserves et que ce crédit permettait de les reconstituer. Ce qui n'est pas vraiment conforme à la politique préconisée par l'ICF.

Deuxièmement, il y a pour le moins un problème de non-convergence entre les politiques menées par le DCTI, d'une part, et par le DIP, d'autre part. Je cite un passage, à la page 3 du rapport de mon collègue Gautier: «... la commission a découvert que le département - en l'occurrence, le DCTI - s'autorisait pour la rubrique «rénovation et transformation de locaux» une «marge de manoeuvre d'environ un million de francs dans la perspective de pouvoir entamer des travaux dont le C.E. le chargerait qui ne figuraient pas dans la liste.» Et Renaud Gautier ajoute: «Le parlement appréciera à sa juste valeur la notion de «marge de manoeuvre.»

Par ailleurs, avant de nous déterminer sur un crédit d'investissement d'un département - en l'occurrence, le DIP - nous souhaiterions connaître le total des crédits d'investissement et de fonctionnement de chaque département, pour que nous puissions nous rendre compte de l'importance des sommes en jeu.

Un troisième problème a été constaté lors de cette demande de crédit d'investissement: qu'advient-il du matériel utilisé ? Que l'on achète du matériel avant que le projet de loi ne soit déposé, c'est une chose, que devient le vieux matériel en est une autre ! Aucune réponse à ce sujet n'a été apportée. Je ne sache pas qu'il se trouve au Théâtre du Loup pour permettre aux spectateurs de s'y asseoir... Pour connaître les sièges de ce théâtre, ils ne me semblent pas venir de l'école en question !

Voilà ce qui a justifié le fait que, dans son ensemble, la commission a refusé d'entrer en matière sur ce crédit d'investissement, d'autant plus que trois autres questions sont restées sans réponse. Deux concernaient le DCTI et l'autre le département des finances: pour le DCTI, la description des travaux d'aménagement pris en charge par le propriétaire de l'immeuble et, également, l'imputation des déménagements comme investissement ou comme fonctionnement; pour le département des finances, une question de procédure concernant l'ouverture d'une ligne de crédit pour lesdits travaux.

Bref, il nous a semblé que cela nécessitait le renvoi de cette demande de crédit d'investissement à la commission de contrôle de gestion pour que notre Grand Conseil puisse mener une investigation. Et d'après les contacts que j'ai eus avec l'une de mes collègues, Mme Chatelain, ladite commission a procédé à cette investigation.

En tout état de cause, voilà quelque chose qui ne doit plus se reproduire dans le fonctionnement. Parce qu'il faut que les écoles puissent assurer la rentrée avec du matériel et que les crédits nous soient présentés suffisamment à temps, pour que les choses se fassent dans les règles. Nous ne sommes pas dans l'anarchie, nous sommes en démocratie, Monsieur le président !

Mme Elisabeth Chatelain (S). Je confirme les propos de M. Weiss: effectivement, la commission de contrôle de gestion, suivant ce rapport, s'est saisie de cet objet; la sous-commission en charge du DCTI a déjà procédé à deux auditions; je suis responsable du rapport. Idéalement, il aurait dû être sur les tables aujourd'hui, mais je n'ai pas encore eu le temps de le rédiger. Je vais le faire au plus vite, de façon que nous nous puissions traiter cet objet rapidement.

M. Claude Jeanneret (MCG). Indépendamment des propos qui ont été tenus jusqu'à maintenant, certains points me semblent assez bizarres dans la procédure de cette demande de crédit d'investissement.

Premièrement, le crédit d'investissement concerne un investissement qui a déjà été effectué. Deuxième chose, l'investissement était absolument nécessaire. Il n'avait pas été prévu dans le déménagement - c'est un élément qui a été relaté par M. Weiss - mais, le plus grave, c'est que le paiement de ce matériel a été effectué grâce à une réserve, réserve qui n'était pas licite puisqu'elle avait été constituée sur des excédents de subvention. Donc, cette réserve aurait dû être retournée à l'Etat, ce qui n'a pas été fait. Elle a été utilisée pour acquérir du matériel, ce qui est très bien, en revanche je trouve absolument inadmissible que l'on se permette de demander un crédit pour reconstituer une réserve illicite ! Il ne s'agit pas de savoir si nous allons octroyer un équipement ou pas, dans la mesure où il est d'ores et déjà payé, mais si nous allons reconstituer une réserve illicite. Pour ces bonnes raisons, cette demande doit être refusée.

Le président. Monsieur Weiss, vous avez demandé le renvoi à la commission de contrôle de gestion... C'est ce que j'ai noté.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur ad interim. C'est effectivement ce que j'ai dit lors des travaux de commission. Je l'ai répété aujourd'hui. Si vous voulez que je le précise à nouveau, c'est possible.

Le président. Non, non, c'est très clair ! Je donne la parole au Conseil d'Etat, puis nous voterons sur le renvoi en commission. S'il est refusé, nous voterons sur la proposition qui nous est soumise.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je partage les conclusions de la commission. Les dysfonctionnements qui sont apparus auraient même mérité le retrait pur et simple de ce projet de loi. Je ne suis donc pas favorable à ce que votre Conseil l'accepte. Il me semble également nécessaire que tous les enseignements par rapport à ces procédures soient tirés.

Cela dit, je ferai deux commentaires. Le premier a trait à la remarque de M. Weiss - qui remplace le rapporteur de majorité - concernant la demande globale d'investissement. Il est pratiquement impossible de suivre toutes les lois et règlements, de même que leur esprit... Pour la simple et bonne raison que la demande de crédit relative à l'équipement intervient après le vote sur les locaux, dans la mesure où la procédure d'adjudication pour le moins-disant doit être lancée pour nous permettre d'avoir le prix le plus bas. Alors, ce n'est pas satisfaisant, je suis d'accord avec ces conclusions, mais nous devons trouver des modes de procédure qui nous permettent, en matière d'équipements scolaires, d'avoir une vision globale - et je partage ce point de vue - d'avoir la possibilité de bénéficier du coût le moins élevé - c'est notre but - et, surtout, de faire face aux impératifs liés à une rentrée scolaire.

Quant au fonctionnement de la HES-SO, je partage également les conclusions sur les notions de réserves. Il n'est pas normal d'avoir utilisé ces fonds à l'avance. Je me suis moi-même, avec le directeur général de la HES, interrogé sur la source de ce dysfonctionnement et j'ai mené une très rapide enquête interne pour m'assurer qu'il n'y ait pas eu des manquements plus graves par rapport à cette procédure. Mais, cela dit, au niveau de la HES de Suisse occidentale, de l'argent circule forcément - ce qui constitue une réserve, je vous le rappelle - puisqu'il s'agit d'une structure intercantonale.

Le président. Je vous soumets la proposition de renvoi de ce projet de loi à la commission de contrôle de gestion, qui nous a été présentée par M. le rapporteur de la commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9765 à la commission de contrôle de gestion est adopté par 64 oui contre 9 non et 2 abstentions.

M 1079-B
Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et M. Chaïm Nissim, Sylvia Leuenberger, Vesca Olsommer concernant l'introduction de cours sur l'histoire des religions pour les élèves du canton
Rapport de majorité de M. François Thion (S)
Rapport de minorité de M. Henry Rappaz (MCG)

Débat

M. François Thion (S), rapporteur de majorité. Je vais, sans entrer dans les détails, restituer brièvement ce rapport issu des travaux de la commission de l'enseignement. Je rappelle simplement qu'en 1996 le Grand Conseil a adopté une motion signée par Mme Vesca Olsommer, Mme Sylvia Leuenberger et M. Chaïm Nissim, préconisant l'introduction de cours sur l'histoire des religions pour les élèves genevois. En février 2005, le Grand Conseil a étudié le rapport du Conseil d'Etat sur cette motion et a jugé qu'il fallait renvoyer ce rapport à la commission de l'enseignement et de l'éducation. En fait, il s'agit d'un rapport qui a été établi sur le rapport du Conseil d'Etat, qui était un rapport sur une motion. C'est un peu compliqué, mais c'est ainsi.

La commission a auditionné le groupe citoyen «Culture religieuse et humaniste à l'école laïque» pendant deux séances, ce qui a donné lieu à des débats forts intéressants et, je crois, de très haute qualité. Suite à ces auditions, elle a décidé de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat.

Je le rappelle, ce rapport donnait quelques pistes par rapport au fait religieux. Il ne s'agit pas du tout de donner des cours de religion à l'école ! La conclusion du rapport du Conseil d'Etat était la suivante: «Au vu des éléments qui précèdent, le Conseil d'Etat estime essentiel que l'enseignement du fait religieux soit mieux pris en compte dans les écoles publiques genevoises et charge le département de l'instruction publique: - de prendre toute les mesures utiles qui encourageront les enseignant-e-s à traiter du fait religieux dans leurs classes dans le respect de la laïcité à l'école; - de poursuivre et de renforcer les offres de formation initiale et continue des enseignants et de développer des lieux d'échanges afin d'acquérir de meilleurs outils, méthodes et connaissances pour assurer leurs compétences; - d'établir une cohérence de l'enseignement du fait religieux au niveau des plans d'études, de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire postobligatoire; - d'élargir le contexte dans lequel l'étude du fait religieux peut être assuré en permettant aux élèves des trois ordres d'enseignement de traiter d'éléments de philosophie et des questions des valeurs et du lien social;». Et pour terminer, le Conseil d'Etat préconisait: «- de poursuivre le débat sur les enjeux relatifs à l'enseignement du fait religieux avec des représentants de la société civile.»

Ce rapport du Conseil d'Etat me semble tout à fait aller dans le sens de l'article 4 de la loi sur l'instruction publique qui stipule: «L'enseignement public a pour but, dans le respect de la personnalité de chacun... - sous alinéa d) - de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l'indépendance de jugement; - et sous alinéa e) - de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l'entoure, en éveillant en lui le respect d'autrui, l'esprit de solidarité et de coopération et l'attachement aux objectifs du développement durable;».

Les conclusions du rapport du Conseil d'Etat, je le répète, me semblent tout à fait aller dans le sens de l'article 4 de la loi sur l'instruction publique. Et je m'étais un peu étonné qu'il y ait un rapport de minorité sur cet objet... Je n'en ai pas vraiment compris la raison. Contrairement à vous, Monsieur le rapporteur de minorité, je pense que l'enseignement du fait religieux à travers des cours d'histoire ou de géographie, au cycle d'orientation, ou plus tard en postobligatoire dans les cours de philosophie, permet de mieux connaître l'autre, de dépasser les préjugés et d'éviter les comportements sectaires.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Comme d'habitude, M. Thion a été très complet, ce qui fait que j'abrégerai un peu mon intervention. Je voudrais surtout préciser à nouveau l'objectif de la motion initiale, surtout à l'intention de M. Rappaz qui ne l'a, je crois, pas tout à fait compris.

Il ne s'agit pas du tout d'introduire des cours de catéchisme à l'école, voire de faire du prosélytisme religieux, mais bien d'enseigner l'histoire des religions. Notre but à l'époque, en 1996, était surtout d'élargir les connaissances des jeunes pour augmenter leur tolérance et leur compréhension face à d'autres courants de pensée, d'autres confessions, qui sont en augmentation depuis une dizaine d'années dans notre canton, notamment en raison de l'arrivée de jeunes élèves d'origines très diverses. Les maîtres et maîtresses de l'école primaire sont bien souvent démunis, car ils ne savent pas forcément répondre aux questions que leur posent les enfants. Nous ne pouvons pas ignorer cette situation: il n'est pas question de remplir le rôle éducatif des parents, mais de donner des cours sur l'histoire des grands courants religieux.

Comme l'a indiqué M. Thion, il s'agit d'un rapport sur le rapport du Conseil d'Etat, et le Conseil d'Etat propose des solutions de deux types qui nous conviennent parfaitement: tout d'abord, intervenir auprès des enseignants en améliorant la formation continue. Cela ne pèsera pas trop sur l'enseignement, puisque c'est évolutif. Les enseignants ont besoin de pouvoir parler et débattre de situations concrètes - cela concerne surtout l'école primaire. Ensuite, il faut intervenir auprès des élèves. Il me semble tout à fait possible de renforcer les explications sur les grands courants religieux dans le cadre de la géographie, de l'histoire, voire des sciences.

Je ne me fais pas d'illusions, il faudra dix ans ! Mais c'est comme tout en politique, il faut avoir de la patience ! C'est l'une des treize priorités annoncées par M. Beer, et je pense qu'il a envie d'atteindre son but. En ce qui nous concerne, nous lui faisons confiance et nous prendrons acte de ce rapport.

Mme Janine Hagmann (L). Comme vous le savez, l'école publique à Genève est laïque, par la volonté du législateur, depuis 1847.

M. Gabriel Barrillier. Grâce à qui ? (Rires.)

Mme Janine Hagmann. Elle permet à chacun de se préparer à participer à la vie sociale, culturelle, civique et économique du pays. Mais il est évident qu'il n'y a pas de citoyenneté sans apprentissage des savoirs...

Alors, peut-on écarter certains savoirs de l'école ? Est-ce mission impossible que de s'intéresser à sa propre religion ainsi qu'aux différentes cultures religieuses ? Comment appréhender l'histoire si l'on n'a pas été formé à respecter les convictions des autres et si le manque de références ne permet plus de trouver les repères indispensables ? C'est un vrai débat de société, Mesdames et Messieurs les députés, et l'école publique ne saurait rester en dehors ! La connaissance du fait religieux est tout à fait nécessaire: il ne faut pas prendre ses désirs ou ses croyances pour des réalités.

La commission de l'enseignement a étudié avec intérêt le rapport du Conseil d'Etat, qui lui avait été renvoyé. Elle a auditionné avec un sentiment respectueux et admiratif des représentants du groupe «Culture religieuse et humaniste à l'école laïque», groupe présidé, je vous le rappelle, par notre ancien collègue Patrick Schmied. La collaboration offerte par le DIP doit être soulignée. La conclusion du Conseil d'Etat préconise: « de poursuivre le débat sur les enjeux relatifs à l'enseignement du fait religieux avec des représentants de la société civile.» Mais voilà, un groupement politique, ni de droite ni de gauche, pense qu'ainsi - sic - qu'on va: «... ouvrir la porte au communautarisme, et donc au renforcement des minorités agissantes, etc., ... de manière à obliger la communauté d'accueil à accepter des "accommodements culturels et religieux", préludes à la constitution de ghettos et à l'intrusion du fondamentalisme dans la société civile.» Mais non, Mesdames et Messieurs les députés du MCG: c'est exactement le contraire ! Depuis quand la Connaissance, avec un grand C, provoque-t-elle l'exclusion ?

Pour moi, le rapport de minorité fait injure au groupe sérieux qui planche depuis plusieurs années déjà sur ce sujet ! Je vous rappelle que ce groupe est composé de personnes de différentes professions, de différentes confessions, de différents milieux: des gens qui pratiquent, eux, la modestie et le respect ! Suite à la lecture assez édifiante du rapport de minorité, je donnerai un conseil au rapporteur... Monsieur Rappaz, téléphonez à ce groupe de réflexion et allez écouter le niveau de réflexion de ses membres, le niveau de leurs préoccupations !

Je terminerai - puisque Mme Leuenberger a très bien résumé les objectifs de cette motion - en citant une devise qui a fait l'objet de la conclusion d'un séminaire à Crêt-Bérard, qui résume tout un programme: «Liberté de croire, nécessité de connaître !». Je dirai personnellement: «Liberté de croire, nécessité de connaître tout, y compris nos propres convictions et notre propre religion !».

Il va de soi que le groupe libéral vous recommande de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat. Et il remercie le Conseil d'Etat de tenir ses engagements et de poursuivre le dialogue avec le groupe de réflexion. (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Le sujet que nous abordons à travers ce rapport est d'importance. D'importance pour l'avenir et l'harmonie de la société multiculturelle genevoise.

La question du fait religieux, qui peut être appelé également «culture religieuse et humaniste» - comme cela a été précisé au cours des auditions - est effectivement importante pour le groupe démocrate-chrétien. Nous souhaitons par conséquent apporter quelques éléments complémentaires à ce qui vient d'être dit.

Nous saluons le travail très important qui a été effectué ces dernières années sur ce sujet. Tout d'abord, le rapport du SRED, qui date de 1999, sur la culture religieuse et l'école laïque. Ensuite, le travail exceptionnel - il faut le reconnaître - effectué par le groupe citoyen «Culture religieuse et humaniste à l'école laïque» - il s'agit d'un travail très approfondi sur la question, notamment parce que le groupe a pris la peine de consulter des personnes de tous horizons culturels et religieux; ce travail nous a apporté des réflexions très éclairantes.

Effectivement, à nos yeux, développer une culture religieuse et humaniste dans le cadre de l'enseignement public est la condition qui permettra de préserver à la fois la paix confessionnelle à Genève, la laïcité de l'école genevoise et la liberté de culte.

Mesdames et Messieurs les députés - les rapports l'ont montré, les enseignants le constatent également au quotidien dans nos écoles, et il faut le dire clairement - nous constatons aujourd'hui que les jeunes ont des lacunes inquiétantes sur le plan des fondements et des valeurs de notre propre culture judéo-chrétienne. Ne serait-ce qu'au niveau de ces connaissances, la question est pertinente.

En outre - cela est vrai, et nous l'avons déjà dit - Genève est multiculturelle, et la nécessité de mieux connaître les bases des autres cultures et des autres religions est également essentiel. Pour nous, apprendre à mieux comprendre le fonctionnement des autres cultures, apprendre à accepter la différence, permet effectivement - comme l'a dit M. Thion - de casser les préjugés et de contribuer à rendre la vie entre nos différentes communautés à Genève plus harmonieuse.

A notre avis, l'introduction de cette culture religieuse et humaniste à l'école n'implique absolument pas des cours spécifiques, mais simplement d'apporter certains éclairages dans des cours existants. C'est là la condition indispensable pour préserver les valeurs humanistes qui sont les nôtres. Si nous ne le faisons pas, l'émergence du communautarisme dans nos murs et les dérives sectaires que nous pouvons déjà constater et dénoncer aujourd'hui risquent fort de se développer.

Nous invitons donc le département non seulement à poursuivre la réflexion, mais à aller encore plus loin dans l'introduction de cette nouvelle culture religieuse et humaniste. Je crois d'ailleurs que la commission CO1, qui vient de rendre son rapport, va dans la même direction. Un certain nombre de pratiques vont déjà dans ce sens dans nos écoles, mais il est maintenant nécessaire d'accentuer ce mouvement.

M. Gilbert Catelain (UDC). Les commissaires UDC qui ont eu le privilège d'assister à l'ensemble des débats découlant de cette motion ont effectivement appris beaucoup de choses. Ils ont été très préoccupés par les objectifs et les enjeux de cette motion. Il n'est en effet pas facile, dans un canton laïc, de vouloir réintroduire ce type d'enseignement à l'école, surtout dans une société qui commence à se caractériser par une augmentation du communautarisme.

Nous considérons qu'il est très difficile pour les enseignants de se montrer objectifs et d'atteindre le premier objectif défini par le Conseil d'Etat, à savoir: «... prendre toutes les mesures qui encourageront les enseignants à traiter du fait religieux dans leur classe dans le respect de la laïcité de l'école;». Cet objectif est très ambitieux... En ce qui me concerne, je pense qu'il est difficile à atteindre, parce que certains professeurs ne seront pas forcément d'accord de le faire si cela ne correspond pas à leurs valeurs et, aussi, parce que d'autres auront de toute manière un parti pris ou un minimum de subjectivité par rapport à ces questions.

Par contre, si nous voulons que nos élèves, notamment à l'école secondaire, comprennent les textes qu'ils lisent, que ce soit en littérature ou en histoire de l'art - par exemple en regardant un tableau du XVIIIe siècle - nous reconnaissons qu'il est indispensable de connaître la culture chrétienne, et respectivement musulmane s'il s'agit de toiles ou de textes d'auteurs musulmans. Il est impossible de concevoir compréhension et culture dans nos écoles sans enseignement du fait religieux. C'est un fait que nous admettons. Cependant, nous estimons qu'il serait préférable que les différentes églises puissent elles-mêmes parler du fait religieux, dans les écoles ou dans un autre cadre. Mais elles n'en ont pas les moyens...

A ce niveau, nous sommes confrontés au dilemme suivant: doit-on confier l'enseignement du fait religieux à des enseignants pour lesquels il faudra investir énormément en coûts de formation, alors qu'ils doivent déjà suivre de nombreuses formations dans d'autres domaines ? Sachant qu'un autre problème risque de se manifester dans les classes, à savoir que certains parents refuseront que leur progéniture reçoive ce type d'enseignement. Selon les travaux d'un grand professeur en religions de l'université de Fribourg, il est actuellement très difficile de trouver un dénominateur commun qui permette de vivre dans le respect des religions. Par exemple, il n'y en a pas entre la religion musulmane et les autres religions, cela a été démontré. Des travaux sont en cours dans cette université pour essayer de trouver un point commun sur lequel la société pourrait s'articuler pour mieux vivre ensemble, en tout cas pour diminuer le communautarisme.

Les enjeux de cette motion sont donc ambitieux et nous avons quand même des doutes quant à sa réussite. Nous soutenons néanmoins les efforts du Conseil d'Etat en ce domaine. Nous relevons que la brochure «Panorama des religions» élaborée par la plate-forme interreligieuse est un bon outil. Nous pensons que le but n'est pas non plus de transformer notre progéniture en spécialistes de l'histoire des religions ou du droit des religions... Que cet enseignement soit dispensé de l'école primaire à l'école secondaire, c'est une chose, mais il doit s'en tenir à des thèmes simples, qui permettront à nos enfants de comprendre le monde qui les entoure, de connaître des cultures différentes et, donc, de vivre mieux dans ce monde !

Les commissaires UDC étant partagés sur cette question, les députés du groupe l'étant également, chaque député du groupe sera libre de voter comme il l'entend. Cela explique l'abstention des commissaires sur le rapport du Conseil d'Etat concernant la motion 1079.

Le président. Merci, Monsieur le député. Sont encore inscrits: M. Follonier, Mme Emery-Torracinta, les deux rapporteurs et le conseiller d'Etat. La liste est close.

M. Jacques Follonier (R). Merci, Monsieur le président. Il y a une décennie, le sujet du fait religieux prenait une ampleur importante à Genève. Et il est vrai que la motion 1079 n'a fait qu'ajouter des braises à ce sujet brûlant... Le Conseil d'Etat, me semble-t-il, devait prendre des décisions par rapport à un tel sujet, et mettre sur pied une collaboration entre différentes personnes pour trouver une solution paraissait en effet la meilleure voie.

Le rapport du Conseil d'Etat sur cette motion arrive effectivement relativement tardivement. Mais la difficulté du sujet explique ce délai. Aujourd'hui, ce rapport donne un éclairage important non seulement à travers le livre extrêmement bien fait que nous avons eu l'occasion de consulter - je veux parler du «Panorama des religions» - mais aussi par la voie choisie par le Conseil d'Etat à propos de la formation des enseignants, de la mise en place de séminaires, du suivi de certains modules qui remportent, on l'a vu, un franc succès.

Nous avons pu constater que le fait religieux peut très vite engendrer des dérives: il y a les personnes qui souhaitent que son enseignement soit extrêmement poussé et celles qui ne veulent pas en entendre parler... La voie choisie par le Conseil d'Etat, et l'on peut l'en féliciter, est une voie transitoire, médiane. Il ne s'agit pas d'introduire des cours de fait religieux, mais l'enseignement du fait religieux à l'intérieur d'autres cours, pour éviter certaines dérives. Je pense que cette voie sera la bonne. Elle permettra d'éviter des dérives. Et surtout, elle permettra à l'école genevoise de rester telle que nous la connaissons: une école laïque, gratuite et obligatoire.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je ne pensais pas, a priori, intervenir sur cette question, mais je voudrais tout de même préciser certaines choses sur ce qui se fait ou sur ce qui ne se fait pas dans les classes.

Nous n'avons pas attendu, en tant qu'enseignants, les motions ou les rapports du Conseil d'Etat pour parler du fait religieux en classe ! J'enseigne l'histoire depuis à peu près vingt-huit ans et, à chaque fois que j'en ai la possibilité, j'introduis certains éléments liés au fait religieux dans le cadre de mes cours. Et cela, très régulièrement. Il n'est, par exemple, pas possible d'aborder le conflit israélo-palestinien ou l'islamisme aujourd'hui sans aborder un certain nombre de sujets de manière sereine. Cela ne se fait pas sous l'aspect théologique, mais sous l'aspect sociologique: l'enseignant explique un certain nombre de données aux élèves et essaie de clarifier les choses.

Je dois vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il est urgent, parce que les classes sont parfois multiculturelles et les élèves souvent mal informés, de remettre - si j'ose dire - l'église au milieu du village, c'est très important.

Je terminerai en citant un petit épisode qui s'est passé mardi dans une classe. Deux élèves ont failli s'en prendre aux mains à la récréation. L'une, d'origine palestinienne et iranienne, s'en est prise aux déclarations du pape par rapport à l'Islam; l'autre, de nationalité portugaise, lui reprochait de porter des accusations contre le pape. Du coup, comme j'avais une relative liberté par rapport au programme de ces classes, je leur ai promis un certain nombre de cours prochainement sur les sujets qui leur tenaient à coeur, de façon à clarifier les choses.

M. Henry Rappaz (MCG), rapporteur de minorité. Ces derniers temps, il n'a jamais été autant question de religion ou d'appartenance ethnique, dans la presse, dans les médias ! C'est un véritable matraquage médiatique, mené dans on ne sait quel obscur intérêt, que l'on nous inflige en permanence !

Nous le savons, chaque siècle enfante ses vieux fantômes, faits de peur, de fanatisme ou de terreur. Et bien souvent, la religion n'est pas exempte de reproches, la preuve: les récentes malheureuses paroles du pape ou le crime odieux sur un innocent écolier de confession catholique commis par un groupe de jeunes protestants irlandais confortent mes craintes et celles exprimées par le MCG quant à l'introduction des cours sur l'histoire des religions dans nos écoles.

Il faut également vous signaler qu'il y a déjà des cantons en Suisse où l'on cède à cette mode en réservant les piscines publiques une fois par semaine aux femmes musulmanes. Ce n'est qu'un premier pas innocent avant un changement sérieux.

Il faut être conscient que cette proposition de cours survient dans un siècle, au moment précis où le développement de la pensée critique et politique atteint une sorte de palier d'intolérance et de haine. Dès lors, cette introduction de cours de religion dans nos écoles n'est pas un choix politique judicieux dans un tel contexte et, il faut le répéter, particulièrement difficile à adapter aux mentalités d'une population métissée et d'une jeunesse pour qui les jeux vidéo et le culte du téléphone portable - avec ces conversations divines par le biais des SMS... - ont depuis longtemps remplacé Dieu dans leur esprit.

Il faut souligner que le vrai débat ne cherche plus à affirmer une laïcité à tout prix - laïcité qui s'apparente bien souvent à une nouvelle théologie sans dieu, au nom d'un libéralisme à tout-va de notre société - mais, plutôt, à juguler des emprises de toutes sortes qui finiront par avoir raison de notre démocratie. (Brouhaha.)

Aussi, la proposition du DIP, d'introduire des cours intitulés pudiquement «Introduction de cours de connaissances générales», apparaît clairement comme une sérieuse erreur. En effet, si ces cours sont imposés, ils ne pourront aucunement répondre à l'attente de l'ensemble des élèves ni éveiller une grande passion, notamment à cause du manque de formation des enseignants dans ce domaine. S'il existe des évidences morales, communes à... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur: nous avons tous lu votre rapport ! (Exclamations.)

M. Henry Rappaz. Oui, mais j'aimerais quand même le porter à l'extérieur !

Le président. Non, non, le monde extérieur peut le lire aussi ! Il n'est pas d'usage de lire son rapport ! Vous pouvez le compléter...

M. Henry Rappaz. Je l'ai modifié !

Le président. Non, jusqu'ici c'est du mot à mot ! Nous l'avons tous lu ! J'aimerais que vous concluiez ou que vous nous disiez ce que vous avez à ajouter à votre rapport. Merci beaucoup !

M. Henry Rappaz. En résumé, le MCG vous propose, Mesdames et Messieurs les députés - puisque je ne peux pas continuer - de refuser le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1079.

Le président. Monsieur le rapporteur, merci de ce résumé succinct. Puis-je vous demander une clarification ? L'article 174 de notre règlement prévoit que le Grand Conseil peut prendre acte d'un rapport, ou il peut le renvoyer en commission, ou au Conseil d'Etat. Le refus n'est pas prévu... Pouvez-vous choisir entre le renvoi en commission et le renvoi au Conseil d'Etat ?

M. Henry Rappaz (hors micro). Vous n'avez pas voulu entrer en matière sur ma proposition de la rejeter... (Exclamations.)

Le président. Votre proposition n'étant pas conforme à la loi, je ne pouvais pas la faire voter ! C'est pourquoi je vous ai proposé de compléter votre rapport et de faire une autre proposition... Si vous ne le voulez pas, je ne peux pas vous y contraindre ! La parole est au rapporteur de majorité.

M. François Thion (S), rapporteur de majorité. Je rappelle à M. Rappaz que le Conseil d'Etat ne juge pas opportun d'introduire des cours spécifiques sur l'histoire des religions... Il ne s'agit pas de cela du tout !

Deuxième chose - et Mme Emery-Torracinta a tout à fait raison - depuis toujours, dans les cours d'histoire ou de géographie, les professeurs sont appelés à donner un certain nombre d'explications sur les différentes religions de la planète. Cela n'a rien de nouveau !

Par ailleurs, Monsieur Catelain, je comprends votre inquiétude par rapport aux enseignants, pas toujours à l'aise sur le fait religieux, qui seraient amenés à devoir donner des explications ou répondre aux questions des élèves. Nous avons rencontré les mêmes problèmes pour l'introduction des cours d'éducation citoyenne. Certains enseignants disaient ne pas pouvoir donner ce type de cours, qu'ils ne connaissaient pas la politique, etc.

La solution réside dans la proposition soumise par le département, et il a commencé à le faire, c'est d'offrir des formations continues à ceux qui le veulent. Cette année, deux formations continues sont proposées au niveau de l'enseignement secondaire, l'une sur les religions et les Etats laïcs, l'autre sur le fait religieux. Eh bien, les inscriptions sont déjà très nombreuses ! Cela répond à un besoin - M. Gillet l'a évoqué - de bien s'informer sur le fait religieux.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le rapporteur de minorité, je ne voulais pas vous brusquer... Je venais à votre secours en vous proposant les solutions légales, plutôt que celle que vous aviez choisie qui était légèrement périphérique. On me dit que vous proposez le renvoi au Conseil d'Etat... C'est bien cela ?

M. Henry Rappaz (MCG), rapporteur de minorité. C'est exactement cela !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité ! Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. J'aimerais d'abord remercier la commission et le rapporteur de majorité pour son travail, complémentaire au rapport du Conseil d'Etat. Et j'insiste beaucoup sur la difficulté de la tâche qui consiste à transmettre le fait religieux, branche d'enseignement par branche d'enseignement, discipline par discipline, en garantissant une certaine homogénéité de la culture pour l'ensemble des élèves qui passent par le système scolaire genevois. De cela, dépendent beaucoup de choses... Monsieur le rapporteur de minorité, j'aimerais attirer votre attention sur ce point: si nous voulons une société laïque, une société de l'intégration, c'est-à-dire une société où l'on peut partager un certain nombre d'avis, y compris dans le cadre de la démocratie, il faut un minimum de connaissances communes sur les clés de fonctionnement de nos civilisations et de notre monde actuel !

L'article 4 de la loi sur l'instruction publique garantit à chaque élève de pouvoir faire preuve d'un certain esprit critique, notamment en fonction de l'ensemble des connaissances, y compris celles qui lui sont transmises. Cela permet de relativiser. Non pas de ne pas croire pour celles et ceux qui croient, et non pas de croire pour celles et ceux qui ne croient pas. Cela donne, rapporté au champ de la connaissance, la capacité de discuter de ce qui est religieux avec ce qui est le fondement même de l'école, à savoir ce qui est scientifique, ce qui est littéraire et ce qui fait partie des connaissances. Voilà l'enjeu de la concrétisation de cette motion.

Je me permets de faire de la publicité pour un ouvrage écrit par Régis Debray, intitulé justement «L'enseignement du fait religieux dans l'école laïque». Il s'agit d'un rapport démontrant au président de la République française l'intérêt de transmettre à l'ensemble des élèves la connaissance des faits et non pas l'histoire des religions.

Je mets cependant un bémol à toutes ces discussions... Si nous voulons véritablement garantir la possibilité de mettre en discussion le fait religieux dans l'ensemble des disciplines, il convient probablement d'en donner les outils. Et c'est l'une des questions que j'ai posées à la CO1, à travers l'introduction de cours de philosophie dans le cadre de l'école obligatoire. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, au terme de ce débat important je vous soumets la proposition de M. le rapporteur de minorité, à savoir le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi du rapport de commission M 1079-B au Conseil d'Etat est rejeté par 59 non contre 7 oui.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission M 1079-B.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nos travaux reprendront à 20h30, sous la présidence de Mme Mahrer.

La séance est levée à 18h50.