Séance du
vendredi 16 décembre 2005 à
14h
56e
législature -
1re
année -
3e
session -
13e
séance
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.
Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, Robert Cramer, David Hiler et François Longchamp, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Caroline Bartl, Jean-Claude Egger, Christian Luscher, Pierre Schifferli et René Stalder, députés.
Communications de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je dois des excuses à chacun d'entre vous et au groupe MCG en particulier... Je me suis trompé sur notre règlement tout à l'heure: il faut dix voix et non pas vingt pour qu'il soit procédé à un vote par appel nominal. Fort heureusement, le service du Grand Conseil, lui, est infaillible: le vote a donc été nominal et enregistré ! (Exclamations et applaudissements.)
Autre communication: les effets larsen sont dus, paraît-il, à la relation qui s'instaure entre les micros et les haut-parleurs qui se trouvent au-dessus d'eux... C'est une sorte de verticalité qui permet aux députés de communiquer directement avec le Ciel... (Rires.) J'invite, par conséquent, ceux d'entre vous qui sont plus directement affectés par ce phénomène de verticalité de veiller à assurer l'oblicité de leur micro et non pas à les redresser... Il y a des rigidités qui ne sont pas souhaitables ! (Rires et exclamations.)
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour avec les trois rapports de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Premier débat
M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Nous allons en effet traiter trois projets de lois cet après-midi... Tout d'abord, le projet de loi 9470-A, concernant un projet sur la commune de Versoix, puis le projet de loi 9642-A, concernant un projet au Petit-Saconnex, et, finalement, le projet de loi 9749-A concernant la vente d'une villa à Cologny.
Pour ce qui est du projet de loi 9470-A, il s'agit de la vente de quatre lots en PPE, sis dans un immeuble sur la commune de Versoix, à la rue Théodore Vernes, n° 15 à 17. L'immeuble est situé en zone 4 A. Il est en mauvais état, car il n'a pas été entretenu et subit de faibles nuisances sonores en raison de son éloignement par rapport aux voies CFF et à l'axe du trafic aérien.
La commission s'est réunie - en tout cas, nos prédécesseurs - le 25 août 2004 et a fixé le prix de vente à 644 000 F.
Lors de sa séance du 7 décembre 2005, notre commission a appris que cet objet avait été mis en vente par la Fondation pendant onze mois sur le site sans trouver preneur... Mais la Fondation a récemment reçu une offre pour un prix légèrement inférieur au prix demandé, soit 640 000 F - prix qui est repris dans le projet de loi.
Le résultat du vote de la commission a été le suivant: six voix pour, une contre et une abstention. Tous les commissaires ont donc accepté le prix proposé par la Fondation de valorisation. Un seul commissaire s'est étonné du fait qu'une seule offre soit parvenue à la Fondation pour cet objet, ce qui explique le rapport de minorité.
Une grande discussion s'en est suivie, lors des travaux de commission, pour comprendre un tant soit peu les mécanismes de mise en vente des objets. Nous avons été reçus le 30 novembre par la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe dans ses locaux, et nous avons pu apprécier son mode de fonctionnement.
Suite à ces explications, la commission a accepté que cet objet soit vendu à un prix légèrement inférieur au prix fixé au départ de 644 000 F, soit à 640 000 F et sur la base d'une seule offre.
Voilà, Monsieur le président. Suivant les conclusions du rapport de majorité, nous vous recommandons d'accepter la vente de cet objet.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. La Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, plus communément nommée «Fondation des casseroles» ou, encore, la «caisse aux pigeons» nous dit n'avoir reçu qu'une seule offre pour ce projet de loi.
Nous savons combien les bévues de notre Banque cantonale de Genève coûtent cher aux contribuables genevois, puisqu'il faudra trois générations pour résorber les dettes. Cela signifie que les enfants de vos enfants payeront encore le trou abyssal de 2001 de la BCGe, trou qui avoisinera 3 milliards de francs.
Mais, rassurez-vous, ces pertes ne l'ont été que pour les contribuables et pas pour les golden boys et autres promoteurs, qui, aujourd'hui, roulent en Ferrari et autres voitures de luxe... (Brouhaha.) ...en parfaite impunité, puisqu'ils ne sont pas même poursuivis par la, justice ni pénale ni civile !
Concernant le projet de loi 9740, l'on pourra s'étonner que la Fondation n'ait reçu qu'une seule offre. Il s'agit ici...
Le président. Nous traitons le projet de loi 9470, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Excusez-moi ! Il s'agit d'une erreur de frappe... Les chiffres ont été intervertis. Je reprends: l'on pourra s'étonner que la Fondation n'ait reçu qu'une seule offre. Il s'agit ici d'un pis-aller... Mais que se passe-t-il à la Fondation ? Une seule offre pour quatre appartements avec places de parc privatives...
A ce sujet, j'aimerais spécifier qu'effectivement les places ne sont pas louées aux locataires. Mais il faut vous imaginer un petit immeuble de trois étages au milieu d'une zone villas avec des places de parc pour les locataires. Donc, pour moi, ces places de parking sont directement liées à cet immeuble, et cela ressort de l'expertise. Vous ne pouvez pas le voir, puisque celle-ci ne comporte pas de photos.
Je continue: ...dans une zone de verdure ! Une évaluation a été faite par des experts, dont certains avaient déjà officié au temps de la BCGe et effectué des expertises de complaisance avec la complicité de la Banque et certains de ses directeurs qui se retrouvent aujourd'hui membres du Conseil et employés de la «Fondation des pigeons» !
J'attire votre attention, Mesdames et Messieurs les députés, sur le fait que l'on a repris une partie des mêmes personnes et que l'on recommence !
En ce qui nous concerne, nous ne pouvons effectivement pas cautionner de telles manières de faire !
Partant de ce principe, personne n'est intéressé à acquérir ces quatre appartements, à environ 2500 F le mètre carré, quand bien même, à Versoix et pour les pires objets, le prix se négocie entre 3300 F le mètre carré et 4500 F le mètre carré.
La raison majeure de ce rapport de minorité, c'est que nous ne pouvons pas accepter de céder des objets lorsqu'une seule offre est faite. Cela doit devenir une règle. La commission de contrôle doit pouvoir vous assurer qu'elle a pu effectuer son travail de contrôle et que tout a été fait pour obtenir le meilleur prix, ce que nous ne pouvons vous assurer à cette minute. Et je parle en mon nom et au nom du Mouvement citoyens genevois.
Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi, afin de permettre à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe de s'assurer que tout a été entrepris dans l'intérêt des contribuables, c'est-à-dire vous !
Mme Michèle Künzler (Ve). L'intervention du rapporteur de minorité «frise le code»... En premier lieu, il remet en question des personnes qui, jusqu'à maintenant, n'ont jamais démérité, en les mélangeant à des gens qui, eux, sont effectivement sous enquête pénale ! Par ailleurs, la Fondation de valorisation ne mérite pas d'être appelée «Fondation des casseroles» ou «caisse aux pigeons»... Même si nous bénéficions d'une certaine immunité parlementaire, il y a des limites à ne pas franchir ! Et vous les avez franchies allègrement !
Venons-en aux faits ! Voilà quatre appartements dans un immeuble vétuste à Versoix, dont le rendement à la vente est de 6% brut: c'est-à-dire qu'ils ne rapportent rien ! Il s'agit de cinq pièces à 1000 F... Ce n'est pas cher, mais ce sont des cinq pièces de 70 mètres carrés dans un immeuble vétuste; ce sont des logements vraiment bas de gamme ! Et les personnes qui les habitent n'ont pas voulu non plus les acheter, même si leur prix est extrêmement faible.
La LDTR nous oblige à les vendre en bloc... Mais qui s'intéresse à acheter quatre appartements disparates dans un immeuble ? Peu de personnes, visiblement ! Et s'il faut attendre d'avoir plusieurs acquéreurs potentiels pour vendre un objet, on ne les vendra jamais, car les objets de la Fondation de valorisation ne sont, par définition, pas du meilleur choix, sinon ils n'y seraient pas !
En l'occurrence, je vous invite à accepter cette vente, parce que, franchement, on ne peut pas tirer beaucoup plus de cet objet. Et puis, on ne peut pas le garder davantage, car, je vous le rappelle, il coûte plus de 50 000 F par année et nous avons déjà payé plus de 200 000 F d'intérêts ! Pour obtenir un taux de rendement supérieur, il faudrait pouvoir augmenter un peu les loyers - je vous défie de le faire ! - ce qui prendrait des années tant il est difficile d'augmenter les loyers rapidement. Alors, certes, on aurait déjà perdu plus que le différentiel de 200 000 F, qui serait la limite supérieure à laquelle nous pourrions vendre ces appartements, mais il me semble que la meilleure chose à faire, c'est de les vendre maintenant et à ce prix.
En tout cas, il ne faut pas prétendre que la Fondation fait mal son boulot. Les acquéreurs se battent pour obtenir d'autres objets, surtout ceux qui sont valables. Mais, en l'occurrence, personne n'a voulu de celui-ci. Alors, vendons-le à celui qui daigne offrir un prix décent ! (Applaudissements.)
Mme Fabienne Gautier (L). Comme vous venez de l'entendre, le rapporteur de minorité utilise des termes outranciers... A mon avis, tout ce qui est excessif est négligeable !
En tant que présidente de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, je tiens à ce que cette commission puisse continuer son travail dans la sérénité sans donner d'importance à des propos déplacés.
J'invite donc les députés à accepter le rapport de majorité et voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Le groupe UDC s'est abstenu sur ce sujet... Il pense, comme Mme Künzler et Mme Gauthier, que ces immeubles doivent être mis en vente sans délai, puisqu'il s'agit d'immeubles vétustes dont le rapport est vraiment minime.
Néanmoins, il y a un problème. En effet, l'article 39 de la LDTR empêche toute vente individuelle de chacun des immeubles. On peut se rendre compte aujourd'hui des effets très pervers de la LDTR, qui a été voulue par le parlement il y a une quinzaine d'années. En effet, s'ils pouvaient être vendus individuellement, ces immeubles pourraient être valorisés aujourd'hui et vendus avec une plus-value de 20 à 30% au minimum, mais la LDTR ne le permet pas.
Le temps me semble venu, aujourd'hui, d'examiner et de modifier certains points de la LDTR, notamment celui-ci, puisque la Fondation de valorisation, comme son nom l'indique, ne peut pas valoriser aussi bien qu'elle le souhaite ce genre d'immeubles, car elle en est empêchée par la LDTR.
L'UDC s'est abstenue essentiellement pour ce problème, et s'en rapporte effectivement à votre vote sur ce projet de loi.
M. Pierre Kunz (R). Je ne peux m'empêcher, Mesdames et Messieurs les députés, de revenir sur les propos de Mme Künzler... En substance et avec une certaine raison, elle est fâchée de ce que le représentant du MCG fait, en plénière, un usage manifestement démagogique - politique, disons, pour être plus gentil... - d'un cas qui aurait dû être traité exclusivement sur une base technique au sein de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Mais il faut quand même faire remarquer à Mme Künzler que c'est bien elle qui a commencé, en plénière, à faire un usage politique de cas, qui sortaient visiblement du cadre strictement technique sur la base duquel on aurait dû les traiter, qu'elle amène régulièrement devant ce Grand Conseil. Alors, ma foi, Madame, si vous considérez que ce n'est pas la bonne méthode, il ne fallait pas donner le bon exemple... Pardon: le mauvais exemple ! (Rires.)
Le président. On parle d'exemples... Qu'ils soient bons ou mauvais, on admettra que c'est une appréciation à la liberté de chacun !
M. Pierre Weiss (L). Je ne voulais pas intervenir sur le fond de ce dossier... Effectivement, les travaux de commission auraient dû arriver à trouver une solution à la fois intelligente et appropriée à l'immensité du problème qui nous occupe. Je voulais juste m'exprimer sur la forme pour regretter la dizaine de fautes d'orthographe qui parsèment le rapport de minorité... (Exclamations de mécontentement.)
Mme Michèle Künzler (Ve). Nous remercions le professeur Weiss de donner des cours à tout le monde... Le plus important en politique n'est certainement pas d'avoir une orthographe impeccable !
En l'occurrence, puisque M. Kunz a dit que je donnais le bon exemple, avant de se rétracter... (Rires.) ...je dirai que, en ce qui me concerne, je n'ai jamais remis en cause le fonctionnement de la Fondation de valorisation. J'ai toujours été d'accord avec le principe. J'interviens seulement sur des questions de politique du logement et d'acquisition !
J'aimerais revenir sur le point soulevé par l'UDC sur l'application de la LDTR... On peut le regretter, en tout cas de votre point de vue, mais les locataires ont eu la possibilité d'acquérir leur logement, même s'ils ne l'ont pas souhaité. Si on vendait cet immeuble «à la découpe» - comme cela se dit maintenant, à Paris - ces appartements seraient vendus à d'autres personnes, ce qui entraînerait des résiliations de baux et des drames humains sans fin. Cette loi est sage car elle empêche de vendre les appartements individuellement. Il n'est que de voir les drames humains qui se jouent en ce moment à Paris, comme c'était le cas il y a vingt ans à Genève: les habitants doivent alors quitter leur appartement, car les propriétaires les mettent à la porte du jour au lendemain, pour récupérer leur bien, ce qui n'est pas une bonne chose. Je le répète, cette loi est sage.
Peut-être perd-on un peu d'argent à Genève, mais pas tant que cela ! D'après mes calculs, c'est de l'ordre de 200 000 F. Ce n'est pas une bonne chose de toucher à la LDTR, et je pense que la précédente législature aurait dû vous assagir. Si vous attaquiez la LDTR, vous donneriez des raisons de se battre à ceux qui ne sont plus ici ! Ce n'est pas ce que je souhaite !
Le président. Merci. Sont encore inscrits, M. Reymond, M. Wasmer, M. le rapporteur de minorité, M. le rapporteur de majorité, et le Conseil d'Etat. La liste est close.
M. André Reymond (UDC). On a mentionné l'UDC dans le cadre de la LDTR... Je veux bien, mais on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac ! Il faut penser que des petits propriétaires d'appartements dits «à la découpe» - expression qui a été utilisée tout à l'heure - ne peuvent pas vendre leur appartement aux locataires à cause de la LDTR ! Je le répète, on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac, et dire que la LDTR est faite pour protéger les locataires ! Certains locataires aimeraient acheter leur appartement, mais ils ne le peuvent pas... (L'orateur est interpellé.) Non, ils ne le peuvent pas, et je peux vous donner des exemples !
Je m'adresse à vous, Monsieur le président, puisque je ne dois pas répondre aux députés d'en face qui m'interpellent ! Je voulais tout de même signaler à ce parlement que beaucoup de petits propriétaires sont pénalisés et empêchés de vendre à cause de la LDTR !
M. Olivier Wasmer (UDC). Contrairement à ce que vous a dit Mme Künzler, cette loi ne protège pas les locataires - M. Reymond l'a dit également... En effet et malheureusement, de très nombreux petits propriétaires qui voudraient aliéner leurs immeubles, parfois de petites maisons, en sont empêchés à cause de la LDTR.
La Fondation de valorisation des actifs de la BCGe a justement été créée pour renflouer les caisses de l'Etat, à la suite du fiasco de la BCGe que tout le monde connaît.
Etant donné ma récente arrivée dans votre parlement, je ne connais pas tous les chiffres, mais on peut estimer que ce genre d'immeubles ont été nombreux dans le cadre de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe. D'après les documents dont je suis en possession, il semble que l'Etat, par la voie de la Fondation de valorisation, a perdu pas loin de 2 milliards de francs, simplement parce que la LDTR a empêché de vendre «à la découpe», comme l'a dit Mme Künzler.
Nous allons déposer prochainement un projet de loi pour ce motif, parce qu'il est quand même de l'intérêt de l'Etat et des contributions publiques de récupérer cet argent, ce que l'on ne peut pas faire, malheureusement, à cause de l'article 39 de la LDTR.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. J'ai entendu que j'aurais tenu des propos outranciers et excessifs...
J'ai aussi entendu parler de fautes d'orthographe... Il faudra spécifier si cela s'adresse au rapporteur de la majorité ou à celui de la minorité... Peut-être y a-t-il des fautes d'orthographe, Monsieur Weiss, mais, en attendant, aucun député du MCG n'a cosigné les bilans de la BCGe plombant le contribuable de plusieurs milliards ! Alors, au lieu de faire des remarques à 2 F, vous feriez mieux de vous exprimer sur les choses sérieuses !
Cela étant, je pense qu'il est temps de poser les vraies questions... (M. Renaud Gautier pose une pièce de 2 F devant M. Stauffer. Rires.) Celles qui dérangent les nantis de la caste des intouchables, ceux-là mêmes qui s'offusquent du présent rapport de minorité, ceux qui crient au scandale ! (Brouhaha.) Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés - et je le dis pour la population qui nous regarde - ce sont ces mêmes personnes qui ont conduit la BCGe dans la situation où elle se trouve ! (Brouhaha.) Monsieur le président, il y a beaucoup de bruit dans cette salle !
Le président. Oui, Monsieur le rapporteur. Mais j'ai l'impression qu'une partie de ce que vous dites n'y est pas étranger... (Rires.)
M. Eric Stauffer. Certainement !
Le président. Cela dit, si vous vouliez bien ne pas relire votre rapport que nous avons tous lu et vous contenter de le compléter s'il y a lieu de le faire, les autres vous écouteraient avec un maximum d'attention !
M. Eric Stauffer. Je vais le faire, Monsieur le président ! Certes, cet objet situé à Versoix mérite quelques réfections, notamment sur la façade et en matière d'isolation. Néanmoins, il y a quatre appartements: deux de cinq pièces à 810 F par mois et deux de trois pièces. Nous n'avons aucun contrôle - et je réponds ainsi à Mme la présidente de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe - sur les offres qui auraient pu être faites, puisque, selon la Fondation, plusieurs offres ont été faites... Cela veut dire que la Fondation nous a induits en erreur, puisqu'elle a prétendu au début qu'elle n'avait reçu qu'une seule offre.
Le travail de la commission est justement de s'assurer que tout est fait pour obtenir le meilleur prix de vente, dans l'intérêt du contribuable. Et je le répète haut et fort: je ne puis vous assurer que ce soit le cas à la minute où je vous parle !
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, à chaque fois qu'une seule offre sera faite, je vous demanderai de renvoyer systématiquement les objets concernés à la commission pour que cette dernière puisse revenir devant vous en vous confirmant que tout a été fait pour en retirer le meilleur prix.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Je n'entends pas intervenir sur cet objet précis, mais j'aimerais exprimer un certain nombre de considérations sur le travail de la Fondation et les lieux des différents débats.
S'agissant de la possibilité pour un locataire d'acheter un appartement dans lequel il vit, il est parfaitement vrai que la LDTR peut l'en empêcher. Il est non moins vrai que la jurisprudence constante des tribunaux est généralement de considérer, d'un côté, l'intérêt général et, de l'autre, l'intérêt du locataire et du vendeur. Ainsi, généralement, quand on en arrive à ces extrémités, l'achat est possible. Il y a donc une grande marge entre la loi et la jurisprudence: il faut quand même le garder à l'esprit.
Si vous souhaitez changer quoi que ce soit à la loi, je vous rappellerai que le peuple a refusé cette modification. En ce qui me concerne, j'y étais favorable, mais pas le peuple. Il faudrait donc traiter cet objet dans d'autres commissions, par un dépôt de projet de loi, mais cela n'a pas grand chose à voir directement avec la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, parce que cela laisserait entendre que l'on n'applique pas le droit de la même façon selon qu'il s'agit de la Fondation de valorisation ou du reste du marché immobilier, ce qui serait fondamentalement malsain.
Deuxième chose: Monsieur Stauffer, on peut dire avec des mots différents ce que vous avez dit... On sait tous effectivement que, pendant les années 80 et à la fin des années 80 en particulier, des opérations qui n'étaient pas des modèles de gestion des risques ont été entreprises par un certain nombre d'établissements financiers de notre canton... Que certains avaient les reins assez solides pour les supporter, que d'autres ne les avaient pas, et qu'au moment où les éléments sont sortis, en 1999 et 2000, après une longue période où la comptabilité n'a pas permis aux uns et aux autres de prendre connaissance immédiatement de l'ampleur du désastre - toujours en mots choisis - eh bien nous avons créé la Fondation de valorisation, dont vous avez raison de dire que son but est de vendre les objets au meilleur prix possible.
C'est d'ailleurs pour cela que je me réjouis que vous puissiez traiter la problématique de ce qui devrait être acheté par des fondations ou par l'Etat de Genève pour le logement social, par le biais d'un projet de loi qui vous est d'ores et déjà soumis, puisque les travaux de la commission du logement sont achevés. Cela ne doit pas interférer systématiquement avec notre débat.
Je dirai simplement qu'il y a au moins une bonne nouvelle, dans ce tableau assez triste concernant la Banque cantonale de Genève: nous pourrons dissoudre, à la fin de cette année, un certain nombre de provisions, puisque la Fondation, profitant d'un marché particulièrement soutenu, a réalisé un taux de perte inférieur à ce qui était prévu. Autre bonne nouvelle: c'est que les frais de fonctionnement diminuent très régulièrement, de sorte que l'établissement - la Banque cantonale de Genève - selon la clé de répartition qui a été négociée, c'est-à-dire 20% de ce qui est distribué par la Banque aux actionnaires, seront, dès l'année prochaine, alloués au remboursement des frais de fonctionnement. Et le montant n'est pas tel qu'elle ne puisse pas y répondre ces prochaines années. Mais cela prendra un certain temps, parce que la première année était assez lourde.
Vous aurez une information complète à ce sujet à l'occasion des comptes 2005 tant sur les montants de la provision: 1) celle en capital; 2) sur le fonctionnement, et sur le taux de réalisation. L'inquiétude porte aujourd'hui plutôt sur l'évolution du marché immobilier, puisqu'il reste quand même à la Fondation passablement de choses à vendre.
A mon avis, la commission a tous les outils pour se déterminer avec exactitude sur le bien-fondé des propositions qui lui sont faites. Le Conseil d'Etat et, surtout, son administration sont là pour aider à une meilleure information le cas échéant.
Je vous mets toutefois en garde contre une chose. Nous n'avons aucune évidence concrète que la Fondation de valorisation ait mal fait son travail à ce jour. Et je ne crois pas que ce soit rendre service à la République de dire qu'elle ait mal fait sans mettre le doigt sur des points extrêmement précis.
Autre chose: je dois dire que j'ai le plus grand respect pour tous ceux qui, pendant les années 1980 - ils n'étaient pas nombreux - ont signalé le danger de la situation. Ceux qui ont dénoncé le scandale au milieu des années 1990 étaient un peu plus nombreux... Une partie d'entre eux ne sont plus là aujourd'hui, mais ils l'ont fait à bon escient. J'ai trouvé que beaucoup de gens avaient dénoncé le scandale au moment où cela n'était plus nécessaire, puisqu'en fait il était connu de tous...
Je pense donc qu'il faudrait que nous nous intéressions cette fois - en bons gestionnaires de risques que nous sommes évidemment tous - aux risques de demain, plutôt que d'avoir tous raison ensemble sur les risques du passé sur lesquels l'ensemble des systèmes de contrôle ont lamentablement échoué.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais vous dire à ce stade. Pour le reste, le parlement est parfaitement capable de prendre la décision la plus opportune sur cet objet particulier.
Mis aux voix, le projet de loi 9470 est adopté en premier débat par 58 oui contre 7 non et 8 abstentions.
La loi 9470 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9470 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 8 non et 8 abstentions.
Premier débat
Le président. M. Amsler reste à sa place, s'il le veut bien, et Mme le rapporteur Künzler est priée de bien vouloir remplacer, pour le rapport de minorité, M. Stauffer qui regagne sa place.
M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Le projet de loi 9642-A, comme je l'ai dit tout à l'heure, concerne la vente d'un immeuble sis 8, rue Gallatin, dans le quartier de Saint-Jean. Il est situé en zone 3; il a été construit en 1921 et rénové en 1960. Il est composé de quatorze appartements, de deux locaux dans les combles, et le prix moyen à la pièce se monte à 4106 F, comme cela est indiqué dans le projet de loi. Certains droits à bâtir sont encore disponibles, puisqu'il est possible de créer éventuellement deux appartements supplémentaires dans les combles.
Cet immeuble souffre d'un manque d'entretien flagrant. Vous pourrez voir dans le rapport de majorité la liste de ce qui nécessiterait une intervention: la façade, les menuiseries, les stores, les volets, les vitrages, etc. Autre élément important: la chaudière qui date de 1986 ne répond plus aux normes et doit être assainie rapidement, avant le mois de mars 2006.
L'ensemble de ces travaux de réfection a été estimé à 900 000 F, que le futur acquéreur devra investir dans cet immeuble.
La commission s'est déjà réunie le 24 avril 2005 et a entériné le prix de vente à 3,3 millions. Après une procédure de mise en vente sur le site - procédure qui a été expliquée en long et en large par la Fondation aux nouveaux membres de la commission - six offres ont été formulées et une mise aux enchères privées devant notaire a été organisée. Le meilleur prix obtenu a été de 3,65 millions, soit un gain de 234 000 F par rapport à la créance reprise par la Fondation. Et il faut quand même souligner que c'est l'un des rares objets à être vendu par la Fondation avec un bénéfice.
Le résultat du vote figure également dans le projet de majorité: cinq voix pour, deux contre.
Cet objet a généré la même discussion que lors de la dernière séance de commission par rapport à une proposition des Verts et des socialistes suggérant que l'Etat envisage de racheter cet objet. La commission n'est pas entrée en matière. Elle pense qu'il faut absolument que la Fondation vende rapidement cet objet au prix proposé et profite ainsi de ce prix élevé, supérieur à la créance reprise par la Fondation. La commission pense que la discussion concernant le logement pérenne ne doit pas interférer dans la réalisation des actifs de la Fondation. Et c'est pour cela que la majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Avec une certaine constance, je continuerai à dire qu'il faut au contraire réfléchir de manière moins sectorielle - je n'ai pas parlé de mélanger la politique du logement et la politique de la Fondation de valorisation - parce que c'est exactement ce que nous sommes en train de faire. Nous ne sommes pas les commissaires d'une seule commission: en tant que députés, nous devons avoir une vision globale des problèmes ! Il est tout simplement absurde, d'un côté, de vendre des objets au mieux, et, de l'autre côté, de subventionner lourdement des systèmes HLM qui coûtent en fait plus cher à la collectivité ! Il faut mener une réflexion et une politique du logement social différente. Il faut aller vers le logement social pérenne !
Nous avons pu lire que le nouveau Conseil d'Etat veut aller dans ce sens et c'est pour cela que je continuerai jusqu'à ce que ce problème soit véritablement résolu. Le rapport a été accepté à la commission du logement et figure au point 59 de notre ordre du jour. Il est très important que ces immeubles, qui sont situés au centre-ville, qui sont non connotés socialement, qui sont des immeubles habituels et de bonne facture, soient versés au logement pérenne, parce que c'est la meilleure utilisation que l'on peut en faire.
En l'occurrence et contrairement à l'objet précédent, les gens se battent pour l'avoir, car c'est un objet extrêmement intéressant. Alors, comment se fait-il que l'Etat, lui, le trouve inintéressant ? Contrairement à ce que prétend le rapporteur de majorité, il n'est pas urgent de le vendre, d'autant qu'il est l'un des seuls à rapporter un rendement net de plus de 5% à la Fondation. Il y a donc de la marge, et il n'est pas du tout urgent de vendre cet objet ! Nous préférerions qu'il soit versé au logement social pérenne: il faut y réfléchir.
Je sais déjà qu'un droit de préemption va être demandé sur un des logements que nous avons vendus la dernière fois. Cette politique péjore la situation de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe et de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe. En effet, en passant par le droit de préemption, on donne un mauvais signal au marché. Cela peut décourager d'éventuels acheteurs d'acquérir des biens qui seraient menacés par un droit de préemption. Il faut réfléchir avant.
Pour ma part, je préférerais que l'on étudie une fois pour toutes l'ensemble de cette problématique. Il faudrait sortir les mille logements nécessaires à verser au logement pérenne, afin de régler cette situation de manière globale et en une fois, au lieu régler les problèmes les uns après les autres.
Je vous invite vraiment à refuser cette vente, pour étudier cette problématique globalement et sur le long terme. Nous pourrions examiner tranquillement la proposition de verser cet immeuble au logement social pérenne, puisqu'il n'est pas urgent de le vendre dans la mesure où il rapporte à la Fondation de valorisation.
M. Mario Cavaleri (PDC). Je dois, une fois de plus, contredire notre chère collègue, Mme Künzler, dans la mesure où - elle le sait - nous avons des débats au sein de la commission du logement par rapport à ce type de situation...
Nous avons déjà dit, et nous le redisons d'une manière tout à fait claire: il n'est pas question d'allouer à du logement pérenne qui serait contrôlé en permanence par l'Etat des logements qui doivent rester dans le secteur libre ! Malheureusement - voyez-vous, Madame Künzler - la demande n'est pas unique: elle est multiple ! Et aujourd'hui, ce genre de logements est aussi demandé par des personnes à la recherche d'appartements qui ne soient ni HBM, ni HLM, ni HM, ni contrôlés, mais du secteur libre !
Et le problème essentiel - et nous devons le régler, c'est vrai, et le groupe PDC est d'accord d'envisager une discussion au sein de notre plénum ultérieurement - consiste à décider de l'affection d'un certain nombre de logements pour les besoins les plus urgents à couvrir. Mais il n'en demeure pas moins qu'il existe d'autres demandes sur le marché et que des logements de ce type ne doivent pas systématiquement être mis sous le contrôle de l'Etat.
Par conséquent, le groupe PDC refusera de renoncer à la vente de cet immeuble, car il correspond à des demandes qui sont hors HBM et HLM. Il convient donc d'autoriser cette vente en fonction de ce qui nous est présenté par la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
M. Alberto Velasco (S). Contrairement à ce que prétend M. Cavaleri, le parc du logement social est passé de 17% à même pas 11%, à l'heure actuelle.
Par conséquent, Monsieur Cavaleri, ce n'est pas le parc des logements à loyer libre qui a augmenté, c'est le parc des logements sociaux qui a diminué ! C'est le premier constat que l'on peut faire.
Deuxième constat, par rapport au débat qui a eu lieu ce matin dans ce parlement: tous les groupes ont demandé que l'on fasse des économies. Eh bien, voilà un projet qui va concrètement nous faire faire des économies. Cela coûte beaucoup plus cher de construire de nouveaux logements sociaux que d'acheter des logements et de les introduire dans le parc du logement pérenne. C'est une réalité !
Je constate que dans ce parlement, on est d'accord sur une direction à prendre le matin, mais, le soir, tout est oublié, et on va en sens contraire ! Ce n'est pas possible ! Ce matin, nous étions tous d'accord pour dire qu'il était temps que ce parlement ait une vision d'ensemble pour tous les débats. On ne peut pas débattre des finances publiques, en étant tout gentils, tout copains, unis dans la volonté de réduire les dépenses, à coups de: «je te donne», «tu me donnes», etc., et le soir se cantonner à des positions conservatrices !
Je suis totalement d'accord avec le rapport de minorité. Effectivement, nous avons travaillé en commission du logement avec le projet de loi des Verts pour créer ce fonds. Le but est d'atteindre un jour un taux de 20% de parc de logement pérenne en Ville de Genève. Nous avons une occasion: il ne faut pas la louper !
Le rapporteur de majorité dit que cet objet, pour la première fois - mais il s'agit peut-être de la deuxième ou la troisième fois: je n'ai pas compté - nous rapporte quelque chose; c'est vrai. Mais seul le bilan final pourra nous dire s'il nous rapportera ou non. Dans le temps, on ne le sait pas. C'est vrai qu'il peut rapporter un peu d'argent pour l'instant, mais, quoi qu'il en soit, cela nous coûtera beaucoup plus cher de construire des logements sociaux.
En réalité, c'est ce que nous devons faire, Mesdames et Messieurs les députés. Je vous encourage donc à suivre le rapport de minorité dans l'intérêt de la République, sans vous en tenir à des arguments de logique ! (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Si nous voulons avoir une nouvelle philosophie du logement, c'est par ce genre d'acquisitions qu'il faudra passer !
Je suis d'accord avec M. Cavaleri sur le fait que la demande de logement est multiple, mais les logements sociaux et subventionnés ont diminué de manière extrêmement importante. Il y a vingt ans, il y avait quarante mille logements subventionnés. A l'heure actuelle, on en compte à peine dix ou douze mille. Et ils vont encore diminuer, puisque, d'une certaine manière, le système HLM est mort; tout le monde peut le constater.
Il faut se diriger vers un nouveau paradigme du logement. Et c'est en constituant un socle de logements pérennes que nous y arriverons. Financièrement parlant, comme l'a rappelé M. Velasco, il est bien plus économique de racheter des logements existants et de les transformer peu à peu en logements sociaux pérennes que de construire des ghettos à la périphérie de la ville. Cela coûte plus cher que de faire du logement social en ville et de manière non connotée socialement.
Donc, pour nous, le deal est clair: il faut trouver un accord au sujet des deux tiers/un tiers, trouver une autre alternative, mais, en contrepartie, nous devons constituer un socle de logements sociaux, ce qui passe forcément par l'acquisition d'immeubles existants, notamment au sein de la Fondation de valorisation.
M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Un leit-motiv revient dans tous les rapports de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, puisque le but primaire de cette fondation est: «...de vendre au plus offrant, afin qu'elle réduise ses dettes au maximum et le plus rapidement possible...». Mais j'ai ajouté un membre de phrase: «sans pour autant brader les objets»... On se trouve typiquement dans le cas de figure qui correspond au but de la Fondation. Je rappelle juste que cet immeuble qui date de 1921 nécessite des travaux importants. Un rapide calcul montre que les 900 000 F à investir avant le mois de mars correspondent à plus de quatre années d'état locatif.
Au vu de tous ces éléments, je crois qu'il est important de profiter de l'offre que la Fondation de valorisation a reçue et de lui permettre ainsi de continuer à réduire ses dettes.
Le président. Monsieur Cavaleri, vous voulez reprendre la parole ? Je signale que tout le monde a déjà dit deux fois la même chose ! Allez-y, Monsieur le rapporteur.
M. Mario Cavaleri (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les propos de Mme Künzler et de M. Velasco constituent finalement un leurre !
Que veut-on nous faire croire aujourd'hui ? Que l'on peut acheter quatorze logements pour créer quatorze logements sociaux ! Il faut tout de même savoir que ces logements sont aujourd'hui occupés et qu'il ne sera pas possible d'attribuer ces quatorze logements aujourd'hui, ou après la vente, ou après l'acquisition, à des personnes qui répondraient aux critères des HBM ! Par conséquent, il est erroné de prétendre que l'on pourrait acquérir ce bâtiment pour en faire des logements qui répondent aux critères des logements sociaux pérennes. C'est la première chose que je voulais dire.
Deuxième chose: j'insiste à nouveau sur le fait que ce bâtiment est déjà occupé - comme je viens de le dire - et, s'il avait été si intéressant, le Conseil d'Etat aurait proposé de l'acquérir ! Or, tel n'est pas le cas ! (L'orateur est interpellé.) Mais oui, Madame Künzler, nous en avons discuté en commission du logement ! Le Conseil d'Etat n'a fait aucune proposition d'acquisition ni pour ce bâtiment ni pour toute la liste des biens qui est connue à ce jour !
Quelle est la conséquence ou la conclusion que l'on peut tirer de cette affaire ? C'est que cela n'est pas intéressant et qu'il vaut mieux effectivement concentrer les efforts sur la construction de logements qui répondent à des critères de logement social pérenne, tel que vous le souhaitez.
Mis aux voix, le projet de loi 9642 est adopté en premier débat par 39 oui contre 27 non et 6 abstentions.
La loi 9642 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9642 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 40 oui contre 27 non et 5 abstentions.
Premier débat
Le président. Monsieur le rapporteur, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
M. David Amsler (L), rapporteur. Merci, Monsieur le président. En fait, je n'ai pas grand-chose à ajouter... Je voudrais juste donner une petite explication. Il s'agissait en effet d'une erreur de plume quant au prix indiqué dans la loi 9656 qui a été votée... Cette nouvelle loi 9749, votée à l'unanimité de la commission moins une abstention, remplacera donc la loi 9656.
Mis aux voix, le projet de loi 9749 est adopté en premier débat par 61 oui et 6 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2 (soulignés).
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Le conseiller d'Etat répond. Un haut-parleur émet un son grave. Rires.) Vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, que certains dossiers sont maudits, et celui-ci commence à en prendre sérieusement les stigmates !
Troisième débat
Le président. Le troisième débat a été demandé de justesse.
La loi 9749 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9749 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui et 7 abstentions.
Le président. J'espère que, cette fois-ci, ce dossier ne comporte pas d'erreur et que nous le reverrons plus ! Nous passons maintenant au point 27 de notre ordre du jour.
Débat
Mme Anne Mahrer (Ve). Cette proposition de motion devrait retenir l'attention du Conseil d'Etat, parce que les considérants sont absolument ce qu'il convient de mettre en route et de mettre en pratique pour arriver - comme il l'a déclaré dans son communiqué de presse du 30 novembre - à une réelle efficience dans les différents départements. Et il est vrai que, jusque-là, aucune véritable politique des ressources humaines n'a été mise en oeuvre au sein de l'Etat.
Pourtant, on parle de la réforme de l'Etat depuis 1996... Au cours des travaux de la commission de contrôle de gestion, nous avons eu l'occasion de lire de nombreux rapports et d'entendre les déclarations des différents conseillers d'Etat, mais, en fin de compte, rien n'a été réellement entrepris. Nous avons constaté, au sein de nombreux services, des dysfonctionnements qui, très souvent, posaient problème en raison d'une gestion des ressources humaines tout à fait inadéquate.
Nous encourageons donc le Conseil d'Etat non seulement à répondre très rapidement à cette proposition de motion, mais encore à mettre en oeuvre immédiatement une véritable politique des ressources humaines, en tenant compte des collaboratrices et des collaborateurs qui, évidemment, éprouvent quelques appréhensions suite aux changements intervenus dans les nouveaux départements. Ces appréhensions seront sans doute très vite évacuées... Encore faudra-t-il tenir compte des ressources humaines et donner aux responsables des services les moyens de mettre en place cette politique des ressources humaines, les soutenir tout en prenant en considération les compétences et les talents des collaboratrices et des collaborateurs de l'Etat.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). La motion s'intitule: «pour une véritable politique des Ressources humaines au sein de l'Etat». «Véritable» prend tout son sens, car, depuis un certain temps, on a de la peine à comprendre la stratégie de la gestion du personnel de l'Etat et, surtout, à savoir qui en est vraiment le pilote au niveau administratif.
En effet, dans une ère qui s'ouvre, pour un travail en transversalité entre les départements, il est indispensable de traiter les collaborateurs avec cohérence et dans une vision managériale contemporaine. A l'heure où l'Etat doit se restructurer et gérer ses priorités et, surtout, à l'heure des nouvelles technologies, les redéfinitions des missions, le rôle de chaque salarié, mais, surtout, le rôle de l'intelligence collective deviennent prépondérants. Intelligence collective où l'on construit ensemble, où les efforts se conjuguent et se multiplient.
C'est seulement dans cette vision ambitieuse que l'adhésion des salariés aux projets collectifs permettra une nouvelle réalité de l'Etat et une nouvelle image de la fonction publique. Mais pour réussir ce challenge, la politique des ressources humaines, peut-être soutenue par un nouveau statut, doit être valorisante, formatrice, conviviale, et, surtout, transparente. C'est aussi une stratégie reconnaissant la valeur de chacun qui permettra d'accompagner le changement important qui attend la maison Etat.
C'est seulement pour ces convictions que le groupe radical renverra cette motion au Conseil d'Etat, en espérant qu'elle sera traitée avec célérité.
Mme Véronique Pürro (S). Depuis plusieurs années, la commission de contrôle de gestion s'est préoccupée de la gestion du personnel au sein de l'Etat, et, comme nous avons eu l'occasion de le dire hier, nous avons pu observer que, dans ce domaine, il y avait beaucoup de choses à faire, avant de penser à modifier le statut de la fonction publique. C'est l'un des enjeux qui attend le nouveau Conseil d'Etat: développer une véritable politique de gestion du personnel.
Nous avons pu constater que l'office du personnel actuel n'est qu'une centrale des salaires, mais nous ne savons absolument pas qui sont les collaborateurs de l'Etat. On sait combien ils sont, combien ils nous coûtent, mais nous ne savons pas, je le répète, qui ils sont exactement. On nous parle de mobilité, de grands concepts très à la mode, mais, dans la réalité, à part la centrale d'achats, rien n'a été fait ! Certes, la volonté de développer le SIRH s'est manifestée - volonté un peu avortée, mais il semble que les choses soient maintenant prises en main. Certes, quelques départements ont fait le projet de développer leur propre politique des ressources humaines, mais force est de constater - nous l'avons vu à la commission de contrôle de gestion - qu'il n'y a aucune véritable politique de gestion du personnel actuellement au sein de l'Etat.
Alors, nous encourageons vivement - et c'est l'objet de cette motion - le nouveau gouvernement à inclure dans ses priorités le développement d'une véritable politique de gestion du personnel, car elle sera une des garanties du bon fonctionnement de l'Etat.
M. Francis Walpen (L). J'aimerais faire trois observations suite aux propos tenus par mes préopinantes et préopinants.
D'abord, je me permets de vous faire remarquer que cette proposition de motion a été signée à l'unanimité des membres de la nouvelle commission de contrôle de gestion.
Je me réjouis ensuite des propos du Conseil d'Etat qui nous a indiqué sa volonté de valoriser la culture du service public, d'avoir une gestion prévisionnelle. Mais, malheureusement, à l'aune de la réalité de nos travaux, cela donne autre chose...
Enfin, nous avons auditionné les responsables du SIRH et je vous livre simplement un florilège de leurs réponses: «GE-Pilote ne pourra pas se réaliser sans le SIRH.»; «Il n'est pas possible d'avoir une hypothèse d'échec avec le SIRH.»; «Sur la totalité du projet, le retard se monte à cinq ans.»... Interrogés par des membres de la commission à ce sujet, ils ont répondu: «Le SIRH n'est pas compatible à ce jour - à ce jour ! - avec la CFI ni avec les systèmes des HUG ou de l'Hospice, mais il est possible de développer des interfaces entre les systèmes.»
Partant de cette réalité, nous invitons évidemment le Conseil d'Etat - j'ai déjà eu personnellement l'occasion d'en parler au président Hiler, puisque je rapporterai en ce qui concerne le département des finances - à dresser dans les meilleurs délais un état des lieux de la situation actuelle.
Nous l'invitons ensuite à examiner attentivement le rôle et la responsabilité de l'office du personnel. Pour l'avoir pratiqué pendant vingt-cinq ans, je souhaite que l'on sorte de ce statut: une enclume sur laquelle plus on tape moins elle réagit... Et, enfin, nous souhaitons également que soit mise en place une véritable politique des cadres, car lorsque le poisson pourrit, c'est par la tête ! (Rires et exclamations.)
Nous nous réjouissons d'ores et déjà, Messieurs, de vous entendre dans un délai raisonnable: disons, d'ici fin juin ! (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Que puis-je vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, sinon que la motion est excellente, que les considérants sont parfaitement exacts et qu'en ce qui me concerne - je ne dis pas en ce qui concerne l'Etat de Genève... - elle vient à point ?
Je vais tout de même faire deux ou trois remarques. D'abord, au sein de l'office du personnel, certaines choses fonctionnent parfaitement... En effet, à ma connaissance et en règle générale, les feuilles de paye sont exactes ! (Rires.) C'est un début... C'est déjà un début ! A ma connaissance également, les personnes qui s'occupent de la formation, notamment des apprentis, sont des personnes extraordinairement motivées. La difficulté tient plutôt à faire partager cette motivation à l'ensemble de la galaxie Etat: c'est parfois un peu plus difficile...
Cette motion vient aussi à point parce qu'une autre personne - j'ai eu le plaisir de le rencontrer dans le couloir alors que nous ne savions ni l'un ni l'autre de qui il s'agissait - a été engagée pour diriger l'office du personnel. Je veux parler de M. Tavernier. Nous avons commencé nos fonctions le même jour ! Je suppose que M. Tavernier en est au même état de réflexion que vous... J'imagine qu'il estime que ces considérants sont excellents, que ce que vous proposez est raisonnable, et je pense qu'il doit être en train de s'y atteler et que, la chose n'étant pas tout à fait facile, des forces d'appoint sont d'ores et déjà prévues au niveau du secrétariat général.
C'est vrai, l'office du personnel agit aujourd'hui sans un concept général. Vous le savez, l'informatique représente parfois un bon moyen pour faire changer une administration... Nous avons essayé, mais le problème, c'est que, en l'occurrence, cela n'a pas marché - je crois qu'on peut le dire ! C'est la raison pour laquelle ce projet a cinq ans de retard !
Ce n'est évidemment pas dû à des problèmes informatiques, mais à la politique qui est menée en matière de ressources humaines: qui sont les personnes concernées et comment les choses sont organisées. Vous connaissez la situation de départ: il y a des RH absolument partout à l'Etat de Genève et il y a deux offices payeurs. Nous allons traiter ces questions séparément: le concept, les offices payeurs et la politique des RH - ce qui doit rester sous l'autorité du chef de chaque département et ce qui doit être rattaché directement à l'office du personnel. Ce sont des questions politiques que vous devrez trancher... Que nous devrons trancher - pardon ! - puisque c'est au Conseil d'Etat de trancher !
Et puis, il y a des questions de pur management, que vous avez relevées et qui figurent notamment dans vos considérants. Sur ce point, nous attendons effectivement un gros travail du nouveau directeur, puisque c'est pour cela, entre autres, qu'il a été engagé.
Pour ce qui est des délais, j'ai donné ces instructions pour que l'état des lieux soit fait dans les six mois. Après, nous devrons, comme d'habitude, prendre un certain nombre de mesures... Honnêtement, je ne crois pas que des mesures importantes seront prises dans les six prochains mois. Sur la base de cet état des lieux, le Conseil d'Etat discutera de ce sujet et il vous annoncera les éventuelles mesures qui pourraient être décidées. Et puis, des mesures suivront... Vous connaissez la loi: la réponse à une motion donne lieu à un rapport ou à des mesures. Dans le cas présent, il y aura un rapport et des mesures, et je remercie la commission de contrôle de gestion d'avoir pris en main ce dossier. Cela n'intéresse, vous pouvez vous en rendre compte, pas les médias... Pourtant, c'est très important, car il y a vraiment du travail à faire, à faire mieux et ensemble - espérons-le !
En tout cas, je crois que vous pouvez compter tant sur M. Tavernier que sur moi-même et l'ensemble du Conseil d'Etat, pour collaborer avec votre commission, avec les rapporteurs. En effet, si on parle d'efficience sans parler de politique des RH, je doute qu'on obtienne des résultats en la matière.
Mise aux voix, la motion 1658 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui (unanimité des votants).
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous voyez que votre état de grâce perdure, puisque cette motion vous est renvoyée à l'unanimité avec soixante-quatorze voix. Nous vous appellerons désormais: «David le Gracieux» ou «David le Gracié» (M. David Hiler interpelle le président.) Je dis que, l'état de grâce se poursuivant, nous vous appellerons désormais «David le Gracieux» ou «David le Gracié», comme il plaira ! (Rires.)
Mises aux voix, les conclusions de la commission fiscale (dépôt de la pétition 1471 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 57 oui et 6 abstentions.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 593.
Le président. Faute d'interpellant, les trois interpellations suivantes sont closes.
L'interpellation 2033 est close.
L'interpellation 2037 est close.
L'interpellation 2038 est close.
Premier débat
M. Antoine Droin (S), rapporteur de majorité. Suite à l'Ordonnance fédérale de 2002, la clinique dentaire doit renouveler son système de stérilisation pour lutter contre la maladie de Creutzfeldt-Jakob, avec un délai imparti au 1er janvier de cette année 2005.
Pour renouveler le système de stérilisation, il faut aussi - c'est important - adapter les locaux, parce que les appareils ne seront pas conformes à leur configuration actuelle.
Lors de l'étude du budget 2005, un crédit d'investissement de 750 000 F avait été inscrit... En effet, la commission des finances, après discussion et amendement, était arrivée à ce compromis.
Concernant la maladie elle-même, nous relevons qu'il n'y a eu que deux cas de cette maladie en Suisse et, donc, deux décès, l'un à Zurich, l'autre à Genève. Mais il faut aussi constater que de nombreux cas de ce type ont été recensés en Angleterre. Le risque existe donc bel et bien, et, pour le prévenir, il faut renouveler l'outillage dentaire, pour qu'il puisse être stérilisé conformément aux normes, puisque c'est la seule technique testée et reconnue pour pouvoir lutter efficacement contre cette maladie.
Une étude sur les amygdales faite en Suisse montre que 5 à 10% des personnes en bonne santé sont porteuses de prions. Et il est impossible de dire aujourd'hui si ces personnes porteuses de prions développeront un jour la maladie, car la période d'incubation est de dix à quinze ans.
La vraie question qui est soulevée au travers de ce projet de loi est celle du risque à courir, et c'est sur ce point que nous avons divergé en commission. Il faut savoir que ce sont les institutions médicales qui devront assurer le risque si, par hasard, un décès devait survenir, car 100% des cas sont mortels.
La minorité - les libéraux et les radicaux - estime que le risque de contamination est trop faible au regard de la somme à investir... Pour la majorité, la longue période d'incubation de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ne permet pas de présager les répercussions que pourrait engendrer le non-respect de l'Ordonnance fédérale sur la prévention de cette maladie.
Il s'agit donc bien de prévenir une maladie mortelle, et la majorité vous recommande d'accepter ce projet de loi. Nous vous en «prions», sans vouloir faire un jeu de mots de mauvais goût... Je vous invite à adopter le rapport de majorité.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de minorité. S'agissant du remplacement d'un accélérateur linéaire à haute énergie du Service d'oncologie des HUG, en décembre dernier, notre collègue M. Brunier affirmait, je cite: «Les experts ont dit que cet appareil est nécessaire... Il faut donc l'acheter !»...
Je vais essayer, à l'occasion du traitement du projet de loi 9488, de montrer à M. Brunier - à vous tous - qu'une telle confiance dans les experts est peu raisonnable...
Il convient en effet de le rappeler ici: quand le monde politique demande l'avis des experts, ceux-ci sont invités à faire travailler leurs méninges, leur intelligence... Mais le monde politique, sur la base de ces avis intelligents et des rapports, peut toujours décider de manière raisonnable !
D'ailleurs, le président du département de l'instruction publique, qui est concerné par ce projet de loi 9488, comme vous l'aurez tous constaté, est beaucoup plus prudent que M. Brunier, s'agissant des experts... Et, à mon avis, il a bien raison ! Il n'a pas hésité, en octobre dernier, constatant justement la faillibilité de ces experts, à retirer un projet de loi concernant un crédit d'investissement peu raisonnable demandé par l'Université.
Le directeur des HUG est, lui aussi, beaucoup plus méfiant... C'est ainsi qu'en septembre dernier, il indiquait dans une interview qu'il fallait utiliser plus intensivement les équipements que l'on achète... Par exemple, pour en revenir à un projet de loi qui nous a occupés et sur lequel nous n'étions pas d'accord - en tout cas, moi - en faisant des radios le soir ou la nuit... M. Gruson dixit !
Alors, venons-en à ce projet de loi 9488... Que demande-t-il ? Au prétexte d'une ordonnance fédérale, il nous demande de voter un investissement de 2,25 millions et d'accepter un accroissement des frais de fonctionnement de la section de médecine dentaire de 5 à 700 000 F par an - c'est une fourchette ! Et la justification de ces dépenses, selon les experts, réside dans, je cite: «...les mesures à prendre pour prévenir les risques de propagation de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, grâce à une amélioration importante des instruments et des techniques de stérilisation de la section de médecine dentaire.»...
Mesdames et Messieurs, quels sont les risques réels de transmission - je dis bien «réels» - de la maladie de Creutzfeldt-Jakob au sein de la section de médecine dentaire ? Le rapporteur de minorité qui, comme vous le savez depuis un instant, se méfie des experts en général et de ceux qui ont été auditionnés par la commission, s'est adressé à l'épidémiologiste cantonal.
Pour ceux qui n'auraient pas lu le rapport de minorité, je livre la réponse qui lui a été donnée. Je cite: «Il existe deux formes de maladie de Creutzfeldt-Jakob qui est une maladie neurologique dégénérative irrémédiable.
La version classique, dont on ne sait pas grand-chose, notamment pas comment les sujets la contractent. Les spécialistes pensent - écoutez bien ! - que des prédispositions génétiques pourraient expliquer le développement de la maladie dont la probabilité est de un cas par million d'habitants.
La deuxième forme - la plus intéressante - dite du prion, est celle récemment mise en évidence par l'épidémie de la vache folle. Les spécialistes n'ont pas, jusqu'à ce jour - écoutez bien aussi, Mesdames et Messieurs - dépisté en Suisse un seul cas de patient qui aurait contracté la maladie suite à l'épidémie susmentionnée. Il est probable, selon ces spécialistes, que l'on n'en découvrira jamais, d'une part parce qu'il n'existe aucun lien scientifique prouvé entre l'épidémie animale et la maladie et, d'autre part parce que l'épidémie est en très forte régression partout, même en Grande Bretagne.»
De surcroît, il faut relever que la très large majorité des patients - et c'est tout de même assez amusant, si je puis dire - ne se fait pas soigner à Genève à la section de médecine dentaire mais par des dentistes privés, qui, eux, ne sont pas tenus d'améliorer leur technique de stérilisation !
De ce que je viens de rappeler, il ressort clairement que la demande de crédit en question repose moins sur les risques de contagion de la maladie de Creutzfeldt-Jakob que sur l'ambition de certains de profiter d'un principe devenu aussi fumeux qu'il est fameux - je veux parler ici, bien entendu, du principe de précaution - pour améliorer la capacité générale ainsi que la qualité des méthodes de stérilisation de l'unité. Si l'ambition est louable, la minorité pense que la manière proposée dans ce projet pour la concrétiser n'est pas adéquate.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à refuser d'entrer en matière sur le projet de loi 9488 et à exiger du Conseil d'Etat qu'il réponde, dans un nouveau texte, aux questions de base suivantes:
1) Quelles sont les exigences techniques exactes formulées dans l'Ordonnance fédérale en question à l'égard de la SMD ?
2) Est-il possible de répondre précisément aux exigences de cette ordonnance au moyen d'un investissement moins lourd et à quel prix ?
3) L'amélioration qualitative importante des méthodes de stérilisation de la SMD, recherchée par le projet de loi 9488, constitue-t-elle une priorité et pourquoi ?
Merci de votre attention.
Mis aux voix, le projet de loi 9488 est rejeté en premier débat par 44 non contre 41 oui.
Débat
Le président. Le rapporteur était Mme Jeannine de Haller, qui n'est pas remplacée... La parole n'est pas demandée... La majorité de la commission... (Exclamations.) Ah ! Quelle avalanche d'inscriptions, d'un seul coup !
Madame la députée Ariane Wisard-Blum, vous avez la parole.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons aujourd'hui voter une motion traitée en commission de l'enseignement et de l'éducation en 2001. En conclusion de leurs travaux, les commissaires avaient hésité à retirer cette motion. Toutefois, il fut décidé de la maintenir pour pouvoir déposer un rapport, afin d'informer le parlement des travaux importants menés par la commission de l'enseignement.
En 2005, le rapport est déposé, et nous apprenons que la majorité des commissaires ont eu la sagesse d'abandonner tout projet qui stigmatiserait des enfants en créant des ghettos d'élèves surdoués ou, éventuellement, sous-doués. Ils ont compris toute l'importance de soutenir une école qui stimule et soutienne tous les enfants pour les amener au maximum de leur potentiel.
Il n'est pas question pour nous de nier les différences de rythmes d'apprentissage entre les enfants. Il s'agit, en effet, d'amener certains enfants à acquérir les connaissances essentielles de base et de permettre à d'autres de progresser plus vite et d'approfondir des notions.
La rénovation de l'enseignement primaire tient compte de ces différences de rythmes d'apprentissage en instaurant, entre autres, des cycles d'apprentissage de différenciation pédagogique et des mesures de soutien spécifique.
Pour que toutes ces mesures soient réellement efficaces, nous devons donner à l'école les moyens de les mettre en place. Je rappellerai ici que l'école primaire a perdu 25% de son financement en dix ans.
Alors, aux députés et députées qui veulent une école efficace, qui s'adapte mieux aux profils différents des élèves, soit ayant des facilités soit rencontrant des difficultés, les Verts disent: «Soutenez une école publique forte qui a les moyens de vos ambitions !».
Mme Virginie Keller Lopez (S). Le groupe socialiste reprendra bien volontiers à son compte l'intervention de Mme Wisard Blum. J'aimerais toutefois ajouter un ou deux éléments, ayant eu moi-même le plaisir de travailler avec des enfants en tant qu'enseignante et ayant eu affaire à plusieurs reprises à des enfants que l'on appelle communément «surdoués» et que, nous, dans le cadre professionnel, nous préférons appeler des enfants «à haut potentiel». Pour quelle raison ? Parce que les enfants dits «surdoués» ne représentent pas une catégorie d'enfants qui auraient tous les mêmes caractéristiques, que l'on pourrait «parquer» dans une classe, qui iraient au même rythme et travailleraient de la même manière.
Les enfants à haut potentiel que j'ai eus dans ma classe avaient, certes, des potentialités de mémoire, de raisonnement, en mathématiques, etc., mais ils rencontraient aussi, comme tous les enfants, des difficultés dans d'autres domaines. Ils n'étaient donc pas surdoués dans toutes les activités pratiquées à l'école et dans tous les domaines de l'existence. Ces enfants avaient des tas de choses à apprendre, que ce soit au niveau relationnel, artistique, corporel, rythme d'apprentissage, prise en considération des autres... (Brouhaha.) Il me semble justement qu'il est très important pour eux de rester dans un milieu hétérogène !
Il n'est bien sûr pas question de nier les différences entre les enfants. Les enseignants doivent apprendre à repérer ces enfants pour pouvoir répondre à leurs besoins spécifiques, comme ils doivent le faire pour d'autres enfants qui ont d'autres caractéristiques, qu'il s'agisse d'enfants en difficulté scolaire ou d'enfants défavorisés sur le plan social ou économique.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste rejoint tout à fait la décision de la commission quant au rapport, car ce sujet est important, et il ne faut pas le nier. (Brouhaha.)
Néanmoins, nous pensons que l'école publique primaire est aujourd'hui à même de répondre aux besoins de ces enfants et de leur famille. Et ce n'est pas en multipliant les structures et en créant des ghettos soi-disant homogènes d'enfants que nous résoudrons le problème ! Nous sommes convaincus que les enseignants sont formés à repérer ces enfants comme les autres et que ces enfants reçoivent une écoute et un traitement appropriés dans leur classe.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, le brouhaha a déjà atteint des niveaux qui me fatiguent... Ceux qui veulent me permettre de n'être pas trop fatigué voudront bien ou mettre une sourdine ou reprendre leurs discussions ailleurs que dans cette salle, pendant que les orateurs s'expriment !
M. Claude Marcet (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, si j'avais eu l'occasion de faire un rapport de minorité, je l'aurais fait ! Et d'autant plus après ce que je viens d'entendre ! Manifestement, Mesdames, vous ne comprenez pas ce qu'est le problème de la surdouance ! (Commentaire.) Vous ne le comprenez pas ! Moi, je le comprends parce que je rencontre un problème de ce type dans ma famille ! C'est un problème extrêmement grave, hautement spécifique, qui exige des moyens tout à fait particuliers si on veut le résoudre. Et ce n'est pas en renvoyant ce problème aux calendes grecques et en ne voulant pas l'aborder qu'on le résoudra !
Je lis dans le rapport de la motion, je cite: «Constatant que de nombreux enfants se trouvaient en difficulté à l'école du fait même de leurs capacités hors normes... - c'est vrai, c'est absolument vrai ! - ...cette association souhaitait que cette différence soit simplement prise en compte, afin que le développement de ces élèves ne soit pas entravé.» C'est tout à fait vrai, je le répète, mais cela n'est fait ni à l'école primaire ni au cycle ! Et ces enfants se trouvent dans une situation difficile et qui risque de leur nuire gravement.
Les députées qui se sont exprimées avant moi ne se rendent à l'évidence pas compte que la vision et l'approche d'un enfant surdoué sont totalement différentes de celles d'un enfant dit «normal» ! Il ne s'agit pas d'une question de surdouance, de QI à 150 ou autre ! Simplement, ces enfants appréhendent, approchent, saisissent, les problèmes d'une manière totalement différente de celle qui est actuellement enseignée à l'école. Je le dis clairement !
Il est également dit dans ce rapport qu'une des solutions est de faire sauter une ou deux classes à ces enfants... C'est faux, totalement faux ! Ce n'est pas en sautant deux classes qu'un enfant surdoué va surmonter les problèmes qu'il rencontre: c'est totalement faux !
Comme cela se fait en Israël, aux Etats-Unis, en France, comme en Angleterre et d'autres pays qui ont compris ce problème, il faut créer des classes spécialisées qui correspondent exactement à ce qui est nécessaire pour que ces enfants puissent avancer !
Je vois que faire sauter des classes à ces enfants peut induire des perturbations sociales... C'est vrai, absolument vrai ! Car ils se retrouvent avec des jeunes de un ou deux ans de plus, ils sont de fait marginalisés, mis de côté et se recroquevillent sur eux-mêmes, ce qui n'est évidemment pas bon pour eux.
Certains commissaires craignent que les classes spécialisées ne conduisent à un nouveau type de sélection... Mais, enfin, la sélection existe aussi dans la nature ! Et je ne vois pas pourquoi certains veulent toujours niveler par le bas, dès que quelqu'un sort du lot ! C'est le problème dans ce pays: chaque fois qu'une tête dépasse, il faut la rabaisser au niveau des autres !
Je vais vous dire une chose... Je fais partie d'une association, et, lors d'une réunion, la conseillère d'Etat précédente, interrogée sur le problème des surdoués, a répondu d'une manière que je qualifierai - pour ne pas être plus sévère - de «navrante» ! Je cite: «S'ils sont si surdoués, ils peuvent s'adapter à un niveau inférieur !»... Je le répète, cette réponse est tout à fait navrante ! Je n'en dis pas plus, car si je devais dire le fond de ma pensée, j'utiliserais des mots plus violents !
J'ai entendu qu'il fallait éviter de noter les enfants pour ne pas les stigmatiser ou les catégoriser... Nous avons déjà eu ce débat, et nous savons où il nous a menés: au ras des pâquerettes ! Il y a des jeunes de 15 ans qui ne savent même plus lire, ni écrire, ni compter ! Je peux en parler: il y a des jeunes qui sont arrivés à mes cours et qui auraient mieux fait de retourner à l'école pendant deux ou trois ans ! (Commentaires.)
Quelqu'un a prétendu que les difficultés que rencontraient ces enfants étaient prises en compte au sein même de l'école... C'est faux ! C'est totalement faux ! Ces enfants sont peut-être dépistés, mais ils doivent se fondre dans un moule pré-établi qui ne leur convient manifestement pas !
On se dit opposé à toute forme de ghettos... Tout le monde s'oppose aux ghettos, mais traiter les surdoués différemment ce n'est pas constituer des ghettos ! Les surdoués composent une partie de notre jeunesse, ils ont une approche différente des problèmes, et cette approche doit être traitée différemment !
On se déclare confiant dans le système de rénovation mis progressivement en place... Alors, là, je n'irai pas plus loin: permettez-moi d'en douter !
Pour conclure, je dirai qu'un pourcentage important de surdoués n'obtiennent pas de diplômes, sont en marge, alors même qu'ils ont des capacités évidentes pour réussir. Certains pays, comme les Etats-Unis, recherchent les surdoués et les poussent en avant. Je donnerai qu'un exemple: un jeune surdoué, qui vient de finir récemment l'EPUL, a été remarqué par un chasseur de têtes du MIT ! Ce n'est pas un institut suisse qui est venu le chercher... Vous croyez qu'il reviendra en Suisse ? Jamais !
Vous aimez la différence ! Alors, acceptez que ces jeunes soient différents ! Mais, peut-être ne vous intéressent-ils pas, parce qu'ils ont probablement quelque chose qui dérange ! Certes, les surdoués ont une approche différente des problèmes, mais vous devez les aider de façon spécifique en acceptant de créer des classes spécialisées, parce qu'ils représentent notre avenir, parce que, demain, ils seront aux commandes de notre pays et nous permettront d'aller de l'avant ! Les laisser à terre, parce qu'on ne leur donne pas l'opportunité de recevoir une instruction qui corresponde à leurs besoins est un réel gâchis, et nous devons remédier à cette situation !
Comme je l'ai déjà dit, dans notre pays, tout ce qui dépasse dérange ! Nous devons absolument mener une politique différente en la matière: nous devons offrir aux jeunes surdoués des infrastructures qui leur permettent d'avancer. Nous ne pouvons pas ne pas nous en préoccuper, car je peux vous dire que les familles qui se trouvent confrontées à cette situation rencontrent les pires difficultés ! (Applaudissements.)
Mme Janine Hagmann (L). En fait, c'est moi qui dois intervenir parce que tous les collègues de mon groupe ont estimé qu'ils étaient concernés par l'article 24 de notre règlement.
Le président. Cette leçon de modestie nous enchante, Madame la députée, mais vous êtes très injuste avec vous-même !
Mme Janine Hagmann. Merci, Monsieur le président ! Cette motion arrive enfin dans cette enceinte après quatre ans passés au fond d'un tiroir, ce qui est un peu regrettable...
Vous aurez pu constater que les commissaires de la commission de l'enseignement n'ont pas eu l'heur d'accepter cette motion. Mais que demandait-elle au juste ? Un, que la pratique du dépistage du quotient intellectuel soit courante et gratuite et, deux, de passer par des surdoués seulement pour aider les jeunes filles à mieux s'accepter... On m'expliquera comment on peut faire cette discrimination !
Aucun libéral n'a signé cette motion, jugée excessive, qui a été présentée par des collègues radicaux, PDC et socialistes... Mais est-ce à dire pour autant que le groupe libéral ne défend pas la surdouance ? Que les surdoués ne font pas partie de leurs préoccupations ? Que nenni ! Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez bien !
J'ai toujours défendu, dans cette enceinte, une rénovation intelligente de l'enseignement qui permette justement de mieux adapter l'école au rythme de l'enfant. Tout le monde le sait: le développement des enfants se déroule à un rythme propre à chacun d'eux. Aucun d'entre nous n'a marché au même âge ! Aucun d'entre nous n'a fait sa première dent au même âge ! Mais les différences s'estompent avec le temps. (Un commentaire déclenche des rires.)
La rénovation mise en place dans l'enseignement doit permettre de donner plus ou moins de temps, selon les enfants, pour leur permettre d'assimiler les connaissances définies dans les objectifs d'apprentissage. Cette différenciation, cette nouvelle approche pédagogique demande - c'est vrai - beaucoup d'efforts aux enseignants. Elle exige de leur part un travail de réflexion constant, qui n'est possible - à mon avis - qu'en équipe pédagogique. Bien appliquée, elle facilite l'intégration d'élèves soit doués soit en difficulté. Il faut se préoccuper de tous les enfants, qu'ils se situent en dessous ou en dessus de la norme.
Actuellement, lorsqu'un maître repère un enfant surdoué, celui-ci passe des tests psychologiques et peut sauter une année scolaire. Cela reste exceptionnel. Lorsque j'étais enseignante, j'ai souvent été surprise de voir l'écart qu'il y avait entre le jugement des parents, qui considéraient leur progéniture comme des petits génies, et le résultat des tests...
La motion indique que trois mille enfants auraient un QI supérieur à 132, soit 3 à 5% de surdoués. Ce qui veut dire - hélas ! - que, dans cette enceinte, seules trois à cinq personnes sont concernées, pas plus ! (Commentaires.) Tant mieux: c'est un signe de bonne santé du potentiel intellectuel des habitants de notre canton ! (Rires.)
Mais de là à imposer aux surdoués, comme le préconise mon préopinant, des classes spéciales, il y a un pas ! Mesdames et Messieurs les députés, réfléchissons: il n'est absolument pas possible de faire des ghettos !
Le quotient intellectuel, je vous le rappelle, permet de situer un enfant sur une courbe. C'est en fait une courbe Gauss: il s'agit d'une situation, d'une photographie par rapport à quelqu'un d'autre ! Mais le QI tient-il compte de toutes les autres valeurs indispensables à la nature humaine ? Actuellement, dans le marché de l'emploi, le QI n'est de loin pas le seul critère d'engagement ! Beaucoup d'autres qualités sont exigées: les qualités relationnelles... (L'oratrice est interpellée.) Le QI aussi, bien sûr ! Mais, surtout, les qualités relationnelles, les qualités de coeur, les qualités d'écoute !
Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais une proposition: puisque cette motion soulevait tout de même de réelles préoccupations, en dehors du côté excessif de ses invites, nous pourrions l'intégrer - c'est très important pour l'avenir de notre école genevoise - à notre discussion sur l'école genevoise. Je vous propose donc de la renvoyer en commission.
Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Je donnerai donc la parole à un seul député par groupe.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). La surdouance est un sujet difficile, bien que certains d'entre nous se sentent concernés... Sujet complexe et minoritaire, puisqu'il ne concerne que 3 à 5% des jeunes, soit environ trois mille à Genève. Mais ces derniers souffrent et peinent à s'intégrer, à avoir une vie scolaire harmonieuse et sont souvent en échec scolaire.
Une récente étude sur la surdouance dans les cantons romands et au Tessin montre que chaque canton traite, avec recul, cette problématique. Il faut relever que le canton de Berne a développé un projet pilote pour les élèves ayant des dons spécifiques et que le Valais et Vaud ont initié un appui pédagogique intégré destiné à cette population d'enfants.
Le canton de Genève s'est penché sur cet aspect en faisant réaliser une étude par le SRED et par des mesures pédagogiques de cas en cas. Ces multiples esquisses ont sensibilisé les commissaires. S'ils n'acceptent pas l'ensemble de ces invites - c'est pourquoi cette motion a été refusée - ils souhaitent valider cette problématique, pour que les parents concernés trouvent un écho aux difficultés de leur progéniture, sans avoir à recourir à des écoles privées comme celle de Versoix, «Le diamant bleu».
Nous soutiendrons donc la proposition de Mme Hagmann de renvoyer cette motion en commission.
M. François Gillet (PDC). J'aimerais également apporter quelques éléments à cette discussion. La problématique des enfants surdoués est effectivement une réalité, mais elle concerne - il faut quand même le dire - un petit nombre d'enfants par rapport au grand nombre d'enfants en difficulté dans l'école genevoise. Je pense également, comme Mme Hagmann, que la solution ne réside pas dans la création de classes ou de sections spécialisées pour ces enfants, qui - cela a été dit - ont des profils souvent très différents les uns des autres. Par contre, il me semble que nous devrions réfléchir et rediscuter à nouveau en commission de cette motion.
Il serait préférable d'aller dans le sens d'une différenciation de l'enseignement, qui permette à ces élèves surdoués dans certains domaines de pouvoir aller un peu plus loin que leurs camarades et de développer toutes leurs potentialités. J'insiste: la solution ne réside pas dans la création de classes spécialisées où les enfants seraient, d'une certaine manière, cloisonnés. Il faudrait leur donner les moyens de pousser leurs études dans leurs domaines de prédilection.
Cela a été évoqué également et je suis d'accord avec M. Marcet, faire «sauter» des classes à ces enfants surdoués n'est pas toujours une bonne solution. Le fait de se retrouver avec des élèves beaucoup plus âgés qu'eux n'est pas l'idéal pour ces enfants, car ils ont plus de mal à s'intégrer.
A notre sens, les solutions devraient plutôt être trouvées dans une différenciation de l'enseignement, mais, comme je l'ai déjà dit, nous sommes prêts à en discuter à nouveau en commission.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je vais m'exprimer brièvement sur le renvoi en commission. Nous sommes tous conscients que la surdouance pose un problème et que notre école n'est pas en mesure, par rapport à la masse critique du canton de Genève, d'y apporter une réponse spécifique.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas l'école en particulier qui est en cause, mais nous devons reconnaître - c'est notre responsabilité - que la situation actuelle aboutit à un gâchis de compétences, à l'échec scolaire, alors que les capacités de ces élèves devraient leur permettre d'atteindre des sommets, comme ce serait le cas sous d'autres cieux ou dans d'autres organisations. Force est de reconnaître que notre pays a besoin de compétences et qu'il ne peut pas se permettre le luxe de gâcher les opportunités qui se présentent pour tirer notre pays, respectivement son économie, en avant.
Sans compter, comme cela a été dit, que les parents qui se trouvent confrontés aux problèmes inhérents à la surdouance de leur enfant ont un sentiment profond d'abandon; ils sont dans une impasse, car l'Etat n'apporte pas de solution à leurs problèmes spécifiques. Ils ne bénéficient d'aucune aide quand ils cherchent des solutions. Ils se sentent bien seuls. C'est un peu: «Aide-toi et le Ciel t'aidera !».
Nous devons donc faire preuve d'un peu d'humilité et essayer de trouver une solution à ce problème sur un plan plus global, par exemple au niveau régional. Le département pourrait mettre cette question à l'ordre du jour de la Conférence des directeurs de l'instruction publique, sur la base de cette motion votée par ce Grand Conseil, pour trouver une solution, à terme, qui donne satisfaction aux familles concernées.
Je trouve relativement scandaleux de vouloir refuser cette motion sous de faux prétextes, car nous avons une responsabilité par rapport à ces enfants. Nous trouvons tout à fait normal, dans d'autres circonstances, de prendre des mesures particulières pour des personnes en difficulté sur le plan social. Mais nous ne le faisons pas pour les enfants surdoués, qui ont du mal à s'adapter aux exigences scolaires, à certains tests, notamment les QCM, tout cela parce qu'il est beaucoup plus facile, dans notre type d'enseignement de masse, d'utiliser les QCM ! Pourtant, on sait très bien qu'un enfant surdoué est incapable d'y répondre correctement ! Les surdoués se retrouvent en échec, par exemple, aux examens d'entrée à l'université, parce que celle-ci, notamment en médecine, établit une sélection sur la base des QCM, car ils ratent ce genre de tests. Ces jeunes, tout à fait capables de réussir brillamment des études de médecine, sont mis sur la touche et ne peuvent pas entreprendre d'études universitaires, pour la seule raison que l'université utilise ce type de sélection et qu'elle n'est pas disposée à en changer.
Je pense donc que le département - pas le parlement - doit mener une véritable réflexion dans un cadre régional, au sein de la Conférence des directeurs de l'instruction publique. C'est la raison pour laquelle je vous propose de refuser le renvoi de cette motion en commission et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
Mme Virginie Keller Lopez (S). Pour sa part, le groupe socialiste pense que le renvoi en commission de cette motion n'est pas forcément la bonne solution... Très franchement - et je m'adresse à vous particulièrement, Monsieur Marcet, parce que votre témoignage était émouvant - nous ne nions pas cette problématique. La souffrance de ces enfants, comme la souffrance d'autres enfants, d'ailleurs, pour d'autres raisons, est prise en compte par le parti socialiste.
Nous pensons simplement que renvoyer cette motion aujourd'hui en commission pour qu'elle y soit à nouveau étudiée ne résoudra rien. Nous connaissons déjà les résultats de cette étude. Il serait intéressant d'entendre notre conseiller d'Etat s'exprimer sur ce sujet, pour savoir ce qui est fait au département de l'instruction publique.
C'est vrai, il n'y a pas si longtemps que cela que l'on se préoccupe de la question des enfants à haut potentiel. Il y a certainement eu des générations d'enfants surdoués qui ont été mal compris par leurs enseignants et leurs enseignantes, alors que d'autres ont pu tomber sur des enseignants et des enseignantes qui avaient un certain feeling, qui remarquaient leurs particularités et les aidaient en leur donnant de la matière.
Mais, aujourd'hui, le département de l'instruction publique s'en occupe. Les enseignants et les enseignantes sont maintenant formés sur cette question, pour détecter ces enfants, pour les comprendre et pour leur donner de la matière, dans le cadre de la classe.
Lorsqu'on leur propose d'aller dans des classes spécialisées ou dans une école privée à Lausanne, réservées aux enfants à haut potentiel, ils n'en ont pas du tout envie ! Ils veulent rester avec leurs copains et leurs copines de classe. Ce dont ils ont besoin, c'est de se trouver avec des adultes qui les comprennent, qui tiennent compte de leurs particularités, comme de celles, différentes, d'autres enfants, concernant une langue étrangère, les maths, une famille qui dysfonctionne, etc. Il y a toutes sortes de problématiques différentes dans une classe...
Ce problème ne doit pas être traité de manière particulière en sortant les enfants du cadre général, par contre il doit être connu: c'est évident ! Les enseignants et les enseignants doivent être formés sur cette question, et on doit pouvoir, dans le cadre des équipes pédagogiques - pourquoi pas ? - prévoir de réunir ces enfants dans une école pour leur permettre de se retrouver de temps en temps ou de les faire travailler. Et l'outil informatique est génial dans les classes, car il permet à un enfant qui a terminé son travail avant les autres de faire des recherches, de se documenter, de préparer des conférences pour les autres. Dans la mesure où l'école fonctionne bien, où les enseignants et les enseignantes se sentent reconnus et aidés et où les budgets nécessaires pour le département de l'instruction publique sont votés, nous avons les moyens de répondre aux besoins particuliers de ces enfants. Et je me réjouis d'entendre le Conseil d'Etat sur cette question.
Nous pensons que ce serait se donner bonne conscience pour pas grand-chose de renvoyer cette motion en commission. Nous proposons de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
M. Roger Golay (MCG). Le groupe MCG votera le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Il est en effet urgent de traiter cette motion et d'agir le plus rapidement possible. Nous avons perdu suffisamment de temps, me semble-t-il, par rapport à ce problème.
Nous refuserons donc le renvoi de cette motion en commission.
Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant le renvoi en commission de cette proposition de motion. Si cette proposition est acceptée, la proposition de motion sera renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation - si j'ai bien compris la demande de Mme Hagmann. Si elle est refusée, le débat continuera. Le Bureau a décidé de clore la liste des orateurs. Sont encore inscrits: M. Gautier, M. Marcet, M. Weiss, Mme Wisard Blum et le conseiller d'Etat, M. Beer.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 1378 à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejeté par 45 non contre 37 oui et 2 abstentions.
M. Renaud Gautier (L). Ce matin, lors des discussions sur les douzièmes provisionnels, nous avons entendu ou subi - selon comment l'on se situe - une aimable «gâterie moralisatrice» sur ce qu'il faut faire par rapport aux handicapés...
Je le dis très clairement: je suis tout à fait étonné de ce que tous les spécialistes en matière de pédagogie qui se trouvent dans cette enceinte confondent les problèmes et pensent que, pour les résoudre, il suffit de faire sauter une classe aux jeunes surdoués. C'est faux ! Cela a été dit - M. Weiss n'écoutait peut-être pas - les problèmes liés à la surdouance ne se règlent pas en faisant sauter une classe à ces enfants. Ce postulat est erroné !
Je suis également surpris que l'on reconnaisse que 3 ou 5% des jeunes en âge scolaire «souffrent» - parce que c'est une vraie souffrance - et que l'on ne veuille pas ou que l'on ne trouve pas utile d'apporter des solutions particulières. Dans la mesure où l'on fait des efforts pour les enfants qui ont un handicap plus connu et mieux accepté, j'ai beaucoup de peine - je dois le dire, surtout après ce qui a été dit ce matin - à accepter d'entendre les mêmes refuser de se préoccuper des cas particuliers, ne pas accepter de renvoyer cette motion en commission et vouloir la renvoyer au Conseil d'Etat.
Le Grand Conseil a décidé de ne pas renvoyer cette motion en commission et il va probablement la renvoyer au Conseil d'Etat: soit ! Mais j'ose espérer - je vous le dis franchement - que le Conseil d'Etat se rendra compte que le problème de la surdouance est tout à fait particulier. Et j'espère, surtout, qu'il n'appliquera pas les recettes utilisées partout dans le reste du monde - comme c'est le cas à Genève - consistant à faire passer les enfants surdoués dans une classe supérieure. Ce n'est pas une solution !
Ce ne sont pas, Mesdames et Messieurs les députés - que ceci soit bien clair - les nouveaux projets de lois pédagogiques qui régleront les problèmes d'une quelconque manière ! Cette réalité vécue par 3% des enfants en âge scolaire et leur famille réclame, à mon sens, que l'on prenne ce problème au sérieux et que l'on ne se contente pas de faire sauter une classe à ces enfants.
Le président. Monsieur Aubert, la liste était déjà close... Je regrette !
M. Claude Marcet (UDC). Je suis d'accord sur le principe du QI... Moi, je suis à 40 de QI, et je suis tout de même là ! Cela ne pose donc pas de problème !
Il faut tout de même savoir que les surdoués ont une approche globale, tout à fait différente de l'approche des enfants - j'allais dire «normaux »... Je dirai: de la majorité des enfants ! Cette approche globale est si différente que les enfants surdoués ont souvent de la peine à percevoir, dans le contexte des classes que je qualifierai de «communes», ce qui leur est demandé et ce vers quoi les enseignants essayent de les amener. Ce problème provoque un rejet de ces enfants: il faut le savoir !
J'ai entendu quelque chose d'intéressant: qu'il fallait que les adultes comprennent ces enfants... Certes, mais il faut aussi que les adultes détectent très rapidement les surdoués, comprennent les problèmes auxquels ils sont confrontés pour pouvoir prendre des mesures propres à leur enseignement. Mesdames et Messieurs les députés, il est extrêmement grave qu'un gosse de 10 ou 12 ans, alors qu'il a un potentiel important, se trouve dans un environnement dans lequel il a de la peine, se sente dépassé au fur et à mesure de l'avancement des études ! C'est une situation qu'il aura du mal à inverser.
C'est notre devoir de députés de nous préoccuper de ce problème !
Comme cela a été indiqué - et je suis d'accord - le canton de Genève n'a pas un bassin de population suffisant pour pouvoir prendre des mesures au niveau du canton. Nous devrions considérer ce problème au niveau régional, au niveau des cantons romands - peut-être pas au niveau suisse, compte tenu des problèmes de langues - et, même, au niveau des pays voisins. Je pense notamment à la France et au Val d'Aoste. Il faut en effet savoir que les surdoués d'Annemasse doivent aller à Lyon ! Il faudrait donc mettre sur pied une structure cohérente, prévue pour un bassin de population plus important: ce serait très positif pour ces jeunes.
Ce qui a été dit au sujet des QCM est tout à fait vrai... Expérience faite, c'est vrai ! Pour la simple raison que les QCM - questionnaires à choix multiples - sont posées d'une certaine manière: à chaque question sont proposées trois réponses, mais une seule est bonne, et il faut cocher la bonne case ! Les surdoués, qui ont une approche globale des problèmes, peuvent donner des réponses plausibles et adéquates - mais différentes dans leur conception, en raison, précisément, de leur approche différente - à deux voire trois questions. J'essaye seulement de vous rendre attentifs au fait que les surdoués, en raison de leur approche globale, se plantent le plus souvent.
Je connais personnellement deux cas de surdoués, étudiants en deuxième année de médecine, qui ont complètement raté les tests de QCM. Ils ont pourtant expliqué aux autres étudiants ce qu'il fallait faire, comment il fallait comprendre les choses, mais la manière dont il fallait répondre aux questions était telle qu'ils se sont plantés ! Ils n'étaient peut-être pas les meilleurs, mais ils étaient parmi les meilleurs, et ils ont dû faire autre chose !
M. Pierre Weiss (L). Le renvoi de cette motion en commission, qui a traîné pendant quatre ans pour la rédaction de son rapport, a été refusé... J'en prends acte.
Et effectivement, à ce stade, la seule solution est de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, parce que nous devons admettre les problèmes que pose ce que l'on appelle dans le texte de cette motion «la surdouance»... Mais nous devons aussi admettre qu'un traitement différencié est nécessaire. A savoir que, pour certains de ces enfants frappés par - je n'ose pas dire ce «bien» - cette caractéristique, un traitement avec les autres élèves d'une classe normale est nécessaire, y compris le système en rénovation, comme l'a expliqué ma collègue Hagmann. Dans d'autres cas, en revanche, un traitement séparé peut s'avérer nécessaire.
En d'autres termes, la responsabilité de l'Etat est engagée, s'il refuse de reconnaître que les situations peuvent être différentes et que cela amène certains parents à envoyer leurs enfants vers des écoles d'autres cantons, d'autres pays ou des écoles privées; en d'autres termes, s'il montre qu'il ne se soucie pas des enfants dont il est question ici. Nous devons leur apporter tout le soin nécessaire et la même attention qu'à ceux qui ont des difficultés scolaires par absence de «douance».
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Schmied, la liste était close...
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Le sujet que nous abordons ici - c'est la première précision de taille - est effectivement d'une gravité qu'il faut reconnaître. Il ne s'agit pas seulement du drame de l'enfant qui n'arrive pas à suivre la classe et à s'intégrer normalement, il ne s'agit pas seulement du drame de l'enfant handicapé, il s'agit du drame d'un enfant qui a mille capacités, mais qui éprouve d'énormes difficultés à s'intégrer à la fois au rythme et à la cohésion de la classe. Il n'y a pas de souffrance qui puisse être écartée, sous prétexte qu'elle relèverait d'une autre approche que celle que nous avons l'habitude d'utiliser au niveau de la politique sociale ! C'est le premier élément sur lequel je tenais à indiquer très clairement les pratiques constantes du département de l'instruction publique.
Ainsi, le département, par le biais de ses différents services et, surtout, de ses enseignants, s'intéresse à la capacité des enfants de vivre une scolarité harmonieuse en termes de développement, qui leur permette, à titre personnel, de connaître un minimum d'émancipation pour faire correspondre la scolarisation et l'émulation et, forcément, l'émancipation.
Nous sommes ici en présence de demandes contradictoires... D'ailleurs, votre débat le montre clairement. Ainsi, les associations de parents ne donnent pas un avis tranché et définitif. Elles voudraient à la fois que l'on puisse identifier plus clairement ces enfants et leur apporter un suivi particulier digne de ce nom, soit sous forme d'accompagnement personnalisé en classe soit sous forme de classes spécialisées.
Les demandes de ces parents sont donc diverses et forcément contradictoires dans la mesure où elles forgent leur légitimité dans la souffrance.
La motion qui nous est proposée aujourd'hui a, il faut le reconnaître, le mérite de s'attaquer à une réalité trop longtemps écartée, mais son traitement a été très long et les réponses apportées, permettez-moi de le dire, sont extrêmement - j'allais dire «minimalistes» - réductrices par rapport à ce problème. Les remèdes préconisés sont très simplistes.
Concrètement, que se passe-t-il au niveau des classes ? D'abord, lorsqu'un enfant donne des signes particuliers, par exemple, parce qu'il a de la peine à suivre, soit qu'il a trop de facilités soit qu'il n'arrive pas à s'intégrer, les professionnels prévoient des entretiens et se penchent sur le problème de l'enfant et sur son développement.
Quand le diagnostic est posé, des solutions sont préconisées et discutées avec les parents. A ce stade, interviennent des tests médicaux et également des tests de quotient intellectuel, mais ces derniers sont réducteurs. En effet, la barre est fixée à 132 ! Pourquoi pas 131, pourquoi pas 133 ? Cette notion, on le sait, est particulièrement réductrice !
Il n'empêche qu'elle donne un certain nombre de signes ! C'est donc également le stade de développement de l'enfant qui permettra de savoir si, par exemple, l'insertion dans une classe d'un degré supérieur est une solution envisageable. A tout le moins et quelle que soit la réponse à cet égard, son développement dépend de la capacité de l'enseignante et de l'enseignant à pouvoir personnaliser l'enseignement et l'accompagnement de cet enfant, qu'il reste dans sa classe ou qu'il change de classe.
Maintenant, permettez-moi également de mettre en évidence ce qu'il faut bien appeler «l'effet pervers» lié à un certain nombre d'ambitions parentales qui peuvent, le cas échéant, être déçues. Combien de parents d'enfants génies dans cette enceinte ? Ainsi, j'aimerais mettre en avant le fait que la rénovation prévoit la possibilité de rallonger un cycle d'apprentissage comme celle de l'écourter. Les demandes d'écourtement augmentent, mais le nombre de surdoués augmente-t-il ? La réponse est non ! Mais on ne peut que constater que les attentes des parents augmentent quant à voir leur enfant réussir en moins de temps que prévu son parcours, au niveau de la scolarité primaire.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut personnaliser la prise en charge des enfants, ce que l'on appelle en pédagogie la «différenciation». C'est le principe même de la rénovation ! C'est le principe même de l'école actuelle: à savoir qu'il faut pouvoir personnaliser l'enseignement et ne pas se contenter, particulièrement dans les petites classes, d'un enseignement ex cathedra, prêt à apprendre, le même pour tous et enseigné de la même manière.
L'élève handicapé comme l'élève qui a des facilités devra apprendre à vivre la cohésion sociale en dehors de l'école. Apprendre aux enfants à vivre ensemble est l'un des objectifs de l'instruction publique, et nous devons d'abord remplir cette mission !
Quelle serait l'école demain, si, d'aventure, certains proposaient d'exclure des centaines d'élèves, par exemple, du cycle d'orientation ou, alors, d'exclure les plus doués ou - pourquoi pas ? - telle ou telle catégorie, celle qui aurait les moyens de se payer l'école privée ? Quelle école publique ? Quel projet intégratif ? Quel projet pourrions-nous véritablement livrer à nos enfants, si ce n'est, comme vous l'avez dit ce matin - et je partage votre préoccupation - une dette économique si ne nous... si ne nous n'y... Non, je n'y arriverai pas ! (Rires.) ...si nous ne parvenons pas à nous attaquer à ce problème avec efficacité ?
Il faut constater, Mesdames et Messieurs les députés, que ces quatre années de travaux en commission n'ont pas apporté de réponse satisfaisante à cette problématique complexe... (L'orateur est interpellé par Mme de Tassigny.) Ce projet est resté quatre ans en commission: il faut bien dire la vérité, Madame de Tassigny ! C'est parce que la réponse à apporter n'était pas simple !
Je me tiens à la disposition de la commission - je tiens à insister sur ce point - pour donner des précisions supplémentaires. Je sais que la commission a eu la chance de pouvoir entendre, la semaine dernière, notre nouveau directeur du service médico-pédagogique, M. Eliez - je suis sûr que vous avez apprécié son audition - qui se tiendra également une nouvelle fois à votre disposition pour traiter de cette question.
Ce n'est pas en renvoyant cette motion au Conseil d'Etat et en obtenant un rapport de plus que vous aurez des réponses à ce problème, qui ne trouvent de toute façon pas leur place dans un nouveau projet de loi. La solution réside dans la personnalisation du suivi de ces élèves. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis maintenant du vote sur cette proposition de motion. La commission de l'enseignement propose de la rejeter. Une autre proposition a été faite de l'accepter. Pour la clarté du vote, ceux qui l'acceptent voteront oui, ceux qui la refusent voteront non et peuvent aussi s'abstenir.
Mise aux voix, la motion 1378 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 52 oui contre 32 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Monsieur Barazzone, vous avez la parole.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Thank you, Mister President. Meine Damen und Herren, onorevoli deputati... (Applaudissements.) ... merci, de me donner l'occasion de présenter cette motion démocrate-chrétienne !
Lors du débat d'hier sur notre motion concernant les écoles privées, vous avez tous, de concert, affirmé votre volonté d'améliorer le système d'enseignement à l'école publique. Certains ont mis en doute la volonté du PDC de s'occuper aussi de l'école publique... J'espère que la présentation de cette motion, qui vise l'introduction d'un bilinguisme précoce à l'école publique, et, donc, l'amélioration de l'enseignement des langues à l'école, vous permettra d'être convaincus du contraire !
Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi apprendre les langues, dans le fond ? C'est la question que l'on peut se poser au départ.
J'y vois deux raisons principales. La première, c'est que, l'apprentissage d'une langue permet de connaître la culture de l'autre, de mieux comprendre les communautés étrangères...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député ! Puis-je prier vos collègues de faire preuve d'un peu plus d'attention à vos propos ? Merci !
M. Guillaume Barazzone. Je vous remercie, Monsieur le président ! L'apprentissage d'une langue - disais-je - permet de mieux connaître la culture de l'autre, de mieux comprendre les communautés étrangères qui nous entourent en Suisse, mais aussi, à l'heure où les échanges se font de plus en plus nombreux en Europe, de mieux comprendre l'ensemble des communautés étrangères de ce monde.
La deuxième raison pour laquelle il me semble très important que les élèves qui sortent de l'école obligatoire ou du collège aient une très bonne connaissance des langues, c'est le marché du travail. Nous avons eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises: le marché du travail à Genève couvre le secteur tertiaire, ce qui exige de grandes qualifications. Et, à l'heure actuelle, une très bonne connaissance de l'anglais, voire même de deux langues - et principalement l'allemand, puisque nous sommes en Suisse - est demandée pour un grand nombre de postes de travail.
Le domaine des langues a été évoqué à plusieurs reprises, dans les médias, dans différents parlements, et la question qui a toujours primé était de savoir quelle était la langue qu'il fallait enseigner en premier... Etait-ce l'anglais ou l'allemand ? Fallait-il enseigner deux langues ou une langue à l'école primaire ? C'est une question importante, certes, mais elle occulte une question beaucoup plus fondamentale, à savoir celle de l'enseignement des langues en tant que tel.
Parce que, avouons-le, Mesdames et Messieurs, nous avons tous été à l'école obligatoire puis au collège - en tout cas, la plupart d'entre nous - et nous pouvons faire un constat: malgré les nombreuses heures de cours et les milliers de francs investis dans l'enseignement des langues, nous sommes presque tous incapables aujourd'hui de tenir une conversation approfondie ou de creuser un texte difficile dans une langue étrangère. Il me semble que la mission première de l'école est de permettre aux élèves - et, donc, à la société - de pouvoir communiquer avec ses voisins.
Et nous devons nous demander comment il est possible d'améliorer cet apprentissage des langues. Eh bien, certaines régions linguistiques bilingues ont répondu à cette question en instaurant un système appelé «système d'immersion bilingue»: la langue n'est plus l'objet de l'enseignement, elle est un instrument. Cela signifie que des matières telles que le bricolage, la gymnastique, pour les petits, la géographie, la biologie, pour les plus grands, sont enseignées dans la deuxième langue.
Ce système a été adopté au collège, à Genève, et je félicite le département de l'instruction publique pour cette initiative, mais, en réalité, Mesdames et Messieurs, c'est une «fausse bonne idée»... En effet, ceux qui profitent de ce système sont des jeunes qui sont déjà dans un degré d'éducation supérieur. Et puis, c'est une erreur pédagogique de croire que c'est à 15 ans qu'on apprend le mieux les langues. Les spécialistes nous disent que c'est très jeunes que les enfants sont capables d'apprendre une voire plusieurs langues très facilement, même s'ils ne sont pas de langue maternelle française.
Notre projet de motion invite à instaurer un projet pilote de bilinguisme à l'école publique et, à cet effet, à recenser les professeurs qui parlent déjà l'anglais, l'italien ou l'allemand et qui seraient en mesure d'enseigner dans ces langues. Notre projet doit d'abord être expérimenté avant de pouvoir envisager de le généraliser, ce qui demandera des moyens, une formation des professeurs. Mais, au préalable, il faut faire des essais et voir si ce système qui a beaucoup fonctionné dans les régions bilingues peut être généralisé à l'école publique - je vous le disais - et, également, à l'école privée. En témoigne l'expérience fructueuse qui s'est déroulée à l'Ecole Moser bilingue, à Genève, qui a fait de très grands progrès en cette matière. Il faut donc absolument faire un effort dans cette voie.
Pour mémoire, je rappelle que le parti radical avait à l'époque - en 1996 - déposé une motion visant à généraliser le système d'immersion bilingue dans toutes les écoles. Ce projet partait certainement d'un bon sentiment, mais il était quelque peu irréaliste dans la mesure où, justement - je vous l'ai dit - il impliquait beaucoup de moyens et une formation des professeurs.
Le Conseil d'Etat a donné suite à cette motion en rendant un rapport, qui - je dois le dire - n'a pas du tout satisfait les députés PDC, et ce, pour deux raisons.
Première raison: le Conseil d'Etat admet que c'est très bien d'envisager un apprentissage accru des langues, mais que sa priorité est l'apprentissage du français... Il me semble que l'apprentissage des langues n'exclut pas l'apprentissage du français: au contraire ! Nous aussi, nous faisons de l'apprentissage du français une priorité. Nous pensons que ce sont des connaissances de base que tout le monde doit acquérir au XXIe siècle.
La deuxième raison qui me pousse à dire que le rapport est insatisfaisant est la suivante. Il est dit dans ce rapport que la majorité des élèves à Genève - une bonne moitié - parle déjà une langue étrangère, par exemple, le portugais, l'italien ou l'albanais... (Exclamations.) J'ai dit que c'étaient des exemples ! ...et que ces élèves seraient donc incapables d'apprendre une deuxième langue, car ils risquaient de tout confondre... Mais, Mesdames et Messieurs, si nous voulons intégrer ces étrangers, il faut qu'ils puissent aussi apprendre les langues qui leur seront utiles, c'est-à-dire en priorité l'allemand et l'anglais, puis, éventuellement, une autre langue. Nous ne pouvons donc pas nous contenter des réponses données dans ce rapport ! Je termine, Monsieur le président...
Mesdames et Messieurs les députés, si vous croyez que l'on peut améliorer l'apprentissage des langues et qu'il serait bon d'en débattre en commission, je vous prie d'accepter son renvoi en commission, pour que nous puissions auditionner le département et les spécialistes sur la question. (Applaudissements.)
Le président. Sont inscrits: les députés Follonier, Weiss, Thion, de Tassigny, Künzler, Marcet, Falquet, Ischi... La liste est close.
M. Jacques Follonier (R). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion tombe à pic, mais j'ai bien peur qu'elle soit un voeu pieux...
Quelle est la situation actuelle de l'école genevoise ? Car c'est cela qui est important ! Aujourd'hui, l'allemand est enseigné à partir de la troisième primaire... Mais il y a un hic ! Une partie des élèves de l'école primaire suivent effectivement des cours d'allemand mais pas les autres, ce qui fait qu'à la fin de la sixième primaire, certains élèves ont fait trois ans d'allemand et d'autres n'ont jamais appris un mot d'allemand. Et, donc, à l'entrée au cycle et tout à fait logiquement, les enseignants partent du principe qu'aucun élève n'a fait de l'allemand, pour pouvoir les mettre tous à niveau. C'est absolument déplorable ! Je crois savoir d'ailleurs que le département est en train de préparer un projet à ce sujet, ou de le mettre sur pied, et je serai très heureux d'entendre le chef du département nous en parler...
Cela étant, je trouve que cette motion manque malgré tout de courage, parce qu'elle touche deux tabous sans oser vraiment les lever.
Le premier: doit-on enseigner l'allemand ou l'anglais ? L'allemand et l'anglais ? L'allemand seulement ? L'anglais seulement ? Plusieurs langues ? Nous devons véritablement nous poser ces questions sérieusement et ne pas nous arrêter en chemin en proposant un simple choix entre deux langues. Ce tabou a longtemps pesé sur l'allemand, parce qu'il s'agit d'une langue de maturité fédérale. Néanmoins, je le répète, il faudra véritablement se pencher sur cette question, car on se rend compte que l'allemand est souvent la bête noire des élèves qui sont au collège et, principalement, celle de tous les apprentis. Et ce que je vous ai expliqué tout à l'heure corrobore bien la raison pour laquelle nous sommes dans une situation difficile s'agissant de l'allemand. Il faudra donc effectivement lever ce tabou.
Le deuxième porte sur la méthode... Faudra-t-il utiliser la méthode d'immersion, comme indiqué par le PDC, ou la méthode de sensibilisation ? Ces deux méthodes correspondent en effet à des approches différentes. Je ne sais pas si le PDC les différencie, mais moi, oui !
C'est une des raisons pour lesquelles je suis très sensible à ce que l'on renvoie cette motion à la commission de l'enseignement où j'aurai grand plaisir d'en discuter.
M. Pierre Weiss (L). Certains d'entre vous, Mesdames et Messieurs les députés, ont peut-être été des lecteurs amusés ou intéressés par les articles d'un chroniqueur du «Temps», Diego Marani, qui écrivait en «europanto»... Je vous dirai comme lui: «Sen länge, ik bin always convinto de la necessitad of the babelismo...» (Rires et applaudissements.)
Depuis longtemps, je suis convaincu de la nécessité de ce que j'appellerai le «babélisme», c'est-à-dire parler plusieurs langues, surtout dans une ville comme Genève qui se flatte de sa tradition internationale... J'en suis d'autant plus convaincu que, partout dans le monde - et pas seulement à Genève - la majorité des gens sont au moins bilingues.
Le monolinguisme devient une rareté... Dans les terres de langue française, le système politique français de l'époque a expurgé des têtes et de la littérature la langue d'Oc et imposé la langue d'Oil, langue surtout parisienne. Mais le monolinguisme a aussi frappé Genève: le patois a disparu et on ne s'en rappelle qu'à l'occasion de l'Escalade !
Ce n'est donc pas pour soutenir ce qui se passait jadis que j'en viens à être favorable à cette motion, mais, au contraire, pour me tourner en direction du monde vers lequel nous marchons... Un monde plus ouvert ! Un monde où les contacts avec d'autres civilisations, d'autres langues, sont plus nombreux, mais je commencerai par les contacts avec nos propres nationaux, nos propres Confédérés ! Je regrette, du reste, au passage, que l'italien ait été oublié... (Brouhaha.) ...puisque les invites de la motion parlent de l'allemand ou de l'anglais...
Je souhaite que cette motion soit renvoyée en commission pour qu'elle y soit étudiée avec soin et qu'elle puisse être améliorée.
Tout d'abord, la première invite parle de projet pilote... Je trouve - je reprendrai un terme de mon collègue Follonier - que cela manque d'ambition... Ce n'est pas un projet pilote qu'il faut mettre sur pied mais une filière ! Et cette filière pourrait être mise en place dès l'école enfantine - et non pas seulement dès l'école primaire - en utilisant la méthode dite «d'immersion».
Ensuite, la deuxième invite demande le recensement des enseignants maîtrisant l'allemand ou l'anglais... Elle fait l'impasse sur le fait que d'autres langues sont largement pratiquées à Genève. Je pense en particulier à l'espagnol, au portugais, mais aussi à l'italien.
En d'autres termes, il faut effectivement procéder à ce recensement, mais il faudrait ajouter une troisième invite... Car, s'agissant du recrutement des futurs enseignants, il ne faudrait pas se cantonner à ceux qui sont formés uniquement dans notre canton et qui ne maîtriseraient que la langue utilisée majoritairement à Genève, à savoir le français. Il faudrait en effet recruter des enseignants dans d'autres cantons - que ce soient les cantons alémaniques ou le Tessin - pour enseigner dans cette filière qui débuterait à l'entrée de l'école publique dans la langue en question.
Si nous ne faisions pas ainsi, nous justifierions encore plus la motion qui a été rejetée hier, favorable à l'école privée, parce que, dès lors, seule l'école privée serait à même de répondre à cette exigence de babélisme que j'évoquais au début de mon intervention. La concurrence en matière d'éducation est une bonne chose. L'honneur de l'école publique doit être à la hauteur de ce que nous offrent les meilleures écoles privées de ce canton.
M. François Thion (S). La motion pose une question intéressante. Il s'agit en clair d'expérimenter, dès le début de l'école primaire, l'apprentissage d'une langue étrangère dans un processus d'immersion. Ce procédé aurait l'avantage de faire apprendre une langue sans pour autant remettre en question d'autres disciplines, puisque, par exemple, les sciences ou l'histoire pourraient être enseignées dans une langue étrangère.
Tout cela semble à première vue tout à fait intéressant. Mais pourquoi s'arrêter à une langue étrangère ? Pourquoi pas une deuxième ? Qui ne souhaiterait pas que chaque petit élève genevois sorte de l'école obligatoire en maîtrisant parfaitement deux langues étrangères: l'anglais et l'allemand, naturellement.
Une voix. Le latin !
M. François Thion. Ajouter aux ambitions de l'école ne coûte rien ! Comme le relèvent les auteurs de la motion, il est important de bien maîtriser les langues dans notre société, pour être privilégié sur le marché de l'emploi et performant sur le marché du travail... En effet, régulièrement, la presse moderniste montre l'énorme problème qui se pose pour ceux qui ne maîtrisent pas l'anglais, à l'heure de la mondialisation et de l'économie de la mobilité, à l'heure de l'intégration européenne ! Comment devenir cadre dans une entreprise, faire carrière à l'étranger, sans connaître la langue de Shakespeare?
Chacun sait cependant que la généralisation d'une telle expérimentation n'est pas possible. Les auteurs de la motion en conviennent dans l'exposé des motifs. Le personnel enseignant n'est pas formé pour cette tâche, et l'Etat n'a pas les moyens financiers d'une telle politique ! Ainsi, l'enseignement bilingue au collège - qui a été cité tout à l'heure en exemple - implique des ressources particulières en qualité et en quantité, ce qui explique le nombre de places très limitées offertes par le collège dans les filières bilingues.
Les moyens financiers et humains manquent aujourd'hui au DIP pour assurer des objectifs qui vont d'ailleurs au-delà de ce que fixe la loi sur l'instruction publique. Ainsi, la formation des maîtres du primaire, qu'il faudrait évidemment compléter, serait plus longue. Rappelons ici que le parti démocrate-chrétien et les autres partis de droite ont, pour le moment, le projet de réduire d'une année la formation des enseignants du primaire, cela afin de faire des économies à court terme. On va passer d'une licence en quatre ans à un bachelor en trois ans...
Pour en revenir au texte de la motion, précisons que Genève n'est pas un canton ou une région bilingue. En effet, les exemples donnés dans l'exposé des motifs: Valais, Fribourg, Val d'Aoste, concernent des cantons ou des régions bilingues, ce qui, je le répète, n'est pas le cas de Genève, malgré son grand mélange culturel.
Précisons également que les enseignements prodigués en anglais ou en bilingue à l'Ecole Internationale sont essentiellement destinés à des élèves non francophones. L'enseignement privé payant peut offrir à ses élèves des possibilités supplémentaires si les familles acceptent de consentir des efforts financiers, efforts que la population du canton de Genève a refusé de fournir, s'agissant des impôts !
A qui profiterait ce changement ? Certainement, en priorité, à une partie des parents de la classe moyenne... (Exclamations.) ...ceux qui investissent particulièrement dans la réussite scolaire de leurs enfants et qui attendent de l'école qu'elle permette de donner un maximum de chances pour leur avenir dans un contexte de mondialisation. Ces parents ne se soucient guère de savoir si les enfants issus des milieux plus populaires ont les mêmes besoins et les mêmes intérêts...
Une partie des élèves à Genève, souvent issus des milieux défavorisés, sortent de l'école obligatoire sans maîtriser la langue française, avec de faibles connaissances en mathématiques et des connaissances très limitées en sciences, biologie et physique, par exemple, ou en sciences humaines, histoire et géographie, notamment. Les enfants issus de l'immigration ont souvent une connaissance lacunaire de leur propre langue maternelle. Pour eux, l'immersion bilingue en allemand ou en anglais n'a pas de sens, pas plus, d'ailleurs, que l'apprentissage précoce de ces deux langues, puisque ce dernier devrait être pris sur d'autres disciplines qu'ils ont déjà de la peine à maîtriser.
Au contraire, cela deviendrait un facteur supplémentaire d'échec et d'exclusion.
En conclusion, cette motion est bien dans l'air du temps, des discours officiels et de leurs relais médiatiques. Mais l'expression d'une demande particulière, relayée ici par les députés PDC, ne peut remplacer l'intérêt général.
Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de rejeter cette motion.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Le bilinguisme: sujet d'actualité, mais aussi sujet controversé.
En effet, quel bilinguisme voulons-nous ? Certains souhaitent l'enseignement de l'allemand, pour permettre une meilleure compréhension de nos Confédérés, d'autres prônent la langue de Shakespeare, nouveau Sésame dans la plus grande partie du monde et des affaires. D'autres encore, comme M. Pierre Weiss, préconisent l'italien.
Les radicaux, déjà très novateurs, avaient déposé une motion en 1997 - la 1059-A - qui allait dans ce sens. Elle a été approuvée par le Conseil d'Etat, qui y a répondu en 2003. Ce dernier nous assurait, déjà à l'époque, garantir, au plus tard en 2010, les perspectives définies au niveau romand par la Conférence intercantonale de l'instruction publique. De plus, il prévoyait d'intégrer des modules de formation initiale dans un domaine qui permettrait à long terme de doter l'institution d'un contingent adéquat en personnel qualifié.
La motion de nos cousins est un véritable «remake» de la nôtre ! Nous pouvons les considérer comme de véritables coucous qui se nichent dans le nid de leurs congénères... (Rires.) ...ce qui nous permet, bien évidemment, de souscrire à cette démarche et de la renvoyer à la commission de l'enseignement !
Le président. Madame la députée, d'abord, je vous félicite pour votre agilité, parce que vous arrivez à parler, à écouter le téléphone et, en même temps, à jouer au basket... C'est très fort ! (Rires.) Maintenant, je signale que personne, à ma connaissance, n'a demandé le renvoi en commission... D'ailleurs, si cela avait été le cas, je ne vous aurais pas donné la parole... (Un député interpelle le président.) Vous l'avez demandé ? Bien ! Alors, dans ce cas, je vais ne donner la parole désormais qu'à un député par groupe, en vous priant de m'excuser de l'injustice que je viens de commettre en faveur des radicaux !
Mme Michèle Künzler (Ve). C'est vrai, cette motion est intéressante, mais, après avoir entendu les propos des uns et des autres, j'ai quand même quelques doutes... Evidemment, je suis favorable au bilinguisme. Je suis moi-même bilingue, comme la majorité de nos concitoyens et des enfants de nos écoles - il faut en tenir compte - mais il faut d'abord stabiliser les langues parlées à la maison et, en particulier, le français, car c'est une véritable priorité.
Je suis étonnée de constater que la plupart des députés qui sont intervenus sur ce sujet habitent des quartiers aisés. Je vous invite à lire le rapport sur l'école genevoise, qui est du reste très intéressant: il contient une mine de renseignements ! Il est vrai que, selon qu'on vit à Jussy, qui compte 5% d'allophones, ou à Vernier, qui en compte 60%, les besoins scolaires ne sont pas les mêmes. L'école doit-elle être la même pour tous ? Les priorités sont-elles les mêmes ? Il me paraît important que le français soit maîtrisé par tous - je le répète, c'est une véritable priorité - mais il faut aussi que les communautés étrangères puissent maîtriser, comme l'ont fait par le passé les Italiens et les Portugais, leur propre langue, ce qui fait deux langues, voire trois. C'est le cas de certains camarades de mes enfants qui parlent trois langues à la maison.
Je pense que nous devons tout de même réfléchir à deux fois avant de renvoyer cette motion en commission pour étude. En ce qui me concerne, je trouve que l'école a déjà suffisamment de priorités comme cela. Cessons de rêver à l'enfant parfait ! Il semble que ce que nous n'avons pas voulu pour nous, nous le voulons pour nos enfants ! Il faudrait qu'ils soient parfaits dans tous les domaines, qu'ils sachent l'allemand, l'anglais, l'italien, peut-être le russe ou le chinois, les maths... Mais que voulez-vous en faire ? Il faut d'abord en faire des citoyens qui parlent français et qui soient à même de prendre leurs responsabilités, et puis après, on verra !
Quoi qu'il en soit, je suis tout à fait favorable au renvoi de cette motion en commission, pour voir si nous pouvons envisager une expérience pilote. Comme je l'ai déjà dit, les conditions sociales et structurelles ne sont pas les mêmes partout: il y a des différences énormes et une grande hétérogénéité dans les écoles genevoises.
Peut-être qu'après les travaux de commission, vous serez d'accord avec moi pour dire que c'est certainement une bonne idée, mais qu'elle ne représente pas une priorité !
M. Claude Marcet (UDC). En ce qui nous concerne, nous soutenons totalement la motion du groupe PDC et nous sommes d'accord de la renvoyer en commission.
Quelle que soit leur extraction sociale, au sens large, il est intéressant pour nos jeunes de connaître au moins une langue en plus du français. Mais il me semble important que l'enseignement du français soit une priorité pour que les enfants qui sortent du cycle obligatoire sachent au moins lire, écrire et parler convenablement, ce qui n'est vraiment pas le cas actuellement !
Je me permets de le signaler, car le problème est grave. Il faudrait que notre conseiller d'Etat pose la question à certains profs de la faculté de lettres pour s'en rendre compte. Les profs pourraient lui faire part de leur étonnement devant le niveau de français de leurs étudiants ! Je parle en connaissance de cause, car mon fils vient d'obtenir une demi-licence dans cette faculté.
Mme Gabrielle Falquet (S). Je voudrais simplement insister sur l'importance de l'apprentissage du français dans notre école, car c'est un moyen pour les enfants dont ce n'est pas la langue maternelle de pouvoir s'intégrer. Comme cela a déjà été dit, la majorité des enfants qui entrent à l'école primaire sont déjà bilingues. On a tendance à considérer que le bilinguisme concerne uniquement l'allemand et le français ou l'anglais et le français. Il est important que les enfants qui ont une origine différente - même s'ils sont nés à Genève, même si leurs parents y sont nés - puissent parler la langue de leur pays d'origine et garder leur culture, mais il faut aussi qu'ils parlent la langue du pays d'accueil.
Il me semble nécessaire que l'apprentissage du français se fasse en douceur, afin que les élèves puissent aborder l'apprentissage d'une autre langue après, quand ils maîtrisent déjà bien leur langue maternelle et le français. Evitons, s'il vous plaît, de surcharger le bateau de l'enseignement primaire ! D'une part, les enfants se dispersent dans les différents apprentissages et, d'autre part - malheureusement et depuis de nombreuses années - le parlement n'alloue pas forcément au département de l'instruction publique les moyens suffisants pour qu'il puisse effectuer les tâches qui lui sont confiées.
Je souhaite donc vraiment que nous nous penchions sérieusement sur tous les apprentissages prioritaires et que nous nous en donnions les moyens. Je vous en prie, laissons le temps aux enfants d'assimiler tous les apprentissages de base avant d'en aborder d'autres, comme les langues supplémentaires !
C'est pour cette raison que nous refusons le renvoi de cette motion en commission.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je pense que vous allez renvoyer cette motion en commission... Finalement, comme toute idée est bonne à creuser: que le travail de la commission soit fructueux ! C'est en tout cas le voeu que je lui adresse...
Mais, auparavant, si vous me le permettez, j'évoquerai rapidement quelques points.
Le premier, ce sont vos attentes par rapport à l'école publique genevoise.
Vous souhaitez - si je tiens compte de l'ensemble de nos travaux - améliorer la qualité des apprentissages fondamentaux: français et mathématiques...
Vous souhaitez une politique audacieuse en matière de langues étrangères: le bilinguisme - deux langues, probablement dès l'école primaire...
Vous souhaitez l'introduction du fait religieux, et - pourquoi pas ? - de l'histoire des religions...
Vous souhaitez renforcer le sport, l'éducation aux travaux manuels...
Vous souhaitez une place plus importante pour les arts...
Vous souhaitez faire une place - on le verra tout à l'heure - pour l'environnement, pour l'éducation aux droits de l'homme et, également, pour l'égalité hommes femmes...
Très bien ! J'en prends note ! Je pense donc que vous allez voter des crédits conséquents pour l'instruction publique genevoise pour le budget 2006, mais je doute que cela soit vraiment compatible avec les objectifs budgétaires que vous avez fixés tout à l'heure ! Ou, alors, vous avez quelques recettes à me suggérer que je serai toujours prêt à entendre, bien entendu !
Maintenant, parlons un instant de la politique des langues ! En Suisse, la politique éducative est organisée au niveau cantonal, puis elle fait l'objet d'une harmonisation au niveau intercantonal. Au niveau intercantonal, vous savez, par exemple, que la Confédération et l'ensemble des cantons se sont dotés d'une politique des langues qui permet d'introduire l'apprentissage d'une langue nationale et de l'anglais dès l'école primaire, et cela, à partir de 2011.
Un canton se pose de multiples questions à ce sujet, car une initiative demande l'interdiction de l'apprentissage de deux langues à l'école primaire: je veux parler du canton de Zurich, qui, en dehors de cela, a déjà tranché sur la prédominance de l'anglais par rapport au français. Lorsque nous évoquons l'apprentissage des langues - et je remercie M. Follonier d'en avoir parlé - la question de l'allemand et de l'anglais est éminemment importante pour notre canton, surtout si l'on considère que l'objectif est que les ressortissants d'un même pays puissent se comprendre même s'ils vivent à l'autre bout du pays.
A propos de l'enseignement genevois, vous me permettrez également de rappeler deux points essentiels.
M. Follonier a posé une question sur l'apprentissage de l'allemand, et je l'en remercie. S'agissant de l'apprentissage de l'allemand, il y a une discontinuité que j'évoque régulièrement en public. En effet, normalement, les élèves doivent être sensibilisés et apprendre l'allemand dès la troisième primaire, mais, comme ce n'est pas le cas de tous les élèves, l'apprentissage de l'allemand est repris à zéro à l'entrée au cycle d'orientation.
J'ai donc demandé aux différentes directions générales de se mettre d'accord. Une nouvelle méthode va être introduite, ainsi qu'une nouvelle approche, qui consistera à traiter les six premières leçons dans le cadre de l'apprentissage à l'école primaire puis, dès la septième leçon, à utiliser la méthode Genial à l'entrée au cycle d'orientation. Il ne suffit donc pas de décréter et de décider... Il faut également faire appliquer, ce qui implique un certain nombre de moyens !
J'aimerais encore, par rapport à la politique menée dans notre canton en matière de langues, souligner - vous le savez, puisque vous l'avez rappelé - que nous avons introduit l'apprentissage du bilinguisme, allemand et anglais, au niveau du collège de Genève, mais cela reste restreint notamment en raison des capacités en ressources humaines de notre corps enseignant. Merci également de l'avoir rappelé.
Je terminerai par trois considérations. La première concerne la précocité en matière d'apprentissage des langues. Monsieur Barazzone, les travaux des neuro-psychiatres sur la précocité évoquent les facilités accrues des enfants âgés de 2 à 4 ans. Lorsque l'on dit que ce projet serait éminemment intéressant pour les enfants âgés de 12 à 15 ans au cycle d'orientation, cela ne concorde pas avec les résultats de ces experts sur lesquels on prétend pourtant se baser.
La deuxième est une réserve. Pour introduire un bilinguisme aussi audacieux, le canton doit remplir des conditions-cadres notamment en matière de frontières. A ce niveau, la situation ne nous est pas favorable, car nous n'avons pas de frontières directes avec un canton ou un pays où l'on parle une autre langue, comme c'est le cas, par exemple, pour le canton de Bâle. Et nous n'avons pas non plus la capacité ou la facilité du canton de Berne, de Fribourg ou du Valais, qui ont la «chance» - on peut le dire ainsi - de vivre le bilinguisme dans leur canton.
Enfin, la troisième considération porte sur la notion même des langues que nous entendons voir se développer. Quelles langues doivent être enseignées et par quels types d'apprentissage ? Il ne faut pas sous-estimer devant ce parlement le fait que l'enseignement des langues fait l'objet de véritables controverses pour savoir s'il sert uniquement à communiquer, ou si, au contraire, à travers la langue, il doit permettre de découvrir une richesse culturelle différente, un patrimoine et, également, une manière de penser qui se traduit dans la linguistique.
L'apprentissage de l'allemand, tel que je l'ai connu - comme vous le savez, j'ai été camarade de jeu de Ramsès II, c'était donc il y a bien longtemps ! - en 1980, lorsque je passais ma maturité en section moderne, ne nous permettait pas de communiquer immédiatement. Nous comptions sur des séjours dans les pays de la langue apprise pour pouvoir communiquer.
Les choses ont beaucoup changé depuis, à tel point qu'aujourd'hui, l'anglais que l'on parle est souvent un anglais d'aéroport - qui n'a, malheureusement, Monsieur Thion, plus rien à voir avec la langue de Shakespeare ! - un anglais de fast-food, qui permet à tout le monde de communiquer extrêmement rapidement, mais, hélas, à partir de considérations à peu près nulles aux niveaux linguistique et philosophique.
Je terminerai en disant que nous vivons dans un canton multiculturel. 40% des élèves sont allophones, ce qui représente pratiquement quatre-vingts langues parlées différentes. Notre canton est aujourd'hui confronté à une logique de modernisation, mais, pour lui permettre de procéder à cette modernisation, y compris en termes d'audace linguistique, il lui faut un ciment intégratif: la langue française ! Si nous n'arrivons pas à intégrer cette logique selon laquelle la langue française est prioritaire, Mesdames et Messieurs, quelle que soit la qualité des travaux de ce parlement et de la commission, c'est comme si nous construisions la tour de Babel ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1636 à la commission de l'enseignement et de l'éducation est adopté par 67 oui contre 16 non et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il a fallu une heure de débat pour renvoyer cette motion en commission... Je vais suspendre nos travaux pendant dix-huit minutes très exactement. Nous les reprendrons à 17h.
La séance est levée à 16h40.