Séance du
vendredi 10 juin 2005 à
20h30
55e
législature -
4e
année -
9e
session -
52e
séance
PL 9516-A
Premier débat
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je souhaiterais informer ce Grand Conseil de ce dont il est question et du débat qui s'est déroulé en commission.
Il s'agit d'exproprier des servitudes qui empêchent la construction de logements sur trois parcelles, à l'avenue de la Roseraie. Ces constructions font l'objet d'un plan localisé de quartier qui englobe un périmètre largement plus vaste que les trois parcelles concernées, lesquelles sont inconstructibles à cause de ces servitudes.
Le débat qui s'est déroulé en commission portait sur l'application de la loi Geromini. Elle autorise ce Grand Conseil à voter l'utilité publique et donc la possibilité d'exproprier ces servitudes - car il s'agit de logements dont la construction est entravée par les servitudes en cause - à condition qu'au moins 60% de ces logements aient un caractère social, c'est-à-dire qu'ils répondent aux catégories LGL.
Deux solutions sont ressorties du débat. La première est de prendre la totalité du périmètre du plan localisé de quartier - dont une partie est déjà réalisée - avec un immeuble entièrement HBM construit par une fondation de droit public. Dans ce cas de figure, la majorité des surfaces de plancher réalisables représente environ les trois quarts de la totalité.
La seconde solution, celle du rapporteur de minorité, est d'exclure le bâtiment déjà construit - bien qu'il fasse partie du périmètre du plan localisé de quartier - et de ne prendre en compte que les bâtiments à construire. Il est vrai que si l'on se limitait à cette considération, le nombre de mètres carrés de plancher affectés à des logements sociaux serait inférieur aux 60% requis par la loi.
En somme, ou bien l'on prend la totalité du périmètre et la totalité des logements en cause - c'est ce que finalement la commission a retenu comme hypothèse de travail - et dès lors, il y aura plus de 70% de logements sociaux dans le périmètre. Ou bien on s'en tient - si l'on veut restreindre - strictement aux parcelles en question, qui sont grevées par les servitudes.
La possibilité de construire des logements est limitée sur ces trois parcelles, mais la proportion reste totalement respectée, puisqu'elle atteint 73% de logements à caractère social relativement à l'ensemble de ceux qui sont grevés par les servitudes. Dans les deux cas de figure, nous considérons que la loi Geromini est applicable. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous invite à soutenir et voter le rapport de majorité.
Présidence de M. Michel Halpérin, premier vice-président
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Deux remarques en préambule. Je m'étonne que M. Koechlin, tout comme M. Weiss tout à l'heure, me prête des intentions avant que j'aie pu m'exprimer. En l'occurrence, M. Koechlin, comme M. Weiss, dit que j'affirme des choses alors que s'il lit bien le rapport de minorité, et s'il avait été un peu plus attentif à la commission à laquelle il a participé, c'est la Ville de Genève qui prétend qu'il n'y pas 60% de logements sociaux dans ce plan localisé de quartier, ce n'est pas moi. Je ne fais que rapporter ici - et c'est inscrit dans mon rapport de minorité - les propos et les calculs établis par la Ville de Genève, cette dernière étant partie prenante dans cette affaire.
Deuxième remarque. Nous sommes face à une situation un peu paradoxale, puisque la commission n'avait pas toutes les informations alors que le département les possédait. M. Moutinot n'étant pas là, je me réjouis de l'entendre pour infirmer ce que je vais dire. Toujours est-il que notre commission aurait dû être au courant de la levée des servitudes pour la construction d'un logement HBM, mais elle n'a pas été mise au courant et nous avons voté cette levée de servitude. Et aujourd'hui, concrètement et objectivement, si nous levons cette servitude, nous ne la lèverons que pour permettre la construction de douze logements de luxe, en PPE, Mesdames et Messieurs les députés.
Je trouve qu'il y a un manque d'information évident pour la commission. C'est pourquoi, ultérieurement, si les débats se prolongent, je proposerai le renvoi en commission. Car il me paraît évident que du point de vue de la sûreté du droit, nous ne pouvons pas lever les servitudes et déclarer l'intérêt public sur un périmètre de construction qui vise à permettre la construction de logements de luxe. D'autant plus que toutes les autres constructions sont réalisables et font partie de ce que la Ville de Genève appelle les 47% de logements sociaux.
Sur le fond de cette affaire. Chacun sait que dans notre ville, quand un projet est mal ficelé, quand un plan localisé de quartier ne recueille pas l'adhésion des acteurs de notre République, il ne se fait pas. Ce projet est un mauvais projet, toute la commission l'a reconnu.
Ce projet a été constitué dans les années 90, même avant. Le prédécesseur de M. Moutinot l'a remodelé et densifié à tel point qu'aujourd'hui un remembrement foncier serait nécessaire pour qu'une chatte y retrouve ses petits. On nous demande de lever des servitudes croisées avec un tableau dont je vous passe les détails, car cela serait assez fastidieux. Une collègue qui avait suivi ce dossier au Conseil municipal a affirmé que cette urbanisation de la Roseraie était un mauvais projet, et personne ne l'a contredite en prétendant que c'était un très bon projet remportant l'adhésion de l'ensemble des acteurs urbains. On ne peut malheureusement - et peut-être heureusement - faire le bonheur des gens contre leur gré.
Il y a le problème des servitudes, celui des constructions qui se superposent sur les propriétés des uns et des autres, des PLQ modifiés et une densification qui n'est pas outrancière, mais un peu trop élevée. Nous avons intérêt à réétudier ce problème de manière exhaustive, car un problème juridique se posera dès l'adoption de cette levée de servitudes et la décision de notre Grand Conseil, puisque les opposants - ils sont nombreux - vont se saisir de cette affaire et faire valoir devant le Tribunal fédéral le fait que notre parlement utiliserait la clause d'utilité publique contrairement à l'idée fondamentale de la loi Geromini. Contrairement au principe de cette loi, on est en train d'ouvrir la porte à la construction de logements de luxe, douze appartements qui prendront place sur un petit bout de ce plan localisé de quartier.
Mme Michèle Künzler (Ve). C'est une histoire typiquement genevoise. Il est vrai que ce PLQ - ou les divers plans qui se sont succédé - est en route depuis une trentaine d'années. Finalement, on n'a encore rien construit. On a réussi à détruire une villa.
En fait, il y a un plan de site, une protection du patrimoine, et le vrai problème est qu'on a fait voter un PLQ par la Ville et qu'entre-temps - à l'époque de M. Joye - on a modifié de manière extrêmement importante le PLQ, après le passage au Municipal. On a construit des immeubles beaucoup plus grands qui débordaient sur les autres parcelles, d'où le problème qui surgit maintenant.
Avant, chaque immeuble était sur sa parcelle. Maintenant, les immeubles se chevauchent au milieu des parcelles. Le problème actuel est qu'on demande la levée des servitudes mais c'est un mauvais projet et il le restera. Ces servitudes ne protègent rien, elles ne protègent pas la vue, elles servent seulement à enquiquiner les voisins.
Que l'on construise des logements de luxe ou non, il faudra bien lever ces servitudes car on pourra bientôt construire là-bas. Et s'il y a quelques logements de luxe, ma foi, ce n'est pas grave. Vous dénoncez 12 logements de luxe, mais 67 logements HBM sont à proximité. Et si des personnes veulent faire recours, tant mieux, cela ajoutera un épisode de plus à cette saga qui pourra servir à l'histoire de la construction et de l'architecture à Genève. Sur trente ans, on aura eu tous les épisodes possibles...
Mme Loly Bolay (S). Le parti socialiste votera ce projet de loi. Mais tout d'abord, j'aimerais dire trois choses à M. Pagani. Vous faites une lecture de ce projet de loi qui n'est pas du tout la nôtre. Dire qu'on était tous d'accord avec vous en commission, c'est faux. La deuxième chose est que ce ne sont pas du tout des servitudes croisées. Troisièmement, la loi Geromini n'est pas du tout violée, elle est parfaitement respectée.
Le parti socialiste soutient ce projet de loi pour trois raisons. La première est que ce projet de loi permettra de lever des servitudes. La deuxième est que ce projet de loi permettra la construction de 60% de logements sociaux - on connaît la crise actuelle et il faut trouver des solutions. La dernière est qu'il vrai que l'on doit construire des logements en PPE; à la commission du logement, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut de la mixité afin d'éviter les ghettos. Voilà un projet dans lequel on respecte une loi - qui demande 60% de logements sociaux - avec la PPE.
Ce projet de loi est toute une histoire de servitudes et de plan localisé de quartier. Petit historique. La Ville de Genève est d'accord de lever les servitudes concernant la parcelle de la fondation Camille-Martin qui veut construire 60% de logements sociaux. Par contre, elle n'est pas d'accord de lever les servitudes concernant les propriétés privées, qui à leur tour ne sont pas d'accord de lever les servitudes de la fondation Camille-Martin. Mesdames et Messieurs, nous sommes dans une crise du logement sans précédent, cela fait depuis 1998 que cela dure. Arrêtons ce cirque, prenons nos responsabilités et votons ce projet de loi, je vous y encourage.
M. Jacques Baud (UDC). Servitudes croisées... cela fait quinze ans que cela dure, cela fait quinze ans que pour deux personnes, deux propriétaires qui refusent de s'acheter et de se vendre ces servitudes croisées, on bloque la construction de trois immeubles ! Quand on sait le manque de logements ! C'est inadmissible ! Je ne vous donnerai pas le nom des propriétaires car je n'en ai pas le droit. Mais tout de même, je les connais et je n'en pense pas moins.
Levons ces servitudes, allons de l'avant, surtout qu'au moins un des ces immeubles comportera des logements sociaux. Votez oui. Nous, on y va !
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente
M. Michel Ducret (R). J'aimerais rappeler que ce PLQ est le même depuis des années, ce sont des broutilles qui différencient les variantes qui nous été présentées et on se bat pour des peccadilles. C'est finalement au nom d'une fierté de matamores à la petite semaine que l'on a encore ce débat ce soir, et c'est à peine acceptable étant donné les problèmes de logement actuels.
L'essentiel des projets de constructions de logements prévues dans ce plan localisé de quartier de la Roseraie provient de fondations qui veulent faire des logements sociaux. Et il y a effectivement quelques logements privés. J'aimerais demander à tous ceux que le fait qu'il y ait quelques logements à vendre peut offusquer, si l'on ne fait pas ces logements en ville de Genève, quelles en seront les conséquences ? Il y a certain nombre de gens dans notre canton qui - qu'on le veuille ou non - souhaitent acquérir un logement plutôt que de gaspiller leur argent en payant un loyer chaque mois à fonds perdu. Cela peut se comprendre parfaitement.
Ce qui se passe est que si on ne leur offre pas la possibilité d'acheter des logements en ville, ils vont acheter des villas qui mitent le territoire genevois, comme le territoire vaudois ou le territoire français voisin. Ces villas mitent notre territoire régional. Et à tout cela s'ajoute le cortège inévitable des problèmes des déplacements pendulaires qui ne font qu'enfler.
Ce n'est pas ainsi, Mesdames et Messieurs, que l'on fait un bon aménagement du territoire. De plus, il faut admettre - Mme Bolay l'a relevé - que la mixité est une garantie d'éviter de créer des ghettos sociaux sur notre territoire. Croyez-moi, c'est important. A Genève, on a réussi à éviter le plus possible ce genre de problèmes, et il faut continuer dans cette direction.
Toutes ces considérations pour dire qu'il faut cesser de se battre pour des broutilles et qu'il faut aller de l'avant avec ce genre de projet. Il n'y a que trop longtemps que cela dure et je vous prie, Mesdames et Messieurs, de faire comme le groupe radical et d'accepter le rapport de majorité.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve assez étonnant à quel point on peut détourner la réalité pour expliquer ce que l'on a envie de dire sans forcément argumenter. S'il en est un qui, aujourd'hui et dans le passé, défend la construction de logements sociaux et l'urbanisation de notre ville, dans la mesure où cela correspond à un intérêt légitime de la population dans sa majorité, c'est bien votre serviteur.
Cela étant, nous avons affaire à une sorte de retournement de situation. Sous couvert de construire des logements sociaux, chacun agite l'épouvantail de la pénurie, crie qu'il y a urgence à construire ces logements sociaux et se dit empêché de construire... Mais la réalité, Mesdames et Messieurs, est toute autre.
Aujourd'hui, la fondation Camille-Martin est une fondation qui veut construire en HBM et elle peut le faire sans problème. C'est la réalité. Sauf qu'il existe un propriétaire - je ne veux pas le nommer, mais il fait partie de vos milieux de droite - qui a acquis cette parcelle. Il veut absolument construire ces douze logements en PPE, et j'imagine qu'il les vendra plus d'un million par appartement. Et il s'oppose aux autorisations de construire des logements HBM. Vous êtes en train de défendre ce propriétaire et ses intérêts contre les intérêts de la majorité qui pourrait voir des logements construits très rapidement. Ce propriétaire privé veut préserver ses intérêts et empêche les autres de construire en faisant - notamment - des recours contre les autorisations de construire. Oui, Monsieur Koechlin, vous avez beau opiner du chef, comme l'on dit dans ce parlement, toujours est-il que c'est la réalité. Mesdames et Messieurs, la Ville de Genève a démontré à la commission de l'aménagement que la proportion de logements sociaux sur cette parcelle était de 54,7% et non pas de 60%. C'est la réalité, c'est objectif.
Donc, si vous voulez encourager ce propriétaire dans ses perpétuelles oppositions - comme les gens de vos milieux le font - continuez sur ce terrain. Vous ne faites qu'empirer les choses, car en lui donnant du grain à moudre, vous en donnez aussi à tous les opposants qui avanceront que la loi Geromini n'est pas respectée et que la clause d'utilité publique ne peut pas être mise en oeuvre. Ils iront jusqu'au Tribunal fédéral pour faire valoir ces droits et aucune construction de logements sociaux ne sera possible durant cette procédure.
Voilà, Mesdames et Messieurs, vous ouvrez une nouvelle voie juridique dans ce conflit qui permettra à la SPG - pour ne pas la nommer - de poursuivre son combat juridique pour imposer en ville de Genève des appartements qui valent plus de 1 million. Et je suis encore bon prince avec ce chiffre; ces appartements seront vraisemblablement vendus à 1,5 million et plus encore. Vous dites que c'est très bien, M. Ducret dit qu'il faut que notre population puisse acheter des appartements en ville, mais quelle population peut aujourd'hui s'acheter de tels appartements ? Je suis favorable à ce que la majorité de la population décide librement, mais la liberté ce n'est pas cela, Monsieur Ducret. La liberté est de pouvoir acheter des objets au niveau de son revenu, mais acheter un appartement en ville de Genève coûte aujourd'hui 1,5 million, et vous le savez. Et quels citoyens ont le revenu pour acheter des appartements en ville à 1,5 million ? Pas beaucoup, cela ne correspond même pas au revenu de la classe moyenne.
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Une fois de plus, notre excellent collègue M. Pagani, rapporteur de minorité, démontre qu'il confond polémique et politique. Il se complaît dans la polémique; alors je le laisse à ses déclarations. Il dit n'avoir jamais prétendu qu'il y avait une proportion inférieure à 60% de logements sociaux - c'est le titre de son rapport de minorité - et il commence son intervention en niant avoir prétendu cela.
Ensuite, j'invite cette assemblée à bien regarder la page 13 du rapport. Vous verrez exactement les parcelles qui sont grevées de servitudes de non-bâtir et sur lesquelles il est impossible de construire actuellement. Or, la construction de 36 logements sociaux par la fondation HBM Camille-Martin est prévue sur ces parcelles. La parcelle qui se trouve en haut de la page - qui est aussi grevée - appartient à l'Etat de Genève et il est question d'y construire 10 logements à caractère social. Si vous additionnez, cela donne 46 logements sociaux dont la construction est entravée par l'existence de ces servitudes.
Et entre ces constructions, il y a un immeuble appartenant aux Barbier-Mueller qui permet la construction de 12 logements. En additionnant la parcelle des Massey qui se trouve tout en haut de la page, cela fait 5 logements supplémentaires prévus en PPE.
Si on fait le compte, il y a 46 logements à caractère social contre 17 en PPE. Ce n'est pas du tout la proportion affirmée par le rapporteur de minorité. Si vous établissez la proportion, ces 46 logements sur 63 représentent 73%; c'est largement au-dessus de ce que requiert la loi Geromini. Voilà pourquoi je vous demande de voter le rapport de majorité et de cesser de polémiquer.
La présidente. Nous allons procéder au vote d'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 60 oui contre 7 non et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'alinéa 1, vous le trouverez à la dernière page du rapport. Je le mets aux voix.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 6 oui.
La présidente. Monsieur le rapporteur de minorité, voulez-vous expliquer votre deuxième amendement à l'alinéa 2 ?
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Mon amendement consiste à respecter à la lettre la loi Geromini. Par conséquent, le Conseil d'Etat peut déclarer l'expropriation des servitudes qui empêchent la réalisation des bâtiments à caractère social prévus sur le plan.
C'est une évidence - comme dirait M. Koechlin - mais c'est mieux de le mettre, car, à mon avis, nous dénaturons la loi Geromini. Nous ne la respectons pas en permettant à un propriétaire privé d'utiliser cette loi Geromini pour ses propres intérêts privés qui n'ont rien à voir avec le bien commun.
La présidente. Je mets aux voix l'amendement de l'alinéa 2 de l'article unique.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 8 oui.
Mis aux voix, l'article unique est adopté.
Troisième débat
La loi 9516 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9516 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 50 oui contre 7 non et 1 abstention.