Séance du
jeudi 21 avril 2005 à
20h30
55e
législature -
4e
année -
7e
session -
35e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.
Assistent à la séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Robert Cramer et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Anita Cuénod, Antoine Droin, Jacques Jeannerat, Claude Marcet, Pierre Schifferli et Louis Serex, députés.
Correspondance
La présidente. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil.
Courrier du Cartel intersyndical du Personnel de l'Etat et du Secteur subventionné concernant la pétition contre le projet de loi sur le personnel de l'administration cantonale (voir pétition 1535 et PL 9275) (transmis à la commission des pétitions et à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat) ( C-2004)
La lecture de la lettre du Cartel intersyndical a été demandée à 17h. En l'absence du secrétaire et des vice-présidents, je vais donc procéder à sa lecture. (En cours de lecture, la présidente s'interrompt et confie la suite de la lecture au secrétaire, arrivé entre-temps.)
Annonces et dépôts
La présidente. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer à la commission d'aménagement du canton la pétition suivante:
Pétition "Sauvons Chancy" ( P-1533)
Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.
Premier débat
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Je ne serai pas trop long puisque les travaux de commission n'ont eux-mêmes pas excessivement duré, vu le consensus trouvé au sein de la commission et, je l'espère aussi, au sein de ce Grand Conseil.
Pour commencer, je voudrais faire un petit historique. Je rappelle que le 14 décembre 2000, notre Grand Conseil avait voté une loi cantonale pour une assurance sur la maternité et l'adoption qui octroyait aux femmes seize semaines de congé maternité ou de congé d'adoption. Ensuite, les chambres fédérales ont enfin concrétisé, après cinquante ans, un projet de loi sur le régime des allocations fédérales pour perte de gain, qui octroyait aux femmes un congé maternité, lui-même voté par le peuple suisse le 26 septembre 2004. Cette modification fédérale entrera en vigueur le 1er juillet de cette année. Suite au vote du 26 septembre 2004, le canton de Genève s'est retrouvé devant deux problèmes.
Premièrement, le projet fédéral voté par le peuple octroyait quatorze semaines de congé maternité, ce qui représente deux semaines de différence avec la loi cantonale genevoise. Deuxièmement, le projet fédéral n'octroyait pas de congé d'adoption. Par conséquent, une concertation a été lancée par le DASS afin de savoir ce que désiraient les différents partenaires et les partis. Suite à cette concertation, le DASS nous a soumis un projet de loi proposant d'adapter l'assurance-maternité cantonale à la loi fédérale entrant en vigueur le 1er juillet. Si ce projet de loi passe, on se retrouvera, ici à Genève, avec les acquis maintenus autant pour les seize semaines de maternité que pour le congé d'adoption.
Au moment du vote sur l'assurance fédérale, trois projets de lois ont été déposés coup sur coup. Deux d'entre eux émanaient de l'AdG et des Verts, qui proposaient d'aller plus loin que l'assurance-maternité cantonale d'aujourd'hui. Le troisième projet de loi, émanant du groupe socialiste, était analogue à celui qui a été par la suite déposé par le Conseil d'Etat. Il proposait de mettre la loi cantonale en conformité avec la nouvelle loi fédérale.
Les travaux en commission ont montré qu'il existait un consensus auprès des partenaires sociaux: que ce soit des employeurs auditionnés à la commission des affaires sociales ou des syndicats de la communauté genevoise syndicale, la CGAS, tous ont soutenu ce principe. Les travaux en commission ont donc rapidement avancé et, en l'espace de quelques séances, nous sommes arrivés au consensus. Nous avons changé quelques détails par rapport au projet de loi du Conseil d'Etat. Grâce au travail efficace du département et de ses collaboratrices, nous sommes arrivés à un consensus avant Pâques, qui semblait bien tenir la route. Il n'y avait plus qu'un petit détail à régler concernant les cotisations sociales de l'assurance cantonale: nous attendions une réponse de l'OFAS pour savoir si ces cotisations seraient autorisées pour l'assurance-maternité cantonale. La réponse, négative, est arrivée après Pâques. Nous avons donc dû modifier le projet de loi mardi passé. Mais cela n'est vraiment qu'un détail. Ces modifications concernent les cotisations sociales. La commission sociale a voté les modifications et les amendements à l'unanimité. Par conséquent, dans mon rapport il y a des articles de lois modifiés depuis par la commission sociale. C'est ce que vous avez reçu. Cela annule et remplace le texte qui se trouve dans mon rapport.
Je vous propose donc d'annexer directement ces modifications. Nous pourrons ainsi voter cette mise en conformité de l'assurance fédérale et le maintien des acquis de l'assurance cantonale de maternité et d'adoption.
M. Blaise Matthey (L). Pour le groupe libéral, le maintien des spécificités genevoises en matière d'assurance-maternité n'allait pas de soi pour plusieurs raisons qui n'ont rien à voir avec le principe même de l'instauration d'une assurance couvrant la perte de gain des mères salariées et indépendantes en cas de maternité.
Je rappellerai tout d'abord que si notre groupe a voté l'assurance-maternité en 2000 - je n'étais pas présent mais je me suis référé aux travaux - convaincu qu'il fallait combler une lacune de nos assurances sociales, il pressentait que le système fédéral serait différent du système genevois, essentiellement quant à sa durée. Notre groupe avait à coeur, à cette époque, d'assurer le maximum de cohésion au modèle fédéral, s'il venait à voir le jour, et tenait à éviter que ne se superposent des couches multiples. L'assurance-maternité fédérale est maintenant là, avec une durée d'indemnisation de quatorze semaines, et l'on peut toujours se demander pourquoi elle ne se substituerait pas à la solution genevoise, comme le député Halpérin l'avait à l'époque relevé.
Ensuite, il fallait se demander si le système mis en place à Genève allait conduire à un prélèvement, auprès des employeurs et des salariés, trop exorbitant pour des prestations somme toutes modestes - on parle d'une différence de deux semaines, de différence de plafond, d'adoption - en comparaison du montant à prélever. Il convenait aussi d'éviter, avec ce système genevois, que l'on instaure de nouvelles chicanes administratives pour les entreprises. Enfin, le maintien d'un complément genevois, qui est quelque chose d'unique, à l'heure des déficits de la sécurité sociale et de la globalisation des marchés, constitue un signal dangereux en ce qu'il pourrait faire croire qu'il est encore possible d'allonger le catalogue des prestations sans que cela implique des charges financières supplémentaires pesant sur notre économie. Ces seules raisons, Mesdames et Messieurs, auraient dû conduire le groupe libéral à refuser le projet de loi.
Mais, comme dans tout débat, il est d'autres raisons qui ont fait pencher la balance dans un sens différent. D'abord, l'assurance-maternité genevoise, à l'issue d'une longue discussion, a été adoptée avec une durée de seize semaines par ce groupe à l'époque. C'est aussi un système qui est maintenant rodé, connu de la population et, je peux le dire, administré sans problème. La durée de seize semaines est ancrée dans les moeurs et on peut difficilement envisager de la réduire sans donner le sentiment de s'attaquer à la politique familiale ou aux femmes, ce qui n'est pas le propre d'un parti dans lequel elles jouent et continueront de jouer un rôle déterminant, comme vous le savez.
Cette durée est, en outre, dans la moyenne de ce qui se pratique dans la plupart des pays européens. Cela évite ainsi les questions de disparité et de concurrence. Bien sûr, il a été envisagé de modifier la conception du système genevois, de transférer la partie supplémentaire vers un autre régime, celui des allocations familiales, mais le coût de cette transformation aurait été prohibitif. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvions en aucun cas l'envisager. La solution retenue, qui sera financée par une cotisation paritaire modeste de 0,06 ou 0,07%, est bien inférieure à la cotisation actuelle de 0,26%. On pourra donc abaisser les charges à partir du 1er juillet.
Tout aussi important est le facteur selon lequel on peut aussi administrer raisonnablement et le système fédéral et le complément genevois, de manière à ne pas introduire, dans la législation genevoise, quelque chose qui ne fonctionnerait pas. On peut aussi dire que, fort heureusement, même si le coût de ces deux semaines ne sera pas négligeable, le système n'obérera pas la majeure partie des cotisations. La solution la plus simple consistait donc à s'appuyer sur le cadre fédéral, à retrancher ce qui n'était pas compatible avec ce dernier, à conserver ce qui l'était, en particulier la durée de l'indemnisation, les plafonds et le principe d'une indemnité pour l'adoption.
Manifestant ainsi son soutien tant à une politique familiale équilibrée qu'à une réduction optimale des prélèvements sociaux, le groupe libéral votera le présent projet. Ce faisant, il indique aussi très clairement qu'il ne pourra en aucun cas souscrire à son extension, telle que la prévoient les projets de l'AdG et des Verts. (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie Arx-Vernon Von (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, ce projet de loi est exemplaire et nous nous réjouissons tout particulièrement que le processus de vraie concertation mise en place par le DASS ait abouti finalement à un plébiscite de ce projet de loi, qui permet à Genève de rester pionnière en la matière.
En matière d'assurance-maternité, un long chemin a été parcouru, un chemin beaucoup trop long pour les femmes, et il est vrai que voir ce projet de loi soutenu par toutes les tendances politiques en commission est un moment de grâce.
Ce projet de loi a pu aussi retenir toutes les sensibilités parce qu'il est effectivement le plus respectueux des besoins des familles et de l'équilibre incontournable dont notre société a besoin en matière d'équilibre budgétaire. Nous pouvons nous réjouir d'avoir trouvé un équilibre dans un projet de loi qui représente de manière exemplaire ce que doit être une société socialement développée et économiquement forte.
Sans aucun doute, le parti démocrate-chrétien attend qu'il y ait la même unanimité dans cette enceinte.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Ouf, Mesdames et Messieurs les députés ! Elle aura eu bien chaud, cette LAMat version 2005 ! Car s'il n'y a plus aujourd'hui que des fées autour de son berceau, il faut se souvenir que, pendant un moment, un certain nombre de «carabosses» se sont penchées sur la petiote, ces deux semaines supplémentaires garanties jusqu'alors par la LAMat. A tel point que divers milieux genevois se sont mobilisés pour préserver la couverture assurée par l'assurance-maternité genevoise. Preuve en est que cette question n'aura pas fait l'objet de moins de quatre projets de lois, deux d'entre eux visant à la préservation des acquis, deux autres saisissant cette opportunité pour, chacun selon son crû, allonger non seulement la couverture d'assurance mais également pour proposer un congé parental. Comme l'indique le rapport de M. Charbonnier, les travaux de ces deux derniers projets de lois ont été ajournés car il «urgeait» de se déterminer, passez-moi l'expression, compte tenu de l'agenda imposé par l'entrée en vigueur de la loi fédérale.
Il semble que jusqu'ici les hasards du calendrier aient été propices à la LAMat. Une fois encore, il en a été ainsi. Mais il n'y a pas de hasard, diront certains, car si l'échéance de la date d'entrée en vigueur de la loi fédérale, le 1er juillet 2005, nous commandait de nous déterminer sur le sort à faire à la spécificité genevoise, le plébiscite exprimé par les citoyens de notre canton à l'assurance-maternité, le 26 septembre 2004, aura été un signal sans équivoque sur l'attention que porte la population à son assurance-maternité. Il est des circonstances où le oui se trouve plus affûté qu'à d'autres; en l'occurrence cela aura permis de signifier qu'en la matière Genève ne veut pas de retour en arrière. Il ne nous reste donc plus qu'à progresser et à travailler sur les deux projets de lois restés en suspens. C'est une occasion qui nous est offerte, à nous de la saisir.
En l'état, la commission des affaires sociales a voté à l'unanimité le projet de loi 9499. L'AdG, solidaire de tous ceux qui se sont mobilisés pour défendre la LAMat, vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce dernier.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Les socialistes sont très satisfaits de ce projet de loi qui va totalement dans le sens de leurs préoccupations, à savoir le maintien des acquis de l'assurance-maternité genevoise qui, je vous le rappelle, avait été votée à l'unanimité en 2000, lorsque la discussion avait été lancée, suite à l'échec du projet au niveau fédéral. Ce projet de loi va aussi tout à fait dans le sens du projet de loi déposé par les socialistes et qui était largement soutenu par le comité «Pour une véritable assurance-maternité» ainsi que par la CGAS, la communauté genevoise d'action syndicale.
M. le rapporteur a rappelé encore une fois que l'assurance-maternité genevoise est plus généreuse que les APG qui ont été votées sur le plan fédéral. Je crois que ces deux semaines ainsi que la possibilité d'avoir un congé d'adoption sont significatives et que l'on ne peut pas les minimiser. On sait maintenant, et cela a été dit tout à l'heure, que l'assurance-maternité genevoise fonctionne à satisfaction. Elle a grandement contribué à améliorer la condition des femmes, ainsi que celle des couples qui ont adopté. C'est une mesure sociale indispensable, mais c'est aussi une mesure de santé publique, puisqu'elle permet de respecter le rythme et les besoins des familles quand il s'agit d'accueillir un enfant, en particulier en ce qui concerne la santé de la mère et de l'enfant.
Je souhaiterais souligner le fait que la commission des affaires sociales a travaillé dans un esprit constructif et avec célérité, puisqu'il s'agissait de faire vite afin de faire adopter ce projet de loi aujourd'hui, dans la perspective des délais du 1er juillet 2005. Je souhaiterais également, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, remercier les collaboratrices et collaborateurs du DASS qui nous ont secondés dans l'examen de ce projet de loi.
Je vous engage donc à soutenir ce projet de loi à l'unanimité. Il ne peut nous donner que toute satisfaction et il est représentatif de ce que souhaite et de ce qu'avait déjà voté la population genevoise.
M. Pierre Froidevaux (R). Je remercie le rapporteur M. Charbonnier des excellentes explications qu'il a données sur le projet de loi de la LAMat, et je remercie aussi M. Blaise Matthey d'avoir fidèlement exposé l'ensemble des débats qui ont eu lieu au sein de la commission des affaires sociales. Le problème fondamental est de savoir pourquoi nous devons avoir, à Genève, un congé de maternité de seize semaines, alors que le reste de la Suisse bénéficie d'un congé de quatorze semaines. Je dois rappeler quelques petits événements historiques pour répondre.
Il y avait eu un article constitutionnel, dans les années cinquante, qui prévoyait une assurance-maternité. Il y a une dizaine d'années, avec un groupe de femmes radicales, Mme Françoise Saudan était intervenue, alors qu'elle était encore députée ici, auprès des chambres fédérales, pour qu'on remette le projet de l'assurance-maternité sur le plan fédéral. Lorsque nous avions travaillé ensemble, nous avions évoqué un projet de congé de quatre mois avec un cinquième mois pour la femme allaitante. C'était ce que nous estimions très correct pour la meilleure dyade mère-enfant, c'est-à-dire pour établir le lien le plus sûr entre la mère et l'enfant, qui est un événement fondamental pour assurer la qualité des liens sociaux. Les débats ont eu lieu. Vous savez que cette assurance-maternité a été rejetée par le peuple et qu'il a fallu faire un projet plus «light». Entre-temps, le conseiller d'Etat Segond s'était emparé de ce projet et avait amené, sur les fonts baptismaux d'ici, ce projet de loi à seize semaines. Seize semaines, c'est la durée que prévoit notre législation cantonale; le peuple suisse a décidé, in fine, d'une durée de quatorze semaines. Il s'agit de respecter les droits acquis et d'apporter la petite touche nécessaire pour passer de quatorze à seize semaines, raison de ce projet de loi.
Je remercie le département, qui a pu travailler avec célérité et trouver un consensus vis-à-vis de tous les groupes, ce qui n'est jamais évident. Je ne puis que soutenir ce projet de loi et vous recommander son approbation.
M. Gabriel Barrillier (R). Après le point de vue de notre représentant, vous me direz qu'il n'y a plus rien à dire, puisque les radicaux appuient ce projet de loi. Tout le monde a dit, et notamment le député Blaise Matthey, que l'on avait fait une pesée des intérêts et que tout le monde était unanime pour dire que les deux semaines de plus que Genève accorde à la maternité, par rapport au système suisse, ne représentaient pas un problème. Je dis d'emblée que nous sommes d'accord et qu'il y a une unanimité au sein du groupe radical à ce sujet. Mais j'aimerais quand même attirer votre attention sur un élément qui est important.
Cette affaire de maternité n'est pas unique: il y a d'autres secteurs dans lesquels Genève veut faire mieux que la Suisse. Genève veut faire mieux, parce que nous y avons un esprit différent, c'est le génie des lieux. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, tout cela a un coût. Vous me direz: «0,06% partagés, cela ne fait que 0,03% puisque 0,03% sont à la charge de l'employeur...». Il y a eu un débat dans nos milieux qui sont constitués d'artisans et de petites entreprises. On y additionne les couches et, pour une entreprise de gypserie-peinture à 50 000 F, en gros, de masse salariale, fois 10 employés, cela fait 150 F. Mais 150 F mensuels font 2000 F par année. Je ne remets rien en cause, je voudrais juste que l'on ait conscience du prix de l'avancée sociale. Avec l'ouverture des marchés de la construction, par exemple, journellement j'ai des entreprises qui viennent et me disent: «Monsieur Barrillier, c'est ouvert à toute la Suisse. Il y a une entreprise thurgovienne qui coûte 2000 F de moins que moi et la commune tartempion l'a choisie.» La commune adjuge pour 2000 F de différence ! Je ne vais pas être trop prosaïque et pragmatique ou trop intéressé mais c'est une illustration. En ajoutant la taxe professionnelle... (L'orateur est interpellé.)Madame... Ce n'est pas de la théorie, et la Ville de Genève fait la même chose: elle adjuge au moins-disant. Elle fait des chantiers populaires où elle fait travailler des enfants, c'est n'importe quoi ! (Vive manifestation dans la salle. Exclamations.)
J'aimerais vous dire que, ces petits avantages, on les accepte, mais vous devez être conscients que l'avancée sociale a un prix qui doit être payé. Et tout le monde y gagne, mais il n'y en a que quelques-uns qui payent, Madame ! Les entreprises genevoises sont des entreprises citoyennes; elles sont soumises à des conventions collectives, elles ont fait leurs calculs. Nous avons eu un débat à ce sujet, et elles ont accepté ce projet de loi. Mais attention, soyez prudents ! N'ajoutons pas toujours des coûts supérieurs qui font que nos entreprises seront prétéritées par rapport à des entreprises étrangères au canton à qui on donne trop souvent l'avantage. Je connais ici des députés, y compris au parti socialiste, qui savent de quoi je parle.
Le parti radical, les PME, les artisans du bâtiment acceptent ce projet de loi, mais vous disent: «Attention, ne chargez pas trop le bateau !»...
Mme Esther Alder (Ve). En tant que Verte, en tant que femme, en tant que femme de gauche, je suis fière, aujourd'hui, que notre parlement, que notre canton ait maintenu les acquis sur les seize semaines de congé maternité. Cependant, notre groupe souhaite fermement que notre parlement, dans sa lancée, accepte notre projet de loi sur le congé parental qui est actuellement en commission.
Nous vous demandons instamment de soutenir ce projet de loi, car son acceptation ferait qu'encore une fois notre canton se distinguerait au niveau suisse et ouvrirait la voie aux autres cantons, afin qu'en Suisse aussi il y ait une véritable politique en faveur de la famille.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Je voudrais répondre à M. Barrillier, qui est quand même la touche un peu sombre de ce débat, malheureusement, en lui rappelant que... Monsieur Catelain, si vous pouviez vous taire deux secondes, s'il vous plaît, vous n'avez même pas pris la parole à ce sujet, je présume que les familles ne vous concernent pas, par conséquent laissez les gens qui sont intéressés par l'avenir des familles prendre la parole.
Je voulais donc dire à M. Barrillier que cette cotisation est une assurance et qu'il n'y a pas que les entreprises qui participent: c'est une assurance paritaire. J'aimerais quand même soulever le fait que les citoyens et les citoyennes - les employés - vont aussi payer paritairement cette assurance.
Il n'y a pas beaucoup de femmes qui travaillent dans le secteur de la gypserie-peinture, je pense, donc votre exemple est mal choisi. J'espère qu'à l'avenir vous choisirez de meilleurs exemples concernant le travail des femmes.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. D'abord vous remercier à des motifs divers, l'ai-je compris, d'avoir accepté un des deux projets que le Conseil d'Etat avait mis en consultation. Ce projet avait d'emblée non seulement recueilli la majorité mais pratiquement l'unanimité des opinions positives. Ce projet maintient, comme on l'a dit, les acquis dans des coûts acceptables. Mais est-ce que maintenir des acquis d'un côté et des coûts acceptables de l'autre sont réellement les outils qui forgent une politique familiale, à terme ?
Le Conseil d'Etat a imaginé que d'autres aspects pouvaient être pris en compte et c'est la raison pour laquelle il a mis les deux projets en consultation. Bien sûr qu'il a écouté ce qu'on lui a dit et étant lui-même l'auteur de la version plébiscitée, il vous l'a présentée. Il obtient l'unanimité, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
A n'en pas douter, cela est un acquis. Mais le débat sur la politique familiale n'est pas clos en ceci qu'il ne peut pas se résumer à deux semaines de plus ou de moins, respectivement, à un montant modestement supérieur d'indemnités journalières de plus ou de moins. Le point peut-être le plus important, selon moi, est le point de l'adoption qu'il aurait été sinistre de balayer, tant l'adoption en elle-même nécessite autant de force, de disponibilité et de présence de la mère auprès de l'enfant.
On aimerait imaginer qu'un jour, dans une société où l'homme et la femme auraient les mêmes chances, le congé puisse être parental, non pas forcément d'emblée pour être prolongé, mais pour que celui qui veuille rester auprès de son enfant pendant que sa femme travaille puisse le faire. Cela n'est pas le cas actuellement. Pardonnez-moi, Madame Alder, votre projet est intéressant mais il ferait probablement sauter tous les anévrismes rampants des fonctionnaires de la Berne fédérale ou des caisses AVS. Il est impossible à réaliser et, à cet égard, autant le dire tout de suite: il n'est pas possible dans un système où il y a des caisses AVS partout, alors que vous entendriez prolonger la possibilité de prendre parfois quelques congés en patchwork sur une durée de six ans, si mes souvenirs sont exacts.
J'ai évoqué, en commission, la tendresse qui est la mienne - et je ne sais pas si c'est celle du Conseil d'Etat car nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler - à l'égard du projet déposé par l'Alliance de gauche. Non pas qu'il soit possible dans le cadre législatif ou constitutionnel actuel, car il s'agit de quelque chose de complètement différent de ce qui a été adopté par le peuple au niveau fédéral et qui nous impose désormais un cadre tout à fait clair. En revanche, l'investissement que représenterait une politique familiale sur un mieux-être, sur des économies d'une autre nature - par exemple des gardes de la toute petite enfance, dont on ne peut pas dire qu'elles brillent par leur économicité - mériterait une étude d'impact tout à fait sérieuse. Elle permettrait de voir les différents aspects de la politique familiale - celui que vous voterez ce soir en est un important - de même que celui des allocations familiales dont nous devrons discuter prochainement - puisque la loi actuelle a été cassée par le Tribunal fédéral, comme vous le savez - mais aussi du congé parental, des crèches et de l'harmonisation des horaires. De la sorte, nous puissions prendre des options dont on sait les succès qu'elles ont pu avoir dans certains pays, je pense en particulier à la Suède. Dans ces pays, ce succès est évident et il l'est même au plan économique. Mais il est aussi vrai que les Suédois paient avec plaisir 58% de leur salaire en impôts et que les cotisations sociales y sont considérables. Ce sont donc des cultures qui sont très différentes mais qui méritent d'être investiguées... Ce qui vous fait sourire, Monsieur le député Reymond.
Que le plaisir de payer l'impôt soit retrouvé, parce que l'on retrouve son sens ! A cet égard, je me réjouis de prolonger, en commission des affaires sociales, un débat plus large sur la politique familiale, tout en vous remerciant de voter sur le projet tel qu'il est issu des travaux de la commission.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder au vote de la prise en considération de ce projet de loi.
La loi 9499 est adoptée en premier débat par 64 oui contre 5 non et 3 abstentions.
La loi 9499 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Madame la présidente, je demande l'appel nominal (Appuyé.)
La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9499 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 5 non et 2 abstentions.
Premier débat
Mme Beatriz De Candolle (L), rapporteuse de majorité. J'ai présenté dans mon rapport l'essentiel du projet de surélévation de l'aile sud de l'école de culture générale Henry-Dunant. J'aimerais souligner que ce projet de loi répond intelligemment à l'augmentation des effectifs du postobligatoire. D'ailleurs, même le rapporteur de minorité ne le conteste pas. Je vous invite donc à suivre la commission des travaux et à voter ce projet tel qu'il est présenté dans le rapport de majorité. Pour le moment je n'ai rien à ajouter mais je me permettrai d'intervenir à nouveau si cela est pertinent.
Présidence de M. Michel Halpérin, premier vice-président
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Nous avons affaire à un des premiers projets de lois d'investissement dont l'une des conséquences - d'une décision unilatérale du Conseil d'Etat, comme d'ailleurs celle qu'il a prise pour reporter les charges sur le dos des communes - est la baisse de cette petite subvention octroyée aux artistes et, plus particulièrement, au Fonds d'art contemporain de 1%. Le Conseil d'Etat est subrepticement passé de 1% à 0,5% à la faveur d'un changement de règlement qui a pour effet de modifier cette ponction sur les travaux sur trois ans. On nous promet, le cas échéant, d'introduire une ligne budgétaire pour réintroduire ce 1% dans les budgets ultérieurs 2008-2009.
Nous avons donc dit, en commission des travaux, que nous étions d'accord avec la surélévation, parce que, bien évidemment, c'est une économie de moyens et cela permettra à notre collectivité de mettre à disposition des locaux en suffisance en ce qui concerne l'école de culture générale. Encore faut-il que notre parlement, tout du moins sa majorité, vote les postes qui seront nécessaires lorsque ces bâtiments seront surélevés. Cela était le premier point.
Le deuxième point nous semble important, parce qu'il remet en cause un fonctionnement, une aide que notre collectivité dispensait aux artistes. Il la remet en cause de manière concrète et immédiate puisqu'au collège de Drize, par exemple, qui devait bénéficier de ce 1% culturel, les projets qui devaient être faits pour essayer d'introduire un peu les arts plastiques dans les bâtiments que nous construisons ont été purement et simplement abandonnés par les responsables du Fonds d'art contemporain. En effet, ce fonds va passer de 800 000 F à 400 000 F par année - certaines années, ce fonds s'élevait à 1,2 ou 1,5 million de francs. Les responsables de ce fonds ont donc décidé, pour sauvegarder l'essentiel de ce fonds, de laisser un certain nombre de projets qui avaient été agendés, notamment pour Drize, pour le Rolliet et le cycle d'orientation de la SEMA, qui nous sera bientôt soumis. Nous le regrettons.
Nous le regrettons d'autant plus que pour ce projet de 9,693 millions de francs, la somme que nous vous proposons de rajouter pour les artistes s'élève à 41 000 F. Lorsque j'ai proposé ce petit amendement en commission, il m'a été répondu qu'il n'était pas question de dépenser un franc de plus dans notre République - alors que la somme de 41 000 F, au regard de 9 millions, paraît dérisoire.
J'aimerais juste dire, pour terminer la présentation de ce projet, que le week-end passé, comme d'ailleurs ce week-end - je vous invite à parcourir notre ville - les ateliers des artistes que ce Fonds d'art contemporain soutient sont ouverts. Cela s'appelle «Ateliers portes ouvertes». Il y a plus de 200 personnes qui ouvrent leur atelier ou leur appartement - certains ont leur atelier dans leur appartement, parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Le week-end passé, je me suis promené et c'est une belle balade, surtout lorsqu'il ne fait pas beau, comme le week-end passé. Etant donné que le week-end prochain, la pluie sera de retour, je vous invite à aller voir la diversité culturelle... (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)Oui, enfin, vous pouvez aussi aller voir les artistes, il y a Caritas, effectivement. (L'orateur est interpellé.)Non, je n'ai aucun problème, je trouve qu'il est aussi important de soutenir nos artistes. Je vous recommande tout particulièrement d'aller voir un artiste qui ouvre son atelier une fois tous les trois ans. Il se trouve dans l'atelier de Giacometti, au 6 Terreaux-du-Temple, et vous y découvrirez avec stupéfaction, comme moi, ce que des artistes sont capables de produire à Genève.
Malheureusement, avec la disposition que vous allez prendre, vous allez leur enlever le peu d'argent que nous mettons à leur disposition. En effet, jusqu'à preuve du contraire, les productions artistiques n'ont jamais nourri leurs artistes. Cela se saurait ! En tout cas la majorité d'entre eux ne vivent pas des revenus de leur production.
Il est vital de soutenir la production artistique, quelle qu'elle soit sans à priori, pour permettre aux uns comme aux autres de pouvoir subsister et d'enrichir notre collectivité de gestes artistiques importants.
Mme Loly Bolay (S). L'école Henry-Dunant a été construite en 1981 et les projections qui ont été faites pour les années 2004 à 2007 démontrent une progression assez importante dans le postobligatoire. C'est la raison pour laquelle le projet qui nous est soumis ce soir vise à la surélévation d'une des ailes qui comporte un étage de moins que l'autre. La différence de niveaux entre les deux corps du bâtiment donne l'opportunité d'augmenter la capacité de l'école. L'école compte aujourd'hui 760 élèves. Les travaux envisagés visent à en augmenter le nombre d'environ 240, tout en préservant l'impact et le terrain, et tout en bénéficiant des infrastructures déjà en place. Ce crédit d'étude vise également l'aménagement et la mise en conformité aux normes de sécurité incendie.
Quant au rapport de minorité, nous, socialistes, avons soutenu l'amendement de M. Pagani. Nous le soutiendrons encore une fois, car nous considérons que diminuer le Fonds pour l'art contemporain de moitié n'est pas très pertinent.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je ne me prononcerai pas sur le fond du projet de loi, puisque je ne suis pas en mesure de dire si la politique suivie dans ce canton - politique qui consiste à pousser tout le monde dans le postobligatoire sans savoir si les jeunes qui y entrent auront des débouchés professionnels - est judicieuse. Le taux de chômage chez les jeunes est très élevé dans un canton comme Genève: on y mise tout sur le tertiaire alors que des pans entiers de l'économie souffrent du manque de main-d'oeuvre qualifiée et que nous devons faire appel à une main-d'oeuvre qui vient de l'extérieur. Un jour, il faudra bien se poser la question de savoir ce qui est pourvoyeur d'emploi et ce qui ne l'est plus.
M. Pagani a peut-être raison, sur le fond, lorsqu'il parle d'une diminution de moitié d'un fonds pour soutenir l'art contemporain - dont une fois tous les trois ans on verra peut-être les oeuvres exposées. J'aimerais toutefois rappeler que pendant la dernière législature, vous avez construit très peu d'établissements scolaires. On n'en a jamais autant construit qu'au cours de ces trois dernières années. Je suis sûr que, par le biais du volume de construction de ces trois dernières années, ce même avec une diminution de moitié de la contribution pour l'art contemporain - on pourrait demander le décompte au département - l'art contemporain aura reçu, en finalité, beaucoup plus à travers la construction des établissements scolaires pendant cette législature que lors de la précédente.
Pour ce motif, je vous demande de ne pas entrer en matière sur l'amendement de M. Pagani.
M. Jean-Claude Egger (PDC). Mme Loly Bolay a très bien expliqué ce crédit d'investissement pour l'école de culture générale Henry-Dunant.
Mon intervention s'adresse plutôt à M. Pagani qui ne lit pas toutes les choses. Cette diminution du Fonds cantonal a été clairement expliquée par M. Moutinot. Une ligne budgétaire a été créée. On aimerait éviter qu'il y ait des pics: les années où il y a beaucoup de constructions, il y a beaucoup d'argent, les années où il y a peu de constructions, il y a peu d'argent. Il faut peut-être donner l'explication jusqu'au bout. Un de nos conseillers d'Etat nous redonnera une explication tout à l'heure. Allez donc jusqu'au bout des choses !
Par ailleurs, vous parlez des ateliers ouverts et vous faites de la pub, alors j'en ferai aussi: il y a aussi des ateliers ouverts à Soral, vous pouvez aussi venir les visiter.
Mme Janine Hagmann (L). Vous savez très bien que notre groupe a toujours soutenu les projets scolaires, surtout quand on en a besoin. Donc il est évident que notre groupe soutient le rapport de Mme de Candolle, puisqu'elle a bien expliqué qu'on avait besoin de cet agrandissement.
Je me pose juste une question: pourquoi le Conseil d'Etat n'a-t-il diminué que de moitié la subvention pour ce Fonds d'art contemporain, puisque nous n'avons pas ici une construction nouvelle mais un agrandissement de collège ? Le collège, au moment où il a été construit, a bénéficié d'une oeuvre qui lui a été attribuée correspondant au pourcentage. Chaque fois qu'on va modifier un bâtiment public, faudra-il remettre une oeuvre ?
Cela pose question, surtout au moment où des discussions ont lieu pour savoir s'il n'est pas plus important d'avoir du personnel d'encadrement, des gens à la tête des classes, plutôt que de mettre de l'argent dans des fonds.
M. Jean Spielmann (AdG). Je n'entendais pas intervenir dans ce débat mais l'intervention qu'a faite M. Catelain tout à l'heure nécessite quand même quelques réponses. En gros, M. Catelain a dit qu'on dépensait trop pour former des jeunes et que, en définitive, on allait former des chômeurs. Selon M. Catelain, le problème tient dans le fait que notre collectivité investisse dans la formation des gens et pousse les gens à la formation.
Monsieur Catelain, permettez-moi de vous dire que nous vivons dans une société où il n'y a pas de matières premières. La seule matière première que nous puissions utiliser c'est l'intelligence des gens, à qui nous devons la formation et la préparation à une culture générale pour pouvoir faire face au futur. Vouloir couper dans les écoles et dans la formation me semble être une erreur politique fondamentale. Les positions que vous défendez ici ne sont pas acceptables et nous devons les combattre tant sur le plan des idées que sur le plan politique. Je trouve qu'il est important que ce Grand Conseil s'exprime, et je l'espère de manière unanime, pour continuer la réalisation des équipements de formation, parce qu'il n'y a pas d'autre alternative, aujourd'hui pour notre société, que celle de former les gens et de mettre à leur disposition des moyens qui permettent cette formation.
Je voudrais faire une deuxième observation et je m'adresse maintenant à Mme Hagmann et aux députés qui partagent son point de vue. Il ne s'agit pas, dans le cadre du développement ou de l'aménagement d'un collège, de créer une nouvelle oeuvre. Il s'agit d'un principe de fond que nous avions admis selon lequel nous considérions que sur l'ensemble du patrimoine bâti et des constructions, on consacrait 1% pour un fonds qui permette ensuite de financer des oeuvres et des artistes locaux. Ce pourcentage est faible, nous avons peu de moyens à dispositions, a fortiori dans une période où l'on investit peu. Par conséquent, il me semble particulièrement mal choisi de réduire de moitié le fonds qui permet de financer des artistes locaux.
Je trouve qu'il est aussi faux politiquement de ne pas investir dans l'intelligence et la recherche que de ne pas utiliser 1% sur les investissements de construction de l'Etat pour permettre la création d'un Fonds de décoration permettant aux artistes locaux de trouver un débouché à leurs oeuvres.
Je trouve, Mesdames et Messieurs les députés, que ces deux éléments sont étroitement liés et que nous voterons pour la réalisation scolaire, parce qu'il est nécessaire de fournir cet effort, et pour le maintien du minimum, c'est-à-dire le 1%, pour le Fonds de décoration qui permet aux artistes locaux de mettre des oeuvres à disposition. Ces oeuvres permettent ensuite de décorer l'ensemble du patrimoine bâti.
Cela me semble être une politique intelligente que de consacrer ce 1% dans un fonds qui permet ensuite, en fonction des différentes possibilités, d'acheter et d'équiper nos différents bâtiments publics d'oeuvres d'artistes locaux. Cela me semble une politique intelligente et j'espère qu'elle sera suivie par une majorité de députés qui partageront cette position.
M. Christian Grobet (AdG). Je suis affligé d'apprendre ce soir, au détour d'un débat, que le Conseil d'Etat a décidé de réduire de moitié les prélèvements qui sont effectués sur les crédits destinés aux grands travaux pour le fonds qu'on appelait en son temps le Fonds de décoration.
J'ignore si le Grand Conseil a été informé d'une manière ou d'une autre, peut-être que je n'ai pas été attentif - nous recevons beaucoup de documents - mais si le Grand Conseil doit apprendre, à travers un projet de crédit, que le Conseil d'Etat a procédé à cet acte, je trouve non seulement que c'est assez lamentable de la part du Conseil d'Etat mais aussi peu courageux de ne pas informer sur cette question et qu'il n'y ait pas un débat. En effet, cette question est importante.
On fêtera bientôt - ce ne sera même plus une fête - le septantième anniversaire de la création du Fonds de décoration qui, à l'époque - en pleine crise financière, je tiens à le dire - avait été un des faits marquants d'un Conseil d'Etat comptant parmi ses membres un éminent architecte au département des travaux publics. C'est cet architecte qui avait imaginé ce moyen pour que des oeuvres d'art soient intégrées dans des constructions et, par ailleurs, pour encourager les artistes locaux. Je pense que le Fonds de décoration de l'Etat - comme celui de la Ville, qui, créé à la même époque, s'est inspiré de cette démarche - constitue une politique marquante; cela existe dans d'autres pays. Cela est vraiment significatif.
Je regrette profondément que, comme sur le plan fédéral, ce soient les crédits culturels qui soient actuellement touchés. Maintenant, après avoir diminué les crédits pour l'aide aux pays en voie de développement, on s'en prend aux crédits culturels. C'est évidemment facile de s'attaquer à ce genre de crédits. Je pense cependant qu'il faut avoir le courage politique de défendre une politique comme celle-là, parce qu'une société sans culture est une société sans âme. Je ne fais que répéter ce que d'autres ont dit avant moi, bien entendu.
Le but de ce Fonds de décoration, Madame Hagmann, n'est pas d'intégrer systématiquement une oeuvre dans chaque bâtiment mais de cumuler l'argent prélevé sur des crédits pour faire des oeuvres qui sont, par la suite, intégrées dans des bâtiments. Tout à l'heure M. Catelain a dit la même chose que vous: qu'il s'agit d'une oeuvre pour cette école. C'est faux ! Peut-être que le Fonds de décoration décidera de faire une oeuvre intégrée dans cette école - je ne sais même pas s'il y en a eu une ou non. Mais cette oeuvre intégrée pourra être faite ailleurs. Le principe consiste donc dans le fait de dire que lorsque l'on construit, on affecte un pourcentage du crédit à l'oeuvre intégrée dans des bâtiments construits par les pouvoirs publics. Certains privés l'ont fait, mais ils sont très minoritaires. Je pense que, dans ce domaine, les pouvoirs publics mènent une politique véritablement significative, à Genève.
Je regrette de devoir dire - parce que je suis vraiment frappé par ce que j'apprends ce soir - que je considère qu'on est en train de saborder cette politique. Il n'y a aucune raison de créer une ligne budgétaire qui serait en dessous de ce pourcent, parce que les fonds n'ont pas à être dépensés sur une année. Ils peuvent être reportés. Une année, lorsqu'il y a plus d'argent, cela permet de financer les oeuvres d'une année creuse.
Je suggère de rétablir ce pourcentage et de voir comment un sujet comme celui-là ait pu être traité sans que le Grand Conseil ait eu à se prononcer à son sujet.
Le président. Merci, Monsieur le député. Comme je ne suis là qu'à titre supplétif, je vais donc appliquer rigoureusement les principes qui sont ceux de la vraie présidente de ce Grand Conseil en donnant la parole à M. Catelain qui s'est senti mis en cause. En ce qui me concerne, j'aurai une appréciation beaucoup plus rigoureuse que beaucoup d'entre vous de ce que signifie être mis en cause.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai mis en cause un type d'établissement ou un type de formation dont la finalité peut être discutable au vu des résultats fournis par l'office cantonal de la statistique. A aucun moment je n'ai mis en cause les crédits de formation.
Je remets en cause l'affectation du crédit de formation par rapport à des types de formations. Je crois que M. Spielmann a voulu dénigrer ce que j'avais dit. De sa part, cela me semble totalement déplacé.
Quant aux crédits, puisqu'on nous fait le reproche de vouloir contester le financement de ce fonds culturel, je vous rappelle que nous sommes effectivement dans une crise financière - le prochain débat nous le montrera. Nous ne sommes déjà plus en mesure de financer le nécessaire, encore moins de financer le souhaitable ou le superflu. J'attends d'ailleurs avec impatience, du Conseil d'Etat, des chiffres nous montrant l'évolution des recettes de ce fonds, sachant qu'il est tout aussi discutable que ce fonds évolue au gré des crédits de construction qui sont votés par ce parlement.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je vois que nous sommes au coeur du problème. M. Catelain parlait du superflu et semblait apparenter superflu et culture. Je trouve cela éminemment scandaleux, cela me rappelle des vieux clichés... (L'orateur est interpellé.)Vous venez de dire ça: il y a des choses superflues et ce fonds, pour vous, est superflu. Monsieur Catelain, la culture est quelque chose d'essentiel. Si vous ne vous en êtes pas encore rendu compte, tant pis pour vous. Toujours est-il que c'est nécessaire dans notre société et, partant de ce point de vue, je défendrai ce 1%.
Je trouve que dire que, parce qu'il y a des augmentations de travaux, on construit beaucoup plus d'écoles, c'est un pur mensonge, Monsieur Catelain, vous le savez très bien. Vous le savez puisqu'il s'agit de l'ensemble des investissements - M. Grobet l'a dit, vous devriez revoir vos dossiers. Nous investissons environ 300 millions de francs par année dans des travaux. De ces 300 millions, on retire 1% - et encore: il faut encore trouver quels types de travaux, car on ne prélève pas 1% sur des travaux informatiques. On retire donc 1% sur les travaux qui sont effectués au niveau des bâtiments. Cela fait que l'on arrive, je l'ai dit au début, dans les bonnes années à 1,2 million et, dans les années maigres - et nous nous trouvons en année maigre - à 800 000 F. Je vous rappelle que cela fait dix ans que cela dure.
Par conséquent, si vous considérez le pouvoir d'achat, un artiste utilisait moins d'argent qu'il n'en utilise aujourd'hui pour se nourrir. En effet, le pouvoir d'achat a diminué. Par conséquent, ces 800 000 F ont diminué en chiffres bruts. Ne venez donc pas dire: «Il y a eu beaucoup de travaux, ces dernières années, ce qui fait que le fonds aura de toute façon 800 000 F» ! Ce n'est pas vrai ! Nous passerons de 800 000 à 400 000 F. J'en veux pour preuve qu'un certain nombre d'oeuvres culturelles - des fontaines ou d'autres créations artistiques - qui devaient être intégrées dans les collèges ne le seront pas, et vous en portez la responsabilité.
Cela étant, le Grand Conseil n'a pas été consulté sur cet objet, alors qu'il aurait dû l'être. Politiquement, cela a un sens de dire que la culture subit des coupes budgétaires. Malheureusement, ce fonds «appartient» au Conseil d'Etat puisqu'il y a un règlement qu'il lui appartient de décider de changer. Il l'a d'ailleurs changé, à la faveur de je ne sais quelle discussion, et il a décidé d'enlever 400 000 F sur un budget déficitaire. Excusez-moi de dire ceci mais c'est franchement «gagne-petit» par rapport aux enjeux des artistes. Ces enjeux sont réels: ces artistes ne verront pas leurs oeuvres achetées à un moment ou à un autre, ils ne verront pas leur travail être soutenu, alors qu'ils ont besoin d'être soutenus. De ce point de vue, ce débat est nécessaire et on ne peut pas, en catimini, dire, je reprends ce que M. Egger a dit - excusez-moi, Monsieur Egger, mais vous ne maîtrisez pas ce dossier - à savoir que le Conseil d'Etat a substitué ce Fonds culturel à une ligne budgétaire. Cela n'est pas vrai.
Le Conseil d'Etat a dit, lorsqu'il a changé son règlement en catimini, qu'il verrait à introduire une ligne budgétaire en 2008-2009, puisque le règlement qui diminue de moitié ce Fonds culturel a été décidé pour trois ans. Ce sont trois ans de vaches maigres que l'on impose aux artistes de ce canton. Il y a une discussion à avoir sur cette ligne budgétaire, parce qu'aujourd'hui dès que l'Etat fait des travaux il retire 1%, c'est le fonctionnement de ce règlement.
Maintenant, ce sera 0,5%. Mais le jour où il sera question d'une ligne budgétaire, comme l'a dit mon collègue Grobet, toutes les années, cette ligne sera susceptible d'être coupée voire pas renouvelée. Et, toutes les années, ce que M. Catelain appelle le superflu sera mis au pilori. Cela est purement scandaleux.
Je vous invite donc à rétablir cette ligne budgétaire, au moins en attendant une réelle politique en faveur de la culture dans ce canton et que le Conseil d'Etat se décide à nous proposer une autre politique que celle de la coupe dans ce qu'il n'est pas nécessaire de couper.
Mme Beatriz De Candolle (L), rapporteuse de majorité. Je suis tout à fait d'accord qu'il est de notre devoir d'encourager l'art contemporain à Genève, et je me réjouis que le Conseil d'Etat mette en oeuvre un système de fonctionnement moins poussiéreux que par le passé.
En revanche, je suis consternée de voir que l'on utilise un projet de loi en faveur de nos jeunes - et, je le rappelle à M. Grobet, c'est une question importante - pour débattre d'un sujet qui mériterait que l'on s'y attarde. Mais pas ici, ce soir. Notre parlement a d'autres moyens de le faire. Comme M. Spielmann l'a dit, il est faux, politiquement, de le faire ici ce soir.
C'est la raison pour laquelle j'en appelle à votre responsabilité, à la responsabilité de chacun, pour voter ce projet de loi tel qu'il a été adopté par la commission des travaux. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Tout d'abord, j'aimerais parler de l'école de culture générale, pour vous rappeler que durant ces trois dernières années, le nombre d'élèves a augmenté de 360 et que, dans les débats de la commission des travaux, personne - et notamment pas le rapporteur de minorité ni le représentant de l'UDC non plus - n'a mis en cause la nécessité de cet agrandissement et des rénovations qui vont avec. Personne. Je vous demande par conséquent, sur cet objet qui est soumis au vote, de bien vouloir accepter le projet qui vous est soumis par le Conseil d'Etat et qui est totalement nécessaire, les différents spécialistes de la commission des travaux ayant examiné les éléments techniques du dossier.
En ce qui concerne maintenant l'amendement de M. Pagani, le Conseil d'Etat n'a pas agi «en catimini» pour la bonne et simple raison que le règlement a été publié dans la FAO, ce qui est tout de même une manière curieuse d'agir en catimini. (L'orateur est interpellé.)
Cela dit, je crois qu'il est évident que la culture, dans une société laïque, est le seul ciment qui nous unit et qu'elle doit, par conséquent, bénéficier des moyens nécessaires pour se développer. Les artistes sont l'un des éléments majeurs de cette culture.
Je vais essayer de vous expliquer l'histoire du Fonds cantonal d'art contemporain et pourquoi cette discussion est légèrement byzantine. Il est exact que le règlement, de longue date, prévoit qu'il est approvisionné, à raison d'un pourcent des crédits grands travaux, génie civil et bâtiment. Il se trouve que ces fonds sont versés au Fonds cantonal à achèvement des travaux. Cela fait qu'il est alimenté, année après année, en fonction de décisions prises plusieurs années auparavant, et en fonction de la plus ou moins rapide évolution du chantier. Il en résulte deux inconvénients. Un, le Fonds cantonal ne sait jamais à l'avance la somme d'argent dont il peut disposer. Deux, et plus grave, l'inspection cantonale des finances estime que ce système est parfaitement délirant.
Dans les efforts que le Conseil d'Etat a faits pour arriver au budget 2005, il a été décidé de réduire ce 1% à 0,5%. Les effets, Monsieur Pagani, ne s'en feront de toute évidence pas sentir en 2005, puisque, précisément pour une raison mathématique, le fonds recevra l'argent correspondant à des chantiers votés les années précédentes et terminés au cours de cette année. Malheureusement, vous le savez, les investissements grands travaux se réalisent rarement dans l'année dans laquelle vous les votez.
Ce que le Conseil d'Etat va faire, c'est proposer un système avec une ligne budgétaire soumise à votre approbation. Cela permettra par conséquent le débat que vous souhaitez. Cette ligne budgétaire ne devrait pas décevoir le fonds puisque, quand je suis allé lui présenter le projet, il l'a trouvé raisonnable. Ce projet se trouve dans les eaux à peu près actuelles, donc sans réduction majeure et peut-être même avec l'assurance d'une stabilité. Le système, en deux mots - mais le Conseil d'Etat en décidera - consiste effectivement à prendre une moyenne des dernières années des investissements grands travaux et de se maintenir dans cette fourchette mais par une ligne budgétaire que vous apprécierez.
Par conséquent, aujourd'hui, en acceptant le rapport de majorité, vous ne faites courir aucun risque à la culture ni aux artistes. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous invite à l'approuver.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder au vote de prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 71 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. La proposition d'amendement de M. Pagani est à soumettre au vote. Il s'agit, à l'article 1, alinéa 2, quatrième tiret, «Attribution au Fonds cantonal d'art contemporain», de passer de 36 000 à 72 000 F. Je mets aux voix cette proposition.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 40 non contre 36 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté.
Le président. A l'article 2 figure le deuxième amendement de M. Pagani. Il s'agit, à l'article 2, alinéa 2, quatrième tiret, «Attribution au Fonds cantonal d'art contemporain», d'accorder 10 000 F en lieu et place de 5 000 F. Je mets aux voix cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 40 non contre 35 oui.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 8.
Troisième débat
La loi 9464 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9464 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 73 oui contre 2 non et 5 abstentions.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente
Débat
M. Olivier Vaucher (L). La commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) a étudié cette proposition, suite à différents entretiens qu'elle a eus avec le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme à Genève, tout d'abord avec le prédécesseur de M. Sergio Vieira de Mello et ensuite avec M. Sergio Vieira de Mello lui-même. Ce dernier reconnaissait la très grande utilité, dans un canton comme Genève, siège de multiples organisations internationales et, de surcroît, siège du Haut Commissariat aux Droits de l'Homme des Nations Unies, d'un enseignement des Droits de l'Homme dans nos écoles. Pourquoi ?
Aujourd'hui, la jeunesse, nous l'avons évoqué en début de soirée par les différentes motions que nous avons traitées, connaît des regains de violence. Nous pensons qu'il est nécessaire que l'on inculque, auprès des jeunes, ce que sont les Droits de l'Homme. Ces derniers se divisent d'ailleurs en trois chapitres: les droits de l'enfant, les Droits de l'Homme et leur application.
Tout d'abord, en commission, j'avais proposé qu'il y ait un cours à chaque niveau de l'enseignement. Au primaire, les droits de l'enfant; au secondaire, les Droits de l'Homme; au supérieur, l'application de ceux-là.
Je regrette que le président du département concerné ne soit pas là ce soir pour parler de cette motion. Nous devons relever qu'il y a, aujourd'hui déjà, de nombreuses écoles ou de nombreuses commissions scolaires ou groupes de professeurs qui ont fait des séminaires, des cours, mais à titre individuel et non pas à titre collectif. Beaucoup de choses se font donc à Genève mais il serait souhaitable que cela soit institutionnalisé, cela, je le répète, car Genève est la «capitale» des Droits de l'Homme. Genève, ville internationale; Genève, ville du respect des Droits de l'Homme. C'est pour cela que la commission a travaillé sur cette motion, comme je l'ai dit au départ, en collaboration avec le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme.
Bien entendu, à mes yeux, je dois vous le dire, Madame la présidente, et à regret, nous n'avons pas retenu ce que j'avais souhaité au départ, c'est-à-dire l'enseignement des trois parties à chaque niveau scolaire.
Nous avons déposé une motion de l'ensemble de la commission qui demande d'envisager cet enseignement dans nos écoles genevoises. Je n'allongerai pas plus longtemps. Je pense que cet enseignement est indispensable et j'espère... (Le député regarde en direction des conseillers d'Etat.)Y a-t-il un conseiller ? Ah oui, il y a une conseillère d'Etat ! J'espère que le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion permettra aux conseillers d'Etat concernés de donner une suite favorable et constructive à celle-là. En effet, nous le répétons: il est indispensable, tant au regard de la violence que nous trouvons dans nos écoles qu'au regard de l'application des Droits de l'Homme en général - nous parlions encore tout à l'heure du respect. Je crois qu'il est important que nous puissions aller de l'avant avec une motion qui permettra de généraliser et d'institutionnaliser l'enseignement de ces Droits de l'Homme dans les écoles genevoises.
Au niveau des organisations internationales qui siègent à Genève, il sera notoirement reconnu de savoir que l'Etat de Genève se préoccupe d'enseigner ces droits dans les écoles.
C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que l'ensemble de la commission vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, de manière qu'il y donne une suite nécessaire et favorable. (Applaudissements nourris.)
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants.
M. Georges Letellier (HP). J'ai déposé un amendement sur cette proposition de motion, je pense que cela a été signalé. Après les débats, nourris mais malheureusement stériles, sur la violence à l'école, j'enchaîne avec l'enseignement des devoirs à l'école, qui est une des réponses au problème posé et qui fait l'objet de mon amendement.
«Vis en fonction de ta conscience car à la fin, c'est elle qui te juge !» Pour celui qui a toujours pratiqué cette maxime au plus près de sa conscience, s'entendre dire que les devoirs sont compris dans les droits est durement ressenti comme une atteinte à la liberté d'expression, surtout lorsque l'on constate que, malgré les droits toujours plus réducteurs des libertés, les incivilités, qui continuent d'augmenter, sont médiatiquement banalisées voire institutionnalisées pour les besoins d'une mondialisation réalisée au pas de charge, sous la férule des Droits de l'Homme. Il est donc nécessaire et prioritaire, pour le respect de l'Homme et des citoyens, d'introduire et de maintenir un équilibre entre ses droits et ses devoirs, pour le bien de la justice et le maintien de la démocratie.
En clair, il nous faut reprendre l'enseignement des devoirs civiques et moraux à l'école et ne pas laisser porter cette énorme responsabilité aux seuls parents, pour des raisons pratiques et doctrinaires. La France, berceau des Droits de l'Homme, l'a très bien compris et vient de réintroduire les devoirs dans son programme scolaire d'éducation, admettant du même coup que l'enseignement des droits sans son corollaire, les devoirs, c'était la porte ouverte à l'intolérance, à l'irrespect d'autrui et aux incivilités.
Le Mahatma Gandhi l'a d'ailleurs déclaré: «Il n'y a pas de droits sans devoirs et pas de devoirs sans droits.» Ce grand humaniste savait sans doute que la distinction et l'équilibre entre les droits et les devoirs était la condition sine qua non à la réalisation et au maintien de la démocratie. Vouloir étouffer les devoirs dans le carcan des Droits pour des raisons idéologiques est largement ressenti, par le citoyen, comme une tentative d'asphyxie de la conscience conduisant inévitablement à la pensée unique totalitaire. Ayons la sagesse de suivre la France, berceau des Droits de l'Homme, qui n'a pas hésité à réhabiliter sa conscience en réintroduisant l'enseignement des devoirs à l'école.
Au nom des devoirs et afin qu'ils retrouvent leur place dans l'enseignement scolaire, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre l'exemple de nos voisins en soutenant cet amendement.
Je sais que cela ne fait pas plaisir mais il y a des choses qui doivent être dites. (Manifestation dans la salle.)Les devoirs doivent être respectés. Il n'y a pas seulement des droits. Il faut défendre les devoirs et vous verrez que les choses iront beaucoup mieux.
Mme Nelly Guichard (PDC). Nous n'avons évidemment rien contre la proposition de développer ou de renforcer l'éducation aux Droits de l'Homme dans les écoles genevoises, sur un plan général. Pour ce qui est des devoirs, je ne me prononcerai pas.
L'idée de mettre en place des formations adéquates pour les enseignants ne peut être que soutenue. Cependant, il faudra trouver, dans le concret, une approche qui ne consiste pas simplement à rajouter une matière à un programme que l'on dit déjà surchargé. A notre avis, il paraît opportun de regrouper cette sensibilisation avec l'éducation citoyenne. Nous en profitons pour rappeler que le support, dans ce domaine, existe, mais qu'il est insuffisamment utilisé. Plus précisément, il est utilisé à bien plaire, à peu de choses près.
Tout comme nous ne demandons pas un cours particulier sur le fait religieux, nous ne demandons pas la mise sur pied d'un programme particulier au sujet des Droits de l'Homme. Nous laisserons à la commission de l'enseignement, le soin de trouver le moyen d'intégrer cette motion dans le cursus scolaire et dans le programme existant.
M. Jean Rossiaud (Ve). La commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) a signé, à l'unanimité, cette motion. Par conséquent, j'y adhère pleinement.
Une voix. Presque à l'unanimité !
M. Jean Rossiaud. Presque à l'unanimité. Cependant, je suis de ceux qui pensent que la mission primordiale de l'école est d'enseigner à bien lire, écrire et compter.
Quelques voix. Ah ! Bravo !
M. Jean Rossiaud. En effet, comment défendre la démocratie et les Droits de l'Homme eux-mêmes, si chaque citoyen ne possède pas cette instruction de base ? Comment faire de chacun un citoyen capable de comprendre les enjeux démocratiques et d'exercer un esprit critique ?
Mais cette base-là ne suffit pas toujours. C'est pourquoi, les enseignants le savent d'ailleurs parfaitement, il faut enseigner les bases des Droits et des devoirs du citoyen dans un cadre démocratique, et tout d'abord les droits de l'enfant.
Cette motion s'intitule «Pour le développement de la promotion des Droits de l'Homme dans les écoles de Genève», et c'est bien que les députés sont conscients du fait qu'il se fait déjà beaucoup de choses en la matière et que les enseignants mettent déjà énormément de choses en oeuvre dans ce sens. Il faut aujourd'hui systématiser cela. Il faut également systématiser la formation des enseignants en la matière. Il s'agit bien de mettre en évidence ce qui relève des droits et ce qui relève des devoirs de chacun, de la responsabilité civique telle qu'elle est donnée dans les révolutions américaine et française. Il s'agit également de mettre en évidence l'histoire des Droits de l'Homme au fil des siècles. Parce que ces Droits de l'Homme ont au fond évolué et sont le fruit à la fois des révolutions libérales et radicales... (Manifestation dans la salle.)... à la fois du mouvement ouvrier, du mouvement socialiste et des droits économiques, sociaux et culturels. Il faut englober, dans la notion des Droits de l'Homme, non seulement les droits économiques, sociaux et culturels mais aussi les droits de la troisième génération, ceux qui sont aujourd'hui défendus par les Verts, notamment le droit des générations futures à un environnement sain. (L'orateur est interpellé.)Non, Monsieur Weiss, pas le droit des souris. Le droit des générations futures.
Enfin, il faut surtout enseigner que le droit est avant tout la force du faible et qu'il est du devoir de chacun de rester attentif à ce que les droits soient préservés, défendus et élargis vers davantage de liberté, d'égalité et de solidarité.
M. François Thion (S). Le parti socialiste est tout à fait d'accord avec cette motion. Nous sommes tout à fait enchantés par cette motion visant à renforcer l'éducation des Droits de l'Homme et de l'enfant. C'est vrai qu'il se fait déjà un certain nombre de choses, à l'école primaire, au cycle d'orientation et au collège, mais c'est insuffisant. Par cette motion, on pourra développer un peu cet enseignement.
Cela n'était pas très clair dans la motion, c'est pour cela que j'aimerais que l'on parle aussi que de l'enseignement des Droits de l'Homme et de l'enfant chez les apprentis. Il ne faut pas s'arrêter au cycle d'orientation, ainsi qu'au collège et à certains cours de l'école de culture générale. Les apprentis ont aussi besoin de cet enseignement.
Au niveau de l'école primaire, pour avoir déjà beaucoup discuté avec des collègues, je sais que les choses se font. Cela démarre dès l'école enfantine; c'est repris ensuite un peu plus tard, au cycle d'orientation - dans des cours d'histoire et de géographie et d'éducation citoyenne. Il existe un matériel, la brochure «Pratiques citoyennes». Le chapitre 7, par exemple, consacre une partie aux Droits de l'Homme, aux droits de l'enfant... (L'orateur est interpellé.)Non, ce n'est pas aussi petit que cela, c'est assez important, Monsieur Vaucher. Il existe aussi du matériel au sein de l'ONU. Il existe aussi du matériel à Lausanne, dans une fondation qui s'appelle «Fondation Education et Développement»; c'est un centre de documentation qui travaille pour les écoles romandes et qui fait un très bon boulot. Les élèves peuvent directement téléphoner et recevoir le matériel. Il y a donc un certain nombre de choses qui existent déjà.
Je trouve également que l'idée de la formation des enseignants est intéressante. Avec la Déclaration de Bologne, il ne faudra pas trop de cinq ans pour former comme il faut ces enseignants si l'on veut aussi les former aux Droits de l'Homme.
Pour terminer, j'aimerais aussi insister sur la visibilité. Monsieur le conseiller d'Etat, il ne suffit pas de vouloir enseigner les Droits de l'Homme et l'éducation citoyenne. A un moment donné, il ne faut pas que ce ne soient que quelques maîtres ou maîtresses militants qui donnent ces cours; il serait bien que l'on puisse le voir dans toutes les écoles. Je pense que c'est votre travail d'organiser cette visibilité de l'enseignement des Droits de l'Homme et des droits de l'enfant à travers l'école.
M. Thomas Büchi (R). S'il est vrai que cette motion est le fruit d'un travail unanime de la commission des Droits de l'Homme, je voudrais tout d'abord rendre hommage à Sergio Vieira de Mello qui a été le véritable initiateur de cette motion. Nous avons eu le privilège de le recevoir, peu avant son assassinat en Irak, à la salle de l'Alabama, et c'est lui qui a évoqué, devant notre commission, les pistes avec lesquelles notre commission devait continuer à travailler.
La piste de l'enseignement a été très clairement proposée par M. de Mello. C'est donc suite à cette proposition que notre commission a décidé de travailler sur cette motion. Il a fallu du temps pour arriver au consensus - cela n'a pas été simple, parce qu'il y a beaucoup d'avis, tout le monde a une notion quant à ce que sont les Droits de l'Homme.
Ce qui nous a surpris dans ce travail c'est tout d'abord que nous pensions, même s'il y a des intentions louables au niveau du département, qu'il y avait déjà une forme d'enseignement systématique sur la question des Droits de l'Homme. En fait, pas du tout; il y a plutôt beaucoup de bonne volonté mais aussi beaucoup de dispersion. En cela, cette motion est vraiment salutaire et le conseiller d'Etat M. Beer y a adhéré dès le départ.
Je ne peux néanmoins m'empêcher de m'étonner de l'attitude un peu particulière de l'UDC ce soir puisque, Monsieur Letellier, vous êtes intervenu - mais, il est vrai, vous n'êtes plus membre de l'UDC depuis peu, mais enfin vous l'étiez, et M. Catelain est inscrit. Pendant trois ans, on n'a jamais vu un seul membre de l'UDC dans notre commission. (Rires.)Depuis peu, Mme Bartl y siège; mais vous ne vous êtes jamais intéressés aux questions des Droits de l'Homme, et tout à coup, ce soir, vous vous réveillez. Cela est quand même surprenant. Je tenais à le relever.
Pour le reste, je pense que, contrairement à ce que vous avez dit, Madame Guichard, il nous a fallu presque une année pour mettre cette motion en place. Je suggère de ne pas la renvoyer encore à la commission de l'enseignement et, ainsi, de ne pas passer encore des semaines en palabres. Cette motion doit aller au Conseil d'Etat et c'est à lui de nous faire des propositions concrètes pour que l'enseignement sur les notions des Droits de l'Homme soit introduit dans l'école genevoise.
Je tiens encore à dire que nous avons bénéficié d'un matériel très important mis à disposition par le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme qui s'est déjà abondamment penché sur la question. Ce matériel nous a été très utile pour préparer ce document. Surtout, le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme souhaite vraiment que Genève montre l'exemple et serve de pilote afin que cette expérience puisse être reconduite dans d'autres endroits du globe, pour que la promotion des Droits de l'Homme soit poursuivie. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Evidemment, les questions des Droits de l'Homme à l'école sont importantes. L'amendement de l'UDC nous pose problème parce que, certes il y a des devoirs, mais, en ce qui nous concerne, nous sommes plutôt pour les devoirs à la maison, dans le cadre de l'école.
En ce qui concerne ce que nous avons eu l'occasion d'entendre en commission, j'aimerais dire que beaucoup de projets se font maintenant et qu'il y a énormément d'enthousiasme. Mais la commission a surtout relevé un manque de cohérence globale. Ce n'est pas dans l'idée de changer les programmes scolaires que notre motion a été déposée - j'espère que je ne trahis pas vos idées, Monsieur Vaucher - mais plutôt dans l'idée d'avoir une meilleure visibilité et une plus grande cohérence globale de cet enseignement des Droits de l'Homme à l'école.
Pour revenir sur l'amendement UDC, les devoirs des uns sont les droits des autres et parler des Droits de l'Homme consiste essentiellement à parler du devoir de respect des autres. Les droits des minorités, les droits des plus faibles sont essentiellement dus au respect que les plus forts donnent à ces plus faibles. C'est pour cela que la notion de Droits de l'Homme inclut la responsabilité et les devoirs de toute la collectivité.
M. Michel Halpérin (L). Je suis heureux que l'ancien président de la commission des Droits de l'Homme, M. Büchi, ait évoqué la mémoire de Sergio Vieira de Mello, parce que c'est effectivement dans le contexte des contacts qui ont été créés entre notre commission parlementaire des Droits de l'Homme et le Haut Commissariat des Nations Unies, qu'il dirigeait alors, que cette idée est née, comme l'a aussi rappelé mon collègue M. Vaucher. Je voudrais rapidement apporter un apaisement aux inquiétudes que j'ai senties s'exprimer ici et là.
D'abord, Monsieur Thion, le but de cette motion est de couvrir tous les stades de l'enseignement quels qu'en soient les destinataires et par conséquent il va de soi que les apprentis n'en sont pas exclus.
Deuxièmement, par rapport à d'autres remarques, comme celle qu'a faite Mme Guichard, nous savons que les programmes scolaires sont chargés. Cela nous a très bien été expliqué en commission et nous avons pris le plus grand soin pour libeller cette motion de manière qu'elle atteigne deux objectifs. Le premier est de faire savoir aux membres du corps enseignant que le parlement a conscience du travail tout à fait considérable qu'ils ont déjà fait - seuls, spontanément et avec l'appui du département - que le parlement en a conscience, qu'il leur en est reconnaissant, qu'il salue ce travail et qu'il les encourage pour la suite.
La deuxième piste que nous avons voulu formuler - et nous avons, là aussi, voulu faire un choix de termes relativement attentif - c'est qu'il n'est pas nécessaire d'instaurer, à ce niveau, des programmes spécifiques. Nous savons que les programmes sont chargés et nous pensons que c'est à l'école, au sens le plus large, de voir de quelle manière ces programmes peuvent être mis en place. Vous l'aurez sans doute observé, nous avons d'ailleurs mis l'accent - c'est la deuxième invite - sur le fait d'«encourager la création de programmes permettant la mise en oeuvre active, par les élèves eux-mêmes [...]». Il ne s'agit donc non pas simplement d'un enseignement ex cathedra mais plutôt de faire en sorte que, dans une approche construite de la relation que les élèves entretiennent les uns avec les autres et avec leurs enseignants, ils puissent mettre en pratique - et pas seulement en théorie - les concepts que nous nous efforçons de rappeler ou de promouvoir et qui sont, en définitive, ceux que l'on regroupe sous le terme de Droits de l'Homme.
Il n'est pas nécessaire que j'insiste longtemps ici sur le fait qu'en matière de Droits de l'Homme, que l'on soit protagoniste, adversaire ou partisan des première, deuxième et troisième générations est un débat secondaire. Globalement, les Droits de l'Homme, c'est le respect de la dignité des humains. Ce respect doit s'exprimer dans la quotidienneté de nos relations les uns avec les autres. En ce sens, je peux comprendre la proposition de M. Letellier qui consiste à dire: «Aujourd'hui, tout le monde prétend avoir des droits et personne ne veut assumer les devoirs qui vont avec.» C'est un constat pessimiste et désabusé sur la condition humaine. Il n'est pas forcément faux; mais ce n'est pas parce qu'il n'est pas forcément faux qu'il faut suivre la proposition d'amendement qui vous est soumise, pour deux raisons.
La première est que, comme nous avons pris la peine de rappeler que le respect des droits de chacun d'entre nous prime sur tout - parce que nous sommes des humains - cela signifie que nous avons le devoir, chacun, individuellement et collectivement de respecter ces droits. Cela signifie aussi, Monsieur Letellier - je le rappelle parce que c'est un débat récurrent depuis la création de cette commission et je regrette que vous viviez cela comme une atteinte à votre liberté d'expression, qui est aussi un Droit de l'Homme et vous voyez que, de temps en temps, vous revendiquez aussi vos droits - je dis que le terme des Droits de l'Homme est un nom propre qui comporte les droits et les devoirs, et réaffirmer les uns, c'est nécessairement réaffirmer les autres, même s'il arrive à quelques-uns, ici ou ailleurs, de l'oublier. (Applaudissements.)
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Pour le département de l'instruction publique, cette motion est une occasion à ne pas manquer. J'aimerais chaleureusement remercier les motionnaires de leur interpellation. En effet, si, en commission, vous avez pu relever l'actuel travail de qualité au département, en faveur d'un enseignement des Droits de l'Homme, vous aurez en même temps constaté que, comme dans d'autres domaines du reste - on l'a vu tout à l'heure avec la prévention - tout n'est pas systématisé. J'allais même dire qu'au contraire beaucoup de choses relèvent de l'initiative personnelle ou de l'initiative d'établissements, même si ces dernières sont largement soutenues par le département. Il nous revient donc de systématiser une intervention en faveur des Droits de l'Homme.
L'enseignement des Droits de l'Homme est aussi difficile à assurer que tout enseignement transversal, comme la transmission du fait religieux, de l'égalité ou du développement durable. Il s'agit, sans revoir les programmes, d'intervenir pour systématiser des transmissions de savoirs mais également de valeurs, à travers la transmission de connaissances plus traditionnelles, telles qu'elles découlent des plans d'études.
Je vous remercie d'avoir résisté à la tentation de demander une heure dévolue à l'enseignement des Droits de l'Homme parce que, vous l'avez relevé à juste titre, l'enseignement est déjà largement chargé et que, parallèlement, les enseignantes et les enseignants tiennent malgré tout à une certaine liberté d'action et d'appréciation, tout en respectant la transmission aux élèves qu'ils se doivent d'assurer.
Nous avons donc l'occasion, à travers une réponse que je m'engage à vous rendre très rapidement, de dire tout ce qui est fait, tout ce qui sera entrepris demain, dans la formation continue et dans les plans d'études, de manière à s'assurer que cette motion ne soit pas un voeu pieux mais qu'elle puisse entrer dans les faits. En effet, la transmission des valeurs et le «vivre ensemble» en dépendent, ce que vous n'avez pas manqué de relever tout à l'heure, d'où le lien avec la motion traitant de la violence scolaire.
La pensée de Sergio Vieira de Mello est non seulement le coeur de cette motion mais elle nous permettra également, au niveau du département de l'instruction publique - cela vous sera communiqué par le biais de la réponse à la motion - d'utiliser sa pensée et son action en faveur d'actions du département pour promouvoir l'enseignement des Droits de l'Homme et, plus généralement, sa pensée et les valeurs qui sous-tendaient son action.
Tout ce que nous avons évoqué tout à l'heure avec le «vivre ensemble» a mis en évidence, notamment à travers une politique équilibrée entre sanction et prévention, qu'il y avait une nécessité de transmettre partout le sens de l'autorité - dans le bon sens du terme - qui allie droit et devoir. Est-ce que pour cela s'agit-il pour autant de revoir complètement l'utilisation des mots, des valeurs telles que nous pouvons y adhérer ? Je pense qu'il y a une erreur à ne pas commettre, Monsieur Letellier. On ne dit pas un «Etat de droit et de devoirs», on parle des droits des citoyens, on parle des droits démocratiques. On ne parle pas des droits et des devoirs démocratiques. Il faut différencier le contenu d'une action de l'intitulé permettant de transmettre notre Etat de droit.
J'espère pouvoir vous répondre au cours des tous prochains mois sur cette motion qui me paraît importante pour l'avenir de l'enseignement pour nos enfants.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'un amendement, présenté par M. Georges Letellier, qui consiste à rajouter, après «Droits», «devoirs», dans la première phrase introduisant les invites et dans la première invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 8 oui.
Mise aux voix, la motion 1597 est adoptée par 69 oui (unanimité des votants).
Débat
M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais tout d'abord rendre hommage à M. Robert Ducret, ancien président du Conseil d'Etat et conseiller d'Etat, qui fut le premier à proposer la vente du surplus de l'or de la BNS. Il a fait cette proposition à M. Willi Ritschard et à M. Otto Stich, il y a de cela une vingtaine d'années déjà. A l'époque, M. Stich avait refusé, et l'or valait 32 000 F le kilo. Ce n'est qu'à l'arrivée de M. Kaspar Villiger au Conseil fédéral que l'idée fut reprise et qu'une moitié du stock de la BNS fut mise en vente. Malheureusement, entre-temps, le prix de l'or était redescendu à 16 000 F le kilo, soit la moitié.
L'entêtement de la BNS et du Conseil fédéral de l'époque auront coûté près de 20 milliards à la collectivité, respectivement 0,5 milliard au canton de Genève.
Une voix. C'est scandaleux !
M. Hugues Hiltpold. La motion que le groupe radical a déposée en début d'année demande simplement que les bénéfices qui émanent de la vente de ces réserves d'or excédentaire de la BNS soient exclusivement affectés au remboursement de la dette cantonale.
Il est vrai que pour d'autres cantons, qui connaissent des niveaux d'endettement différents de celui de Genève, le remboursement de ces dettes est beaucoup plus éloquent alors qu'à Genève la part, en proportion de la dette, est somme toute assez moindre, puisqu'elle ne représente que 5%.
On l'a vu lors de la présentation des comptes 2004, le montant de la dette avoisine les 12,5 milliards et, en une année, il y a eu une augmentation de l'ordre de 900 millions de francs. C'est vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, combien cette situation démontre qu'il est important que nous consentions à un certain nombre d'efforts pour réduire le déficit structurel de notre canton. Lorsque nous avons la chance d'avoir une manne providentielle que perçoit notre canton, nous n'avons pas d'autre choix que de rembourser notre dette avant d'imaginer pouvoir nous offrir ce que nous souhaiterions, aussi noble que puisse être la cause.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical vous recommande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et de ne pas entrer en matière sur la motion du groupe socialiste qui demande au Grand Conseil de se déterminer sur l'affectation de la dette. Parce que si d'aventure notre Grand Conseil devait statuer sur l'affectation de cet argent, nous serions dans la même situation que le Conseil national et il nous faudrait un certain nombre d'années avant de savoir quoi faire de cet argent. La situation est grave; nous devons donner un signal politique fort et ce signal consiste dans le remboursement de la dette et le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Sami Kanaan (S). Comme M. Hiltpold vient de le relever, ce débat est lié à la motion 1630 qui porte exactement sur la même thématique. Nous sommes un peu surpris par la motion radicale, parce que, dans ce débat, il faut bien différencier deux choses. Le canton de Genève va encaisser une somme proche de 550 millions de francs. De toute manière, cela aura un effet positif sur la trésorerie de l'Etat de Genève et, forcément, quant à la gestion de la dette. Cela peut soit retarder le prochain emprunt soit aider à rembourser un emprunt qui arriverait à échéance. Cela est l'affaire des spécialistes du département des finances. L'effet positif est de toute façon présent. C'est vrai que l'on pourrait s'arrêter là; on n'aurait besoin ni de la motion radicale, ni de la motion socialiste. En effet, aux comptes d'Etat 2005, donc au printemps 2006, cela apparaîtrait comme une recette extraordinaire non budgétée qui améliorerait artificiellement - bien que ce soit aussi de la trésorerie réelle - les comptes de l'Etat pour l'année 2005. Nous pourrions nous arrêter là et nous n'aurions pas à voter la motion radicale.
Le but de la motion socialiste est de dire que vu la nature de cette recette, vu l'histoire de ce «patrimoine», c'est la moindre des choses que ce soit le parlement qui décide si, oui ou non, il veut l'affecter de manière particulière - éventuellement à la dette ou à d'autres buts. Vous avez vu la motion socialiste, elle se contente de dire que c'est au parlement de décider. A partir de là, nous verrons qui est majoritaire, qui propose quelles idées. Je reconnais que, sur un point, M. Hiltpold a raison: il est évident que si le parlement décide, toutes sortes d'idées peuvent apparaître. Cela dit, le Conseil d'Etat aussi peut s'amuser à ce petit jeu. Passer par le parlement peut prendre du temps mais il me semble que toute autre solution reviendrait à manquer de respect à tous ceux qui ont contribué à cette richesse à travers les siècles.
Cet or ne vient pas de nulle part, il n'est pas «tombé du ciel». Ce n'est pas un gain à la loterie que la Suisse aurait fait à «Euromillions». C'est le patrimoine cumulé de toutes les générations qui nous ont précédés, qu'elles soient riches ou pauvres, suisses ou immigrées, jeunes ou âgées, et qui ont contribué à cette richesse.
La Suisse était un pays très pauvre, au XIXe siècle. Peu à peu, elle a réussi à se constituer un patrimoine, sous différentes formes, y compris sous la forme de l'or de la Banque nationale. A l'époque où l'or était vraiment vital pour consolider une monnaie, cet or a joué un rôle décisif pour que le franc suisse devienne ce qu'il est encore aujourd'hui, c'est-à-dire une monnaie de référence extrêmement solide. Sans cet or, notre monnaie n'aurait pas le statut de monnaie-refuge, de monnaie très stable, qu'elle a eu et qui a beaucoup contribué à notre économie. Il est donc un peu court de vouloir liquider cette somme comme simple recette de trésorerie. Je vous rappelle que cette somme a, de toute façon, un effet bénéfique sur la trésorerie et qu'il n'y a pas besoin de voter à ce sujet, qui mérite un débat démocratique dans ce parlement.
Le parti socialiste n'a pas encore d'idée préconçue sur ce que l'on pourrait faire de cet argent. Les raisonnements du groupe radical, dans les considérants et dans l'exposé des motifs, montrent bien que l'effet sur la dette est, malheureusement, tout à fait marginal. Nous n'avons pas la «chance» du canton de Berne qui a le «jackpot» de cette répartition, puisqu'il encaissera environ deux milliards - parce qu'il se trouve que ce canton est considéré comme moins riche que le canton de Genève dans la classification suisse - ou le canton de Fribourg, qui encaissera 750 millions.
Je trouve que les débats qui ont lieu dans d'autres cantons sont très intéressants. Je sais que, dans le canton de Neuchâtel, on parle de formation en lien avec le chômage; on parle d'infrastructures de transports. Ce débat vaut aussi la peine, parce que c'est aussi une manière d'exprimer quelles sont les priorités. Peut-être que nous ne serons pas d'accord tout de suite. D'ailleurs, je serais tout à fait d'accord de dire que cette décision du parlement doit être prise dans un délai donné, sinon cela deviendrait ridicule. Cette décision devrait être prise courant 2005, sinon ce sera, techniquement, une recette de trésorerie. Par conséquent, pour l'esprit de la motion, cela manque expressément dans l'invite, nous aurions pu mettre que cette décision devrait être prise d'ici à fin 2005, pour ne pas perdre de temps.
Le groupe socialiste trouverait regrettable de liquider ce sujet sans autre: ce serait un manque de respect pour nos générations antérieures. C'est pourquoi je vous invite vivement à voter la motion 1630.
M. Christian Grobet (AdG). Il n'y a pas si longtemps, le parti radical nous annonçait un programme novateur pour les prochaines élections. Vous me permettrez de dire que votre proposition est une démarche économique passéiste.
Certes, la dette est préoccupante et il faut éviter qu'elle n'augmente. Cependant, tenter d'amortir la dette avec ce montant, qui ne correspondra qu'à une petite partie de la dette, n'aura aucun effet du tout. Il faudrait s'atteler à ce que notre budget soit équilibré mais en répondant à la crise des recettes, que vous avez provoquée.
Les pouvoirs publics - et notre canton en particulier - sont actuellement confrontés à un autre problème. En effet, en raison de notre situation financière, que vous avez créée en baissant les impôts pour les plus favorisés et pour les personnes qui ont des très grandes fortunes, nous n'arrivons actuellement plus à financer des projets d'envergure qui seraient nécessaires à l'avenir du canton.
On parle beaucoup de la nécessité prioritaire de construire du logement, et surtout du logement accessible à la majorité de la population. On parle de logements pérennes, on dit vouloir garantir un socle de logements accessibles à la partie de la population qui est la plus défavorisée, mais on n'a pas les moyens pour le faire. Voilà un premier exemple.
Le projet du CEVA, extrêmement important pour la politique des transports du canton - car si l'on n'arrive pas à développer les transports publics de manière efficace, les déplacements seront difficiles dans notre canton. Non seulement cela représente une perte au niveau de la qualité mais cela constitue aussi un impact très négatif pour l'économie.
Par voie de conséquence, nous sommes clairement en faveur de l'affectation du montant du produit de la vente de l'or revenant au canton à des projets d'envergure que nous n'avons actuellement pas les moyens de financer. Il s'agirait évidemment de les déterminer, parce que les uns et les autres feront certainement des propositions différentes. En cela, la motion du parti socialiste est sage et réaliste lorsqu'elle dit qu'il faut réfléchir ensemble à l'affectation de cette manne à laquelle nous ne nous attendions pas et dont notre canton va bénéficier. Affecter cette manne à la diminution de la dette sans avoir résolu les problèmes de l'augmentation de la dette constitue un coup d'épée dans l'eau qui n'aura aucun effet.
J'en parlais tout à l'heure à un éminent économiste de la députation d'en face, cloué chez lui à cause de la grippe, qui me disait - il m'a autorisé à le dire - qu'il trouvait totalement incongru d'affecter cette somme à la diminution de la dette. Selon lui, il faudrait créer une fondation qui puisse gérer ce montant de manière intelligente et servant à l'avenir de notre canton. Il est certain que nous avons un boulet au pied, à cause de la dette, mais il ne faut pas regarder en arrière - j'allais dire Mesdames et Messieurs les radicaux, mais il n'y a que des hommes, donc Messieurs les radicaux. Ce n'est pas en tournant la tête en arrière que nous fortifierons notre canton.
Je suggère que cette motion soit renvoyée, avec la motion socialiste, en commission, afin qu'un véritable débat sur les objectifs d'utilisation de cette manne de la Banque nationale puisse avoir lieu à l'intérieur du Grand Conseil, sachant que d'autres propositions interviendront peut-être aussi de certains milieux sur des questions de ce genre. Je pense que cela vaut la peine de faire ce travail de réflexion.
M. David Hiler (Ve). Nous avons été un peu surpris par la motion socialiste; pas sur la demande qu'il y ait un débat mais sur l'idée qu'il pourrait ne pas en avoir un. Car en réalité, chaque année a lieu un débat sur le budget de l'Etat et un débat sur les comptes de l'Etat. Cette recette, si j'ai bien compris, va intervenir pendant l'exercice 2005, de sorte que cela concernera les prochains comptes que nous étudierons. J'ai de la peine à voir comment il pourrait nous échapper. Le débat sur les ressources disponibles a lieu chaque année.
Par ailleurs, j'insiste sur le fait que ce sont des vases communicants: vous pouvez créer une fondation pour subventionner le CEVA, cela donnera moins de besoins d'investissements dans le budget de l'Etat, et on pourra payer autre chose par ce biais. En réalité, cela peut encore être une simple limitation du déficit. Pour le moment, nous avons parlé du remboursement de la dette; mais cela est la version optimiste ! L'autre version présenterait le même fait en le décrivant comme l'annulation du déficit d'une année.
Nous acceptons mal l'idée qu'il y ait un débat spécifique sur ces 500 millions. En effet, nous aurions aussi pu mener un débat sur une manne qui n'est pas reproductible, à propos des 115 millions qu'un honorable contribuable nous a récemment laissés. Il y a un intérêt au renvoi en commission: de cette manière, on peut formellement voir comment les inscriptions aux comptes ou au budget seront produites.
Je suis d'accord avec M. Grobet: je pense que nous prenons un gros risque à nous limiter aux investissements que nous connaissons aujourd'hui. On peut très bien, parce que la situation est un peu meilleure, «avoir un peu de mou» et faire les choses de façon un peu moins drastique, tout en sachant que, quand on décide un investissement, on le retrouve dans le compte de fonctionnement, les années suivantes, sous la forme d'amortissements. Dans le cas d'espèce, compte tenu des projets, on le retrouverait pour une cinquantaine d'années.
Tout le monde l'a dit, les 500 millions ne changeront pas de façon déterminante la situation de notre canton. Il manque, c'est aussi mon avis, Monsieur Grobet, des recettes - ces fameux 12% qui ont été enlevés... (Manifestation dans la salle.)Nous avons aujourd'hui, avec ces 500 millions, l'équivalent de même pas une année et demie de ces 12%.
Le débat budgétaire doit continuer sur les investissements utiles. Je comprends qu'un canton qui serait, par hypothèse, dans une situation financière proche de l'équilibre, puisse se dire: «J'ai 2 milliards pour "booster" quelque chose». Excusez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, mais nous avons un budget qui va approcher les 7 milliards de francs tout compris; nous avons 500 millions de plus: ce n'est pas cela qui va changer la politique de notre canton ces prochaines années. Nous devons faire des choix fiscaux, nous devons faire des choix de maîtrise des dépenses de l'Etat, nous devons savoir ce qui est important à l'Etat, quelle est la répartition entre «back office» et «front office». De toute façon, la discussion est la même.
Nous accepterons donc que ce débat se prolonge en commission des finances tout en vous disant que, hélas, nous ne nous trouvons pas dans une situation où le Père Noël est passé. Nous avons une bonne nouvelle après quatre ans de mauvaises. C'est à peu près tout ce que cela change. Je ne pense pas que l'on puisse échapper à la loi de fer. Les votations du canton de Vaud montrent que cette loi de fer pèse lourd et que nous n'y échapperons pas grâce à ces 500 millions.
En revanche, une chose est certaine. Si nous amortissons notre dette avec ces 500 millions, nous aurons 15,5 millions de plus à dépenser chaque année - c'est les 3,3% moyen des intérêts... (L'orateur est interpellé.)
Une voix. 15 de moins !
M. David Hiler. Non, non, 15 de plus. 15 de moins d'intérêts, 15 de plus à dépenser ! Je vous ai vu, Mesdames et Messieurs les députés, vous injurier pour moins que ça ! 15 millions pendant 10, 20 ou 30 ans, c'est une réelle bonne nouvelle. Quelle que soit la manière dont on impute, cela revient à cela. On peut trouver cela joli, moins joli, motivant, moins motivant, mais de toute façon la bonne nouvelle est que nous aurons, pendant assez longtemps, 15,5 millions à dépenser pour ne pas faire trop de casse dans notre Etat.
La présidente. Monsieur le député, demandez-vous formellement le renvoi en commission des finances ?
M. David Hiler. Non, je me rallie à celui qui a été fait.
La présidente. Celui qui a été fait ?!
M. David Hiler. M. Grobet a demandé le renvoi.
La présidente. M. Grobet a demandé le renvoi en commission ? Des finances...
M. David Hiler. Oui.
La présidente. Des deux motions. Parfait. Vous vous exprimez donc à raison d'un député par parti. Le parti des Verts s'est exprimé. C'est à M. Guy Mettan de s'exprimer, pour le parti démocrate-chrétien, sur le renvoi en commission uniquement.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien appuiera le renvoi de la motion du parti radical au Conseil d'Etat et s'opposera à celle du parti socialiste, pour des raisons que je vais très brièvement exposer, si vous me le permettez.
Nous avions, nous aussi, au parti démocrate-chrétien, mené une réflexion sur l'utilisation que l'on pouvait faire de ces 550 millions de francs. Certains d'entre nous étaient d'avis que l'on devrait créer un fonds de solidarité avec les jeunes. Mais, après en avoir parlé, nous nous étions aperçus que ce projet n'était pas du tout réaliste parce que c'était un coup d'épée dans l'eau, pour les raisons que David Hiler vous a exposées. C'était une question de vases communicants: ce qu'on mettait d'un côté, on le perdait de l'autre et réciproquement.
Si nous nous sommes résolus à accepter la motion radicale et à affecter cet argent à la réduction exclusive de la dette, c'est parce que nous voulons, comme le disait M. Kanaan, un Etat durable. Or pour avoir un Etat durable, il faut avoir des finances durables et pour avoir des finances durables, il ne faut pas avoir de dette trop élevée. En affectant cet argent à l'amortissement de la dette, cela permettra d'une part de la réduire et, d'autre part, d'économiser les 15 millions de francs d'intérêts liés à cette dette. Ce qui compte pour nous, c'est la durabilité des finances. Voilà pourquoi nous voterons cette motion.
Une voix. C'était très bien, Mettan !
M. Pierre Weiss (L). Un renvoi en commission a été proposé par M. Hiler qui appuyait l'un de ses collègues. Nous nous opposons à cette proposition. Nous considérons au contraire que cette motion doit être renvoyée au Conseil d'Etat pour des raisons que je vais brièvement vous exposer.
D'abord, cette motion suscite tout de suite une approche contradictoire, on l'a vu par les arguments qui ont été développés du côté socialiste. Quand l'on observe de plus près la motion 1630, on se rend compte que l'on souhaite que l'affectation de ce montant soit bénéfique pour les générations présentes et futures. On se dit alors: «Le parti socialiste serait-il touché par la grâce de la réduction de la dette ?» Non ! Il suffit de lire le considérant suivant selon lequel «une "absorption" de ce montant simplement sous forme de recette extraordinaire sur l'exercice 2005 serait dès lors regrettable.» Or c'est un argument tout à fait spécieux.
C'est précisément parce que l'effet est réduit qu'il faut, au contraire, qu'il y ait un remboursement de la dette. C'est précisément aussi pour cette raison que nous appuyons le renvoi de la motion 1615 au Conseil d'Etat dont, non seulement nous partageons tous les considérants mais dont nous partageons aussi la teneur de l'exposé des motifs. Nous avons une dette qui a augmenté de 900 millions l'an passé. Nous ne savons pas encore quelle sera son augmentation cette année. Le coût du service des 500 millions dont il était question a été relevé par M. Hiler. Ce n'est pas chose négligeable que d'économiser - d'économiser ! - 15 millions pour les générations actuelles et futures. Pour cette raison, nous devons faire en sorte qu'il y ait une prise de conscience de l'importance du remboursement de cette dette.
La crédibilité du canton est en jeu, non seulement auprès des autres confédérés et auprès de la Confédération, mais aussi auprès de nos créanciers et des créanciers extérieurs à notre pays. En d'autres termes, il s'agit d'éviter, ici même, des déchirements comme ceux que l'on a pu voir au parlement fédéral. Il s'agit ici de montrer notre détermination à un remboursement pur, simple et total par ce montant de la dette - aussi faible son effet soit-il - précisément parce que nous sommes attachés à ce qu'elle diminue au fil des ans. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC est partagé sur le fond même des motions. Il n'y a pas unanimité au sein du groupe pour un remboursement de la dette, sachant que nous nous trouvons dans une situation fort différente des cantons voisins.
Si, dans le canton de Fribourg, le «pactole» de la BNS permettra d'amortir 75% de la dette - puisque la répartition fédérale a enfin décidé de récompenser les bons élèves - Genève, étant mauvaise élève, reçoit peu, c'est-à-dire 500 millions. Ce sera l'effet boule de neige qu'on va lancer dans le lac de la dette qui s'élève, comme vous le savez, à 12,5 milliards de francs.
L'UDC estime que la proposition du parti radical rejoint la proposition de l'UDC sur le plan fédéral. C'est, en quelque sorte, la moins mauvaise des solutions, tout en sachant que c'est au Conseil d'Etat qu'il appartient de déterminer ce qu'il fera de cette manne, à quel poste il l'affectera.
Il nous semble donc inutile de renvoyer ces motions au Conseil d'Etat qui a déjà décidé de cette affectation au remboursement de la dette. Pour éviter toute une série de discussions inutiles, sur nos bons ou mauvais projets d'affectation, nous nous rallierons au bon sens populaire: on aurait pu faire un «micro-trottoir» ce soir et l'on aurait pu constater que 90% des gens sont pour le remboursement de la dette. Nous prenons donc acte de cette volonté populaire, qui s'est déjà exprimée lors de débats radiophoniques, notamment. Cette volonté correspond au point de vue de la droite et de l'Entente en général et nous proposons donc de soutenir la motion 1615, de la renvoyer directement au Conseil d'Etat et de ne pas accepter la motion 1630, ni son renvoi en commission. Cette dernière impliquerait des discussions longues et peu productives qui pourraient durer quelques années.
M. Pierre Kunz (R). Il ne s'agit pas, Mesdames et Messieurs les députés, pour les radicaux, de renvoyer cette motion en commission. Non, Mesdames et Messieurs les députés de la minorité, rembourser ou ne pas rembourser la dette, ça n'est pas blanc bonnet ou bonnet blanc.
Ne vous sentez-vous jamais mal en continuant de reporter, sur les générations futures, les générosités que vous vous attribuez maintenant sans compter ? Ne comprenez-vous pas que, dans le monde de plus en plus férocement concurrentiel dans lequel Genève et ses entreprises vivent, nos possibilités de remboursement se réduisent chaque année ? Ne comprenez-vous pas que chaque année qui passe accroît l'ampleur des sacrifices que nous devrons consentir et que nos enfants - vos enfants ! - devront consentir pour rembourser la dette publique ? Même si, par impossible, les taux d'intérêts devaient rester ce qu'ils sont et si, par impossible, la dette ne devait plus augmenter, faut-il rappeler que cette dette est bientôt équivalente au produit intérieur brut du canton ? Si nous étions une Genève indépendante, nous ne répondrions même plus aux critères pour entrer dans l'Union européenne. Je vous pose toutes ces questions, mais évidemment, les indications que vous avez fournies tout à l'heure montrent bien que vous ne comprenez pas ces arguments et que vous n'êtes pas prêts à les accepter. Vous vous prétendez les défenseurs du développement durable. Alors, c'est vrai, vous êtes les défenseurs de l'eau, de l'énergie, de la forêt, des cerisiers, mais vous vous fichez complètement des humains qui formeront les générations à venir et qui, par votre imprévoyance et votre légèreté, seront condamnés à réduire leur niveau de vie par rapport au vôtre. Voilà l'inéluctable résultat de votre folie consommatrice et dépensière. (Brouhaha.)
Il est temps que vous compreniez... (La présidente agite la cloche.) ...qu'attribuer les 500 millions en question au remboursement de la dette sont un signe essentiel à destination de la population, qui ne comprendrait pas que nous les encaissions et que nous continuions dans les folies dans lesquelles vous voulez nous entraîner.
Il faut donc renvoyer la motion au Conseil d'Etat et refuser la vôtre.
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur Kunz, je crois que vous avez commis une légère erreur. Vous n'auriez pas dû vous adresser de ce côté-ci de l'assemblée quand vous parliez de l'augmentation de la dette et des responsabilités; vous auriez dû parler de l'autre côté et à vous-même.
Regardez ce tableau... (M. Spielmann montre un extrait des comptes 2004.)...ce sont des statistiques qui nous sont fournies par votre gouvernement. C'est le résultat de votre politique. En bleu, Monsieur Kunz, vous avez inscrite l'augmentation de la dette. Voyez-vous ce que vous avez fait, en quatre ans ? Jamais, dans l'histoire, la dette n'a autant augmenté pour la population genevoise que sous votre politique. (Applaudissements.)On pourrait encore allonger un peu ce tableau, Monsieur Kunz, Mesdames et Messieurs les députés. Si vous examinez ce tableau avec attention, vous verrez qu'il n'y a que quatre ans pendant lesquels la dette a baissé. Ce sont des chiffres et c'est ce qui démontre une politique. (L'orateur est interpellé.)Cela vous fait rire ? Je ne suis pas sûr que cela fasse rire les Genevois que vous ayez pareillement augmenté la dette. Par ailleurs, il n'y a que quatre ans où nous avons réussi à la réduire.
Vous ne comprenez pas et vous vous adressez à nous, nous accusant de vouloir augmenter la dette, alors que c'est vous qui en êtes responsables. Je parle à la population genevoise. Mesdames et Messieurs qui nous regardez... (Exclamations. Hilarité)...si vous voulez vraiment diminuer la dette, ce n'est pas en attribuant l'argent à la dette ou aux investissements, parce que c'est dans le compte que ça va, et M. Hiler a raison. Ce qu'il faut faire, c'est changer de politique. L'occasion se présentera cet automne et peut-être que nous arriverons à améliorer la courbe. Nous avons démontré que nous savions mieux gérer que vous. (Applaudissements.)
Je trouve un petit fort de café que ce soient les partis au pouvoir dans ce pays, au niveau national, qui, pendant des années, n'ont pas respecté la loi sur la Banque nationale et n'ont pas reversé l'argent aux cantons, comme il auraient dû le faire. Je suis intervenu à de multiples reprises, et M. Ducret, l'ancien conseiller d'Etat, l'a fait et a essayé de faire bouger tout le monde. On a confisqué l'argent de la Banque nationale et les bénéfices pendant une trentaine d'années. Et aujourd'hui, ce sont ces partis-là qui viennent nous dire: «Attendez, une manne va venir !»
Que permet de faire cette manne ? Sur les 12 milliards, elle ne permettra même pas de réduire l'augmentation de la dette que vous faites chaque année. Evidemment, ce ne sera pas suffisant pour changer. Pour changer, il faut changer de politique et là, il n'y a qu'une solution, il faut attendre un peu mais cela viendra. (Rires. Applaudissements.)
La présidente. Je mets aux voix le renvoi à la commission des finances de la motion 1630.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1630 à la commission des finances est rejeté par 41 non contre 34 oui.
La présidente. Je mets aux voix le renvoi à la commission des finances de la motion 1615.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1615 à la commission des finances est rejeté par 47 non contre 37 oui.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Vous l'avez voulu, vous l'avez eu.
Lorsqu'en 2003 et en 2004, on rembourse des impôts pour 700 millions par année, parce que des placements intéressants sont faits - car le taux d'intérêt des créanciers de l'Etat est à 4% - on peut imaginer que les impôts, remboursés pour 2001 et pour 2002, iraient alimenter d'autant la dette de ces années-là. Ce débat, en termes de gloire lorsqu'on est à gauche pour gouverner, me paraît peu raisonnable.
Cette République a dépensé, cette République a encaissé, et le résultat est là: nous nous retrouvons avec une dette de 12,4 milliards. Répartis sur toutes les années et restitués à chaque exercice, les résultats que vous montrez seraient différents; mais le résultat reste le même.
Nous avons 12,4 milliards de dette. Cela signifie que nous sommes arrivés dans une zone où cette dette ne peut qu'augmenter tant que nous avons des dépenses supérieures aux rentrées; cette dette ne peut qu'augmenter tant que nous aurons des engagements à honorer pour assainir la situation de la Banque cantonale. A partir de là, nous ne sommes pas dans la situation des cantons qui, pour certains, ont rêvé de savoir ce qu'ils allaient faire de l'or de la Banque nationale. Certains, avec ce qu'ils reçoivent vont rembourser l'entier de leur dette; d'autres, la moitié; d'autres, un tiers. Et avec cela, ils peuvent se permettre de créer un fonds, dépenser les revenus du fonds et savoir à quel type de tâches supplémentaires ils vont bien pouvoir l'engager.
Nous ne sommes pas dans cette situation et quoi que nous fassions, nous avons au moins un signal à donner. Si nous devons continuer à emprunter, autant que ce soit aux taux d'intérêts les plus favorables possibles. Mieux vaut cela dans une situation où, finalement, nous sommes au moins crédibles par rapport au constat que nous faisons. Voilà la réalité d'aujourd'hui. Ne croyez pas que la réalité a été créée par les gens d'aujourd'hui. Elle a été créée il y a des dizaines d'années, par les uns et les autres, pour des questions de confort, d'amélioration et d'avantages.
Voilà pourquoi je suis totalement imperméable au débat qui dit qu'on doit quelque chose à ceux qui ont dégagé le montant dont il est question. On leur doit, aujourd'hui, d'assurer le financement de ce que l'on peut assurer pour demain. On leur doit d'assainir la situation de telle façon que l'on puisse assurer, sur le plan social, les engagements que l'on a pris. On leur doit, aujourd'hui, de faire en sorte que les générations qui vont suivre ne leur en veuillent pas à tel point qu'ils finissent par prendre des décisions désastreuses à l'égard des personnes âgées. Nous leur devons cela, non pas de leur faire des promesses, de créer des fonds miraculeux ou de créer des dépenses supplémentaires que nous n'avons pas les moyens d'assumer.
C'est vrai, ce n'est pas satisfaisant de disposer de 539 millions, face à 12,4 milliards de dette. Ce n'est pas heureux, ce n'est pas ce que nous souhaiterions. Mais, au moins, cela a un avantage: celui d'éviter de faire des emprunts supplémentaires. Ce n'est pas glorieux, c'est juste le résultat de ce que nous avons fait. Chacun en a profité, à gauche comme à droite. Il n'y a aucun vote, dans ce parlement, qui n'ait pas été soutenu, à certains moments, par la gauche, quand il s'agissait de dépenser.
Il faut arrêter de se lancer, à travers cet hémicycle, toutes sortes de responsabilités. Il s'agit maintenant d'assumer tranquillement les choses et de dire que l'argent que nous avons à disposition nous permettra d'éviter de nouveaux emprunts, d'éviter d'aggraver les taux d'intérêts et nous permet surtout d'envoyer un message: nous avons à faire des efforts. Nous le devons à la génération qui est là, à celle qui nous a précédés et surtout à celle qui nous suivra. (Applaudissements nourris.)
La présidente. Je mets aux voix l'acceptation de cette motion 1615.
Mise aux voix, la motion 1615 est adoptée par 46 oui contre 35 non.
La présidente. Nous passons à la motion 1630.
Mise aux voix, la proposition de motion 1630 est rejetée par 57 non.
(Le panneau d'affichage s'éteint avant que la présidente ait eu le temps de lire le nombre des «oui».)
La présidente. Je vous souhaite une très bonne nuit et je vous retrouverai demain à 15h.
La séance est levée à 23h10.