Séance du jeudi 17 mars 2005 à 20h30
55e législature - 4e année - 6e session - 30e séance

Points initiaux

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.

Assistent à la séance: MM. Robert Cramer et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Luc Barthassat, Thomas Büchi, Anita Cuénod, André Hediger, Antonio Hodgers, Michèle Künzler, Christian Luscher, Claude Marcet, Jacques Pagan, André Reymond et Alberto Velasco, députés.

E 1317-A
Prestation de serment de Monsieur GREINER Ernest, remplaçant de M. LESCAZE Bernard, député démissionnaire

La présidente. M. Ernest Greiner est assermenté. (Applaudissements.)

Monsieur le député, vous pouvez occuper votre siège dès maintenant. Monsieur le député Serex ?

M. Louis Serex (R). Je voulais simplement excuser l'absence du conseiller d'Etat radical pour la prestation de serment de M. Greiner... (Rires.)

E 1304-A
Prestation de serment de M. LESCAZE Bernard, élu Juge assesseur à la Chambre d'accusation (Entrée en fonction : 1er avril 2005)

La présidente. M. Bernard Lescaze est assermenté. (Applaudissements chaleureux.)

Suite des points initiaux

Correspondance

La présidente. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Courrier de la présidence du Grand Conseil au Conseil d'Etat intitulé "Brochure explicative des votations du 24 avril 2005" ( C-1982)

Annonces et dépôts

M. Pierre Weiss (L). Comme nous l'avions annoncé à l'issue de la dernière session de notre Grand Conseil, le parti radi... le parti libéral... (Rires et applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Pierre Weiss. Le parti radical-libéral... (Ton amusé.)...est très heureux d'annoncer le dépôt d'un projet de loi modifiant la loi sur l'instruction publique. Puisque j'ai la parole, j'en profite pour annoncer le dépôt d'une proposition de résolution intitulée «Ainsi échouent les ennemis de la Compagnie 1602» cosignée par plus de la moitié de ce parlement. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Nous avons reçu trois pétitions qui sont renvoyées à la commission des pétitions:

Pétition en faveur de la famille H., originaire de Bosnie, frappée d'une mesure de renvoi ( P-1528)

Pétition pour trois enfants (pour les enfants et les parents H.) ( P-1529)

Pétition contre la limitation de la distribution des colis postaux et des colis des visiteurs (Champ-Dollon) ( P-1530)

Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.

IN 120-D
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier l'initiative populaire 120 "Pour la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers"
Rapport de majorité de M. Pierre Kunz (R)
Rapport de minorité de Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG)

Débat

La présidente. Monsieur le rapporteur de majorité Kunz, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Oui, Madame la présidente. Je souhaite ajouter quelque chose à mon rapport, mais je tiens au préalable à expliquer la demande d'amendement déposée sous ma signature, mais de manière purement formelle puisqu'elle exprime, je crois, l'avis de la totalité de ce Grand Conseil. Il s'agit de corriger l'erreur de numérotation des articles figurant à l'article 160F, lettre a, deuxième ligne en remplaçant les termes «56 A à 56 D de la loi d'organisation judiciaire»» par les termes «56 M à 56 P de la loi sur l'organisation judiciaire».

S'agissant du fond, permettez qu'en complément à ce rapport de majorité je vous dise ceci. Lors des débats précédents, la majorité de ce Grand Conseil a cherché à mettre en évidence combien l'ambition de protéger les locataires moyennant une politique interventionniste et un corset législatif devenu le plus serré du pays en matière d'aménagement, de construction, de transformation d'immeubles, de contrôle des loyers et de blocage des prix des terrains a fait des locataires genevois des victimes - les victimes de cet «instrumentarium» législatif et technocratique. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le noter tout à l'heure, le constat est accablant: on n'a jamais aussi peu construit à Genève depuis un demi-siècle, la pénurie de logements est plus grave que jamais et les injustices à l'encontre des nouveaux arrivants sur le marché - des jeunes, en particulier - sont criardes et scandaleuses. Contrairement à ce que prétendent ceux qui ont bâti leur carrière politique sur la prétendue protection des locataires, le corset législatif existant est, en réalité, contraire aux intérêts bien compris des locataires, car la seule vraie protection des locataires, c'est celle apportée par un marché immobilier fluide offrant des logements en suffisance - des logements qui, si l'offre est suffisante, seront automatiquement loués à des prix acceptables pour les demandeurs.

Aujourd'hui, contrairement à ce que l'on croit et malgré les publications régulières de l'Office cantonal de l'emploi, le niveau moyen des loyers à Genève est très raisonnable - voire, comparativement avec les autres villes suisses, bas. Fidèle à son habitude, M. Charbonnier ricane... (Protestations de M. Charbonnier.)...mais il devrait s'abstenir de le faire. Je lui recommande la consultation des statistiques régulièrement publiées par le département de l'économie publique, où il trouvera les informations sur lesquelles je fonde mes affirmations. Mais...

M. Alain Charbonnier. Et les disponibilités ?!

M. Pierre Kunz. J'arrive aux disponibilités, alors laissez-moi continuer au lieu de ricaner !

Une voix. Ne te laisse pas faire !

M. Pierre Kunz. Mais chacun sait que, dans cette période de pénurie - pénurie de l'offre - seuls les logements d'un prix très élevé, scandaleux, sont offerts sur le marché. Les autres se transmettent entre amis, de père en fils, de cousin à cousin sans que les propriétaires et les régisseurs aient rien à dire ! C'est la réalité ! Vous ne le savez pas, parce que vous ne vous êtes jamais posé la question des fondements de la crise actuelle, mais voilà la réalité ! (Brouhaha.)Ces prix élevés, voire scandaleux, ne sont, il faut le savoir, que le symptôme d'une plaie profonde: celle d'une offre de logements totalement insuffisante, causée par une législation qu'il faut bien qualifier de stupide et aux conséquences désastreuses.

Il n'empêche: aveugles, sourds, perdus dans leurs rêveries étatiques et interventionnistes autant que dans leurs ambitions politiques à caractère que je me permets de qualifier de démagogique et populiste, les promoteurs de l'IN 120 persistent ! Ils veulent même rendre encore plus lourd et plus malfaisant le corset législatif qu'ils ont instauré depuis trente ans - sous l'oeil complaisant, il faut le dire, des partis bourgeois. Heureusement, ces derniers ont désormais compris les conséquences de cette complaisance sur l'avenir du canton. Alors, abusant de la démocratie directe, les promoteurs de l'IN 120 entendent figer la législation actuelle en éliminant le Grand Conseil de la joute politique et en exigeant qu'à l'avenir le peuple se prononce sur toutes les modifications de ce corset législatif.

Eh bien, forte de ce constat, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter l'IN 120. A un premier stade, elle avait même recommandé - et elle recommande toujours - de ne pas lui opposer de contreprojet, car un contreprojet pourrait laisser les Genevois croire qu'il y a quelque chose de bon dans ce texte. Or, ce n'est pas le cas.

A titre personnel, je pense que le moment est venu d'expliquer aux Genevois dans quel piège on les a conduits et de les inviter à en sortir - et non à s'y enfermer. Il semble que d'autres opinions se soient, depuis lors, dégagées au sein de la majorité. Elles vous seront manifestement expliquées tout à l'heure. (Brouhaha.)

La présidente. Vous avez terminé, Monsieur le rapporteur de majorité ?

M. Pierre Kunz. Oui, Madame la présidente. Excusez-moi, j'aurais dû le préciser !

La présidente. Je passe donc la parole à Mme la rapporteuse de minorité Blanchard-Queloz.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), rapporteuse de minorité. Il ne faut pas être prophète pour deviner sur quoi va porter le débat de ce soir... Les opposants à l'initiative vont orienter le débat sur la question des causes de la pénurie de logements - et, selon eux, ce sont bien évidemment les lois mises en place pour la protection des locataires qui en sont les causes. Mais je vous rappelle tout de même que ces lois de protection des locataires - il ne s'agit pas seulement de lois de protection des locataires, mais aussi de lois d'encouragement au logement et de protection du patrimoine bâti, de la loi générale sur le logement et de la LDTR - sont issues de votations populaires demandées par des initiatives, voulues par des citoyens. Le débat de ce soir - que le rapporteur de majorité a déjà amorcé - portera donc sur le fait que, s'il y a pénurie de logements à Genève, c'est la faute des locataires et de la défense de leurs droits. Pour ma part, je pense que ce n'est pas sur cette question que doit porter le débat de ce soir. Ce n'est pas l'objet du débat: l'objet du débat, c'est de savoir s'il faut augmenter les droits politiques d'une grande partie de la population. C'est, d'ailleurs, le seul élément du recours déposé par les initiants qu'a retenu le Tribunal fédéral dans son arrêté: il a retenu la légitimité, pour les citoyens, de se prononcer sur des lois qu'ils ont eux-mêmes voulues. C'est pour cette raison que l'initiative a été renvoyée à la commission des droits politiques, et non à la commission du logement, comme cela l'avait été dans un premier temps.

Alors, qu'a-t-elle fait, cette commission des droits politiques? Elle a tout d'abord auditionné la Chambre genevoise immobilière. Parmi ses arguments principaux, cette dernière a évidemment déclaré que toutes ces lois, que ce carcan législatif bloquaient la construction de logements. Elle s'est longuement étendue sur les mesures à prendre pour construire du logement à Genève, mais elle s'est, en revanche, très peu prononcée sur la question des droits politiques.

La commission a ensuite auditionné le professeur Auer, qui s'est livré à toutes sortes de commentaires que je relève dans mon rapport et auxquels j'apporte des réponses. Je n'y reviendrai pas ici, si ce n'est pour relever que ce monsieur a une notion tout à fait particulière de la démocratie. Il affirme en effet que les citoyens sont lassés de voter - je laisse aux citoyens le soin de juger cette remarque; que cette initiative va enlaidir la constitution - ce qui me paraît curieux pour un constitutionnaliste; que c'est un déni de la démocratie représentative; enfin, que le référendum obligatoire pourrait, oh misère, s'étendre à d'autres domaines. Quelle horreur...! J'ai longuement développé ces arguments dans mon rapport. Je n'y reviendrai donc pas.

En réalité, la commission des droits politiques - enfin, les membres de la majorité de la commission des droits politiques - ne sont pas véritablement entrés en discussion sur le fond. Ils n'ont, à mon sens, pas mené de véritable débat sur la question des droits politiques. D'ailleurs, quels arguments sont avancés dans le rapport de majorité pour contrer cette initiative ? Je vous les rappelle brièvement. Les Verts déclarent: «Ces éléments - donc, ces lois - ne doivent pas figurer comme éléments fondamentaux dans la constitution». Là, ils ont mal lu l'initiative, car il ne s'agit pas d'introduire des lois dans la constitution, mais de rendre le référendum obligatoire en cas de modification de ces lois, ce qui n'est pas tout à fait pareil. Il est ensuite dit que les représentants de l'AdG et du parti socialiste veulent «élever au niveau constitutionnel le large tissu législatif» de protection des locataires. Ce n'est pas là non plus la question: il s'agit simplement de donner la possibilité au peuple de se prononcer ! Il est dit, dans le rapport de majorité, que, selon les représentants de l'AdG et du parti socialiste, cette initiative placera la protection des locataires hors d'atteinte de ce qui est qualifié de «tentatives incessantes de démantèlement du tissu législatif». Mais cette initiative ne met pas la protection des locataires hors d'atteinte: elle les soumet simplement au peuple - ce qui n'est pas tout à fait pareil. Je ne suis pas d'accord avec l'argument qui consiste à dire que l'on ne peut plus rien changer: on peut dire oui ou on peut dire non, mais dire que l'on ne peut rien changer, c'est tout simplement faux.

Ensuite, il est indiqué que les députés de l'Entente ont souligné que le vaste ensemble de lois initialement destinées à protéger les locataires se révèle aujourd'hui néfaste pour ces derniers. Ces députés ont cherché à démontrer combien ces lois sont, dans la réalité, contraires à l'intérêt bien compris des locataires. Mais ils ne disent pas où, ils ne disent pas quoi, ils ne disent pas comment ! Ils ont cherché à démontrer combien ces lois freinent l'activité des constructeurs privés - ils ont longuement développé cet argument, je n'y reviendrai pas - et la rénovation du parc locatif. Enfin, ils ont cherché à démontrer combien ces lois expliquent la pénurie de logements. Mais on ne dispose d'aucun argument ! On ne sait pas en quoi ça explique la pénurie de logements ! On ne sait pas comment ça freine l'intérêt bien compris des locataires ! Bref, ça se résume à un paragraphe qui ne contient pas des arguments, mais simplement des bonnes intentions qui n'ont en tout cas pas été très longuement développées en commission. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

En réalité, qui est touché par l'IN 120 ? Je vous rappelle que les 80% de la population de ce canton sont locataires. Certes les propriétaires aussi sont touchés par cette réalité qui consiste à devoir se loger, mais ce sont bien les 80% de la population qui sont touchés par cette réalité ! Et le logement n'est pas un bien comme les autres: c'est un bien de première nécessité. C'est pourquoi les initiants ont pensé qu'il était normal, justifié, légitime - ce que confirme, d'ailleurs, le Tribunal fédéral - que, lorsqu'on touche à la défense des droits des locataires, la population puisse se prononcer en cas de modifications de ces lois, et ce de manière systématique. Je vous rappelle encore une fois que, si cette initiative a été lancée, c'est pour faire front à une pratique initiée sous cette législature par les milieux immobiliers représentés dans ce parlement, qui ont introduit un saucissonnage des projets de lois obligeant les milieux des locataires à lancer référendum sur référendum sur référendum pour toucher à des lois qu'ils ont eux-mêmes voulues. Le Tribunal fédéral, lui, a admis qu'il n'était pas illégitime, du point de vue du parallélisme des formes, que les normes adoptées en vertu d'initiatives populaires avec le concours exprès du peuple ne puissent être modifiées ou abrogées qu'avec ce même concours.

En conclusion, les auteurs de l'IN 120 estiment qu'un bien de première nécessité comme la possibilité de se loger à un prix convenable et d'être protégé des abus - car c'est bien parce qu'il y avait des abus que des protections ont été mises en place, ce qui a même été admis par les représentants de la majorité - mérite un traitement de faveur dans la constitution. Rien n'empêche d'autres milieux de prendre des initiatives dans d'autres domaines. On l'a vu en matière d'impôts: cela marche très bien. Au final, c'est le peuple qui décidera s'il estime ce sujet assez important pour mériter un traitement à ce niveau. Pour ma part, je trouve légitime que ce que ce peuple a voulu ne puisse être modifié que par lui. J'invite donc ce parlement à donner ce soir un signe positif à la population en se prononçant favorablement à cette extension des droits populaires !

La présidente. Merci, Madame la rapporteuse de minorité. Je passe la parole à Mme la députée Fehlmann Rielle.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Comme Mme Blanchard-Queloz l'a rappelé, l'origine de cette initiative avait pour but de protéger les locataires contre les attaques des milieux immobiliers et des milieux de droite - lesquels relaient fort bien les premiers dans ce parlement. On a effectivement pu observer durant toute la législature la tactique qui a consisté à déposer une multitude de projets de lois pour réviser soit la LDTR, soit la LaLAT, soit encore... On a même réussi à modifier la loi relative aux plans d'utilisation du sol à la faveur de la modification à d'autres lois. Il s'agissait là d'une manoeuvre encore un peu plus sournoise, mais qui a malheureusement réussi. Cette façon de procéder avait évidemment aussi pour but de décourager les référendums en faveur des droits des locataires, car il est plus difficile d'argumenter sur des objets séparés plutôt que sur un sujet global.

C'est donc cette politique de l'usure qui a entraîné le lancement de cette initiative. Mais les électeurs et les électrices de ce canton ne sont pas dupes. Les 80% des habitants de ce canton sont locataires, et ils sont bien conscients qu'avec les débordements et les abus qui se sont produits durant les années 80 en particulier et qui continuent à certains égards, eh bien, il fallait des lois qui les protègent. Et, contrairement aux affirmations de M. Kunz, je ne crois pas que les locataires soient les victimes du corset insupportable que serait la législation: ils sont plutôt les victimes de l'appétit de certains promoteurs-constructeurs. Mais, pour M. Kunz, un marché fluide, c'est un marché où les promoteurs-constructeurs ont les coudées franches pour faire les bénéfices qu'ils veulent au détriment des locataires ne disposant que de moyens modestes ou appartenant même à la classe moyenne.

Il faut également rappeler que, lors des discussions en commission, on a entendu de la part de la Chambre immobilière que c'était la LDTR qui était la cause de la pénurie de logements - et les députés de droite l'ont répété. Mais ils oublient le rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques, rapport qui a rappelé que cette loi que vous décriez tant a permis de conserver depuis vingt ans un tissu de logements en Ville de Genève alors que cette dernière se vidait progressivement de ses locataires ! C'est d'ailleurs encore le cas de certains quartiers. On voit par exemple bien que la Vieille-Ville est plutôt morte. La LDTR a, de plus, constitué un instrument efficace pour lutter contre les congés-ventes qui sévissaient notamment dans les années 80. Cette loi n'est donc nullement la cause de la pénurie de logements ! Il s'agit simplement d'un moyen de réguler la question des rénovations et, surtout, les abus de loyers après les rénovations.

Dans un canton où la problématique du logement et de l'aménagement est aussi importante, il est bien naturel que l'on recoure à cet instrument qu'est le référendum. Et c'est précisément l'objet de cette initiative: il s'agit de permettre au peuple de se prononcer lorsqu'on veut modifier des lois ayant trait à des questions de logement. Je n'irai pas plus loin, mais je tiens à rappeler que le Tribunal fédéral a finalement accepté le recours en admettant que les lois issues de votes populaires ne pouvaient être modifiées ou abrogées que par ce même peuple. C'est la raison pour laquelle le parti socialiste soutient, bien entendu, le rapport de minorité et vous engage à soutenir cette initiative !

M. David Hiler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, notre discussion ne porte pas sur la LDTR; nous n'en parlerons donc pas. Le débat d'aujourd'hui porte, à notre sens, sur l'extension - une nouvelle extension - du référendum obligatoire à des normes non constitutionnelles.

Pour notre part, nous nous sommes opposés au référendum obligatoire en matière fiscale. Lorsque cette initiative a été déposée, il y a, vous vous en rappelez, eu une votation et nous étions parmi ceux qui ont refusé ce référendum obligatoire, et ce pour une raison banale: c'est que, contrairement aux personnes qui l'ont soutenu, nous n'avions pas l'impression que les questions d'impôts étaient plus importantes que les questions de santé, d'environnement, d'aménagement du territoire ou encore de transports. C'est la raison pour laquelle, bien qu'au sein de notre assemblée générale un certain nombre de personnes se soient individuellement prononcées pour le référendum obligatoire en matière fiscale, l'écrasante majorité de notre assemblée avait dit non. Il y a le référendum facultatif, cela suffit: le cas échéant, le peuple peut s'exprimer.

Alors, ce qui se passe commence évidemment à nous inquiéter, parce qu'on se trouve là devant un deuxième paquet de normes législatives qui se trouveraient soumises à un traitement en principe réservé aux normes constitutionnelles - soit au référendum obligatoire. Et là, la même chose est vraie: le logement est une question très importante, la LDTR est une loi très importante qui a été voulue par le peuple par initiative - puis, il faut tout de même le rappeler, les modifications voulues par l'Alternative ont été acceptées après un référendum des milieux immobiliers lors de la précédente législature. Il s'agit donc d'une loi importante, mais, là encore, il y en a d'autres. Je refuse de considérer cette question comme hiérarchiquement, politiquement et humainement plus importante que les questions de santé ou les questions sociales.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, de deux choses l'une - et c'est ce qui a occupé la discussion au sein de notre groupe. Si l'on estime que l'ensemble des normes législatives issues d'une initiative populaire doivent être soumises au référendum obligatoire pendant une certaine durée, cela ne doit pas concerner uniquement les impôts et le logement, mais cela doit concerner l'ensemble... (L'orateur insiste sur ce terme.)...des normes si l'on veut élargir les droits politiques. Dans ce cadre - et c'est, finalement, cette position qui a prévalu dans notre groupe et que je vous expose aujourd'hui - nous trouverions utile, pour éviter que la volonté du peuple ne soit contournée, qu'il y ait référendum obligatoire sur l'ensemble des normes législatives issues d'une initiative populaire - je dis bien sur l'ensemble desdites lois, que ces dernières nous plaisent ou non. C'est la condition d'un fonctionnement démocratique !

Pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, comme nous l'avons fait en commission, nous refuserons l'initiative, mais nous vous suggérons un contreprojet. Ce contreprojet sera l'occasion de voir si l'on estime, au sein de ce parlement, que l'ensemble des lois introduites par une initiative doivent être au bénéfice du référendum obligatoire - et ce, à notre avis, pendant un certain temps seulement, car ce qu'a pu décider le peuple il y a trente ans n'est évidemment pas forcément ce qu'il déciderait aujourd'hui. C'est d'ailleurs heureux car, si tel était le cas, les femmes n'auraient pas le droit de vote dans ce pays, par exemple... Nous savons que la politique est un processus évolutif et nous pensons qu'il vaut la peine de retourner en commission pour travailler sur un contreprojet et voir si ce système existe ailleurs - ce que, personnellement, j'ignore. Il me paraîtrait d'une certaine logique que, lorsque le peuple a voté sur une norme constitutionnelle ayant débouché sur une loi, on ne puisse pas s'amuser, quelle que soit la loi et qu'elle nous plaise ou non individuellement, à la «découpacher» dans les années qui suivent.

Une voix. Tu as raison !

M. David Hiler. Cela me paraîtrait relativement logique. C'est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter oui à l'opportunité d'un contreprojet.

M. Edouard Cuendet (L). Le groupe libéral refuse cette initiative 120, qui va créer des obstacles supplémentaires à la construction de logements. Je relèverai simplement que, selon les calculs du département, il y a eu soixante-quatre modifications de lois qui ont eu lieu sans référendum. Si l'IN 120 était acceptée, elle conduirait à des référendums, ce qui créerait d'autant plus de blocages. En revanche, le groupe libéral soutient l'idée du contreprojet et le renvoi en commission pour l'élaboration d'un tel contreprojet.

Des voix. Très bien, bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre Schifferli (UDC). Le groupe UDC est opposé à cette IN 120. L'UDC est, en général et de façon régulière, favorable à l'extension des droits politiques des citoyens. Je constate qu'au niveau fédéral par exemple les députés de la gauche n'ont pas accepté l'idée d'un référendum obligatoire pour les accords de Schengen. La position des partis varie donc quelque peu en fonction des sujets traités - et l'extension des droits populaires, c'est parfois un slogan ou une tarte à la crème...

Je relève que la position du groupe des Verts exprimée par M. Hiler a le mérite d'une logique parfaite. Il ne serait effectivement pas convenable de surcharger la constitution d'une espèce de foutoir politique... juridique, pardon, parce que, si on lit cet article, ce n'est ni applicable, ni sérieux ! (Brouhaha.)Il semble cependant que l'on puisse examiner la possibilité d'une extension des droits politiques des citoyens dans le sens d'un référendum obligatoire. Il faut relever que, contrairement à ce qui a été sous-entendu, le citoyen dispose déjà aujourd'hui de la possibilité de s'opposer à toutes ces modifications législatives lorsqu'il les juge importantes.

Si l'on veut renforcer d'une façon conceptuelle générale les droits des citoyens en matière politique, il conviendrait effectivement d'examiner la proposition présentée par M. Hiler - proposition qui consiste à soumettre au référendum obligatoire les lois ayant déjà fait l'objet d'un scrutin populaire, et cela pour un certain temps car il ne s'agit pas de bloquer une situation en cas d'évolution ou de modification évidente pour l'ensemble du corps politique. Sur ce dernier point, nous le suivons également. Il s'agit d'éviter de surcharger le corps électoral avec des opérations et des votations inutiles. Cette suggestion a le mérite de la logique et va dans le sens d'un renforcement des droits politiques car, même si cette nouvelle norme n'est pas présentée comme une norme constitutionnelle, si j'ai bien compris, on nous propose tout de même une modification de la constitution. Il s'agit, en fait, d'élever dans la pratique à un rang quasi constitutionnel différentes lois dont la portée et la valeur temporelle sont limitées.

Je propose donc de suivre la suggestion de notre collègue M. Hiler. Quant à l'initiative en tant que telle, elle ne peut être acceptée dans sa teneur actuelle par le groupe UDC.

M. Christian Grobet (AdG). M. Kunz et moi-même avons à peu près le même âge. Vous vous souviendrez donc très certainement, Monsieur Kunz, qu'au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale le Conseil fédéral avait institué une protection des locataires contre les augmentations abusives de loyers et les congés abusifs, mais pour les immeubles construits avant 1947 seulement. Cette protection devait être reconduite tous les quatre ans mais, en 1965, vos amis - soit la majorité politique de droite de l'Assemblée fédérale - a décidé d'annuler toute protection des locataires en vertu du credo que vous soutenez encore aujourd'hui - à savoir qu'en libéralisant le marché on allait prétendument activer la construction de logements. Cette vieille rengaine remonte à cinquante ans en arrière et, à l'époque, il avait été démontré que la suppression totale... (L'orateur insiste sur ce terme.) ...de la protection des locataires n'avait nullement activé la construction de logements. En revanche, des abus invraisemblables ont évidemment été commis à cette époque par les milieux immobiliers - abus précisément causés par la pénurie de logements, qui ne se résorbait nullement avec cette mesure de libéralisation. Des mesures temporaires ont dû être prises dans les années 70. Les milieux des locataires se sont bien entendu battus sur le plan fédéral, mais il a pour cela fallu trois initiatives - toutes combattues par vos milieux, Monsieur Kunz ! Lorsque vous dites que les partis de l'Entente auraient eu un oeil bienveillant à l'égard des demandes des locataires, ça me fait drôlement sourire, parce que j'aime mieux vous dire qu'il a fallu batailler pendant très longtemps et récolter à chaque fois 50 000 ou 100 000 signatures pour arriver enfin à une modification du Code des obligations et y introduire des dispositions minimalistes en matière de protection des locataires ! A noter que cela ne vous a pas séduits, puisque je vous rappelle que vos mêmes amis politiques, soi-disant bienveillants, ont, il y a une année, tenté de démanteler partiellement cette protection des locataires... Mais, à la suite d'un référendum de l'Asloca, l'ensemble du peuple suisse a rejeté vos propositions de réduire la protection des locataires.

A Genève, le processus a été identique: cinq initiatives successives pour mettre en place le Tribunal des baux et loyers - avec une procédure gratuite, comme pour le Tribunal des prud'hommes; pour instaurer la loi sur le logement évoquée tout à l'heure par Mme Blanchard-Queloz; pour mettre en place les dispositions de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, qui ont réussi à maintenir de nombreux logements, notamment au centre-ville, et à déjouer les opérations spéculatives - plus particulièrement les opérations scélérates de Stäubli et compagnie - qui plaçaient les locataires devant le dilemme de quitter leur appartement ou de l'acheter. Ces initiatives, vous les avez toutes combattues ! Il n'y a eu aucune bienveillance de votre part ! Et vous avez à chaque fois été battus en votation populaire ! Vous avez eu un goût de revanche en voulant, sous le gouvernement monocolore déjà, puis avec votre majorité lors de la présente législature, recommencer le processus de démantèlement. Mais vous avez à chaque fois été battus par le peuple !

Tout comme Mme Blanchard-Queloz, je conteste formellement l'affirmation selon laquelle la protection des locataires contre des cas abusifs serait de nature à freiner la construction de logements. J'ai été durant douze ans à la tête du département des travaux publics et, à cette époque, on construisait plus de 2 500 logements par année. On a même dépassé les 3 000 logements. Or, les milieux immobiliers reconnaissent aujourd'hui...

M. Gabriel Barrillier. C'est vrai !

M. Christian Grobet. Je remercie M. Barrillier de le souligner. A cette époque, on construisait des logements au moment même où l'on adoptait toutes ces dispositions de protection des locataires. Qualifier ces dispositions de législation stupide et catastrophique, je dois dire que c'est un drôle de compliment pour le peuple, qui s'est prononcé sur toutes ces lois, qui les a approuvées, qui en a refusé le démantèlement. Pour vous, le peuple - enfin, la majorité du peuple - est donc stupide...

Quant à dire que certains ont bâti leur carrière politique sur ces lois, je regrette, Monsieur Kunz, que vous tombiez dans l'injure. Vous avez indiqué tout à l'heure que l'on n'avait pas connaissance de certains abus - et vous avez raison: il existe des abus en matière de sous-locations, abus auxquels il faudrait remédier. Mais, moi, je vis depuis 1965 avec les locataires, Monsieur ! Je sais ce que c'est que des locataires qui arrivent à l'Asloca parce qu'ils ont reçu leur congé, parce qu'ils ont été jetés dehors, parce qu'ils ne peuvent plus payer leur loyer, parce qu'ils sont victimes de trente-six abus ! Et ces personnes ont le droit à un logement. Ce droit a d'ailleurs été reconnu par une initiative cantonale.

Ces droits fondamentaux, vous voulez les détruire d'une manière particulièrement pernicieuse, en profitant de votre majorité pour saucissonner ces démantèlements par petites touches et en espérant que l'on ne parviendra pas à récolter à chaque fois les 7 000 signatures nécessaires ! Et, comme on vous a battus, que nous proposez-vous comme programme électoral pour les prochaines élections ?! Vous nous proposez de doubler ou de tripler le nombre de signatures pour lancer un référendum ou une initiative à Genève ! Vos ancêtres, qui sont à l'origine des droits politiques de ce pays et auxquels je rends hommage, doivent se retourner dans leur tombe en voyant que leurs successeurs ne font plus confiance au peuple ! En voyant que vous avez peur du peuple et que vous voulez, non seulement bafouer ce que le peuple a voté, mais surtout tenter de bâillonner le peuple en rendant plus difficile le lancement de référendums et d'initiatives !

Quant à la manoeuvre de la dernière heure des Verts, je suis profondément déçu - mais cela fait un temps, Monsieur Hiler, que j'ai compris que les Verts, qui avaient un temps prétendu être du côté des locataires, se sont rangés du côté des propriétaires... Venir aujourd'hui, au dernier moment, faire une proposition dont on a du reste discuté en son temps ! Il est vrai que, si cette initiative était acceptée en votation populaire - et je suis, figurez-vous, assez confiant quant au fait qu'elle sera votée en dépit des manoeuvres auxquelles vous être en train de vous livrer dans ce parlement - à ce moment-là, on pourrait en tirer la conséquence à laquelle je souscris, mais pas maintenant et, surtout, pas de manière temporaire - qui consisterait à dire que toute loi acceptée en votation populaire devrait être à nouveau soumise au peuple si le Grand Conseil était amené à la modifier. Mais venir proposer cela à ce moment n'a, vous le savez fort bien, qu'un seul but: c'est que le peuple n'aie pas à se prononcer sur cette question avant les élections cantonales ! Il est évidemment embêtant pour vous et pour les partis de l'Entente de devoir se prononcer sur une question comme celle-ci à la veille des élections... Rassurez-vous: un jour ou l'autre, l'initiative sera tout de même soumise au vote populaire !

Je le répète: il est inacceptable de proposer à la dernière minute un contreprojet ayant pour seul but de déjouer la possibilité pour les citoyennes et citoyens de se prononcer sur des lois extrêmement importantes pour les locataires dans un contexte où la pénurie est en train de conduire aux pires abus ! Vous avez raison de dire, Monsieur Kunz, que de nombreux loyers restent raisonnables à Genève - mais c'est grâce à la protection des locataires, parce que j'aime mieux vous dire que, si cette protection n'existait pas, les loyers auraient pris l'ascenseur... Et, aujourd'hui, ils prennent l'ascenseur chaque fois qu'un logement se libère et est reloué ! Je connais quelques personnes qui me demandent de leur obtenir un logement. Vous qui êtes proche des milieux immobiliers, Monsieur Kunz, je vous suggère de me proposer... (Protestation de M. Kunz.)Si, si, ne jouez pas à l'angélisme, Monsieur Kunz ! On sait de quel côté vous vous trouvez ! Aux dernières élections, il y a eu la liste des candidates et candidats des milieux immobiliers qu'il fallait soutenir pour leur élection au Grand Conseil: vous bénéficiez du plein soutien de ces milieux ! Vous bénéficiez aussi le plein soutien du truc de commerce et d'industrie... le Conseil, ou je ne sais plus comment il s'appelle...

Des voix. La Chambre de commerce !

M. Christian Grobet. La Chambre de commerce, merci ! (Protestation de M. Roulet. Chahut.)Oh, Monsieur Roulet, ne me dites pas que non ! Vous oubliez vos amis les plus fidèles, qui soutiennent M. Kunz ...J'ai beaucoup d'estime pour ce dernier, car il ne craint pas de demander l'application des principes analogues à ceux de Mme Thatcher et, le libéralisme ultra, il le défend avec beaucoup de conviction ! Vous ne me ferez donc pas croire, Monsieur Roulet, que vos milieux économiques ne soutiennent pas M. Kunz ! Au contraire, vous buvez du petit lait lorsqu'il s'exprime ! Je disais donc, Monsieur Kunz, que je connais plusieurs personnes qui aimeraient louer un trois ou un quatre-pièces pour un montant inférieur à 1 000 ou 1 200 F. Envoyez-moi quelques adresses, j'en serai très heureux ! Voilà quelle est la réalité actuelle à Genève !

Pour conclure, Monsieur Hiler, lorsqu'on se trouve face à une situation de détresse comme c'est actuellement le cas à Genève et que vous consentez à ce que la droite de ce parlement - à laquelle vous êtes soi-disant opposé - continue sa tentative de démantèlement des droits élémentaires déjà insuffisants des locataires... (Vives protestations.) ...je regrette de vous dire que cette alliance avec la droite nous est insupportable ! (Huées et applaudissements.)

La présidente. Je procéderai à une petite séquence émotion pour vous annoncer que Stéphane Lambiel est champion du monde de patinage ! (Applaudissements.)Je passe la parole à M. le député Hiltpold.

M. Hugues Hiltpold (R). J'éviterai de faire, comme cela a été le cas de M. Grobet, un tour de patinage artistique... Je vais vous expliquer pour quelle raison nous estimons qu'il faut un tout petit peu revenir sur l'histoire. Vous avez raison, Monsieur Grobet: votre initiative a effectivement constitué la réponse à un certain nombre de projets de lois proposés par les partis de l'Entente qui visaient à modifier la LDTR ainsi que d'autres lois relatives au logement. Ces modifications ont été combattues par des référendums, le peuple a tranché, le peuple a gagné. Dont acte. Cela dit, il faut tirer les enseignements du vote du peuple - et le parti radical en a tiré les enseignements.

J'en viens maintenant à l'initiative. Cette initiative propose d'ancrer dans la constitution le principe de référendum obligatoire pour la totalité des modifications législatives relatives au logement. Sur cette question fondamentale, la réponse est bien évidemment non. Nous ne pouvons décemment pas ancrer dans la constitution les modifications législatives relatives au logement. Pourquoi ? Parce que la constitution est le fondement de notre société et que nous ne devons par conséquent pas y inscrire tout ce que l'on peut y mettre de façon que ça devienne - comme c'est pratiquement le cas maintenant - un fourre-tout. Nous estimons qu'il faudra sérieusement se pencher sur cette constitution. La question du nombre de signatures devra être revue, Monsieur Grobet. Cela dit en passant, puisque vous l'avez évoqué, le nombre de signatures pour le referendum a été fixé à un moment où la population n'était pas au même nombre qu'actuellement - mais ce n'est pas sur cet objet que porte le débat de ce soir.

Nous sommes d'avis qu'il ne faut pas ancrer le principe de référendum obligatoire dans la constitution, car c'est une marque de défiance à l'encontre du Grand Conseil. De notre point de vue, le Grand Conseil est suffisamment grand et, avec le référendum facultatif, il peut tirer les enseignements nécessaires sans devoir définir un référendum obligatoire.

Maintenant, sur la question du contreprojet: faut-il, Mesdames et Messieurs les députés, partir dans la logique d'un contreprojet ? Nous sommes d'avis qu'il ne faut pas entrer en matière sur la question de fond, car cela reviendrait à dire que toute modification législative pourrait, à un moment donné, être sujette à référendum obligatoire - ce qui signifierait, in fine, que le parlement n'aurait plus de raison d'être. Cela dit, on pourrait apporter, en guise de réponse, un signal de la part des acteurs politiques de sensibilités diverses - que ce soit de gauche ou de droite - consistant à dire: pourquoi pas entrer en matière sur l'ancrage du principe d'un référendum obligatoire pour les parties de la loi qui sont les plus contestées. Cela offrirait, in fine, une certaine cautèle, une certaine paix sociale. Nous pouvons entrer en matière sur le principe d'un contreprojet - c'est ce que fait le Grand Conseil - mais pas n'importe lequel et assorti d'un certain nombre de cautèles ainsi que d'une étude sérieuse en commission. Or, ce n'est assurément pas ce que vous avez exprimé, Monsieur Grobet, sur une technique que je qualifie de «politique politicienne» !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits Mmes et MM. Loly Bolay, Pascal Pétroz, David Hiler, Pierre Kunz, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Rémy Pagani et M. le conseiller d'Etat Robert Cramer. Je passe la parole à Mme la députée Bolay.

Mme Loly Bolay (S). Nous avons pris note du fait que le parti radical voulait augmenter le nombre de signatures nécessaires, que ce soit pour l'initiative ou le référendum. Les citoyens apprécieront... Des élections se dérouleront au mois d'octobre, et l'on verra bien qui en sort vainqueur !

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les conclusions du rapport de majorité. Je lis, dans ce rapport, que la constitution genevoise «souffre déjà de graves défauts sur le plan formel comme sur le plan matériel». Ces défauts - dit ce rapport - «se trouveraient encore amplifiés par l'IN 120 qui contient des dispositions ne méritant pas de figurer à ce niveau normatif». Je vous rappellerai simplement, Mesdames et Messieurs les députés, que 14 000 Genevois ont signé cette initiative. Ne pas reconnaître cette légitimité à ces personnes est totalement inacceptable !

Vous avez évoqué, Monsieur le rapporteur de majorité, les conclusions du rapport de la CEPP. J'aimerais précisément revenir sur ce rapport. Je l'ai lu attentivement, et je vais vous dire ce que l'on y trouve - entre autres, car il s'agit d'un très long rapport. A la page 60, dans les remarques finales, il est dit: «La loi est très souvent transgressée ou contournée par des pratiques qui, au final, sont au détriment de la protection des locataires: non-respect de la période du gel des loyers, hausse des loyers anticipée ou échelonnée, interprétation du prix-plafond non conforme». Plus loin encore: «La LDTR accuse en effet un déficit de crédibilité auprès des milieux immobiliers, qui ne la respectent plus et admettent délibérément leur incivilité». Plus loin encore: «Au vu du non-respect avéré des dispositions légales par certains propriétaires et régisseurs en matière de respect des décisions étatiques, la police des constructions doit prendre des mesures pour obtenir des informations fiables et exercer une pression plus visible du point de vue du contrôle et de la répression». Ce n'est pas moi qui vous le dit, Monsieur le rapporteur, c'est la commission d'évaluation des politiques publiques !

Il s'agit là d'un constat atterrant sur les pratiques des propriétaires et des régisseurs de ce canton ! Et vous, Mesdames et Messieurs les députés, vous ne voulez pas reconnaître aux citoyens de ce canton le droit de se prononcer sur une initiative qui touche le droit au logement ! Alors, si le droit au logement n'est pas légitime, qu'est-ce qui est légitime à vos yeux ?! Le droit au logement est ancré dans notre constitution et c'est précisément pour sauvegarder ce droit que nous voterons cette initiative ! Pour le surplus, nous sommes opposés au renvoi de cette initiative en commission - comme, je crois, M. Hiler l'a proposé... (Signe négatif de M. Hiler.)Non ? Nous nous opposons à un renvoi en commission, car tant la commission législative que la commission des droits politiques se sont largement exprimées sur ce sujet. Je vous demande donc de voter cette initiative par respect envers les 14 000 personnes qui l'ont signée ainsi qu'envers les 80% de locataires que compte ce canton - locataires qui ont de plus en plus de peine à se loger ! (Applaudissements.)

M. Pascal Pétroz (PDC). S'il ne s'agissait pas d'une question aussi grave, j'aurais tendance à dire que ce débat est soit amusant soit délirant... La problématique ne peut malheureusement pas être qualifiée d'amusante, car la pénurie de logements que connaît ce canton depuis maintenant plusieurs années est dramatique. Les conditions de logement de la population de ce canton sont devenues absolument invraisemblables.

Cela étant, il ne faut pas se tromper de cible. On fait ce soir beaucoup de politique, beaucoup de politique politicienne, beaucoup de démagogie, mais l'on ne parle ni des vrais problèmes ni de l'enjeu de cette initiative.

Une voix. Ce n'est pas que ce soir ! (La présidente agite la cloche.)

M. Pascal Pétroz. Ce n'est effectivement pas que ce soir, mais cela devient malheureusement un peu trop fréquent au sein de ce parlement !

Vous me tournez le dos, Madame Bolay, mais sachez que je vous apprécie beaucoup. Vous êtes une femme absolument éblouissante, extraordinaire, mais permettez-moi... ( Manifestation dans la salle.)Mais c'est vrai ! C'est vrai ! Elle est merveilleuse, et tout le monde dans ce parlement l'adore ! Permettez-moi néanmoins de vous dire, Madame Bolay, que les propos que vous venez de tenir sont totalement à côté de la plaque, parce que nous voterons de toute façon sur cette initiative ! Il ne s'agit donc pas de battre en brèche, de bafouer la volonté de ces 14 000 personnes qui ont signé cette initiative ! Leur volonté est respectée ! Il s'agit de leurs droits démocratiques ! Nous voterons sur cette initiative ! Dont acte. Premier point.

Deuxième point: vous avez évoqué, comme d'autres d'ailleurs, la situation absolument dramatique en matière de logement dans ce canton. Nous avons évoqué ce sujet avant la pause, entre 17h et 19h, à propos de la motion PDC soutenue par l'Entente et visant à déclasser des parcelles en zone périurbaine pour permettre la construction de logements. Alors, je trouve ce discours tout de même un peu piquant. Nous proposons des mesures pour construire des logements, vous nous dites non, puis vous venez vous plaindre du manque de logements dans ce canton ! Permettez-moi donc de vous écouter avec un regard plutôt amusé... ( Rires.)...avec des oreilles amusées, pardon ! (Ton amusé.)Excusez-moi ! Ma langue a fourché !

Cela étant, il ne faut pas perdre de vue le véritable enjeu du débat. Il s'agit d'une initiative lancée par des milieux qui se prétendent être proches des locataires, alors que tous, dans ce canton composé à 80% de locataires, nous sommes sensibles à la problématique des locataires. Cette problématique n'est pas l'apanage de ceux qui prétendent être les défenseurs des locataires, mais la préoccupation des locataires est celle de notre canton. Cette initiative visait, initialement, à ancrer par la bande dans la constitution un certain nombre de dispositions nouvelles telles que la règle exigeant qu'en zone de développement on construise une certaine proportion de logements au détriment d'une autre ainsi que d'autres règles extrêmement strictes. Dans sa grande sagesse, le Tribunal fédéral a, pour l'essentiel, suivi le vote de notre parlement, lequel a déclaré irrecevable cette initiative. Il n'a conservé de cette initiative qu'une toute petite portion, au sujet de laquelle nous débattons ce soir. Cette petite portion a trait à l'instauration d'un référendum obligatoire pour toute modification relative aux lois sur le logement.

Le groupe PDC s'oppose avec la plus grande vigueur à l'instauration d'un référendum obligatoire pour la modification des lois relatives au logement. Pourquoi ? Parce que le parti démocrate-chrétien est un parti de bon sens et qu'il est conscient du fait que les choses changent dans la vie. Sauf à être atteint de cécité particulièrement inacceptable, on ne peut s'ôter de l'idée que les choses changent, que la vie évolue et qu'une situation économique peut donner lieu à une certaine législation et qu'une autre situation économique peut donner lieu à une autre législation. Par conséquent, en matière de logements, nous devons être capables de réagir rapidement aux problèmes d'offre et de demande. Il y a dix ans, il n'y avait pas besoin de construire des logements. Aujourd'hui, on en a un cruel besoin. Ne nous dites pas qu'il y a dix ans, la législation devait être la même qu'aujourd'hui ! Or, c'est cela que vous nous proposez ! Mesdames et Messieurs les députés qui avez lancé cette initiative, vous venez d'inventer une nouvelle notion - la notion de conservatisme de gauche ! Bravo pour cette notion que vous venez d'inventer ! Lorsque j'ai commencé à faire de la politique, on m'a expliqué les choses assez simplement en me disant: il y a, d'un côté, les conservateurs - c'est la droite - et, de l'autre côté, les progressistes - c'est la gauche. Eh bien, force est de constater que les choses ne sont plus ainsi: nous avons affaire à un progressisme de droite et à un conservatisme de gauche. Et la question qu'il faut se poser aujourd'hui, c'est de savoir si nous voulons soutenir une initiative rétrograde qui vise à ancrer dans la constitution des principes peut-être valables aujourd'hui pour certains, absolument pas pour d'autres, mais qui ne le seront certainement pas demain. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, la question qui se pose !

Que voulez-vous dire à vos enfants ? Tout le monde doit-il rester pareil ou voulons-nous nous donner la volonté de changer? Eh bien, au parti démocrate-chrétien, nous considérons que la souplesse et la capacité à réagir aux enjeux de la société de demain mérite le non-soutien de cette initiative. Par conséquent, nous rejetterons cette initiative et nous accueillerons favorablement l'idée d'examiner l'opportunité de voter un contreprojet en commission, pour autant que les auteurs de l'initiative se montrent raisonnables de manière qu'un compromis acceptable puisse être trouvé - mais, de ce point de vue, la balle est dans leur camp. (Applaudissements.)

M. David Hiler (Ve). Je souhaite dire deux ou trois mots suite aux interventions des précédents orateurs.

A Mme Bolay, je dirai clairement qu'il ne s'agit pas de renvoyer l'initiative en commission: il s'agit de se prononcer pour un contreprojet. Voilà de quoi il s'agit ! Il ne s'agit pas de repousser cette initiative ou quoi que ce soit. Nous voterons ce soir sur cette initiative - notre position est connue, elle ne changera pas - puis nous voterons - et chacun assumera ses responsabilités - sur un contreprojet dont, pour ce qui nous concerne, nous avons esquissé le contenu ici. C'est très clair, c'est très net.

A M. Hiltpold, je dirai que cela ne m'étonne pas que vous ne vouliez pas d'un contreprojet, puisque l'ensemble des modifications relatives à la constitution que vous proposez vise à restreindre les mécanismes de démocratie semi-directe et à empêcher le peuple de faire autre chose que de trancher entre deux blocs. Voilà ce que vous avez voulu faire. Cela ne m'étonne donc pas qu'à ce stade-là vous n'entriez pas en ligne de compte. J'ai compris que vous n'entreriez pas en ligne de compte - et je partage tous les propos que vous a adressés M. Grobet. Il est vrai que l'on a rarement vu une offensive aussi forte en matière de restriction de droits démocratiques. Cela me gêne d'autant plus que, pour notre part - de même que pour un certain nombre de socialistes - nous sommes en faveur d'une nouvelle constituante. (Brouhaha.)Or, cette nouvelle constituante ne peut passer par des bases qui visent à limiter l'expression populaire. Pourquoi faut-il une nouvelle constitution ? Parce que la nôtre est incompréhensible pour le citoyen - ce qui devrait sans doute intéresser quelques personnes ici - et parce qu'elle ne correspond pas à ce que l'on attend aujourd'hui d'un texte concernant les lois générales d'un Etat comme le nôtre. Le mélange de la rédaction de 1848 avec les ajouts, par exemple, des écologistes dans les années 80 donne une mixture assez surprenante dénuée de tout enjeu.

Il me reste à dire une chose au PDC: ce n'est pas vrai que le référendum obligatoire empêche les lois de changer. Ce n'est pas vrai ! Vous ne pouvez pas, au nom de la souplesse nécessaire, déclarer: «Nous ne voulons pas instaurer de référendum obligatoire parce qu'il empêcherait l'évolution» ! Le peuple change - comme vous, comme moi ! Et même si les gens ne changent pas d'avis, il se trouve que nous sommes tous mortels - ce qui, finalement, entraîne quelques changements...

Quant à vous, Monsieur Grobet, vous avez regretté que certains se livrent à l'injure. Je regrette que vous fassiez de même. Notre position est très claire: nous avons programmatiquement tenu le même discours depuis un certain nombre d'années. Nous sommes favorables au maintien de la LDTR, nous estimons... (Protestations de M. Grobet.)Si, si, Monsieur Grobet, c'est écrit dans le programme, je vous le donne ! Il y a un point sur lequel nous ne sommes pas d'accord avec vous, car nous pensons que vous péjorez la situation des locataires par votre attitude: à notre sens, le système des mètres carrés est un système beaucoup plus juste que celui du nombre de pièces pour l'estimation du loyer d'un logement. Nous avons agi devant tout le monde, nous avons voté en faveur de ce système ici et nous l'avons défendu devant le peuple. Comme sur tant d'autres objets, nous avons été battus. Mais il vous arrive également d'être battu devant le peuple, Monsieur Grobet... Pour le reste, vous devez vous déterminer maintenant - et vous le ferez lors du vote sur le contreprojet - sur la question suivante: êtes-vous ou non favorable, pour l'ensemble des lois concernant les normes instituées par une initiative, à l'instauration d'un référendum obligatoire pendant un certain délai - ou pas de délai du tout. Voilà la question que nous examinerons lors de l'étude de ce contreprojet. Vous répondrez donc par oui ou par non à cette question qui vous sera posée.

Le fait est que nous avons soutenu l'ensemble de la législation que nous connaissons aujourd'hui. Nous avons refusé le droit du bail et, comme vous le savez, nous sommes en opposition sur deux points. Soyez factuels, s'il vous plaît ! Premier point d'opposition: un locataire a-t-il le droit, comme il le fait déjà - et comme il le fait au grand jour - d'acheter l'immeuble dans lequel il habite ? Sur ce point, nous ne sommes pas d'accord. Vous pouvez trouver que c'est très grave, mais je ne pense pas que cela le soit. Nous ne sommes pas non plus d'accord quant à la manière de mesurer le loyer après rénovation: vous êtes favorable à un loyer à la pièce, nous à un loyer au mètre carré. Je pense que le citoyen comprend qu'il s'agit de deux approches différentes, mais qu'il aurait de la peine à dire que nous sommes en train de faire des choses terribles aux locataires en ayant adopté ces deux positions. Pour le reste, nous avons eu d'autres divergences. Je me rappelle, Monsieur Grobet, que vous vous êtes opposé avec beaucoup d'énergie dans cette salle à l'essor des coopératives d'habitation. Puis, comme vous êtes un homme intelligent qui comprend l'évolution, eh bien, vous avez finalement reconnu que les coopératives avaient un rôle important à jouer en matière de logement social. Et vous m'avez dit: «Mais je veux des cautèles». Et vous avez eu raison - vous avez eu raison - mais, je vous en supplie, Monsieur Grobet, ne parlons pas de conflits gigantesques sur le fond !

En revanche, là où nous sommes en conflit, là où je ne suis pas d'accord, là où mon groupe n'est pas d'accord, là où le comité cantonal des Verts n'est pas d'accord, c'est de décider qu'un certain corpus de lois, qu'elles soient relatives à la fiscalité ou au logement, soient fondamentalement plus importantes que d'autres. Cette hiérarchie nous gêne. Nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un élargissement des droits politiques. C'est pourquoi j'espère que, de part et d'autre de cet hémicycle, lorsque le vote aura lieu sur l'initiative - s'il y a lieu - on retrouvera une très large majorité, sinon l'unanimité, pour soutenir un contreprojet allant véritablement dans le sens d'un élargissement des droits politiques ! (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Tout comme dans le débat qui a précédé notre pause, ce dont il est question, c'est de la protection des locataires et, en arrière-fond, du fait que des habitants de certains quartiers - notamment des Pâquis, de la Jonction, des Grottes et des Eaux-Vives - puissent encore vivre au centre-ville. Il y a de cela une trentaine d'années, dans les années 70, nous nous sommes battus - avec M. Hiler, d'ailleurs - pour empêcher que les gens ne soient chassés des quartiers populaires et aillent résider, parce que c'était la tendance du moment, dans les cités satellites du Lignon, à Onex ou ailleurs dans le canton mais surtout pas au centre parce qu'il était vital d'y installer des bureaux et des banques. La LDTR a été élaborée, et elle est le fruit de luttes importantes des locataires pour permettre à notre ville d'exister en tant qu'entité. Il n'y a qu'à voir à quel point la Vieille-Ville est déserte: elle est scandaleusement inhabitée, précisément parce qu'elle a été vouée à la spéculation. Nous nous sommes battus depuis de nombreuses années pour faire en sorte qu'une ville reste un bien commun, un bien destiné aux habitants, et non prioritairement au commerce ou à toute autre activité lucrative. Nous estimons qu'une ville est principalement destinée à l'habitat - et à une certaine convivialité. Pour cela, il y a des conditions à respecter - conditions dont les plus importantes sont le loyer et la possibilité pour la majorité des habitants de résider en ville. La LDTR inscrit ces conditions dans nos lois - tout comme la protection contre les centrales nucléaires est inscrite dans nos lois.

Je m'étonne que M. Hiler - qui a quitté la salle - trouve qu'il n'est pas aussi vital de permettre aux habitants de résider en ville que de protéger notre canton de centrales nucléaires. Nous avons inscrit dans notre constitution le fait que les centrales nucléaires étaient bannies de notre canton, et je ne vois pas pourquoi on n'y inscrirait pas le fait que, lorsque le corps électoral s'est prononcé sur une initiative, il se prononce automatiquement en cas de modification. C'est au corps électoral qu'il appartient de défaire ce qu'il a lui-même fait ! On a lancé des référendums et des initiatives. Lors des trois derniers référendums relatifs aux mètres carrés, au retour des congés-ventes et au prix à la pièce de 3 250 F, les écologistes ne nous ont pas suivis - puisqu'il semble qu'ils ne soient pas aussi attachés que nous au fait qu'une ville soit principalement dédiée à l'habitabilité. Je vous ferai d'ailleurs remarquer que 60% de la population planétaire habitent dans des villes - et cela va continuer.

L'enjeu actuel est le suivant: la périphérie qui va être urbanisée le sera-t-elle pour les riches et la majorité de la population ira-t-elle habiter au-delà des frontières cantonale - soit en France voisine - parce que cela coûtera moins cher ou faut-il imposer à la périphérie de construire des logements qui satisfassent aux besoins prépondérants de la population à 3 250 F la pièce et, de ce fait, maintenir à tout prix la LDTR, comme nous l'avons fait jusqu'à présent ? Pour ma part, je pense que le combat que nous avons mené ces trente dernières années va se poursuivre. Vous avez peut-être trouvé un subterfuge pour botter en touche et gagner une année, mais la population connaît les enjeux. Elle sait que, si elle veut rester en ville, si la majorité de la population - qu'il s'agisse de personnes disposant de revenus moyens, de faibles revenus ou d'importantes ressources financières - veut continuer à habiter dans cette ville, il faut à tout prix maintenir la LDTR. Cette dernière législature, nous avons lancé trois référendums que nous avons gagnés - et nous en avons marre que...

Une voix. Vous en avez marre de gagner ?

M. Rémy Pagani. Non, non, on n'en a pas marre de gagner ! On en a marre que, chaque fois que ce parlement décide de s'attaquer aux locataires, de s'attaquer aux prix des logements, de déplacer la population dans les quartiers populaires et dans les quartiers de la couronne suburbaine, on doive redescendre dans la rue, lancer un référendum, récolter des signatures et organiser des votations alors que, de toute façon - et vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés - les locataires savent bien où est leur intérêt ! Leur intérêt, c'est de maintenir cette loi qui les protège, qui permet d'habiter dans ce lieu exceptionnel qu'est une ville, de ne pas être chassé à la périphérie. Cela me paraît être le minimum des minimums pour pouvoir encore vivre de manière conviviale dans ce canton !

Nous prenons acte du fait qu'il y aura un contreprojet, mais, quoi qu'il advienne, nous lancerons une campagne contre ce contreprojet et nous gagnerons parce que les locataires ne s'y tromperont pas ! (Manifestation dans la salle.)Nous gagnerons sans problème, parce que les locataires sauront où est leur intérêt ! Leur intérêt, c'est d'avoir des loyers bon marché parce que leur salaire stagne et qu'ils ne peuvent plus se payer des loyers à 2 500 F ! La LDTR protège les locataires ou, du moins, la majorité d'entre eux contre les velléités scandaleuses de certains de réaliser des profits sur leur dos !

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de majorité Kunz.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Monsieur Pagani, une fois de plus, vous êtes plein de bonnes intentions, mais les faits sont têtus. Or, l'un d'entre eux est, que vous le vouliez ou non, que vous vivez dans une économie libérale fonctionnant autrement que sur la base des principes que vous nous proposez ! Le peuple est fort conscient de cela et il reste, dans sa majorité, attaché à cette économie libérale. Vous, les initiants et les défenseurs de cette initiative dans cette enceinte, déclarez que l'IN 120 bénéficie à 80% des Genevois. Dès lors, vous en concluez que la protection des locataires est essentielle et justifiée. Eh bien, la vérité est plus nuancée - elle est même différente. D'abord, il faut constater qu'une partie certes de ces locataires bénéficie de loyers bas - assez bas, parfois même très bas - et que ces bas loyers sont dus au blocage des prix et à tous les systèmes mis en place pour en empêcher l'augmentation. Mais... (L'orateur insiste sur ce terme.)...que constate-t-on ? D'une part, que de plus en plus de locataires n'ont plus accès à ces bas loyers. Et, d'autre part, que de moins en moins de logements sont construits parce que, pour reprendre une expression précédemment employée, les promoteurs, eh bien, ils n'ont plus d'appétit du tout ! Ils n'ont plus d'appétit du tout à Genève ! La vérité est donc que le système législatif qui a été mis en place n'est pas favorable aux locataires et qu'il est en faillite.

M. Grobet a évoqué l'échec de la suppression du contrôle des loyers après la Deuxième Guerre mondiale - et il faut reconnaître cet échec. Mais lorsqu'on libéralise le marché du logement abruptement, comme cela a été fait, on commet deux erreurs. La première est de ne pas étaler cette libéralisation sur une période de temps suffisante, et la seconde est de ne pas simultanément accroître en suffisance la surface de terrain constructible. Oublier cela - et c'est ce que l'on a bêtement fait - c'est faire naître la peur au sein des locataires; c'est favoriser les abus des spéculateurs et, partant, favoriser la démagogie. Je ne vise personne, mais suivez mon regard...

Quant aux combats perdus pour la libéralisation ces dernières années, permettez-moi de vous dire tout simplement qu'ils ont été perdus parce que, c'est vrai, le locataire genevois avait encore peur. Il a peur de la libéralisation parce que vous faites miroiter toutes les catastrophes qui, selon vous, lui pendent au nez. Monsieur Grobet, vous avez dit une chose qui m'a tout de même surpris. Contrairement à ce que vous affirmez, nous avons grande confiance dans le peuple. Nous avons même tellement confiance dans le peuple que je puis dire que nous avons davantage confiance dans le peuple que dans les autorités. La preuve: c'est que nous venons de lancer une initiative populaire ! Nous venons d'en appeler au peuple de manière que ce dernier oblige le gouvernement à s'attaquer sérieusement à la problématique du logement !

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme la rapporteuse de minorité Blanchard-Queloz.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), rapporteuse de minorité. M. Pétroz a déclaré qu'il aimait beaucoup Mme Bolay parce que cette dernière était éblouissante. Pour ma part, j'aime bien M. Pétroz, car il est tout à fait pétillant. Je dirais même qu'il nous fait tourner la tête car - puisque l'on parle patinage artistique - il pratique le triple salchow avec un art bien consommé: départ sur le pied gauche, arrivée sur le pied droit... Il a tout à fait raison: c'est vrai que le monde change, que la vie change, que les lois changent. Je suis d'accord avec lui. Mais rien n'empêche ce parlement de voter des lois - et certainement pas cette initiative ! Cette initiative demande simplement que les lois votées par ce sage parlement soient soumises à référendum obligatoire directement devant le peuple pour que ce dernier n'ait pas à lancer un référendum à chaque fois. On ne demande pas que le parlement ne travaille plus - loin de là !

On a évoqué une défiance à l'encontre du parlement. Mais non ! Le parlement peut voter ce qu'il a envie de voter, ce qu'il estime juste, ce que sa majorité estime juste. On estime simplement que l'on doit aller devant le peuple pour des questions aussi importantes que celles relatives au logement. C'est là où je comprends mal la position des Verts, qui avaient en son temps proposé un référendum obligatoire en matière d'impôts. Pourquoi un référendum obligatoire en matière d'impôts - David Hiler l'a dit tout à l'heure - lorsqu'il s'agit de finances et de gros sous, mais non lorsqu'il s'agit d'un bien de première nécessité ?! (Vives protestations.)

M. David Hiler. On a refusé le référendum obligatoire !

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Ah, vous l'avez refusé ? C'est très bien ! Mais pourquoi avez-vous, en son temps, proposé en commission fiscale le référendum obligatoire en matière financière pour des projets dépassant un certain montant...

M. David Hiler. Des investissements.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Oui, des investissements. Lorsqu'il s'agit de gros sous, vous entrez en matière, mais, lorsqu'il s'agit d'avoir un toit - pas forcément à soi, comme le veut M. Muller, mais enfin, un toit sur sa tête - ce ne sont plus tout à fait les mêmes priorités !

Quant à la commission des droits politiques, je suis vraiment déçue de son travail. On a passé de longues heures à parler du travail si... (L'oratrice insiste sur ce terme.)...important qui était mené en commission de manière à éviter à cette plénière de perdre trop de temps - on veut limiter notre temps de parole en plénière parce que l'on estime que tout le travail important se fait en commission ! Or, à la commission des droits politiques, pas un mot sur l'idée d'un contreprojet ! Personne n'a abordé cette question ! La question s'est posée, «Voulez-vous un contreprojet», «Non, on ne veut pas de contreprojet» et l'on a passé au vote... Alors, la stratégie de ce soir qui consiste à nous proposer un contreprojet ici en plénière est peut-être habile, elle est tout à fait opportuniste, mais, excusez-moi de vous le dire, elle est petite - vraiment toute petite ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Madame la rapporteuse de minorité. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. N'attendez pas de moi un propos très original sur cet objet. Tout d'abord, je ne fais pas partie de ceux qui suivent avec une totale assiduité le débat sur le logement, car le département qui m'a été confié traite d'autres questions. Et puis et surtout, je représente ici un point de vue connu, la position du Conseil d'Etat - position qui est bien connue puisqu'il l'a exprimée, comme le veut notre constitution, dans le rapport qu'il vous adressé le 19 mars 2003. Dans ce rapport, comme le veulent nos institutions, le Conseil d'Etat s'est tout à la fois exprimé sur la recevabilité de l'initiative et sur le fond de ce texte.

Que disait, à l'époque, le Conseil d'Etat ? Dans un propos qui n'a rien d'opportuniste, puisqu'il remonte au 19 mars 2003. Le Conseil d'Etat disait d'une part que, s'agissant de la recevabilité de l'initiative ou, du moins, d'un certain nombre de ses dispositions, il avait le plus grand doute. Il s'avère que ces doutes ont été assez largement partagés par le Tribunal fédéral, lequel a estimé qu'un certain nombre des dispositions de l'initiative n'étaient effectivement pas valables. Comme il le fait toujours s'agissant des droits populaires, dans cette affaire, le Conseil d'Etat a cependant appliqué avec une rigueur toute particulière cet adage que vous connaissez: in dubio pro populo, «lorsqu'on a un doute, allons-y pour les droits populaires». Le Tribunal fédéral a été plus sévère que nous dans son appréciation sur la recevabilité de cette initiative puisqu'un certain nombre de dispositions dont le Conseil d'Etat a estimé qu'elles pouvaient être considérées comme recevables n'ont pas trouvé grâce aux yeux du Tribunal fédéral. Cette affaire est maintenant derrière nous, et nous nous sommes emparés du fond de l'initiative.

Sur ce point, le Conseil d'Etat, toujours dans un rapport du 19 mars 2003 - soit il y a deux ans - disait la chose suivante: «S'agissant de la prise en considération de cette initiative, le Conseil d'Etat - et, ici, chaque mot compte - tout en reconnaissant la légitimité des préoccupations liées à la préservation du cadre de vie, estime néanmoins que les dispositions figurant dans les divers textes cantonaux sont suffisantes pour garantir une protection adéquate de l'habitat et des habitants. Il n'est dès lors pas nécessaire de charger la constitution genevoise de dispositions qui ne constituent pas des normes essentielles pour le bon fonctionnement des institutions du canton». Les normes en question, ce sont celles dont le Tribunal fédéral a dit que l'on ne pouvait pas les retenir. Et puis, le Conseil d'Etat a pris la partie la plus originale de cette initiative - celle dont nous discutons maintenant - et il a ajouté: «En revanche, le Conseil d'Etat n'est pas opposé à ce que, par le biais d'un contreprojet, certaines préoccupations des initiants trouvent place dans la législation genevoise, soit au niveau constitutionnel, soit au niveau législatif. En particulier, l'obligation de parallélisme des formes, qui empêche le Grand Conseil de modifier une législation - à condition qu'elle soit récente - acceptée par le peuple, mérite examen, quelle que soit d'ailleurs la matière en cause». Le Conseil d'Etat a ajouté qu'il trouvait très intéressant de revoir la législation en matière de déclassement de terrain. Mais je n'aborderai pas ce point-là, car ce n'est pas l'objet du débat de ce jour.

En d'autres termes, ce principe affirmé très fortement par Mme Blanchard-Queloz - qui nous a dit en introduction de ce débat que «ce que le peuple a voulu ne peut être modifié que par le peuple» - et repris dans les mêmes termes par M. Pagani est très précisément le point sur lequel le Conseil d'Etat estimait qu'il fallait aller de l'avant. Et la seule possibilité d'aller de l'avant, c'est par un contreprojet, parce que ce principe ne doit pas être appliqué exclusivement aux questions liées au logement, mais doit bien sûr être appliqué à toute autre question. Nous considérons en effet que, chaque fois que le peuple a voulu, à la suite d'une votation populaire, exprimer sa volonté, faire acte de législateur, eh bien, sur ces points-là, il faut un système de parallélisme des formes de manière que seul le peuple défasse ce qu'il a créé. Il faudra non seulement se poser la question de l'extension de ce principe à l'entier de la législation - car cette extension est juste - mais il faudra également savoir si cette extension doit s'appliquer à des législations votées il y a fort longtemps ou si elle ne doit s'appliquer que de façon limitée dans le temps. Après qu'un certain nombre de dispositions légales sont entrées dans notre législation que ce soit par le biais d'initiatives populaires constitutionnelles ou d'initiatives populaires législatives, il est évidemment extrêmement choquant que le Grand Conseil, par des majorités différentes de celle de la population cantonale, après quelques mois dans certains cas, dans d'autres cas après un an ou deux, défasse ce que le peuple a voulu et que la seule possibilité pour le peuple de s'exprimer réside dans un référendum facultatif. Cela est bien lourd. Il y a effectivement une logique dans cette initiative, qui est soutenue par le Conseil d'Etat, et cette logique consiste à dire: nous devons faire d'un principe que, ce que le peuple a voulu, seul le peuple puisse le défaire.

Voilà les raisons pour lesquelles, reprenant, non pas un propos opportuniste, non pas un propos de circonstance, mais, mot à mot, ce que le Conseil d'Etat vous disait dans son rapport du 19 mars 2003, nous vous disons qu'il ne nous apparaît pas très adéquat de recommander l'acceptation de cette initiative. En revanche, il nous semblerait très heureux que la partie la plus originale de cette initiative - celle qui veut défendre les droits populaires - soit reprise par le biais d'un contreprojet en la généralisant.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande toute votre attention, car nous allons procéder au vote sur l'IN 120-D. Je vous rappelle que nous allons voter sur le texte de l'initiative annexé au rapport tel que modifié à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral du 26 mai 2004. Nous procéderons en premier lieu au vote sur l'amendement relatif à l'article 160F, lettre a. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un amendement formel d'adaptation à la législation actuelle. Cet amendement consiste à modifier comme suit l'article 160 F, lettre a: «La loi modifiant diverses lois concernant le Tribunal des baux et loyers, à savoir les articles 29, 30, 35 B et 56 M à 56 P de la loi sur l'organisation judiciaire et les articles 426 à 448 de la loi de procédure civile, du 4 décembre 1977».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 81 oui contre 5 non et 2 abstentions.

La présidente. Nous allons maintenant procéder au vote sur l'acceptation ou le refus de l'IN 120-D selon l'article 121, alinéa 2 de la loi portant règlement du Grand Conseil. Je vous rappelle que, si ce Grand Conseil devait refuser l'IN 120-D, nous voterons alors sur l'opposition ou non d'un contreprojet.

Mise aux voix, cette initiative est refusée par 58 non contre 28 oui et 1 abstention.

La présidente. Nous allons donc procéder au vote sur l'opposition ou non d'un contreprojet, article 121, alinéa 2 de la loi portant règlement du Grand Conseil. Monsieur le député Pagani ?

M. Rémy Pagani (AdG). Madame la présidente, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)

La présidente. L'appel nominal ayant été demandé, nous allons y procéder. Celles et ceux qui acceptent le principe de l'élaboration d'un contreprojet à l'IN120-D répondront oui, celles et ceux qui le refusent répondront non.

Mis aux voix à l'appel nominal, le principe de l'élaboration d'un contreprojet est adopté par 55 oui contre 29 non et 1 abstention.

Appel nominal

La présidente. Je n'ai malheureusement aucune proposition quant à la commission chargée d'élaborer ce contreprojet. Quelqu'un souhaite-t-il s'exprimer ? Monsieur le député Pétroz ?

M. Pascal Pétroz (PDC). Dans la mesure où il s'agit d'une problématique relative au logement, il apparaît que la commission portant ce nom-là est la plus apte à traiter de cette question.

Des voix. Non ! (Brouhaha.)

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Il s'agirait plutôt de la commission des droits politiques.

La présidente. M. le conseiller d'Etat cautionne donc un renvoi de cette initiative à la commission des droits politiques. Monsieur le député Hiler ?

M. David Hiler (Ve). Peut-être ai-je mal compris ce qui pouvait arriver, mais vous avez évoqué la commission du logement pour discuter de droits politiques - parce que, là, il n'est plus question que de droits politiques ?!

Une voix. Et s'il y avait un contreprojet ?

M. David Hiler. S'il y a un contreprojet, à mon avis, il ne portera pas sur des questions relatives au logement ! Le seule objet dont on doit discuter, c'est de savoir si nous souhaitons, comme le Conseil d'Etat le suggère, étendre la protection d'un certain nombre de textes législatifs voulus par le peuple à un niveau ou à un autre pendant une période donnée. C'est de cela que l'on va discuter. Cela ne peut donc être que la commission des droits politiques !

M. René Koechlin (L). Je voulais simplement confirmer ce que vient de dire M. Hiler. Il me paraît évident que l'étude de ce contreprojet doit être confiée à la commission des droits politiques.

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Hiltpold.

M. Hugues Hiltpold (R). Simplement pour confirmer que le groupe radical estime également qu'il faut le renvoyer à la commission des droits politiques.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Pétroz ?

M. Pascal Pétroz (PDC). Voyez, Madame la présidente: personne ne vous avait donné d'indication quant à la commission à laquelle il était souhaité renvoyer ce projet de loi, mais ma petite remarque trublione a permis de clarifier cette question... (Manifestation dans la salle.)Je retire par conséquent ma remarque !

Des voix. Bravo ! Excellent !

La présidente. Il en sera donc fait ainsi: l'initiative sera renvoyée à la commission des droits politiques.

Cette initiative est renvoyée à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.

PL 9497-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement de 13'000'000F à la Fondation Aigues-Vertes pour la deuxième étape du réaménagement du village (construction des bâtiments C, E et F, transformation de l'ancienne ferme en maison des artisans, rénovation de la maison Forsythia et réalisation des infrastructures)
Rapport de Mme Morgane Gauthier (Ve)

Premier débat

La présidente. Puisque nous avons tenu notre timing, nous passons au point 124bis de l'ordre du jour. Vous avez reçu sur vos tables le rapport rédigé par Mme Gauthier. Madame la rapporteuse, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ? (Brouhaha.)

Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse. Au vu du brouhaha ambiant, je ne suis pas sûre qu'il vaille la peine d'ajouter quoi que ce soit à mon rapport... (Le brouhaha se poursuit. La présidente agite la cloche.)Nous avons étudié ce projet de loi concernant la seconde partie des travaux de réaménagement et de reconstruction du village d'Aigues-Vertes suite au premier projet de loi voté par le Grand Conseil en fin d'année dernière. Nous avons traité cet objet relativement rapidement, étant donné que nous avions déjà effectué un certain nombre de travaux au préalable.

Les délais pour rédiger ce rapport ayant été extrêmement courts, je tiens simplement à préciser un ou deux points. En premier lieu, à la page 5 de mon rapport, sous le point 6 intitulé «votes et amendements de la commission», il n'y a pas eu d'amendement en commission. Le projet de loi a été voté tel quel. La deuxième précision que je souhaite apporter est la suivante: le montant des travaux s'élève à plus de 39 millions de francs et le canton de Genève verse un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement pour un tiers du montant des travaux - le deuxième tiers étant versé par la Confédération et le troisième tiers par la Fondation elle-même.

Encore une chose concernant les discussions de la commission des travaux: il a, entre autres, été question de l'achat d'énergie par la Fondation. Il serait bien que M. Unger nous fournisse quelques précisions relatives à cette problématique. Il y a une autre problématique qu'il me semble important d'aborder ce soir: il s'agit de ce qui a été relevé ce matin par la presse. Il serait bien que nous recevions quelques indications sur cette question de la part du magistrat en charge du DASS de manière à clarifier cette opération et de manière que la reconstruction du village d'Aigues-Vertes... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...puisse continuer.

Pour conclure, je tiens à préciser que ce vote a eu lieu à l'unanimité, et il semblerait que la commission des travaux soit également suivie à l'unanimité - ou, en tout cas, à une large majorité - s'agissant du vote ce soir.

La présidente. Merci pour la célérité avec laquelle vous avez rédigé ce rapport. Madame la rapporteuse. La parole est à M. le député Pagani.

M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons ici affaire à un petit projet qui s'élève tout de même à 37 millions...

Une voix. 39 millions !

M. Rémy Pagani. 39 millions, pardon ! Notre collectivité va y mettre de ses deniers pour un tiers. Cela signifie que la Confédération fournira un effort pour un autre tiers et les privés - enfin, les généreux donateurs, puisque c'est ainsi qu'il faut les appeler - participeront à hauteur du dernier tiers. Si je me permets de prendre la parole, c'est parce que nous avons été quelque peu... disons, gênés aux entournures lorsque nous avons dû voter le précédent crédit, qui concernait la ferme d'Aigues-Vertes. La ferme était déjà construite, et l'on nous demandait de voter le crédit quasiment pour la fin des travaux !

A ce moment, nous avons cependant constaté que les budgets étaient tenus, que l'ensemble du processus avait été respecté et que, hormis quelques petites critiques architecturales, cette ferme convenait aux utilisateurs. Nous avons fait un effort - et cela a également été le cas de l'administration - pour aller au plus vite afin que l'on puisse voter ce projet de loi aujourd'hui. Je tiens d'ailleurs à souligner que, lorsqu'il s'en donne les moyens, notre parlement est capable de voter très rapidement de bons projets - je ne parle pas des mauvais, mais des bons projets... En l'occurrence, il s'agit d'un bon projet. Nous avons donc fait très vite pour mettre sous toit ce projet de loi - et je remercie le département d'avoir quelque peu forcé la course pour nous permettre de tenir les délais. On se réjouit de pouvoir enfin mettre à disposition des locaux qui soient ne serait-ce qu'adaptés en matière de sécurité. Actuellement, il existe en effet un décalage très important. On s'est montré très attentif au fait que, s'il arrive un accident ou un incendie, les mesures de sécurité actuelles ne sont pas acceptables - ce qui ne manque pas de susciter des soucis de la part des responsables de cette institution.

Après les explications de M. Unger, je me permettrai simplement d'intervenir sur un détail dont nous avons discuté tout à l'heure en commission. Nous avons été surpris, non pas qu'un maître d'oeuvre - en l'occurrence, la Fondation Aigues-Vertes - décide de se séparer d'un mandataire - ce qui est tout à fait légitime - mais du fait que nous n'ayons même pas été informés de cette affaire en commission, et ce alors que, si je ne m'abuse, nous avons rencontré les responsables de cette Fondation il y a moins de trois semaines. Si nous n'étions pas satisfaits des explications de M. Unger, je me permettrai donc, le cas échéant, de lui demander un éventuel complément ici, en plénière, de manière à ne pas renvoyer ce projet de loi en commission, mais à obtenir sur le siège les éléments qui nous permettront de voter en toute conscience ce projet de loi.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur le conseiller d'Etat Unger ?

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens d'abord, une fois de plus, à vous remercier, au nom d'Aigues-Vertes et de ses villageois, de l'énergie et de la célérité que vous avez mises à traiter ces différents projets. Je ne reviendrai pas sur l'historique du premier projet, car nous avons déjà eu l'occasion de nous en expliquer. Notre retard était réel, et nous avons fait profil bas. C'était toutefois un profil bas partagé - du moins, avec une moitié de cet hémicycle - puisqu'il s'agissait d'un projet de loi accompagnant le budget 2004. Ce budget ayant été adopté au début de l'été 2004, eh bien, ce projet de loi qui aurait dû être traité en janvier a été traité en septembre. Encore une fois, nous faisons volontiers amende honorable.

Sur ce projet, nous avons tenu le timing et cela m'a amusé de voir, dans le rapport de Mme Gauthier, certains commissaires se demander si ce montant fait ou fera partie du budget 05. Lorsque le budget est voté à temps, ce montant en fait partie puisque cette subvention d'investissement était prévue dans le budget 05 - mais il est vrai que, si le budget n'avait, une fois de plus, été voté qu'au mois de juin, on aurait alors pu parler d'un futur ou, pire, d'un conditionnel. Dieu merci, nous n'en sommes pas là !

Pour parler plus sérieusement, deux interrogations m'ont été adressées. La première touche à la question de l'énergie - question qui a, semble-t-il, été évoquée en commission. Puisque vous avez eu la gentillesse de m'en faire part, Madame la rapporteuse, j'ai vérifié ce soir auprès de M. Bednarczyk qu'il n'avait aucunement l'idée saugrenue de se servir en électricité ailleurs qu'auprès de la compagnie des Services industriels de Genève, qui dessert notre territoire en appliquant les différents tarifs que vous avez d'ailleurs eu l'occasion d'approuver. Tel semble être le cas: M. Bednarczyk m'a confirmé - et vous a également confirmé, puisque j'ai pu vous le passer au téléphone - son engagement à n'utiliser que les Services industriels de Genève.

M. Gabriel Barrillier. C'est un monopole !

M. Pierre-François Unger. Monopole, Monsieur Barrillier, comme un peu la FMB monopolise... Il est de ces monopoles avec lesquels les uns et les autres s'accommodent ! Eh oui ! (Brouhaha.)

Deuxième point: la querelle qui a surgi entre le conseil de fondation et les mandataires. Là encore, j'ai vérifié les points qu'il m'apparaissait essentiel de vérifier pour vous rassurer. D'abord, la procédure AIMP. Entre l'argent de la Confédération et celui du canton, il y a plus de 60% d'argent public. En conséquence, quelle que soit l'énergie qu'elle met à trouver des fonds propres et des fonds privés, comme vous les avez désignés - il s'agit effectivement de fonds de donateurs - la Fondation Aigues-Vertes est soumise à l'AIMP. Maître Bellanger, qui fait partie du conseil de fondation, m'a confirmé que la procédure AIMP avait été conduite de manière tout à fait rigoureuse et exemplaire et que les meilleurs mandataires en termes d'AIMP avaient été choisis. Il se trouve que, pour des raisons de contrat privé, c'est un contrat à l'heure - et non un contrat général portant sur l'ensemble des travaux - qui a été passé entre la Fondation Aigues-Vertes et les deux mandataires qui querellent maintenant l'histoire dans «La Tribune de Genève». Ce travail à l'heure a engendré des mécontentements successifs avec, d'abord, un certain nombre d'avertissements du conseil vis-à-vis des mandataires, puis des réprimandes et, enfin, une rupture du contrat. Cette rupture du contrat a eu lieu dans le cadre d'une relation de privé à privé, en conséquence de quoi il ne m'apparaît pas que l'Etat ait à intervenir dans cette affaire. Il s'agit vraiment d'une incompatibilité de philosophies autour de ce projet et de disponibilité des uns vis-à-vis des autres. Pour tout ce qui tient aux droits et aux devoirs de regard de l'Etat - et, en particulier, pour tout ce qui concerne l'AIMP - on m'a donné la garantie que les procédures avaient été conduites dans l'ordre. Je ne dispose pas d'explication plus détaillée à ce stade, car la décision querellée va probablement passer en justice. Il faudra alors laisser la justice trouver la voie qui est la sienne et donner les explications qu'elle entendra.

Pour le reste, une fois encore, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens réellement à vous remercier de l'attention que vous avez portée à la situation particulière d'Aigues-Vertes. Ce village est né, on le sait, de la Fondation INSIEME, avec pour villageois des infirmes de type mental. Et, petit à petit, depuis 2001, 2002, il y a eu cette reprise qui s'est faite par un conseil de fondation qui a accepté de jouer le jeu que, tous, vous avez voulu que nous jouions ensemble - à savoir, le jeu de l'intégration des personnes handicapées. Cela s'est traduit par une ouverture considérable du village vers l'extérieur, avec notamment la tenue de deux stands dans des marchés de la ville pour écouler les produits de la ferme. Il s'agit d'une intégration remarquable qui n'attend plus qu'une sécurité des habitations et des ateliers pour trouver une vitesse de croisière qui fera d'Aigues-Vertes le village des villageois - peut-être - les plus heureux du monde.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur le député Pagani ? (Manifestation dans la salle.)

M. Rémy Pagani (AdG). Je suis désolée d'intervenir une nouvelle fois, mais certains des commissaires, je m'en souviens, avaient posé des questions concernant le respect des procédures AIMP lors de la première étape des travaux concernant la ferme. Pour ma part, je ne me contente pas d'entendre de la part d'un membre de la fondation: «Oui, les procédures AIMP sont respectées». Nous ne sommes bien évidemment pas maîtres d'oeuvre, mais les collectivités investissent plus de 60%, voire 75%... non, pas 75%, un peu moins, mais elles investissent tout de même de l'argent. M. Moutinot n'est malheureusement pas là, mais je demanderai soit au chef du DASS soit à celui du DAEL de vérifier si l'ensemble des procédures AIMP ont effectivement été respectées. Cela me semble être le minimum pour que, dans le litige qui oppose, je suis d'accord, des privés à d'autres privés, nous n'ayons pas à subir de répercussions intempestives - car on sait que ce genre de conflit peut déborder à l'occasion. Il vaudrait mieux s'en prémunir. J'insiste donc pour que l'on nous donne la garantie que ces procédures AIMP soient contrôlées. Cela me paraît être le minimum. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Si nous avions été informés de ce litige en commission, nous aurions pu directement formuler cette demande au représentant de la Fondation et au DAEL. Je le fais en séance plénière, en espérant que M. Unger y répondra positivement. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

M. Gabriel Barrillier (R). Il faut préciser que, même s'il s'agit d'un maître d'ouvrage privé - soit la Fondation Aigues-Vertes - plus de 50% des dépenses étant subventionnées par la Confédération et par le canton, les travaux sont soumis à l'AIMP. C'est clair ! C'est absolument clair ! (Manifestation dans la salle.)

La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je remercie simplement M. Barrillier d'avoir répété ce que je venais de dire... (Manifestation dans la salle.)...et je rassurerai M. Pagani: la seule chose ce que je puisse faire entre l'article de ce matin et la séance de ce soir, c'est passer un coup de téléphone pour que l'on me garantisse par écrit un certain nombre d'éléments et vous transmettre ces éléments. Dans ces quelques heures, je n'ai pas le temps de les vérifier.

Permettez-moi toutefois d'insister sur la qualité de celui qui m'a écrit: sa qualité, il est vrai, de membre du conseil de fondation, mais aussi sa qualité de professeur de droit administratif et de référent régulier en matière d'AIMP. Pour ma part, je suis prêt à lui faire confiance. Les vérifications seront faites, elles vous seront communiquées, mais diable, d'abord la confiance !

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder au vote sur ce projet de loi.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 69 oui et 3 abstentions.

La loi 9497 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9497 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui et 2 abstentions.

PL 7945-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Esther Alder, Anne Briol, Fabienne Bugnon, Antonio Hodgers, Louiza Mottaz, Chaïm Nissim, Jean-Pierre Restellini, David Hiler, Caroline Dallèves modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (K 2 05)
Rapport de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)

Premier débat

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. Ce projet de loi est relativement ancien puisque, entre le moment où il a été discuté et celui où on le traite, ce sont à peu près trois ans et demi qui se sont écoulés. Je rappelle brièvement qu'il s'agissait d'établir, par ce projet de loi, une incompatibilité entre la fonction de conseiller d'Etat chargé du DASS et celle de président du conseil d'administration des HUG. Or, lorsqu'on lit le rapport - rapport que j'ai repris de Dominique Hausser - on s'aperçoit qu'aucun parti n'est absolument déterminé quant à la question de savoir s'il y a vraiment incompatibilité entre ces deux fonctions ou s'il serait préférable de garder le conseiller d'Etat chargé du DASS à la tête des HUG. J'ai donc discuté avec les représentants des différents partis faisant partie de la commission de la santé en leur proposant de renvoyer ce projet de loi en commission de façon qu'ils puissent se déterminer. On a, en effet, l'impression que des personnes défendant telle position et d'autres défendant telle autre position à l'époque seraient prêtes à changer d'avis. Il pourrait donc être intéressant de renvoyer ce projet en commission afin d'en rediscuter de façon plus sereine et, surtout, de façon plus actuelle.

La présidente. Si je vous ai bien compris, Madame la rapporteuse, c'est à la commission de la santé que vous proposez le renvoi de ce projet de loi ? (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Madame la rapporteuse, c'est bien à la commission de la santé que vous demandez le renvoi de ce projet de loi ? (Approbation de Mme Fehlmann Rielle.)Je passe la parole à M. le député Glatz.

M. Philippe Glatz (PDC). Je tiens à annoncer, au nom du parti démocrate-chrétien, que nous soutiendrons cette demande de renvoi en commission. Comme vous l'aurez remarqué à la lecture de ce rapport, nous nous étions, à l'époque, prononcés en faveur de ce projet de loi proposant que le président du département de la santé ne soit pas nécessairement celui qui préside aux destinées du conseil d'administration des HUG. Pour cela, nous appuyions comme principal argument le fait que le président du département de la santé jouait en même temps le rôle d'arbitre en cas de conflit entre assureurs et prestataires de soins - comme on les appelle maintenant - et que l'arbitre ne pouvait être partie prenante. Il fallait que les pouvoirs publics puissent continuer à remplir ce rôle d'arbitre en toute indépendance.

Il nous est cependant apparu que la mission des HUG était tellement importante que, si nous renoncions à la présence du président du DASS dans le cadre du conseil d'administration, il fallait que nous définissions le mandat pouvant leur être octroyé au nom des pouvoirs publics. En conséquence, un projet de loi consistant simplement à dire que le président du département ne peut siéger comme président du conseil d'administration des HUG est insuffisant. Il faudrait que ce projet de loi soit accompagné d'une réflexion sur la mission que nous entendons définir et sur le mandat de prestation que nous entendons confier aux HUG au nom des pouvoirs publics. C'est pourquoi je recommande également que la commission de la santé se penche sur cette problématique.

Mme Anne Mahrer (Ve). Ce projet de loi ayant été déposé en 1998, il n'est effectivement pas très récent. Aux yeux des Verts, la discussion reste toutefois d'actualité. Si la présence d'un représentant de l'Etat au sein du conseil d'administration des HUG reste indispensable, il serait en revanche préférable que le chef du DASS ne préside pas ce conseil.

Nous sommes d'accord de renvoyer ce projet de loi en commission de manière à rediscuter de cette problématique.

M. Pierre Froidevaux (R). Mme Fehlmann Rielle s'est livrée à un joli tour de table en précisant que les positions des divers partis avaient pu changer depuis le vote en commission. Sur ce point, je suis obligé de procéder à un petit historique pour vous rappeler... (Agitation sur les bancs des libéraux.)Ne vous découragez pas, chers collègues libéraux... pour vous rappeler à quel point il avait été difficile de voter la réforme des HUG sous l'ère de M. Segond. La commission avait passé au moins une année à tenter de déterminer qui devait se trouver à la tête des HUG - M. Segond souhaitant disposer du pouvoir politique vis-à-vis du «pouvoir de la connaissance», comme il le précisait à cette époque. Nous l'avons suivi, notamment parce que les HUG disposaient d'une garantie de déficit et qu'il était normal d'accorder le pouvoir de gérer cette institution à celui qui le réclamait.

Lorsque nous avons voté cette loi en plénière, l'un des membres du parti radical - M. Bernard Lescaze, pour ne pas le nommer - avait alors exprimé tous ses doutes en rappelant que la loi précédente - la loi de Georges Favon - avait duré cent ans et que ce point de cette loi ne survivrait pas à Guy-Olivier Segond. Les Verts en ont ensuite fait l'un des programmes politiques lors de leur réélection en 1997, et le projet de loi a été déposé l'année suivante. Il a fallu attendre toute la législature où ils disposaient de la majorité pour qu'en fin de législature ils traitent enfin ce projet de loi. Les radicaux ont été bien empruntés, puisque nous avions soutenu la volonté de M. Segond de se trouver à la tête des HUG tout en remettant en cause ce principe à l'intérieur du parti. L'abstention était là, de nouveau, très dynamique...

Aujourd'hui, nous souhaitons - et nous accompagnons - la volonté de réforme du Conseil d'Etat, qui entend modifier le statut des HUG. On évoque, à cet égard, régulièrement ce contrat de prestations que nous devrions examiner et voter.

Afin de soutenir cette volonté de réforme, nous demandons le renvoi de ce projet de loi en commission de manière que ce problème... (Interpellation.)Mais oui, cher collègue, mais je me permets de vous l'expliquer, car je suis sûr que vous écoutez... Il s'agit donc d'appuyer cette volonté de réforme et de soutenir l'idée d'un contrat de prestations - mesure qui serait, à nos yeux, une manière plus légitime de gérer l'Hôpital cantonal. Je remercie donc tous les collègues qui voudront bien soutenir le renvoi de ce projet en commission.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je serai bref puisque, si vous ne l'aviez fait, j'aurais demandé un renvoi de ce projet en commission. Il n'est, en effet, probablement pas bon que le chef d'un département soit en même temps le président d'un organe d'exécution des politiques. On ne peut à la fois se trouver à l'origine des politiques et en être l'exécutant car, à ce moment-là, on n'est plus vraiment le contrôleur de l'exécution. C'est la raison pour laquelle la question, encore une fois, est bonne. Selon moi, la place d'un conseiller d'Etat ou d'une conseillère d'Etat n'est pas à la présidence d'une institution - mais il ne s'agit pas, non plus, de défendre l'absence de représentation de l'Etat à l'intérieur de ce conseil. Si les uns ou les autres ont le temps de relire la loi sur les SIG, vous y verrez le rôle parfaitement bien décrit qui est attendu du conseiller d'Etat. Ce rôle consiste: 1) à donner les informations politiques nécessaires à ce que l'établissement puisse les appliquer; 2) à recevoir du conseil d'administration un certain nombre d'informations qu'il puisse transmettre au Conseil d'Etat. Ceci, à l'évidence, est important. Quant au mandat de prestation, il est évidemment important - et il doit se faire sur la base d'un plan stratégique des HUG.

Les enjeux que vivent les hôpitaux universitaires en Suisse ne sont un secret pour personne - et l'enjeu tout particulier des Hôpitaux universitaires de Genève n'est pas, non plus, un secret pour qui que ce soit. Il doit tout à la fois concilier sa mission publique prioritaire - à savoir, être un hôpital de proximité - et garder des compétences universitaires lui permettant de rester au même niveau que ses quatre homologues au niveau national. Ce type d'enjeux nécessite, encore une fois, une interface forte entre le politique et le conseil d'administration - mais certainement pas la présidence de ce conseil. C'est la raison pour laquelle nous pourrons, en commission, observer les modes de gouvernance qui offrent à la fois l'autonomie de gestion voulue, et par la constitution, et par l'organisation, et le contrôle et l'information nécessaires pour éviter certaines dérives dont nous aurons peut-être - hélas - l'occasion de reparler. Le Conseil d'Etat procède d'ailleurs ainsi pour tous les grands organes parapublics.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant procéder au vote sur la proposition de renvoi de ce projet de loi à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission de la santé est adopté par 55 oui (unanimité des votants).

M 1467-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Alexandra Gobet Winiger, Sami Kanaan, Véronique Pürro, Charles Beer, Thierry Apothéloz, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Sylvia Leuenberger relative à la création d'une spécification administrative des avances AI, distincte de l'assistance publique cantonale
Rapport de Mme Marie-Françoise de Tassigny (R)

Débat

La présidente. Monsieur Froidevaux, avez-vous quelque chose à ajouter à ce rapport ?

M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur ad interim. Je dois reconnaître que votre rapport est fort bien fait, chère Présidente, mais je me permets tout de même de m'adresser à mes chers collègues pour préciser quelque peu le cadre de cette motion.

Cette motion, écrite par notre regrettée Alexandra Gobet Winiger, traitait d'un sujet à la fois délicat et important: la situation financière des personnes en attente d'AI qui doivent se tourner vers l'Hospice général pour bénéficier d'une aide jusqu'à ce que leur cas soit statué par l'office AI. Il faut savoir qu'une rente AI est plus favorable qu'une rente sociale. Il y a donc là un différentiel qui rend la situation des personnes en attente AI délicate durant une période qui peut durer de plusieurs mois à plusieurs années.

Mme Gobet Winiger souhaitait que l'Hospice général vienne en aide à ces personnes en leur garantissant le revenu prévu par cette rente AI. La commission des affaires sociales n'a pas pu entrer en matière sur cette motion, car cela présuppose que nous décidions d'avance que la personne n'est pas soumise à un régime d'assistance, mais directement à une décision AI. Le parlement ne pouvant disposer de ce type de compétences, nous ne pouvons que vous recommander le refus de cette motion.

Cette motion a malgré tout le mérite d'attirer l'attention sur un débat très important. Il faut comprendre que sortir de l'assistance - ce qui se fait de manière majoritaire par le biais d'une rente AI - permet aux personnes ne pouvant plus bénéficier d'une situation sociale par le biais du travail de jouir d'une situation plus favorable. Là, je rends l'ensemble du parlement attentif au fait qu'il s'agit d'un phénomène de société dont nous aurons encore souvent l'occasion de parler, car la situation en la matière devient de plus en plus préoccupante.

Pour le moment, je vous recommande de voter les conclusions de ce rapport et, partant, de ne pas tenir compte de la motion 1467 rédigée par feu notre collègue Alexandra Gobet Winiger.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme la députée Pürro.

Mme Véronique Pürro (S). Le groupe socialiste a longuement hésité à déposer un rapport de minorité pour plusieurs raisons. Comme l'a rappelé M. le rapporteur Froidevaux, c'est notre collègue Alexandra Gobet Winiger qui, dans sa pratique d'avocate à Caritas, nous avait parlé des situations qu'elle était amenée à défendre. A son sens, le problème ne résidait pas forcément dans le point évoqué par M. Froidevaux - à savoir, le différentiel entre l'assistance publique et les éventuelles prestations à l'assurance-invalidité et à l'assurance-chômage - puisque cette problématique a surgi en cours de traitement de la motion. La problématique que relevait Mme Gobet Winiger à l'époque où elle a déposé cette motion, c'était celle des conséquences de l'assimilation des bénéficiaires de l'assistance publique en attente d'une décision AI à des assistés, notamment dans le cadre d'une demande d'aide au logement. C'est bien là le problème que la motion soulevait - puis, en cours de traitement, il est apparu que la question du différentiel constituait un problème supplémentaire.

Si nous avons finalement renoncé à déposer un rapport de minorité, c'est qu'en cours de traitement nous avons pu observer que l'OCAI - qui, au moment du dépôt de la motion, souffrait d'un retard de traitement considérable - était en passe de résorber ce retard. Cela rendait les conclusions de l'invite moins intéressantes, puisque le nombre de personnes concernées par la motion était en passe de diminuer.

Cette motion ayant été déposée il y a maintenant plusieurs mois et étudiée encore plusieurs mois au préalable, ce qui me semblerait intéressant, c'est que, puisqu'il est encore parmi nous, M. Unger nous expose la situation actuelle... (Manifestation dans la salle.)S'il vous plaît, chers collègues, je parlais de l'heure ! Je pense que M. Unger ne m'en voudra pas, car telle était ma réelle intention ! Je vous ferai en effet remarquer qu'il est 22h40 et que, sur sept conseillers d'Etat, M. Unger est le seul à être parmi nous... (Ton amusé.)

Une voix. Bravo !

Mme Véronique Pürro. Ne me prêtez donc pas des intentions qui n'étaient pas les miennes ! Je disais donc que, après plusieurs mois d'attente de traitement de cette motion, il serait intéressant que M. Unger nous expose en quelques mots la situation actuelle en matière d'attente de dossiers AI. C'est tout ce que je voulais dire.

En conclusion, je pense que les souhaits de notre collègue Alexandra Gobet Winiger sont en passe d'être réalisés - et cela me réjouit.

Mme Jocelyne Haller (AdG). La motion 1467 avait, entre autres, l'ambition d'exposer la problématique des faibles montants d'assistance et, surtout, la stigmatisation dont sont victimes les personnes au bénéfice de prestations d'assistance dans l'attente d'une décision de l'office AI. Outre ce constat - que nous partageons - cette motion présente malheureusement de graves défauts.

Tout d'abord, elle demande que les individus en attente AI reçoivent des montants d'aide plus élevés que les autres personnes au bénéfice de prestations d'assistance - comme si certaines détresses devaient être mieux cotées que d'autres. Or, cela pose un problème incontournable. Deuxièmement, cette motion comporte un certain nombre d'erreurs qu'il est important de relever ici, notamment l'incompatibilité relevée entre prestations d'assistance et allocation au logement. Or, la réalité veut que ces prestations ne soient pas incompatibles: elles sont, au contraire, subsidiaires l'une à l'autre. Enfin, solliciter des prestations AI ne veut pas forcément dire obtenir des prestations AI. On l'a vu: dernièrement, la chronique s'est quelque peu agitée sur ces questions.

Pour en terminer, dans le contexte de l'époque - à savoir, les difficultés de l'AI à traiter les demandes des prestations dans des délais décents - les intentions des motionnaires étaient certes louables, mais le vecteur choisi était particulièrement inopportun, car portant en lui le germe d'une inéquité de traitement politiquement et déontologiquement inacceptable. C'est pour ces motifs que nous vous invitons à suivre les recommandations de la commission. Je pense qu'il était important de rappeler ces éléments.

La présidente. Merci, Madame la députée. Monsieur le conseiller d'Etat Unger, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Il me semble que tout - ou à peu près - a été dit. Cette motion posait effectivement un problème de nature circonstancielle dans la mesure où elle a été déposée à un moment où l'office AI était en particulièrement mauvais état, puisque c'est plusieurs milliers de dossiers de plus de deux ans qui se trouvaient accumulés dans les services. Depuis, Dieu merci, la situation s'est très significativement améliorée et, selon le président de l'office cantonal des assurances sociales, ce sont moins de deux cents dossiers de plus de deux ans qui sont actuellement traités par les cantons ayant eu la gentillesse de nous aider.

L'autre observation faite par Mme la députée Haller est importante aussi. Présumer qu'il faut pratiquement encourager les gens arrivant à l'assistance à déposer une demande AI pour obtenir des montants supérieurs est en effet, de mon point de vue, une absurdité. L'idée était compréhensible, mais abordée par le mauvais bout. Quant à dire qu'il y avait un problème avec le logement, ce n'était pas le cas.

On y verra plus clair lorsque votre parlement aura adopté la loi sur le revenu déterminant unifié, qui permettra de hiérarchiser les prestations en tenant compte, à chaque étape, des prestations préalablement reçues. C'est de cet ordre dont nos citoyennes et citoyens ont besoin pour retrouver, je l'ai dit plusieurs fois et je le répéterai encore, à défaut d'une joie immense à être contribuables, du moins, le sens de la contribution. Car c'est dans ce désordre que s'est peu à peu induite la méfiance des contribuables qui menace ceux devant pouvoir bénéficier d'une aide sociale généreuse. Nous devons ensemble penser à ces éléments de manière à éviter une fracture qui serait d'un tout nouvel ordre et qui me paraîtrait particulièrement odieuse: la fracture entre ceux qui contribuent et ceux qui reçoivent. Ils doivent être solidaires, et non adversaires ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix les conclusions de la commission des affaires sociales, à savoir le rejet de cette proposition de motion.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires sociales (rejet de la proposition de motion) sont adoptées par 31 oui et 14 abstentions.

La présidente. La proposition de motion est par conséquent rejetée. Nous passons maintenant au point 31 de l'ordre du jour... (Protestations.)Il n'est pas encore 23h ! La dernière fois, vous avez regretté que nous n'ayons pas continué jusqu'à 23h ! Nous traitons donc le point 31 de l'ordre du jour, à savoir la motion 1594.

M 1594
Proposition de motion de Mmes et MM. Ariane Wisard-Blum, Esther Alder, Morgane Gauthier, Anne Mahrer, Antonio Hodgers, Stéphanie Nussbaumer, Sylvia Leuenberger, Michèle Künzler, Jean Rossiaud pour clarifier et accélérer les conditions et les procédures de construction de nouveaux EMS, notamment leur subventionnement

Débat

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Le dépôt de cette motion va bientôt fêter sa première année et, depuis, les procédures à suivre en matière de construction des EMS ont progressé. Les premières subventions à la construction ont été accordées, permettant le démarrage des premiers chantiers. Des postes administratifs dévolus aux programmes de construction et de rénovation d'EMS augmentent, spécialement au DASS. La direction du programme DASS a changé de mains. Les hôpitaux continuent à héberger des personnes âgées en attente de places en EMS. Pourtant, la situation reste mitigée. A ce jour, trois constructions d'EMS pour un total de deux cents nouveaux lits ont démarré; leur ouverture est prévue pour 2006. Mais ce sont 1 300 lits qui sont attendus à l'horizon 2010, selon le plan directeur du DASS adopté en 2001.

La direction bicéphale DASS - DAEL de ce programme s'est traduite par la création tout à fait opportune d'un comité de pilotage rassemblant l'ensemble des services concernés. Les directives et exigences concernant les dossiers à soumettre sont en train de se mettre en place après moult modifications, alors que plusieurs dizaines de projets ont déjà été soumis, examinés, renvoyés, repris, réexaminés. Certains sont enfin acceptés après de nombreuses années. Ce retard de directives, de modalités et de règles claires a été épuisant tant pour les promoteurs de projets que pour les examinateurs administratifs. Pendant que des institutions de droit public ou des institutions privées s'engagent dans des projets d'EMS, dépensant des millions dans des achats de terrains et des frais d'architectes sans savoir, ni dans quel délai leurs projets seront examinés, ni sur quoi portera l'analyse, une seule chose se confirme: le besoin de places supplémentaires lié au vieillissement de la population. L'une des improvisations du DASS consiste alors à déclarer lits EMS des lits hospitaliers occupés par des personnes âgées en attente de places en EMS.

La résolution du problème financier posé aux personnes concernées par une intervention de l'OCPA ne règle pas l'entier de la question. D'une part, en tant que lits hospitaliers, ces lits restent hautement subventionnés, mais, surtout, il ne devrait nullement s'agir d'échanger la politique d'accueil en EMS contre une politique de sous-hospitalisation. Les personnes âgées en attente de place espèrent un lieu où vivre, un lieu où recevoir de l'aide et des soins, un lieu où passer la fin de leur vie. Il est donc urgent de créer des structures dont le fonctionnement soit propre aux EMS plutôt que de poursuivre avec ces lits hospitaliers finalement devenus de faux EMS. Le fait de céder ces lits hospitaliers répond à un besoin évident. L'étude d'une possible transformation de certains services hospitaliers en structures fonctionnant comme de véritables EMS est urgente. En aucun cas une structure provisoire supplémentaire ne devrait être créée. Un nombre certain de personnes âgées concernées ont déjà eu à vivre plusieurs transferts intrahospitaliers et de multiples aller-retour entre leur domicile et les HUG. Ces personnes doivent disposer d'un lieu où s'installer.

Cette motion est l'occasion d'examiner concrètement comment le plan directeur du DASS de 2001 est mis en application et, sur la base de ce document, d'ouvrir un débat en commission des affaires sociales sur la politique globale à suivre en matière d'EMS.

La présidente. Merci, Madame la députée. Je propose de clore la liste. Sont encore inscrits MM. les députés Roulet, Schmied et Charbonnier.

M. Jean Rémy Roulet (L). Je souhaite remercier la députation verte pour le dépôt de cette motion et lui faire savoir qu'elle trouvera déjà une partie des réponses aux questions tout à fait légitimes qu'elle pose dans une autre motion qui sera traitée demain dans les extraits: il s'agit d'une motion libérale déposée en juin 2003 et qui pose exactement les mêmes questions que les vôtres.

Je me souviens qu'en 2003, lors d'un premier débat sur la construction des EMS, nous avions soulevé le point crucial des tracasseries administratives et des problèmes de normes de construction. A l'issue de ce débat, presque toutes nos invites avaient passé, sauf celle qui avait trait aux normes de construction. M. Rodrik avait, à l'époque et par une majorité de circonstance, décidé de supprimer cette invite liée aux normes de construction parce que, disait-il, c'était toucher à un tabou lié aux normes généralisées en matière de construction de logements à Genève. Or, notre but était précisément de clarifier le débat et de simplifier l'édification de tels bâtiments pour les dix prochaines années - et je puis vous dire que, depuis deux ans, le département a réalisé un travail très sérieux et tout à fait remarquable. Vous pouvez consulter le site Internet www.geneve.ch/ems, où vous trouverez absolument toutes les réponses aux questions posées dans votre motion.

Ainsi donc, le groupe libéral soutiendra le renvoi en commission de cette motion, en demandant au Conseil d'Etat de la traiter avec célérité - et ce, d'autant plus que les trois quarts des réponses qui seront apportées à ce texte se trouveront probablement dans le rapport qui vous sera présenté demain.

Je relève que la dernière invite pose une excellente question, qui n'avait pas été posée à l'époque: c'est la question de savoir dans quelle mesure l'Hôpital cantonal peut absorber une population vieillissante grandissante. Sur ce point, le département devra nous fournir une réponse solide, car il n'est pour l'instant pas évident de mélanger ces deux types de population. Encore une fois, je me réjouis de traiter cette problématique en commission sociale - ou, pour ce volet, en commission de la santé.

M. Patrick Schmied (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera également cette motion même s'il semble que, les invites étant d'inégale valeur, ce texte enfonce parfois des portes ouvertes. Nous sommes aussi d'accord avec les préopinants quant à l'intérêt de la quatrième invite, qui amène une idée nouvelle. En revanche, pour ce qui est de la première invite, on aurait aimé aller un peu plus loin et parler de simplification plutôt que de clarification des procédures administratives. Mais enfin, on aura le temps d'en reparler. D'ici là, nous nous réjouissons de lire le rapport du Conseil d'Etat sur ce sujet, mais nous souhaitons surtout voir les EMS sortir de terre - car c'est cela qui compte avant tout et c'est là le but final de l'exercice !

M. Alain Charbonnier (S). Le groupe socialiste soutiendra aussi le renvoi en commission de cette motion qui, finalement, tombe bien à propos. Bien que des projets d'EMS soient déjà en cours, comme de nombreuses personnes l'ont souligné, il manque énormément de places dans les EMS. Il manque beaucoup d'EMS aujourd'hui encore. Cette situation est peut-être l'occasion de s'interroger sur la structure à choisir. Outre les EMS - soit les établissements médico-sociaux - il existe en effet aussi des D2 - soit des immeubles à encadrement social. Dernièrement, un rapport commandé par le président du DASS Unger est arrivé. Or, ce rapport soutient l'idée de relancer ce type de structure d'accueil pour les personnes âgées; il montre que l'EMS n'est finalement pas la panacée, qu'il ne s'agit pas de construire uniquement ce genre de structure - structure par ailleurs relativement coûteuse et devenue très médicalisée ces dernières années en raison de l'âge avancé des pensionnaires. Je dis donc oui à des EMS qui soient des lieux de vie, mais il faut aussi offrir aux personnes âgées la possibilité de choisir. A nous - au parlement, au département - d'être imaginatifs ! Et peut-être parviendra-t-on, finalement, à réaliser des économies dans ces choix. Cela part des soins à domicile en passant par les D2 et les EMS - et peut-être aussi par des mixités entre D2 et EMS. Je crois qu'il faut réfléchir aux divers choix qui s'offrent à nous - et l'étude de cette motion en commission sera l'occasion de se pencher sur ce sujet.

Je souhaite par ailleurs faire remarquer à M. Roulet, qui a évoqué tout à l'heure le nom de M. Rodrik, que le choix des structures n'a rien à voir avec les normes de construction. Nous défendrons toujours les normes de construction. Je me souviens fort bien de votre conférence de presse de l'époque. M. Muller, votre chef de groupe, avait déclaré que, pour les personnes âgées, ce n'était finalement pas très... (L'orateur est interpellé.)Non, je parlais de votre chef de groupe actuel, M. Muller ! Ce dernier avait déclaré que, pour les personnes âgées, les isolations phoniques n'étaient finalement pas très importantes, car elles n'entendent pas très bien. Puisqu'elles ne voient pas très bien non plus, on pourrait carrément abattre les parois... Il me semble que certains éléments doivent tout de même être maintenus et qu'il ne faut pas galvauder certaines procédures de cette façon. En revanche, il est effectivement temps de se pencher sur les choix à opérer - et ne vouloir construire absolument que des EMS n'est peut-être pas la route à suivre.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accueille cette motion avec plaisir - essentiellement, d'ailleurs, en raison de la quatrième invite. Il est vrai que, du fait du délai de traitement des objets de votre parlement, les trois premières invites ont, dans l'intervalle, trouvé réponse dans un rapport faisant suite à une motion légèrement antérieure. Vous trouverez cette réponse dans les extraits demain.

Je tiens tout de même à dire quelques mots sur les normes de construction. Il ne faut ni être méprisant à l'encontre de tel ou tel trouble auditif ou visuel... (Brouhaha.)...ni être complètement crispé sur la rigidité néostalinienne qui pouvait prévaloir lorsqu'il fallait 100 mètres carrés ressemblant à tous les autres 100 mètres carrés du monde destinés aux personne âgées. L'équilibre que nous avons trouvé tourne autour d'un projet institutionnel dont la valeur est réelle et qui doit être entouré de normes architecturales lui correspondant. Des patients souffrant de la maladie d'Alzheimer n'ont pas besoin d'une architecture comparable à celle de personnes ayant vécu toute leur vie dans un milieu d'une autre nature et ne souffrant pas de troubles de la cognition. Il faut être souple. Tout le monde n'a pas non plus voulu habiter dans le même appartement à l'âge adulte lorsqu'il a fallu choisir. Il faut donc, là aussi, garder un tout petit peu de variété de manière à permette aux unes et aux autres - aux unes, hélas, plus souvent, puisque, ayant le privilège de vivre dix ans de plus que les hommes, les femmes sont largement surreprésentées dans les EMS - de se sentir chez soi, puisque l'EMS est un lieu de vie. Ce travail a, je crois, été fait, et il est maintenant relativement opérationnel.

La question posée par la quatrième invite que nous propose la motion des Verts a été abordée au Conseil d'administration des Hôpitaux, et elle a immédiatement suscité une opposition extrêmement forte, en particulier de la part des membres du personnel des HUG. Ces derniers n'imaginent pas qu'il y ait, à l'intérieur des murs des HUG, des lits qui fonctionneraient comme des structures EMS. Et pourtant, il y a, jour après jour, entre deux cents et deux cent cinquante personnes qui attendent une place dans un EMS et qui, idéalement, devraient s'y trouver. Une négociation doit donc être entamée avec le personnel des HUG pour qu'à la fois ces personnes en attente d'une place d'EMS l'attendent dans les conditions d'un lieu de vie - et non dans les conditions d'un lieu d'hospitalisation - et que le personnel comprenne que, pour ces patients, il s'agit d'une plus-value plutôt que d'une réduction. Cet équilibre, nous devrons le trouver, nous devrons le négocier.

J'accepte quant à moi bien volontiers cette motion, car elle nous forcera à réfléchir sur ces structures d'interface dont vous savez bien qu'elles sont d'autant plus difficiles que, prises pour chacune d'entre elles, elles sont les meilleures du monde mais que, lorsqu'elles sont les meilleures du monde, elles ignorent le reste du monde. C'est pour cela que nos interfaces sont aussi faibles alors même que chacune de nos structures est aussi forte. Ce sera un lieu utile pour négocier et travailler sur cet interface, tout comme cela l'est, Monsieur Charbonnier, de travailler sur l'interface d'une personne suffisamment âgée pour se sentir peu sûre et imaginer vivre dans un appartement, d'une part plus petit que celui qu'elle occupe, d'autre part mieux surveillé, avec un encadrement de la FSASD ou d'un gérant social - c'est ce que l'on appelle les D2 - sans pour autant vouloir faire le pas d'aller dans un EMS. Dans ces EMS, à force, les conditions sont presque devenues des conditions d'hospitalisation, puisque la plupart des personnes qui y entrent le font à un âge très avancé - plus de 82 ans - et avec des amputations très sévères de la vie quotidienne puisque leurs besoins en soins sont considérables. Là encore, ce double deuil qui voudrait que l'on soit victime d'un pépin et que l'on passe de chez soi à un EMS est parfois utilement tempéré, d'après les personnes âgées, par un premier deuil - à savoir, celui de sa vie d'adulte et, parfois, de sa vie de couple pour s'installer dans un endroit un peu plus sûr avant, le cas échéant, si le handicap devait survenir, d'entrer dans un EMS. Nous aurons l'occasion de vous produire un rapport allant dans ce sens, et ce dans un délai relativement bref, pour que vous voyiez comment nous pensons organiser ces interfaces ou ces articulations entre les différentes structures dont nos anciens bénéficient.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets donc aux voix le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé.

Des voix. A la commission des affaires sociales !

La présidente. M. Roulet avait proposé le renvoi, soit en commission de la santé, soit en commission des affaires sociales. Vous préférez un renvoi à la commission des affaires sociales, Monsieur le conseiller d'Etat ? (Approbation de M. Unger.)Je mets donc aux voix le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires sociales.

Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires sociales est adopté par 29 oui contre 23 non et 1 abstention.

Fin de séance

La présidente. La séance est close. Nous nous retrouvons demain à 14h. Je vous souhaite une bonne nuit.

La séance est levée à 23h05.