Séance du vendredi 18 février 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 5e session - 27e séance

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Caroline Bartl, Beatriz de Candolle, Anita Cuénod, Philippe Glatz, André Hediger, Antonio Hodgers, Christian Luscher, Mark Muller, Jacques Pagan, Véronique Pürro, André Reymond, Jacques-Eric Richard, Pierre Schifferli, Louis Serex, Ivan Slatkine, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

La présidente. Monsieur Patrick Schmied, je vous passe la parole.

M. Patrick Schmied (PDC). Nous persistons et demandons donc à nouveau l'urgence pour le point 56, la proposition de motion 1499-A concernant le déclassement de zone agricole en zone péri-urbaine, afin de résoudre la crise du logement.

Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de motion 1499-A est adopté par 30 oui contre 21 non.

La présidente. Je vous rappelle que nous traiterons les urgences ce soir à 20h30.

Correspondance

La présidente. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale sur les avant-projets des lois fédérales sur l'introduction de l'initiative populaire générale, et de révision sur les droits politiques ( C 1966)

Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale sur les Négociations OMC/AGCS (Cycle de Doha) - Préparation de l'offre révisée suisse ( C 1967)

Courrier du Professeur GLENN Charles, président de Boston University School of Education, concernant le PL 8829-B (subvention à l'UEDH) (voir pt 75) (transmis aux commissions des droits de l'Homme et des finances) ( C 1968)

Réponse du Grand Conseil au Tribunal fédéral sur sa demande de détermination sur la requête d'effet suspensif concernant le recours de Mme RELIGIEUX Carmen contre la loi 9423-1 du 17.12.04 (sur l'organisation des Services industriels de Genève) (voir corresp. 1954). Le Grand Conseil s'oppose à l'effet suspensif (transmis à la commission des finances, au DF et au DIAE) ( C 1969)

Annonces et dépôts

La présidente. La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:

Pétition de soutien à Monica Allegrini et à son fils, contre une expulsion totalement inhumaine ( P-1524)

Interpellations urgentes écrites

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Christian Brunier : Que deviendront les élèves en difficultés ? ( IUE 160)

Interpellation urgente écrite de M. Jacques-Eric Richard : Le Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures s'est-il inspiré de la méthode Couet pour lutter contre le chômage ? ( IUE 161)

Interpellation urgente écrite de M. Jacques-Eric Richard : Loterie Romande : organe de répartition, quelle suite à donner ? ( IUE 162)

Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Accords de Schengen : Rémunération des informateurs et des indicateurs et lutte contre l'immigration illégale ( IUE 163)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Marcet : Dépassement de budget à l'Hospice général ( IUE 164)

Interpellation urgente écrite de Mme Laurence Fehlmann Rielle : Cadeaux fiscaux indus ? ( IUE 165)

Interpellation urgente écrite de M. Sami Kanaan : Quelle évolution de la mobilité dans le canton de Genève ? ( IUE 166)

Interpellation urgente écrite de M. Sami Kanaan : Impact de l'application de la nouvelle péréquation sur le financement fédéral des transports publics régionaux ? ( IUE 167)

Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Proxinews ou électoranews ( IUE 168)

IUE 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168

La présidente. Conformément à l'article 162 de notre règlement, le Conseil d'Etat - respectivement le conseiller d'Etat interpellé - répond par écrit au plus tard lors de la session suivante.

Liens d'intérêts

La présidente. Conformément à l'article 29A «Registre des liens d'intérêts», alinéa 4, «Les modifications intervenues sont indiquées par chaque député au début de chaque année civile. Ces modifications sont portées par le Bureau du Grand Conseil dans le registre et publiées annuellement.»

Suite à la réception de ces modifications, la liste des liens d'intérêts figurera au Mémorial.

Liens d'intérêts 2005

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.

PL 9462-A
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner les feuillets PPE 6455 n° 1 à 27 de la parcelle de base 6455, plan 65, de la commune de Genève, section Cité
Rapport de majorité de M. Pierre Kunz (R)
Rapport de minorité de Mme Michèle Künzler (Ve)

Premier débat

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. J'ai lu avec attention le rapport de ma collègue, et je n'en ai tiré qu'une conclusion: rien n'est pire que d'avoir une idée quand on n'a qu'une seule idée, elle devient vite un entêtement déraisonnable.

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Je laisse à mon préopinant les propos qu'il a émis en ce qui concerne le rapport. Quant au procès d'intention que M. Kunz dresse à la minorité, je trouve que ce n'est pas très normal, cela frise l'impolitesse.

J'aimerais tout d'abord dire que c'est la constitution genevoise qui nous oblige à nous prononcer sur chaque vente. Pour ma part, je ne me suis opposée qu'à très peu de ventes, mais il y a des moments où il faut le faire. Précédemment, nous avons voté sur quinze rapports, et je les ai tous approuvés sans problème. Il s'agit de villas, de PPE ou de terrains dans le canton de Vaud que l'Etat peut céder sans problème. Mais je ne vois pas pourquoi on céderait des immeubles au centre-ville qui rapportent de l'argent et qui pourraient servir pour du logement social.

C'est ici qu'il y a un réel problème, on refuse de réfléchir à l'acquisition de logements au centre-ville, alors qu'ils ne sont pas marqués socialement. Comme nous l'avons dit dans notre rapport, cela pourrait apporter un peu plus de souplesse dans la zone de développement, ainsi qu'une plus grande diversification des logements. C'est cela qui nous importe.

D'autre part, j'aimerais signaler que, dans ce cas, on perdra près de 9 millions. On va payer cette perte, et ne nous resteront que les yeux pour pleurer ! En plus, on laissera à quelqu'un l'immeuble maintenant bénéficiaire avec un rendement de 6% net. Où est le problème pour l'Etat ? Je ne vois pas de problème à racheter un objet qui rapporte. Nous empruntons à environ 2% - voire 3% dans l'immobilier - mais on a ici un objet qui rapporte 6% net ! Ce n'est donc vraiment pas un problème pour les finances de l'Etat.

Bien sûr, je préférerais que ce soit une fondation immobilière qui le rachète. Ce qui me choque, c'est qu'en l'occurrence on avait déjà refusé cet objet. Le Conseil d'Etat a simplement dit de le remettre sur le dessus de la pile, car de toute façon il ne l'achèterait pas. On n'a pas eu d'explication claire. Pourquoi cet objet ne pourrait pas servir au logement social ou à une acquisition pour du logement détenu par l'Etat ? On ne le sait pas. On recommence la donne et on va le vendre. Et si je suis têtue - c'est vrai - je suis très constante et j'irai jusqu'au bout, je vous l'ai promis. Chaque fois qu'il y aura des immeubles à vendre au centre-ville pouvant servir pour du logement social, je continuerai à faire des rapports de minorité parce que finalement j'aurai raison.

M. Souhail Mouhanna (AdG). D'habitude, les rapports de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation passent sans problème au niveau du Grand Conseil, dans la mesure où il n'y a pas véritablement de conflits quand il s'agit de discuter sur des objets immobiliers proposés à la vente par la Fondation de valorisation.

Il y a moins d'une heure, nous avons voté seize projets de lois et tous l'ont été à l'unanimité. Ce n'est pas la première fois. Au moins une centaine d'objets ont été votés à l'unanimité en commission de valorisation. Depuis que je siège dans cette commission, seulement deux rapports de minorité ont été rédigés. Un premier sur un objet qui n'est pas très lointain, et un deuxième sur l'objet qui nous concerne aujourd'hui. Les minoritaires - dont je fais partie - considèrent qu'un immeuble comportant 27 logements peut parfaitement être affecté au logement social. Quand je parle de logement social, j'inclus non seulement les classes défavorisées, mais aussi les classes moyennes. Car même les classes moyennes sont en difficulté pour trouver des logements. Faire du social aujourd'hui, c'est répondre aux besoins de la grande majorité de la population actuellement en difficulté.

M. Kunz reproche à Mme Künzler et moi-même - comme vous pouvez le lire dans le rapport, il y avait deux votes contre cette opération - de nous exprimer en commission de la Fondation de valorisation en faveur de l'acquisition par l'Etat de cet objet. Il a parfaitement le droit de ne pas être d'accord avec nous, puisqu'il y a un vote majoritaire. D'ailleurs, on aurait pu très rapidement voter ici, sans débat ni polémique. Mais M. Kunz ne peut pas s'en tenir là. Il se sert de n'importe quoi pour en faire une espèce d'étape dans sa croisade contre la gauche et contre tout ce qui ne correspond pas à ses idées - que je ne qualifierais pas de néolibérales, car le néolibéralisme passerait parfois pour de la gauche aux yeux de M. Kunz.

En ce qui concerne le logement social, M. Kunz prétend que les minoritaires se permettent d'intervenir en commission sur des objets qui regarderaient plutôt une autre commission. Monsieur Kunz, que faisons-nous ici et maintenant ? Le projet de loi est soumis à la plénière du Grand Conseil, et le Grand Conseil discute. Les commissions sont des émanations du Grand Conseil; avant d'être membre d'une commission, on est député ! Si le DAEL ne veut pas acquérir un objet comme celui-là, il appartient aux députés de donner au DAEL leur accord ou pas.

Cela ne se joue pas seulement au niveau de la commission, mais aussi maintenant dans ce parlement. Nous sommes en train de dire publiquement, devant la population, que nous aurions souhaité que le Conseil d'Etat acquiert cet immeuble pour l'affecter au logement social, parce qu'il y a véritablement une crise aiguë du logement à Genève et tout le monde le sait. Voilà pour ma première remarque.

Deuxième remarque. Vous tirez sur tout ce qui bouge. Sur les députés qui ne sont pas d'accord avec vous... Sur le chef du DAEL... Et même - par rapport à M. Moutinot - permettez-moi de citer vos propos : «Incohérence de ceux qui sont représentés au DAEL par un magistrat issu de leurs rangs, de ceux qui condamnent sa politique en matière de logement social». Non, Monsieur, non ! Nous n'avons pas condamné sa politique en matière de logement social ! Non! Ce que nous n'acceptons pas, c'est que l'Etat n'essaie pas d'acquérir cet immeuble. Vous privez l'Etat des moyens financiers pour acquérir du logement.

Nous disons simplement que nous aurions souhaité que l'Etat acquière cet immeuble. Nous n'avons pas dit, Monsieur Kunz, que nous sommes contre la politique de M. Moutinot en matière de logement social; et puis c'est à M. Moutinot de se défendre, c'est un grand monsieur. Vous faites un amalgame de tout, vous prêtez aux autres des choses qui ne sont pas correctes pour pouvoir les critiquer. Vous êtes dans l'erreur, Monsieur Kunz, lorsque vous écrivez ceci dans votre rapport : «Populisme de ceux qui, alors majoritaires au Grand Conseil, ont voté unanimement la loi du 19 mai 2000 instituant la Fondation de valorisation et entérinant la provision de 2,7 milliards destinés à couvrir les pertes à venir, mais qui tentent aujourd'hui de profiter lamentablement de chaque projet de loi issu des opérations de la Fondation de valorisation pour accroire au sein de la population l'idée que les pertes effectivement comptabilisées mois après mois par l'Etat seraient inattendues, scandaleuses, inacceptables et qu'elles refléteraient le mauvais travail de la Fondation de valorisation.» Ce sont des élucubrations.

Tout d'abord, Monsieur Kunz, qu'est-ce qui a causé cette perte de 2,7 milliards ? Vous le savez, ce n'est pas... (L'orateur est interpellé.)Non, non, vous aussi vous avez voté... Ce qui a été voté, c'est justement pour éviter la catastrophe due à cette mauvaise gestion de la banque cantonale et aux opérations de manipulation des comptes et autres, je n'irai pas plus loin dans ma description. Oui, les pertes sont inacceptables et scandaleuses, nous ne le dirons jamais assez et chaque fois que nous aurons l'occasion de le dire nous le dirons et ce n'est pas vous qui allez nous en empêcher. Vous ne parlez pas des responsabilités dans ces pertes, Monsieur Kunz, mais vous savez qui sont les responsables. Nous dénonçons tout ce qui a conduit la banque cantonale dans cette situation et qui fait que maintenant, c'est à l'Etat - et par conséquent à l'ensemble de la population, aux services publics et à la qualité des prestations à la population - d'en subir les conséquences. A cause de cette gestion scandaleuse de la banque cantonale, ces conséquences sont dramatiques dans certains secteurs, comme nous l'avons vu dans les votes du budget.

La présidente. Il faudra terminer, Monsieur Mouhanna.

M. Souhail Mouhanna. Je termine en deux minutes. Par conséquent, Monsieur Kunz, votre manière de rédiger vos rapports va nous inciter à nous comporter autrement quand il s'agira de décider de quelle manière on rédige les rapports. Alors que ces rapports devraient être techniques, vous en faites chaque fois des rapports politiques pour stigmatiser les gens qui ne sont pas d'accord et qui se sont permis l'immense crime de dire non ! On veut que l'Etat acquière ce logement, alors on va se comporter autrement désormais. On ne va plus vous laisser le champ aussi libre que vous ne l'avez actuellement.

M. Rémy Pagani (AdG). Depuis quelques jours, de la part des milieux de l'Entente et de l'UDC - enfin, je ne sais pas si l'UDC est associée - on assiste à l'élaboration d'un écran de fumée gigantesque. C'est-à-dire que la droite, majoritaire dans ce parlement, est consciente des difficultés à trouver un logement. En lançant une initiative pour déclasser des terrains agricoles, elle érige un écran de fumée pour cacher l'incohérence de certains quant à l'objectif - qui figure dans le plan directeur cantonal - de satisfaire aux besoins prépondérants de la population en logements sociaux. Et quand je dis cela, j'inclus les logements à loyer bon marché.

En l'occurrence, Monsieur Kunz, vous démontrez à quel point vous faites fi de ce besoin. La population genevoise n'a pas simplement besoin de logement pouvant être situé n'importe où et y compris dans la zone agricole. Elle a besoin de logements qui correspondent au revenu des gens, c'est-à-dire entre 18% et 25% de leur revenu. Il s'agit donc de loyers modérés. Malheureusement, ce n'est pas le cas avec les logements que vous nous proposez. Il n'y a qu'à voir maintenant: vous refusez d'acquérir cet immeuble qui a un rapport intéressant pour l'Etat, car il ferait rentrer de l'argent à terme dans ses caisses.

En refusant d'acquérir cet immeuble, vous démontrez que ce qui vous intéresse, ce n'est même pas la classe moyenne - car aujourd'hui elle n'y a pas accès, notamment à la PPE - mais des contribuables fiscalement très intéressants, qui ont des revenus au-delà de 300 000 F par année. C'est bien de cela dont il est question. Aujourd'hui, nous défendons, comme nous avons défendu... (L'orateur est interpellé.)Oui, je parle de 300 000 F. Quand on cumule deux salaires à 150 000 F, on arrive à ce type de revenu. Vous riez, Monsieur Kunz, mais il s'agit de cette catégorie de la population. Vous défendez une minorité sous prétexte de «défendre la classe moyenne», mais vous savez très bien que les classes moyennes n'ont pas ces revenus.

Par conséquent, nous estimons que pour mener une véritable politique sociale du logement, on doit se préoccuper de l'acquisition de terrains bons marchés où l'on peut construire et mettre à disposition des logements à loyer modéré. Mais ce n'est malheureusement pas le cas dans ce parlement, car la majorité ne le veut pas. Effectivement, comme le dit M. Mouhanna, nous allons prendre des mesures, et d'ailleurs nous en avons déjà prises. Je vous signale que la Fondation de valorisation de ce Grand Conseil a refusé d'acheter l'hôtel Carlton et la population - non pas au niveau de la Ville de Genève, mais du canton, ce qui vous a surpris mais pas nous - a voté contre cette décision et a imposé au gouvernement de racheter cet immeuble. J'espère que M. Moutinot, dans sa déclaration à venir, nous donnera des explications quant à l'avenir de l'hôtel Carlton.

Il ne faut pas se faire d'illusions. Une fois de plus, votre majorité ne va pas refuser ce projet de loi. Le mois passé nous avons refusé d'acheter un objet qui avait des logements bon marché et qui aurait pu être mis à disposition de la population. Malheureusement, la majorité actuelle de ce parlement ne mettra pas en place une politique sociale du logement. Nous devons nous donner les moyens de lancer un référendum - peut-être pas sur cet objet, mais sur un autre - pour vous démontrer que la population veut que, comme pour le Carlton, l'Etat se donne les moyens de mettre à disposition des logements bons marchés qui correspondent aux besoins de la majorité de notre collectivité, comme cela est d'ailleurs prévu dans la constitution.

C'est pourquoi nous estimons que vous faites erreur. Vous dressez un écran de fumée de bonnes intentions en disant : «On va déclasser la zone agricole et on va vous offrir tant et plus»... Enfin, pour résumer vos propos : «Demain, on rase gratis». Mais vous êtes incapables, tant au niveau des déclassements que lorsqu'il s'agit d'acheter des objets pouvant immédiatement correspondre à la politique sociale du logement que nous souhaitons. Vous refusez de mettre la main à la pâte, et nous le déplorons.

La présidente. Je vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: MM. Deneys, Broennimann, Hiler et M. le conseiller d'Etat Moutinot.

M. Roger Deneys (S). Juste pour dire à M. Kunz que des gens ont envie d'habiter en ville et pas forcément dans des zones agricoles déclassées. C'est une occasion de créer du logement en ville et c'est important.

Pour le reste, j'aimerais revenir sur votre rapport. Je le trouve absolument scandaleux. Vous ne faites qu'énumérer un certain nombre de critiques, ce n'est pas un rapport factuel. Vous n'énumérez pas les travaux de la commission, vous faites part de vos opinions au sujet de l'Alternative, opinions qui ne sont d'ailleurs pas étayées. C'est un catalogue - pas très drôle - de propos, malheureusement pas comme une liste à la Prévert, mais plutôt à la Pauwels. C'est franchement navrant de voir un rapport pareil. Il n'y a aucun fait, il n'y a rien du tout.

M. Martin-Paul Broennimann (S). Nous constatons que M. Kunz a le sens de la mission, ou plutôt le sens de l'obstination. Mais on sait ce qui est arrivé, par le passé, aux gens qui n'avaient que le sens de la mission. Alors, Monsieur Kunz, nous vous invitons à enlever vos oeillères, pour voir un peu plus loin autour de vous et être conscient que, dans ce parlement, on ne cherche pas uniquement à satisfaire une seule mission mais plusieurs. Et pourquoi pas, si on peut réaliser plusieurs missions à la fois, en toute intelligence, s'ouvrir à cette entreprise. C'est la raison pour laquelle nous pensons que l'intervention de Mme Künzler est tout à fait justifiée et nous la soutenons. Les fondations immobilières ont d'ailleurs acquis un certain nombre d'immeubles en ville, et pour cause, ce sont des logements particulièrement prisés et adaptés aux locataires que nous avons. Pourquoi ? Car ils sont proches des transports publics et des équipements. Ce sont des gens qui n'ont pas forcément besoin d'avoir tout de suite une ou deux voitures, car ils vivent en ville. Ce sont donc des objets particulièrement intéressants. Alors, je vous invite à ouvrir la réflexion, à entrer en matière sur la proposition de Mme Künzler et à refuser ce projet de loi.

M. David Hiler (Ve). Au fond, c'est un problème de politique du logement que nous traitons ici, et il est bien normal que nous le traitions comme nous traiterions la vente de n'importe quel immeuble. A plusieurs reprises, notre groupe a accepté la vente de parcelles dont nous pensions qu'elles ne servaient à rien dans le cadre de la politique du logement social, et que le Conseil d'Etat souhaitait vendre.

En revanche, sur cet objet comme sur certains autres, nous observons qu'il y a une contradiction manifeste entre la volonté affichée par le Conseil d'Etat de mettre sur pied une politique de logements sociaux pérenne et ce qui se passe effectivement concernant un certain nombre d'objets. C'est la raison pour laquelle nous essaierons à chaque occasion d'avoir ce débat. Pourquoi ? Parce qu'il est de plus en plus admis, dans des cercles de plus en plus larges, que la seule politique que nous puissions avoir est celle de logements demeurant aux mains de constructeurs d'utilité publique, qu'il s'agisse de communes, de coopératives ou de fondations immobilières de droit public.

Mais, si cette politique doit s'opérer uniquement par une intervention sur le neuf, elle sera très longue à réaliser et ruineuse pour l'Etat. Pourquoi ? Parce qu'un immeuble neuf est cher et que, pour le rendre social dans une première phase, il faut payer la différence entre le coût et ce que le locataire - que l'on souhaite favoriser - peut payer.

Le système HLM traditionnel est aujourd'hui inadapté à la société actuelle, nous avons donc besoin de faire des acquisitions de logements existants dont nous pouvons garantir à peu de frais, à long terme, un loyer bas qui aille dans le sens de la politique que nous souhaitons développer.

En refusant ces acquisitions, en acceptant de vendre de tels immeubles à des investisseurs privés, nous nous compliquons la vie dans le domaine du logement social. Nous ne savons pas profiter des opportunités. M. Broennimann a raison, les fondations immobilières de droit public ont acheté un certain nombre d'immeubles anciens, mais ce n'est pas assez. Il y a toujours une tendance idéologico-culturelle qui favorise la construction. A un moment donné, il va falloir faire des calculs. Une politique du logement social pérenne, construite sur l'acquisition d'un certain nombre d'immeubles à rénover ou simplement à exploiter, est moins chère qu'une politique uniquement conçue sur la zone de développement. C'est facile à démontrer et c'est pour cela que je me permets d'intervenir dans ce débat. Nous avons ici une opportunité de - semble-t-il - pérenniser sans aucun problème des logements au centre-ville. Ceci a son importance, car cela permet d'obtenir ce fameux résultat que nous souhaitons tous, c'est-à-dire une certaine mixité sociale à l'échelle des quartiers.

Je vous invite donc à rejeter ce projet de loi, non pas pour embêter la Fondation de valorisation, ni pour faire le procès de qui que ce soit, ni pour faire de la polémique avec M. Kunz, car ce n'est pas du tout cela. Le débat dérape sur ce qui n'est pas important. L'important est de savoir quelle politique sociale du logement nous souhaitons construire ces prochaines années. (Applaudissements.)

La présidente. Monsieur Pagani, vous avez un amendement à nous proposer ?

M. Rémy Pagani (AdG). Je vais le lire avant de vous le transmettre. Mais d'abord - avant que j'oublie - nous demanderons le vote nominal sur cet objet. J'espère qu'il sera appuyé.

J'ai vu un sourire se dessiner chez M. Gros quand on parlait de logement. Il semblait se moquer et dire qu'il y a des logements aujourd'hui, qu'il n'y a pas de problème et que cela va continuer à être des logements. Enfin, il laissait supposer que c'était des logements et qu'on n'allait pas changer. Alors...

La présidente. Veuillez vous exprimer sur l'amendement.

M. Rémy Pagani. Justement, j'y viens Madame la présidente. Je tiens à expliquer que cet immeuble a fait l'objet d'une spéculation pendant les années 80 et que le propriétaire de cet immeuble l'a transformé en PPE - en propriété par étage - pour profiter des congés-vente et de la crise du logement. Il a été impossible de le vendre en PPE car nous avons justement fait passer un projet de loi, soumis au peuple, pour empêcher la vente au petit bonheur la chance et le départ des locataires afin d'en faire un objet spéculatif.

Aujourd'hui, il nous est proposé de laisser cet immeuble en PPE. S'il est acheté par un propriétaire, les locataires risquent d'être expulsés et l'immeuble sera véritablement en PPE. Le caractère populaire de cet immeuble va donc - à terme, si on en permet la vente - disparaître pour laisser la place à des personnes à haut revenu, dans ce quartier qui reste encore populaire. Nous estimons que c'est de cela dont il est question, Monsieur Gros. Nous nous battons pour faire en sorte que cet immeuble reste à loyer abordable. Nous avons tout intérêt à racheter cet immeuble ou à le faire racheter par une fondation ou par l'Etat. C'est en ce sens que je propose cet amendement à l'article 1 «Un crédit de 4 500 000 F est accordé au Conseil d'Etat pour acquérir les feuillets PPE 6455 n° 1 à 27 de la parcelle de base 6455, plan 65 de la commune de Genève, section Cité.»

La présidente. Je demande si l'appel nominal est soutenu ? Il l'est. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Moutinot.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les immeubles que la Fondation de valorisation met en vente font aujourd'hui l'objet d'un examen extrêmement attentif de la part du département et des fondations immobilières de droit public, avec l'intervention de la FPLC. Vous savez qu'au début c'était un peu moins organisé que cela. Il y a eu quelques difficultés à trouver une vitesse de croisière dans la transmission des informations, mais, aujourd'hui, je peux vous assurer que l'examen est fait de manière extrêmement rigoureuse.

Le problème politique général dont nous discutons est celui-ci : lorsque l'on examine l'immeuble, on s'aperçoit qu'avec le prix que la Fondation a obtenu on n'arrive pas à le faire entrer dans une catégorie de logement social, parce que ce prix est trop élevé. Cette réalité est connue. Monsieur Hiler, vous avez déposé un projet de loi, et c'est une des solutions qui pourrait permettre de régler ce problème. Pourquoi ? Parce qu'il y a une partie «prix acceptable» pour que cet immeuble puisse raisonnablement être acheté par une entité du secteur du logement social. Il y a une partie «perte» qui est de tout façon couverte par les 2,7 milliards de provision. Mais on ne peut faire supporter la partie qui représente en quelque sorte le surprix ni à la Fondation - elle violerait son but - ni à l'entité de logement qui l'acquiert, car elle n'arrive pas à le faire tourner. Par conséquent, si l'on choisit de sauver un certain nombre de ces immeubles, la seule solution est d'avoir un financement ad hoc. Le projet de loi qui existe à ce sujet n'est à mon sens pas forcément la meilleure solution. Mais il faut impérativement que ce débat ait lieu et de manière approfondie à la commission du logement.

Pourquoi est-ce que le Conseil d'Etat dépose ce projet de loi aujourd'hui et vous invite à l'accepter ? Parce que, précisément, entre le prix auquel on pourrait faire tourner cet immeuble dans une entité de logement social et le prix que les efforts de la Fondation ont permis de trouver auprès de l'extérieur, il existe un «gap» que l'on n'arrive pas à résoudre. Certains ont dit que c'est dommage car il s'agit de logements bon marché - moins chers, avez-vous dit, Monsieur Hiler - que ce qui se construit. Mais pas dans ce cas précis, ce qui fait que j'ai bonne conscience. Car, dans ce cas précis, le loyer est à 4 183 F la pièce par année, alors que nous sortons en neuf, en HBM, à 4 200 F. On est donc pratiquement au niveau du neuf. Nous ne sommes pas dans la situation où il conviendrait absolument de sauver un immeuble où les loyers seraient par hypothèse inférieurs au loyer - par exemple - LDTR.

Nous sommes dans un cas où le loyer lui-même ne justifie pas les nombreux qualificatifs de loyers très avantageux et très sociaux qui ont été évoqués. Si tel avait été le cas, il est probable que nous aurions poursuivi un certain nombre de discussions et essayé de trouver une formule de financement. Mais aujourd'hui, étant dans l'incapacité de faire passer cet immeuble dans la structure de logement social en raison du «gap» sur le prix d'achat et considérant que le prix à la pièce est trop élevé, le Conseil d'Etat vous prie de bien vouloir voter ce projet de loi.

En réponse à M. Pagani sur la question de l'hôtel Carlton: ce dossier délicat fait l'objet des meilleurs efforts. Il est suivi actuellement par la Fondation de valorisation et le Conseil d'Etat. Je ne peux pas encore vous exposer de solution, mais soyez assuré que de nombreux contacts et rencontres ont eu lieu, ainsi que des examens sur ce dossier.

Quant à votre amendement qui en réalité n'est pas amendement mais une demande d'achat de l'immeuble, cela me paraît tout de même un peu difficile de l'accepter dans ces conditions !

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est adopté en premier débat par 41 oui contre 28 non et 7 abstentions.

Appel nominal

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

La présidente. Avant de voter l'amendement de M. Pagani, je passe la parole à M. Gros.

M. Jean-Michel Gros (L). Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de refuser cet amendement pour la simple et bonne raison que la couverture financière n'est pas prévue et nous ne savons pas du tout où nous allons chercher ces 4,5 millions.

M. Rémy Pagani (AdG). J'attendais cette remarque de M. Gros. Toujours est-il que si cet amendement venait à être voté - mais j'imagine que vu la composition actuelle de ce parlement... - bien évidemment, nous trouverions la couverture financière comme il se doit. (Huées.)Je ne veux pas revenir sur le débat budgétaire que nous avons eu en décembre. Nous avons eu l'occasion - mon groupe et notamment les députés Spielmann et Mouhanna - de montrer à quel point nous pouvions trouver les couvertures financières nécessaires. Nous reviendrons sur cet objet si ce parlement décide d'entrer en matière sur notre amendement.

Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 41 non contre 34 oui.

Appel nominal

Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 et 3.

Troisième débat

La loi 9462 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9462 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 40 oui contre 34 non et 2 abstentions.

Appel nominal

PL 9330-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'étude de 1'275'060F en vue de rénover et d'agrandir partiellement la prison de Champ-Dollon à Puplinge
Rapport de majorité de M. Hugues Hiltpold (R)
Rapport de minorité de Mme Stéphanie Nussbaumer (Ve)
RD 437-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant la prise en charge des patients dans le département de psychiatrie des HUG
Rapport de Mme Jocelyne Haller (AdG)
M 1599
Proposition de motion de Mmes et MM. Claude Aubert, Janine Berberat, Blaise Bourrit, Alain Charbonnier, Laurence Fehlmann Rielle, Jeannine De Haller, Jocelyne Haller, Philippe Glatz, Guy Mettan, Marie-Françoise De Tassigny, Jacques Follonier, Anne Mahrer, Ariane Wisard-Blum, Gilbert Catelain pour la création d'un ou d'établissement(s) approprié(s) pour l'exécution des mesures ordonnées en application de l'article 43 CPS ou de privation de liberté à des fins d'assistance
RD 558
Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (3e année de la législature 2001 - 2005)
Rapport de Mme Anne-Marie Arx-Vernon Von (PDC)

Début du débat sur les prisons: Session 05 (février 2005) - Séance 25 du 17.02.2005

Suite du débat

La présidente. Je prie les rapporteurs de bien vouloir prendre place à la table. Monsieur Hiltpold, vous avez la parole. (Silence.)Il n'y a plus ni son ni tableau d'affichage. Nous avons une panne informatique. Je suspends la séance durant quelques minutes.

La séance est suspendue à 17h45.

La séance est reprise à 17h50.

M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur de majorité. Je traiterai très rapidement de la question de la détention préventive, puisque M. Hiler m'a interpellé hier à ce sujet. Bien évidemment, nous n'avons pas d'explication en l'état. La commission des travaux n'avait pas non plus d'explication en l'état, mais nous y avons estimé que c'était un sujet très intéressant et qu'il devait être débattu en commission des visiteurs officiels. Raison pour laquelle la commission des visiteurs officiels auditionnera le Procureur général au mois de mars prochain. Cette année, elle a choisi comme thème d'étude la problématique de la détention préventive.

A propos de Champ-Dollon, je voudrais rappeler - sans vouloir tomber dans le catastrophisme - qu'il y a péril en la demeure et que l'institution a un réel besoin de s'agrandir. Il faut appeler un chat un chat, et ceux qui ne souhaitent pas voter ce crédit d'étude assumeront les conséquences des problèmes qui pourraient survenir.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon Von (PDC), rapporteuse. En reprenant les conclusions et les recommandations du rapport de la commission des visiteurs, nous devons réfléchir sur l'opportunité de l'agrandissement de Champ-Dollon. Bien sûr, la priorité doit être accordée à un établissement pour les articles 43 et à un autre pour les mineurs. Mais il faut savoir que l'agrandissement de Champ-Dollon est absolument indispensable et cela a largement été débattu hier, mais il y a aussi une très bonne raison de ne pas repousser toujours et toujours ce projet. Si demain nous devions voter un crédit d'étude pour un établissement sur une parcelle sur le canton de Genève, je peux vous assurer qu'il y aurait tout le temps quelqu'un pour faire opposition avec ce fameux syndrome du «oui, il faut le faire, mais pas devant chez moi.» Donc, aujourd'hui, nous savons que nous devrons mettre en route un projet d'établissement pour les articles 43, mais nous devons très vite répondre aux besoins qui sont engendrés par la surpopulation de Champ-Dollon. Ne tombons pas dans le syndrome de reporter à plus tard, car on sait très bien que ce sera encore reporter aux calendes grecques.

Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse. J'aimerais simplement insister sur l'aspect des articles 43 et 45. Comme l'a rappelé hier M. Lescaze, il est paradoxal de constater que c'est depuis 1937 que l'impérieuse nécessité de créer un établissement spécialisé pour les personnes relevant de ce type de mesure se fait sentir. Or, depuis 1937, rien ne s'est passé. Et depuis un certain temps, on entend à nouveau qu'il est urgent de s'attaquer à ce problème. Par conséquent, j'aimerais bien que ce ne soit pas un simple voeu pieu, mais qu'on aille véritablement de l'avant dans cette réflexion.

Quant à la question du crédit d'étude concernant l'agrandissement de Champ-Dollon, il ne s'agit pas, Madame Von Arx, de reporter à plus tard mais de réfléchir plus avant. Réfléchir à cette question permettra d'envisager autrement l'adaptation de la prison de Champ-Dollon, pour répondre mieux aux besoins en matière pénitentiaire. Mais cette réflexion permettra également un traitement adapté selon les problématiques posées. Je pense donc que nous ne devons pas faire l'économie de cette réflexion.

Enfin, j'aimerais insister encore sur un élément, celui du point 32. Nous avons beaucoup parlé de Champ-Dollon, de questions pénitentiaires ou de certains types de mesures particulières. Mais je ne voudrais pas que le débat sur la santé mentale soit occulté et je répète donc ce que j'ai dit hier, à savoir que la réforme de la psychiatrie doit être menée à son terme et que tous les éléments du dispositif doivent être mis en place. Aujourd'hui, certains éléments font défaut dans l'accompagnement et le traitement des personnes présentant des problèmes de santé mentale.

M. David Hiler (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Il nous paraît que ce débat a été utile, certains points font l'objet d'un assez large consensus qu'il nous faut encore mettre en pratique. La première chose - si j'ai bien compris les intervenants - c'est la priorité absolue que chacun dans cette salle - semble-t-il - accorde à la question des articles 43 et 45. Dans la note qui nous a été délivrée par le département de justice et police et de la sécurité, j'ai cru comprendre que cette priorité était maintenant intégrée et que nous serons très prochainement saisis d'un projet de loi à ce propos. C'est une bonne nouvelle.

Cela semble un peu plus compliqué, mais une deuxième priorité est de ne pas accueillir de mineurs à Champ-Dollon. Là aussi, nous avons - de façon peut-être un peu moins précise - une volonté politique claire de résoudre ce problème.

Nous savons encore qu'il y a un problème que nous ne résoudrons pas - simplement parce qu'il ne dépend pas que de nous - c'est que certaines personnes condamnées devraient aller dans des établissements de détention, mais elles restent un temps à Champ-Dollon.

Au vu du déroulement de ce débat, il nous reste un point important. J'aimerais dire à M. Baud et à M. Hiltpold la chose suivante. Nous voulons bien comprendre, au vu de la déclaration du Conseil d'Etat, qu'il ne convient pas de poursuivre le débat jusque dans ses derniers détails et qu'il faut aller de l'avant avec ce projet d'étude. Mais la détention préventive se pratique à Genève de façon contraire à tous les autres cantons suisses et nous amène à un taux de détention préventive deux fois plus élevé qu'à Zurich ou à Bâle-Ville, et cinq fois plus élevé que dans les cantons de Suisse primitive. Si nous ne résolvons pas ce problème, et compte tenu du délai nécessaire à la construction d'un bâtiment, nous aurons une poudrière à Champ-Dollon pendant cinq ans - c'est le temps qu'il faudra pour construire.

Si nous ne résolvons pas ce problème, au moment de l'ouverture des nouveaux locaux, lorsque nous aurons terminé l'agrandissement de 100 places de Champ-Dollon et trouvé 60 places tant pour les articles 43 que pour les mineurs, nous serons à nouveau en surpopulation. Si la pratique et le trend de la justice actuelle en matière de détention préventive se poursuivent, nous serons en surpopulation avec exactement les mêmes risques que nous connaissons aujourd'hui. C'est pourquoi nous renonçons à ce renvoi en commission. La note est explicite, mais nous demandons que se poursuive le processus entre la commission des travaux et celle des visiteurs, concernant la problématique générale de la détention préventive.

J'aimerais répéter que ce n'est pas une atteinte à la séparation des pouvoirs. La séparation des pouvoirs prévoit que le Conseil d'Etat gouverne et que ce parlement légifère. Est-ce que cela a empêché un quelconque député de dire que le Conseil d'Etat gouvernait mal ? Non. Il ne me semble pas que cela ait provoqué une gêne. Nous n'avons pas le droit de juger, ni d'instruire. Par contre, nos juges sont des élus et nous avons le droit d'avoir un débat ouvert et démocratique sur un certain nombre de pratiques nous concernant tous et qui ont des conséquences désastreuses pour les justiciables, pour la police et pour le personnel de la prison. Et même pour la justice qui, préférant mettre indirectement un certain nombre de moyens ici, ne les a pas ailleurs. Je crois qu'une bonne manière de résoudre le problème de Champ-Dollon serait de donner les moyens à la justice d'avoir un peu plus de juges d'instructions et de substituts du procureur, afin de désengorger la justice. Là aussi, nous avons un problème structurel et on voit bien, en dernière analyse, que c'est le parlement qui a les clefs pour résoudre ce problème, puisque c'est le parlement qui vote le budget.

J'aimerais remercier Mme Nussbaumer - que je remplace ici - pour avoir mis ces éléments sur la table. Il me paraît que nous avons fait, en quelques mois, bien des pas en avant. J'aimerais également remercier Mme la présidente du département pour avoir donné sous forme de note ce que nous aurions souhaité avoir en commission des travaux à l'époque.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. La prison de Champ-Dollon a une trentaine d'années. A l'époque, le projet de prison avait été amputé de l'étage qui vous est demandé aujourd'hui. En trente ans, la population du canton a augmenté d'à peu près 100 000 personnes, c'est-à-dire 30%. Les déplacements au travers des frontières ont augmenté dans des proportions que l'annuaire statistique n'indique pas, mais vous pouvez les imaginer. Nous ne demandons aujourd'hui que de revenir à la capacité qui avait été considérée comme raisonnable lorsque la population n'était que de 300 000 habitants. Mais, le Conseil d'Etat a eu les mêmes réflexions que vous sur cette situation incompréhensible de la détention préventive genevoise.

Premier élément. Pourquoi est-ce que la détention préventive à Genève est aussi forte ? Les statistiques dont nous disposons ne permettent pas de donner une explication claire et rationnelle. Il y a probablement, dans la cause même de l'utilisation considérable de la détention préventive, un véritable phénomène culturel auquel participe bien entendu la justice, mais aussi - plus généralement - l'opinion publique qui, avec cette exigence d'immédiateté, fait que l'on arrête les gens tout de suite, quitte à les relâcher trois jours après.

Par conséquent, je pense qu'il est légitime - comme vous vous apprêtez à le faire - que le Grand Conseil débatte sur la question de savoir pourquoi on se trouve dans cette situation, et qu'il puisse prendre des orientations politiques dans le cadre de ses compétences pour remédier à cette situation peu satisfaisante.

La deuxième raison pour laquelle la prison de Champ-Dollon est en situation de surpopulation, c'est la présence de personnes condamnées qui devraient être détenues dans un établissement d'exécution de peine. Là aussi, certains efforts peuvent être envisagés, mais il faut savoir que les établissements d'exécution eux-mêmes sont pleins. Le coulissement me paraît donc difficile. A certains moments, Mme Spoerri avait pu obtenir quelques avantages pour qu'on le fasse. Je ne suis pas sûr qu'on pourra définitivement le faire, mais désengorger la prison en favorisant le départ des personnes condamnées vers les établissements adéquats est une piste à suivre.

En troisième lieu, se trouvent à Champ-Dollon des personnes qui ne devraient pas y être, les mineurs. Vous savez que les travaux de CLAplus sont en train de se terminer. Il est à craindre que la capacité reste un peu insuffisante, néanmoins, les promesses qui vous ont été faites par Mme Spoerri et le Conseil d'Etat ont été tenues et cet établissement pourra fonctionner avec son agrandissement dans les semaines qui viennent.

En dernier lieu, la question des articles 43 et 45. J'ai ici le projet de loi de crédit d'étude pour cet établissement dans sa version 0. Je ne vous le donne pas car il doit être encore corrigé et amélioré. Vous pouvez avoir la certitude que ce ne sont pas des idées mais un véritable document, et que la prochaine finalisation de ce document nous permettra de vous le transmettre et d'intervenir dans des délais rassurants.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, même si on arrive à résoudre tous les problèmes qui créent de la surpopulation - et nous allons les résoudre car nous en avons la volonté - il n'en demeure pas moins une situation insatisfaisante de surpopulation et c'est la raison pour laquelle il faut augmenter la capacité d'accueil de Champ-Dollon.

Ceci pour trois raisons. La première est une question de sécurité générale des détenus et du personnel. Il faut se donner les moyens d'éviter des évasions ou d'autres actes.

Deuxième raison, la dignité des détenus. Certains d'entre vous ont dit à juste titre que le degré de civilisation d'une société se mesure à l'aune dont cette société traite les plus démunis, qu'il s'agisse des détenus comme d'un certain nombre d'exclus du monde de travail ou de notre société.

Troisième raison, la crédibilité de notre politique pénitentiaire. Sur proposition de Mme Spoerri, le Conseil d'Etat a adopté une planification pénitentiaire à laquelle il entend se tenir et pour laquelle il a besoin de votre appui. La planification peut avoir de légers coulissements; il est possible que, par le biais des travaux en cours, les deux crédits d'étude - celui sur la prison de Champ-Dollon et celui que vous allez voter sur l'article 43 - permettent que les projets se rejoignent et que l'on puisse faire un choix dans un sens ou dans l'autre. Mais aujourd'hui on ne peut pas se permettre de perdre du temps, car des impératifs fondamentaux de sécurité, de dignité et de crédibilité l'exigent.

Encore une remarque. Il ne faut jamais construire trop de prisons, et cela pour une raison très simple : quand une prison est construite, elle est presque toujours pleine. Si aujourd'hui, nous avions un taux de détention comparable aux Etats-Unis, nous ne serions pas en train de parler de l'agrandissement de Champ-Dollon, mais de la construction de plusieurs établissements similaires. Je crois qu'au moment où un certain nombre de choses fort raisonnables ont été dites dans ce débat pénitentiaire, c'est à l'honneur de la République que d'avoir une politique pénitentiaire crédible et qui n'est en rien excessive.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Au terme de ce débat, je souhaite remercier l'ensemble des députés, et tout particulièrement la commission des visiteurs dans sa précédente et dans son actuelle composition. On retrouve l'ensemble de ses remarques et de ses travaux dans le RD 558 qui accompagne la volonté du Conseil d'Etat - comme l'a dit mon collègue M. Laurent Moutinot.

J'aimerais aussi rassurer M. Hiler. Il est vrai que la séparation des pouvoirs nous est chère, mais face à des situations nouvelles, aiguës, quand Genève se trouve dans une situation qu'elle ne peut continuer à admettre, il faut avoir d'autres nouvelles idées. Je m'engage devant ce parlement - j'ai commencé à le faire - à réunir régulièrement le pouvoir judiciaire, le Parquet, le Tribunal de la jeunesse, l'Office pénitentiaire et la police, pour que nous puissions aider la commission des visiteurs qui explorera le problème de la détention. Je voulais le préciser et vous remercier d'approuver l'ensemble des travaux.

M. Rémy Pagani (AdG). Hier soir, pendant le débat très riche concernant la politique pénitentiaire de notre canton, et comme nous étions insatisfaits des réponses du Conseil d'Etat, nous avons proposé de renvoyer cet objet en commission, dans la mesure où la commission des travaux n'avait pas auditionné le pouvoir judiciaire. Nous prenons acte aujourd'hui de la prise de position du président du gouvernement M. Moutinot en ce qui concerne... (Exclamations.)Excusez-moi. Enfin, nous prenons acte de la prise de position de M. Moutinot et de Mme Spoerri en ce qui concerne la mise en oeuvre - la mise en oeuvre ! Nous restons cependant très sceptiques, car je rappelle que cela fait quatre ans que nous avons voté l'agrandissement de la Clairière, et c'est seulement dans peut-être quelques semaines que cet agrandissement sera effectif. Mais enfin, toujours est-il qu'il faut être positif dans la vie ! Donc, nous prenons acte de cette détermination. Nous aurons l'occasion de nous déterminer pour le vote du crédit définitif à la commission des travaux et j'invite le gouvernement à nous démontrer - preuves à l'appui - que tous les problèmes soulevés hier soir et rappelés aujourd'hui seront en voie d'être résolus. Par conséquent, nous retirons notre demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le rapport divers 558 est approuvé par 76 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, le projet de loi 9330 est adopté en premier débat par 64 oui et 15 abstentions.

La loi 9330 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9330 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui et 26 abstentions.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 437-A.

Mise aux voix, la motion 1599 est adoptée par 81 oui (unanimité des votants).

M 1576
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Thierry Charollais, Loly Bolay, Alain Charbonnier, Jacqueline Pla, Salika Wenger, Roger Deneys, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Françoise Schenk-Gottret, Christian Grobet, Jocelyne Haller, Pierre-Louis Portier, Nelly Guichard, Ariane Wisard-Blum, Alain Etienne, Anne Mahrer, Jeannine De Haller, Jean Rossiaud, Patrick Schmied pour des mesures énergiques et concrètes contre la violence conjugale

Débat

M. Christian Brunier (S). Il me semble que la plupart des députés de ce parlement sont sensibles à une lutte énergique contre la violence conjugale. A l'époque, nous étions impatients... (Brouhaha.)Cela n'intéresse visiblement pas tout le monde... (Le brouhaha se poursuit.)Madame la présidente, on ne peut pas débattre de sujets aussi graves dans un tel état d'agitation !

La présidente. Tout à fait, Monsieur le député ! (La présidente agite la cloche à plusieurs reprises.)Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande d'écouter M. le député Brunier ou, si vous souhaitez discuter, de quitter la salle ! Monsieur le député, je vous redonne la parole !

M. Christian Brunier. Merci, Madame la présidente. Je répète donc que la plupart des députés me semblent être sensibles à la lutte contre la violence conjugale. Un certain nombre de motions ou de projets de lois ont d'ailleurs déjà été votés par ce parlement. Nous étions impatients de voir le département passer à l'action et élaborer une loi permettant notamment d'expulser l'auteur d'une violence conjugale de son domicile s'il accomplit des actes inacceptables. Aujourd'hui, on a plutôt tendance à demander à la victime de partir. C'est une logique que nous ne pouvons pas accepter: c'est l'auteur des faits que nous devons bien entendu sanctionner !

Nous attendions donc avec impatience l'élaboration d'une loi. Comme, à l'époque, cette loi tardait à venir, nous avons élaboré une motion pour accélérer quelque peu le mouvement. Depuis, les choses ont bougé puisqu'un projet de loi a été élaboré - et nous saluons là l'activité du département de justice et police. Ce projet de loi a été déposé et il se trouve actuellement à l'étude - ou il va l'être - en commission.

Je sais qu'il y a un débat parmi les juristes ainsi qu'au sein du monde social: faut-il se focaliser sur la violence conjugale ou faut-il plutôt traiter de la violence domestique - soit non seulement de la violence au sein d'un couple, mais aussi à l'encontre des enfants ? Ce n'est pas ce soir que nous mènerons ce débat, mais la commission pourra débattre de cette question en toute sérénité. Je pense que l'on peut dégager une très large majorité - une unanimité, j'espère - au sein de ce parlement pour lutter contre ces drames de société. Pour en avoir discuté avec la présidente du département, nous demandons donc le renvoi de cette motion en commission pour qu'elle y soit traitée avec le projet de loi. La motion servira d'appui à ce projet de loi essentiel pour permettre de lutter efficacement contre la violence conjugale ou domestique - sur ce point, la commission tranchera.

La présidente. Si je vous ai bien compris, Monsieur le député, vous demandez le renvoi de cette motion à la commission judiciaire?

M. Christian Brunier. Oui, Madame la présidente.

La présidente. C'est bien cela. Je passe la parole à Mme la députée Wisard.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, quelques chiffres s'avèrent importants en matière de violence conjugale: une femme sur cinq subit une violence physique ou sexuelle dans sa vie de couple et deux femmes sur cinq ont été victimes de violence psychologique. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Cette violence touche des femmes de tous milieux, de toutes cultures, de tous âges et, enfin, de tous niveaux de formation. En outre, le coût induit par la violence domestique est estimé à plus de 400 millions de francs par an en Suisse. Au niveau mondial, la violence domestique est la cause principale de la mort ou de l'atteinte de la santé des femmes entre 16 et 44 ans. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

A Genève, un groupe de travail interdépartemental intitulé «Prévention et maîtrise de la violence conjugale» a été instauré à l'initiative du département de justice et police entre 1995 et 1997. En 1997, ce groupe multidisciplinaire publie un rapport et un catalogue de recommandations permettant déjà de lutter contre la violence conjugale. Les conclusions de ce rapport ont été avalisées par le Conseil d'Etat, puis par le Grand Conseil, en 2000. Puis... plus rien ! En 2002, l'Alliance de gauche proposait un projet de loi qui reprenait les propositions du groupe d'experts. Ce projet de loi a été refusé par la majorité de ce Grand Conseil, qui lui a préféré une motion plus laconique et, surtout, moins contraignante. Dans son intervention de 2002, Mme Spoerri reconnaissait la qualité du travail fourni par ce groupe, mais elle signalait qu'elle ne disposait pas, depuis, d'un bilan actualisé. Elle admettait toutefois que le problème de la violence conjugale s'était entre-temps largement aggravé et que la complexité des statuts familiaux était devenue telle qu'elle ne pouvait plus se baser sur les hypothèses établies dans le rapport de 1997. Cependant, elle nous rassura en nous annonçant qu'elle allait agir rapidement.

Deux ans plus tard, ne voyant rien venir du côté du département de justice et police et malgré l'urgence du problème reconnu par la conseillère d'Etat, les signataires de cette motion se sont mobilisés pour vous proposer un texte qui relance le débat et pour trouver des solutions à ce douloureux problème de violence. Depuis, une révision importante du Code pénal est entrée en vigueur le 1er avril 2004: la contrainte sexuelle et le viol commis au sein du couple sont désormais poursuivis d'office, et non plus sur plainte. Il en va de même pour les lésions corporelles simples, les voies de fait et les menaces réitérées intervenant entre conjoints ou partenaires. Un projet de modification du Code civil permettra également d'éloigner l'auteur des violences sur la victime - par exemple, en l'expulsant de son domicile. Les choses avancent au niveau fédéral, et plusieurs cantons ont déjà légiféré dans ce sens. Mais, à ce jour, Genève tarde malheureusement à agir en matière de violence faite aux femmes. En janvier 2005, le Conseil d'Etat dépose enfin un projet de loi cadre sur la violence domestique. Ce texte est, au premier abord, un bon projet de loi, et nous espérons que la commission judiciaire entamera rapidement son étude en y associant la motion que les Verts vous proposent de renvoyer en commission !

Mme Anne-Marie Arx-Vernon Von (PDC). Si le parti démocrate-chrétien a signé cette motion, c'est pour s'associer à l'intérêt de tous ici de mettre en place toutes les solutions les plus efficaces possibles en matière de lutte contre la violence conjugale. Nous félicitons par ailleurs le Conseil d'Etat - et tout particulièrement Mme Spoerri - pour le projet de loi 9452.

Afin de travailler rationnellement, nous proposons de renvoyer cette motion à la commission judiciaire pour qu'elle soit traitée conjointement avec le projet de loi 9452.

M. Pierre Froidevaux (R). Chers collègues, le parti radical soutiendra également le renvoi de cette motion à la commission judiciaire. On évoque là un problème extrêmement important, dont les chiffres ont été donnés par Mme Wisard-Blum. Nous disposons de statistiques toutes personnelles. La violence domestique est effectivement un problème de société extrêmement répandu. Selon d'importantes études, une femme sur dix serait victime de violence conjugale. Mais ces chiffres sont basés sur la notion d'information: il faut que la personne puisse s'exprimer à travers un filtre - qu'il s'agisse de celui de la police ou de celui des autorités sanitaires. Ce problème est donc certainement sous-estimé. Je suis convaincu que vous connaissez tous cette problématique, que vous avez tous été, une fois, touchés par cette question qui concerne l'ensemble des couches de la société. Nous voyons certaines personnes réclamer devant le Conseil d'Etat ou devant le Procureur de la République une protection pouvant même s'étendre de manière extracantonale, mais des gens se trouvant dans une situation sociale plus précaire vivent aussi ce type de souffrance.

A titre personnel, je suis frappé de recevoir en consultation des femmes qui viennent régulièrement pour ce sujet mais qui, lorsqu'elles sont trop battues, ne viennent tout simplement pas me consulter pour éviter de me montrer leurs coups. C'est là que se trouve le véritable problème de cette motion: l'ensemble des personnes victimes de violences conjugales souffrent d'un problème du «je». Ce sont des personnes qui n'osent pas parler de «je», mais qui parlent de «nous». Leur amour transversal est si important - et j'espère que mon collègue psychiatre ne me contredira pas - qu'ils parlent toujours à plusieurs. On n'ose pas s'affirmer soi-même. C'est là tout le problème de la récidive: lorsqu'on tente d'éloigner l'autre, eh bien, l'autre revient parce que la personne manque de «je». Et c'est là toute la difficulté du projet de loi: lorsqu'on intervient à ce point et dans un secteur aussi privé au nom de la défense de la personne - et c'est normal - on atteint une telle sensibilité que l'on ne sait jamais ce qui est véritablement juste. Aussi, dans l'ensemble des invites, il y en a une que je retiens, car elle me semble être la plus importante: c'est l'idée de mettre en place un groupe interdisciplinaire consacré à ce problème. Il ne faut pas s'arrêter aux mesures judiciaires d'expulsion qui ne font que stigmatiser certaines situations, qui ne font que mettre un droit sur l'un des deux - lequel n'est pas nécessairement le gourou, mais lequel peut aussi être la victime. Il est, à mon sens, important d'adopter une vision beaucoup plus globale.

Nous remercions les auteurs de cette motion d'avoir soulevé ce problème et d'y apporter toutes les modifications ou tous les éclaircissements nécessaires en commission judiciaire, où il pourra être étudié avec le projet de loi que le Conseil d'Etat nous a déjà adressé.

Mme Salika Wenger (AdG). Je remercie infiniment M. Froidevaux pour nous avoir expliqué que ce sont les femmes battues, que ce sont les victimes qui sont les responsables de la violence qu'elles subissent... C'est en effet parce qu'elles ont d'importants problèmes qu'elles souffrent de problèmes de «je»... J'aimerais tout de même rappeler que 97 % des violences commises au sein du couple sont le fait des hommes. (L'oratrice insiste sur ce terme.)Je ne veux pas dire par là que les hommes sont génétiquement violents. Je veux dire que la violence conjugale est la conséquence d'un certain nombre de tics de comportements que nous devons à un patriarcat qui continue à survivre malgré la lutte des unes et des uns.

Il me semble qu'un certain nombre de problèmes n'ont pas été soulevés - et je remercie le projet de loi du Conseil d'Etat d'en faire état. En premier lieu, les plaintes sont extrêmement difficiles à présenter et à prouver. Mais, surtout, la réception des personnes qui portent plainte - que ce soit dans les commissariats, auprès des services sociaux ou dans les hôpitaux - souffre d'un certain nombre de lacunes. Il me paraît donc important d'organiser un système de formation de manière à sensibiliser les personnes en contact avec les victimes de violences. C'est l'un des aspects importants de la problématique. Par ailleurs, cette violence est aussi la résultante de l'inégalité entre hommes et femmes. Là, encore une fois, il me semble que l'école pourrait, d'une part envisager un enseignement plus soutenu en matière d'égalité entre hommes et femmes, d'autre part... comment dire... pallier ou, du moins, faire office de prévention à une certaine forme de violence. Parce qu'il n'y a pas que la violence des maris à l'encontre de leurs femmes: il y a également - et les enseignants nous en ont souvent parlé - énormément de violence des garçons à l'encontre des filles. Le problème de la violence à l'encontre des femmes est donc bien plus ample, et l'on peut malheureusement soupçonner que les mêmes enfants qui se montrent violents envers les filles dans une cour de récréation risquent de l'être aussi au sein de leur couple.

Je ne suis pas du tout en train de d'affirmer que les hommes sont génétiquement violents. J'aimerais insister sur ce point. A mon sens, cette violence est, encore une fois, la conséquence d'un certain nombre de problèmes sociaux graves, de frustrations et d'aliénations qu'il conviendrait peut-être d'identifier avant la violence. C'est dans cette perspective que, le travail présenté par le Conseil d'Etat d'une part, les divers projets de lois et motions actuellement en consultation à la commission des affaires judiciaires d'autre part, sont une nécessité, non pour résoudre ces problèmes - parce que les lois ne résoudront aucun des problèmes, mais elles ne feront qu'en sanctionner les auteurs - mais pour commencer à mener une modeste prévention par le biais d'une meilleure information et d'une formation scolaire - prévention qui, je l'espère, donnera des résultats dans quelques années. Nous sommes donc favorables au renvoi de cette motion en commission.

M. Jean-Michel Gros (L). Le groupe libéral s'était, à l'époque, associé à la motion 1456 de la commission judiciaire qui transformait le projet de loi de l'Alliance de gauche en un texte plus positif pour demander un message au Conseil d'Etat. Il s'associe évidemment à tous les propos qui ont été tenus - mis à part quelques exagérations immédiatement exprimées par Mme Wenger. Pour le reste, nous partageons entièrement les propos qui ont été tenus et nous prônons également le renvoi en commission de cette motion.

Je tiens tout particulièrement à remercier le département de justice et police. Il est en effet plutôt rare, Madame Wisard-Blum, que, lorsqu'on envoie une motion au Conseil d'Etat, on ne nous réponde pas par un simple rapport - ce qui est souvent assez charmant et nous permet de mener un petit débat... - mais directement par des mesures concrètes sur la violence domestique qui seront immédiatement étudiées en commission judiciaire. Nous nous réjouissons donc d'en débattre en commission judiciaire - avec, bien évidemment, cette motion.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux que m'associer à ce que, les uns et les autres, vous avez soulevé. Il appartiendra à la commission judiciaire de donner priorité à ce sujet qui me tenait à coeur - comme, il faut le reconnaître, il tient tout particulièrement à coeur aux femmes depuis longtemps. Je dirai à M. Froidevaux qu'il est en effet extrêmement difficile d'approcher cette matière dans la mesure où elle entre intimement dans le cercle privé des personnes. Je considère toutefois que la violence, qu'elle se produise sur la voie publique ou dans un domicile, est toujours la même violence et que nous devons donc avoir le courage de prendre des dispositions. Comme vous l'avez rappelé, Madame Wisard, ceci vient d'ailleurs à point nommé en appui des dispositions fédérales sur les plans pénal et civil. Voilà ce que je voulais vous dire. Comme l'a rappelé M. Brunier, je voulais aussi confirmer l'absolue nécessité d'une formation du fait des nouvelles responsabilités que les uns et les autres assumeront en matière de traitement de la violence conjugale ou domestique. Enfin, je ne veux pas terminer cette intervention sans rappeler que le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat a fait l'objet d'une très large consultation. Je voudrais surtout rappeler qu'il s'agit d'un projet de loi cadre qui, dans le fond, s'inspire de et s'appuie sur tout le travail précédemment mené à Genève par l'ensemble des professionnels. Il s'agira principalement d'un appui aux travaux préexistants des uns et des autres.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les raisons pour lesquelles j'ai confiance dans les travaux à venir. Bien qu'elle ait beaucoup de travail à son ordre du jour, j'espère que la commission judiciaire pourra travailler dans les meilleurs délais.

La présidente. Je mets aux voix le renvoi de la proposition de motion 1576 à la commission judiciaire.

Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission judiciaire est adopté par 61 oui (unanimité des votants).

P 1469-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre l'usage abusif du domaine public à la route de Chancy
Rapport de Mme Caroline Bartl (UDC)
P 1470-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre diverses nuisances générées par l'implantation d'un commerce à la route de Chancy
Rapport de Mme Caroline Bartl (UDC)

Débat

La présidente. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, qui concerne les pétitions 1469-A et 1470-A. Mme Bartl étant absente, elle est remplacée par M. Catelain. Monsieur Catelain, avez-vous quelque chose à ajouter à ce rapport ?

M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur ad interim. Oui, Madame la présidente. Il s'agit de procéder à une correction dans la partie conclusive du rapport. Il n'y a pas de correction à proprement parler à apporter à la page 7, mais la formulation du vote relatif au dépôt de la pétition 1469 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement se trouve en contradiction avec la page 8 du rapport, où l'on peut lire que «Le débat étant terminé, le président met aux voix la proposition de renvoi au Conseil d'Etat de la pétition 1470 à titre de renseignement». Théoriquement, les termes «à titre de renseignement» devraient être supprimés. Comme je ne siégeais pas dans cette commission, je ne peux confirmer s'il s'agit de l'une ou l'autre formulation.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Madame la députée Guichard ?

Mme Nelly Guichard (PDC). Il s'agit là d'une affaire qui paraît probablement très secondaire à ce Grand Conseil, mais l'ouverture et le fonctionnement de ce genre de commerce relèvent de plusieurs instances politiques ou administratives entre communes et canton qui se renvoient quelque peu la balle. Et, sur le terrain, il n'y a pas que des commerces: il y a aussi des personnes. Les commerçants présents de longue date se sentent lésés, car ils ne bénéficient pas des mêmes avantages de stationnement que Domino's Pizza. C'est ce qui les a amenés à déposer cette pétition. Nous estimons que, si le problème persiste, c'est une affaire à régler entre commune et canton.

Se pose également le problème de l'enseigne. D'aucuns disent que cette dernière ne respecte pas les normes; le propriétaire des lieux affirme que si. Ce que l'on peut noter, en tout cas, c'est l'aspect géométrique, agressif et laid de cette enseigne, dont les habitants du vieux village estiment qu'elle dénature totalement les lieux. Là encore, on se trouve à la marge du vieux village - soit sur le front de la route de Chancy qui, bien sûr, a malheureusement perdu de son charme d'antan - mais il n'empêche qu'il serait pertinent de tenir compte de ce contexte.

Quant au commerce lui-même, mis à part des nuisances bien réelles qu'il occasionne à l'arrière, ses horaires ressortent de la LHFM - la loi sur les heures de fermeture des magasins. Mais s'agit-il d'un établissement assimilé à un restaurant ou à un commerce ? Les auditions que nous avons menées ne nous ont pas permis de trancher définitivement cette question. Si vous vous référez, en page 4 du rapport, à l'audition du DAEL, vous verrez que son représentant nous dit qu'il s'agit d'un établissement public. Si vous passez à l'audition du représentant de l'OCIRT à la page 5 du même rapport, celui-ci affirme qu'il s'agit d'un restaurant. Enfin, en page 6, vous pouvez trouver l'audition du conseil administratif de la Ville d'Onex, où la représentante fait état d'une lettre du département de l'économie affirmant qu'il s'agit d'un commerce. Alors, quid ?! S'agit-il d'un commerce ? D'un restaurant ? Et à quelles heures de fermeture est soumis ce genre d'établissement ? Il est vrai qu'un établissement tel que celui-ci qui fabrique des pizzas et qui, en principe, les livre n'est pas, à première vue, un restaurant. Il n'empêche que certains clients viennent se servir sur place.

Il nous paraît donc utile de renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat. Ce dernier sera, avec le conseil administratif de la Ville d'Onex, mieux habilité à examiner la manière de faire évoluer cette situation afin de répondre à la préoccupation des pétitionnaires.

M. Jean-Claude Egger (PDC). Malgré le regroupement des deux pétitions, ayant quelque intérêt dans la pétition des commerçants de la route de Chancy, je ne m'exprimerai que sur la seconde - soit la pétition 1470.

J'ai bien lu le rapport - au demeurant excellent - de Mme Bartl. Je suis tout de même quelque peu effaré lorsque je vois le directeur de Domino's Pizza: il s'agit là d'un monsieur qui commence des travaux, qui installe et qui exploite un commerce avant d'avoir reçu les autorisations nécessaires. Ce monsieur change par ailleurs chaque jour les statuts de son exploitation: une fois, c'est une vente à l'emporter sur place; une fois, c'est une fabrication-livraison à domicile; d'autres fois encore, c'est un restaurant... Ce monsieur utilise ces différents statuts pour pouvoir contourner la loi et obtenir des autorisations. La loi pourrait fonctionner, mais cet homme utilise plusieurs lois pour arriver à ses fins ! Comme Mme Guichard l'a relevé tout à l'heure, même l'OCIRT et l'office cantonal de l'inspection du commerce émettent des avis différents quant au statut de cet établissement: l'un pense que c'est un restaurant alors que, pour l'autre, ce n'est pas un café-restaurant. Et puis, on a même l'avis du directeur de Domino's Pizza qui, lui, explique qu'il s'agit d'un magasin qui fabrique des pizzas et qui livre entre 11h et minuit - ces livraisons représentant les 80% de son activité.

Ce propriétaire joue évidemment habilement sur tous ces statuts et, pour les habitants, c'est un peu difficile. Il est vrai que peu de monde ont signé cette pétition: elle ne compte que quatre signataires. Ce n'est cependant pas une raison pour ignorer leurs doléances - doléances que je trouve extrêmement justifiées. Ces habitants, qui ne connaissent pas nécessairement bien les lois et qui n'ont pas l'habitude de recourir aux services d'un avocat, se retrouvent tout de même face à une entreprise appartenant à un groupe international. Vous imaginez immédiatement ce que peuvent faire quatre ou cinq habitants face à une chaîne d'alimentation qui est également installée à Lausanne - où l'on connaît d'ailleurs un peu les mêmes problèmes...

Je vous rappelle que ce commerce est installé dans une zone villageoise - en bordure de la route de Chancy, c'est vrai, mais lorsqu'on sait tous les efforts de la commune d'Onex pour obtenir son tram, pour rendre cette route un peu plus tranquille, un peu moins bruyante, je ne sais pas si c'est une bonne solution que d'y installer encore un commerce avec une dizaine de scooters sans arrêt en déplacement. Je pose donc la question: est-il normal d'installer dans cette zone un commerce semi-industriel dont, comme le reconnaît son propriétaire, les 80% des activités concernent des livraisons à domicile suite à des commandes téléphoniques ? Est-ce le bon endroit pour implanter un tel commerce ? Ne serait-il pas préférable de l'installer, par exemple, à Bernex, qui compte des petites zones où des personnes travaillent dans l'informatique ou encore dans les carrosseries ?

Les invites de la pétition 1470 sont très claires. Il s'agit de réétudier cette affaire pour déterminer si ce commerce semi-industriel a bien sa place dans une zone villageoise. Les pétitionnaires demandent également que toutes les nuisances générées par ce commerce cessent et que la Ville d'Onex fasse respecter le calme et la tranquillité qui régnaient dans cette zone du vieil Onex avant l'implantation de ce commerce. La commission des pétitions a bien saisi le problème et la demande des pétitionnaires, puisqu'elle a voté le renvoi de la pétition 1470 au Conseil d'Etat à l'unanimité par 14 oui. Je vous demanderai donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir également renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour que celui-ci puisse se saisir efficacement de cette affaire et prendre les mesures nécessaires.

M. François Thion (S). Les socialistes soutiennent les pétitionnaires - soit les habitants du vieux quartier d'Onex - qui subissent les nuisances de ce magasin qui est moins une pizzeria qu'une industrie, mais où l'on peut tout de même venir acheter des pizzas tard dans la nuit. Les socialistes soutiennent également la pétition des commerçants, qui trouvent injuste que des places de parc soient réservées aux scooters devant l'établissement alors que les autres commerçants ne peuvent bénéficier de ces mêmes droits.

Nous demandons le renvoi de ces deux pétitions au Conseil d'Etat, notamment pour déterminer si la loi sur les horaires de fermeture des magasins s'applique à ce commerce ou non et, dans le cas contraire, à quel type d'autorisation est soumis ce type de commerce. En même temps, nous ne demandons pas la fermeture de ce commerce. Il y a peu d'emplois à Onex, et l'on comprend que la Ville d'Onex ait besoin d'emplois. Il me semble néanmoins qu'il faut clarifier le problème posé et y apporter une solution.

La présidente. Si je vous ai bien compris, Monsieur le député, plutôt que le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, vous demandez également le renvoi au Conseil d'Etat de la première pétition - soit la P 1469-A ?

M. François Thion. C'est cela, Madame la présidente: je demande le renvoi au Conseil d'Etat des deux pétitions.

La présidente. Nous serons obligés de traiter en premier lieu la demande de la commission puis, selon l'issue des résultats, je mettrai aux voix votre demande de renvoi au Conseil d'Etat.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Ces deux pétitions découlent du même fait: l'implantation d'une entreprise de fabrication de pizzas à l'emporter ou à livrer. Au travers de la pétition 1469, les pétitionnaires s'offusquaient surtout du remplacement de deux places de stationnement blanches pour voitures par des places de stationnement pour deux-roues et leur occupation intempestive par les scooters servant aux livraisons de pizzas. Nous ne pouvons pas renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat sur cette simple préoccupation. C'est pourquoi nous vous proposons de la déposer sur le bureau du Grand Conseil.

En revanche, la pétition 1470 aborde l'implantation de cette entreprise de façon beaucoup plus globale. Tout en intégrant la problématique du stationnement et des nuisances liées à l'utilisation des scooters, les pétitionnaires relèvent le non-respect de la procédure et des délais pour commencer les travaux de transformation. Le magasin a débuté ses activités quinze jours après la parution de la demande de transformation dans la «Feuille d'avis officielle». Les riverains ont dénoncé cette situation illégale au DAEL. Pourtant, l'exploitation a continué. Pourquoi ? Les pétitionnaires soulèvent également le flou légal dont dispose ce type d'exploitation, qui reste ouverte bien au-delà des horaires légaux alors qu'elle devrait normalement dépendre de la loi sur les heures de fermeture des magasins. Afin d'éclaircir tous ces points, nous estimons que cette pétition 1470 doit, elle, être renvoyée au Conseil d'Etat.

La présidente. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. C'est une erreur, Madame la présidente !

La présidente. D'accord, j'en prends note. Nous allons donc procéder au vote concernant la pétition 1469-A.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1469-A sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 31 oui contre 18 non et 2 abstentions.

La présidente. Nous passons à la pétition 1470-A.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1470-A au Conseil d'Etat) sont adoptées par 52 oui (unanimité des votants).

P 1480-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre l'interdiction de travailler de certains demandeurs d'asile déboutés (changement de pratique de l'OCP)
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de M. François Thion (S)
P 1492-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant la politique d'asile
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de M. François Thion (S)

Débat

La présidente. Nous passons au dernier objet du département, soit les pétitions 1480-A et 1492-A. Le rapporteur est M. Weiss. Monsieur le rapporteur, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. A ce stade du débat - qui n'a pas commencé - rien du tout !

La présidente. M. le rapporteur de minorité Thion n'est pas encore arrivé à la table des rapporteurs... (Arrivée de M. Thion à la table des rapporteurs.)Ah, le voilà ! Monsieur le rapporteur de majorité, nous vous écoutons !

M. Pierre Weiss. Madame la présidente, je ne pourrai pas développer un argumentaire auquel je viens de dire que je n'avais rien à ajouter...

La présidente. La parole est donc à M. le rapporteur de minorité Thion !

M. François Thion (S), rapporteur de minorité. Madame la présidente, j'aimerais d'abord savoir de quelle pétition on parle, car il y en a deux.

La présidente. Monsieur le rapporteur de minorité, nous traitons des deux pétitions. Vous pouvez d'abord vous exprimer sur la première pétition, soit la P 1480-A, puis, selon l'ordre chronologique inscrit sur votre rapport, vous vous exprimerez sur la P 1492-A !

M. François Thion. Merci pour ces précisions, Madame la présidente. La première pétition concerne l'interdiction de travailler pour certains demandeurs d'asile déboutés. Cette pétition a été signée et appuyée par la Coordination asile.ge, que je tiens ici à remercier pour son travail d'information. Grâce à ses deux pétitions, on dispose en effet d'un certain nombre de données importantes qui manquent parfois de clarté.

Dans la première pétition, la Coordination asile.ge dénonce la législation fédérale, qui ne prévoit pas d'autorisation de travail pour les demandeurs d'asile déboutés. Elle dénonce également, comme de nombreux cas à Genève nous le démontrent, l'absurdité de cette loi: nombre de requérants déboutés, qui n'ont obtenu ni autorisation de travailler, ni permis de réfugié, doivent parfois attendre des mois avant de pouvoir retourner chez eux parce qu'ils n'obtiennent pas les papiers, les autorisations nécessaires pour cela. Jusqu'à présent, ces personnes avaient la possibilité de travailler chez nous. Or, un changement de politique de l'office cantonal de la population a contraint un certain nombre de ces requérants à ne plus pouvoir travailler et, partant, à être dépendants de l'assistance - ce qui a évidemment engendré des coûts pour l'Etat. Nous ne pouvons qu'appuyer les signataires de cette pétition. C'est, à mon sens, une question de dignité humaine. C'est pourquoi nous demandons le renvoi au Conseil d'Etat de la pétition 1480.

Quant à la pétition 1492, elle concerne les non-entrées en matière, soit des requérants d'asile auxquels on a immédiatement refusé d'entrer en matière parce que leurs dossiers ne tenaient pas la route. Avec la nouvelle politique du Conseil fédéral, ces gens n'ont évidemment plus le droit de travailler, mais ils ne bénéficient en outre que d'une aide d'urgence minimum en attendant leur renvoi chez eux. Cette aide d'urgence est vraiment minimum, puisqu'ils peuvent passer la nuit dans des baraquements militaires à côté de l'aéroport, mais ils sont obligés de quitter ces baraquements le matin à 9h; ils ont droit à un petit repas pendant la journée, mais ils ne reçoivent bien entendu pas d'argent de poche. Le problème que soulève cette pétition, c'est que ces requérants disparaissent sans même demander l'aide d'urgence. Il semblerait que plusieurs centaines de personnes aient ainsi disparu. On ne sait pas où ils sont passés: sont-ils devenus clandestins, ont-ils quitté la Suisse ou non, on l'ignore ! Il y a là un réel problème ! La pétition demande que le Conseil d'Etat agisse et que le parlement appuie ce dernier pour assouplir quelque peu la politique du Conseil fédéral.

Mme Esther Alder (Ve). M. Thion a parfaitement expliqué la situation, et les Verts soutiendront bien évidemment le rapport de minorité. Nous nous trouvons effectivement devant une situation tout à fait absurde, puisque l'on entend souvent la population accuser les demandeurs d'asile de tous les maux - notamment celui d'être oisifs, de ne vouloir rien faire. Or, là, on a affaire à des personnes qui travaillent, qui sont financièrement indépendantes et, à ces personnes, on va interdire toute activité pour les faire basculer dans l'assistance. Cette situation absurde, nous la dénonçons, et nous souhaitons vivement une intervention auprès du Conseil fédéral - lequel est à l'origine de cette loi.

Quant à la seconde pétition, certains pensent que, plus l'on créera des conditions d'accueil défavorables, plus l'on dissuadera les gens de venir sur notre territoire. De notre point de vue, non seulement cette façon de procéder est totalement inhumaine, mais elle conduit en outre souvent les personnes à devenir clandestines. Pour ces raisons, nous vous proposons également de soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Comme l'a dit M. Thion, il est regrettable que la majorité de la commission des pétitions ait refusé de renvoyer ces pétitions au Conseil d'Etat. Ç'aurait été un signal qui l'aurait encouragé dans sa politique qui, si elle n'est pas admirable, se démarque du moins des autres cantons - de Suisse alémanique notamment.

Interdire de travailler aux demandeurs d'asile déboutés et fabriquer des clandestins sont des problématiques très graves. Le Conseil d'Etat doit sentir que notre Grand Conseil est sensible à cette question et suit attentivement ces dossiers. Ce qui se passe au niveau fédéral est inquiétant et devrait vous faire réfléchir plus profondément. Les demandeurs d'asile sont toujours plus nombreux à être évacués par le couloir administratif de la non-entrée en matière. A l'heure actuelle, un tiers des demandeurs sont rejetés sans examen parce que les requérants ne possèdent pas de papier d'identité, que leurs récits de torture ne sont pas vraisemblables ou qu'ils proviennent de pays dits «sûrs». Parallèlement, la proportion de décisions positives ne cesse de baisser - environ 3% actuellement. Le fait que la plupart des recours déposés contre les décisions de non-entrées en matière aboutissent montre que l'Office fédéral des réfugiés est souvent négligent. Il y a, dans certains cantons, une volonté claire de dissuader les requérants de réclamer leurs droits. Ceux-ci sont mis à la porte de leur foyer sans qu'on les a informés de l'existence d'une aide d'urgence.

Au moment de la décision fédérale d'exclure de l'aide sociale les NEM - mesure entrée en vigueur le 1er avril 2004 - plusieurs cantons, dont Genève, ont tiré la sonnette d'alarme, craignant un report des charges de la Confédération aux cantons. Ces derniers se retrouvent en première ligne pour assurer une prise en charge minimale. La suppression de l'aide sociale risque sous peu de ne plus concerner les seules NEM. Selon M. Galetto, directeur de l'aide aux requérants d'asile à l'Hospice général, il existe bel et bien un transfert de charges. Si tous les requérants déboutés - ils seraient 350 à Genève - devaient être privés de l'aide sociale, la situation deviendrait ingérable. Et le chef du service asile à l'office cantonal de la population ose encore croire en la sagesse des politiciens... Si une telle mesure devait être prise, non seulement les coûts seraient importants, mais, surtout, l'ordre public serait fortement perturbé, selon ce monsieur.

Le Tribunal administratif du canton de Berne s'est appuyé sur l'article 12 de la Constitution fédérale pour rappeler que «quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine». Cette décision, qui est une première, va au-delà du canton de Berne, et l'OSAR - l'Organisation suisse de l'aide aux réfugiés - souligne: «Le Tribunal a rappelé que le droit constitutionnel ne peut être soumis à condition. L'aide minimale ne peut donc être subordonnée à rien».

Ainsi, Genève, ville internationale qui héberge le Haut Commissariat aux réfugiés qui a dénoncé la politique de l'asile voulue par le conseiller fédéral UDC Blocher, Genève où se trouve le CICR d'où émane tout le droit humanitaire dont nous sommes fiers, Genève doit continuer de se démarquer de la politique honteuse de la Confédération. Le Conseil d'Etat doit se sentir soutenu dans sa politique, et lui renvoyer ces deux pétitions est un signe de notre parlement. Sans illusion sur le comportement de l'actuelle majorité, le groupe socialiste vous invite toutefois à renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Madame la députée. La liste des intervenants est close. Sont encore inscrits Mme la députée Haller, M. le rapporteur Weiss ainsi que MM.  les députés Iselin et Charbonnier.

Mme Jocelyne Haller (AdG). Le rapport de majorité relatif à ces deux pétitions me remplit d'amertume. J'étais absente pour cause de commission de grâce au moment du vote; je m'en tiens donc aux procès-verbaux et aux rapports de la commission pour comprendre le sort qui a été fait à ces deux pétitions. Il y apparaît qu'une grande majorité de commissaires s'accordait sur le fait qu'il vaut mieux travailler plutôt que d'émarger à l'assistance. Il eût donc été logique de voir tout au moins la P 1480 trouver un accueil favorable. Eh bien non... Car, rapidement, il a été question des requérants déboutés ou n'ayant pas revu leur demande prise en considération, qui présentent des antécédents judiciaires ou qui ont été en lien avec les milieux de la drogue. A ceux-là, la commission a voulu donner un message clair. C'est pourquoi elle s'est prononcée en faveur d'un dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Arrêtons-nous deux secondes sur ce message - un message qui consiste à dire: «Débrouillez-vous pour survivre ! Prenez ce que nous vous donnons à contre-coeur, mais, surtout, ne travaillez pas ! Ne vous assumez pas !». A vrai dire, la portée pédagogique d'un tel message m'échappe. L'amalgame auquel les députés de la majorité de la commission ont procédé est particulièrement discutable. Il alimente et cautionne tous les lieux communs sur les candidats à l'asile... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...profiteurs et malhonnêtes. C'est une généralisation qui constitue une injure à l'encontre de toutes les victimes de la violence de certains Etats, une injure à toutes les victimes de l'oppression.

La problématique de l'asile est complexe; personne n'en disconvient. Mais elle ne se réglera pas en déniant leurs droits aux requérants d'asile. L'abus ne réside pas dans le fait de requérir l'asile, mais bien d'être contraint à l'exil. Alors, tant que notre gouvernement et d'autres instances ne pourront agir sur les causes qui conduisent des populations à l'asile, nous serons tenus, au nom de la plus élémentaire dignité qui est due à chaque être humain et en vertu de la Constitution fédérale, de garantir des moyens conformes à la dignité pour subvenir aux besoins vitaux de tous ceux qui viendront chez nous demander l'asile. Par besoins vitaux, il faut le rappeler, on entend en principe le gîte, le couvert, les soins. Or, il est un autre besoin, également vital, qui n'est généralement pas évoqué: c'est le besoin d'espoir. L'espoir d'échapper à la précarité; l'espoir d'un avenir. Mais comment le construire ici ou ailleurs si le sol se dérobe sous leurs pieds ? Ils sont déboutés. Après des mois, des années d'attente, on leur refuse le droit d'asile. Dès lors, ils perdent le droit de travailler. Ils doivent partir; ils sont censés partir. Mais, pour beaucoup, leur gouvernement leur refuse des papiers nationaux. Ils se trouvent donc obligés de sortir de notre pays et empêchés de rentrer dans le leur. Alors, que faire ? Rester ? Mais rester sans être autorisé à travailler ? Sans droit, sans possibilité de s'inscrire au chômage alors qu'ils y ont dûment cotisé mais qu'ils ne peuvent en bénéficier parce qu'ils ne sont pas plaçables, parce qu'ils ne sont pas autorisés à travailler ? Tout ce qui a été construit, tout ce qui a été reconstruit s'effondre. Il ne reste plus qu'à partir - encore une fois, partir. Dans cette attente, que reste-t-il ? Eh bien, il reste l'assistance - l'assistance dont beaucoup ici se plaignent de la charge qu'elle représente; dont d'autres encore n'hésitent pas à leur reprocher d'en user, voire d'en abuser.

Alors, il faut savoir ce que nous voulons. La minorité de la commission le sait, elle qui voulait donner une suite favorable à ces pétitions. La majorité de la commission, en revanche, ne sait pas ou, du moins, développe un discours contradictoire: Genève, terre d'asile, mais si possible inhospitalière... moins d'assistance, mais on interdit de travailler à ceux qui pourraient y échapper... Mesdames et Messieurs les députés, le ridicule ne tue peut-être plus, mais il peut encore faire de gros dégâts !

Permettez-moi de vous rappeler encore que l'assistance au tarif des requérants d'asile est constituée de montants... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)...que ce même parlement a jugé impropre pour subvenir aux besoins vitaux du reste de la population. Rappelez-vous: c'était nous-mêmes, ici, en février 2004, lors du vote sur la modification de la loi sur l'assistance. Mais là, on ne parle pas des mêmes - les mêmes que nous évoquons. Parce qu'à ceux-là, c'est encore avec moins d'argent qu'on leur demande de survivre et de préserver leur dignité. Il y aurait donc, à Genève, autant de seuils de dignité qu'il y a de seuils de minimum vital... Voilà une bien étrange conception de la dignité ! La dignité, comme la morale, ne peut être élastique. Apparemment, tout le monde n'est pas de cet avis-là... Aux mêmes, on signifie: «Débrouillez-vous pour retourner dans votre pays; pour partir n'importe où, mais partir». Voilà, très grossièrement, le message qui leur est adressé. Dans cette attente, ils ont la possibilité de dormir dans un abri. La journée, ils doivent le quitter, et ils ont l'équivalent en nature de quinze francs par jour pour subvenir à leurs autres besoins. Pour le reste - leur détresse, le risque de basculer dans la clandestinité avec tous les aspects que cela peut revêtir - on ne veut pas en entendre parler. Pas plus que l'on ne veut entendre le personnel et les organismes d'entraide lorsque ces derniers dénoncent les conditions d'hébergement des requérants d'asile dans d'anciens baraquements militaires - ceux de la voie des Traz.

La présidente. Il vous faudra bientôt conclure, Madame la députée !

Mme Jocelyne Haller. Je vais conclure, Madame la présidente ! Il aura donc fallu que des canalisations sautent, que des sanitaires ne fonctionnent pas pour que l'on s'offusque des conditions de logement des NEM et qu'on les loge décemment. Cela veut-il dire qu'il faut que la misère soit visible pour qu'elle nous fasse honte et que, dans le cas contraire, on s'arrange avec sa conscience ? On conjugue amnésie et insalubrité pour dissuader les NEM de faire appel à l'aide d'urgence. Cette surdité n'est pas digne de la Genève humanitaire ! Cet autisme, cette politique-là n'est pas digne de notre Etat ! C'est pourquoi, au nom de l'AdG, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas suivre le rapport de majorité, mais à adresser ces deux pétitions au Conseil d'Etat ! (Applaudissements.)

M. Robert Iselin (UDC). J'admire et j'apprécie à sa juste valeur l'humanité dont fait preuve Mme Haller. Néanmoins, j'aimerais tout de même lui rappeler que Genève, du moins en principe, se trouve en Suisse. Or, une loi fédérale a été votée ! La Suisse, c'est 7 millions d'habitants. A vous entendre, parce qu'elle est riche, parce qu'elle a travaillé très dur, elle devrait accueillir tous les réfugiés de la Terre. Ceux qui sont poursuivis parce qu'ils risquent d'être assassinés seront toujours accueillis. Mais tous les réfugiés dits... (M. Iselin cherche un terme.)il existe un terme spécial pour cela...

Une voix. Pour des raisons économiques !

M. Robert Iselin. Les... les demandeurs d'asile pour des raisons économiques, eh bien non, ce n'est pas possible de les accueillir ! Ce n'est tout simplement pas possible !

M. Alain Charbonnier (S). Peut-être M. Iselin n'a-t-il plus beaucoup de mémoire... Il y a quelques minutes, Mme Schenk-Gottret nous a lu un bref passage d'une loi suisse - la Constitution - dont l'article 12 précise: «Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine». Alors, Monsieur Iselin, avant de nous donner des leçons sur la loi - et sur la loi suisse en particulier - vous feriez mieux de la lire complètement !

A ce sujet, Michèle Künzler, Christian Bavarel et moi-même avons eu l'occasion de nous rendre le mois passé - le 27 janvier - à la voie des Traz où sont «logés» ceux que l'on appelle malheureusement les NEM - les non-entrées en matière. Comme c'était un jour de bise, lorsque nous sommes arrivés, on nous a dit: «Oui, c'est parce qu'il fait un grand froid». On avait effectivement bien froid dans la cuisine, car il n'y avait pas de chauffage du tout et qu'il n'y avait pas d'eau non plus parce que les canalisations avaient sauté... Nous nous sommes ensuite rendus aux toilettes - même si ce n'était pas vraiment des toilettes, mais des sanitaires, pour être précis, pour moi, ça ressemblait plus à des toilettes qu'à des sanitaires. A nouveau, il n'y avait pas d'eau du tout et, sur les huit WC présents, six étaient gelés, donc inutilisables - et cela, à moyen terme, et pas uniquement le jour même de notre visite. On a ensuite pu visiter les dortoirs... (Commentaires de M. Catelain.)Monsieur Catelain, écoutez un peu, car cela pourrait vous intéresser ! Vous apprendriez certaines choses ! Nous avons donc pu visiter les dortoirs. A l'origine, ces dortoirs étaient divisés en plus petites chambres. Malheureusement, je ne sais pas qui, mais l'on s'est amusé à saccager l'endroit avant l'arrivée de ces personnes, qui logent maintenant à quinze ou seize dans des locaux qui, ce jour-là, empestaient le mazout et où je ne serais franchement pas resté deux heures de plus. Ces dortoirs sont fermés la journée - même en ces temps de grand froid. On leur avait généreusement ouvert la cuisine - non chauffée, je vous rappelle, et avec des trous béants dans les planches en bois... Alors, quand j'entends que, lorsqu'il fera un peu moins froid, on compte prochainement remettre ces gens dans ces locaux, je suis prêt - et je pense que des journalistes le seront également - à retourner voir sur place voir de quelle manière on traite les requérants d'asile dans notre pays avec toutes les belles lois qui sont les nôtres, Messieurs Iselin et Catelain !

Nous ferons tout pour que la dignité humaine - soit le minimum qui est demandé dans la Constitution - soit respectée dans notre pays. On ne demande pas non plus des mille et des cents pour ces personnes, car on comprend bien que la loi fédérale oblige le Conseil d'Etat à suivre certains principes. Nous soutenons totalement ce dernier dans sa démarche, mais nous serons également très attentifs à ce que la dignité humaine soit respectée - et c'est le minimum dans ce pays ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Iselin. (Protestations.)

M. Robert Iselin (UDC). Mais j'ai le droit de répondre !

Des voix. Mais non, arrête !

M. Robert Iselin. Je pense que mon collègue Charbonnier ferait bien d'aller prendre des cours de droit... En effet, l'article 12 de la Constitution helvétique parle de détresse. Or, les demandeurs d'asile pour des raisons économiques ne se trouvent pas en état de détresse ! Un point c'est tout !

La présidente. La parole est à M. le député Charbonnier, après quoi je passerai la parole à M. le rapporteur de majorité Weiss.

M. Alain Charbonnier (S). Monsieur Iselin, je vous ai lu l'article 12 de la Constitution et je parlais bien de détresse. Vous irez voir à la voie des Traz ce qui se passe: moi, j'appelle cela de la détresse, Monsieur Iselin !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de majorité Weiss ?

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Sur ces deux pétitions qui posent un problème sérieux, il me paraît inutile de faire monter de façon peu agréable et peu digne la voix. Je tiens simplement à ajouter deux points plaidant en faveur du dépôt de ces pétitions sur le bureau de notre Grand Conseil.

D'abord, en ce qui concerne la pétition 1480, comme vient de le rappeler l'un de nos collègues socialistes et comme l'avait déjà signalé un commissaire socialiste, il existe une législation fédérale qu'il s'agit de respecter, et la secrétaire adjointe du DJPS en charge du dossier qui avait été auditionnée lors des travaux de la commission nous a assuré que la dignité humaine était respectée. Alors, il est tout à fait possible qu'un jour sur trois cent soixante-cinq, les conditions de vie soient plus particulièrement difficiles pour les personnes concernées, mais il ne s'agit pas là de tirer d'une exception une règle.

S'agissant ensuite de la pétition 1492, pardon, contrairement au reproche d'amalgame fait tout à l'heure par l'une de nos collègues, je crois qu'il s'agit au contraire de faire preuve d'esprit de distinction: de distinguer, au fond, parmi les personnes visées par la pétition, le bon grain de l'ivraie, si vous me permettez l'expression. (Brouhaha.)L'audition de l'Hospice général nous a ainsi permis d'apprendre que, sur les 241 cas de non-entrée en matière antérieurs au 1er avril 2004, 124 sont des célibataires avec antécédents judiciaires - souvent pour des affaires de drogue.

Il aurait été préférable que les personnes ayant déposé ces pétitions fassent preuve d'une plus grande prudence s'agissant des populations dont elles entendaient assurer la défense. Cela aurait certainement amené la majorité de la commission à agir, à réagir ou à analyser le sort de ces populations avec une plus grande sympathie. Mais, en l'occurrence, compte tenu, d'une part de la législation fédérale, d'autre part des amalgames involontaires mais tout de même existants auxquels ont procédé les pétitionnaires, le dépôt sur le bureau de ce Grand Conseil s'impose. C'est ce que je propose à la majorité de ce Grand Conseil !

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole est à M. le rapporteur de minorité Thion.

M. François Thion (S), rapporteur de minorité. Notre demande de renvoi au Conseil d'Etat ne constitue pas un soutien aux trafiquants de drogue. Nous sommes tout à fait conscients que, parmi les gens qui font l'objet d'une non-entrée en matière, certains font du trafic de drogue. Je suis cependant convaincu que ce n'est pas le cas de tous et, s'il ne devait y avoir qu'une, deux ou trois familles qui ne sont pas mêlées à des histoires de drogue et qui doivent subir ce traitement inhumain, rien que pour cela, cela vaut la peine de renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat !

Par ailleurs, le renvoi de ces pétitions au Conseil d'Etat ne doit pas être compris comme une critique de la politique menée par ce dernier. Le Conseil d'Etat fait tout ce qu'il peut, dans le cadre de ses discussions avec le Conseil fédéral, pour tenter de mener la politique la plus humaine possible en la matière. Ce renvoi au Conseil d'Etat, c'est à la fois une manière de soutenir notre Conseil d'Etat et une manière de critiquer fermement la politique inhumaine du conseiller fédéral Blocher en matière d'asile. Voilà pourquoi je vous appelle à voter le renvoi des deux pétitions au Conseil d'Etat !

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Unger.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. J'interviendrai plutôt sur la seconde pétition - ma collègue Micheline Spoerri vous donnant, le cas échéant, un ou deux détails supplémentaires s'agissant de la première. Ces deux pétitions touchent des sujets notablement différents et, même si le temps est avancé, la première chose qu'il convient peut-être de rappeler, c'est que le pire des services que l'on puisse rendre à une cause - quelle qu'elle soit - c'est de la mélanger avec d'autres causes de nature différente. S'agissant par exemple de l'initiative prise par le Conseil d'Etat pour octroyer des conditions générales de régularisation au cas par cas de personnes travaillant clandestinement dans l'économie domestique, cela n'a rien à voir avec le sujet d'aucune des deux pétitions. Quant à la première pétition, relative aux interdictions de travail par l'OCP, elle n'a rien à voir avec la pétition suivante qui concerne les NEM. Il est très important de ne pas mélanger ni les termes, ni les problèmes sous peine de générer des amalgames allant à effet exactement contraire de ceux que la majorité de ce parlement entend atteindre - soit le respect à la fois des lois et de la dignité humaine.

Il est vrai qu'en matière de cette situation nouvelle pour nous que sont les non-entrées en matière - cet horrible terme de NEM - nous découvrons ce qu'est la perplexité d'un gouvernement qui doit dans le même temps appliquer les règles d'un Etat de droit - à savoir, le droit supérieur décrété par une loi fédérale votée de manière complètement démocratique - et en gérer les effets pervers - effets pervers si prévisibles que notre gouvernement s'était de manière unanime et répétée opposé aux propositions faites lors de la consultation. Vous ne pouvez pas demander à l'Exécutif de ce canton de se soustraire à une législation fédérale car, si nous voulons respecter l'Etat de droit pour les autres, il conviendrait d'abord de montrer l'exemple et, par conséquent, de respecter les lois quand bien même ces dernières ne nous conviennent pas et qu'elles entraînent des effets pervers.

Alors, ces effets pervers, il n'y avait pas besoin d'avoir fait Saint-Cyr ni même l'une de nos écoles polytechniques pour imaginer que ce serait vraisemblablement la fuite dans la nature d'un certain nombre de personnes qui ont «maléficié» - parce que l'on ne peut tout de même pas parler de «bénéficier» - d'une situation de NEM. Et ceci se vérifie - ceci se vérifie par des chiffres. Depuis l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, ce sont un peu plus de 400 situations de non-entrée en matière - je n'ai pas le chiffre exact en tête - qui ont été attribuées à Genève. Ce sont un peu plus de 50 personnes qui restent dans des baraquements dont je concède qu'ils sont inconfortables - mais je reviendrai à l'épisode récent tout à l'heure - et ce sont 8 personnes qui ont quitté la Suisse. Une cinquantaine de personnes à quoi s'ajoutent 8 départs, cela fait 60 sur un total d'un peu plus de 400. Cela signifie qu'il y a entre 350 et 400 personnes qui ont le statut de NEM dont on n'a plus la trace. Mais le fait de ne plus en avoir la trace participe de deux responsabilités: il participe de ce que je considère personnellement comme une absurdité ayant prévalu à la décision de créer la voie législative de cette situation de NEM, mais il participe également de la responsabilité des milieux de l'aide sociale auxquels nous disons depuis huit mois, lors de nos rencontres répétées avec la délégation du Conseil d'Etat aux réfugiés, d'appliquer le monitoring car seul ce dernier montrera les effets pervers de cette loi. Mais l'absence de monitoring, probablement pensé avec une certaine bonne volonté au vu des qualités résolument angéliques des services sociaux, fait que nous ne savons rien de ces gens dont plus de la moitié se trouvent vraisemblablement encore à Genève, dont plus de la moitié touchent vraisemblablement, non une aide sociale classique, mais des aides par le biais d'oeuvres d'entraide caritative et qui consacreront peut-être du temps et de l'énergie pour se soigner - car un certain nombre d'entre eux sont malades. L'UMSCO - l'Unité mobile de soins communautaires - devrait donc pouvoir les repérer. Bref, nous avons répété l'importance que le Conseil d'Etat entend porter au monitoring si l'on veut tirer des conclusions - et l'angélisme qui a prévalu à la non-mise en oeuvre de ce monitoring est évidemment complètement contre-productif.

Deux mots encore pour ceux qui ont évoqué les familles. Il est vrai, Monsieur Thion, que, s'il y avait des familles, la situation serait particulière. Vous connaissez la sensibilité du DIP en particulier, mais également de tout le Conseil d'Etat à cet égard. Or, ce n'est pas le cas ! Les personnes au «maléfice» d'une situation de non-entrée en matière sont en général des hommes; ils sont jeunes et proviennent, soit d'Afrique de l'Ouest, soit, pour une partie d'entre eux, de telle ou telle contrée de l'ancienne Union soviétique. Ils ne peuvent pas être confondus avec les travailleurs du secteur domestique qui, pour 85% d'entre eux, sont sud-américains et, pour quelques autres pourcents, philippins. Il s'agit par ailleurs soit de familles, soit, le plus souvent, de jeunes femmes seules. Il ne faut pas croire que l'on ne peut pas séparer ces différents problèmes. Si des familles étaient concernées, vous savez fort bien que le Conseil d'Etat y serait particulièrement attentif.

Un dernier mot sur les conditions d'hébergement. La limite de la dignité est difficile à poser, mais vous avez raison, Monsieur Charbonnier: dans la situation du Bois-Brûlé que vous décrivez, il est clair que l'on se trouve plus près de la limite que du sommet. Quand j'ai été prévenu, un matin vers 7h50, par le député Bavarel de la situation qui prévalait au Bois-Brûlé, j'ai immédiatement et personnellement pris les mesures nécessaires pour que l'Hospice général - qui est responsable de ce secteur - envisage des solutions. Devant une certaine lenteur - probablement due au zèle des fonctionnaires pour trouver la meilleure solution - j'ai pris moi-même et de manière quelque peu abrupte une décision qui a permis de reloger ces 50 personnes dans des conditions qui sont loin d'être extraordinaires, mais qui sont en tout cas beaucoup plus compatibles avec le respect de la dignité que la situation qu'ils devaient impérativement quitter dans la journée.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, ne nous faisons pas, autour de cette affaire, de faux procès ! Notre ligne sera constante. Le droit fédéral devra être respecté, mais nous ferons ce qui est nécessaire pour que les mesures de l'article 12 de la Constitution le soient également. Mais, de grâce, vous qui avez des liens avec les milieux associatifs, aidez-nous à obtenir les éléments du monitoring qui, seuls, seraient, à terme, capables d'infléchir la législation actuellement en cours ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder au vote sur ces deux pétitions. Je mets en premier lieu aux voix les conclusions de la commission des pétitions s'agissant de la pétition 1480-A.

Une voix. Madame la présidente, je demande l'appel nominal ! (Appuyé.)

La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder. Celles et ceux qui acceptent les conclusions de la commission des pétitions répondront oui, celles et ceux qui les refusent répondront non.

Mises aux voix à l'appel nominal, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 34 non contre 32 oui.

(Une panne du système informatique a empêché l'impression de la liste des votants.)

La présidente. Je mets maintenant aux voix, toujours à l'appel nominal, le renvoi de la pétition 1480-A au Conseil d'Etat.

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la pétition 1480-A au Conseil d'Etat est adopté par 36 oui contre 33 non.

Appel nominal

La présidente. Nous passons maintenant à la pétition 1492-A. Je mets aux voix les conclusions de la commission des pétitions s'agissant de cette pétition. Nous procéderons à nouveau par appel nominal.

Mises aux voix à l'appel nominal, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 35 non contre 34 oui.

Appel nominal

La présidente. Je mets maintenant aux voix le renvoi de la pétition 1492-A au Conseil d'Etat.

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat est adopté par 35 oui contre 34 non.

Appel nominal

La présidente. Je vous rappelle que nous nous retrouvons à 21h pour traiter les trois urgences que sont les points 99, 47 et 56. Nous traiterons ces trois urgences à partir de 21h, et nous finirons à 23h. Vous êtes prévenus: je lèverai la séance à 23h, que les urgences soient finies ou non !

La séance est levée à 19h30.