Séance du
jeudi 20 janvier 2005 à
17h
55e
législature -
4e
année -
4e
session -
19e
séance
PL 9216-A
Premier débat
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Il semble qu'une partie de la commission - et peut-être, même, une partie du parlement - ait désormais envie de faire la politique sociale du logement au sein de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation...
Cela étant, il nous a paru important de réclamer un rapport de minorité, afin que les choses soient clarifiées et que nous puissions débattre de l'opportunité d'agir de cette manière. En effet, si la politique sociale du logement devait dorénavant se faire au sein de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, celle-ci aurait beaucoup de difficulté à accomplir son travail et la fondation elle-même se trouverait dans une situation très délicate.
J'aimerais simplement rappeler que le but de la Fondation de valorisation est précisément de valoriser au mieux les actifs qui lui ont été confiés, ceci dans l'intérêt de l'ensemble des contribuables. Et le rôle de la commission de contrôle est de veiller à ce que cette mission soit accomplie conformément à la loi. Si on voulait véritablement faire autre chose, je le répète, nous nous trouverions dans de grandes difficultés. Il nous paraît - à cette majorité - que si une partie des députés de l'opposition veulent, en fait, faire comprendre au Conseil d'Etat qu'il n'agit pas comme il le devrait, eh bien, alors, ils feraient mieux de passer par une autre commission, par exemple, celle du logement, et non pas d'utiliser à tort la commission de contrôle de la Fondation de valorisation pour jouer ce rôle. Je dois dire, à titre personnel, que ce mode de faire me paraît plus populiste que digne du travail que nous accomplissons - depuis trois ans, en ce qui me concerne - au sein de cette commission.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. J'aimerais d'abord préciser que ce n'est pas de gaieté de coeur que je fais ce rapport de minorité. Cela ne m'amuse pas du tout de faire ce que j'appellerai de la «piraterie parlementaire».
Mais, comme nous l'avons annoncé, tant qu'il n'y aura pas de décision formelle d'achat de certains objets, nous continuerons à faire des rapports de minorité sur tous les objets qui sont dignes d'intérêt pour le logement social en général, et cet objet nous semble extrêmement important. Et je n'accepte ni que l'on qualifie ma position de populiste ni d'entendre dire que je représente une minorité de mécontents: nous pouvons aussi nous appuyer sur une base populaire, après une votation qui va dans notre sens !
Il nous semble très important de prendre une décision globale et rapide sur cet objet. Nous sommes impatients, car cela fait des années que nous disons qu'il faut absolument acheter des immeubles au centre-ville, parce que ce sont des lieux où il est possible de développer du logement social, des lieux qui ne sont pas connotés de manière sociale. Je pense qu'il faut modifier notre conception du logement social. A l'heure actuelle, on essaye de construire de nouveaux logements sociaux en zone de développement, mais on rencontre toutes sortes de difficultés inhérentes à ce type de constructions: ils doivent être réalisés à la périphérie de la ville, ils ont une connotation sociale et font le plus souvent l'objet de l'opposition des communes, ce qui fait tomber les projets à l'eau. Peut-être serait-il plus sage d'avoir une autre vision, et de concevoir le logement social également dans le domaine bâti...
D'autre part, j'aimerais préciser que le cas qui nous est soumis n'est pas une mauvaise affaire: même en incluant un million pour les rénovations, on arriverait encore à un rendement de 5% ! Mais que veut-on de plus ? Des rendements à 8, 10 ou 15% ?! Je vous le demande ! Il y a un réel problème. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Nous avons aussi déposé un projet de loi qui va de ce sens - mais il n'a pas encore été traité - pour permettre à la collectivité d'acheter des biens immobiliers. Alors, c'est maintenant le moment de nous demander ici si nous continuons cette politique et si, simplement, nous avons une vision schizophrène en se disant qu'en tant que membres de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation nous ne devons nous intéresser à rien d'autre... Moi, je ne suis pas de cet avis ! Et la minorité de notre commission ne l'est pas non plus ! Nous sommes des députés et nous devons avoir une vision d'ensemble pour toute la population que nous défendons.
Dans ce sens, je vous invite à refuser ce projet de vente. Nous accepterons tous les autres projets sur les villas, sur les appartements uniques, tous ces objets qui n'intéressent pas le logement social. Mais, quand il s'agit d'immeubles bien situés au centre-ville, qui sont rentables de surcroît, je suis navrée de vous le dire: il y a autre chose à en faire que de les brader !
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je crois que personne n'ignore que Genève traverse une très grave crise du logement, et du logement social en particulier.
M. Kunz nous appelle à nous montrer schizophrènes dans le traitement de ces objets, c'est-à-dire que, lorsque nous siégeons dans une commission, nous ne devons ne doit pas penser au bien public, à l'intérêt général... Il faudrait nous contenter de nous pencher sur une toute petite partie d'un problème, alors qu'il mériterait d'être traité globalement. D'ailleurs, M. Kunz lui-même est, au sein de la commission de contrôle de la Fondation, intervenu à plusieurs reprises sur certains sujets, notamment sur les emprunts de la Fondation qui concernent d'autres commissions.
En ce qui concerne le dépôt d'un rapport de minorité, je voudrais dire ce qui suit, en relation avec ce que M. Kuécrit dans son rapport de majorité: à savoir que les commissaires n'ont pas, au sein de la commission de contrôle de la Fondation, à intervenir au niveau du logement social, qu'ils doivent le faire par des canaux politiques et les médias disponibles... Eh bien justement, Monsieur Kunz, le lieu privilégié pour défendre politiquement ces options, c'est ici, puisque nous sommes appelés à voter un projet de loi ! Et c'est au Grand Conseil de décider ! Vous voulez qu'il y ait un débat politique: nous le faisons ! Il ne s'agit pas ici de mettre en cause les choix ou les options de la Fondation, nous le faisons quand il le faut au sein de la commission. Mais il s'agit essentiellement d'un message que nous envoyons au Conseil d'Etat - et tout particulièrement au conseiller d'Etat responsable, M. Moutinot - pour qu'il montre une volonté concrète, réelle, d'acquérir précisément des immeubles - qui ne portent d'ailleurs pas atteinte aux résultats financiers de la vente des objets par la Fondation - pour mettre des logements sur le marché et contribuer à résoudre cette crise. Nous ne faisons donc que mener le débat politique !
Mais peut-être avez-vous d'autres idées ? Peut-être pensez-vous que les débats doivent se tenir au Grand Conseil quand cela vous arrange et, quand cela ne vous arrange pas, qu'il faut courir après les médias pour les prier de dire ce que nous souhaitons faire savoir. Eh bien non ! C'est ici que les choses se passent ! Nous voulons adresser ainsi un message au Conseil d'Etat ! C'est le parlement qui vote le projet de loi, et c'est justement le lieu de dire ce que nous pensons et, par la même occasion, de donner un signal au Conseil d'Etat pour lui signifier qu'il doit se montrer plus volontaire et contribuer plus concrètement à l'acquisition de logements pour diminuer leur manque, et de logements sociaux en particulier. Cet objet immobilier pourrait, par exemple, être une très bonne occasion pour réaliser des logements étudiants.
M. Rémy Pagani (AdG). Nous sommes là au coeur du problème du logement. On nous propose de vendre au mieux un bien immobilier pour prétendument satisfaire à l'intérêt général tout en sachant que, par le passé, ce bien immobilier a fait l'objet de spéculations, éhontées, de spéculations telles que les pertes de la Banque cantonale ont été colossales... Et maintenant on vient nous dire qu'il faut le vendre à meilleur prix pour que la collectivité n'y perde pas trop !
De manière générale, la collectivité a déjà beaucoup perdu dans cette affaire: par exemple, le fait de pouvoir disposer dans la ville d'un certain nombre de logements à bon marché - et quand je dis «à bon marché», c'est relatif ! Toujours est-il que nous avons perdu toute une série de logements qui ont fait l'objet de spéculations pendant les années 80 - et qui continuent malheureusement à le faire puisqu'ils sont revendus au prix du marché.
Bien évidemment, le promoteur ou la personne qui achètera l'immeuble dont il est question ici va le rentabiliser à un taux qui avoisinera les 8%. Eh bien, nous estimons que l'intérêt de la collectivité ne réside pas dans la mise sur le marché de cet immeuble pour qu'il fasse l'objet d'une rentabilité accrue ! Nous pensons, au contraire, qu'il faut le sortir du marché du logement pour le rendre accessible à tous ceux - la majorité de la population - qui, bien évidemment, ne disposent pas de revenus suffisants pour louer des logements sur le marché libre, dont le prix oscille entre 2500 et 3000 F le cinq pièces. C'est de cela dont il est question !
A l'Alliance de gauche, nous estimons qu'il y a effectivement une réflexion de fond à mener dans ce sens, notamment pour des objets bien spécifiques comme celui-ci, à savoir d'anciens logements à caractère social qui ont fait l'objet de spéculations. Je le répète: nous estimons que ces logements doivent être sortis du marché. Dans le cas d'espèce, il faut racheter cet immeuble pour mettre à la disposition de nos concitoyens - dont les revenus ne leur permettent pas, et de loin pas, d'avoir accès à de tels loyers - des logements accessibles sur le plan financier.
C'est pourquoi nous vous recommandons - bien que ça intéresse peu les députés des bancs d'en face... - de voter le rapport de minorité.
M. Alberto Velasco (S). Juste quelques mots pour dire ceci: voici un objet qui pourrait très bien entrer dans le cadre du projet de loi sur les logements pérennes qui est en discussion à la commission du logement.
Etant donné que les fondations nous disent qu'il est de plus en plus difficile de trouver des terrains pour construire, des logements sociaux notamment, il serait tout à fait judicieux d'utiliser de tels objets pour ce type de logements. On pourrait envisager de les acheter et de les affecter au parc de logements pérennes et de logements sociaux.
Il n'est pas du tout question pour nous, comme vous le prétendez, Monsieur Kunz, de faire des débats sur la politique en matière de logement social au sein de la commission de contrôle de la Fondation. Mais nous voulons profiter des opportunités qui se présentent pour soutenir cette politique sur des objets bien spécifiques, surtout dans les cas où l'Etat, par le fait même qu'il est obligé de supporter des pertes, se trouverait bénéficiaire.
En l'occurrence, notre groupe appuiera le rapport de minorité de Mme Künzler.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Je voudrais ajouter deux choses. La première, c'est qu'il y a effectivement à Genève pénurie de logements, mais il y a aussi - je le rappelle pour ceux qui ne s'en souviendraient pas - une crise financière... Et j'imagine que si le Conseil d'Etat n'a pas accepté d'acheter jusqu'à présent l'immeuble proposé par la Fondation, c'est qu'il a probablement considéré - comme les fondations, d'ailleurs - qu'il n'avait pas les moyens de l'acheter.
Deuxième chose, excusez-moi de vous le dire, Monsieur Pagani: vous ne ratez jamais une occasion de vous «décrédibiliser» ! Vous parlez de spéculation, de logement social et de perte monstrueuse... Dans le cas d'espèce, cela tombe mal, parce qu'il s'agit d'un immeuble sur lequel la fondation va réaliser un bénéfice ! Alors, avant de vous exprimer, comme cela, à l'emporte-pièce, sur ces dossiers, s'il vous plaît, étudiez-les: vous nous ferez gagner du temps !
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Tout d'abord, c'est vrai, un bénéfice est réalisé sur cet objet. Mais ce n'est en tout cas pas grâce à la majorité actuelle ! En réalité, c'est parce que j'ai personnellement demandé qu'on enlève une servitude pour qu'on ne puisse plus rénover, parce que c'était, comme le quartier des Grottes, un endroit où on n'avait en effet plus le droit de rénover.
Deuxièmement, certains membres de la commission, de la majorité, ont demandé qu'on baisse le prix, mais j'ai refusé, car c'est un objet intéressant, et j'ai estimé qu'il fallait le vendre plus cher. Et les investisseurs ne se sont pas trompés: c'est un objet très intéressant.
J'en viens à la crise financière. J'aimerais tout de même rappeler à cet égard qu'il ne s'agit pas d'investissements à fonds perdus... Il s'agit d'immeubles qui rapportent ! Cet immeuble rapporterait au moins 5%, même en tenant compte de la rénovation ! Il faut donc avoir une vision un peu plus globale !
Nous, nous demandons que ces objets passent aux fondations immobilières de droit public. Mais, là aussi, nous nous heurtons à quelques difficultés, dans ce sens que ces fondations sont truffées d'architectes - ce qui est très bien - qui ne peuvent qu'envisager des constructions nouvelles et jamais considérer les objets existants ou leur rénovation pour des logements sociaux. Il y a un réel problème à ce niveau, mais la question est plus globale !
Alors, nous suggérons d'acheter vraiment des immeubles situés aussi au centre-ville. Je le répète, cela permettra d'obtenir des logements nettement à meilleur marché que des neufs et, de plus, dans des quartiers non connotés socialement: ce ne sont pas des ghettos situés à la périphérie de la ville, ce sont des immeubles ordinaires mis à la disposition des fondations immobilières de droit public.
Je crois donc que nous devons poursuivre cet objectif, il est valable et intelligent.
M. Rémy Pagani (AdG). M. Kunz prétend que je n'aurais pas étudié ce dossier... En l'occurrence, je parlais de manière générale de la spéculation et de la politique menée par la Fondation de valorisation, qui consiste, effectivement, à valoriser les biens qu'elle a pu récupérer de la débâcle de la Banque cantonale.
Cela étant, Monsieur Kunz, je travaille, comme Mme Künzler, dans une fondation qui, elle, a des moyens financiers considérables - «considérables», ce n'est pas le mot, disons, plutôt: «importants» - puisqu'elle prête de l'argent à d'autres fondations pour pouvoir construire des logements sociaux. J'estime donc que les fondations HBM ont des moyens financiers largement suffisants pour racheter cet immeuble et mettre des logements à la disposition des bénéficiaires, c'est-à-dire de la majorité de la population genevoise. C'est tout ce que je voulais vous dire, et cela n'a rien à voir avec les caisses vides de l'Etat, mais avec le fait que les fondations de logements HBM - et je vois que vous opinez du chef, Monsieur Kunz - ont les moyens de racheter des immeubles à l'heure actuelle.
C'est pourquoi je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi en commission.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je pense qu'il faut mettre un terme à ce débat, parce que tout a été dit par les uns et par les autres.
J'aimerais rappeler un élément et vous donner deux informations. La première mission de la Fondation de valorisation - c'est une mission juste, approuvée par chacun - est de limiter les pertes, puisqu'une provision de 2,7 milliards a été faite et que celle-ci correspond grosso modo à un équivalent d'actifs de 5 milliards au total. Cela veut dire qu'à chaque fois que l'on renonce, pour de mauvaises raisons économiques, à limiter une perte, on se retrouve avec une charge qui peut bien sûr grever d'autant la provision, voire plus si la moyenne qui a été calculée à l'époque - environ 50% - n'est pas respectée. Il est donc normal que l'objectif premier de la Fondation de valorisation soit de rentabiliser une vente au maximum ou d'essayer d'obtenir un prix qui dégage un bénéfice - qui n'a rien de spéculatif dans le cas particulier, chacun le reconnaîtra...
Par rapport au souci émis par Mme Künzler - et d'ailleurs également par des députés de tout bord - s'agissant de la politique du logement, je vais vous livrer deux informations qui devraient vous permettre de voter ce projet de loi d'un coeur plus léger. La première, c'est que le Conseil d'Etat a décidé tout récemment de reprendre un projet de loi - qui lui était soumis et devait être déposé à la fondation - et de réexaminer certains éléments de ce projet, dans ce cadre. Mais, dans le même temps, nous examinerons aussi le rapport qualité-prix et les effets qui pourraient être induits par rapport à l'engagement pris par la Fondation de valorisation.
Deuxième information: la Fondation de valorisation a veillé à remettre à l'Etat et au département concerné la liste des objets intéressants qui subsistent encore et pour lesquels une politique plus prospective pourrait être conduite.
Ces deux informations répondent au souci de la rapporteure de minorité, puisqu'elle demande de voir les choses de façon globale tout en préservant les intérêts financiers de l'Etat. C'est la raison pour laquelle je prétends pouvoir vous encourager à voter ce projet de loi.
La présidente. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons été saisis d'une demande de renvoi de ce projet de loi à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe. Je suis donc obligée de mettre aux voix cette proposition. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 9216 à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe est rejeté par 40 non contre 30 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 40 oui contre 31 non et 4 abstentions.
La loi 9216 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9216 (nouvel intitulé) adoptée en troisième débat dans son ensemble par 40 oui contre 33 non et 5 abstentions.