Séance du
vendredi 18 décembre 1998 à
17h
54e
législature -
2e
année -
2e
session -
60e
séance
No 60/IX
Vendredi 18 décembre 1998,
après-midi
La séance est ouverte à 14 h.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
M. François Haddad est assermenté. (Applaudissements.)
3. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Bénédict Fontanet, Pierre Froidevaux, Danielle Oppliger, Jean-Pierre Restellini et Olivier Vaucher, députés.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
M. Christian Brunier(S). Une motion 1253 a été déposée hier soir, afin de chiffrer la perte fiscale qu'engendrerait l'acceptation de l'initiative «Propriété du logement pour tous». Nous demandons que cette motion soit traitée à la fin de l'ordre du jour de cet après-midi.
Mme Janine Berberat(L). J'aimerais rappeler les bonnes intentions du Bureau qui nous avait annoncé que tout changement à l'ordre du jour ne pouvait avoir lieu que si les motions étaient déposées sur les bancs des députés au moment de la demande. Or, nous n'avons pas le texte concernant la demande de M. Brunier. Je vous demande d'appliquer, Monsieur le président, les bonnes décisions que vous avez prises.
Le président. Vous avez raison, Madame Berberat, cette motion a été déposée hier soir; elle va être distribuée sur vos tables. Monsieur Brunier, lors de la séance de 16 h, vous représenterez votre proposition et le Grand Conseil prendra sa décision.
5. Correspondance.
Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence:
Il en est pris acte.
6. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
7. Rapport de la commission ad hoc audit de l'Etat chargée d'étudier les objets suivants :
En date du 24 avril 1997, le Grand Conseil a renvoyé à une nouvelle commission ad hoc audit de l'Etat le rapport RD 272 du Conseil d'Etat ainsi que le rapport RD 288 le 22 janvier 1998.
Cette commission, présidée par M. Daniel Ducommun, a siégé à 11 reprises lors de la précédente législature, à savoir les 5 mai 1997, 12 mai 1997, 30 mai 1997, 2 juin 1997, 6 juin 1997, 16 juin 1997, 30 juin 1997, 5 septembre 1997, 19 septembre 1997, 23 septembre 1997 et 13 octobre 1997.
La commission, présidée par Mme Alexandra Gobet, a siégé à 25 reprises lors de la présente législature en réservant toutefois 15 séances au traitement du projet de loi 7545 instituant un contrôle financier de l'Etat et des établissements publics. Les séances consacrées à l'étude des deux rapports du Conseil d'Etat furent les 24 novembre 1997, 4 mai 1998, 15 juin 1998, 6 juillet 1998, 31 août 1998, 14 septembre 1998, 12 octobre 1998 (présidée par Mme Janine Hagmann), 19 octobre 1998 et 2 novembre 1998 ; elle a terminé définitivement ses travaux le 30 novembre 1998.
Il y a lieu de préciser qu'au-delà des auditions rapportées ci-après, aucun représentant de l'autorité exécutive ou de l'administration cantonale n'a participé aux travaux de la commission.
Introduction
Bref rappel des faits tout d'abord pour signaler que le 25 juin 1995 le peuple genevois a accepté, par 44 034 voix contre 39 634, l'initiative IN 100 selon laquelle le Conseil d'Etat devait confier à une importante fiduciaire nationale le contrôle général de tous les services publics dépendants de l'Etat dans le cadre d'un audit global. Dans sa séance du 11 octobre 1995, le Conseil d'Etat a désigné comme mandataire, chargé de cet audit global, la société Arthur Andersen SA. L'offre a été arrêtée à un montant forfaitaire d'honoraires de 5,5 millions de francs, le crédit y relatif a été voté par notre Grand Conseil le 15 décembre 1995 (PL 7303). Selon les termes du mandat confié à la société le 14 février 1996, les travaux de l'audit ont débuté officiellement le 26 février 1996, soit après l'expiration du délai référendaire. Après la phase initiale de récolte d'informations sur les diverses activités de l'Etat et des établissements publics, la société a dégagé une cinquantaine de pistes à analyser de manière plus approfondie. Arthur Andersen a déposé son rapport final avec la synthèse et les conclusions de son étude le lundi 14 octobre 1996.
Le Conseil d'Etat s'est dès lors attelé à l'appréciation globale de l'audit. C'est ainsi qu'il a établi en février 1997 un premier rapport (RD 272) relatif à la réforme de l'Etat de Genève. Ce rapport articule la réforme sur trois axes, le volet "; institutionnel " (dont un nouveau dialogue Etat/citoyens, le rôle de l'Etat, le fonctionnement du gouvernement), le volet "; transversal " (dont la politique d'achat, le "; new public management " ou une nouvelle procédure budgétaire) et enfin le volet "; sectoriel " comprenant l'étude de 49 pistes de propositions devant entraîner des économies pour le compte de fonctionnement, respectivement des méthodes de travail plus modernes, rationnelles et efficaces. C'est ce rapport qui a été renvoyé par le Grand Conseil le 24 avril 1997 à notre commission ad hoc audit de l'Etat, laquelle a commencé ses travaux le 5 mai 1997. Devant l'ampleur des informations reçues, il n'a pas été aisé pour la commission de trouver rapidement les priorités, respectivement y associer les volontés politiques précises. De plus, la réforme de l'Etat, en tant que tel, entre dans les compétences de l'exécutif cantonal et la mission d'accompagnement du législatif n'a pas été facile à définir. Dans un premier temps, la commission a procédé à diverses auditions dont celle du Conseil d'Etat, de l'auditeur et des représentants de l'organisation du personnel de l'Etat. Dans un second temps, afin de pouvoir sortir quelques priorités d'action, la commission a désigné deux commissaires chargés d'investiguer plus précisément auprès des départements concernés par l'une ou plusieurs des 49 pistes d'économies étudiées par Arthur Andersen. La commission a dû, à regrets, travailler dans des conditions difficiles avec un certain flou surtout dans le choix et la disponibilité des interlocuteurs, que cela soit au niveau du gouvernement ou encore au niveau des différents chefs de projets. Néanmoins, à la fin de la dernière législature, à savoir en octobre 1997, la commission a pu définir des priorités qui devaient conditionner la suite des travaux de la nouvelle législature. Ces priorités ont été définies comme suit :
a) Structures de contrôles
Des structures de contrôles de gestion existent et n'ont pas ou peu été exploitées par les députés qui, de ce fait, exercent insuffisamment leur rôle de contrôle de l'exécutif. La commission des finances, occupée au budget et aux comptes de l'exercice échus, n'est pas à même de remplir cette mission.
Améliorations proposées :
- création d'une nouvelle commission parlementaire de gestion
- appui ponctuel d'experts externes
- collaboration plus étroite avec l'Inspectorat cantonal des finances, notamment par l'accès au rapport de contrôle actuellement sous le sceau de la confidentialité.
Il y a lieu de constater que cette première priorité a été remplie par l'étude du projet de loi 7545 instituant un contrôle financier de l'Etat, des établissements publics, dont le rapport émanant de la commission ad hoc doit être présenté au Grand Conseil pour approbation.
b) Economies des comptes de fonctionnement de l'Etat
L'audit ne doit pas générer que des réformes organisationnelles ou structurelles mais doit entraîner des pistes d'économies tendant à l'équilibre à terme du compte de fonctionnement ou, à valeur égale, à des prestations optimisées.
Les deux pistes doivent être développées en priorité :
- les doublons entre Etat et communes
- la politique et l'organisation des achats en conformité des règles internationales sur les marchés publics (accords de Marrakech).
c) La fonction publique
Les commissaires souhaitent que le gouvernement entretienne une communication permanente avec le personnel par l'intermédiaire des représentations structurées de façon à ne pas mettre les acteurs des diverses réformes devant le fait accompli. Pour le surplus, les trois pistes développées en priorité sont :
- le statut du personnel ; faut-il le changer, l'améliorer ou encore l'adapter ?
- le "; new public management " ; comment l'expérience se déroule-t-elle ? Pouvons-nous consolider cette méthode de travail à l'ensemble des services ?
Avantages, inconvénients et pistes d'économies.
- participation des services destinataires des achats et engagement financier (principe du besoin, de l'adéquation de la prestation, de l'économie du prix).
Il est à regretter, après ce premier point de situation, que le Conseil d'Etat ait sorti un rapport évolutif en septembre 1997 sans avoir pris contact avec la commission ad hoc audit afin d'apprécier l'état de ces travaux. Néanmoins, ce nouveau rapport est considéré comme un élément additionnel aux réflexions de la commission devant entraîner une prise de position définitive en novembre 1998.
Auditions
Audition de MM. J.-P. Hocké et Y. Martin, responsables du projet de réforme auprès du Conseil d'Etat
MM. Hocké et Martin détaillent le processus organisationnel de la réforme. Les groupes de travail ont été constitués à cet effet avec un calendrier ainsi que des objectifs des réformes institutionnelles et sectorielles. Ils précisent qu'il est possible que certaines pistes d'économies puissent sensibiliser le budget 1998. Si les tâches des groupes de travail sont administratives, l'orientation politique sera bien entendu complétée par le Conseil d'Etat ou le Grand Conseil. En ce qui concerne la réforme du statut de la fonction publique, MM. Hocké et Martin ne sont pas favorables à une différenciation entre administrations d'autorités ou de services, de façon à ne pas entraîner une administration à deux vitesses. Ils précisent que la réforme se fait non pas parce que le fonctionnement actuel est mauvais mais bien parce que il y a lieu de le faire différemment pour des raisons d'efficacité.
Audition des représentants du Conseil d'Etat (ancienne législature) représentée par MM. J.-P. Maitre, président et O. Vodoz, président du Département des finances et contributions
Si les pistes sectorielles sont en principe des réformes d'organisation qui ne devraient pas entraîner de grands débats politiques, en revanche, l'attention doit se porter sur les volets transversaux qui ont pour références les ressources humaines, les outils de gestion, la politique des achats, les subventions, des compétences Etat/communes ou encore de l'informatique. Pour des raisons d'efficacité, il est recommandé qu'un suivi s'installe entre les responsables de la réforme et la commission parlementaire ad hoc créée à cet effet. Pour le Conseil d'Etat, c'est la réforme institutionnelle qui est fondamentale. Il faut être conseiller d'Etat avant d'être chef de département. En revanche, MM. Maitre et Vodoz ne sont pas favorables au système du gouverneur ou du premier ministre. Il y a toutefois lieu de sortir des implications trop importantes dans les questions d'ordre administratif en redéfinissant notamment le rôle des secrétaires généraux.
Le Conseil d'Etat souhaite la création d'une commission de contrôle de gestion sur le type fédéral. En ce qui concerne la gestion des ressources humaines, ils sont pour une volonté de décentralisation en maintenant les classes salariales mais en ayant une meilleure flexibilité entre "; minima " et "; maxima " et en axant sur la concertation avec les partenaires sociaux. Le Conseil d'Etat souhaite un projet de réforme institutionnelle avant la fin de la législature (!).
Audition du bureau du cartel intersyndical du personnel de l'Etat, représenté par MM. S. Mouhanna, P. Bärtschy, M. Vincent, G. Pasquier, M. Denzler, P.-F. Bonnardel, H. Launay et J.-B. Jimenez
Les représentants du cartel intersyndical sont critiques par rapport aux conclusions de l'audit Arthur Andersen. Cet audit est basé sur une philosophie anglo-saxonne loin de nos traditions, les réponses aux préoccupations sont insuffisantes et non pertinentes. De plus, ils constatent une absence de consultation du personnel dans le processus de l'audit. Ils accueillent en revanche favorablement la participation du Grand Conseil à travers la commission parlementaire ad hoc. Le cartel tient à maintenir une centralisation du statut, à savoir une seule grille de salaires et l'absence de salaires au mérite. Il n'est pas favorable à la séparation entre des fonctions d'autorités et de services. Les axes intangibles sont donc le contrôle démocratique, l'unicité du statut et l'absence d'un salaire au mérite. Les représentants du cartel rappellent l'effort important de la fonction publique qui a déjà été entrepris, notamment par la suppression de 2000 postes avec en parallèle une augmentation du volume de travail, nécessité par un maintien de la qualité des prestations. Au niveau du fonctionnement du Grand Conseil, ils regrettent que des motions qui sont envoyées au Conseil d'Etat ne trouvent pas leurs réponses dans les six mois selon le règlement en vigueur, ce qui entraîne ou peut entraîner des dépôts d'initiatives ou de référendums. Il s'agit d'une réforme de pratique des droits populaires à revoir rapidement. En conclusion, les représentants du cartel estiment qu'il manque un organe de contrôle de gestion de l'Etat.
Audition de la commission externe d'évaluation des politiques publiques, représentée par M. J.-D. Delley, président
M. Delley précise que ce n'est pas la Commission d'évaluation qui va s'occuper de la réforme de l'Etat. Ce n'est ni dans ses objectifs, ni dans sa mission. Il constate que ses moyens de contrôles actuels sont suffisants s'ils sont efficacement exploités. Il fait référence à la Commission des finances du Grand Conseil et à l'Inspection cantonale des finances. Il n'est donc pas favorable à une multiplication d'autres commissions dont une Commission de gestion. En revanche, il y a lieu d'améliorer la collaboration entre la Commission des finances et l'Inspection cantonale des finances. Il regrette par ailleurs que la Commission des finances ne sollicite pas plus la Commission d'évaluation. Dans le cadre de sa propre activité d'investigation, M. Delley relève quelques difficultés d'accès aux données. Il évoque à ce sujet le rapport en cours sur l'Office financier du logement et les grandes difficultés d'avoir accès aux données fiscales. En conclusion, M. Delley suggère au Grand Conseil de ne pas se contenter d'édicter des lois mais d'impartir des missions à l'administration en précisant la démarche politique entreprise.
Audition de M. E. Brandt, directeur d'Arthur Andersen SA
M. Brandt déclare que le cahier des charges ne précise pas la recherche d'économies à court terme. Toutes les économies relevées ne sont, en l'état, des "; y a qu'à ". L'objectif d'Arthur Andersen a été, à travers un diagnostic, la remise à plat de la façon de travailler ce qui, bien évidement, entraîne forcément des économies à moyen et long termes.
M. Brandt précise que, pour garder une certaine indépendance d'action, les auditeurs ont volontairement limité les contacts avec les représentants des employés, voir avec le Conseil d'Etat. Il précise qu'il ne faut pas s'attendre à des miracles, l'on ne change pas le fonctionnement d'une entreprise de cette importance du jour ou lendemain, d'autant plus que l'on a à faire à une hiérarchie très lourde (il a été quelques fois recensé neuf niveaux de hiérarchies). C'est l'ensemble du mode de fonctionnement qu'il faut réformer. En ce qui concerne le statut de la fonction publique, il faudrait avoir une certaine souplesse afin de l'adapter au métier même exercé.
Audition du comité "; Halte aux déficits ", représenté par M. E. Martin
D'une manière générale, le comité est satisfait de ce rapport. Il avait peur que l'audit soit sacrifié. Ceci étant, il est bien entendu que l'audit n'est pas terminé, que des zones d'ombres subsistent et qu'il est nécessaire de le compléter par des audits sectoriels. Le représentant de "; Halte aux déficits " estime que des pistes importantes n'ont pas été suffisamment abordées. Il cite les questions de privatisations qui ont été totalement écartées. La relation entre la commune et le canton n'est pas satisfaisante. De plus, on note une insuffisance du contrôle et du suivi des attributions dans les subventions. Sur ce sujet, le consultant estime que, dans le cadre des TPG, une économie de 10 % pourrait être faite à court terme sur le contrat de prestation. En ce qui concerne le statut de la fonction publique, M. Martin constate que les actions du Conseil d'Etat ne vont pas dans le sens du rapport d'Arthur Andersen ou de la volonté exprimée par la majorité populaire. La fonction publique doit travailler de manière flexible et efficace, il ne faut pas qu'elle soit bloquée dans un carcan qui la démotive. En ce qui concerne les outils de gestion, il constate que la distinction entre écritures de fonctionnement et d'investissement n'est pas toujours respectée dans la pratique pour des raisons de cosmétiques budgétaires. Il constate l'inexistence d'un organisme de contrôle spécifique aux achats. D'une façon générale, il regrette que les politiciens aient peur de faire trop de remous en engageant des réformes néanmoins essentielles mais qui touchent, il est vrai, des domaines quelques fois sensibles. C'est contre cette logique paralysante que veut notamment lutter le comité "; Halte aux déficits ". Il faut donc inlassablement continuer d'exploiter le travail de l'audit et d'entreprendre la réforme. Il ne faut pas se voiler la face mais aborder résolument les problèmes sans peur de "; chatouiller " les habitudes privilégiées de certains.
Audition du comité de l'Union des cadres de l'administration cantonale, représenté en ce qui concerne l'Union des cadres par Mme S. Bono et M. F. Chevallay et en ce qui concerne le comité du groupement des cadres par MM. P. Coet et J. Pontera
Les représentants des cadres constatent qu'il existe des pistes intéressantes dans l'ensemble de la réforme et que la démarche vaut la peine d'être entreprise. Ils ont toutefois l'impression qu'elle veut être menée trop rapidement et que tout se passe en petit comité, dans un contexte confidentiel. Si la démarche entreprise aboutit à une restructuration spectaculaire, il serait douteux qu'elle soit bien comprise dans de telles conditions. Les représentants estiment que la démarche du "; new public management " demeure intéressante. En ce qui concerne le statut de la fonction publique, il apparaît douteux que le salaire au mérite offre une réponse pertinente. Les collaborateurs de l'Etat travaillent en commun. Un traitement différencié peut engendrer des problèmes dont il faudrait auparavant peser les risques. Pour le reste, les propositions d'Arthur Andersen ne sont pas nouvelles pour les représentants des cadres. Il existe depuis longtemps des groupes de travail qui étudient certaines thématiques comme le salaire au mérite, comme le partage du temps de travail ou encore l'évaluation du temps de travail.
Il apparaît qu'avec la discussion actuelle sur l'audit, l'on reprend en fait des choses que certains fonctionnaires ont déjà abordé depuis longtemps, quelques fois l'on réinvente même la roue. Si des choses doivent être améliorées au sein de l'administration, il faut relever que la politique a aussi une part de responsabilité dans les dérapages qui surviennent au sein des services. Ils regrettent en conclusion que les cadres intermédiaires de l'administration n'ont pas du tout été sollicités par Arthur Andersen. Enfin, s'il est beaucoup question de mobilité, rien n'est réellement entrepris à ce sujet au sein de l'administration. Si une culture d'entreprise existe, elle demeure au niveau départemental. Il faudrait que cela devienne une culture entreprise au sein de l'Etat.
Audition du comité "; Unis pour servir " représenté par Mme M. Couturier et M. P. Hermenjar, du comité du personnel de corps de police représenté par MM. R. Golay et P. Bärtschi ainsi que des présidents des commissions départementales de personnels de l'Etat représentés par M. A. Jacquier, Mme M. Bonnard, MM. P. Schaer et M. Spagnoli
"; Unis pour servir " explique que la réussite d'une telle réforme doit passer par une participation concrète du personnel et que, si cette approche participative s'avère insuffisante, le résultat ne sera pas atteint. En revanche, une réforme de l'Etat ne peut pas aller sans une révision du statut du personnel. En ce qui concerne les 47 volets sectoriels, certains sont effectivement déjà appliqués et d'autres moins, il est vrai, mais pour avancer dans ces secteurs, il faut associer les commissions du personnel existantes aux réflexions en cours. "; Unis pour servir " regrette à ce propos qu'il n'existe pas de commission du personnel dans tous les départements. Une telle commission est, par exemple, absente du DIP ou du DAS au niveau des hôpitaux. Enfin "; Unis pour servir " souhaite la création d'une commission de coordination des représentants du personnel, laquelle est attendue depuis plusieurs mois. Les représentants des commissions interdépartementales et du groupement des associations de police complètent en ajoutant à leur tour, à regrets, que la synthèse des réflexions issues de l'audit ainsi que les premiers travaux en cours soient mis en place sans interrogation ni association du personnel et des commissions du personnel. Ce serait un leurre de démocratie si le personnel n'était pas associé aux modifications des structures de travail. Une représentante des commissions interdépartementales précise que des commissions du personnel ont demandé à être reçues par le Conseil d'Etat afin de discuter du projet de réforme et qu'elles n'ont même pas reçu d'accusé de réception. Cela entraîne une lassitude certaine au sein des commissions mais également un climat peu propice à une réforme. Pour le groupement des associations de police, il est précisé qu'au-delà de la réforme générale de l'Etat, une réforme ponctuelle du DJPT est entreprise par Team Consult.
Audition des acteurs de l'expérience du "; new public management ", à savoir M. J. Finet, coordinateur au centre de formation et de perfectionnement, M. P. Pettmann, directeur de la division des finances et des assurances sociales ainsi que les chefs de services traitant actuellement l'expérience du NPM, à savoir MM. J.-B. Haegler, J.-T. Vauthier et R. Burkhalter
M. Finet dresse un historique du "; new public management " appelé communément le NPM, démarche qui court au sein de l'administration depuis 1995, plus précisément au sein de l'office du personnel de l'Etat. Il précise donc que l'impulsion ne vient pas des milieux politiques. Au moment de l'audition, trois accords de prestations avaient été conclus avec le SAN, la voirie et le service de la formation du personnel de l'Etat. Si ces trois services ont démarré début 1997, sept autres devraient suivre au cours de l'année 1998. M. Finet précise que l'expérience doit durer jusqu'au 31 décembre 2000 et que dès le 1er janvier 2001 le Conseil d'Etat devra décider s'il entend poursuivre l'expérience ou au contraire la stopper.
Les contrats de prestations prévoient l'aspect réversible des choses, c'est-à-dire qu'ils peuvent en tous temps stopper. En ce qui concerne la formation du personnel au NPM, elle nécessite des moyens importants, toutefois aucun budget n'a été alloué à la création d'une entité de formation NPM. Les responsables de service en expérience NPM s'expriment. Ils déclarent que cette expérience amène les collaborateurs à s'interroger sur le contenu du travail effectué, sur les prestations fournies, sur les personnes qui les demandent, sur le coût des prestations, sur les objectifs fixés ou encore sur le niveau de réussite de ces objectifs. Il est vrai qu'un gros handicap a été de surmonter la méfiance farouche du personnel à l'égard de la direction, en ce qui concerne notamment le SAN. Des points positifs ont par contre été enregistrés comme les acquis de la démarche de la qualité totale ou la pensée du type comptabilité analytique. En fin de compte, le NPM est à prendre avant tout comme un état d'esprit.
Audition des représentants du Conseil d'Etat de la nouvelle législature, représentée par M. G. Ramseyer, président, Mme M. Calmy-Rey et M. R. Cramer
M. Ramseyer informe qu'un nouveau document relatif à une synthèse au 30 juin 1998 sera très prochainement remis. Il précise que la volonté du Conseil d'Etat de poursuivre la réforme est présente, conformément aux engagements pris lors du discours de Saint-Pierre du 8 décembre 1997. M. Ramseyer aborde les premières démarches de la Table ronde en informant que certaines pistes d'économies sont liées à l'audit en citant en particulier le chapitre sur les doublons entre Etat et communes. Personne n'apparaît cependant prêt dans les communes à céder des prérogatives. Mme Calmy-Rey constate que l'Etat-providence est aujourd'hui contesté mais que la position visant à mettre en place un état minimaliste conduit à des blocages, si bien que l'Etat peine aujourd'hui à répondre aux transformations économiques et sociales. Il faut néanmoins poursuivre la réforme de l'Etat et l'orienter sur trois idées fortes. La première repose sur la transparence dans l'analyse et dans les chiffres par le biais notamment de la comptabilité analytique des contrats de prestations et des enveloppes budgétaires, la deuxième idée a trait aux rapprochements avec la population et la troisième concerne la réforme même de l'administration. Elle ajoute qu'il convient d'intégrer le partage du travail dans ce modèle participatif. En ce qui concerne l'évaluation de l'expérience NPM, elle a été effectuée en avril 1998, dès qu'un groupe stratégique a été constitué pour assurer le suivi de ce mode de gestion. Par ailleurs, pour élaborer un budget par prestation, il faut cependant passer par l'étape de la comptabilité financière unique et intégrée. Une refonte plus fondamentale de lois sur la gestion administrative et financière de l'Etat est d'ores et déjà prévue pour le courant de l'an 2000. Mme Calmy-Rey rappelle également les problèmes liés au dysfonctionnement du système informatique de l'administration fiscale. Plusieurs actions ont été entreprises, à savoir la réorganisation du système informatique de l'administration fiscale, la mise en place d'une nouvelle plate-forme bureautique à la migration vers l'an 2000. Elle évoque par ailleurs la problématique de la péréquation financière intercantonale et conclu par les expériences pilotes de partage de travail actuellement menées dans quatre services de l'administration cantonale. M. Cramer aborde quant à lui la répartition des compétences entre le canton, la ville et les communes qui est un des volets sectoriels le plus important du rapport d'audit. Il explique qu'il existe aujourd'hui des contacts actifs entre l'Etat et les communes à travers un groupe de discussion et que quatre ou cinq pistes de travail se dégagent. Il fait notamment référence au domaine de la sécurité civile. Il évoque également la question culturelle et constate que la ville de Genève assure des compétences d'importance régionale, ce qui mérite évidement un examen plus particulier. En ce qui concerne la problématique de la politique sociale, plusieurs questions se posent notamment sur les centres de proximité et éviter certains doublons. La péréquation financière intercommunale est également abordée ainsi qu'une collaboration entre le canton et les communes au niveau de la promotion économique. Le président du gouvernement signale par ailleurs que l'aménagement des territoires constitue avant tout une affaire du canton.
Certaines cohérences sont à déterminer entre les départements notamment en ce qui concerne la pertinence de maintenir les transports au DJPT.
Travaux de la commission
Comme convenu lors de la définition des priorités pour la commission ad hoc, cette dernière s'est occupée à revoir les structures de contrôle de gestion qui n'étaient pas ou peu exploitées par les députés qui, de ce fait, exerçaient insuffisamment leur rôle de contrôle de l'exécutif. C'est ainsi que, pendant 18 séances, la commission ad hoc a étudié puis amendé le projet de loi 7545 instituant un contrôle financier de l'Etat et des établissements publics par la création notamment d'une nouvelle commission de contrôle de gestion laquelle devrait, suite à l'acceptation par le Grand Conseil, remplacer la commission ad hoc audit de l'Etat. Nous n'y revenons pas dans ce présent rapport étant donné que le projet de loi 7545 fait l'objet d'un rapport établi par M. David Hiler. En ce qui concerne le traitement des RD 272 et RD 288 du Conseil d'Etat ainsi que le rapport de synthèse au 30 juin 1998, la commission constate que ces rapports ne répondent pas à l'attente des commissaires et que l'action de l'exécutif ne dégage pas clairement et par ordre de valeur, des priorités dans la réforme des structures et du fonctionnement de l'Etat de Genève. Il ne sort pas clairement que la première des priorités doit être le rétablissement des finances publiques qui implique une maîtrise de la dette et la chasse au gaspillage des deniers publics, phénomène auquel les citoyens sont légitimement sensibles. La commission de la réforme constate également l'impérieuse nécessité de restaurer la confiance de la population à l'égard de ses autorités et du personnel du secteur public.
En ce qui concerne l'audit Arthur Andersen, il apparaît, à travers les différents contacts pris avec les départements, que des pistes importantes ne sont pas répertoriées dans les intentions de réformes du Conseil d'Etat. Il a été évoqué à cet effet, de façon objective et sans aucune connotation ou volonté politique, les pistes suivantes, lesquelles n'ont pas été traitées sur le fond par la commission : la réforme du statut de la fonction publique (grille de salaire trop rigide, nécessité d'un système de rémunération modulable/gestion qualitative, assouplir les conditions de recrutements et de licenciements, revoir les structures hiérarchiques/trop d'échelons) ; un désengagement foncier (absence d'un plan de libération, en revanche et contrairement aux objectifs fixés, le Conseil d'Etat demande un nouvel engagement de 30 millions de francs pour l'achat de nouvelles parcelles et bâtiments) ; les doublons ville/communes (regroupement des achats publics, guichet unique en matière de besoins sociaux, regroupement des services cantonaux et municipaux d'aménagement) ; la répartition des compétences entre départements (redondance de compétences en matière de sécurité entre les départements de justice et police et des transports et celui de l'intérieur, agriculture, environnement et énergie ainsi que redondance de compétences en matière de politique de transports entre le département de justice et police et des transports et celui de l'aménagement, équipements et logements) ; l'éducation (taux d'encadrement trop élevé, six directions générales, locaux divers et éparpillés ; à l'Université, certains professeurs s'acquittent de leurs services en une ou deux journées puis ne reviennent pas... Il n'y a pas de procédure de contrôle) ; la politique du logement social (absence d'une gestion statistique permettant de définir la demande en logements sociaux) ; la politique des subventions (les subventions sont trop souvent fondées sur des bases historiques sans liens réels avec les besoins, création de matelas financiers auprès de certains des bénéficiaires ; la santé et les hôpitaux (en ce qui concerne plus précisément les hôpitaux, le personnel technique est en déplacement pour le 20 % de son temps ; système de facturation obsolète, personnel administratif trop important, coût salarial des nettoyeurs 20 % plus haut que les prestations offertes par les privés).
Pour le surplus, les rapports des commissaires délégués sont annexés au présent rapport, il s'agissait pour le Département des finances de Mme V. Pürro et M. P.-F. Unger ; pour le Département de l'aménagement de l'équipement et du logement de MM. Vanek et N. Brunschwig ; pour le Département de justice, police et transports de MM. C. Grobet et P. Froidevaux ; pour le Département de l'action sociale de la santé de Mme E. Alder et M. A. Mauris ; pour le Département de l'instruction publique de Mmes E. Deuber-Pauli et J. Hagmann ; pour le Département de l'intérieur, des affaires régionales et de l'environnement de MM. C. Beer et D. Ducommun (le rapport concernant le Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures a été communiqué oralement lors de la commission du 14 septembre 1998 par MM. D. Hiler et O. Lorenzini).
En lui retournant les rapports 272 et 288, la commission ad hoc audit demande clairement au Conseil d'Etat de dresser le calendrier des mesures de réformes avec leurs ordres d'exécutions, à savoir, mesures à prendre :
- immédiatement
- d'ici la mi-législature (1999)
- pour la fin de la législature (2001)
- après la présente législature (à préciser par le Conseil d'Etat).
Afin que l'on puisse assurer le suivi de ces actions, le Conseil d'Etat présentera régulièrement, au cours de chaque année, l'état d'avancement des mesures figurant au tableau de bord présentement réclamé par les commissaires de façon à garantir l'information, la participation et le contrôle démocratique de l'avancement de la réforme.
A ce sujet et en réaction à la conclusion des travaux de la commission, le Conseil d'Etat a remis le 30 novembre 1998 aux commissaires trois documents reflétant sa position :
- sur les pistes d'Arthur Andersen non exploitées citées dans le présent rapport ;
- sur le rapport des délégués au Département de justice et police et des transports, par l'intermédiaire de M. G. Ramseyer ;
- sur l'état actualisé des travaux de mise en oeuvre de la réforme.
Ces documents sont annexés.
Conclusion
A l'unanimité, les commissaires constatent qu'il n'est pas possible en l'état d'approuver les deux rapports RD 272 et RD 288 relatifs au suivi de l'audit Arthur Andersen. Il manque une synthèse des actions de réformes à entreprendre avec un calendrier précis et une référence sur les économies envisagées ou à contrario les éventuels coûts engagés. Il y aura lieu, à cette occasion, de clarifier les objectifs afin que le débat politique puisse définir les moyens nécessaires pour y arriver. De plus, certaines pistes, relevées par l'audit, ne sont pas reprises dans les rapports. Il y a lieu de préciser que le projet de réforme engagé par le gouvernement doit aller au-delà des conclusions du rapport d'Arthur Andersen. Enfin, la déclaration de Mme M. Calmy-Rey, conseillère d'Etat, lors du débat devant le Grand Conseil du projet de loi constitutionnel, comprend des engagements du Conseil d'Etat. Ces engagements doivent aussi figurer dans le plan de synthèse.
En conclusion, Mesdames, Messieurs les députés, c'est à l'unanimité de ses membres que la commission vous demande de renvoyer formellement le RD 272 et le RD 288 au Conseil d'Etat.
Annexes :
- lettre de Mme Alexandra Gobet, présidente de la Commission d'audit de l'Etat du 13 novembre 1998 adressée au Conseil d'Etat
- rapports des délégués auprès des départements
- NPM, le nouveau management public à l'Etat de Genève
Documents reçus du Conseil d'Etat le 30 novembre 1998:
- sur les pistes d'Arthur Andersen non exploitées citées dans le présent rapport ;
- sur le rapport des délégués au Département de justice et police et des transports, par l'intermédiaire de M. G. Ramseyer ;
- sur le rapport sur l'état actualisé des travaux de mise en oeuvre de la réforme.
p. 16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
Débat
M. Daniel Ducommun (R), rapporteur. En préambule, j'aimerais préciser que la proposition de renvoyer au Conseil d'Etat ces deux rapports concernant la réforme de l'Etat n'est liée à aucune volonté de créer une situation conflictuelle avec le gouvernement. Elle vise au contraire à apporter une contribution aux travaux de réforme qui sont absolument nécessaires dans l'état actuel de nos finances en mettant d'éventuels moyens à disposition. Je pense notamment à la révision de lois ou autres démarches formelles.
A cet effet, la commission ad hoc propose notamment la création d'une commission de contrôle de gestion. Cette proposition vous sera soumise par notre collègue David Hiler qui en est le rapporteur. Cette dernière commission ne pourra travailler efficacement qu'avec un plan précis des priorités comprenant : le type de mesures que le gouvernement veut prendre, les objectifs qu'il poursuit, le délai de réalisation, les économies qui en résultent et, éventuellement, les dépenses qui pourraient effectivement être engagées pour arriver en une seconde étape à réaliser des économies. Cette nouvelle commission pourra ensuite légiférer sur le fond, mettre des moyens à disposition et le débat politique pourra s'installer.
Mesdames et Messieurs, les deux cent quarante pages sur l'audit qui ont été remises à la commission ad hoc ne sont pas suffisamment digestes - nous le regrettons - pour un travail efficace. De plus, les pistes les plus importantes - nous semble-t-il - de l'audit Arthur Andersen ne sont pas abordées dans les rapports du gouvernement. Ces pistes figurent en page 13 du rapport et n'ont pas fait l'objet de réponses sérieuses. Des délégués se sont rendus auprès de chaque département pour obtenir des renseignements plus précis. Mais nous n'avons pas eu un retour tangible.
Je rappelle qu'il faut trouver des économies annuelles - le peuple se prononcera dimanche prochain - proches d'un demi-milliard, voire d'un milliard suivant l'avis du peuple. D'autre part le citoyen exige, dans le cadre du projet de loi constitutionnelle issu de la table ronde, un projet de réforme tangible.
C'est dans cet état d'esprit que je considère comme plutôt positif, comme un élément de partenariat, le fait d'avoir instruit ce dossier et de le porter devant cette assemblée, aujourd'hui, à l'unanimité des membres de la commission, ce qui donne - me semble-t-il - du poids, de la crédibilité à la décision de renvoi qui a été prise. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à suivre cette position.
M. Pierre-François Unger (PDC). Les citoyens genevois - ce n'est un secret pour personne - entretiennent décidément des relations difficiles avec leur Etat. La demande d'Etat reste très forte dans la population, mais apparaît singulièrement confuse dans cette société de plus en plus complexe, où la cohésion sociale s'affaiblit - entraînant les phénomènes d'exclusion que l'on connaît - et où les dysfonctionnements de l'Etat ont été mis en relief par la crise des finances publiques. Les contraintes budgétaires devraient être saisies comme une chance de pouvoir dynamiser la modernisation de l'Etat. Pour cela, d'innombrables réformes sont nécessaires, mais deux doivent être entreprises de toute urgence : la réforme de l'appareil étatique et la réforme de la fonction publique. Les contraintes budgétaires n'impliquent hélas pas automatiquement pour l'Etat et ses employés d'amélioration de la productivité, de l'efficacité, de l'inventivité, pas plus qu'elles n'impliquent automatiquement un sens accru des responsabilités des services publics, alors que l'Etat a besoin d'une fonction publique exemplaire dans le domaine de l'efficacité.
Quand verrons-nous des responsables d'administration aussi fiers d'avoir maîtrisé leur budget qu'ils l'ont été pendant trop d'années de l'avoir fait croître ? Une remise en ordre s'impose. L'Etat doit distinguer clairement les tâches d'autorité qui lui incombent des services qu'il met à disposition des citoyens. Les premières lui appartiendront toujours et il les exercera d'autant mieux qu'il s'y consacrera de façon prépondérante. Les services eux doivent peu à peu acquérir une autonomie. C'est déjà le cas de l'aéroport, c'est aussi celui des établissement publics médicaux, mais bien d'autres services devront suivre sous peine de creuser plus encore le fossé entre fonctionnaires et citoyens. Cela ne pourra avoir lieu qu'en faisant participer la fonction publique à la réforme. En auditionnant les différents membres de la fonction publique, nous avons pu constater qu'ils avaient été peu entendus. Les corporatismes de la fonction publique, nés des droits et des devoirs des fonctionnaires, sont peu à peu amenés à disparaître. La fonction publique n'a aujourd'hui pas d'autre choix que d'évoluer vers plus de souplesse. Si elle ne le fait pas, le fossé qui se creuse entre elle et le citoyen pourrait bien se transformer en séisme statutaire.
D'un autre côté, le rôle de l'Etat s'est profondément modifié au cours de ces dernières décennies. Pendant longtemps, l'Etat et les lois ne se sont préoccupés que du maintien de l'ordre et des normes. La complexité croissante de notre société a nécessité une intervention de l'Etat de plus en plus grande au service d'objectifs précis engendrant le plus souvent des dépenses considérables. Mais qui s'est soucié de l'adéquation entre l'importance des dépenses et l'atteinte des objectifs ? Les débordements de l'Etat arrosoir mis au service de la gloire politique - certes compréhensibles en période de vaches grasses, mais combien contraignants en période de disette - ne sont pas acceptables. Il faut investir dans la remise en ordre de l'Etat. La machinerie étatique est lourde; elle est difficile à piloter et sans doute n'est-il pas de tâche plus délicate que d'entreprendre la redéfinition des missions publiques. Les coûts, en particulier politiques, se paient comptant, alors que les bénéfices retardés dans le temps profiteront probablement à d'autres.
Ces réformes sont tout à fait essentielles pour restaurer la confiance entre l'Etat et les citoyens. Nous sommes, hélas, encore loin de tout cela, et c'est la raison pour laquelle la commission propose de renvoyer les deux rapports au Conseil d'Etat. Notre groupe a l'habitude de faire confiance et nul doute que le Conseil d'Etat trouvera les moyens de justifier notre confiance dans une réforme que le gouvernement s'est d'ores et déjà engagé à entreprendre.
M. Michel Balestra (L). La population genevoise qui a voté l'audit général de l'Etat est sans doute divisée en deux camps. Ceux qui pensent que les choses traînent et que les conclusions de l'audit n'ont pas été respectées - alors que, majoritairement voté par le souverain, il devrait avoir force de loi - et ceux qui n'ont jamais voulu de l'audit et des réformes et qui pensent que c'est très bien ainsi.
Inutile de préciser que je fais partie de la première catégorie. Les choses ne sont décidément pas simples et les voies de la politique sont presque aussi impénétrables que d'autres, ainsi que l'a si bien rappelé M. Unger.
Le gouvernement de centre droit et le parlement de centre gauche, issus tous deux du même scrutin rendu par les mêmes électeurs dans le même mois, doivent trouver une solution consensuelle. Pour atteindre cet objectif avec des partenaires soutenant un projet de société diamétralement opposé, reconnaissez que l'exercice n'est pas simple. Les libéraux, comme l'Alliance de gauche, ne se retrouvent pas vraiment dans les choix politiques majoritairement admis. La différence, c'est que les libéraux ont mis une sourdine à leurs projets et jouent la carte de l'intérêt général, alors que l'Alliance de gauche amplifie les cuivres du démantèlement de l'Etat social jusqu'à la cacophonie que nous avons vécue tout à l'heure.
Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi constitutionnelle négocié autour de la table ronde en court-circuitant le parlement pour s'adresser directement à la population ce week-end devrait permettre d'atteindre l'équilibre budgétaire en quatre ans. Bravo pour la performance ! La droite ligotée applaudit les mains dans le dos et la gauche - réalisant une partie de ses promesses électorales qui lui ont ouvert les portes du gouvernement - affirme qu'elle économisera régulièrement, avec détermination... mais plus tard ! Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, cet exercice d'équilibriste peut s'avérer gagnant. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas se voiler les yeux. Seule une réforme profonde réalisée progressivement, mais qui demandera tout de même de la discipline dans la majorité gouvernementale au niveau du parlement, des efforts constants du gouvernement et un appui déterminé des collaborateurs de la fonction publique, seule une réforme profonde pourra nous permettre d'atteindre l'objectif.
La réforme bien sûr n'a de chances de réussite que si elle est concertée. On peut réformer avec les groupes concernés, mais il est impossible de le faire contre eux. Je suis certain que grâce à une bonne compréhension des problèmes que traverse notre canton - une majorité politique élargie s'est d'ailleurs dégagée dans les travaux de la commission - nous pourrons progresser sans drame - mais avec quelques grincements de dents, il ne le faut pas se le cacher - dans le sens de la réforme concertée que nous appelons de nos voeux. La stratégie pragmatique du gouvernement qui mène une politique déterminée, mais réfléchie, sera gagnante à condition que notre parlement cesse de charger le bateau avec de nouvelles propositions de prestations, sachant que Genève n'a pas le premier sou pour les financer.
La commission de l'audit a décidé deux choses. La première : de renforcer le contrôle du parlement sur la gestion de l'Etat par la création d'une commission de contrôle de gestion. La deuxième : de renvoyer les rapports au Conseil d'Etat en attendant que les projets de réforme définitifs soient planifiés et coordonnés. Ce renvoi est à notre sens purement formel, le Conseil d'Etat ayant affirmé que les projets définitifs ne seront prêts qu'au printemps prochain, et qu'il valait mieux attendre cette date pour avoir une idée exhaustive du visage que prendra la réforme de centre gauche d'un Etat dirigé par un gouvernement de centre droit.
Nous sommes a priori - et sans arrière-pensée - convaincus de sa détermination car, Mesdames et Messieurs, quelle image désastreuse il donnerait s'il n'atteignait pas l'objectif principal du projet de loi constitutionnelle : l'équilibre des finances publiques dans quatre ans. Nous sommes donc ligotés comme l'Alliance de gauche, mais nous préférons - contrairement à elle - privilégier l'avenir de Genève à la défense orgueilleuse de nos idées, même si nous restons convaincus qu'elles seraient efficaces. Car nous savons qu'en dehors des réalités il n'y a pas de politique possible, que la réalité est complexe et que la meilleure solution du monde ne vaut rien si elle n'est pas appuyée par une majorité.
Nous restons donc dans l'attente du rapport printanier du nouveau gouvernement sur sa vision de la réforme de l'Etat qui - nous le devinons - ne nous remplira pas d'enthousiasme mais, nous l'espérons sincèrement, nous «décevra en bien». C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, comme tous les groupes représentés au Grand Conseil, le groupe libéral vous propose de renvoyer ces deux rapports au Conseil d'Etat.
Mme Esther Alder (Ve). Les Verts, comme l'ensemble de la commission, ne sont pas satisfaits en l'état de la réforme et vous proposent de renvoyer les rapports 272 et 288 au Conseil d'Etat. Sauf quelques exceptions, l'activité liée à la réforme est très inégale entre les départements. Ainsi, en dehors des discours d'intention, nous attendons - comme la population d'ailleurs - que la réforme se traduise sérieusement dans les faits. Bien que le Conseil d'Etat semble déterminé à s'engager réellement, nous restons dans l'attente de réelles propositions et d'un calendrier clair des échéances et là seulement, ou enfin, le vrai débat pourra commencer.
Mme Véronique Pürro (S). Nous sommes toutes et tous d'accord pour dire qu'il faut apporter de profonds changements au fonctionnement de notre Etat. L'unanimité de la commission concernant la réforme et le renvoi de ces deux rapports traduit bien cette volonté de changement laquelle, jusqu'à la déclaration du Conseil d'Etat de cet automne, ne semblait pas être la priorité du gouvernement. Lorsque nous déplacerons le slogan «il faut absolument réformer» pour nous intéresser plus précisément au contenu de ces changements, à leurs objectifs ou aux modalités de leur mise en oeuvre, les divergences apparaîtront très rapidement. Du reste, on peut déjà percevoir dans quelle direction elles iront par le biais des propos tenus dans le cadre de ce débat.
Le groupe socialiste aura, j'espère, prochainement l'occasion de vous présenter et de vous préciser dans quel sens, avec quel objectif et à quelles conditions cette réforme devrait - à ses yeux - être abordée et mise en pratique. En attendant, laissez-moi brièvement rappeler quelques éléments qui nous tiennent à coeur.
Mesdames et Messieurs les députés, il convient d'être clairs dès le départ, et je pense que c'est ici que se situera probablement le clivage entre les différents partis du Grand Conseil. A notre avis, la réforme qui nous sera proposée ne devra en aucun cas s'inscrire dans une volonté d'affaiblir l'administration publique par des méthodes néo-libérales qui ont, par ailleurs, montré leur inefficacité et leurs conséquences désastreuses. Je pense à la Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, mais aussi à des pays dirigés par des gouvernements travaillistes comme la Nouvelle-Zélande. Dans ce sens, le groupe socialiste pense qu'il convient de s'écarter quelque peu de certains principes énoncés dans le rapport d'Arthur Andersen.
De la même manière, cette réforme ne doit pas être un moyen de réduire le déficit public, de rétablir les finances publiques. Dans ce sens, il convient de prévoir prioritairement la réallocation des éventuelles ressources dégagées soit à la prise en compte de nouveaux besoins soit au financement du processus de réforme, puisqu'il faut être conscient - le rapport d'Arthur Andersen le mentionne noir sur blanc - que la réforme aura un coût.
Par ailleurs, l'organisation de cette réforme doit se fonder sur le principe que tous les secteurs doivent être pris en compte de manière coordonnée. C'est à notre avis ce qui a fait défaut jusqu'à présent. Les nombreuses expériences en la matière ont effectivement démontré qu'il est fortement déconseillé de restreindre le processus de réforme à la seule administration. Ainsi, il convient de favoriser un processus de réforme globale dans lequel chaque projet doit être interdépendant.
Si la nouvelle gestion publique ne doit pas être considérée comme un remède universel à toutes les difficultés et tous les problèmes de l'Etat social moderne, il nous semble en revanche qu'elle offre des bases conceptuelles intéressantes. Dans ce sens, les instruments tels que contrat de prestations, enveloppe budgétaire accompagnée d'instruments de contrôle appropriés doivent être introduits et généralisés y compris au niveau des institutions subventionnées.
Enfin, pour assurer son succès et pour favoriser des prestations de qualité répondant aux réels besoins de la population, les réformes doivent être conçues et mises en oeuvre avec les principaux concernés. La parole aux citoyens ne doit pas être un slogan comme c'est malheureusement très souvent le cas dans les autres collectivités qui ont introduit la nouvelle gestion publique. Dans le même esprit - et je crois que je peux entièrement rejoindre les propos de M. Balestra - un processus de réforme globale et durable ne peut être entrepris avec succès que si tous les partenaires impliqués au niveau de la fonction publique sont étroitement associés et s'engagent dans une démarche commune.
Voilà en quelques mots, Mesdames et Messieurs, les principaux points que voulait porter à votre connaissance le groupe socialiste, qui vous demande de suivre l'avis de la commission en approuvant ses conclusions de renvoi au Conseil d'Etat.
M. Bernard Clerc (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, réforme, modernisation, efficacité : voilà de beaux mots mais, en eux-mêmes, ils n'ont aucun sens; tout dépend du contenu que l'on veut bien leur donner. Ces trois principes associés à l'audit général de l'Etat apparaissent au moment où notre canton et les collectivités publiques en général rencontrent des difficultés financières. C'est extrêmement curieux, parce que, dans le fond, la réforme, la modernisation, l'efficacité, devraient être permanentes. Peut-être est-ce dans les année 80 qu'il eût fallu entreprendre ces changements.
Essayons de voir le contenu derrière ces mots. Nous avons entendu quelques appréciations dans les interventions de tout à l'heure. Pour certains, réforme signifie recentrer l'Etat sur les fonctions d'autorité - M. Unger a été assez précis sur cette question - et déléguer toute le reste car, comme chacun le sait, «tout le reste» ce sont les tâches secondaires, les tâches principales étant les questions d'autorité. Modernisation, avons-nous entendu : cela signifie, pour certains, remise en cause du statut de la fonction publique.
En fait, dans ce débat, la question qui se pose est - et là je rejoins M. Balestra : quel type d'Etat voulons-nous ? Nous savons bien, parce que Genève n'est pas un petit canton isolé dans le monde, nous savons bien que dans les pays où les milieux libéraux ont pu mettre en place leur politique, ce ne sont pas eux qui ont eu les mains liées dans le dos, mais bien les populations qui ont eu à souffrir de ce type de réforme. Evidemment, cela nous n'en voulons pas. Il faut arriver cependant à des propositions concrètes. J'aimerais faire remarquer à ce Grand Conseil qu'une des propositions issues de la commission de l'audit : la création d'une commission de contrôle de gestion, vient de l'Alliance de gauche. Nous n'en avons pas vu d'autres venir de manière très concrète de cette commission.
Une voix. Et les libéraux l'ont votée !
M. Bernard Clerc. Et les libéraux l'ont votée... C'est extraordinaire ! Pourquoi avons-nous proposé cette mesure contre un Etat, qui ne va pas résoudre tous les problèmes mais qui peut en tout cas jouer un rôle certain face à diverses tentatives, encore présentes, qui ont eu largement cours dans les décennies précédentes ? C'est que les citoyennes et les citoyens n'admettent plus un Etat gaspilleur. Et en ce qui nous concerne, c'est de manière permanente que l'Etat ne doit pas être gaspilleur, que l'on soit en déficit ou non.
Je suis heureux de voir que la majorité de ce parlement - pour une fois - a repris une proposition de l'Alliance de gauche visant à une réforme de l'Etat qui a un contenu précis : non au gaspillage, mais oui à un Etat social !
Mme Martine Brunschwig Graf. Dans ce parlement et à plusieurs occasions, le Conseil d'Etat a tenu à souligner sa volonté de mener à bien la réforme de l'Etat de Genève. Vous avez eu le bon goût de l'écouter. Vous avez également eu l'esprit critique qui vous conduit à dire que cela n'est pas suffisant. Cela est bien normal de la part de députés qui sont chargés du contrôle de l'Exécutif, qui représentent les citoyens et doivent veiller, aussi, à ce que les paroles se transforment en actes concrets pour le plus grand bien de la population.
Aussi nous sommes-nous rendu compte que, malgré le fait que nous vous ayons remis officiellement et à plusieurs reprises un calendrier avec certaines étapes de nature globale, vous étiez avides d'en savoir davantage et de connaître les étapes intermédiaires et le plan de travail détaillé qu'impliquait la réforme globale que nous vous avons présentée. J'ai ressenti aussi - pour avoir représenté le Conseil d'Etat devant votre commission avant qu'elle n'adopte son rapport - votre adhésion unanime à l'idée qu'il était nécessaire de réformer l'Etat. Il est vrai que, comme tous les députés qui sont intervenus dans cette enceinte, il est facile d'être d'accord sur la réforme de l'Etat. Il sera bien plus important d'être d'accord sur les mesures à prendre pour ce faire.
Nous avons bien perçu, à travers vos débats et vos discussions, qu'en filigrane nous retrouvions des problèmes relativement délicats, dès lors que l'on parlait du statut de la fonction publique ou d'autres éléments qui touchent l'organisation de l'Etat, ses responsabilités, la responsabilisation des services et des collaboratrices et collaborateurs de la fonction publique. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'a pas souhaité - même avant un vote important - céder à la soif naturelle qui est la vôtre et vous présenter ce qui n'aurait été alors que des esquisses et quelques rideaux de fumée. C'est en tout cas comme cela que vous l'auriez ressenti. Pour pouvoir obtenir de ce parlement une majorité qui permette véritablement de soutenir les réformes nécessaires et reconnues par tous, il s'agit aussi ensuite d'obtenir de votre part le soutien et le travail nécessaires.
C'est la raison pour laquelle - je l'ai d'ailleurs annoncé à la commission - le Conseil d'Etat a décidé de consacrer une grande partie de son séminaire des 23 et 24 mars prochain à prendre un certain nombre de décisions. Celles-ci peuvent être de différente nature et permettront ensuite de définir le plan d'action dans des domaines qui vous sont chers. Mais nous devons, les uns et les autres, rester très honnêtes. Les citoyens ont souhaité que l'Etat soit réformé. Ils l'ont exprimé à travers l'initiative populaire que vous connaissez. Les citoyens attendent aussi que cette réforme génère un certain nombre d'économies. En déposant le projet de loi constitutionnelle, le Conseil d'Etat vous a donné, sur ce point, quelques éléments dans son rapport. Tout ne sera pas résolu à court terme en termes de millions et vous devez le savoir. Mais il est important - et le Conseil d'Etat partage votre avis sur ce point - de procéder à des transformations durables et sensibles durant de longues années qui permettront une véritable restructuration ou remodélisation de l'Etat que nous connaissons.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que la commission qui a fait ce rapport poursuivra dans cette voie, telle que nous l'avions discutée. Le Conseil d'Etat souhaite véritablement rencontrer des interlocuteurs, vous, députés, qui vous constituerez sous forme de commission de gestion, si vous le souhaitez, pour permettre un suivi et favoriser le dialogue. En effet, rien ne serait pire que de laisser un malentendu s'installer, car, en fin de compte, il faudra prendre des décisions. Elles ne pourront pas satisfaire sur tous les points les uns et les autres et - comme l'ont dit certains - des débats de fond s'instaureront. Je comprends donc votre souci d'en débattre. Je souhaite que, le moment venu, le débat ait lieu avec une discussion de qualité et avec le souci, qui doit être celui qui nous anime tous, de l'intérêt général et des engagements pris envers les citoyens.
Pour le reste, je vous renvoie au calendrier que nous vous avons remis et dont je vous rappelle qu'il est extrêmement détaillé. Prochaine date importante : fin mars 1999
Le président. A l'unanimité, la commission s'est prononcée pour le renvoi de ces rapports au Conseil d'Etat. Je mets aux voix cette proposition.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat est adoptée.
RAPPORT DE LA MAJORITE
Les travaux relatifs à la modification de la loi sur l'imposition des personnes morales (PL 7721) ont retenu l'attention de la Commission fiscale à quelque 34 reprises. Ils ont été conduits du 13 juin 1995 au 29 septembre 1998, sous les présidences respectives de Daniel Ducommun, Nicolas Brunschwig, Christine Sayegh et Bernard Clerc, en présence des conseillers d'Etat en charge du Département des finances Olivier Vodoz puis Micheline Calmy-Rey. Ils ont été assistés par Mme Catherine Neuenschwander, directrice de la division des l'enregistrement, des successions et des impôts fonciers (ESIF) et de MM. Daniel Brauen, administrateur général de l'administration fiscale, Pietro Sansonetti, directeur des affaires fiscales, Florin Könz, chef du service juridique, et Georges Adamina, directeur de la taxation, dans l'ordre de leur apparition devant la commission. Les procès-verbaux de séance ont été tenus par Mmes Corinne Brasey, Linda Hainaut et Myriam Berkati. Que toutes ces personnes soient ici sincèrement remerciées pour leur efficace et précieuse collaboration.
Préambule méthodologique
Durant 3 années de travaux, la commission a procédé à 19 auditions. Au cours de cette période, d'autres projets de loi fiscaux, concernant les personnes physiques comme les personnes morales, ont également retenu l'attention de la commission.
La commission a travaillé en trois temps. Dans la première partie de ses travaux, elle a entamé une réflexion générale sur la fiscalité des entreprises, et plus particulièrement sur le système d'imposition sur le bénéfice. Elle a ensuite également examiné la question des allégements fiscaux offerts aux entreprises, ou encore la fiscalité des personnes physiques. Enfin, elle s'est consacrée à l'étude approfondie de l'introduction du taux proportionnel, au taux lui-même et aux mesures d'accompagnement (diminution de l'impôt sur le capital).
Dans la mesure du possible, le présent rapport se limite à relater les travaux et auditions concernant les projets relatifs à l'introduction d'un taux proportionnel sur le bénéfice des sociétés, à savoir le projet de loi 7221, qui fait l'objet de ce présent rapport, et le projet de loi 7516, retiré par ses auteurs à l'issue des travaux de la commission.
Introduction
Le projet de loi 7221 a été déposé en date du 7 mars 1995. Il propose de simplifier l'imposition sur le bénéfice des sociétés, en fixant un taux unique d'imposition à 12 %.
Aujourd'hui, notre canton connaît un système progressif d'imposition du bénéfice net, qui se calcule en fonction de l'intensité du rendement. L'intensité du rendement se définit par un rapport entre le bénéfice et le capital de l'entreprise. Pour un bénéfice net donné, plus le capital est important, plus l'intensité du rendement est faible. Le bénéfice sera alors taxé plus légèrement. Les sociétés ne sont donc pas imposées avec la même force selon qu'elles aient un taux de capitalisation élevé ou non.
Constatant que ce système défavorisait les sociétés faiblement capitalisées, à savoir principalement les PME, les jeunes entreprises ainsi que celles faisant davantage recours à de la main-d'oeuvre, le Grand Conseil adoptait en 1994 une loi fiscale qui resserrait l'écart entre les taux minimum et maximum, les rapportant de 4 à 6 %, respectivement de 15 à 14 %.
Malgré cette correction, la différence de traitement entre entreprises fortement et faiblement capitalisées demeure. Une comparaison entre les cantons suisses nous apprend par ailleurs que la progressivité de l'imposition en fonction de l'intensité du rendement est particulièrement importante à Genève.
Le présent projet de loi se propose donc de poursuivre sur la voie empruntée en 1994, en s'inspirant des exemples jurassien et tessinois, ainsi que des recommandations émanant du message du Conseil fédéral sur l'harmonisation fiscale. Il prévoit donc de supprimer toute référence au capital en adoptant un barème unique d'imposition sur le bénéfice.
Une année et demie après le dépôt de ce projet, un projet cousin était déposé. Issu des rangs de l'Entente, le projet de loi 7516 prévoit, pour les sociétés en capitaux et les coopératives, un taux unique de 9,75, réduit à 4 % pour une partie du bénéfice redistribué (dans le but de corriger les effets de la double imposition). Il introduit également une diminution de l'impôt sur le capital à 0,3 % pour la part de capital inférieure ou égale à 5 mios. Le projet règle enfin la question de la taxation des associations, fondations, fonds de placement et autres personnes morales en fonction de tranches de bénéfices et capital propre.
Discussion générale d'entrée en matière
A l'occasion des premières séances de commission consacrées à ce sujet, les discussions ont principalement porté sur l'ensemble du système fiscal qui touche les personnes morales dans notre canton.
Les longs travaux de la commission sur le sujet s'ouvrent avec l'audition, le 13 juin 1995, de Messieurs le Professeur Fabrizio Carlevaro, du Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève, et Dominique Frei, de l'Office cantonal de la statistique. Ceux-ci dressent un tableau de la fiscalité genevoise et soulignent l'importance de l'imposition des personnes morales sur l'ensemble des recettes fiscales (entre 1/8e et 1/5e) de notre canton. L'impôt sur le bénéfice représente la part du lion, puisqu'il constitue le 80 % des recettes personnes morales. En 1992, Genève comptait 18 727 sociétés, dont 13 344 en capital. Les 5 plus grands contribuables fournissaient le quart de l'impôt perçu sur le bénéfice ! Si l'on considère les 10 premières , elles représentaient le tiers de l'impôt, alors que les 35 plus grandes fournissaient la moitié des recettes fiscales sur le bénéfice.
En date du 30 janvier 1996, l'intervention du conseiller d'Etat en charge du Département de l'économie publique Jean-Philippe Maitre est davantage ciblée sur la question du taux fixe. Il relève qu'un taux fixe à 10 % correspondrait à une diminution de la fiscalité pour l'ensemble du secteur secondaire, compensée par une augmentation de celle du secteur tertiaire. S'il est à ses yeux fiscalement et techniquement cohérent d'abandonner la fiscalité progressive au profit d'un système proportionnel, il convient de procéder également à une analyse économique. Or, constate-t-il, le risque de voir les entreprises du secteur tertiaire, plus mobiles, quitter le canton existe bel et bien et nous devons en tenir compte dans notre réflexion.
L'audition le 27 février 1996 du professeur Zarin permet de mettre en lumière les différents problèmes liés à notre fiscalité. Il relève ainsi notamment les éléments suivants :
- l'imposition progressive sur le bénéfice est injustifiée ; elle pose des problèmes de distorsion par rapport au système de financement d'une entreprise et privilégie la constitution de réserves ;
- l'impôt sur le capital pose le même type de problème, mais dans un sens inversé ;
- le droit de timbre dissuade bon nombre d'investisseurs à venir investir en Suisse ;
- la double imposition économique, qui taxe les dividendes une première fois au niveau de l'entreprise, puis une seconde fois lors de la distribution aux actionnaires.
A l'instar du professeur Zarin, le professeur Yves Fluckiger, de l'Université de Genève, fait part, lors de sa première audition le 12 mars 1996, des mêmes réserves en ce qui concerne la progressivité de l'impôt sur le bénéfice, que rien ne justifie. Si progressivité il devait y avoir, elle devrait alors se baser sur d'autres critères que l'intensité du rendement, comme, par exemple, la capacité contributive des entreprises (bénéfice net). Il suggère également un critère lié à l'emploi, par un rapport bénéfice/nombre de personnes employées. Sans approfondir ces pistes, le professeur Fluckiger relève que le système actuel n'est pas satisfaisant, et que, outre les défauts déjà révélés par son collègue, il défavorise le secteur secondaire, peu capitalisé.
Le professeur se déclare donc résolument en faveur du taux unique, qui permet :
- une neutralité du comportement des entreprises ;
- une simplicité de perception ;
- un rendement fiscal plus élevé ;
- une plus grande stabilité dans le temps des rentrées fiscales.
Comme relevé par le conseiller d'Etat Jean-Philippe Maitre, le risque de voir certaines entreprises, notamment du secteur tertiaire, délocaliser leurs activités existe, mais il convient de relativiser ce phénomène, selon le professeur Fluckiger.
Il souligne toutefois que le changement d'un système progressif à un système proportionnel affectera 80 % des entreprises et qu'il convient par conséquent de ne pas négliger la brutalité de ce passage. C'est pourquoi il propose de réfléchir à un changement par étapes, plus doux.
Au terme de 9 séances consacrées à ce sujet, la commission passe à la discussion sur l'entrée en matière le 26 mars 1996. Un député radical, soucieux des effets néfastes que peut entraîner cette réforme sur l'emploi, propose une motion, mais n'est pas suivi par ses collègues. Si la plupart des groupes se rejoignent quant à l'opportunité d'une telle réforme, qui, aux yeux de nombreux députés, permet à Genève de se doter d'un système fiscal plus moderne, ceux-ci se montrent plus divisés concernant la quotité de ce futur taux unique et les mesures d'accompagnement (diminution de l'impôt sur le capital.
Au vote, l'entrée en matière sur le projet de loi 7221 est acceptée par 7 oui (2 S, 1 Ve, 2 DC, 2 L), 2 non radicaux et 2 abstentions libérales.
Suite à ce vote, la commission décide d'axer son analyse sur trois pistes :
- la quotité du taux ;
- les mesures connexes (diminution de l'imposition du capital) ;
- le calendrier de mise en oeuvre.
Quel taux adopter?
La question du taux suscite un vif débat au sein de la commission, qui s'interroge notamment sur sa neutralité et sur les moyens de relancer l'économie au travers de cet outil fiscal. Le conseiller d'Etat Olivier Vodoz souligne qu'à son sens, le taux proportionnel, aussi positif soit-il, n'a pas pour vocation de relancer l'économie. Pour ce qui est de la neutralité, il conviendrait de définir de quelle neutralité il s'agit : neutralité pour les entreprises, de façon à n'en pénaliser aucune, ou neutralité fiscale, en terme de recettes pour l'Etat. En outre, la commission évoque la possibilité de procéder par étapes, en resserrant progressivement les différences entre les taux minimum (6 %) et maximum (14 %), pour finalement atteindre un taux unique.
Les simulations effectuées par le département, en date du 30 avril 1996, permettent de fournir les premiers éléments concrets de réponse aux députés. Ainsi, selon les chiffres de 1994 :
- la diminution de 14 à 11 % du taux maximum engendrerait une perte de 43 mios ;
- un taux fixe à 6 %, soit l'équivalent du taux minimum, se solderait par une perte de 180 mios ;
- la neutralité en termes de recettes fiscales équivaudrait à un taux unique de 10 %.
Si ce dernier scénario semble le plus acceptable du point de vue des finances de l'Etat, il n'est pas neutre pour les entreprises. Ce qui paraît être une évidence mérite tout de même d'être rappelé : le passage d'un système fiscal progressif à un système proportionnel, s'il entend être neutre du point de vue des recettes, engendrera automatiquement des variations de taxation pour les entreprises assujetties. Si certaines, déjà taxées au taux qui sera retenu, ne verront pas leur situation évoluer, d'autres connaîtront soit un allégement, soit un alourdissement de leur fiscalité. Ce qui signifie donc que cette réforme, aussi positive soit-elle quant à son principe, fera des heureux... et des mécontents !
Cette dernière catégorie étant particulièrement importante, un député libéral suggère d'adopter un taux unique à 6 %, couplé à un mécanisme permettant la création de postes de travail. Indépendamment de la question de la quotité du taux, le critère de l'emploi a retenu l'attention de la commission. Toutefois, devant la difficulté de lier les éléments de la fiscalité et de l'emploi par voie législative, et devant la perplexité affichée par certains commissaires face à la pertinence d'un tel lien, cette suggestion n'est pas retenue.
Afin de limiter au maximum les effets négatifs d'une réforme sur les entreprises connaissant actuellement un faible taux d'imposition, une autre proposition est avancée : la diminution simultanée de l'imposition sur le capital. Un projet de loi émanant des rangs de l'Entente (PL 7516 - dépôt le 19.9.1996.) allant dans ce sens est par ailleurs annoncé à la commission, qui l'étudiera désormais simultanément au projet de loi 7221.
Suite au mandat confié par la commission sur la question du taux proportionnel et d'une adoption par paliers, les documents du professeur Fabrizio Carlevaro et de Dominique Frei "; Conséquences de l'adoption d'un taux proportionnel sur le bénéfice des personnes morales à Genève, neutralisé par une diminution de l'impôt sur le capital - 1re partie " et "; Conséquences de l'adoption d'un taux proportionnel neutre pour l'imposition des personnes morales à Genève - 2e partie " sont analysés par la commission.
Il en ressort que le taux neutre se situe à moins de 10 % (environ 9,5 %) si l'on ne modifie pas l'imposition sur le capital, et à 11 % si l'on opère une coupe de 40 % de l'impôt sur le capital. Le second document analyse l'introduction de l'impôt proportionnel par paliers. Selon les auteurs de l'étude, l'idéal, pour coller au mieux à la réalité des recettes de l'Etat tout en ménageant les entreprises, serait d'adopter un taux resserré de 7-12,5 %, puis 8-11 %, pour atteindre enfin le taux unique de 10 %. M. Pietro Sansonetti remarque toutefois que les solutions "; taux unique par paliers " et "; taux unique assorti d'une diminution de l'impôt sur le capital " ne relèvent pas d'une même démarche. Il s'agit en effet, dans le second cas, d'opérer également un transfert de charges entre l'impôt sur le bénéfice et l'impôt sur le capital.
Le professeur Carlevaro est invité à commenter ses analyses devant la commission, en date du 17 septembre 1996. Il relève que le scénario "; taux unique et diminution de l'impôt sur le capital " permet de minimiser les transferts et de mieux coller à la réalité fiscale des entreprises. Il estime pour sa part que, du point de vue de l'acceptabilité politique, la meilleure solution serait de supprimer l'impôt sur le capital, et d'adopter un taux unique de 12,5 %, car elle réduit au maximum le nombre de mécontents, tout en conservant une neutralité des recettes pour l'Etat.
Auditions
La fin de l'année 1996 et le début de l'année 1997 sont marqués par une série d'auditions, qui occupent la commission fiscale sur différents projets d'imposition personnes morales et personnes physiques.
L'audition du 14 janvier 1997 permet au conseiller d'Etat Olivier Vodoz de témoigner son soutien à l'introduction d'un taux unique, qui permettrait de gommer les inégalités entre sociétés faiblement et fortement capitalisées. Si la fiscalité n'est qu'un élément des conditions-cadres à la venue de nouvelles entreprises à Genève, il est d'importance. Il constate que la fiscalité des personnes morales en Suisse reste relativement concurrentielle, sous réserve de nos spécificités locales que sont la double imposition économique et la taxe professionnelle.
Pour ce qui est du lien entre fiscalité et emploi, le conseiller d'Etat fait part de son scepticisme. Le problème majeur que rencontrent actuellement les entreprises relève davantage de leur financement, et si nous voulons les aider à survivre, et par conséquent à maintenir des emplois, nous devons plutôt nous employer à leur faciliter l'accès au capital. Il paraît par conséquent plus indiqué d'affecter une partie des recettes des personnes morales à ce but, en lieu et place d'un allégement du taux d'imposition.
L'audition au cours de la même séance de Robert Kuster, délégué à la promotion économique du canton de Genève, permet de mettre en évidence les principaux éléments de compétitivité d'une collectivité publique, à savoir :
- un tissu économique et industriel préexistant ;
- une proximité avec la technologie ;
- une main-d'oeuvre qualifiée, voire très qualifiée ;
- un climat social serein ;
- une garantie de sécurité ;
- la qualité des communications et télécommunications ;
- une accessibilité aux services ;
- une fiscalité attrayante.
Concernant ce dernier élément, Robert Kuster estime que l'introduction d'un taux unique est positive pour notre canton, qui doit faire face à la concurrence directe de Zurich. Il se prononce en faveur d'un taux avoisinant les 10 %, jugeant le taux proposé par le projet de loi 7221 de 12 % trop élevé.
L'audition en date du 21 janvier 1997 du professeur Jean-Christian Lambelet et de M. Jean-Marc Natal, de l'Institut CREA, est principalement consacrée à l'imposition des personnes physiques. Elle permet néanmoins aux invités d'exprimer leur préférence, au niveau des personnes morales, pour l'impôt proportionnel, en lieu et place d'un impôt progressif qui pénalise le succès. Et de relever qu'en matière de fiscalité, il convient de raisonner à moyen terme, et non pas en terme conjoncturel.
La séance du 4 février 1997 est consacrée à une série d'auditions de représentants de la Chambre fiduciaire, sur l'ensemble des projets de loi liés à la fiscalité genevoise.
Répondant à différentes questions posées par la commission, MM. Jacques Perrot et Carl Heggli relèvent que la fiscalité, pour la majeure partie des entreprises, n'est pas le facteur clé d'implantation et que d'autres éléments interviennent dans la décision d'une société de choisir un lieu plutôt qu'un autre (niveau des charges sociales, paix du travail, stabilité politique, etc.). La fiscalité est toutefois un élément à prendre en compte, même s'il n'est pas le seul. Concernant le lien entre fiscalité et emploi, ils soulignent qu'il serait à leur sens plus judicieux de favoriser la création d'entreprises que celle d'emplois.
Quant au projet de loi 7221, les invités constatent que le secteur tertiaire, et principalement les assurances et les banques, est pourvoyeur de nombreux emplois, et qu'il convient d'adopter la plus grande prudence dans la décision que l'on prendra. A cet égard, l'aspect "; allégement de la double imposition, comme le prévoit le projet de loi 7516 (taux réduit d'imposition pour une part du bénéfice redistribué) les séduit davantage.
Lors de leur audition, au cours de la même séance, Mme Myriam Nicolazzi et MM. Roland Etienne et Yvon de Coulon, également représentants de la Chambre fiduciaire, relèvent que le niveau d'imposition des personnes morales sont acceptables dans notre canton, notamment pour les nouvelles entreprises qui bénéficient d'allégements fiscaux. Ils précisent qu'ils se sont avant tout intéressés au mode de calcul de l'impôt sur le bénéfice. De ce point de vue, le taux proportionnel est sans conteste plus attrayant que le taux progressif. Les auditionnés se déclarent favorables à une différentiation du taux proportionnel selon la taille de l'entreprise, par exemple de 9,5 % pour les PME et de 11-12 % pour les sociétés plus importantes. Il serait également positif, selon M. de Coulon, d'abandonner l'imposition sur le capital.
L'audition de Mme Gabrielle Antille, en date du 18 février 1997, est prioritairement consacrée à l'imposition des personnes physiques. Mme Antille précise toutefois que l'introduction d'un taux unique est souhaitable. Quant au niveau du taux, elle relève qu'il doit à son sens permettre une neutralité des recettes et qu'elle rejoint les conclusions du professeur Carlevaro sur ce point.
En date du 25 février 1997, la commission entend les représentants de la Communauté genevoise d'actions syndicales (CGAS) Charles Beer, Bernard Matthey et Jacques Robert. En matière de fiscalité, il s'agit de raisonner à moyen et long terme. Par conséquent, la CGAS réfute le lien entre relance et fiscalité.
D'un point de vue général, la CGAS se déclare en faveur d'une révision globale de la fiscalité, incluant également d'autres éléments de réflexion, tels la taxe professionnelle et communale, les impôts indirects ou encore la péréquation intercommunale.
Du point de vue de la fiscalité des personnes morales, la CGAS adhère au principe du taux fixe, tout en précisant que l'opération doit être neutre sur un plan fiscal. Par conséquent, si elle apporte son soutien au projet de loi 7221, bien que ce dernier privilégie certaines branches par rapport à d'autres, elle rejette le projet de loi 7516, qui implique une moins-value de 87 mios pour l'Etat.
Lors de la même séance, MM. Gérard Beran et Charles Bonvin, de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, font part de leur profonde inquiétude face au manque d'attractivité fiscale de notre canton. On constate depuis la fin des années 80 un alourdissement de la fiscalité et des dépenses de l'Etat, qui a conduit nombre de contribuables, personnes physiques comme personnes morales, à quitter notre canton pour des cieux plus hospitaliers en matière fiscale. Ce phénomène doit être combattu, d'autant que, pour la CCIG, la fiscalité est un moyen parmi d'autres, même s'il n'est pas suffisant, de favoriser la relance. En revanche, elle se déclare plus circonspecte sur le lien entre fiscalité et emploi, estimant que l'impôt sur le bénéfice ne se prête guère à ce genre de finalité.
Ainsi, la Chambre se déclare favorable à l'introduction d'un taux unique, et estime qu'il convient de profiter de cette réforme pour introduire un allégement de la double imposition économique. A cet égard, la Chambre apporte son soutien entier au projet de loi 7516, qui apporte des nouveautés et allégements effectifs, sans compromettre les rentrées fiscales.
Comme déjà relevé à de nombreuses reprises lors des discussions de la commission, Andreas November auditionné en qualité d'expert le 4 mars 1997, montre un certain scepticisme quant au lien relance - fiscalité. En cette période de changement, il préfère voir l'Etat investir sur le long terme, en privilégiant la recherche et la formation et en promouvant le développement des PME. Il est donc favorable à une fiscalité acceptable pour les entreprises, qui prenne en compte les éléments économiques, écologiques et sociaux.
Une nouvelle fois entendu devant la commission le 11 mars 1997, le professeur Fluckiger renouvelle son soutien à une fiscalité propositionnelle et neutre sur le bénéfice des personnes morales. Il indique qu'il aurait été toutefois plus judicieux de mener cette réforme au niveau fédéral. Si le taux proportionnel était introduit, le professeur Fluckiger serait alors favorable à une diminution de l'impôt sur le capital. Il se déclare en revanche plus nuancé concernant la suppression de ce dernier, étant donné que l'impôt sur le capital assure des recettes stables à l'Etat, alors que l'impôt sur le bénéfice est plus volatile.
Discussion
Après cette série d'auditions, la commission fiscale entame une discussion approfondie sur les différents projets relatifs à la fiscalité.
Le principe du taux fixe semblant acquis pour la commission, le conseiller d'Etat invite alors les commissaires à prendre en compte la réalité des chiffres : sur les 600 mios de recettes encaissées en 1995 par l'imposition des personnes morales, 531 provenaient de 200 sociétés. Il y a donc lieu de s'interroger sur les répercussions du taux fixe sur ces dernières et sur le taux à adopter.
La réflexion menée au niveau fédéral sur l'introduction du taux fixe envisage une quotité à 8,5 %. A ce stade de la discussion, il convient de rappeler que les cantons s'étaient prononcés en faveur de l'impôt proportionnel, accompagné d'une diminution de l'impôt sur le capital, préférée à la solution "; impôt minimum ", perçu uniquement en l'absence de bénéfice. Pour ce qui est de cet impôt, le Conseil fédéral a finalement opté pour sa suppression au niveau fédéral, dès le 1er janvier 1998.
Un commissaire radical estime plus sage d'attendre que la réforme fiscale fédérale aboutisse, avant d'aller plus avant dans les travaux de la commission concernant le taux fixe. Il relève que la commission doit garder à l'esprit que l'introduction de celui-ci touchera des entreprises fortement capitalisées et grandes pourvoyeuses d'emplois.
Suite à la décision de la commission d'analyser les projets touchant à la fiscalité séparément, selon leur champ d'application, les travaux relatifs aux projets de loi 7221 et 7516 sont suspendus durant 7 mois, pour être repris simultanément sous la nouvelle législature.
Analyse ciblée des projets de loi 7221 et 7516
Après quelques mois d'hibernation, c'est donc dans une nouvelle composition que la commission reprend l'analyse des projets. Bien qu'elle ne se soit pas encore formellement prononcée quant au principe d'un taux proportionnel, celui-ci semble acquis et les questions en suspens sont les suivantes :
- quel taux adopter ?
- faut-il conserver la neutralité des recettes ?
- faut-il également prévoir une diminution de l'impôt sur le capital ?
- faut-il prévoir un taux proportionnel différencié en fonction de la distribution des bénéfices ?
- faut-il moduler l'impôt sur le capital en fonction de critères définis (ex : l'emploi) ?
- faut-il procéder par étapes ?
Relation fiscalité - emploi
Concernant la question de l'emploi, la commission, en date du 26 mai 1998, fait une nouvelle fois appel au savoir du professeur Fluckiger, pour connaître son opinion sur la meilleure façon d'articuler ce critère. Après avoir exploré diverses pistes permettant d'intégrer cet élément dans la fiscalité des personnes morales, le professeur fait part de quelques réflexions.
Il relève en préambule que les Etats qui se sont déjà employés à ce genre d'exercice n'ont jamais connu de succès probants. En outre, création d'emplois ne rime pas automatiquement avec diminution du chômage. Enfin, le système actuel profite clairement au capital, quelques fois au détriment de l'emploi, et pénalise les PME et le secteur secondaire, dont le taux de rendement est souvent supérieur à celui du secteur tertiaire. Ainsi, en 1995, l'intensité de rendement était en moyenne de 13,2 % dans le secteur industries, arts et métiers, contre seulement 3,8 % dans le secteur des banques, assurances et agences de conseils (voir tableau en annexe).
Il ajoute que, selon lui, l'articulation bénéfice / nombre d'emplois n'est pas un critère pertinent de productivité, et qu'il conviendrait plutôt de mettre en relation la valeur ajoutée avec le nombre d'emplois.
Confirmant l'opinion qu'il avait déjà eue l'occasion d'émettre lors de précédentes auditions, le professeur Fluckiger estime que le passage au taux proportionnel jouit d'atouts de poids :
- eurocompatibilité,
- simplicité,
- transparence,
- rendement fiscal plus élevé,
- suppression des distorsions liées au financement de l'entreprise,
- adéquation à la réforme fiscale en cours au niveau fédéral.
Les conséquences à prévoir d'une telle réforme sont notamment :
- transfert important du secteur tertiaire (principalement les banques) en faveur du secteur secondaire (principalement l'horlogerie - bijouterie) ;
- mouvement de décapitalisation de la part d'entreprises ayant accumulé des capitaux propres pour des raisons fiscales ;
- mouvement possibles aussi bien vers Genève que hors de Genève, et nouvelle répartition des bénéfices de la part de sociétés implantées dans plusieurs cantons.
Le professeur Fluckiger se montre en revanche plus réservé concernant les effets sur l'emploi. Il lui paraît cependant important de tenir compte des éléments suivants :
- neutralité fiscale, qu'il estime à environ 10 % ;
- transition progressive, de façon à atténuer la brutalité de ce passage pour certaines entreprises aujourd'hui faiblement taxées ;
- coordination avec la réforme fédérale.
Quant aux pistes évoquées comme incitation à l'emploi, il évoque la possibilité d'introduire un barème rabais, en fonction du critère bénéfices / nombre d'emplois, ou encore un taux fixé proportionnellement à la productivité de la société. A noter que ces pistes avaient déjà été explorées par la commission ; il avait été alors remarqué que la réalisation de bénéfices ne devait pas être considérée comme un tort et pénalisée.
Simulations sur la base des résultats fiscaux connus
La question de l'articulation avec l'emploi ayant été largement abordée, les commissaires passent à l'examen chiffré des conséquences des projets de loi proposés. M. Georges Adamina, directeur de la taxation, fait part des projections sur la base des rentrées fiscales 1996 : il apparaît ainsi qu'un taux fixe de 8,75 % engendrerait une perte, au niveau des impôts cantonaux et communaux, de quelque 2 mios, alors qu'une imposition à 9 % rapporterait 13 mios de plus à l'Etat, et 77 mios si le taux était fixé à 10 %. Compte tenu de ces résultats et de la volonté largement exprimée par la majorité de la commission (à l'exception de l'Alliance de Gauche) de faire une opération neutre pour l'Etat, le taux de 12 % avancé dans le projet de loi 7221 n'a pas été calculé.
Pour ce qui est du projet de loi 7516, son application se solderait, pour l'exercice 1996, à une perte de 28 mios au niveau des impôts cantonaux et communaux.
M. Adamina relève que 250 à 350 entreprises règlent le 75 % de la facture fiscale des entreprises. Etant donné qu'il s'agit avant tout de sociétés issues du secteur bancaire, susceptibles d'une grande mobilité, un commissaire démocrate-chrétien demande qu'une projection soit faite pour ces entreprises.
Après plus de trois années de travaux, les commissaires passent au vote, lors de la séance du 23 juin 1998.
L'introduction du taux fixe est acceptée à l'unanimité (3 L, 2 R, 2 DC, 2 Ve, 3 S et 3 AdG).
Le respect, pour la fixation du taux, d'une neutralité "; prudente " est accepté par 12 oui (3 L, 2 R, 2 DC, 2 Ve et 3 S) contre 2 non (AdG).
Démarche par paliers
Souvent discutée au cours des travaux de la commission, en raison de la brutalité que pourrait provoquer un passage direct au taux proportionnel, la question de l'introduction par paliers est évoquée par la conseillère d'Etat Micheline Calmy-Rey. Elle propose que l'administration simule un resserrement par paliers. La piste est toutefois abandonnée par les commissaires, qui estiment qu'il faut adopter directement le nouveau système d'imposition. En outre, une éventuelle diminution de l'impôt sur le capital permettra d'adoucir le passage au taux fixe pour les entreprises fortement capitalisées, et par conséquent faiblement taxées sur le bénéfice.
Bénéfices et capital imposés à quels taux ?
Sur les quelque 22 000 personnes morales répertoriées dans notre canton, seules 3 000 à 4 000 sont imposées et génèrent un total de recettes de 241 mios, pour des bénéfices déclarés de 2,7 mrds (exercice 1996). La moitié d'entre elles déclarent un bénéfice inférieur à 50 000 Frs. D'une façon générale, l'imposition sur le capital permet d'encaisser quelque 116 mios par an.
Suite à la demande d'un député, la commission examine les données relatives aux principaux contribuables. Les chiffres 95 dévoilent que les 45 plus grandes entreprises, qui génèrent la moitié des recettes personnes morales, ont été taxées à un taux moyen d'environ 11 %. Pour l'année suivante, à savoir 1996, le taux moyen tombe à 9,5 %. Ces 45 plus grosses entreprises sont principalement répertoriées dans les secteurs de l'horlogerie-bijouterie, la banque universelle, la chimie pharmaceutique, les assurances, les multinationales et les sociétés de service. Quant au meilleur contribuable genevois, son taux de taxation se situe, pour 1996, légèrement en dessous de 10 %, à savoir 9,8 %.
Compte tenu de ces éléments, un commissaire libéral propose d'adopter un taux proportionnel supérieur à la neutralité, mais assorti d'une diminution sensible de l'impôt sur le capital (de 2 % à 1,5 %). Certains députés manifestent leurs craintes que cette solution n'assure pas la neutralité prudente qu'ils défendent.
Le député rappelle alors que le taux neutre pour 1996 se situe à 8,86 %. Par conséquent, un taux de 10 % assure un différentiel positif de recettes de 1,14 %, qui représente plus de 25 mios sur les résultats 96. Un député propose alors d'élever le taux fixe à 10,5 %, tout en conservant un impôt sur le capital de 1,5 %.
Une perception à 10 % sur le bénéfice étant facile à calculer et représentant la moyenne arithmétique entre le taux minimum (6 %) et maximum (14 %), cette solution est privilégiée par la commission, qui préfère "; travailler " sur le taux de l'impôt sur le capital.
Le principe d'une diminution de l'impôt sur le capital est alors soumis au vote de la commission, qui l'accepte par 11 oui (3 L, 2 R, 2 DC, 2 V et 2 S), 3 non (AdG) et 1 abstention (S).
Au terme d'une large discussion, deux propositions sont avancées.
La première, issue des rangs radicaux, propose la solution suivante :
une baisse à 1,5 pour mille du taux de l'impôt sur le capital avec le maintien à 2 pour mille pour les sociétés ne faisant pas de bénéfice et un taux unique de 10 % sur le bénéfice.
Cette proposition est rejetée par 8 non (3 S, 3 AdG et 2 Ve), 2 oui (R) et 5 abstentions (3 L et 2 DC).
Une seconde proposition est mise aux voix, fruit d'un amendement socialiste à une proposition libérale, à savoir :
un taux fixe de 10 % sur le bénéfice et une baisse à 1,8 % du taux de l'impôt sur le capital, avec le maintien à 2% pour les sociétés ne faisant aucun bénéfice.
Cette proposition consensuelle est adoptée par 10 oui (3 L, 3 S, 2 Ve, 2 DC), 3 non (AdG) et 2 abstentions (R).
Vote du projet de loi 7221
Article 20 Sociétés de capitaux et coopératives
Le taux d'impôt sur le bénéfice net est fixé à 10 %.
L'article est accepté par 10 oui (3 L, 2 DC, 2 Ve, 3 S), 3 non (AdG) et 2 abstentions (R).
Article 33 (nouvelle teneur)
L'impôt sur le capital propre est de 1,8 %. Pour les sociétés et coopératives n'ayant pas de bénéfices imposables, ce taux est de 2 %.
L'article est accepté par 10 oui (3 L, 2 DC, 2 Ve, 3 S), 3 non (AdG) et 2 abstentions (R).
Au vote final, le projet de loi 7221 tel que modifié est accepté par 10 oui (3 L, 2 DC, 2 Ve, 3 S), 3 non (AdG) et 2 abstentions (R).
Le projet de loi 7516 sera retiré par ses auteurs dès que le projet de loi 7221 aura été voté.
18
19
20
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur: Mme Salika Wenger
Le rapport de minorité sera oral.
Premier débat
Le président. Vous avez reçu sur vos tables deux propositions d'amendements présentées par Mme Wenger.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Je souhaiterais rappeler en deux mots l'esprit consensuel qui a animé les travaux de la commission tout au long de ces trois années et qui ont permis d'aboutir à l'introduction d'une imposition sur le bénéfice, moderne et simple, des personnes morales. C'est à l'unanimité que le principe du taux unique a été accepté en commission; il n'a jamais été remis en question et c'est à la très grande majorité des groupes, exception faite de l'Alliance de gauche, que l'on a souhaité dissocier cette réforme d'une augmentation de la pression fiscale ; je pense qu'il est important de le rappeler. La commission - dont un membre, parmi les auteurs du rapport initial, proposait un taux à 12% - a opté pour un taux unique de 10%, accompagné d'une diminution légère de l'imposition sur le capital qui permette d'assurer à l'Etat une neutralité prudente des recettes fiscales.
Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse de minorité. Genève est une ville qui offre une imposition des personnes morales relativement douce par rapport aux autres cantons. De plus, on n'a jamais vu une entreprise être mise en faillite à cause du montant de ses impôts. Comme l'a justement rappelé Mme Ruegsegger dans son rapport, pour la majeure partie des entreprises la fiscalité n'est pas le facteur d'implantation le plus important. D'autres éléments aussi importants entrent en jeu comme par exemple : une main-d'oeuvre qualifiée, un bon réseau de communications et un climat social serein. Par contre, une fiscalité plus efficace est un facteur très important pour la paix sociale !
Or, en observant le tableau qui se trouve en page 20 du rapport de majorité, on peut constater que de 1993 à 1996 les taux d'imposition - tant sur le capital imposable que sur le bénéfice - sont inversement proportionnels à l'augmentation de ceux-ci. Ce résultat étant imputable, pour l'essentiel, à la hausse de la capitalisation de la part des entreprises déjà fortement capitalisées en vue de réduire les taux d'imposition.
Par conséquent, remédier à une imposition tellement absurde qu'elle taxe fortement les entreprises peu capitalisées (environ 13 ou 14%) et ne soumet les plus riches qu'à un impôt bien moins important (de l'ordre de 6 à 11%) nous semblait une évidence et c'est avec cet espoir que nous avons travaillé à l'introduction d'un taux fixe. Mais, comme c'est souvent le cas, la montagne a accouché d'une souris ! En effet, aujourd'hui, on vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter un projet de loi qui propose un taux d'imposition des bénéfices de 10%. 10%, c'est le taux qui se rapproche le plus de la neutralité fiscale, en effet. Mais neutralité fiscale signifie : pas de rentrées supplémentaires pour l'Etat, et ce afin de sécuriser les investisseurs potentiels. Faut-il rappeler que nous vivons une période où l'on peut difficilement se passer d'une nouvelle rentrée fiscale ?
C'est pourquoi, nous proposons un taux d'imposition sur le bénéfice net, non pas de 10 mais de 12% au minimum. L'introduction de ce taux se ferait progressivement, de façon à permettre aux entreprises les plus fortement touchées une meilleure adaptation à ces changements, soit : 10% en 1999, 11% en 2000 et, enfin, 12% en 2001.
Il est clair que les entreprises fortement capitalisées qui bénéficiaient des taux les plus bas dans l'ancien système connaîtront une hausse d'impôts importante, mais cela correspondrait mieux à la politique financière que notre groupe entend mener. D'après les projections faites par le département, ce taux de 12% présenterait divers avantages. En premier lieu, une baisse d'impôts substantielle pour les entreprises peu capitalisées, généralement les petites et moyennes entreprises, et en second lieu un rendement fiscal plus élevé permettant à l'Etat d'engranger quelque 160 millions, centimes additionnels compris, et environ 38 millions pour les communes, ce qui n'est pas un luxe en ces temps de disette financière.
Enfin, l'Etat ayant besoin d'un certain nombre de recettes stables et l'heure étant à la solidarité devant le déficit, il va de soi que nous refusons vigoureusement la baisse de l'impôt sur le capital propre et nous vous invitons à faire de même.
Mme Christine Sayegh (S). Je tiens à remercier la rapporteuse qui a su, avec clarté et synthèse, résumer nos travaux qui ont duré trois ans. L'adoption de ce projet de loi résulte d'une réflexion intense sur la modernisation de l'imposition du bénéfice des sociétés, en adéquation avec l'évolution de l'économie. Si le système de l'imposition fiscale en fonction de l'intensité du rendement a eu ses raisons d'être, principalement du fait que le recours à l'autofinancement était la principale ressource des entreprises, son maintien aujourd'hui pénalise les jeunes entreprises et constitue un frein au dynamisme de l'économie. Si l'ensemble des commissaires ont admis le principe tendant à appliquer un taux fixe d'imposition sur le bénéfice des personnes morales, la formule a mis plus de temps - comme vous pouvez le constater - à être trouvée pour respecter au mieux le principe de la double neutralité, à savoir : au niveau des recettes mais aussi de l'imposition; enfin, une neutralité prudente...
Le but essentiel était de réussir ce changement. Il a fallu admettre qu'avec un taux de 12% - comme nous l'avions proposé, inspirés que nous étions par le modèle tessinois - ce projet de loi produisait des recettes supplémentaires, ce qui ne nous gênait pas en soi mais demandait un effort trop important aux entreprises du secteur tertiaire qui restent, malgré les progrès technologiques, un secteur générant plus de 60% des emplois du canton.
La proposition du professeur Carlevaro tendant à mettre un taux d'imposition à 12,5% et à supprimer l'impôt sur le capital était séduisante sur le plan de la neutralité, mais supprimait toutefois un impôt sur un élément stable qui est le capital. Nous n'étions pas disposés à prendre ce risque, d'autant plus qu'initialement nous ne pensions pas devoir rectifier l'effet du changement de système par la diminution d'un autre impôt.
C'est le lieu ici de remercier également l'administration fiscale du travail considérable qui a été fourni pour permettre à la commission d'avancer dans ses travaux. Après avoir approché les correctifs possibles et, plus particulièrement, la relation avec l'emploi pour atténuer l'effet de ce projet de loi sur le secteur tertiaire, nous nous sommes ralliés à la réduction concernant l'impôt sur le capital.
En effet, l'introduction d'un taux rabais en fonction du nombre d'employés de l'entreprise, outre le fait qu'il est compliqué à appliquer, aurait été difficile à déterminer simultanément avec l'entrée en vigueur du taux fixe. Ce qui ne sera peut-être pas le cas ultérieurement, car il peut être un facteur incitatif à la création d'emplois. La réflexion n'est d'ailleurs pas terminée sur ce point. Pour l'heure, le taux de 10% et le correctif tendant à réduire l'impôt sur le capital respectent une neutralité prudente en fonction de la situation actuelle.
Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous remercie de voter les conclusions du rapport de majorité.
M. Nicolas Brunschwig (L). Il s'agirait - une fois n'est pas coutume - de remercier les auteurs du projet de loi initial : Mme l'ex-députée Calmy-Rey et Mme Sayegh. Le dépôt de ce projet de loi a, en effet, permis une réflexion importante sur un sujet qui l'est tout autant : la fiscalité des personnes morales. Le système en place à Genève était compliqué et pas équitable : effectivement, un certain nombre d'entreprises étaient favorisées par rapport à d'autres. Les nombreuses études et analyses conduites, entre autres, avec l'aide de l'université n'ont pas donné de réponses aussi catégoriques et aussi absolues que Mme Salika Wenger veut bien nous le faire croire.
En effet, les amendements que vous proposez ne vont pas forcément favoriser les petites entreprises et défavoriser les grandes entreprises. La réalité est beaucoup plus complexe car, comme vous le savez, le rapport entre le bénéfice net et les fonds propres dépend de deux critères : bien évidemment de l'importance des fonds propres et, de manière tout aussi claire, de l'importance du bénéfice. Votre proposition aurait la particularité de pénaliser non seulement les entreprises qui ont des fonds propres importants mais, également, les entreprises qui feraient un petit bénéfice.
Bien évidemment les libéraux, s'ils étaient seuls à décider, n'auraient pas proposé un tel projet de loi. Nous avions d'autres idées, en particulier pour réduire «l'atrocité fiscale» helvétique qu'est la double imposition - une exclusivité quasi mondiale - à savoir une exonération partielle pour une première partie du bénéfice qui serait distribué sous forme de dividendes. Nous pensons en outre que taxer les capitaux, c'est-à-dire les fonds propres, est une erreur. D'ailleurs cette disposition a été supprimée au niveau fédéral, car elle peut amener à taxer fortement des entreprises qui font des pertes; cela ne correspond pas à la capacité contributive desdites entreprises. Quoi que vous disiez, les capitaux d'une entreprise ne sont pas des tas d'or qui sont au fond d'un coffre-fort; ce sont des capitaux qui sont utilisés pour faire fonctionner l'entreprise. Ces capitaux n'ont qu'un seul but : permettre d'atteindre les objectifs économiques et sociaux de ladite entreprise. Ils sont donc importants au fonctionnement des entreprises.
La neutralité bienveillante ou prudente, telle qu'elle a été évoquée, est effectivement un principe sur lequel une large majorité de la commission s'est appuyée pour travailler. La démonstration évidente que nous avons atteint cette neutralité, qui - j'en suis convaincu - générera davantage de recettes pour l'Etat, figure au tableau de la page 20. Ainsi que vous pouvez le voir, le taux moyen de ces dernières années se situe aux alentours de 9%, 9,15% en 1995, 8,88% en 1996. Nous allons passer à un taux moyen et unique de 10% qui est donc bien supérieur à celui pratiqué jusqu'à ce jour, mais il est vrai que celui-ci a quelque peu baissé ces dernières années. L'analyse de cette baisse est extrêmement difficile. Elle peut provenir - et c'est sans doute la première des raisons - d'une certaine baisse de rentabilité en fonction de la conjoncture économique qui a pour conséquence des rendements inférieurs aux années précédentes. La deuxième raison peut provenir effectivement de l'arrivée sur le marché d'un certain nombre de sociétés avec des fonds propres importants, qui influencent les chiffres globaux.
Comme vous le savez, à Genève la fiscalité des personnes morales est tellement pointue qu'elle en est dangereuse. C'est indiqué, sauf erreur, aux pages 3 et 4 du rapport de majorité : cinq entreprises participent pour le quart de l'impôt perçu sur les personnes morales, les dix premières représentent le tiers et les trente-cinq plus importantes fournissent la moitié des recettes fiscales sur le bénéfice. C'est vous dire à quel point nous devions être attentifs par rapport à ces entreprises.
Dès lors, le compromis que nous avons trouvé nous semble répondre de manière satisfaisante à différents critères. Il permettra, entre autres, aux entreprises une budégtisation de leur charge fiscale beaucoup plus facile puisque basée sur un taux fixe de 10%. Je vous rappelle que le taux fixe de 10% est le taux de l'impôt de base qui porte le taux global cantonal à environ 25% avec les centimes additionnels cantonaux et communaux, auxquels il faut rajouter les 8,5% d'impôts fédéraux. Cela veut dire que les entreprises à Genève sont taxées globalement à un taux quelque peu supérieur à 33%, soit un peu plus du tiers.
Suite à cela, bien évidemment, les bénéfices nets distribués sous forme de dividendes sont ensuite taxés au niveau des personnes physiques dans le cadre de leurs revenus. C'est ce qu'on appelle la «double imposition» : une exclusivité que l'on ne connaît nulle part ailleurs. C'est pour cela du reste que les taux sur les entreprises vous paraissent plutôt bons sur le plan helvétique. Ce n'est pas tout à fait juste parce qu'on peut constater - on l'a vu encore hier dans une enquête réalisée par l'un des quotidiens de la place - que nous sommes dans les moyennes européennes. Les autres pays ne connaissent cependant pas cette double imposition. Par exemple, l'avoir fiscal en France permet de déduire sur l'imposition des personnes physiques des impôts qui ont été perçus au niveau des personnes morales.
Le compromis trouvé est satisfaisant. La baisse très minime que nous opérons sur l'imposition des capitaux a une valeur tout autant, si ce n'est plus, symbolique que réelle : une baisse de 10%. On passe d'un taux de 2% à un taux de 1,8%. Il présente pour nous le grand avantage de montrer que les entreprises qui ont été incitées à capitaliser pendant de nombreuses années, pour favoriser une baisse du taux de fiscalité, ne sont pas pénalisées maintenant par ce changement radical de système. Il ne leur reste, en fait, aucun avantage à la capitalisation, mais au contraire des désavantages vu que les fonds propres sont taxés. Nous montrons par ce signe concret que nous avons pensé à ces entreprises.
Sans doute aurions-nous dû aller plus loin, nous en sommes tout à fait conscients, Monsieur Ducommun ! Nous savons que c'est certainement la raison de l'abstention radicale, et vous allez nous le redire. Mais nous avons voulu trouver un compromis large par rapport à une réforme qui a des avantages pour les entreprises, mais aussi pour l'Etat.
Au niveau de la budgétisation des recettes de l'Etat, en ce qui concerne les personnes morales, ce projet sera bien plus facile à appliquer dans la mesure où les seuls critères qui pourront être pris en considération - et ce n'est déjà pas peu de choses - seront les capacités bénéficiaires de l'ensemble des entreprises, auxquelles on appliquera un taux unique de 10% et les centimes additionnels qui l'accompagnent.
C'est donc avec entrain que le parti libéral soutient ce projet de loi. Une fois de plus, nous aurions pu imaginer étendre plus largement ce nouveau principe. Il nous semble qu'à ce stade nous effectuons un grand pas vers l'eurocompatibilité, et peut-être aurons-nous une nouvelle fois l'occasion - parce que je crois que ce débat ne doit pas être abandonné - de revoir ce problème de la double imposition, même si c'est dans le cadre d'un principe de neutralité fiscale intégrale. Il s'agit d'un problème sans doute plus helvétique que genevois, mais il faudra néanmoins revoir clairement l'ensemble de nos structures fiscales dont ce problème fait partie.
M. Daniel Ducommun (R). Le groupe radical s'est effectivement abstenu lors du vote final en commission, car il y a comme un goût d'inachevé dans ce projet de loi. Cela n'a évidemment rien à voir avec les qualités du rapport de Stéphanie Ruegsegger.
Les travaux ont duré trois ans; cela démontre un certain embarras à trouver une solution idéale et pour l'Etat et pour les entreprises. Il y a antagonisme : d'une part, l'Etat va encaisser davantage. C'est une position défendue par les auteurs du projet de loi. Mme Calmy-Rey et Mme Sayegh avaient fixé la barre à 12%, mais ont compris qu'il ne fallait pas aller si loin après les travaux en commission. Malheureusement, cela a été repris par l'Alliance de gauche, mais elle peut encore comprendre, bien sûr !
D'autre part, il y a les entreprises qui ne veulent pas payer plus d'impôts. C'est une doctrine plutôt défendue sur les bancs de la droite, qui redoutent peut-être de nouvelles pressions sur l'emploi. Augmenter l'impôt signifie plus de charges pour l'entreprise, plus de coûts et donc moins de possibilités pour l'emploi. Cela me paraît relativement simple. Les doux rêveurs nous informent que le taux fixe ou le taux proportionnel est moderne, simple et eurocomptabile. Mais les économistes qui sont un peu plus réalistes précisent que deux tiers des entreprises du secteur tertiaire - celles qui sont pourvoyeuses d'emplois - seront pénalisées par une augmentation d'impôts importante, car l'imposition sur le bénéfice pourra passer de 6% à 10% pour certaines, ce qui représente tout de même une augmentation de 65% du barème.
Alors attention aux dégâts sur l'emploi, compte tenu du risque de mobilité, parce que les entreprises du tertiaire peuvent plus facilement se délocaliser, ainsi qu'au risque important de décapitalisation !
Mesdames et Messieurs, la Confédération vient de légiférer sur ce même thème. Si le taux fixe a été arrêté à 8,5% - les paramètres sont évidemment différents - la Confédération a quand même légiféré sur un moyen de compensation. M. Brunschwig en parlait : c'est l'impôt sur le capital qui a été aboli. Car si le taux devient fixe et non plus progressif, l'impôt sur le capital ne se justifie plus. L'Europe entière a compris cela et quasiment plus aucun pays ne prélève des impôts sur le capital.
Nous, que faisons-nous ? Nous réduisons l'impôt sur le capital de 2%o à un 1,8%, avec une timidité et une retenue inquiétantes pour nos entrepreneurs ! Pourtant un signal avait été lancé par le dépôt en septembre 1996 du projet de loi 7516, cosigné par plusieurs de nos collègues avec la collaboration des milieux de l'économie. Il proposait que l'impôt sur le capital passe à 0,3% pour la part du capital inférieure à cinq millions, puis l'imposition normale à 2%. Voilà qui aurait été un signe tangible de motivation et de protection de l'emploi qui est - je le répète - la priorité principale de notre canton. Nous n'avons pas été suivis; tant pis ! Au vote final, un compromis acceptable à 1,5% avait été trouvé et, en dernière minute, suite à un échange digne d'un souk, ce taux a été porté à 1,8%.
En conséquence et compte tenu du souci du parti radical vis-à-vis des entreprises du secteur tertiaire notamment, touchées fortement par ce projet, nous nous abstiendrons.
M. Bernard Clerc (AdG). L'examen de ce projet de loi doit avoir lieu sous l'angle de la nécessité de réduire le déficit du canton. Curieusement, tous les partenaires qui ont signé l'accord de la table ronde et qui soutiennent le projet de loi constitutionnelle appuient cette réforme de l'imposition des personnes morales avec une neutralité des rentrées fiscales, alors qu'il semble que leur préoccupation essentielle est la réduction des déficits budgétaires.
En 1997, les recettes fiscales en provenance des entreprises, centimes additionnels cantonaux compris, représentaient 573 millions, c'est-à-dire 13% des recettes de l'Etat et 17% du total des impôts. Cette participation des entreprises au fonctionnement de l'Etat est faible si l'on considère les prestations fournies aux entreprises en matière d'infrastructure, de formation de la main-d'oeuvre ou de sécurité, pour ne prendre que ces exemples. Elle est faible également en comparaison internationale et reste dans la moyenne sur le plan suisse. De 1993 à 1996, le bénéfice imposable a augmenté de 32% alors que le capital imposable progressait, lui, de 35% et ce malgré un contexte économique difficile. Par contre - et cela a été reconnu par M. Brunschwig - pendant la même période, le taux d'imposition moyen de base sur le bénéfice passait de 9,94% à 8,86% et celui sur le capital de 0,17% à 0,12%, donc une baisse de l'imposition moyenne des entreprises.
Ce phénomène est dû en partie à la surcapitalisation qui a permis de réduire l'intensité de rendement et donc le taux d'imposition, notamment pour les entreprises fortement capitalisées. A cet égard, il est d'ailleurs intéressant de regarder l'évolution de l'imposition des quarante-cinq plus grandes entreprises du canton, puisque la plus grande avait un taux d'imposition de 14% en 1992, soit le maximum, qui est descendu à 8% en 1996.
De ce point de vue, nous sommes favorables au passage à un taux fixe pour éviter ce phénomène de surcapitalisation, mais évidemment pas à celui retenu par la majorité de la commission, à savoir 10%. Ce taux de 10% est d'autant moins admissible qu'il s'accompagne, en plus, d'une baisse de l'impôt sur le capital de 2% à un 1,8%, et cela n'intègre pas la suppression totale de l'impôt sur le capital intervenue au 1er janvier de cette année en matière d'impôt fédéral direct; 0,8% d'impôt sur le capital qui a été complètement supprimé...
Si l'on considère maintenant les quarante-cinq entreprises contribuant le plus à l'impôt des personnes morales, la baisse du taux moyen d'imposition est encore plus marquée. Ces quarante-cinq entreprises sont passées en moyenne de 11,8% en 1992 à 9,63% en 1996. Nous avons examiné ce qu'il adviendrait de ces entreprises si le taux fixe à 10% était introduit. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de ce Grand Conseil ferait un cadeau fiscal à vingt-six de ces quarante-cinq grandes entreprises, c'est-à-dire à plus de la moitié d'entre elles, puisque leur taux d'imposition est supérieur à 10% en 1996. Nous ne pouvons pas accepter cela en période de déficit budgétaire.
L'Alliance de gauche est favorable au taux fixe de 12%, prévu par le projet de loi de Mmes Calmy-Rey et Sayegh. Le passage à ce taux implique des à-coups par rapport au mode d'imposition actuel. Nous proposons de passer au taux fixe de 12% en trois étapes : 1999, 2000 et enfin 2001.
En guise de conclusion, ne nous faites pas croire que l'imposition des entreprises dans les limites évoquées aujourd'hui peut avoir un effet quelconque sur l'emploi ! Toutes les études faites en Europe montrent qu'il n'existe aucun lien entre l'imposition des entreprises et la création ou la perte d'emplois. C'est un mythe que certains continuent à propager, mais ce mythe sert surtout à tenter de baisser l'imposition des entreprises.
Mme Micheline Calmy-Rey. Le système d'imposition du bénéfice des personnes morales, basé actuellement sur l'intensité de rendement, a créé des différences de traitement injustifiées du point de vue économique.
En particulier, il suscite une distorsion dans l'usage des facteurs de production au profit du capital et cet avantage peut s'exercer aux dépens du travail. Selon une étude réalisée par le laboratoire d'économie appliquée, ce système a provoqué une surcapitalisation des sociétés évaluée à 40% des entreprises soumises à l'imposition. Ce système a également contribué à pénaliser les petites et moyennes entreprises, notamment les nouvelles entreprises qui ont plus de difficultés à se financer par fonds propres et qui doivent, dès lors, recourir à un financement par fonds étrangers. Enfin, il faut dire que ce système a généré une distorsion en faveur du secteur tertiaire dont le taux de rendement moyen est généralement inférieur à celui du secteur secondaire. L'abandon du système d'imposition basé sur l'intensité de rendement se justifie donc pour toutes ces raisons. Les effets d'un passage à un système proportionnel sont difficiles à chiffrer, mais on peut s'attendre aux conséquences suivantes selon le professeur Carlevaro qui, sur ce point, a présenté les résultats de ses travaux à la commission fiscale.
Le passage à un taux fixe de 10% profiterait aux sociétés immobilières en voie de dissolution, dont les rabais sont aujourd'hui calculés sur les taux maximum et qui, désormais, seront calculés sur le taux de 10%. Le taux fixe profiterait à certaines activités comme l'industrie du tabac, l'horlogerie, le bâtiment, le commerce de détail et les services de santé. Alors que d'autres seraient touchées comme les banques, les sociétés financières et les assurances. En résumé, il allégerait une part des bénéfices du secteur secondaire et alourdirait une majorité des bénéfices du secteur tertiaire. Mais, soyons clairs, Monsieur Ducommun, toutes les sociétés du secteur tertiaire ne passeraient pas de 6 à 10%, car certaines sont situées à l'intérieur de cette fourchette.
A souligner encore que le système en vigueur induit une surcapitalisation qui affecte la moitié des capitaux imposables et que le passage au taux fixe pourrait provoquer une décapitalisation ayant pour conséquence une diminution des recettes de l'impôt sur le capital. La commission fiscale a cherché le moyen de corriger la force de l'effet en liant l'introduction du taux fixe à une diminution légère, il est vrai, de l'impôt sur le capital.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, le nouveau système se révèle plus approprié. Il est compatible avec celui des autres pays européens; il est plus simple; il est plus transparent et il est économiquement plus raisonnable dans la mesure où il n'introduit pas les distorsions que j'ai évoquées tout à l'heure. Financièrement parlant, le taux de 10% est théoriquement quasi neutre. Politiquement il est acceptable puisqu'en tout état de cause, en commission fiscale, une majorité de partis a décidé de soutenir un taux unique à 10%. Je vous engage donc à bien vouloir accepter ce projet.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article unique (souligné)
Art. 20
M. Bernard Clerc (AdG). Une erreur de formulation s'est glissée dans notre amendement à l'article 20. Il faut remplacer «12% en 2001» par «12% dès 2001. »
Le président. Je mets donc aux voix l'amendement présenté par Mme Wenger, dont la teneur est la suivante :
«Le taux d'impôt sur le bénéfice net est fixé à 10% en 1999, à 11% en 2000, à 12% dès 2001.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 20 est adopté.
Art. 33
Le président. Je mets aux voix le second amendement présenté par Mme Wenger dont la teneur est la suivante :
«L'impôt sur le capital propre est de 2%». :
La fin de l'article : «Pour les sociétés et coopératives n'ayant pas de bénéfices imposables, ce taux est de 2%» étant supprimée.
M. Bernard Clerc (AdG). Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre16 oui et 9 abstentions.
Ont voté non (57) :
Esther Alder (Ve)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Charles Beer (S)
Jacques Béné (L)
Janine Berberat (L)
Madeleine Bernasconi (R)
Claude Blanc (DC)
Anne Briol (Ve)
Christian Brunier (S)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Juliette Buffat (L)
Fabienne Bugnon (Ve)
Pierre-Alain Champod (S)
Jacqueline Cogne (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Christian de Saussure (L)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Marie-Thérèse Engelberts (DC)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
David Hiler (Ve)
Antonio Hodgers (Ve)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Georges Krebs (Ve)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Alain-Dominique Mauris (L)
Jean-Louis Mory (R)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Chaïm Nissim (Ve)
Jean-Marc Odier (R)
Barbara Polla (L)
Véronique Pürro (S)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Albert Rodrik (S)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Christine Sayegh (S)
Louis Serex (R)
Walter Spinucci (R)
Micheline Spoerri (L)
Pierre-François Unger (DC)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Ont voté oui (16) :
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Dolorès Loly Bolay (AG)
Bernard Clerc (AG)
Anita Cuénod (AG)
Jeannine de Haller (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Christian Grobet (AG)
Pierre Meyll (AG)
Rémy Pagani (AG)
Martine Ruchat (AG)
Pierre Vanek (AG)
Salika Wenger (AG)
Se sont abstenus (9) :
Jean-François Courvoisier (S)
Régis de Battista (S)
Alexandra Gobet (S)
Marianne Grobet-Wellner (S)
Dominique Hausser (S)
René Longet (S)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Myriam Sormanni (S)
Alberto Velasco (S)
Etaient excusés à la séance (5) :
Bénédict Fontanet (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Danielle Oppliger (AG)
Jean-Pierre Restellini (Ve)
Olivier Vaucher (L)
Etaient absents au moment du vote (12) :
Bernard Annen (L)
Luc Barthassat (DC)
Roger Beer (R)
Nicole Castioni-Jacquet (S)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Hubert Dethurens (DC)
Magdalena Filipowski (AG)
Claude Haegi (L)
Michel Halpérin (L)
Bernard Lescaze (R)
Louiza Mottaz (Ve)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Présidence :
Jean Spielmann, président.
Mis aux voix, l'article 33 est adopté
Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je voudrais proposer à ce Grand Conseil d'adopter, pour ce projet de loi, la même procédure que celle qui a été retenue dans le cadre du budget ce matin. A vous entendre les uns et les autres - notamment vous, Monsieur Brunschwig, qui êtes très prompt à lever la main - il semblerait que vous ne soyez pas d'un très grand optimisme à la veille de la votation de ce week-end... Alors vous m'accorderez, Monsieur Brunschwig, que faire de la politique c'est aussi prévoir et il n'est pas totalement déraisonnable - vous en conviendrez, je pense - d'imaginer que le résultat du vote de ce week-end risque de ne pas correspondre à celui que vous attendez. Dans cette hypothèse, Mesdames et Messieurs les députés, il serait totalement insensé de vouloir aujourd'hui, d'un revers de main, écarter une proposition de recettes supplémentaires dont nous sommes saisis et qui pourrait - vous le savez - rapporter 160 millions de plus pour tenter de réduire le déficit.
Je vous propose en conséquence - dans l'esprit et la logique qui a été celle qui nous a conduits à remettre le troisième débat sur le budget, après le vote du souverain de ce week-end - d'en faire de même pour ce projet de loi. Car si, comme nous le souhaitons fortement, le projet de loi constitutionnelle est rejeté, il conviendra alors de relever les manches et de trouver d'autres solutions, cette fois-ci plus conformes à la politique sociale attendue par la grande majorité de cette population. Dans cette optique, il faudra bien examiner les possibilités de recettes supplémentaires nouvelles.
Il serait aberrant - et je n'ose le penser - que la majorité de ce Grand Conseil n'accepte pas, dans cet esprit, de suivre au moins cette proposition de procédure, à savoir de se déterminer quant au troisième débat après le vote de ce week-end. Raison pour laquelle, Monsieur le président, je vous demanderai de bien vouloir faire voter sur la proposition de reporter le troisième débat à la séance du mois de janvier.
M. Nicolas Brunschwig (L). Je dois dire que l'on ne peut être que choqué par les propos de M. Ferrazino... Il se plaint que nous n'acceptions pas 160 millions d'impôts supplémentaires par le biais des impôts sur les personnes morales, alors que lui-même et son parti s'opposent à un projet de loi constitutionnelle qui rapporterait 180 millions d'impôts supplémentaires ! Monsieur Ferrazino, vous employez des formules qui ne correspondent à aucune réalité et le populisme dont vous faites preuve, vous et votre parti, sur ce projet de loi constitutionnelle se manifeste une fois de plus encore aujourd'hui.
Nous, les libéraux, sommes convaincus qu'une majorité de la population va comprendre l'importance du vote du 20 décembre, et nous sommes optimistes, quoi que vous en pensiez, sur le résultat de ce scrutin.
D'autre part, nous tenons à vous dire que les modifications que nous apportons ici sont des modifications fondamentales sur des éléments fiscaux techniques. Quel que soit le résultat du vote du 20 décembre, celles-ci doivent se faire afin que nous ayons une imposition plus moderne, plus équitable et plus compatible avec l'Europe.
Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons de repousser ces manoeuvres tactiques et politiciennes de bas étage.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. J'aimerais rappeler que les travaux de la commission ont duré plus de trois ans et que l'objet n'a absolument rien à voir avec le budget.
M. David Hiler (Ve). J'ai bien compris les conseils de M. Ferrazino, mais nous allons nous permettre de ne pas les suivre. Pourquoi ? En raison du vieil adage : «un tiens vaut mieux que deux tu l'auras» ! Dans l'immédiat, nous allons voter ce projet qui permet d'avoir un taux fixe, qui est essentiel, et d'obtenir au passage - je le signale quand même puisque le lien a été fait avec les cinq dernières années - probablement quelques millions de plus. Cela permettra en tout cas d'arrêter l'hémorragie et de profiter de l'accord assez large sur ce point pour mettre ces réserves dans le grenier.
Suite au vote du 20 décembre, nous aurons l'occasion de rediscuter différentes questions. Mais s'agissant de reporter le vote sur le présent projet de loi, vous aurez évidemment compris le risque, Monsieur Ferrazino ! Si l'on vous suit, on se retrouvera probablement avec le même système que celui que nous avons eu jusqu'à présent et dont tout le monde admet qu'il n'est pas satisfaisant. Au pire des cas d'ailleurs, si nous devions vous suivre, il faudrait tout de même discuter sérieusement de l'impact sur les entreprises et les PME en particulier, sur leur capacité d'investissement, de réinvestissement. En l'état, la solution a été bien étudiée et je ne crois pas que nous fassions preuve d'imprévoyance en votant ce qui peut être voté aujourd'hui.
M. Claude Blanc (PDC). J'aimerais dire à M. Ferrazino et à ses amis politiques ce que je leur avais déjà dit, d'ailleurs, lors du débat d'entrée en matière sur le paquet ficelé : le vote sur le paquet ficelé est la dernière chance que vous ayez d'obtenir des augmentations de la fiscalité. Il n'y en aura pas d'autres, parce que si nous arrivons à les obtenir, c'est qu'elles sont liées à des mesures d'économie. Présentées seules, ces mesures vous seront toutes refusées par le peuple comme il vous a déjà refusé les précédentes. Mettez-vous bien ça dans la tête !
Si, malheureusement, dimanche vous ratez le coche et que vous n'obtenez pas les augmentations fiscales que nous espérons tous, c'est aux dépenses exclusivement qu'il faudra s'attaquer. A vous de choisir !
Le président. Le renvoi du troisième débat a été proposé. Je vous lis l'article 134 du règlement sur le troisième débat : «Le troisième débat porte sur le texte résultant du deuxième débat. Il est porté à l'ordre du jour d'une séance ultérieure. Toutefois, l'assemblée peut, sur proposition : a) d'une commission unanime; b) du Conseil d'Etat, c) du bureau unanime, décider par vote d'ouvrir immédiatement le troisième débat.»
Vous êtes donc libres d'ouvrir le troisième débat ou non.
Mise aux voix, la proposition d'ouvrir le troisième débat est adoptée.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7221)
modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (D 3 15)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit :
Art. 20 Sociétés de capitaux et coopératives (nouvelle teneur)
Le taux d'impôt sur le bénéfice net est fixé à 10 %.
Art. 33 Sociétés de capitaux et coopératives (nouvelle teneur)
L'impôt sur le capital propre est de 1,8 %. Pour les sociétés et coopératives n'ayant pas de bénéfices imposables, ce taux est de 2 %.
M. Daniel Ducommun (R). En conséquence de ce vote, le projet de loi 7516 est retiré.
Le Grand Conseil prend acte du retrait du projet de loi 7516.
La motion dont il est fait ici rapport, déposée le 29 mars 1989, invite le Conseil d'Etat :
à ce que, lors de présentation des projets de lois ou toutes autres propositions de travaux au Grand Conseil, l'exposé des motifs comporte systématiquement :
un paragraphe détaillé et critique sur les possibilités de gestion énergétique optimale étudiées, prévues et retenues ;
un paragraphe détaillé et critique sur les possibilités de gestion optimale de l'eau étudiées, prévues et retenues.
Depuis lors, des réponses favorables ont été données à cette motion à plusieurs reprises.
Ainsi, concernant la gestion énergétique, la loi accordant un crédit de construction pour l'adaptation et l'extension de la station d'épuration des eaux (STEP) Aïre II, il a été commandé une mini-turbine qui permettra de récupérer l'énergie hydraulique des eaux épurées à la sortie de la STEP.
Le procédé d'abattement des oxydes d'azote (DENOX) de l'usine des Cheneviers, adopté par votre Conseil en avril 1998, a été placé dans la veine des gaz de combustion afin que le procédé ne nécessite pas d'appoint d'énergie.
Le projet de loi concernant la mise en place d'une installation de méthanisation sur le site du Nant-de-Châtillon, actuellement à l'examen de votre Conseil, prévoit une valorisation du biogaz produit sous forme de production d'énergie électrique. Une étude détaillée a permis d'optimiser le rendement de l'installation du point de vue énergétique.
Ces projets sont en cours de réalisation ou en voie de l'être.
En matière de gestion optimale de l'eau, il est à noter que toute la gestion hydraulique de la nouvelle STEP d'Aïre est basée sur un concept judicieux qui permet de minimiser l'utilisation d'eau potable au profit d'eau industrielle.
Il en a été de même pour la construction de l'usine des Cheneviers.
Quant à la collecte des eaux de ruissellement des routes et parkings, elle fait l'objet, pour chaque nouveau projet de construction, d'une recherche des possibilités de lutte à la source, soit en maintenant, autant que faire se peut, la perméabilité des sols, soit en ayant recours à d'autres solutions plus innovantes.
A titre d'exemple, il peut être cité l'étude de la route dite du Bois-Brûlé, destinée à relier la route de Colovrex à la route de Ferney, et qui intègre le concept de « chaussée réservoir », afin de contrôler les débits et répondre ainsi au principe de prévention défini dans la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE).
Pour le surplus, le Conseil d'Etat se propose de continuer, à l'avenir, de mentionner dans les propositions faites à votre Conseil les options retenues en matière de gestion de l'énergie et de l'eau.
Annexe M 577 page 3
Débat
M. Chaïm Nissim (Ve). Je regrette que ce projet de motion figure au chapitre du DIAE. C'est le département qui s'occupe maintenant de l'énergie et c'est d'ailleurs pour cette raison que cette motion a été reprise par ce département.
Mais, en réalité, cette motion posait le problème de la construction à Genève, sous ses aspects hydrologique et énergétique, et je pense que les auteurs, MM. Loutan et Schneider, auraient souhaité que ce soit le DAEL qui réponde à cette motion. Je dois avouer que je suis un peu déçu par cette réponse.
Les auteurs de cette motion proposaient que la présentation de tous les projets de construction à Genève comprenne systématiquement : un paragraphe détaillé et critique sur les possibilités de gestion énergétique et un paragraphe détaillé et critique sur les possibilités de gestion de l'eau, pour que les députés puissent enfin faire de la politique.
Monsieur Moutinot, je vous l'ai dit lors de la dernière séance de la commission des travaux. Je vous le redis en plénière : nous voudrions, lors des projets de construction, que les politiciens, les députés, puissent prendre leur destin en mains. Pour cela, il faudrait qu'on nous présente des variantes énergétiques ou des variantes en matière de gestion de l'eau, et qu'on puisse comparer leur coût et choisir en toute connaissance de cause.
C'est vrai, il y a eu des progrès depuis ces dernières années et la motion en évoque quelques-uns : quelques projets ont intégré des études en matière de gestion d'énergie. Mais nous n'avons jamais eu le choix entre plusieurs possibilités et nous ne connaissions jamais les coûts des projets que nous votions. Nous voudrions - nous l'avons déjà dit à maintes reprises, mais je profite de cette occasion pour le redire encore une fois - avoir des alternatives et participer aux études. Par exemple : une variante solaire est-elle possible ? Quel en serait le coût ? Que rapporterait-elle ? Existe-t-il une variante possible de meilleure isolation ? Une variante de chaufferie ? Un couplage chauffage/chaleur-force pourrait-il être intégré dans cette construction ? Quel en serait le coût supplémentaire. Quel en serait le bénéfice ? C'est ce que nous voulons. Je sais que vous y êtes sensible et c'est ce que nous attendons lorsque nous déposons des motions comme celle-ci. Malheureusement, jusqu'à maintenant, extrêmement peu de projets - deux si mes souvenirs sont bons depuis douze ans que je suis dans ce Grand Conseil - comprenaient des variantes.
M. Robert Cramer. Je peux comprendre que M. Nissim regrette que la réponse du Conseil d'Etat soit moins fouillée qu'il le souhaiterait. Je lui demande de considérer tout d'abord que ce n'est pas le DIAE ou le DAEL qui répond, mais le Conseil d'Etat. Je lui demande de considérer également que le Conseil d'Etat, dans la conclusion de cette réponse, indique qu'il entend mentionner, à l'avenir, dans les propositions qu'il sera amené à faire à votre Conseil en matière de constructions, les options qui ont été retenues en matière de gestion de l'énergie et de l'eau.
Alors, pour cela, jusqu'où faut-il aller ? Doit-on se borner à intégrer ces options au niveau de la réflexion et vous dire pourquoi nous avons fait un certain nombre de choix ? Faut-il aller plus loin pour aller dans le sens que vous préconisez, c'est-à-dire expliquer, chiffres à l'appui, quelles sont les différentes options possibles et, ensuite, donner la possibilité au Grand Conseil de se déterminer sur chacune de celles-ci ? Faut-il aller encore plus loin ? C'est toujours une question de proportionnalité. En effet, lorsque nous arrivons devant votre Grand Conseil avec des projets de travaux, ces projets ont fait l'objet d'études préalables et, évidemment, plus nous demandons au mandataire d'approfondir ces études, plus nous nous exposons à des frais supplémentaires à ce stade-là des travaux.
Ce que je vous suggère, c'est de prendre acte de cette volonté du Conseil d'Etat d'intégrer dans ses réflexions en matière de travaux les questions relatives à la gestion de l'eau et de l'énergie, d'examiner attentivement les rapports que vous fait le Conseil d'Etat à l'appui de ces demandes de travaux et peut-être, rapport après rapport, de préciser ce qui vous semblerait manquer encore pour que ces rapports répondent mieux à vos voeux. Ainsi, on essayera, à travers un dialogue qui s'instaurera avec la commission des travaux, d'arriver finalement à trouver un point d'équilibre entre les indications que vous souhaitez et le travail des mandataires.
C'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat vous demande de prendre acte de la réponse qui est faite à la motion 577.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La motion dont il est fait ici rapport, adoptée le 14 avril 1989, invite le Conseil d'Etat :
à encourager l'utilisation locale des eaux de pluie dans tous les bâtiments en construction ou transformation ;
dans tous les projets qui le permettent, autoriser la suppression de la deuxième canalisation actuellement obligatoire pour l'écoulement des eaux claires.
Suite à l'interpellation (I 1927 du 24 mars 1995) de M. Max Schneider, député à l'époque, demandant de faire le point sur l'état des travaux de la motion précitée, le Conseil d'Etat a remis à votre Conseil, lors de sa séance du 21 septembre 1995, un rapport circonstancié répondant aux deux invites de la motion. Nous vous en rappelons ci-après la substance.
De façon générale, l'utilisation locale des eaux de pluie permet de diminuer la consommation d'eau et d'économiser, de la sorte, de l'énergie (préparation, épuration).
Les Services industriels de Genève (SIG), qui gèrent l'ensemble du réseau de distribution d'eau dans le canton, agissent dans ce sens et il convient de se rappeler de deux campagnes destinées au grand public : celle intitulée « Eau qui goutte, eau qui coûte » et celle du printemps 1995 visant à sensibiliser la population à la valeur de l'eau.
Pour sa part, l'Office cantonal de l'énergie intègre l'économie d'eau dans ses activités. Quelques exemples concrets :
Incitation systématique à l'économie d'eau pour diminuer la consommation d'énergie des bâtiments neufs et existants (loi sur l'indice et le décompte individuel). Cette disposition légale, qui agit explicitement sur l'eau chaude, vise à diminuer simultanément la consommation d'eau chaude et d'eau froide.
Approche systématique, depuis 1990, de l'économie d'eau dans les concepts énergétiques tel celui du bâtiment communal de Confignon.
Cours et travaux sur les économies d'eau en collaboration avec l'école des arts et métiers durant la formation des techniciens sanitaires.
Cahier central du magazine « L'énergie N° 16 » (printemps 1995) sur le coût de l'eau et conseils pour l'économiser.
De plus, le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (DIAE) exige, lors de demandes d'autorisation de construire, où cela s'avère nécessaire, la création de bassins de rétention des eaux pluviales, notamment pour les nouvelles constructions des établissements horticoles (serres).
Au-delà de ces éléments, le Département de l'aménagement de l'équipement et du logement (DAEL) et le DIAE souscrivent à la volonté de faire connaître les possibilités de réutilisation de l'eau de pluie, parmi lesquelles, notamment, le développement des toitures et parois végétalisées. Ils travaillent à la création d'un document décrivant les possibilités de gestion des eaux pluviales au niveau de la parcelle.
Quant à la deuxième invite qui a trait à l'autorisation de supprimer la deuxième canalisation pour l'écoulement des eaux claires, il convient de rappeler que la loi fédérale sur la protection des eaux, du 24 janvier 1991, prévoit à son article 7 que les eaux non polluées doivent être évacuées par infiltration dans le sol ou, si les conditions locales ne le permettent pas, être déversées dans les eaux superficielles.
C'est principalement ce dernier mode d'évacuation des eaux pluviales qui est appliqué à Genève depuis de nombreuses années, ceci pour deux raisons : la densification des constructions et la nature du sous-sol (peu perméable).
Ce principe nécessite la mise en place du système séparatif d'évacuation des eaux, soit une canalisation pour les eaux usées et une pour les eaux pluviales.
Dans la mesure où un immeuble ne rejetterait pas d'eaux claires, rien ne s'oppose à ce que seule la canalisation de raccordement des eaux usées au réseau public soit réalisée. Toutefois cette installation implique que la totalité des eaux claires, à savoir les eaux de toiture, de parking, de cheminement, de drainage, de fontaine, etc. soient infiltrées dans le sol et/ou stockées dans un réservoir ad hoc. Dans le cas contraire, le raccordement des eaux claires à l'équipement public correspondant demeure nécessaire. Cette exigence s'appliquerait également si l'exploitation du système proposé devait être abandonné. A cet effet, une servitude devrait être prévue, contraignant le propriétaire à prendre les dispositions qui s'imposent.
Quant aux eaux de surverse des bassins de stockage, elles devraient être raccordées au réseau d'eaux pluviales.
Pour ce qui est de l'aspect de protection du milieu, évoqué par les motionnaires, notamment pour juguler les crues dans les cours d'eau, le stockage des eaux de pluie sous la forme proposée n'est peut-être pas des plus approprié dès lors que le bassin concerné peut se trouver plein en cas de fortes pluies. Si l'on veut qu'il fasse également office de rétention, il faut alors le dimensionner en conséquence.
Dans le domaine de la protection quantitative des cours d'eau, l'Etat de Genève favorise déjà, lorsque cela est possible, la mise en place de mesures de rétention des eaux. Il s'agit en particulier de la création de bassins de rétention, de l'aménagement de chemins, de places de parking perméables, de l'infiltration des eaux dans le sol, etc.
En conclusion les travaux entrepris par le DIAE, en collaboration avec le DAEL, pour définir les possibilités de gestion des eaux pluviales au niveau de la parcelle permettront de prolonger la réponse donnée à la présente motion et confirment l'intérêt que l'Etat porte à une gestion adéquate des eaux de pluie.
Débat
Mme Anne Briol (Ve). Ces deux derniers mois, le Conseil d'Etat a répondu à des motions écologistes relatives au développement des toitures végétalisées, à l'utilisation rationnelle de l'eau de pluie et de l'énergie dans la construction. Les Verts se réjouissent de l'écho favorable que le Conseil d'Etat a réservé à ces motions. En effet, dans chacune de ses réponses, le Conseil d'Etat insiste sur sa volonté de tout mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs. Il précise, par exemple, que pour toute nouvelle construction les possibilités de lutte à la source seront recherchées.
Nous espérons vivement que ces intentions seront très largement concrétisées à l'avenir. Pour élargir son champ d'action, il serait également souhaitable que le Conseil d'Etat s'efforce de faire diminuer l'imperméabilisation existante. Il a déjà effectué un très grand pas dans ce sens avec son projet de renaturation de la Seymaz. Cependant notre canton compte encore de nombreuses surfaces imperméabilisées qui n'ont plus lieu d'être. Il serait donc très positif que le Conseil d'Etat fasse passer ce message aussi souvent que possible auprès de ses services, des autorités ou des personnes concernées.
M. Alain Etienne (S). Je tiens à remercier le Conseil d'Etat pour sa réponse à la motion 578 concernant l'utilisation rationnelle de l'eau de pluie.
Je note avec un vif intérêt que le DAEL et le DIAE travaillent ensemble à la création d'un document décrivant les possibilités de gestion des eaux pluviales au niveau de la parcelle, ainsi que leur volonté de voir se développer les toitures et les parois végétalisées.
Vous parlez d'économie d'eau au niveau de la consommation; la motion, elle, parle notamment de l'utilisation de l'eau de pluie dans les bâtiments. Quelles sont les perspectives développées à Genève ?
En ce qui concerne la deuxième invite, soit le mode d'évacuation des eaux pluviales appliqué à Genève, l'article 7 de la loi fédérale sur la protection des eaux, du 24 janvier 1991, prévoit effectivement que les eaux non polluées doivent être évacuées par infiltration conformément aux règlements cantonaux. Que dit le règlement cantonal de Genève à ce sujet ? N'a-t-on pas pris à Genève un peu facilement comme règle générale le déversement des eaux non polluées dans les eaux superficielles ? N'y a-t-il pas là moyen d'avoir une approche plus sensible ?
Quelles sont aussi les incitations en la matière proposées aux propriétaires des parcelles et aux architectes, lors de la construction de nouveaux bâtiments ? Comment favorise-t-on à Genève la récupération des eaux de toiture, l'aménagement de chemins et de places de parkings perméables, la rétention de l'eau par des toitures végétalisées ?
Presque dix ans après le dépôt de cette motion, c'est un bilan qu'il nous faudrait aujourd'hui sur la gestion globale des eaux pluviales. Nous vous laissons du temps pour agir, mais nous attendons avec impatience les résultats de vos travaux engagés sous le signe d'une parfaite collaboration entre les départements.
Le groupe socialiste prend acte de ce rapport.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Lors de ses séances du 3 septembre et du 1er octobre 1998, la Commission de l'environnement et de l'agriculture, présidée par M. F. Courvoisier, en présence de M. R. Cramer, chef du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (DIAEE) et de Mme A.-C Desprez, directrice du Service des forêts, de la protection de la nature et des paysages, a examiné la proposition de motion 1151 concernant la création d'une réserve naturelle entre les communes de Veyrier et d'Etrembières pour protéger les étangs qui s'y trouvent.
Discussion de la commission
En préambule, Mme Desprez nous dresse un tableau général des initiatives transfrontalières en cours, entre autres le contrat-rivière Arve, la réalisation future d'un sentier pédestre allant d'Etrembières à Chamonix qui pourrait se prolonger sur le territoire genevois, le plan vert-bleu élaboré au sein du CRFG (Comité régional franco-genevois) avec le projet de création de couloirs écologiques le long des cours d'eau, la protection du Salève, l'élaboration par le département de schémas directeurs du paysage qui ne s'arrêteront pas à la frontière.
Mme Desprez souligne la réalité des collaborations et confirme que Genève entretient de très bonnes relations avec la France voisine.
Elle fait remarquer que compte tenu des efforts qui sont déployés, cette motion tombe très mal. Mme Desprez nous fait part du mécontentement ressenti de la part du maire d'Etrembières et des vives réactions des chasseurs savoyards.
D'entrée, des députés pensent que cette motion doit être retirée afin de ne pas mettre en péril le travail de Mme Desprez et trouvent qu'il est difficile de dire aux Français ce qu'ils doivent faire sur leur territoire. Ils font aussi remarquer que les maires des communes frontalières des deux pays entretiennent aussi de très bonnes relations qu'il ne faudrait pas venir ternir par ce genre d'initiative.
La coopération transfrontalière demande certainement de la diplomatie et nous voyons là toute la difficulté de l'exercice. Qui peut dire quoi, où et comment ?
D'autres députés, tout en reconnaissant certaines maladresses à cette motion pensent qu'il faut entrer en matière afin de répondre en partie aux préoccupations des motionnaires. Ils insistent sur l'importance de mettre en évidence la volonté des Genevois de construire des couloirs naturels transfrontaliers fonctionnels et d'assurer leur concrétisation sur le terrain. Les étangs d'Etrembières sont des éléments naturels précieux à prendre en considération dans l'élaboration des réseaux écologiques.
En ce sens, il est rappelé la Convention de Ramsar relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau.
La chasse semble être un sujet tabou ... la troisième invite de la motion est retirée.
Il est évoqué la possibilité de rédiger une résolution mais au vu des divergences apparues au sein de la commission, cette idée n'est pas suivie.
Une première proposition est faite de modifier les invites afin d'exposer clairement les objectifs, à savoir de soutenir les démarches que le Conseil d'Etat entreprend auprès des autorités françaises.
Le texte de la motion est amendée comme suit :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,considérant :
que ces étangs sont un site remarquable ;
que ces étangs représentent un atout ornithologique ;
les discussions qui ont lieu au sein du CRFG (comité régional franco-genevois)
invite le Conseil d'Etat
à intervenir lors de la prochaine réunion du CRFG pour que le site des étangs situés entre les communes de Veyrier et d'Etrembières s'inscrive dans le cadre du réseau vert/bleu.
Nouveau titre de la motion :
Proposition de motion concernant le réseau vert/bleu entre la Suisse et la France, notamment sur le site des étangs situés entre Veyrier et Etrembières.
La nouvelle motion est acceptée par 6 voix (1 Ve, 3 S, 1 AdG, 1 DC), 1 opposition et 3 abstentions (3 L, 1 R).
La majorité de la commission vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer au Conseil d'Etat le projet de motion ainsi reformulé.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition de Mmes et MM. Yves Zehfus, Gilles Godinat, Bernard Clerc, Claire Chalut, Jean Spielmann, Liliane Johner, Pierre Meyll, Sylvia Leuenberger et Chaïm Nissim
Dépôt: 11 août 1997
M 1151
proposition de motion
concernant la création d'une réserve naturelle entre les communes de Veyrier et d'Etrembières pour protéger les étangs qui s'y trouvent
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que ces étangs sont un site remarquable;
- qu'ils constituent un lieu de promenade agréable;
- que la chasse sur ce site est dangereuse;
- que ces étangs représentent un atout ornithologique,
invite le Conseil d'Etat
à présenter une requête auprès des autorités françaises pour que ce site à la frontière du canton soit classé réserve naturelle.
Débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur. Lorsque j'ai transmis le rapport par messagerie, le titre du rapport a été modifié. J'aimerais que le titre initial de la motion soit repris : «Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de (...) concernant la création d'une réserve naturelle entre les communes de Veyrier et d'Etrembières pour protéger les étangs qui s'y trouvent.» En commission, les invites et le titre de cette motion ont ensuite été modifiées. Le texte intégral figure à la page 4 du rapport.
M. Robert Cramer. Monsieur Etienne, la motion de base, qui est d'ailleurs rappelée en annexe à votre rapport, concernait bien «la création d'une réserve naturelle entre les communes de Veyrier et d'Etrembières pour protéger les étangs qui s'y trouvent». C'est bien sûr sur cette motion-là que l'on rapporte. De façon à éviter tout malentendu, nous sommes bien d'accord que le texte que nous votons aujourd'hui est le texte qui figure en conclusion de votre rapport, c'est-à-dire une motion concernant «le réseau vert/bleu entre la Suisse et la France, notamment sur le site des étangs situés entre Veyrier et Etrembières», et qui invite le Conseil d'Etat à intervenir auprès du CRFG à cet effet.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Il est bien entendu que nous nous rallierons à la proposition de motion telle qu'elle figure en conclusion du rapport de M. Etienne, mais c'est bien à des fins de conservation, sinon de classement sous forme de réserve naturelle. Je tenais à le préciser puisque l'invitation au Conseil d'Etat reste vague en ce qui concerne le cadre du réseau vert-bleu. C'est bien dans un cadre de conservation que nous entendons placer les étangs d'Etrembières. Je remercie le Conseil d'Etat de le préciser.
M. Robert Cramer. Je prolonge volontiers cet échange pour confirmer à Mme Deuber-Pauli que la perspective est bien sûr une perspective de préservation. Seulement, les étangs se trouvant de l'autre côté de la frontière, nous n'avons pas la compétence de fixer des mesures de préservation. C'est la raison pour laquelle la motion a été modifiée en commission, pour nous demander ce qui relevait de notre compétence, soit d'intervenir dans une perspective de collaboration avec nos partenaires français. Dès lors que nous collaborons ensemble dans le cadre du réseau vert-bleu, c'est dans ce cadre que nous allons proposer à nos partenaires français des mesures de préservation de ce site proche de notre frontière.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix la motion telle qu'elle figure à la page 4 du rapport.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion
(1151)
concernant le réseau vert/bleu entre la Suisse et la France, notamment sur le site des étangs situés entre Veyrier et Etrembières
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
considérant :
que ces étangs sont un site remarquable ;
que ces étangs représentent un atout ornithologique ;
les discussions qui ont lieu au sein du CRFG (comité régional franco-genevois)
invite le Conseil d'Etat
à intervenir lors de la prochaine réunion du CRFG pour que le site des étangs situés entre les communes de Veyrier et d'Etrembières s'inscrive dans le cadre du réseau vert/bleu.
La Commission des affaires communales, régionales et internationales a examiné la motion 1216, selon le calendrier indiqué ci-après.
Présidence : M. Jean-Claude Vaudroz.
Assistent: M. Jean Suter, directeur des services financiers du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (sauf séance du 24 novembre 1998).
Mme Sophie Mulatero, juriste au secrétariat général du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (sauf séance du 10 novembre 1998).
Séance du 1er septembre 1998
Cette première séance de la commission a été essentiellement consacrée à l'examen approfondi du texte de la motion dans le but d'en comprendre la finalité.
Des explications données par un des motionnaires d'abord, et d'un tour de table ensuite, on peut affirmer que le but premier de la motion 1216 est d'introduire, à tous les échelons, le critère du « faire ensemble ». Cette pratique, qui devrait devenir courante, est d'autant plus souhaitée que les collectivités publiques vivent ensemble une période financièrement difficile. Une collaboration étroite, entre elles, en évitant une multiplicité de structures administratives et d'infrastructures diverses, aboutira obligatoirement à de sensibles économies.
Dans l'impossibilité d'établir une liste exhaustive des collaborations existantes entre collectivités, les plus importantes d'entre elles sont citées, à savoir :
l'Association des communes genevoises qui regroupe sous son autorité le SIACG (service informatique), le GIAP (activités parascolaires), le CIDEC (destruction des déchets carnés) ;
la Fondation intercommunale des Evaux (sports, détente et loisirs) ;
le Groupement intercommunal des Trois-Chênes (sport) ;
le Groupement des communes de la rive droite et celui des communes de la Champagne et du Mandement (problèmes communs).
La « péréquation financière » constitue un sujet de préoccupation constante car extrêmement important. Il est à l'étude, soit au niveau du DF, soit au niveau de l'Association des communes genevoises. Le voeu est émis que les travaux soient accélérés afin qu'un nouveau concept de péréquation financière voie bientôt le jour.
Un renouveau de la fiscalité communale permettra une clarification de relations intercommunales quotidiennes.
Les relations « Etat-communes » pourront également être améliorées, par un meilleur dialogue, notamment au niveau du transfert des charges.
Abordant le sujet des auditions, la commission décide d'auditionner :
le Département de l'instruction publique ;
le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie ;
la Ville de Genève ;
l'Association des communes genevoises.
Séance du 22 septembre 1998
Auditions
Mme la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf, présidente du Département de l'instruction publique et M. Jean-Pierre Ballenegger, responsable du service des activités culturelles du Département de l'instruction publique
Il ressort des propos de la présidente du Département de l'instruction publique, que pour mieux gérer les deniers publics en matière culturelle, on ne peut plus fonctionner selon le modèle d'aujourd'hui. Actuellement en effet, il est courant de financer une institution gérée par d'autres, sans garantie que les moyens mis à disposition soient utilisés pour une politique culturelle souhaitée. Nous n'avons pas une véritable politique culturelle tant qu'on restera à la formule actuelle d'aide financière.
Il est indispensable d'arriver à gérer les dépenses culturelles en commun entre toutes les collectivités publiques.
Suite à un débat organisé à l'intention du Conseil municipal de la Ville de Genève, il a été décidé de se diriger vers un mandat commun avec les communes. Pour cela, il est indispensable de :
mettre sur pied un instrument de mesures des pouvoirs publics en matière culturelle et par objet ;
procéder à une analyse critique de ce qui existe ;
proposer des priorités et des choix ;
proposer une organisation qui permette une gestion coordonnée et unique des affaires culturelles.
Tout ceci est consigné dans une charte qui devra recevoir l'appui de l'Association des communes genevoises et de la Ville de Genève. Le premier rapport est attendu pour septembre 1999.
Concernant les possibilités de coopération extérieure, Mme la présidente informe que la collaboration avec les Vaudois est difficile (par exemple l'OSR). Certaines collaborations existent sur le plan romand (par exemple la création d'une seule école d'art dramatique). Avec la région, une bonne collaboration existe, mais uniquement sur des événements ponctuels. Le dialogue est difficile avec les villes.
Il est relevé que la culture n'est pas le seul domaine dans lequel une collaboration étroite entre collectivités est indispensable. Il en existe d'autres, le sport par exemple. Les problèmes sont souvent d'ordre financier; il est primordial que ces problèmes soient réglés par une loi, et non pas laissés au bon vouloir des décideurs.
En conclusion, la volonté de « faire en commun » est confirmée à Mme la présidente qui doit considérer la motion 1216 comme une aide au Conseil d'Etat pour persévérer dans le chemin de la collaboration.
Séance du 29 septembre 1998
Auditions
M. le conseiller administratif Alain Vaissade, en charge du Département des affaires culturelles de la Ville de Genève et M. le conseiller d'Etat Robert Cramer, président du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie
« Audition de M. Alain Vaissade, conseiller administratif »
M. .
l'éducation, compétence du Département de l'instruction publique ;
la culture vivante, soit les relations du public avec les institutions culturelles ;
la communication, prise en charge par des sociétés privées et chapeautée par la Confédération.
L'audition de ce magistrat met en exergue l'importance, pour la Ville de Genève, du budget consacré à la culture. Ce dernier ascende à environ Fr. 150 millions, soit 20 % du budget total. Le montant consacré à des prestations d'intérêt cantonal est d'environ Fr. 80 millions. En effet, certaines institutions (Grand Théâtre, Mamco, etc.) concernent l'ensemble de la population du bassin genevois, soit une population d'environ 415 000 unités.
Abordant la problématique des collaborations, M. Vaissade informe avoir développé les contacts aux niveaux des villes, des réseaux transfrontaliers, régionaux et européens. La Ville de Genève, par exemple, collabore avec les villes du Diamant alpin (Lyon, Turin) et celles du Sillon alpin (Chambéry et Annecy). Il relève à ce sujet que, suivant les objets traités, des difficultés surgissent lorsque ces objets sont de la compétence cantonale.
La collaboration de la Ville de Genève s'inscrit également dans le cadre de divers comités régionaux, tels le Comité régional franco-genevois (CRFG), le Conseil du Léman et la Communauté de travail des Alpes occidentales (COTRAO).
Concernant la problématique propre au canton de Genève, M. Vaissade a l'impression qu'il y a peu de concertation entre l'Etat, la Ville et les communes. Il n'hésite pas à faire état d'une certaine lassitude, car chacun demande des collaborations, mais en réalité rien n'est fait.
Evoquant l'éventualité de la création d'une Fondation, chargée de gérer l'ensemble de la politique culturelle du canton, M. Vaissade estime que la délégation des pouvoirs par des corps élus à des corps constitués, peut poser des problèmes, d'où quelques réticences à ce propos.
« Audition de M. Robert Cramer, conseiller d'Etat »
A titre préliminaire, le magistrat remarque que la proposition No 45 du rapport Arthur Andersen correspond à la demande des auteurs de la motion, à savoir trouver les collaborations permettant de développer les synergies dans le but de chasser les doublons. Si l'unanimité peut se faire sur ce point, en revanche, des difficultés apparaissent au niveau des réalisations.
S'expliquant longuement sur la problématique de la sécurité civile, actuellement organisée à trois échelons, le magistrat est persuadé que les économies, issues d'une réorganisation, seraient importantes, soit de l'ordre de Fr. 12 millions. Les dossiers relatifs au SIS, à la gestion des déchets et à la gestion de l'eau, représentent également des opportunités d'importantes économies, si une rationalisation des activités était mise en place. A ce sujet, une volonté politique ferme et claire doit être manifestée, en particulier dans le cas de l'autonomisation d'un service. De fortes résistances peuvent se manifester, en raison notamment du statut du personnel, car ces rationalisations se traduisent souvent par des pertes d'emploi.
Séance du 13 octobre 1998
Auditions
MM. Pierre Hiltpold et Michel Hug, président et secrétaire général de l'Association des communes genevoises
Après avoir informé la commission de l'intérêt que l'Association des communes genevoises porte à la motion 1216, M. Hiltpold, président, énumère les divers domaines de collaboration entre l'Etat de Genève et les communes genevoises. (Se reporter à ce sujet à l'annexe ci-jointe).
Interrogé sur le fonctionnement interne de l'Association des communes genevoises, M. Hiltpold rappelle que toutes les communes participent aux assemblées générales, où chacun dispose d'une voix. En revanche, dans le cadre du travail de groupes spécifiques, les voix sont réparties en fonction du poids respectif des communes. Concernant le problème de la péréquation financière intercommunale, il est rappelé que le groupe ad hoc de l'Association des communes genevoises travaille régulièrement à la modernisation de cet outil de travail. A la question de savoir si les communes ont encore un rôle à jouer, il est répondu que, à Genève, Canton-Ville, les communes, bien qu'ayant moins de compétences qu'ailleurs, ont toujours leur raison d'être.
Lors de la suite du débat en commission, la question de savoir si cette volonté de « faire ensemble » devait s'étendre au-delà des frontières nationale et internationale, a été débattue. Il est apparu à la commission qu'il était souhaitable de régler d'abord les problèmes locaux avant d'envisager des actions vers l'extérieur. La commission renonce également à auditionner les représentants d'autres communes, estimant l'Association des communes genevoises représentative de l'ensemble de celles-ci. L'audition de Mme la conseillère d'Etat Calmy-Rey est également écartée, compte tenu de la complexité de la problématique fiscale Vaud-Genève.
L'entrée en matière sur la motion 1216 est votée par la commission :
POUR : unanimité (3 L, 2 R, 2 DC, 2 Ve, 2 S, 1 AdG)
CONTRE : -
ABSTENTION : -
Séance du 10 novembre 1998
Cette séance a été consacrée à la relecture des « considérants » et des « invites » de la motion afin d'y apporter d'éventuels amendements. La discussion au sein de la commission conduit aux amendements suivants :
Considérants
Considérants Nos 1, 2, 3 et 4 : inchangés
Considérant No 5 : suppression de la phrase après les mots « entreprises d'envergure »
Avant d'énumérer les « invites », la phrase suivante est insérée dans le texte :
« prend acte de la volonté exprimée par toutes les parties concernées de s'engager dans la voie de collaborations structurées et de longue haleine »
et invite le Conseil d'Etat
Invites
Invite No 1 : - ajouter après le mot « adhésion » « dans une étape ultérieure »
Invite No 2 : - remplacer les termes « conseils municipaux » par « autorité municipale concernée »
- ajouter, entre parenthèses « respect de l'autonomie communale »
Invite No 3 :- remplacer la phrase « au sens de la dernière partie du dernier considérant » par « à propos de certaines entreprises d'envergure »
Invite No 4 : - pas d'amendements, mais clarification du texte par mise en exergue des verbes, soit :
dresser, avec le concours ...;
mettre, au point pour ...;
associer équitablement ...;
prendre convenablement ...;
Invite No 5 : (nouvelle) - « à présenter au Grand Conseil les modifications légales indispensables afin de doter ces collaborations transversales de bases légales adéquates, après consultations des collectivités concernées ».
Invite No 6 : (anc. No 5) : arrêter la phrase après les mots « entre communes »
Invite No 7 : (anc. No 6) : sans changement
Le texte de la motion M 1216, ainsi amendé, est soumis au vote de la commission :
OUI : 9 (1 L, 2 R, 2 DC, 3 S, 1 Ve)
NON : -
ABSTENTION : 1 (L)
Séance du 24 novembre 1998
Lors de cette séance, il a été procédé à la relecture du rapport et du texte de la motion 1216 amendé.
Quelques modifications relatives à la forme ont été apportées.
Un nouvel amendement a été proposé pour l'invite No 6 à savoir :
Invite No 6 : (anc. No 5 : le texte après le 2e amendement devient : déjà amendé) « accompagner cet exercice d'une modernisation tant du statut constitutionnel des Communes genevoises que de la répartition fiscale intercommunale »
Ainsi libellée l'invite No 6 est acceptée par :
OUI : 10
NON : -
ABSTENTIONS : 3
Au vote final, la motion 1216 amendée est acceptée à l'unanimité des commissaires présents.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition présentée par les députés:Mme et MM. Christian Brunier, Pierre-Alain Champod, Alain Etienne, Véronique Pürro et Albert Rodrik
Date de dépôt: 15 mai 1998Disquette
M 1216
Proposition de motionconcernant les collaborations transversales entre collectivités publiques genevoises
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- les acquis importants du canton de Genève dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse de la culture, de l'action sociale, du sport populaire, de la formation, de la santé, etc., acquis allant au-delà de ce que des agglomérations de 400.000 habitants peuvent offrir ;
- la nécessité de préserver ces acquis et de continuer à les adapter à l'évolution des temps et des moeurs et même assurer leur développement contrôlé ;
- le fait que ces acquis sont dus aux efforts de l'ensemble des collectivités publiques genevoises, Etat, Ville chef-lieu et communes ;
- la situation financière de ces collectivités, qui leur interdit durablement de continuer à faire cavalier seul comme par le passé, sous peine de laisser péricliter des acquis précieux ;
- l'urgente nécessité de passer des paroles aux actes, les constats n'étant plus à faire et la tout aussi urgente nécessité de trouver des modes de collaboration avec la Confédération pour certaines entreprises d'envergure, en dépit de regrettables refus populaires ;
invite le Conseil d'Etat
- à proclamer la charte du "; faire ensemble " avec la Ville de Genève et l'Association des communes genevoises agissant comme mandataire des 44 autres communes, charte laissant la possibilité d'adhésion tant aux communes vaudoises du district de Nyon qu'aux communes françaises des départements limitrophes ;
- jeter les bases, dans cette charte, des modes d'élaboration commune de politiques d'ensemble, en respectant les compétences du Grand Conseil et des conseils municipaux concernés ;
- s'atteler avec les partenaires susmentionnés à des démarches auprès du Conseil fédéral au sens de la dernière partie du dernier considérant ;
- dresser, avec le concours des autorités communales concernées, la liste d'établissements ou entreprises d'une certaine importance dont la gestion n'est plus à la portée d'une seule collectivité publique et de mettre au point pour ces entités des structures juridiques de droit public adéquates (ex. fondations de droit public, société anonyme de droit public, etc.) associant équitablement l'Etat et l'ensemble des communes, le Grand Conseil et les conseils municipaux, de même que des représentations élues des personnels concernés et prenant convenablement en compte les investissements passés de chacun des partenaires ;
- accompagner cet exercice d'une modernisation de la répartition fiscale entre communes, ce qui exige vraisemblablement une nouvelle conception du statut constitutionnel de la Ville de Genève d'une part et des autres communes de plus de 10.000 habitants d'autre part ;
- mener à chef ce programme de façon à ce qu'il puisse se refléter dans les budgets de l'année 2002.
p. 13
14
15
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1216)
concernant les collaborations transversales entre collectivités publiques genevoises
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,considérant :
- les acquis importants du canton de Genève dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse de la culture, de l'action sociale, du sport populaire, de la formation, de la santé, etc., acquis allant au-delà de ce que des agglomérations de 400 000 habitants peuvent offrir ;
- la nécessité de préserver ces acquis et de continuer à les adapter à l'évolution des temps et des moeurs et même assurer leur développement contrôlé ;
- le fait que ces acquis sont dus aux efforts de l'ensemble des collectivités publiques genevoises, Etat, ville chef-lieu et communes ;
- la situation financière de ces collectivités, qui leur interdit durablement de continuer à faire cavalier seul comme par le passé, sous peine de laisser péricliter des acquis précieux ;
- l'urgente nécessité de passer des paroles aux actes, les constats n'étant plus à faire et la tout aussi urgente nécessité de trouver des modes de collaboration avec la Confédération pour certaines entreprises d'envergure ;
prend acte de la volonté exprimée par toutes les parties concernées de s'engager dans la voie de collaborations structurées et de longue haleine
et invite le Conseil d'Etat à :
- proclamer la charte du « faire ensemble » avec la Ville de Genève et l'Association des communes genevoises agissant comme mandataire des 44 autres communes, charte laissant la possibilité d'adhésion dans une étape ultérieure, tant aux communes vaudoises du district de Nyon qu'aux communes françaises des départements limitrophes ;
- jeter les bases, dans cette charte, des modes d'élaboration commune de politiques d'ensemble, en respectant les compétences du Grand Conseil et de l'autorité municipale concernée (respect de l'autonomie communale) ;
- s'atteler avec les partenaires susmentionnés à des démarches auprès du Conseil fédéral à propos de certaines entreprises d'envergure ;
* dresser, avec le concours des autorités communales concernées, la liste d'établissements ou entreprises d'une certaine importance dont la gestion n'est plus à la portée d'une seule collectivité publique ;
mettre au point pour ces entités des structures juridiques de droit public adéquates (ex. fondations de droit public, société anonyme de droit public, etc.) ;
associer équitablement l'Etat et l'ensemble des communes, le Grand Conseil et les conseils municipaux, de même que des représentations élues des personnels concernés ;
prendre convenablement en compte les investissements passés de chacun des partenaires ;
présenter au Grand Conseil les modifications légales indispensables afin de doter ces collaborations transversales de bases légales adéquates, après consultations des collectivités concernées ;
- accompagner cet exercice d'une modernisation, tant du statut constitutionnel des communes genevoises que de la répartition fiscale intercommunale ;
- mener à chef ce programme de façon à ce qu'il puisse se refléter dans les budgets de l'année 2002.
La pétition 1059 a été déposée au secrétariat du Grand Conseil le 14 septembre 1994 par ContrATOM accompagnée de 2 000 signatures.
La pétition est annexée au présent rapport.
Dans sa séance du 13 novembre 1998, la Commission de l'énergie et des Services industriels a abordé le sujet.
Les travaux ont été rondement menés sous la présidence de M. Pierre Vanek et sous l'oeil attentif de M. Robert Cramer, chef du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie.
Le rapporteur invite les membres du Grand Conseil à bien vouloir relire la pétition car elle est courte, claire et peut-être simpliste pour certains !
Cela étant, la Commission de l'énergie et des Services industriels a décidé d'y donner suite.
Un commissaire particulièrement informé sur le sujet du nucléaire évoque le problème en 4 points:
Le 23 septembre 1990, le peuple suisse votait le moratoire sur l'utilisation de l'énergie nucléaire. Cela n'a pas empêché, le 25 septembre, deux jours après le vote, la signature d'un contrat d'achat de 300 MW ramenés par la suite à 200 MW, les compagnies suisses d'électricité payant 3,6 centimes/kWh d'avance, puis 3,1 centimes pour chaque kWh réellement consommé. Ce contrat est signé pour une durée allant jusqu'à l'an 2016. Il représente un investissement de 1,6 milliards de francs.
Par le passé, plusieurs discussions ont porté sur le sujet et sur d'autres contrats comme Cattenom (85 MW), Fessenheim (1000 MW), Bugey (324 MW). La plupart de ces contrats sont signés à long terme soit sur une période allant de 2008 à 2016. La somme totale investie peut être estimée à plus de 2 milliards de francs suisses. La plupart des contrats ont été signés par CNP SA (Centrales nucléaires en participation SA), société dont EOS est notamment actionnaire.
Sous prétexte qu'il s'agit de contrats de droit privé, les contrats n'ont jamais été présentés à la commission.
2. Le problème juridique :
Le professeur Auer, dans un avis de droit, prétend que M. Ducor, ancien président des SIG, n'avait pas le droit de signer le contrat du 25 septembre 1990, puisque la Constitution genevoise lui imposait de s'opposer à toute installation nucléaire, dans le canton ou le voisinage de celui-ci. Il semblerait donc que M. Ducor ait joué sur l'interprétation du mot voisinage notamment l'ampleur du voisinage.
3. La problématique des INA :
Les INA sont les amortissements non amortissables. C'est singulier !
Cependant, en France voisine, dans le domaine de l'énergie nucléaire, ces contrats existent et ils sont secrets. L'argent ainsi gaspillé atteindrait 3 milliards selon l'Office fédéral de l'énergie.
4. Au plan politique :
Vaut-il mieux payer 11 centimes 1 kWh hydraulique comme celui de Chancy-Pougny ou 7 centimes 1 kWh nucléaire qui produit des déchets radioactifs difficiles à stocker ? De surcroît, si l'on décidait de rénover Chancy-Pougny, les emplois créés seraient durables et locaux alors que le nucléaire français, moins cher, apparemment pour le moins, ne crée pas d'emploi mais des déchets ! Les propos de ce commissaire avisé ont interpellé une grande majorité des membres de la commission, pas forcément pour donner raison à la pétition, ni donner raison aux arguments évoqués ci-dessus, mais tout simplement par la volonté de débattre ouvertement du problème.
Il y a discussion et il en ressort deux possibilités d'action pour la Commission :
Renvoyer la pétition au Conseil d'Etat rapidement, et obtenir un rapport dans les 6 mois.
Instaurer un grand débat sur la pétition et se prononcer sur le fond.
C'est la première solution qui a été retenue, avec l'accord spontané du conseiller d'Etat en charge du département concerné.
Cette décision n'empêchera pas, par le futur, peut-être après la réponse du Conseil d'Etat, d'ouvrir le débat. La commission se réserve le droit d'établir une motion et de la proposer au Grand Conseil.
Ainsi, avec 11 oui et 1 abstention, la Commission de l'énergie et des Services industriels propose au Grand Conseil le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat.
Pétition(1059)
concernant le nucléaire
Nous soussigné(e)s demandons aux autorités et aux Services industriels de Genève :
- de prendre toutes les mesures nécessaires pour dénoncer les contrats d'approvisionnement à long terme liés au nucléaire, conformément à la Constitution et à la loi ;
- d'affecter les sommes récupérées, ainsi que toutes les ressources nécessaires, à des investissements dans la création d'emplois dans le domaine des économies d'énergie. Ces investissements devraient être à la hauteur de ceux effectués à ce jour dans le nucléaire étranger ;
- de préparer activement et concrètement notre indépendance énergétique par rapport au nucléaire pour le siècle prochain.
N.B. : 2000 signatures
ContrAtom, Case postale 65, 1211 Genève 8
Débat
Le président. Je relève que la commission, par onze voix et une abstention, a décidé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Barbara Polla (L). Mesdames et Messieurs les députés, si certains députés libéraux de la commission ont effectivement adhéré au renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, ils l'ont fait avec un sentiment de nuance qui n'apparaît pas vraiment dans le par ailleurs excellent rapport de M. Dessimoz. Raison pour laquelle je souhaiterais y revenir.
Nous sommes vraiment intéressés à ce que le Conseil d'Etat nous fasse savoir comment il entend gérer l'approvisionnement de Genève en énergie entre le moratoire nucléaire et les 40%, environ, d'énergie nucléaire que nous utilisons à l'heure actuelle, nucléaire français, certes, mais nucléaire quand même.
Comment le Conseil d'Etat compte-t-il assurer, à long terme, l'approvisionnement en énergie des habitants et des entreprises dans ce canton ou assurer - si je puis dire - que la bougie brûle quelle qu'en soit la cire ? Comment envisage-t-il de gérer la dénonciation des contrats liés au nucléaire et comment prévoit-il de les remplacer ? Dans quels délais lui paraît-il raisonnable de réaliser notre conformité à la constitution en terme d'approvisionnement d'énergie ?
Nous attendons en effet des réponses à ces questions, cela dans le cadre d'un débat plus large qui inclut également les motions 1227, 1228 et la résolution 379, en évitant la confusion entre non-nucléaire et anti-nucléaire, sans oublier non plus que l'énergie nucléaire pourrait bien s'avérer, à terme, l'une des plus propres et des plus respectueuses de notre environnement. Mais, surtout, nous souhaitons que le Conseil d'Etat comprenne bien le sens de ce rapport, à savoir que nous souhaitons un débat, des réponses et des orientations générales, mais pas la prise en compte immédiate des demandes spécifiques de la pétition comme, par exemple, le fait que les investissements devraient être à la hauteur de ceux effectués à ce jour dans le nucléaire étranger.
Cette demande de la pétition me paraît beaucoup trop prématurée. De même, avant d'avoir préparé concrètement notre indépendance par rapport au nucléaire, nous souhaitons savoir si c'est réaliste, si c'est faisable, quand et comment, en particulier au moment où Dominique Voynet, elle-même, vient de déclarer en France que le retrait du nucléaire ne pouvait en aucun cas se faire brutalement.
Je serais donc absolument ravie de savoir que M. le conseiller d'Etat Robert Cramer peut effectivement nous confirmer que c'est bien dans ce sens qu'il entend traiter cette pétition qu'il nous a recommandé de lui confier.
M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur. Décidément, il y a des sujets qui donnent de l'urticaire aux députés libéraux. Avec tout le respect que je dois à Mme Polla, j'aurais souhaité qu'elle lise quand même ce court rapport. Au sommet de la page 3, je dis ceci : «Il y a discussion et il en ressort deux possibilités d'action pour la commission : renvoyer la pétition au Conseil d'Etat rapidement et obtenir un rapport dans les 6 mois (...).»
Nous n'avons pas dit que nous acceptions la pétition ; nous avons demandé un rapport dans les six mois sur ce que la pétition dénonçait et, ensuite, nous nous prononcerons.
Je crois que M. Robert Cramer, qui a assisté à la séance de commission, était tout à fait d'accord avec la position de la commission. C'est avec plaisir que je me suis chargé de ce rapport, pour que la situation avance rapidement.
M. Robert Cramer. Il n'y a pas grand-chose à ajouter aux propos de M. Dessimoz. Madame Polla, je me réjouis de voir à quel point vous anticipez les futurs travaux de la commission. Alors qu'il est demandé au Conseil d'Etat un rapport faisant état de la situation, vous demandez déjà un plan de mesures. Madame Polla, je ne pourrai pas totalement faire suite à votre demande, puisque ce n'est pas le souhait de la majorité de la commission qui désire simplement un complément d'informations. Cependant, je peux tout de même vous dire qu'un train de mesures vous sera très prochainement proposé, puisque la commission consultative de l'énergie a terminé ses travaux en ce qui concerne une réactualisation du concept cantonal en matière d'énergie.
Je pense que le Conseil d'Etat sera en mesure de vous soumettre cette proposition de futur concept cantonal en matière d'énergie dès le début de l'année prochaine. Vous pourriez d'ailleurs être informée plus rapidement des travaux en cours par les membres que votre parti a désignés dans cette commission, dont l'un d'eux est une éminente personnalité puisqu'il s'agit de l'ancien président du Grand Conseil, M. Burdet. Vous trouverez là un certain nombre de mesures qui seront proposées par le Conseil d'Etat. Cela dit, effectivement, en ce qui concerne la réponse même à ce rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels, nous vous proposons de faire le point de la situation après avoir recueilli les informations utiles auprès de tous les partenaires intéressés, notamment les Services industriels et, par leur intermédiaire, Energie Ouest Suisse.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
Vu l'importance des fonds engagés par l'Etat dans la compagnie d'aviation SWA ;
vu la déconfiture financière de cette compagnie ;
vu les assurances qui avaient été données, notamment par le Conseil d'Etat ;
vu la proposition de motion 1199 sur l'envol de Swiss World Airways ;
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
invite le Conseil d'Etat
à lui présenter un rapport sur :
le montant total des aides directes et indirectes consenties par l'Etat de Genève et l'aéroport international de Genève à la SWA (participations financières, subventions, mise à disposition de locaux, paiement de salaires, dont celui du président de la société, etc.) ;
les garanties que l'Etat avait obtenues de la SWA avant de libérer ses participations financières ;
l'analyse de marché qui avait été effectuée ;
la surveillance qu'il a exercée quant à l'évolution de cette compagnie aérienne ;
le montant des fonds propres avancés par les promoteurs de la SWA ;
le montant des dépenses effectuées par la SWA en une année.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les députés de l'AdG ont déposé au début de l'année une motion 1169 sur la SWA mettant en évidence le manque de transparence de cette compagnie aérienne, ses déclarations fantaisistes mettant en doute le sérieux de son projet et la légèreté avec laquelle des fonds publics avaient été engagés.
Certes, nous estimons que les pouvoirs publics doivent favoriser des entreprises nouvelles permettant la création d'emplois, mais ils doivent néanmoins faire preuve d'une prudence élémentaire, notamment lorsqu'il s'agit d'activités présentant des hauts risques, ce qui est notamment le cas dans le transport aérien où les compagnies aériennes se livrent à une concurrence sans merci et où les chances de s'introduire dans le marché sont extraordinairement difficiles.
Le projet de créer une compagnie aérienne affectée à des vols intercontinentaux, dont le marché est limité pour une ville de la taille de Genève, était une entreprise très aléatoire et les responsables de l'aéroport, qui connaissaient le chiffre des passagers prenant des vols long-courriers, devaient le savoir.
Le lancement de la SWA s'est manifestement inscrit dans une mauvaise tentative de répliquer à la décision de Swissair, à laquelle on s'attendait depuis plusieurs années, de renoncer à l'escale de Genève pour ses long-courriers qui n'y embarquaient qu'un petit nombre de passagers. Certains ont voulu créer un climat émotionnel, qui a été exploité par des « bluffeurs » dont on aimerait savoir quels fonds propres ils ont investi personnellement dans cette aventure, au lieu de rechercher des solutions avec Swissair, qui n'a pas renoncé à la légère aux vols long-courriers faisant escale à Genève, et le développement de liaisons à moyenne distance correspondant mieux au potentiel de notre aéroport.
Vu l'importance des fonds engagés par l'Etat, sans avoir sollicité l'approbation du Grand Conseil, le Conseil d'Etat se doit de donner un rapport circonstancié sur cette malencontreuse affaire et notamment comment la SWA, qui prétendait tout récemment encore que tout allait bien alors qu'elle était déjà au fond du gouffre, a pu dépenser semble-t-il une trentaine de millions de francs en une année avec seulement trois mois de vols, ce qui paraît à peine croyable !
L'Alliance de Gauche, après quelques hésitations, a renoncé à déposer une motion sitôt après les premiers vols demandant au Conseil d'Etat un rapport régulier sur le taux d'occupation des avions de la SWA, plus particulièrement en première classe et classe business et sur le cash-flow dégagé, pour ne pas donner l'impression de rechercher des difficultés à cette compagnie aérienne au moment où elle débutait enfin son activité, admettant qu'il fallait lui laisser une chance. Il est toutefois important de savoir si le Conseil d'Etat a suivi de près la rentabilité de ces vols, qui semblent avoir été un véritable gouffre financier.
L'Alliance de Gauche est acquise à une aide au démarrage de nouvelles entreprises, tout particulièrement de petites et moyennes entreprises qui constituent la base de notre tissu économique, mais considère qu'il faut tirer les leçons des erreurs commises par le Conseil d'Etat dans l'affaire de la SWA afin d'éviter de nouvelles mésaventures de ce genre, en étant tout particulièrement prudent à l'égard de gros projets à risques fortement subventionnés qui nécessitent un contrôle rigoureux et suivi.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que la présente motion recevra bon accueil de votre part.
Débat
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais rappeler que, lors de la dernière législature, l'Alliance de gauche avait déposé des projets de lois visant à concrétiser l'initiative populaire dite «La Suisse». Nous préconisions notamment que l'Etat de Genève soutienne activement la création d'entreprises dans notre canton. C'est après de nombreux débats et à la suite de nos projets de lois que, finalement, un certain nombre de mesures législatives ont été adoptées, qui n'allaient pas aussi loin que nous le souhaitions. J'aimerais réaffirmer ici notre position favorable à ce que l'Etat apporte un appui à des nouvelles entreprises susceptibles de créer des emplois.
Cela étant dit, il est évident que nous considérons que cet appui - sous quelque forme qu'il soit - notamment et plus particulièrement s'il s'agit d'un soutien financier, doit être accordé avec une attention soutenue pour s'assurer que les deniers des contribuables sont utilisés efficacement et correctement. Je crois que l'affaire de la SWA implique que nous tirions une leçon sur la façon dont l'Etat est intervenu pour aider à la création de cette entreprise. Car c'est, hélas, un véritable fiasco, mais un fiasco qui - à notre avis - était prévisible.
Lors de sa création, nous avons été frappés par le fait que les promoteurs de cette compagnie - qui se targuaient d'être des entrepreneurs, des chantres du libéralisme économique, des partisans de la concurrence à tout crin - adressent leur premier appel de fonds aux pouvoirs publics. Il y a là quand même quelque chose d'un peu curieux... Il faudrait tout de même, lors de la création d'une entreprise, surtout de cette importance, avoir des capitaux auxquels l'Etat peut éventuellement apporter un complément. Or, la compagnie s'est d'abord adressée aux collectivités publiques et, ensuite seulement, a convoqué une assemblée d'actionnaires avec des partenaires privés qui, finalement, n'ont pas du tout mis sur la table les fonds escomptés. Il y avait là déjà matière à réflexion.
Nous avons tout de suite vu le manque de sérieux des promoteurs lorsqu'ils ont prétendu, alors qu'ils n'avaient pas encore d'avions, qu'ils allaient commencer leurs vols à partir du 1er décembre 1997. Par ailleurs, ils mettaient en accusation l'Office fédéral de l'air d'une manière que l'on peut qualifier aujourd'hui de «tragique» - on voit ce qui est arrivé lors de la catastrophe du vol Swissair en septembre dernier - en se plaignant que l'Office fédéral traînait les pieds pour délivrer l'accréditation. Ils connaissaient pourtant - plus particulièrement M. Rochat qui a travaillé à la direction de l'aéroport - les délais nécessaires à l'obtention d'un tel accord. Il est évident qu'en matière aéronautique il est indispensable que l'office compétent vérifie tous les aspects de sécurité d'un aéronef.
Déjà à ce moment-là, nous avons pu constater que les promoteurs non seulement manquaient de transparence, mais surtout qu'ils avaient fait un certain nombre de fausses déclarations. Par la suite, au début de cette année, ils ont déclaré qu'ils allaient tirer les leçons de leur coup de bluff, qu'ils feraient preuve de transparence, de rigueur... Mais ils ont finalement poursuivi sur la même lancée. Il faut se méfier de gens qui ne disent pas la vérité ! Il est assez paradoxal d'entendre M. Rochat déclarer récemment à la presse, en sortant du tribunal, que maintenant il ferait preuve de transparence, admettant que, jusque-là, ça n'avait pas été le cas en laissant croire que la compagnie se portait très bien alors qu'elle était en perdition.
L'Etat a eu l'imprudence d'accepter - nous l'avons dit depuis le début - que M. Rochat joue ce double rôle en portant les deux casquettes de membre de la direction de l'aéroport et de directeur-président de la SWA. M. Rochat était particulièrement bien placé pour connaître les taux de fréquentation des vols long-courriers à partir de Genève. Ce n'est pas un hasard si Swissair a arrêté ses vols long-courriers à partir de Genève. Un certain nombre de ces vols faisaient escale à Cointrin en provenance de Zurich et y embarquaient un nombre très limité de passagers; cette prestation de Swissair n'a pas pu être maintenue.
Lorsque j'étais au Conseil d'Etat, on savait que la création de ce hub se ferait à Zurich. Malheureusement, la direction de l'aéroport ne s'est pas préparée à cette hypothèse avec une stratégie de rechange. Elle a préféré dramatiser la situation, créer un climat défavorable et, finalement, jouer sur des circonstances qui ont permis à des aventuriers de créer une entreprise en faisant appel aux deniers publics.
Par ailleurs, nous avons le sentiment que les activités de cette entreprise n'ont pas été suivies comme elles auraient dû l'être par l'Etat pour s'assurer du sérieux de ce planning. Nous avions déjà, il y a neuf mois, soulevé certaines incongruités s'agissant des dépenses et des commandes de prestige de la SWA.
Il est indispensable aujourd'hui de faire le bilan de cette affaire et d'essayer d'y voir clair. En premier lieu, à partir du moment où l'argent du contribuable a été utilisé, il nous faut savoir exactement de quelles sommes il s'agit. Il y a eu achat d'actions. Nous avons du reste dénoncé ce système d'actions privilégiées au profit de promoteurs qui avaient dix fois plus de voix que les actionnaires ordinaires. Ce n'était pas non plus une situation saine et l'Etat n'aurait pas dû l'accepter. Il y a eu un certain nombre d'autres prestations - semble-t-il - à travers les fonds d'encouragement à la création d'entreprises, de la part également de l'Aéroport de Cointrin. Ainsi, concernant la mise à disposition de M. Rochat, son salaire est-il toujours payé par l'aéroport ? Nous aimerions avoir quelques précisions quant au coût de l'opération.
En second lieu, l'Etat a-t-il véritablement suivi cette affaire dès le début ? Nous avons beaucoup hésité à déposer une motion au mois de septembre, Monsieur Lamprecht. Lors du débat, vous avez dit qu'il fallait faire confiance et ne pas aller à l'encontre de ceux qui prennent l'initiative de créer une nouvelle entreprise. Nous avons voulu faire preuve de retenue mais, malgré tout, nous voyions mal comment cette entreprise pouvait fonctionner avec des tarifs aussi bas par rapport aux charges mensuelles. Cela impliquait forcément une grand nombre de passagers en première classe et en classe business. Nous voulions demander - ce n'est pas trop tard - quel était le taux d'occupation des différentes classes. Notez que, même si l'avion avait été plein, je pense qu'il n'aurait pas été rentable vu les charges considérables afférentes. Et tout le monde sait qu'un leasing revient très cher.
Ce qui nous frappe aujourd'hui, c'est que l'on pensait naïvement qu'une partie du capital-actions servirait à financer l'acquisition d'aéronefs; ce qui n'a finalement pas été le cas. Et l'on apprend ensuite qu'en moins d'une année 30 millions auraient été dépensés, alors que l'avion n'a volé que trois mois. Est-ce vrai ? Cela paraît ahurissant ! On peut tout de même se poser des questions sur la façon dont cette société a été gérée.
Par voie de conséquence, en dehors de tout esprit de polémique... (Exclamations.) ...nous pensons qu'il faut tirer les leçons de cette affaire. Nous voulons savoir maintenant comment cette société a été finalement gérée, quel est le montant exact qui a été dépensé en une année et à combien s'élève le montant versé par la collectivité. Je me souviens que, lorsque M. Lamprecht est entré en fonctions, il ne connaissait pas les détails de ce dossier et c'était parfaitement normal. Il a été étonné du fait que la souscription du capital-actions ne soit pas passée devant le Grand Conseil. Nous, les députés, avons été tenus totalement à l'écart des différents financements apportés à cette compagnie, contrairement au Conseil municipal de la Ville qui a, lui, pu se prononcer. A l'époque, nous nous sommes du reste opposés à ce que la Ville participe à la souscription de ce capital-actions. Heureusement qu'un conseiller municipal, soucieux des intérêts de la Ville, a eu la bonne idée...
M. Michel Balestra. Un conseiller libéral, d'ailleurs !
M. Christian Grobet. Oui et cela démontre que nous ne sommes pas les seuls à nous soucier d'une gestion correcte des affaires. A mon sens, le Conseil d'Etat nous doit un rapport, et surtout nous voulons l'entendre nous assurer qu'à l'avenir il suivra de plus près l'aide financière accordée à de nouvelles entreprises, notamment lorsqu'il s'agit de sommes importantes.
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). Le feuilleton SWA n'en finit plus de révéler de nouvelles surprises : salaires exorbitants et indécents, l'heure des règlements de comptes a sonné ; millions dilapidés à consulter des chasseurs de têtes grassement payés ; uniformes cousus à prix d'or, etc. Apparemment, certains se seraient rempli les poches - des salaires de 53 000 F par mois ont été articulés pour certains, et un de 100 000 F pour un conseiller national bien connu - sauf bien sûr les collectivités publiques qui, elles, ont été menées en bateau - en avion, devrais-je dire - depuis le début de cette affaire !
Dans notre motion déposée le 8 mars dernier, nous avions déjà dit tout le mal que nous pensions du projet SWA. Aujourd'hui, nos pires craintes se sont révélées parfaitement exactes. Si on en croit certains journaux, nous avons été même en dessous de la vérité. Aujourd'hui, SWA tombe dans le burlesque le plus grotesque. La facture est lourde, trop lourde. Pour seulement trois mois de vol, la compagnie a dépensé une trentaine de millions dont cinq proviennent du canton de Genève. Sans compter qu'une centaine d'employés sont désormais au chômage, des employés qui ont tout donné pour la compagnie SWA et qui se sentent oubliés par les responsables qui, eux, préfèrent se déchirer par voie de presse. Sans compter les plaintes pénales, les poursuites des actionnaires défaillants devant les tribunaux, les accusations en tous genres, etc.
Pendant de longs mois, on s'est demandé si SWA pourrait enfin voler un jour, car on nous avait annoncé le premier vol pour novembre 1997, puis pour décembre 1997, ensuite pour le mois de mars 1998. Enfin, le jour tant attendu est arrivé le 10 septembre dernier, mais pas pour longtemps. L'épopée s'est avérée vraiment très éphémère. S'est-on demandé pourquoi Swissair avait supprimé ses vols ? Les initiateurs de ce projet avaient-ils fait une analyse de marché pour savoir quelle pourrait être la rentabilité de SWA, sachant que le lancement d'une compagnie aérienne est une opération à hauts risques ; que les possibilités de succès sont limitées en raison de la concurrence terrible qui règne dans le domaine du transport aérien ; que Swissair, qui plus est, n'avait pas renoncé à la légère aux vols long-courriers faisant escale à Genève ?
Les collectivités publiques ont été les dindons de la farce. Elles ont été abusées jusqu'au bout, car jusqu'au bout les responsables ont prétendu que SWA se portait à merveille. Pour illustrer mes propos, il y a un mois M. Peter Leichmann, directeur général, disait au «Temps», je cite : «Nous avons atteint un taux de remplissage des avions légèrement supérieur à 50% et, courant octobre, les ventes et réservations marquent un progrès très net.» Ce même directeur général, qui avait élaboré le business plan, nous avait dit lors de son audition à la commission de l'économie, je cite : «Pour la deuxième année, le business plan prévoit un bénéfice important de 16% et 33% pour la troisième année, soit respectivement 22 et 33 millions de bénéfice.» C'était le 28 septembre dernier. C'était sans compter sur le désintérêt total des investisseurs privés qui n'ont pas daigné investir un kopeck dans un projet qui, dès le départ, était voué à l'échec.
Raison pour laquelle, au nom de l'Alliance de gauche, je vous demande le soutien à cette motion. Je vous remercie.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Dans le contexte de l'époque, les démocrates-chrétiens ont soutenu la participation de l'Etat à la création de cette compagnie. Aujourd'hui, dans des circonstances analogues, nous serions encore enthousiastes à l'idée de pouvoir participer au lancement d'une telle entreprise, dont la viabilité nous avait été clairement démontrée, à l'époque, par le chef du département.
La motion qui est déposée aujourd'hui nous interpelle, compte tenu d'un certain nombre d'éléments que nous avons pu lire et entendre par presse interposée. Il apparaît extrêmement important au parti démocrate-chrétien que toute la lumière soit faite sur la gestion de cette entreprise, d'autant plus que notre canton s'était très largement engagé dans sa création.
Notre président Carlo Lamprecht, avec qui nous avons déjà eu l'occasion d'en parler, est lui-même déjà en train de faire toute la lumière sur la gestion de cette entreprise. Nous pouvons avec conviction soutenir cette motion, de manière que ce parlement puisse avoir les idées claires sur les malversations éventuelles qui ont pu avoir lieu durant ces deux ans dans la gestion de SWA.
M. David Hiler (Ve). Je dois avouer que ce qui me reste sur l'estomac, c'est le processus de décision ! Je me rappelle comment les choses se sont passées à la commission des finances : on est venu nous dire que le Conseil d'Etat voulait un vote de cette commission - à l'époque, c'était l'ancienne législature - si bien qu'un clivage s'est fait jour automatiquement. A une majorité qui était celle du moment, le principe d'un financement a été agréé par la commission des finances. Sans un seul document : on ne nous a strictement rien distribué ! Malgré cela, un nombre suffisant de commissaires l'ont voté. Il est possible que des dossiers aient circulé dans d'autres cercles que celui de la commission des finances ; ce qui est certain, c'est que tel n'a pas été le cas à la commission des finances et cela est peu admissible. Ce qui l'est encore moins, c'est qu'une collectivité publique puisse investir avec d'autres collectivités publiques sans exercer un contrôle extrêmement serré à l'intérieur du conseil d'administration.
Cette compagnie n'a obtenu que des fonds publics. Les pouvoirs publics - sans doute parce qu'ils craignaient un peu ce qui allait arriver - ont jugé bon de ne pas s'investir dans le conseil pour contrôler ce qui se passait. Cela n'est pas possible. On peut créer des sociétés d'économie mixte - je ne crois pas que l'aviation soit un secteur privilégié pour ce type d'économie dans le monde d'aujourd'hui, mais on peut l'imaginer. Le gouvernement doit cependant assumer pleinement ses responsabilités et nommer des gens pour effectuer un contrôle. Ainsi, si l'aventure échoue économiquement, on peut se dire qu'on a essayé, que cela n'a pas marché, et que ce sont des choses qui arrivent, mais cela évitera de se faire rouler dans la farine !
Ce que je reproche au Conseil d'Etat actuel - pour le reste, c'est de l'histoire ancienne; c'était essentiellement l'affaire de M. Maitre - c'est de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour exercer ce contrôle. Vous comprendrez dans ces conditions que d'ici à ce que nous réinvestissions de l'argent dans une compagnie quelle qu'elle soit, il y a de l'eau qui va couler sous les ponts ! Aujourd'hui avec le copinage régnant - car il faut bien dire les choses comme elles sont - il semble impossible d'investir et d'effectuer un contrôle sérieux de l'argent investi. Il était tout de même possible, en étant représenté au conseil d'administration, de savoir quels étaient les petits cadeaux qui circulaient. Je crains vraiment, sauf explications très détaillées, que nous ne devions en tirer les conséquences. J'ai demandé à l'un ou l'autre conseiller d'Etat pourquoi nous n'étions pas représentés ; il m'a été répondu que personne ne voulait finir en prison ! C'est intéressant, mais il aurait peut-être fallu arrêter l'expérience avant.
M. Armand Lombard (L). Pour notre groupe, l'affaire SWA est l'histoire du non-suivi d'un projet qui ne devrait plus se reproduire. L'essai est peut-être raté; espérons que ce n'est pas définitif, mais c'est en tout cas mal parti. La communauté genevoise a besoin d'entreprises nouvelles et d'investisseurs enthousiastes. Ils ne doivent évidemment pas employer les moyens utilisés dans le cas de la SWA, mais agir selon des critères clairement définis.
Cela va peut-être être une expérience malheureuse, mais il faut savoir en tirer les conséquences. M. Hiler dit qu'il ne faut pas recommencer; au contraire, il faut recommencer, mais d'une autre manière. En effet, sans les partenaires que peuvent être l'Etat sur le plan financier et d'autres investisseurs, nous ne parviendrons pas à relancer notre économie avec des entreprises valables. Avant de démarrer une entreprise, il faut faire des études préalables, étudier notamment le marché et son approche. La presse l'a suffisamment relaté : ces démarches n'ont pas été conduites d'une manière approfondie ou l'ont été d'une façon négative vis-à-vis de Swissair. En plus de l'approche du marché, il faut connaître la vocation d'une équipe. On ne laisse pas démarrer une entreprise dont on ne connaît pas la vocation, c'est-à-dire les motivations profondes de ceux qui la dirigent.
Il eût peut-être fallu, au début, situer ces motivations, situer les directions dans lesquelles l'équipe souhaitait aller - pour autant qu'il y ait eu une équipe - et établir ensuite un plan de trésorerie. Bien entendu, selon un contrôle très superficiel des informations qui nous ont été données, un plan de trésorerie a dû être étudié : en général on calcule les trésoreries négatives pour les premiers mois, les premiers trimestres ou les premières années. La somme des trésoreries négatives - en simplifiant un peu - donne les fonds propres nécessaires à l'entreprise. Quand l'entreprise n'a plus de fonds propres au bout de six mois, c'est que ce calcul a été mal fait.
Au sein des institutions existant à Genève, que ce soit Start-PME, que ce soit la Fondetec pour la Ville, ou d'autres institutions, on ne dispose pas aujourd'hui d'un suivi du financement. Même si le financement était bon au départ - émettons cette hypothèse - lorsque M. Maitre a pris en charge cette affaire, il fallait néanmoins un suivi de ce financement. On ne peut pas, en effet, décider de lancer une entreprise un jour et l'abandonner par la suite.
Par conséquent, nous devons penser au suivi, inexistant ou totalement insuffisant, et réfléchir sur l'engagement de l'Etat. Ce n'est pas une mauvaise chose que l'Etat participe de temps à autre au lancement d'une entreprise et qu'il soit l'un des partenaires qui donne de l'impulsion pour aller de l'avant, mais à l'évidence il doit chercher à construire une entreprise durable et avant tout rentable. Cela permet de créer des emplois et surtout de les maintenir.
Dernier point : un partenariat est nécessaire, mais jamais - d'ailleurs n'importe quel investisseur privé pourrait le dire dans cette enceinte - un investisseur n'agit seul sans consulter d'autres investisseurs. Il y a des exceptions, mais l'Etat, lui, doit agir en partenariat et chercher d'autres investisseurs. Ces personnes forment une équipe, un conseil administration et ne se laissent pas imposer un conseil déjà existant, on ne sait pas exactement comment ni pourquoi...
La période des fêtes aidant, mon groupe sera en mesure de vous soumettre un projet sur ces quelques pistes, qui propose une série de critères applicables lors du démarrage ou du suivi d'une nouvelle entreprise. En effet, il est regrettable, voire pathétique pour notre collectivité genevoise, qui essaie de se développer, de «patauger» tellement au départ, alors que les mesures à prendre sont parfaitement claires.
Nous sommes bien entendu d'accord de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat
Mme Véronique Pürro (S). Ainsi que l'ont indiqué les deux orateurs de l'Alliance de gauche, la commission de l'économie a déjà eu l'occasion de se pencher sur ce sujet. Je suis du reste la rapporteure de la motion de l'Alliance de gauche.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons eu l'occasion de recevoir le directeur général et le président de la compagnie. Lors de leur audition, nous avons eu exactement la même impression que celle qui nous avait été rapportée par M. le conseiller d'Etat, lorsqu'il avait répondu à l'interpellation de M. Charles Beer, à savoir que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, chiffres et plaquettes à l'appui ; les bénéfices allaient être engrangés et nous pouvions avoir confiance en cette compagnie !
Suite à ces déclarations, nous avions décidé d'amender la proposition de l'Alliance de gauche en libellant des invites beaucoup plus générales qui chargeaient le Conseil d'Etat d'établir un rapport annuel et demandaient que, dans des situations de ce type, le rôle de l'Etat soit également défini. Même si les travaux de la commission sont terminés, je pense qu'il ne serait pas inintéressant que nous les reprenions à l'occasion de cette motion qui sera - je l'espère - renvoyée à la commission de l'économie. Il faut que toute la lumière soit faite sur ce qui s'est passé. Comme l'ont dit M. David Hiler et M. Armand Lombard, nous devrons discuter et essayer de nous mettre d'accord sur le rôle de l'Etat et sur les critères du partenariat.
Le groupe socialiste souhaite que cette proposition de motion soit renvoyée à la commission de l'économie.
M. Carlo Lamprecht. Lorsqu'il est question de capital-risque lors de la création d'une entreprise, il y a le capital et le risque. C'est vrai, le Conseil d'Etat a pris ce risque il y a deux ans. Je crois l'avoir déjà dit ici : j'aurais agi de même, comme d'autres cantons l'ont fait. C'était peut-être une réaction affective, lorsque Swissair nous a quittés, de penser qu'en Suisse romande nous étions capables de créer une compagnie d'aviation pour maintenir les vols vers les Etats-Unis. La plupart d'entre nous dans cette enceinte et à l'extérieur avons vivement souhaité que cette création ait lieu. Cette ligne vaut-elle la peine d'être mise en opération ? Est-elle rentable ou non ?
Trois repreneurs, au moins, sont déjà prêts à reprendre le capital et à reprendre une ligne à des conditions bien entendu totalement différentes et sans l'appui des collectivités publiques. Cela signifie que la création de cette ligne n'était pas forcément un rêve, mais une réalité importante pour Genève. Bien entendu, je l'ai déjà souligné, si SWA avait travaillé plus sérieusement, si la gestion de l'entreprise avait été meilleure, peut-être aurait-elle pu réussir ce que d'autres pourraient réussir. Je l'espère, car le voeu du canton et de cette région, lorsque Swissair nous a quittés, était d'avoir des lignes intercontinentales
Il faut savoir que Swissair ne viendra pas à Genève comme cela; il faudra véritablement qu'elle trouve quelques lignes qui soient rentables. Vous l'avez dit, Monsieur Grobet, si Swissair ne vient pas, pourquoi d'autres compagnies viendraient-elles ? Je puis vous assurer qu'il y a du monde au portillon, ce qui veut dire que l'idée n'était pas si farfelue. Mais il y avait de quoi être surpris en lisant dans la presse - dans «Bilan», pour ne pas le citer - que la compagnie s'envolait, qu'elle faisait des bénéfices, que tout était extraordinaire, alors qu'au mois de novembre le conseil m'avait demandé 3 millions pour le lundi suivant, car il n'y avait plus d'argent dans les caisses pour payer les salaires.
Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, j'ai aussi le sentiment d'avoir été trompé par l'équipe dirigeante. Tout ce lavage de linge sale étalé dans la presse par rapport à cette compagnie démontre effectivement qu'il y a lieu d'en savoir un peu plus. Je suis très heureux, pour ma part, que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat. Nous pourrons ainsi vous donner nos impressions et nos informations sur cette affaire.
Bien sûr, lorsqu'on est venu me réclamer les 3 millions en question, j'ai tout d'abord demandé à voir les comptes de la compagnie. Ceux-ci étaient succincts, mais on affirmait que les investisseurs étaient là. Cette information circulait partout et M. Rochat l'a même confirmée à la télévision le soir où tout s'écroulait. Je ne me suis pas contenté de cela. J'ai demandé qu'une enquête ait lieu sur place et le service du contrôle des finances du Conseil d'Etat est donc allé faire la lumière sur ces comptes. A l'issue de cette enquête, un rapport a été rédigé et communiqué au Conseil d'Etat. Ce document est aujourd'hui dans les mains du procureur général, car nous souhaitons aussi avoir connaissance de ce qui s'est passé et savoir s'il y a eu malversations dans cette affaire.
J'ai souvent eu l'occasion de répondre à des interpellations en commission de l'économie. Comme l'a dit Mme Pürro, il est très difficile de répondre sur certains points. En effet, le président lui-même et le directeur général ont été reçus par la commission de l'économie et, dès que l'avion a commencé à voler, nous avons pensé que c'était une affaire qui commençait à tourner; c'était une étape. Encore fallait-il savoir si cela allait durer et quels étaient les tarifs. Ceux-ci avaient été fixés pour casser la concurrence et pour remplir l'avion. Ce qui n'a pas été examiné, c'est le marché de l'autre côté de la ligne, en l'occurrence New York. Ce marché n'a pas été exploré comme il aurait dû l'être pour rentabiliser la ligne.
Mesdames et Messieurs, j'ai le sentiment, comme vous, d'avoir été trompé. D'emblée j'ai pris la décision de dire publiquement à cette compagnie que les collectivités publiques avaient assez investi et qu'il n'était pas question de donner davantage.
J'aimerais revenir sur le contrôle effectué par l'Etat. Aujourd'hui, lorsque nous octroyons des crédits par Start-PME ou par d'autres organismes financiers, nous ne revendiquons pas non plus de faire partie du conseil d'administration, car nous ferions partie des conseils d'administration de toutes les compagnies que nous aidons, ce qui n'est pas notre rôle. D'autres cantons, tel celui de Vaud qui a aussi investi, auraient pu également revendiquer un siège au conseil d'administration. Nous étions, en définitive des actionnaires majoritaires, issus des collectivités publiques mais au même titre que les autres actionnaires. Le Conseil d'Etat a décidé de ne pas être représenté dans ce conseil d'administration. Il aurait pu l'être dès le départ, mais il ne l'a pas fait, de même que les autres cantons. C'est peut-être cela que l'on peut nous reprocher.
Je suis très heureux d'accepter cette motion. Je peux vous assurer que vous aurez toutes les réponses nécessaires et que toute la lumière sera faite dans cette affaire. Je ne peux pas vous en dire davantage aujourd'hui car, pour l'instant, les informations sont très contradictoires. La justice est saisie et elle nous rendra également compte de ses conclusions.
Le président. Il est proposé de renvoyer cette motion à la commission de l'économie. Y a-t-il d'autres propositions ? Monsieur Beer, vous avez la parole.
M. Charles Beer (S). Nous avions discuté dans notre groupe l'opportunité de renvoyer cette motion soit au Conseil d'Etat, soit de préférence en commission de l'économie. Finalement, vu les invites et le sérieux de la situation, nous préférons la renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il fasse le rapport lui-même. Je souhaite néanmoins amender - je ne l'ai pas fait par écrit, ce dont je vous prie de m'excuser - une invite de la motion. J'interviendrai en temps opportun.
Le président. Présentez votre amendement tout de suite; nous vous écoutons avec intérêt.
M. Charles Beer. Je voudrais donner l'information suivante, qui me semble particulièrement sérieuse et importante : la compagnie SWA, dans le sérieux de sa gestion, a trouvé les moyens, dans les difficultés qu'elle traverse, de violer la législation concernant la protection des salariés, tout particulièrement s'agissant des licenciements collectifs. Ceux-ci n'ont en effet pas été annoncés. Par conséquent, je suggère - indépendamment de tout ce qui peut relever d'autres sanctions - de modifier la quatrième invite comme suit :
«- la surveillance qu'il a exercée quant à l'évolution de cette compagnie aérienne et en particulier le respect de la législation concernant la protection des salariés».
M. Christian Grobet (AdG). Je souhaite demander le renvoi immédiat de cette motion au Conseil d'Etat. Nous regrettons que la précédente motion n'ait pas été renvoyée immédiatement au Conseil d'Etat car, aujourd'hui encore, nous n'avons pas le rapport de la commission. La situation est claire mais peu limpide à la fois. Elle est claire dans la mesure où l'entreprise s'est, hélas, arrêtée de fonctionner. Elle est peu limpide, car un certain nombre de faits ne nous sont pas connus. Nous aimerions notamment, j'insiste sur ce point, recevoir des indications précises sur le marché des vols long-courriers, Monsieur Lamprecht. Nous serions très heureux qu'il y ait des repreneurs pour cette compagnie, mais nous avons tellement été menés en bateau dans cette affaire que, lorsque les responsables actuels nous disent connaître d'éventuels repreneurs, on ne peut hélas pas donner grand crédit à ces propos...
A l'instar de Swissair qui a arrêté, et qui avait un intérêt commercial avec une liaison Zurich-Genève, toutes les compagnies américaines qui, depuis quinze ans, ont voulu assurer des vols New-York - Genève ont dû cesser. Lyon n'a pas de vol vers les Etats-Unis ou le Canada. Cela pour démontrer simplement que la concurrence et le dumping sont particulièrement forts et que ce créneau est extrêmement difficile. Il ne faudrait pas aujourd'hui donner de faux espoirs. C'est pour cela qu'il est important de savoir - la direction de l'aéroport possède ces chiffres - combien de passagers partaient de Genève, afin que nous puissions connaître la situation.
Il faut renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat. A mon avis, le Conseil d'Etat a eu raison de ne pas faire partie du conseil d'administration. Je regrette que M. Rochat, avec sa double casquette, y soit représenté dans des fonctions qui ne sont du reste pas très claires... Vous n'avez, par ailleurs, pas indiqué si M. Rochat était toujours à la direction de l'aéroport, quelle part de son temps il consacre aux affaires de l'aéroport et comment il est payé. Il faudrait éclaircir ce point. Dans ces opérations d'aide financière, il est très délicat de faire partie du conseil d'administration, car cela implique d'assumer des responsabilités. En revanche, lorsqu'une aide est accordée, on peut exiger du bénéficiaire qu'il se soumette au contrôle du service financier de l'Etat. Comme vous l'avez dit, celui-ci est formé de gens compétents qui auraient pu, s'ils avaient suivi le déroulement de l'affaire, informer régulièrement le Conseil d'Etat. (L'orateur est interpellé par M. Lombard). Ecoutez, Monsieur Lombard, vous qui êtes banquier, vous savez comme moi qu'un certain nombre de choses auraient été probablement découvertes.
Mme Véronique Pürro (S). J'aimerais préciser à l'intention de M. Grobet - qui n'est pas membre de la commission de l'économie, il faut le préciser - que si le rapport a tardé, comme il le laisse entendre, ce n'est pas parce que le rapporteur a pris son temps, mais parce que l'Alliance de gauche nous avait annoncé qu'elle allait déposer une motion. Il s'agissait même à l'époque d'une motion urgente, ce qui n'a finalement pas été le cas. La commission, à l'unanimité, a décidé que le rapport ne serait pas déposé sur la première motion pour que la discussion puisse se poursuivre avec l'arrivée de la deuxième motion. Je voulais simplement apporter ces quelques précisions, afin d'éviter de fausses rumeurs.
M. René Koechlin (L). A l'instar de M. Grobet, je tiens à dire combien il est important de souligner l'importance de cette importante motion, qui traite un sujet vraiment important, et combien il est important qu'on la vote ! (Rires.)
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes en présence d'un amendement complétant la quatrième invite qui se lit donc comme suit :
«- la surveillance qu'il a exercée quant à l'évolution de cette compagnie aérienne et en particulier le respect de la législation concernant la protection des salariés».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1250)
sur le taux de fréquentation et le cash flow de la SWA
Vu l'importance des fonds engagés par l'Etat dans la compagnie d'aviation SWA ;
vu la déconfiture financière de cette compagnie ;
vu les assurances qui avaient été données, notamment par le Conseil d'Etat ;
vu la proposition de motion 1199 sur l'envol de Swiss World Airways ;
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
invite le Conseil d'Etat
à lui présenter un rapport sur :
le montant total des aides directes et indirectes consenties par l'Etat de Genève et l'aéroport international de Genève à la SWA (participations financières, subventions, mise à disposition de locaux, paiement de salaires, dont celui du président de la société, etc.) ;
les garanties que l'Etat avait obtenues de la SWA avant de libérer ses participations financières ;
l'analyse de marché qui avait été effectuée ;
la surveillance qu'il a exercée quant à l'évolution de cette compagnie aérienne et en particulier le respect de la législation concernant la protection des salariés ;
le montant des fonds propres avancés par les promoteurs de la SWA ;
le montant des dépenses effectuées par la SWA en une année.
15. Proposition de résolution de Mmes et MM. Alberto Velasco, Laurence Fehlmann Rielle, Jeannine de Haller, Luc Gilly, Antonio Hodgers, Régis de Battista, Dominique Hausser et Dolorès Loly Bolay pour le respect des droits humains au Chiapas (Mexique). ( )
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'Etat du Chiapas est caractérisé par la pauvreté extrême et l'exclusion d'une partie de ses habitant(e)s. Ainsi, 66,7 % de sa population souffrent de malnutrition, 69 % d'analphabétisme (en majorité des femmes), 56 % des habitations ne connaissent pas l'eau courante et 67 % sont privées d'électricité. C'est la population indienne, 1 200 000 personnes sur une population de 3 600 000 habitants, qui serait le plus touchée par cette marginalisation. C'est dans ce contexte de misère, d'atteinte aux droits humains et de précarité à tous les niveaux, qu'a eu lieu le soulèvement de la population derrière le mouvement zapatiste. Depuis lors, la présence massive de l'armée fédérale dans la zone (1/3 de l'effectif national) a généré une situation de tension, d'insécurité et de généralisation de la violence. Les menaces et les assassinats sont monnaie courante et demeurent, dans la plupart des cas, impunis. C'est ainsi que 45 personnes furent massacrées, dont 21 femmes et 9 enfants, à Acteal le 22 décembre 1997. Les coupables sont à ce jour impunis. La présence et la prolifération de groupes paramilitaires dans la zone ont forcé des milliers de personnes à abandonner leurs terres devant la peur et les menaces, entraînant ainsi la destruction d'une économie de subsistance. Dans ce contexte, 20 000 paysans ont dû abandonner leur foyer et vivent dans des conditions déplorables dans la montagne, exposés aux intempéries dans des abris de fortune, souvent sans nourriture, sans eau potable et sans médicaments.
Les femmes font l'objet de sévices de la part des militaires et paramilitaires entraînant des souffrances tant au niveau psychologique que physique. Dénoncer un abus sexuel peut impliquer un rejet de la communauté et/ou de la famille.
Dans un système dominé par la corruption et le racisme, le droit à la justice est quasiment inaccessible. Ainsi, la population indienne est amenée à s'adresser aux ONG ou aux organisations religieuses dans le cadre des démarches légales.
La fraude électorale, facilitée par l'inaccessibilité des institutions politiques, et l'absence de structures participatives sont des obstacles à la participation politique.
A ce jour, le gouvernement mexicain n'a toujours pas mis en vigueur les engagements pris à San Andrés, pour garantir une nouvelle relation entre les peuples indiens du pays, la société et l'Etat. Signées depuis plus de deux ans, ces propositions qui devaient être envoyées au Parlement afin d'être ratifiées, sont toujours en souffrance. Ces accords contenaient une reconnaissance pour les Indiens des droits suivants :
- Politiques : reconnaissance de leur propre gouvernement et de leur propre système électoral.
- Juridiques : décider des formes de scrutins locaux et administrer la justice.
- Sociaux : décider de leurs propres formes d'organisation sociale.
- Economiques : déterminer leur propre organisation en ce qui concerne le travail, la jouissance de leurs ressources naturelles (notamment le droit à la propriété collective de la terre), impulser la production et l'emploi des peuples indiens.
- Culturels : pour garantir les droits culturels particuliers aux Indiens.
- Pluralisme : respect de la diversité de tou(te)s les Indien(ne)s du pays et élimination de la discrimination en général.
- Intégrité : les programmes et leur application doivent s'adresser à des composantes sociales sans discrimination.
- Subsistance : il est important que les programmes et leur application ne nuisent ni au milieu social, ni aux ressources des peuples indigènes et respectent l'environnement et la culture de ces peuples.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, en soutenant cette résolution, vous permettrez de manifester notre attachement aux valeurs démocratiques et notre volonté de contribuer à l'établissement d'une paix durable au Chiapas.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de lui réserver un bon accueil et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
Débat
M. Alberto Velasco (S). C'est en 1948 que l'ONU, l'organisation dont le nom est lié à notre cité, proclama le texte aux ambitions universelles : la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous fêtons cette année le 50e anniversaire. Nous avons au cours de cette année d'anniversaire adopté plusieurs résolutions. Ce fut le cas pour l'Algérie, le Tibet et, tout dernièrement, celle concernant l'affaire Pinochet. C'est au nom de cette universalité de la dignité humaine et du droit que nous les avons acceptées. Aujourd'hui, c'est toujours au nom de cette universalité et du respect des droits humains que je viens défendre auprès de notre Grand Conseil cette résolution qui concerne la communauté des Indiens du Chiapas, Etat situé au nord-ouest du Mexique. Cet Etat, comme indiqué dans l'exposé des motifs, est caractérisé par la pauvreté extrême et l'exclusion d'une grande partie des habitants de ce pays.
C'est dans ce contexte d'atteinte aux droits humains qu'a eu lieu un soulèvement de cette population qui entraîna, en 1997, des massacres dont les médias ont fait état. Afin de garantir une nouvelle relation entre le peuple indien, la société et l'Etat, un engagement fut pris à San Andrés par le gouvernement mexicain, mais ces accords ne sont toujours pas entrés en vigueur. C'est dans ce contexte qu'une commission civile internationale d'observation des droits humains - dont faisaient partie plusieurs citoyens genevois - s'est rendue sur place et, après avoir établi un constat, a fait les recommandations qui figurent à l'invite de cette résolution. Cette invite est en parfait accord avec les différents articles composant la Déclaration universelle des droits de l'homme. J'ajoute que de nombreuses personnalités, telles que M. Edgar Morin, Mgr Gaillot, Régis Debray et d'autres encore, ont approuvé et appuyé auprès du gouvernement mexicain les recommandations de la commission civile internationale.
C'est dans ce contexte et en référence aux valeurs démocratiques auxquelles nous sommes tous attachés que je vous prie de bien vouloir soutenir cette résolution, afin de contribuer à l'établissement d'une paix durable au Chiapas.
M. Pierre Ducrest (L). Cette résolution paraît intéressante mais, dans ce Grand Conseil, ce n'est pas la seule. Elle souligne des motifs nobles, louables, puisqu'il s'agit des droits de l'homme. Comme ce parlement est saisi maintes fois de motions, de résolutions, de pétitions semblables, il serait judicieux - si on veut avancer dans ce genre de travail - de créer une commission ad hoc qui s'occuperait uniquement de ce type de problèmes.
Ce n'est pas au parlement de les régler. En l'occurrence, il y aura renvoi au Conseil d'Etat, qui lui-même va intervenir auprès du Conseil fédéral, qui lui-même va intervenir auprès de ceux à qui vous adressez en réalité cette résolution, soit le gouvernement mexicain.
Une commission ad hoc permettrait d'adresser vos demandes au bon endroit et avec les invites les meilleures. Cela éviterait également à ce parlement de perdre du temps.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur Ducrest, sans compter votre intervention, j'ai utilisé exactement trois minutes pour exposer ma résolution. Je ne pense donc pas que ce parlement ait perdu beaucoup de temps. J'ajoute que quelques-uns de nos concitoyens sont allés au Mexique, qu'ils ont participé à cette commission internationale et que c'est à leur demande que j'ai présenté cette résolution.
Le président. M. Ducrest a proposé de créer une commission ad hoc... Monsieur Rodrik, vous avez la parole
M. Albert Rodrik (S). Nous avons décidé que la commission des affaires communales et régionales dorénavant s'appelait aussi «internationale». Si nous avions voulu renvoyer cette résolution en commission, cette dernière aurait été toute désignée. En l'occurrence nous répétons que nous voulons renvoyer la résolution au Conseil d'Etat pour qu'elle soit transmise au Conseil fédéral, point final.
Le président. En l'absence d'autres propositions, nous allons voter sur l'adoption de cette résolution et son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(391)
pour le respect des droits humains au Chiapas (Mexique)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le rapport de la sous-commission de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies du 14 août 1998, sur la situation au Mexique et son évolution ;
- le rapport final de la Commission civile internationale (composée de 210 délégué(e)s de 11 pays) d'observation des droits humains, qui relève que les droits humains dans les communautés indigènes dans l'ensemble du Mexique font l'objet de violations constantes. Les principales violations relevées étant le droit :
- à la vie ;
- à l'intégrité personnelle (agressions, menaces et abus sexuels sont constants) ;
- à la participation politique ;
- à la liberté de circulation et d'établissement ;
- d'accès à la justice ;
- à la santé ;
- à l'éducation ;
- des femmes à exercer leurs droits ;
- à la dignité ;
invite le Conseil d'Etat
à intervenir auprès du Conseil fédéral en son nom et au nom du Grand Conseil afin qu'il invite les autorités mexicaines à adopter et mettre en oeuvre les mesures recommandées instamment par la Commission civile internationale d'observation des droits humains, à savoir :
- respect intégral et application immédiate des accords de San Andrés sur les droits et la culture des indigènes et poursuite du processus de dialogue et de négociation avec l'EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) ;
- respect du projet d'initiative de réformes constitutionnelles de la COCOPA (Commission de concorde et de pacification) ;
- consolidation des fonctions des instances de médiation et de vérification (COSEVER) ;
- mettre fin à la militarisation et à la paramilitarisation ;
- assurer le libre accès à la justice et promouvoir la lutte contre l'impunité ;
- libérer les prisonnier(ère)s politiques ;
- assurer le retour des déplacé(e)s de guerre dans leur communautés d'origine avec dévolution intégrale de leurs biens ;
- reconnaissance des organismes de défense des droits humains mexicains et internationaux, ainsi que la mise en place d'une instance d'observation internationale.
Sous la présidence de M. Gilles Godinat et en présence de M. Paul-Olivier Vallotton, directeur de cabinet du DASS, la Commission de la santé a traité, le 4 septembre 1998, la pétition 1193 dont l'énoncé est le suivant :
Pétition(1193)
la campagne de dépistage du cancer du sein
Mesdames etMessieurs les députés,
Nous avons appris par la "; Tribune de Genève " du 7 février 1998 que la campagne pour le dépistage du cancer du sein ne peut pas encore démarrer, et nous en sommes stupéfait(e)s. Nous sommes très choqué(e)s, puisque nous savons que tout est en place pour que cette campagne, absolument nécessaire, puisse enfin commencer. Nous ne comprenons pas pourquoi M. G.-O. Segond tarde à l'approuver et à la présenter au Conseil d'Etat pour ratification.
Nous avons obtenu le remboursement d'une mammographie tous les deux ans pour les femmes âgées de plus de 50 ans. C'est déjà un pas extraordinaire et important, alors pourquoi ne pas continuer dans ce sens le plus vite possible. Nous savons en effet que notre canton détient le record européen de cancer du sein, ce qui nous inquiète fortement et que de plus en plus de femmes de moins de 50 ans sont aussi touchées, problème auquel il faudra aussi montrer de l'attention, un jour ! C'est pourquoi la nécessité d'un centre cantonal s'impose, d'autant plus, comme le dit Mme Bouchardy, (responsable du Registre genevois des tumeurs) dans l'article de la "; Tribune " précité, "; que nous pourrions joindre par ce biais toutes celles qui échappent au réseau de santé et ne font, par exemple, pas de contrôles réguliers chez un gynécologue ". D'ailleurs l'utilité de cette campagne a été démontrée dans plusieurs autres pays.
Nous demandons donc que le chef du département prenne les mesures nécessaires pour que ce programme démarre immédiatement et accorde le financement prévu.
Veuillez agréer, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nos salutations distinguées.
N.B. : 1056 signaturesMme Janine Humberset, 29, avenue des Morgines, 1213 Petit-Lancy
Par l'entremise de M. Vallotton, M. le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond, président du DASS, a fait part aux commissaires d'un courrier, daté du 6 juillet 1998, adressé à Mme Joëlle Reith-Chatton, coordinatrice du programme dépistage du cancer du sein (cf. lettre annexée).
Après avoir pris connaissance de cette correspondance et compte tenu des informations reçues selon lesquelles les pétitionnaires renonçaient à leur audition par la commission, il est apparu à l'ensemble des commissaires que M. Segond avait répondu aux attentes des pétitionnaires.
Dès lors, Mesdames et Messieurs, les membres présents de la commission ont approuvé à l'unanimité la proposition de classement de l'objet susmentionné et vous demandent d'accepter cette décision.
p.3
4
5
Mises aux voix, les conclusions de la commission de la santé (classement de la pétition) sont adoptées.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
1 La réalisation d'un équipement scolaire (Ecole de Monthoux) sur la surface de terrain (12 000 m2 environ) comprise dans la zone de développement 4B destinée à des équipements publics, délimitée par le plan N° 28096-526 annexé à la loi du 18 janvier 1991 modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (PL 6552), et formée de partie des parcelles 11500 et 12574, feuille 27, du cadastre de ladite commune, est déclarée d'utilité publique au sens de l'article 3, lettre a de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1933.
2 En conséquence, l'acquisition des immeubles et droits nécessaires à cette réalisation peut être poursuivie par voie d'expropriation.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 18 janvier 1991, le Grand Conseil approuvait la loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone 4B protégée, d'une zone de développement 4B protégée, d'une zone de développement 4B et d'une zone de développement 4B destinée à des équipements publics) (PL 6552).
L'adoption de cette loi répondait à la volonté des autorités de cette commune d'urbaniser un secteur de son territoire encore libre de toutes constructions et dépourvu d'équipements scolaires, ainsi qu'il ressortait des conclusions d'une étude menée par le groupe interdépartemental d'étude de l'évolution démographique (GIEED).
Afin de permettre la réalisation de nouveaux équipements publics, la loi du 18 janvier 1991 ci-dessus rappelée a incorporé dans une zone de développement destinée à des équipements publics, une surface de terrain d'environ 12 000 m2, formée de partie des parcelles 11500 et 12574, fe 27 du cadastre de la commune de Meyrin.
Depuis le début des années 90, la population d'enfants de 5 à 8 ans n'a cessé de croître dans la partie du territoire de la commune de Meyrin sise au sud de la route du même nom. Cette classe d'âge représente les première et deuxième classes enfantines, ainsi que les première et deuxième classes primaires. Pour cette classe d'âge, les effectifs se sont accrus de 86 en 1995, à 105 en 1996 et à 115 en 1997. Pour la rentrée scolaire 1998, cette progression n'a pas fléchi, bien au contraire, dès lors que les inscriptions scolaires ont confirmé une progression de 63 enfants supplémentaires par rapport à celles enregistrées en 1997.
Devant cette évolution et considérant le développement en cours de la partie du village située au sud de la route de Meyrin, le Conseil municipal de la commune a décidé de répondre, dans un premier temps, à une partie des besoins en locaux dévolus à l'instruction publique, en mettant l'accent sur ceux destinés à la division élémentaire.
C'est à cette fin qu'en date du 14 octobre 1997, ledit conseil approuvait le principe d'un crédit d'étude de 265 000 F, destiné à mener à bien une première étape de réalisation de l'école de Monthoux, comprenant six classes avec locaux annexes.
Cette réalisation implique la maîtrise des terrains situés dans la zone de développement affectée aux équipements publics, créée par la loi du 18 janvier 1991 et, depuis plus de 2 ans, la commune de Meyrin mène des tractations avec les propriétaires des parcelles 11500 et 12574, dont une partie de chacun de ces biens-fonds est située, précisément, dans cette zone.
En dépit des efforts consentis par la commune pour entrer en possession de ces terrains, sur la base d'un prix correspondant à celui usuellement pratiqué pour des terrains de même nature, ces tractations n'ont pas abouti ; la commune, en effet, n'a pu se résoudre à donner son accord au prix surfait réclamé par les propriétaires des parcelles en question, dans le cadre d'une cession envisagée de gré à gré ; aujourd'hui elle ne peut plus envisager de poursuivre les négociations par voie amiable, vu l'urgence de mettre à la disposition de la population de nouveaux locaux scolaires.
La loi du 19 janvier 1991 n'ayant pas été assortie d'une clause déclarant d'utilité publique la réalisation de l'équipement scolaire projeté, la commune n'est donc pas en mesure d'engager des démarches de nature coercitive aux fins de disposer des terrains dont elle a besoin et se trouve ainsi dans l'obligation de requérir du Grand Conseil la constatation de l'utilité publique de ce projet, conformément à l'article 3, lettre a de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Tel est l'objet du présent projet de loi; à cet effet et conformément aux prescriptions découlant de la loi sur l'administration des communes, notamment celles contenues à l'article 30, lettres e et n, le Conseil municipal de la commune de Meyrin a approuvé, par délibération du 12 mai 1998, le projet de construction d'une école dans le quartier de Monthoux, localisé sur la surface de terrain comprise dans la zone de développement 4B destinée à des équipements publics, délimitée par le plan N° 28096-526, annexé à la loi du 18 janvier 1991 ci-dessus rappelée et formée de partie des parcelles 11500 et 12574 précitées ; dans le même temps, le Conseil municipal a pris la décision de requérir du Grand Conseil la constatation de l'utilité publique de ce projet, tout en décidant d'ouvrir un crédit de 3 330 000 F, destiné à couvrir les frais d'acquisition des terrains nécessaires à la construction de l'équipement projeté.
Tels sont, en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.
Préconsultation
M. Claude Blanc (PDC). Ce projet de loi est l'illustration d'un échec. Un échec de mesures d'aménagement qui n'ont pas été prises ou qui ont été mal conçues, mal préparées, mal conçues et mal exécutées. Pour mémoire, je vous rappelle que l'objet de ce projet de loi porte sur une série de terrains qui se trouvaient en zone de développement villa mais qui n'avaient jamais été construits et qui étaient consacrés à l'agriculture. Un certain nombre de ces terrains appartenaient à des exploitants qui les ont exploités jusqu'à ces dernières années. Une autre partie de ces terrains appartenaient à des personnes qui n'avaient rien à voir avec l'agriculture. Ces personnes ont été contactées par une caisse fédérale de pension qui leur a suggéré de demander le déclassement en zone 4B pour pouvoir y construire des logements à destination des membres de cette caisse de pension.
Cette caisse de pension publique a offert aux propriétaires en question, à l'époque, une somme très considérable, puisqu'il s'agissait d'environ 600 à 650 F le m2, et c'est sur cette base que tout a démarré. Nous avons procédé à un déclassement et établi un plan localisé de quartier dans lequel la partie de terrains qui était en voie d'acquisition par la caisse de pension fédérale a été mise en zone constructible. Une zone d'utilité publique a été prévue, mais elle n'a pas été précisée dans la loi. Ce qui n'a pas été prévu non plus, c'est une certaine péréquation des prix entre la partie constructible et la partie consacrée à la construction d'une école.
Evidemment nous nous sommes aperçus ensuite qu'une école était nécessaire, suite à la réalisation d'appartements qui a eu lieu entre-temps, et la commune a entrepris les démarches nécessaires.
Deuxième maladresse : la première offre qui a été faite par la commune au propriétaire, soit l'agriculteur exploitant de la parcelle, tournait autour de 120 F. Vous imaginez la réaction du paysan concerné sachant qu'il doit céder son terrain à 120 F, alors que son voisin l'a vendu 650 F et qu'en raison de la construction d'un immeuble sur le terrain de son voisin il doit céder le sien pour construire une école. Le paysan en question - comme les paysans le font quand ils ont l'impression d'être victimes d'une injustice - a pratiqué la politique du hérisson, estimant que l'on se moquait de lui : il a donc refusé de négocier. Voilà pourquoi nous en sommes là.
Cette affaire va probablement être traitée à la commission de l'aménagement, et j'aimerais que les membres de cette commission essaient de porter leurs investigations sur tous les tenants et aboutissants de cette affaire, car, franchement, la somme de 600 ou 650 F, qui datait du début des années 90, n'est vraiment plus d'actualité. L'offre qui a ensuite été faite à l'agriculteur était tout à fait méprisante. Cela constitue ce que j'appellerais un «déni de justice». Il faudra donc tenir compte de tous ces éléments pour essayer de se faire une idée un peu plus exacte de ce qui a été mal fait dans cette affaire.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés nous arrêtons là nos travaux. Nous terminerons ce débat de préconsultation à 17 h, après les interpellations urgentes.
La séance est levée à 16 h 40.