Séance du vendredi 18 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 60e séance

RD 272-A
a) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la réforme de l'Etat de Genève. ( -) RD272
 Mémorial 1997 : Rapport, 2004. Renvoi en commission ad hoc, 2130.
Rapport de M. Daniel Ducommun (R), commission ad hoc
RD 288-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la réforme de l'Etat de Genève (La réforme en marche). ( -) RD288
 Mémorial 1998 : Rapport, 44. Renvoi en commission, 177.
Rapport de M. Daniel Ducommun (R) , commission ad hoc

7. Rapport de la commission ad hoc audit de l'Etat chargée d'étudier les objets suivants :

En date du 24 avril 1997, le Grand Conseil a renvoyé à une nouvelle commission ad hoc audit de l'Etat le rapport RD 272 du Conseil d'Etat ainsi que le rapport RD 288 le 22 janvier 1998.

Cette commission, présidée par M. Daniel Ducommun, a siégé à 11 reprises lors de la précédente législature, à savoir les 5 mai 1997, 12 mai 1997, 30 mai 1997, 2 juin 1997, 6 juin 1997, 16 juin 1997, 30 juin 1997, 5 septembre 1997, 19 septembre 1997, 23 septembre 1997 et 13 octobre 1997.

La commission, présidée par Mme Alexandra Gobet, a siégé à 25 reprises lors de la présente législature en réservant toutefois 15 séances au traitement du projet de loi 7545 instituant un contrôle financier de l'Etat et des établissements publics. Les séances consacrées à l'étude des deux rapports du Conseil d'Etat furent les 24 novembre 1997, 4 mai 1998, 15 juin 1998, 6 juillet 1998, 31 août 1998, 14 septembre 1998, 12 octobre 1998 (présidée par Mme Janine Hagmann), 19 octobre 1998 et 2 novembre 1998 ; elle a terminé définitivement ses travaux le 30 novembre 1998.

Il y a lieu de préciser qu'au-delà des auditions rapportées ci-après, aucun représentant de l'autorité exécutive ou de l'administration cantonale n'a participé aux travaux de la commission.

Introduction

Bref rappel des faits tout d'abord pour signaler que le 25 juin 1995 le peuple genevois a accepté, par 44 034 voix contre 39 634, l'initiative IN 100 selon laquelle le Conseil d'Etat devait confier à une importante fiduciaire nationale le contrôle général de tous les services publics dépendants de l'Etat dans le cadre d'un audit global. Dans sa séance du 11 octobre 1995, le Conseil d'Etat a désigné comme mandataire, chargé de cet audit global, la société Arthur Andersen SA. L'offre a été arrêtée à un montant forfaitaire d'honoraires de 5,5 millions de francs, le crédit y relatif a été voté par notre Grand Conseil le 15 décembre 1995 (PL 7303). Selon les termes du mandat confié à la société le 14 février 1996, les travaux de l'audit ont débuté officiellement le 26 février 1996, soit après l'expiration du délai référendaire. Après la phase initiale de récolte d'informations sur les diverses activités de l'Etat et des établissements publics, la société a dégagé une cinquantaine de pistes à analyser de manière plus approfondie. Arthur Andersen a déposé son rapport final avec la synthèse et les conclusions de son étude le lundi 14 octobre 1996.

Le Conseil d'Etat s'est dès lors attelé à l'appréciation globale de l'audit. C'est ainsi qu'il a établi en février 1997 un premier rapport (RD 272) relatif à la réforme de l'Etat de Genève. Ce rapport articule la réforme sur trois axes, le volet "; institutionnel " (dont un nouveau dialogue Etat/citoyens, le rôle de l'Etat, le fonctionnement du gouvernement), le volet "; transversal " (dont la politique d'achat, le "; new public management " ou une nouvelle procédure budgétaire) et enfin le volet "; sectoriel " comprenant l'étude de 49 pistes de propositions devant entraîner des économies pour le compte de fonctionnement, respectivement des méthodes de travail plus modernes, rationnelles et efficaces. C'est ce rapport qui a été renvoyé par le Grand Conseil le 24 avril 1997 à notre commission ad hoc audit de l'Etat, laquelle a commencé ses travaux le 5 mai 1997. Devant l'ampleur des informations reçues, il n'a pas été aisé pour la commission de trouver rapidement les priorités, respectivement y associer les volontés politiques précises. De plus, la réforme de l'Etat, en tant que tel, entre dans les compétences de l'exécutif cantonal et la mission d'accompagnement du législatif n'a pas été facile à définir. Dans un premier temps, la commission a procédé à diverses auditions dont celle du Conseil d'Etat, de l'auditeur et des représentants de l'organisation du personnel de l'Etat. Dans un second temps, afin de pouvoir sortir quelques priorités d'action, la commission a désigné deux commissaires chargés d'investiguer plus précisément auprès des départements concernés par l'une ou plusieurs des 49 pistes d'économies étudiées par Arthur Andersen. La commission a dû, à regrets, travailler dans des conditions difficiles avec un certain flou surtout dans le choix et la disponibilité des interlocuteurs, que cela soit au niveau du gouvernement ou encore au niveau des différents chefs de projets. Néanmoins, à la fin de la dernière législature, à savoir en octobre 1997, la commission a pu définir des priorités qui devaient conditionner la suite des travaux de la nouvelle législature. Ces priorités ont été définies comme suit :

a) Structures de contrôles

Des structures de contrôles de gestion existent et n'ont pas ou peu été exploitées par les députés qui, de ce fait, exercent insuffisamment leur rôle de contrôle de l'exécutif. La commission des finances, occupée au budget et aux comptes de l'exercice échus, n'est pas à même de remplir cette mission.

Améliorations proposées :

- création d'une nouvelle commission parlementaire de gestion

- appui ponctuel d'experts externes

- collaboration plus étroite avec l'Inspectorat cantonal des finances, notamment par l'accès au rapport de contrôle actuellement sous le sceau de la confidentialité.

Il y a lieu de constater que cette première priorité a été remplie par l'étude du projet de loi 7545 instituant un contrôle financier de l'Etat, des établissements publics, dont le rapport émanant de la commission ad hoc doit être présenté au Grand Conseil pour approbation.

b) Economies des comptes de fonctionnement de l'Etat

L'audit ne doit pas générer que des réformes organisationnelles ou structurelles mais doit entraîner des pistes d'économies tendant à l'équilibre à terme du compte de fonctionnement ou, à valeur égale, à des prestations optimisées.

Les deux pistes doivent être développées en priorité :

- les doublons entre Etat et communes

- la politique et l'organisation des achats en conformité des règles internationales sur les marchés publics (accords de Marrakech).

c) La fonction publique

Les commissaires souhaitent que le gouvernement entretienne une communication permanente avec le personnel par l'intermédiaire des représentations structurées de façon à ne pas mettre les acteurs des diverses réformes devant le fait accompli. Pour le surplus, les trois pistes développées en priorité sont :

- le statut du personnel ; faut-il le changer, l'améliorer ou encore l'adapter ?

- le "; new public management " ; comment l'expérience se déroule-t-elle ? Pouvons-nous consolider cette méthode de travail à l'ensemble des services ?

 Avantages, inconvénients et pistes d'économies.

- participation des services destinataires des achats et engagement financier (principe du besoin, de l'adéquation de la prestation, de l'économie du prix).

Il est à regretter, après ce premier point de situation, que le Conseil d'Etat ait sorti un rapport évolutif en septembre 1997 sans avoir pris contact avec la commission ad hoc audit afin d'apprécier l'état de ces travaux. Néanmoins, ce nouveau rapport est considéré comme un élément additionnel aux réflexions de la commission devant entraîner une prise de position définitive en novembre 1998.

Auditions

Audition de MM. J.-P. Hocké et Y. Martin, responsables du projet de réforme auprès du Conseil d'Etat

MM. Hocké et Martin détaillent le processus organisationnel de la réforme. Les groupes de travail ont été constitués à cet effet avec un calendrier ainsi que des objectifs des réformes institutionnelles et sectorielles. Ils précisent qu'il est possible que certaines pistes d'économies puissent sensibiliser le budget 1998. Si les tâches des groupes de travail sont administratives, l'orientation politique sera bien entendu complétée par le Conseil d'Etat ou le Grand Conseil. En ce qui concerne la réforme du statut de la fonction publique, MM. Hocké et Martin ne sont pas favorables à une différenciation entre administrations d'autorités ou de services, de façon à ne pas entraîner une administration à deux vitesses. Ils précisent que la réforme se fait non pas parce que le fonctionnement actuel est mauvais mais bien parce que il y a lieu de le faire différemment pour des raisons d'efficacité.

Audition des représentants du Conseil d'Etat (ancienne législature) représentée par MM. J.-P. Maitre, président et O. Vodoz, président du Département des finances et contributions

Si les pistes sectorielles sont en principe des réformes d'organisation qui ne devraient pas entraîner de grands débats politiques, en revanche, l'attention doit se porter sur les volets transversaux qui ont pour références les ressources humaines, les outils de gestion, la politique des achats, les subventions, des compétences Etat/communes ou encore de l'informatique. Pour des raisons d'efficacité, il est recommandé qu'un suivi s'installe entre les responsables de la réforme et la commission parlementaire ad hoc créée à cet effet. Pour le Conseil d'Etat, c'est la réforme institutionnelle qui est fondamentale. Il faut être conseiller d'Etat avant d'être chef de département. En revanche, MM. Maitre et Vodoz ne sont pas favorables au système du gouverneur ou du premier ministre. Il y a toutefois lieu de sortir des implications trop importantes dans les questions d'ordre administratif en redéfinissant notamment le rôle des secrétaires généraux.

Le Conseil d'Etat souhaite la création d'une commission de contrôle de gestion sur le type fédéral. En ce qui concerne la gestion des ressources humaines, ils sont pour une volonté de décentralisation en maintenant les classes salariales mais en ayant une meilleure flexibilité entre "; minima " et "; maxima " et en axant sur la concertation avec les partenaires sociaux. Le Conseil d'Etat souhaite un projet de réforme institutionnelle avant la fin de la législature (!).

Audition du bureau du cartel intersyndical du personnel de l'Etat, représenté par MM. S. Mouhanna, P. Bärtschy, M. Vincent, G. Pasquier, M. Denzler, P.-F. Bonnardel, H. Launay et J.-B. Jimenez

Les représentants du cartel intersyndical sont critiques par rapport aux conclusions de l'audit Arthur Andersen. Cet audit est basé sur une philosophie anglo-saxonne loin de nos traditions, les réponses aux préoccupations sont insuffisantes et non pertinentes. De plus, ils constatent une absence de consultation du personnel dans le processus de l'audit. Ils accueillent en revanche favorablement la participation du Grand Conseil à travers la commission parlementaire ad hoc. Le cartel tient à maintenir une centralisation du statut, à savoir une seule grille de salaires et l'absence de salaires au mérite. Il n'est pas favorable à la séparation entre des fonctions d'autorités et de services. Les axes intangibles sont donc le contrôle démocratique, l'unicité du statut et l'absence d'un salaire au mérite. Les représentants du cartel rappellent l'effort important de la fonction publique qui a déjà été entrepris, notamment par la suppression de 2000 postes avec en parallèle une augmentation du volume de travail, nécessité par un maintien de la qualité des prestations. Au niveau du fonctionnement du Grand Conseil, ils regrettent que des motions qui sont envoyées au Conseil d'Etat ne trouvent pas leurs réponses dans les six mois selon le règlement en vigueur, ce qui entraîne ou peut entraîner des dépôts d'initiatives ou de référendums. Il s'agit d'une réforme de pratique des droits populaires à revoir rapidement. En conclusion, les représentants du cartel estiment qu'il manque un organe de contrôle de gestion de l'Etat.

Audition de la commission externe d'évaluation des politiques publiques, représentée par M. J.-D. Delley, président

M. Delley précise que ce n'est pas la Commission d'évaluation qui va s'occuper de la réforme de l'Etat. Ce n'est ni dans ses objectifs, ni dans sa mission. Il constate que ses moyens de contrôles actuels sont suffisants s'ils sont efficacement exploités. Il fait référence à la Commission des finances du Grand Conseil et à l'Inspection cantonale des finances. Il n'est donc pas favorable à une multiplication d'autres commissions dont une Commission de gestion. En revanche, il y a lieu d'améliorer la collaboration entre la Commission des finances et l'Inspection cantonale des finances. Il regrette par ailleurs que la Commission des finances ne sollicite pas plus la Commission d'évaluation. Dans le cadre de sa propre activité d'investigation, M. Delley relève quelques difficultés d'accès aux données. Il évoque à ce sujet le rapport en cours sur l'Office financier du logement et les grandes difficultés d'avoir accès aux données fiscales. En conclusion, M. Delley suggère au Grand Conseil de ne pas se contenter d'édicter des lois mais d'impartir des missions à l'administration en précisant la démarche politique entreprise.

Audition de M. E. Brandt, directeur d'Arthur Andersen SA

M. Brandt déclare que le cahier des charges ne précise pas la recherche d'économies à court terme. Toutes les économies relevées ne sont, en l'état, des "; y a qu'à ". L'objectif d'Arthur Andersen a été, à travers un diagnostic, la remise à plat de la façon de travailler ce qui, bien évidement, entraîne forcément des économies à moyen et long termes.

M. Brandt précise que, pour garder une certaine indépendance d'action, les auditeurs ont volontairement limité les contacts avec les représentants des employés, voir avec le Conseil d'Etat. Il précise qu'il ne faut pas s'attendre à des miracles, l'on ne change pas le fonctionnement d'une entreprise de cette importance du jour ou lendemain, d'autant plus que l'on a à faire à une hiérarchie très lourde (il a été quelques fois recensé neuf niveaux de hiérarchies). C'est l'ensemble du mode de fonctionnement qu'il faut réformer. En ce qui concerne le statut de la fonction publique, il faudrait avoir une certaine souplesse afin de l'adapter au métier même exercé.

Audition du comité "; Halte aux déficits ", représenté par M. E. Martin

D'une manière générale, le comité est satisfait de ce rapport. Il avait peur que l'audit soit sacrifié. Ceci étant, il est bien entendu que l'audit n'est pas terminé, que des zones d'ombres subsistent et qu'il est nécessaire de le compléter par des audits sectoriels. Le représentant de "; Halte aux déficits " estime que des pistes importantes n'ont pas été suffisamment abordées. Il cite les questions de privatisations qui ont été totalement écartées. La relation entre la commune et le canton n'est pas satisfaisante. De plus, on note une insuffisance du contrôle et du suivi des attributions dans les subventions. Sur ce sujet, le consultant estime que, dans le cadre des TPG, une économie de 10 % pourrait être faite à court terme sur le contrat de prestation. En ce qui concerne le statut de la fonction publique, M. Martin constate que les actions du Conseil d'Etat ne vont pas dans le sens du rapport d'Arthur Andersen ou de la volonté exprimée par la majorité populaire. La fonction publique doit travailler de manière flexible et efficace, il ne faut pas qu'elle soit bloquée dans un carcan qui la démotive. En ce qui concerne les outils de gestion, il constate que la distinction entre écritures de fonctionnement et d'investissement n'est pas toujours respectée dans la pratique pour des raisons de cosmétiques budgétaires. Il constate l'inexistence d'un organisme de contrôle spécifique aux achats. D'une façon générale, il regrette que les politiciens aient peur de faire trop de remous en engageant des réformes néanmoins essentielles mais qui touchent, il est vrai, des domaines quelques fois sensibles. C'est contre cette logique paralysante que veut notamment lutter le comité "; Halte aux déficits ". Il faut donc inlassablement continuer d'exploiter le travail de l'audit et d'entreprendre la réforme. Il ne faut pas se voiler la face mais aborder résolument les problèmes sans peur de "; chatouiller " les habitudes privilégiées de certains.

Audition du comité de l'Union des cadres de l'administration cantonale, représenté en ce qui concerne l'Union des cadres par Mme S. Bono et M. F. Chevallay et en ce qui concerne le comité du groupement des cadres par MM. P. Coet et J. Pontera

Les représentants des cadres constatent qu'il existe des pistes intéressantes dans l'ensemble de la réforme et que la démarche vaut la peine d'être entreprise. Ils ont toutefois l'impression qu'elle veut être menée trop rapidement et que tout se passe en petit comité, dans un contexte confidentiel. Si la démarche entreprise aboutit à une restructuration spectaculaire, il serait douteux qu'elle soit bien comprise dans de telles conditions. Les représentants estiment que la démarche du "; new public management " demeure intéressante. En ce qui concerne le statut de la fonction publique, il apparaît douteux que le salaire au mérite offre une réponse pertinente. Les collaborateurs de l'Etat travaillent en commun. Un traitement différencié peut engendrer des problèmes dont il faudrait auparavant peser les risques. Pour le reste, les propositions d'Arthur Andersen ne sont pas nouvelles pour les représentants des cadres. Il existe depuis longtemps des groupes de travail qui étudient certaines thématiques comme le salaire au mérite, comme le partage du temps de travail ou encore l'évaluation du temps de travail.

Il apparaît qu'avec la discussion actuelle sur l'audit, l'on reprend en fait des choses que certains fonctionnaires ont déjà abordé depuis longtemps, quelques fois l'on réinvente même la roue. Si des choses doivent être améliorées au sein de l'administration, il faut relever que la politique a aussi une part de responsabilité dans les dérapages qui surviennent au sein des services. Ils regrettent en conclusion que les cadres intermédiaires de l'administration n'ont pas du tout été sollicités par Arthur Andersen. Enfin, s'il est beaucoup question de mobilité, rien n'est réellement entrepris à ce sujet au sein de l'administration. Si une culture d'entreprise existe, elle demeure au niveau départemental. Il faudrait que cela devienne une culture entreprise au sein de l'Etat.

Audition du comité "; Unis pour servir " représenté par Mme M. Couturier et M. P. Hermenjar, du comité du personnel de corps de police représenté par MM. R. Golay et P. Bärtschi ainsi que des présidents des commissions départementales de personnels de l'Etat représentés par M. A. Jacquier, Mme M. Bonnard, MM. P. Schaer et M. Spagnoli

"; Unis pour servir " explique que la réussite d'une telle réforme doit passer par une participation concrète du personnel et que, si cette approche participative s'avère insuffisante, le résultat ne sera pas atteint. En revanche, une réforme de l'Etat ne peut pas aller sans une révision du statut du personnel. En ce qui concerne les 47 volets sectoriels, certains sont effectivement déjà appliqués et d'autres moins, il est vrai, mais pour avancer dans ces secteurs, il faut associer les commissions du personnel existantes aux réflexions en cours. "; Unis pour servir " regrette à ce propos qu'il n'existe pas de commission du personnel dans tous les départements. Une telle commission est, par exemple, absente du DIP ou du DAS au niveau des hôpitaux. Enfin "; Unis pour servir " souhaite la création d'une commission de coordination des représentants du personnel, laquelle est attendue depuis plusieurs mois. Les représentants des commissions interdépartementales et du groupement des associations de police complètent en ajoutant à leur tour, à regrets, que la synthèse des réflexions issues de l'audit ainsi que les premiers travaux en cours soient mis en place sans interrogation ni association du personnel et des commissions du personnel. Ce serait un leurre de démocratie si le personnel n'était pas associé aux modifications des structures de travail. Une représentante des commissions interdépartementales précise que des commissions du personnel ont demandé à être reçues par le Conseil d'Etat afin de discuter du projet de réforme et qu'elles n'ont même pas reçu d'accusé de réception. Cela entraîne une lassitude certaine au sein des commissions mais également un climat peu propice à une réforme. Pour le groupement des associations de police, il est précisé qu'au-delà de la réforme générale de l'Etat, une réforme ponctuelle du DJPT est entreprise par Team Consult.

Audition des acteurs de l'expérience du "; new public management ", à savoir M. J. Finet, coordinateur au centre de formation et de perfectionnement, M. P. Pettmann, directeur de la division des finances et des assurances sociales ainsi que les chefs de services traitant actuellement l'expérience du NPM, à savoir MM. J.-B. Haegler, J.-T. Vauthier et R. Burkhalter

M. Finet dresse un historique du "; new public management " appelé communément le NPM, démarche qui court au sein de l'administration depuis 1995, plus précisément au sein de l'office du personnel de l'Etat. Il précise donc que l'impulsion ne vient pas des milieux politiques. Au moment de l'audition, trois accords de prestations avaient été conclus avec le SAN, la voirie et le service de la formation du personnel de l'Etat. Si ces trois services ont démarré début 1997, sept autres devraient suivre au cours de l'année 1998. M. Finet précise que l'expérience doit durer jusqu'au 31 décembre 2000 et que dès le 1er janvier 2001 le Conseil d'Etat devra décider s'il entend poursuivre l'expérience ou au contraire la stopper.

Les contrats de prestations prévoient l'aspect réversible des choses, c'est-à-dire qu'ils peuvent en tous temps stopper. En ce qui concerne la formation du personnel au NPM, elle nécessite des moyens importants, toutefois aucun budget n'a été alloué à la création d'une entité de formation NPM. Les responsables de service en expérience NPM s'expriment. Ils déclarent que cette expérience amène les collaborateurs à s'interroger sur le contenu du travail effectué, sur les prestations fournies, sur les personnes qui les demandent, sur le coût des prestations, sur les objectifs fixés ou encore sur le niveau de réussite de ces objectifs. Il est vrai qu'un gros handicap a été de surmonter la méfiance farouche du personnel à l'égard de la direction, en ce qui concerne notamment le SAN. Des points positifs ont par contre été enregistrés comme les acquis de la démarche de la qualité totale ou la pensée du type comptabilité analytique. En fin de compte, le NPM est à prendre avant tout comme un état d'esprit.

Audition des représentants du Conseil d'Etat de la nouvelle législature, représentée par M. G. Ramseyer, président, Mme M. Calmy-Rey et M. R. Cramer

M. Ramseyer informe qu'un nouveau document relatif à une synthèse au 30 juin 1998 sera très prochainement remis. Il précise que la volonté du Conseil d'Etat de poursuivre la réforme est présente, conformément aux engagements pris lors du discours de Saint-Pierre du 8 décembre 1997. M. Ramseyer aborde les premières démarches de la Table ronde en informant que certaines pistes d'économies sont liées à l'audit en citant en particulier le chapitre sur les doublons entre Etat et communes. Personne n'apparaît cependant prêt dans les communes à céder des prérogatives. Mme Calmy-Rey constate que l'Etat-providence est aujourd'hui contesté mais que la position visant à mettre en place un état minimaliste conduit à des blocages, si bien que l'Etat peine aujourd'hui à répondre aux transformations économiques et sociales. Il faut néanmoins poursuivre la réforme de l'Etat et l'orienter sur trois idées fortes. La première repose sur la transparence dans l'analyse et dans les chiffres par le biais notamment de la comptabilité analytique des contrats de prestations et des enveloppes budgétaires, la deuxième idée a trait aux rapprochements avec la population et la troisième concerne la réforme même de l'administration. Elle ajoute qu'il convient d'intégrer le partage du travail dans ce modèle participatif. En ce qui concerne l'évaluation de l'expérience NPM, elle a été effectuée en avril 1998, dès qu'un groupe stratégique a été constitué pour assurer le suivi de ce mode de gestion. Par ailleurs, pour élaborer un budget par prestation, il faut cependant passer par l'étape de la comptabilité financière unique et intégrée. Une refonte plus fondamentale de lois sur la gestion administrative et financière de l'Etat est d'ores et déjà prévue pour le courant de l'an 2000. Mme Calmy-Rey rappelle également les problèmes liés au dysfonctionnement du système informatique de l'administration fiscale. Plusieurs actions ont été entreprises, à savoir la réorganisation du système informatique de l'administration fiscale, la mise en place d'une nouvelle plate-forme bureautique à la migration vers l'an 2000. Elle évoque par ailleurs la problématique de la péréquation financière intercantonale et conclu par les expériences pilotes de partage de travail actuellement menées dans quatre services de l'administration cantonale. M. Cramer aborde quant à lui la répartition des compétences entre le canton, la ville et les communes qui est un des volets sectoriels le plus important du rapport d'audit. Il explique qu'il existe aujourd'hui des contacts actifs entre l'Etat et les communes à travers un groupe de discussion et que quatre ou cinq pistes de travail se dégagent. Il fait notamment référence au domaine de la sécurité civile. Il évoque également la question culturelle et constate que la ville de Genève assure des compétences d'importance régionale, ce qui mérite évidement un examen plus particulier. En ce qui concerne la problématique de la politique sociale, plusieurs questions se posent notamment sur les centres de proximité et éviter certains doublons. La péréquation financière intercommunale est également abordée ainsi qu'une collaboration entre le canton et les communes au niveau de la promotion économique. Le président du gouvernement signale par ailleurs que l'aménagement des territoires constitue avant tout une affaire du canton.

Certaines cohérences sont à déterminer entre les départements notamment en ce qui concerne la pertinence de maintenir les transports au DJPT.

Travaux de la commission

Comme convenu lors de la définition des priorités pour la commission ad hoc, cette dernière s'est occupée à revoir les structures de contrôle de gestion qui n'étaient pas ou peu exploitées par les députés qui, de ce fait, exerçaient insuffisamment leur rôle de contrôle de l'exécutif. C'est ainsi que, pendant 18 séances, la commission ad hoc a étudié puis amendé le projet de loi 7545 instituant un contrôle financier de l'Etat et des établissements publics par la création notamment d'une nouvelle commission de contrôle de gestion laquelle devrait, suite à l'acceptation par le Grand Conseil, remplacer la commission ad hoc audit de l'Etat. Nous n'y revenons pas dans ce présent rapport étant donné que le projet de loi 7545 fait l'objet d'un rapport établi par M. David Hiler. En ce qui concerne le traitement des RD 272 et RD 288 du Conseil d'Etat ainsi que le rapport de synthèse au 30 juin 1998, la commission constate que ces rapports ne répondent pas à l'attente des commissaires et que l'action de l'exécutif ne dégage pas clairement et par ordre de valeur, des priorités dans la réforme des structures et du fonctionnement de l'Etat de Genève. Il ne sort pas clairement que la première des priorités doit être le rétablissement des finances publiques qui implique une maîtrise de la dette et la chasse au gaspillage des deniers publics, phénomène auquel les citoyens sont légitimement sensibles. La commission de la réforme constate également l'impérieuse nécessité de restaurer la confiance de la population à l'égard de ses autorités et du personnel du secteur public.

En ce qui concerne l'audit Arthur Andersen, il apparaît, à travers les différents contacts pris avec les départements, que des pistes importantes ne sont pas répertoriées dans les intentions de réformes du Conseil d'Etat. Il a été évoqué à cet effet, de façon objective et sans aucune connotation ou volonté politique, les pistes suivantes, lesquelles n'ont pas été traitées sur le fond par la commission : la réforme du statut de la fonction publique (grille de salaire trop rigide, nécessité d'un système de rémunération modulable/gestion qualitative, assouplir les conditions de recrutements et de licenciements, revoir les structures hiérarchiques/trop d'échelons) ; un désengagement foncier (absence d'un plan de libération, en revanche et contrairement aux objectifs fixés, le Conseil d'Etat demande un nouvel engagement de 30 millions de francs pour l'achat de nouvelles parcelles et bâtiments) ; les doublons ville/communes (regroupement des achats publics, guichet unique en matière de besoins sociaux, regroupement des services cantonaux et municipaux d'aménagement) ; la répartition des compétences entre départements (redondance de compétences en matière de sécurité entre les départements de justice et police et des transports et celui de l'intérieur, agriculture, environnement et énergie ainsi que redondance de compétences en matière de politique de transports entre le département de justice et police et des transports et celui de l'aménagement, équipements et logements) ; l'éducation (taux d'encadrement trop élevé, six directions générales, locaux divers et éparpillés ; à l'Université, certains professeurs s'acquittent de leurs services en une ou deux journées puis ne reviennent pas... Il n'y a pas de procédure de contrôle) ; la politique du logement social (absence d'une gestion statistique permettant de définir la demande en logements sociaux) ; la politique des subventions (les subventions sont trop souvent fondées sur des bases historiques sans liens réels avec les besoins, création de matelas financiers auprès de certains des bénéficiaires ; la santé et les hôpitaux (en ce qui concerne plus précisément les hôpitaux, le personnel technique est en déplacement pour le 20 % de son temps ; système de facturation obsolète, personnel administratif trop important, coût salarial des nettoyeurs 20 % plus haut que les prestations offertes par les privés).

Pour le surplus, les rapports des commissaires délégués sont annexés au présent rapport, il s'agissait pour le Département des finances de Mme V. Pürro et M. P.-F. Unger ; pour le Département de l'aménagement de l'équipement et du logement de MM. Vanek et N. Brunschwig ; pour le Département de justice, police et transports de MM. C. Grobet et P. Froidevaux ; pour le Département de l'action sociale de la santé de Mme E. Alder et M. A. Mauris ; pour le Département de l'instruction publique de Mmes E. Deuber-Pauli et J. Hagmann ; pour le Département de l'intérieur, des affaires régionales et de l'environnement de MM. C. Beer et D. Ducommun (le rapport concernant le Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures a été communiqué oralement lors de la commission du 14 septembre 1998 par MM. D. Hiler et O. Lorenzini).

En lui retournant les rapports 272 et 288, la commission ad hoc audit demande clairement au Conseil d'Etat de dresser le calendrier des mesures de réformes avec leurs ordres d'exécutions, à savoir, mesures à prendre :

- immédiatement

- d'ici la mi-législature (1999)

- pour la fin de la législature (2001)

- après la présente législature (à préciser par le Conseil d'Etat).

Afin que l'on puisse assurer le suivi de ces actions, le Conseil d'Etat présentera régulièrement, au cours de chaque année, l'état d'avancement des mesures figurant au tableau de bord présentement réclamé par les commissaires de façon à garantir l'information, la participation et le contrôle démocratique de l'avancement de la réforme.

A ce sujet et en réaction à la conclusion des travaux de la commission, le Conseil d'Etat a remis le 30 novembre 1998 aux commissaires trois documents reflétant sa position :

- sur les pistes d'Arthur Andersen non exploitées citées dans le présent rapport ;

- sur le rapport des délégués au Département de justice et police et des transports, par l'intermédiaire de M. G. Ramseyer ;

- sur l'état actualisé des travaux de mise en oeuvre de la réforme.

Ces documents sont annexés.

Conclusion

A l'unanimité, les commissaires constatent qu'il n'est pas possible en l'état d'approuver les deux rapports RD 272 et RD 288 relatifs au suivi de l'audit Arthur Andersen. Il manque une synthèse des actions de réformes à entreprendre avec un calendrier précis et une référence sur les économies envisagées ou à contrario les éventuels coûts engagés. Il y aura lieu, à cette occasion, de clarifier les objectifs afin que le débat politique puisse définir les moyens nécessaires pour y arriver. De plus, certaines pistes, relevées par l'audit, ne sont pas reprises dans les rapports. Il y a lieu de préciser que le projet de réforme engagé par le gouvernement doit aller au-delà des conclusions du rapport d'Arthur Andersen. Enfin, la déclaration de Mme M. Calmy-Rey, conseillère d'Etat, lors du débat devant le Grand Conseil du projet de loi constitutionnel, comprend des engagements du Conseil d'Etat. Ces engagements doivent aussi figurer dans le plan de synthèse.

En conclusion, Mesdames, Messieurs les députés, c'est à l'unanimité de ses membres que la commission vous demande de renvoyer formellement le RD 272 et le RD 288 au Conseil d'Etat.

Annexes :

- lettre de Mme Alexandra Gobet, présidente de la Commission d'audit de l'Etat du 13 novembre 1998 adressée au Conseil d'Etat

- rapports des délégués auprès des départements

- NPM, le nouveau management public à l'Etat de Genève

Documents reçus du Conseil d'Etat le 30 novembre 1998:

- sur les pistes d'Arthur Andersen non exploitées citées dans le présent rapport ;

- sur le rapport des délégués au Département de justice et police et des transports, par l'intermédiaire de M. G. Ramseyer ;

- sur le rapport sur l'état actualisé des travaux de mise en oeuvre de la réforme.

p. 16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

29

30

31

32

33

34

35

36

37

38

39

40

41

42

43

44

45

46

47

48

49

50

51

52

53

54

55

56

57

58

59

60

61

62

63

Débat

M. Daniel Ducommun (R), rapporteur. En préambule, j'aimerais préciser que la proposition de renvoyer au Conseil d'Etat ces deux rapports concernant la réforme de l'Etat n'est liée à aucune volonté de créer une situation conflictuelle avec le gouvernement. Elle vise au contraire à apporter une contribution aux travaux de réforme qui sont absolument nécessaires dans l'état actuel de nos finances en mettant d'éventuels moyens à disposition. Je pense notamment à la révision de lois ou autres démarches formelles.

A cet effet, la commission ad hoc propose notamment la création d'une commission de contrôle de gestion. Cette proposition vous sera soumise par notre collègue David Hiler qui en est le rapporteur. Cette dernière commission ne pourra travailler efficacement qu'avec un plan précis des priorités comprenant : le type de mesures que le gouvernement veut prendre, les objectifs qu'il poursuit, le délai de réalisation, les économies qui en résultent et, éventuellement, les dépenses qui pourraient effectivement être engagées pour arriver en une seconde étape à réaliser des économies. Cette nouvelle commission pourra ensuite légiférer sur le fond, mettre des moyens à disposition et le débat politique pourra s'installer.

Mesdames et Messieurs, les deux cent quarante pages sur l'audit qui ont été remises à la commission ad hoc ne sont pas suffisamment digestes - nous le regrettons - pour un travail efficace. De plus, les pistes les plus importantes - nous semble-t-il - de l'audit Arthur Andersen ne sont pas abordées dans les rapports du gouvernement. Ces pistes figurent en page 13 du rapport et n'ont pas fait l'objet de réponses sérieuses. Des délégués se sont rendus auprès de chaque département pour obtenir des renseignements plus précis. Mais nous n'avons pas eu un retour tangible.

Je rappelle qu'il faut trouver des économies annuelles - le peuple se prononcera dimanche prochain - proches d'un demi-milliard, voire d'un milliard suivant l'avis du peuple. D'autre part le citoyen exige, dans le cadre du projet de loi constitutionnelle issu de la table ronde, un projet de réforme tangible.

C'est dans cet état d'esprit que je considère comme plutôt positif, comme un élément de partenariat, le fait d'avoir instruit ce dossier et de le porter devant cette assemblée, aujourd'hui, à l'unanimité des membres de la commission, ce qui donne - me semble-t-il - du poids, de la crédibilité à la décision de renvoi qui a été prise. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à suivre cette position.

M. Pierre-François Unger (PDC). Les citoyens genevois - ce n'est un secret pour personne - entretiennent décidément des relations difficiles avec leur Etat. La demande d'Etat reste très forte dans la population, mais apparaît singulièrement confuse dans cette société de plus en plus complexe, où la cohésion sociale s'affaiblit - entraînant les phénomènes d'exclusion que l'on connaît - et où les dysfonctionnements de l'Etat ont été mis en relief par la crise des finances publiques. Les contraintes budgétaires devraient être saisies comme une chance de pouvoir dynamiser la modernisation de l'Etat. Pour cela, d'innombrables réformes sont nécessaires, mais deux doivent être entreprises de toute urgence : la réforme de l'appareil étatique et la réforme de la fonction publique. Les contraintes budgétaires n'impliquent hélas pas automatiquement pour l'Etat et ses employés d'amélioration de la productivité, de l'efficacité, de l'inventivité, pas plus qu'elles n'impliquent automatiquement un sens accru des responsabilités des services publics, alors que l'Etat a besoin d'une fonction publique exemplaire dans le domaine de l'efficacité.

Quand verrons-nous des responsables d'administration aussi fiers d'avoir maîtrisé leur budget qu'ils l'ont été pendant trop d'années de l'avoir fait croître ? Une remise en ordre s'impose. L'Etat doit distinguer clairement les tâches d'autorité qui lui incombent des services qu'il met à disposition des citoyens. Les premières lui appartiendront toujours et il les exercera d'autant mieux qu'il s'y consacrera de façon prépondérante. Les services eux doivent peu à peu acquérir une autonomie. C'est déjà le cas de l'aéroport, c'est aussi celui des établissement publics médicaux, mais bien d'autres services devront suivre sous peine de creuser plus encore le fossé entre fonctionnaires et citoyens. Cela ne pourra avoir lieu qu'en faisant participer la fonction publique à la réforme. En auditionnant les différents membres de la fonction publique, nous avons pu constater qu'ils avaient été peu entendus. Les corporatismes de la fonction publique, nés des droits et des devoirs des fonctionnaires, sont peu à peu amenés à disparaître. La fonction publique n'a aujourd'hui pas d'autre choix que d'évoluer vers plus de souplesse. Si elle ne le fait pas, le fossé qui se creuse entre elle et le citoyen pourrait bien se transformer en séisme statutaire.

D'un autre côté, le rôle de l'Etat s'est profondément modifié au cours de ces dernières décennies. Pendant longtemps, l'Etat et les lois ne se sont préoccupés que du maintien de l'ordre et des normes. La complexité croissante de notre société a nécessité une intervention de l'Etat de plus en plus grande au service d'objectifs précis engendrant le plus souvent des dépenses considérables. Mais qui s'est soucié de l'adéquation entre l'importance des dépenses et l'atteinte des objectifs ? Les débordements de l'Etat arrosoir mis au service de la gloire politique - certes compréhensibles en période de vaches grasses, mais combien contraignants en période de disette - ne sont pas acceptables. Il faut investir dans la remise en ordre de l'Etat. La machinerie étatique est lourde; elle est difficile à piloter et sans doute n'est-il pas de tâche plus délicate que d'entreprendre la redéfinition des missions publiques. Les coûts, en particulier politiques, se paient comptant, alors que les bénéfices retardés dans le temps profiteront probablement à d'autres.

Ces réformes sont tout à fait essentielles pour restaurer la confiance entre l'Etat et les citoyens. Nous sommes, hélas, encore loin de tout cela, et c'est la raison pour laquelle la commission propose de renvoyer les deux rapports au Conseil d'Etat. Notre groupe a l'habitude de faire confiance et nul doute que le Conseil d'Etat trouvera les moyens de justifier notre confiance dans une réforme que le gouvernement s'est d'ores et déjà engagé à entreprendre.

M. Michel Balestra (L). La population genevoise qui a voté l'audit général de l'Etat est sans doute divisée en deux camps. Ceux qui pensent que les choses traînent et que les conclusions de l'audit n'ont pas été respectées - alors que, majoritairement voté par le souverain, il devrait avoir force de loi - et ceux qui n'ont jamais voulu de l'audit et des réformes et qui pensent que c'est très bien ainsi.

Inutile de préciser que je fais partie de la première catégorie. Les choses ne sont décidément pas simples et les voies de la politique sont presque aussi impénétrables que d'autres, ainsi que l'a si bien rappelé M. Unger.

Le gouvernement de centre droit et le parlement de centre gauche, issus tous deux du même scrutin rendu par les mêmes électeurs dans le même mois, doivent trouver une solution consensuelle. Pour atteindre cet objectif avec des partenaires soutenant un projet de société diamétralement opposé, reconnaissez que l'exercice n'est pas simple. Les libéraux, comme l'Alliance de gauche, ne se retrouvent pas vraiment dans les choix politiques majoritairement admis. La différence, c'est que les libéraux ont mis une sourdine à leurs projets et jouent la carte de l'intérêt général, alors que l'Alliance de gauche amplifie les cuivres du démantèlement de l'Etat social jusqu'à la cacophonie que nous avons vécue tout à l'heure.

Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi constitutionnelle négocié autour de la table ronde en court-circuitant le parlement pour s'adresser directement à la population ce week-end devrait permettre d'atteindre l'équilibre budgétaire en quatre ans. Bravo pour la performance ! La droite ligotée applaudit les mains dans le dos et la gauche - réalisant une partie de ses promesses électorales qui lui ont ouvert les portes du gouvernement - affirme qu'elle économisera régulièrement, avec détermination... mais plus tard ! Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, cet exercice d'équilibriste peut s'avérer gagnant. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas se voiler les yeux. Seule une réforme profonde réalisée progressivement, mais qui demandera tout de même de la discipline dans la majorité gouvernementale au niveau du parlement, des efforts constants du gouvernement et un appui déterminé des collaborateurs de la fonction publique, seule une réforme profonde pourra nous permettre d'atteindre l'objectif.

La réforme bien sûr n'a de chances de réussite que si elle est concertée. On peut réformer avec les groupes concernés, mais il est impossible de le faire contre eux. Je suis certain que grâce à une bonne compréhension des problèmes que traverse notre canton - une majorité politique élargie s'est d'ailleurs dégagée dans les travaux de la commission - nous pourrons progresser sans drame - mais avec quelques grincements de dents, il ne le faut pas se le cacher - dans le sens de la réforme concertée que nous appelons de nos voeux. La stratégie pragmatique du gouvernement qui mène une politique déterminée, mais réfléchie, sera gagnante à condition que notre parlement cesse de charger le bateau avec de nouvelles propositions de prestations, sachant que Genève n'a pas le premier sou pour les financer.

La commission de l'audit a décidé deux choses. La première : de renforcer le contrôle du parlement sur la gestion de l'Etat par la création d'une commission de contrôle de gestion. La deuxième : de renvoyer les rapports au Conseil d'Etat en attendant que les projets de réforme définitifs soient planifiés et coordonnés. Ce renvoi est à notre sens purement formel, le Conseil d'Etat ayant affirmé que les projets définitifs ne seront prêts qu'au printemps prochain, et qu'il valait mieux attendre cette date pour avoir une idée exhaustive du visage que prendra la réforme de centre gauche d'un Etat dirigé par un gouvernement de centre droit.

Nous sommes a priori - et sans arrière-pensée - convaincus de sa détermination car, Mesdames et Messieurs, quelle image désastreuse il donnerait s'il n'atteignait pas l'objectif principal du projet de loi constitutionnelle : l'équilibre des finances publiques dans quatre ans. Nous sommes donc ligotés comme l'Alliance de gauche, mais nous préférons - contrairement à elle - privilégier l'avenir de Genève à la défense orgueilleuse de nos idées, même si nous restons convaincus qu'elles seraient efficaces. Car nous savons qu'en dehors des réalités il n'y a pas de politique possible, que la réalité est complexe et que la meilleure solution du monde ne vaut rien si elle n'est pas appuyée par une majorité.

Nous restons donc dans l'attente du rapport printanier du nouveau gouvernement sur sa vision de la réforme de l'Etat qui - nous le devinons - ne nous remplira pas d'enthousiasme mais, nous l'espérons sincèrement, nous «décevra en bien». C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, comme tous les groupes représentés au Grand Conseil, le groupe libéral vous propose de renvoyer ces deux rapports au Conseil d'Etat.

Mme Esther Alder (Ve). Les Verts, comme l'ensemble de la commission, ne sont pas satisfaits en l'état de la réforme et vous proposent de renvoyer les rapports 272 et 288 au Conseil d'Etat. Sauf quelques exceptions, l'activité liée à la réforme est très inégale entre les départements. Ainsi, en dehors des discours d'intention, nous attendons - comme la population d'ailleurs - que la réforme se traduise sérieusement dans les faits. Bien que le Conseil d'Etat semble déterminé à s'engager réellement, nous restons dans l'attente de réelles propositions et d'un calendrier clair des échéances et là seulement, ou enfin, le vrai débat pourra commencer.

Mme Véronique Pürro (S). Nous sommes toutes et tous d'accord pour dire qu'il faut apporter de profonds changements au fonctionnement de notre Etat. L'unanimité de la commission concernant la réforme et le renvoi de ces deux rapports traduit bien cette volonté de changement laquelle, jusqu'à la déclaration du Conseil d'Etat de cet automne, ne semblait pas être la priorité du gouvernement. Lorsque nous déplacerons le slogan «il faut absolument réformer» pour nous intéresser plus précisément au contenu de ces changements, à leurs objectifs ou aux modalités de leur mise en oeuvre, les divergences apparaîtront très rapidement. Du reste, on peut déjà percevoir dans quelle direction elles iront par le biais des propos tenus dans le cadre de ce débat.

Le groupe socialiste aura, j'espère, prochainement l'occasion de vous présenter et de vous préciser dans quel sens, avec quel objectif et à quelles conditions cette réforme devrait - à ses yeux - être abordée et mise en pratique. En attendant, laissez-moi brièvement rappeler quelques éléments qui nous tiennent à coeur.

Mesdames et Messieurs les députés, il convient d'être clairs dès le départ, et je pense que c'est ici que se situera probablement le clivage entre les différents partis du Grand Conseil. A notre avis, la réforme qui nous sera proposée ne devra en aucun cas s'inscrire dans une volonté d'affaiblir l'administration publique par des méthodes néo-libérales qui ont, par ailleurs, montré leur inefficacité et leurs conséquences désastreuses. Je pense à la Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, mais aussi à des pays dirigés par des gouvernements travaillistes comme la Nouvelle-Zélande. Dans ce sens, le groupe socialiste pense qu'il convient de s'écarter quelque peu de certains principes énoncés dans le rapport d'Arthur Andersen.

De la même manière, cette réforme ne doit pas être un moyen de réduire le déficit public, de rétablir les finances publiques. Dans ce sens, il convient de prévoir prioritairement la réallocation des éventuelles ressources dégagées soit à la prise en compte de nouveaux besoins soit au financement du processus de réforme, puisqu'il faut être conscient - le rapport d'Arthur Andersen le mentionne noir sur blanc - que la réforme aura un coût.

Par ailleurs, l'organisation de cette réforme doit se fonder sur le principe que tous les secteurs doivent être pris en compte de manière coordonnée. C'est à notre avis ce qui a fait défaut jusqu'à présent. Les nombreuses expériences en la matière ont effectivement démontré qu'il est fortement déconseillé de restreindre le processus de réforme à la seule administration. Ainsi, il convient de favoriser un processus de réforme globale dans lequel chaque projet doit être interdépendant.

Si la nouvelle gestion publique ne doit pas être considérée comme un remède universel à toutes les difficultés et tous les problèmes de l'Etat social moderne, il nous semble en revanche qu'elle offre des bases conceptuelles intéressantes. Dans ce sens, les instruments tels que contrat de prestations, enveloppe budgétaire accompagnée d'instruments de contrôle appropriés doivent être introduits et généralisés y compris au niveau des institutions subventionnées.

Enfin, pour assurer son succès et pour favoriser des prestations de qualité répondant aux réels besoins de la population, les réformes doivent être conçues et mises en oeuvre avec les principaux concernés. La parole aux citoyens ne doit pas être un slogan comme c'est malheureusement très souvent le cas dans les autres collectivités qui ont introduit la nouvelle gestion publique. Dans le même esprit - et je crois que je peux entièrement rejoindre les propos de M. Balestra - un processus de réforme globale et durable ne peut être entrepris avec succès que si tous les partenaires impliqués au niveau de la fonction publique sont étroitement associés et s'engagent dans une démarche commune.

Voilà en quelques mots, Mesdames et Messieurs, les principaux points que voulait porter à votre connaissance le groupe socialiste, qui vous demande de suivre l'avis de la commission en approuvant ses conclusions de renvoi au Conseil d'Etat.

M. Bernard Clerc (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, réforme, modernisation, efficacité : voilà de beaux mots mais, en eux-mêmes, ils n'ont aucun sens; tout dépend du contenu que l'on veut bien leur donner. Ces trois principes associés à l'audit général de l'Etat apparaissent au moment où notre canton et les collectivités publiques en général rencontrent des difficultés financières. C'est extrêmement curieux, parce que, dans le fond, la réforme, la modernisation, l'efficacité, devraient être permanentes. Peut-être est-ce dans les année 80 qu'il eût fallu entreprendre ces changements.

Essayons de voir le contenu derrière ces mots. Nous avons entendu quelques appréciations dans les interventions de tout à l'heure. Pour certains, réforme signifie recentrer l'Etat sur les fonctions d'autorité - M. Unger a été assez précis sur cette question - et déléguer toute le reste car, comme chacun le sait, «tout le reste» ce sont les tâches secondaires, les tâches principales étant les questions d'autorité. Modernisation, avons-nous entendu : cela signifie, pour certains, remise en cause du statut de la fonction publique.

En fait, dans ce débat, la question qui se pose est - et là je rejoins M. Balestra : quel type d'Etat voulons-nous ? Nous savons bien, parce que Genève n'est pas un petit canton isolé dans le monde, nous savons bien que dans les pays où les milieux libéraux ont pu mettre en place leur politique, ce ne sont pas eux qui ont eu les mains liées dans le dos, mais bien les populations qui ont eu à souffrir de ce type de réforme. Evidemment, cela nous n'en voulons pas. Il faut arriver cependant à des propositions concrètes. J'aimerais faire remarquer à ce Grand Conseil qu'une des propositions issues de la commission de l'audit : la création d'une commission de contrôle de gestion, vient de l'Alliance de gauche. Nous n'en avons pas vu d'autres venir de manière très concrète de cette commission.

Une voix. Et les libéraux l'ont votée !

M. Bernard Clerc. Et les libéraux l'ont votée... C'est extraordinaire ! Pourquoi avons-nous proposé cette mesure contre un Etat, qui ne va pas résoudre tous les problèmes mais qui peut en tout cas jouer un rôle certain face à diverses tentatives, encore présentes, qui ont eu largement cours dans les décennies précédentes ? C'est que les citoyennes et les citoyens n'admettent plus un Etat gaspilleur. Et en ce qui nous concerne, c'est de manière permanente que l'Etat ne doit pas être gaspilleur, que l'on soit en déficit ou non.

Je suis heureux de voir que la majorité de ce parlement - pour une fois - a repris une proposition de l'Alliance de gauche visant à une réforme de l'Etat qui a un contenu précis : non au gaspillage, mais oui à un Etat social !

Mme Martine Brunschwig Graf. Dans ce parlement et à plusieurs occasions, le Conseil d'Etat a tenu à souligner sa volonté de mener à bien la réforme de l'Etat de Genève. Vous avez eu le bon goût de l'écouter. Vous avez également eu l'esprit critique qui vous conduit à dire que cela n'est pas suffisant. Cela est bien normal de la part de députés qui sont chargés du contrôle de l'Exécutif, qui représentent les citoyens et doivent veiller, aussi, à ce que les paroles se transforment en actes concrets pour le plus grand bien de la population.

Aussi nous sommes-nous rendu compte que, malgré le fait que nous vous ayons remis officiellement et à plusieurs reprises un calendrier avec certaines étapes de nature globale, vous étiez avides d'en savoir davantage et de connaître les étapes intermédiaires et le plan de travail détaillé qu'impliquait la réforme globale que nous vous avons présentée. J'ai ressenti aussi - pour avoir représenté le Conseil d'Etat devant votre commission avant qu'elle n'adopte son rapport - votre adhésion unanime à l'idée qu'il était nécessaire de réformer l'Etat. Il est vrai que, comme tous les députés qui sont intervenus dans cette enceinte, il est facile d'être d'accord sur la réforme de l'Etat. Il sera bien plus important d'être d'accord sur les mesures à prendre pour ce faire.

Nous avons bien perçu, à travers vos débats et vos discussions, qu'en filigrane nous retrouvions des problèmes relativement délicats, dès lors que l'on parlait du statut de la fonction publique ou d'autres éléments qui touchent l'organisation de l'Etat, ses responsabilités, la responsabilisation des services et des collaboratrices et collaborateurs de la fonction publique. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'a pas souhaité - même avant un vote important - céder à la soif naturelle qui est la vôtre et vous présenter ce qui n'aurait été alors que des esquisses et quelques rideaux de fumée. C'est en tout cas comme cela que vous l'auriez ressenti. Pour pouvoir obtenir de ce parlement une majorité qui permette véritablement de soutenir les réformes nécessaires et reconnues par tous, il s'agit aussi ensuite d'obtenir de votre part le soutien et le travail nécessaires.

C'est la raison pour laquelle - je l'ai d'ailleurs annoncé à la commission - le Conseil d'Etat a décidé de consacrer une grande partie de son séminaire des 23 et 24 mars prochain à prendre un certain nombre de décisions. Celles-ci peuvent être de différente nature et permettront ensuite de définir le plan d'action dans des domaines qui vous sont chers. Mais nous devons, les uns et les autres, rester très honnêtes. Les citoyens ont souhaité que l'Etat soit réformé. Ils l'ont exprimé à travers l'initiative populaire que vous connaissez. Les citoyens attendent aussi que cette réforme génère un certain nombre d'économies. En déposant le projet de loi constitutionnelle, le Conseil d'Etat vous a donné, sur ce point, quelques éléments dans son rapport. Tout ne sera pas résolu à court terme en termes de millions et vous devez le savoir. Mais il est important - et le Conseil d'Etat partage votre avis sur ce point - de procéder à des transformations durables et sensibles durant de longues années qui permettront une véritable restructuration ou remodélisation de l'Etat que nous connaissons.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que la commission qui a fait ce rapport poursuivra dans cette voie, telle que nous l'avions discutée. Le Conseil d'Etat souhaite véritablement rencontrer des interlocuteurs, vous, députés, qui vous constituerez sous forme de commission de gestion, si vous le souhaitez, pour permettre un suivi et favoriser le dialogue. En effet, rien ne serait pire que de laisser un malentendu s'installer, car, en fin de compte, il faudra prendre des décisions. Elles ne pourront pas satisfaire sur tous les points les uns et les autres et - comme l'ont dit certains - des débats de fond s'instaureront. Je comprends donc votre souci d'en débattre. Je souhaite que, le moment venu, le débat ait lieu avec une discussion de qualité et avec le souci, qui doit être celui qui nous anime tous, de l'intérêt général et des engagements pris envers les citoyens.

Pour le reste, je vous renvoie au calendrier que nous vous avons remis et dont je vous rappelle qu'il est extrêmement détaillé. Prochaine date importante : fin mars 1999

Le président. A l'unanimité, la commission s'est prononcée pour le renvoi de ces rapports au Conseil d'Etat. Je mets aux voix cette proposition.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat est adoptée.