Séance du vendredi 18 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 60e séance

PL 7221-A
8. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes Micheline Calmy-Rey et Christine Sayegh sur l'imposition des personnes morales. (D 3 15). ( -) PL7221
Mémorial 1995 : Projet, 2964. Renvoi en commission, 2966.
Rapport de majorité de Mme Stéphanie Ruegsegger (DC) , commission fiscale
Rapport oral de minorité de Mme Salika Wenger (AG), commission fiscale

RAPPORT DE LA MAJORITE

Les travaux relatifs à la modification de la loi sur l'imposition des personnes morales (PL 7721) ont retenu l'attention de la Commission fiscale à quelque 34 reprises. Ils ont été conduits du 13 juin 1995 au 29 septembre 1998, sous les présidences respectives de Daniel Ducommun, Nicolas Brunschwig, Christine Sayegh et Bernard Clerc, en présence des conseillers d'Etat en charge du Département des finances Olivier Vodoz puis Micheline Calmy-Rey. Ils ont été assistés par Mme Catherine Neuenschwander, directrice de la division des l'enregistrement, des successions et des impôts fonciers (ESIF) et de MM. Daniel Brauen, administrateur général de l'administration fiscale, Pietro Sansonetti, directeur des affaires fiscales, Florin Könz, chef du service juridique, et Georges Adamina, directeur de la taxation, dans l'ordre de leur apparition devant la commission. Les procès-verbaux de séance ont été tenus par Mmes Corinne Brasey, Linda Hainaut et Myriam Berkati. Que toutes ces personnes soient ici sincèrement remerciées pour leur efficace et précieuse collaboration.

Préambule méthodologique

Durant 3 années de travaux, la commission a procédé à 19 auditions. Au cours de cette période, d'autres projets de loi fiscaux, concernant les personnes physiques comme les personnes morales, ont également retenu l'attention de la commission.

La commission a travaillé en trois temps. Dans la première partie de ses travaux, elle a entamé une réflexion générale sur la fiscalité des entreprises, et plus particulièrement sur le système d'imposition sur le bénéfice. Elle a ensuite également examiné la question des allégements fiscaux offerts aux entreprises, ou encore la fiscalité des personnes physiques. Enfin, elle s'est consacrée à l'étude approfondie de l'introduction du taux proportionnel, au taux lui-même et aux mesures d'accompagnement (diminution de l'impôt sur le capital).

Dans la mesure du possible, le présent rapport se limite à relater les travaux et auditions concernant les projets relatifs à l'introduction d'un taux proportionnel sur le bénéfice des sociétés, à savoir le projet de loi 7221, qui fait l'objet de ce présent rapport, et le projet de loi 7516, retiré par ses auteurs à l'issue des travaux de la commission.

Introduction

Le projet de loi 7221 a été déposé en date du 7 mars 1995. Il propose de simplifier l'imposition sur le bénéfice des sociétés, en fixant un taux unique d'imposition à 12 %.

Aujourd'hui, notre canton connaît un système progressif d'imposition du bénéfice net, qui se calcule en fonction de l'intensité du rendement. L'intensité du rendement se définit par un rapport entre le bénéfice et le capital de l'entreprise. Pour un bénéfice net donné, plus le capital est important, plus l'intensité du rendement est faible. Le bénéfice sera alors taxé plus légèrement. Les sociétés ne sont donc pas imposées avec la même force selon qu'elles aient un taux de capitalisation élevé ou non.

Constatant que ce système défavorisait les sociétés faiblement capitalisées, à savoir principalement les PME, les jeunes entreprises ainsi que celles faisant davantage recours à de la main-d'oeuvre, le Grand Conseil adoptait en 1994 une loi fiscale qui resserrait l'écart entre les taux minimum et maximum, les rapportant de 4 à 6 %, respectivement de 15 à 14 %.

Malgré cette correction, la différence de traitement entre entreprises fortement et faiblement capitalisées demeure. Une comparaison entre les cantons suisses nous apprend par ailleurs que la progressivité de l'imposition en fonction de l'intensité du rendement est particulièrement importante à Genève.

Le présent projet de loi se propose donc de poursuivre sur la voie empruntée en 1994, en s'inspirant des exemples jurassien et tessinois, ainsi que des recommandations émanant du message du Conseil fédéral sur l'harmonisation fiscale. Il prévoit donc de supprimer toute référence au capital en adoptant un barème unique d'imposition sur le bénéfice.

Une année et demie après le dépôt de ce projet, un projet cousin était déposé. Issu des rangs de l'Entente, le projet de loi 7516 prévoit, pour les sociétés en capitaux et les coopératives, un taux unique de 9,75, réduit à 4 % pour une partie du bénéfice redistribué (dans le but de corriger les effets de la double imposition). Il introduit également une diminution de l'impôt sur le capital à 0,3 % pour la part de capital inférieure ou égale à 5 mios. Le projet règle enfin la question de la taxation des associations, fondations, fonds de placement et autres personnes morales en fonction de tranches de bénéfices et capital propre.

Discussion générale d'entrée en matière

A l'occasion des premières séances de commission consacrées à ce sujet, les discussions ont principalement porté sur l'ensemble du système fiscal qui touche les personnes morales dans notre canton.

Les longs travaux de la commission sur le sujet s'ouvrent avec l'audition, le 13 juin 1995, de Messieurs le Professeur Fabrizio Carlevaro, du Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève, et Dominique Frei, de l'Office cantonal de la statistique. Ceux-ci dressent un tableau de la fiscalité genevoise et soulignent l'importance de l'imposition des personnes morales sur l'ensemble des recettes fiscales (entre 1/8e et 1/5e) de notre canton. L'impôt sur le bénéfice représente la part du lion, puisqu'il constitue le 80 % des recettes personnes morales. En 1992, Genève comptait 18 727 sociétés, dont 13 344 en capital. Les 5 plus grands contribuables fournissaient le quart de l'impôt perçu sur le bénéfice ! Si l'on considère les 10 premières , elles représentaient le tiers de l'impôt, alors que les 35 plus grandes fournissaient la moitié des recettes fiscales sur le bénéfice.

En date du 30 janvier 1996, l'intervention du conseiller d'Etat en charge du Département de l'économie publique Jean-Philippe Maitre est davantage ciblée sur la question du taux fixe. Il relève qu'un taux fixe à 10 % correspondrait à une diminution de la fiscalité pour l'ensemble du secteur secondaire, compensée par une augmentation de celle du secteur tertiaire. S'il est à ses yeux fiscalement et techniquement cohérent d'abandonner la fiscalité progressive au profit d'un système proportionnel, il convient de procéder également à une analyse économique. Or, constate-t-il, le risque de voir les entreprises du secteur tertiaire, plus mobiles, quitter le canton existe bel et bien et nous devons en tenir compte dans notre réflexion.

L'audition le 27 février 1996 du professeur Zarin permet de mettre en lumière les différents problèmes liés à notre fiscalité. Il relève ainsi notamment les éléments suivants :

- l'imposition progressive sur le bénéfice est injustifiée ; elle pose des problèmes de distorsion par rapport au système de financement d'une entreprise et privilégie la constitution de réserves ; 

- l'impôt sur le capital pose le même type de problème, mais dans un sens inversé ; 

- le droit de timbre dissuade bon nombre d'investisseurs à venir investir en Suisse ; 

- la double imposition économique, qui taxe les dividendes une première fois au niveau de l'entreprise, puis une seconde fois lors de la distribution aux actionnaires.

A l'instar du professeur Zarin, le professeur Yves Fluckiger, de l'Université de Genève, fait part, lors de sa première audition le 12 mars 1996, des mêmes réserves en ce qui concerne la progressivité de l'impôt sur le bénéfice, que rien ne justifie. Si progressivité il devait y avoir, elle devrait alors se baser sur d'autres critères que l'intensité du rendement, comme, par exemple, la capacité contributive des entreprises (bénéfice net). Il suggère également un critère lié à l'emploi, par un rapport bénéfice/nombre de personnes employées. Sans approfondir ces pistes, le professeur Fluckiger relève que le système actuel n'est pas satisfaisant, et que, outre les défauts déjà révélés par son collègue, il défavorise le secteur secondaire, peu capitalisé.

Le professeur se déclare donc résolument en faveur du taux unique, qui permet :

- une neutralité du comportement des entreprises ;

- une simplicité de perception ;

- un rendement fiscal plus élevé ;

- une plus grande stabilité dans le temps des rentrées fiscales.

Comme relevé par le conseiller d'Etat Jean-Philippe Maitre, le risque de voir certaines entreprises, notamment du secteur tertiaire, délocaliser leurs activités existe, mais il convient de relativiser ce phénomène, selon le professeur Fluckiger.

Il souligne toutefois que le changement d'un système progressif à un système proportionnel affectera 80 % des entreprises et qu'il convient par conséquent de ne pas négliger la brutalité de ce passage. C'est pourquoi il propose de réfléchir à un changement par étapes, plus doux.

Au terme de 9 séances consacrées à ce sujet, la commission passe à la discussion sur l'entrée en matière le 26 mars 1996. Un député radical, soucieux des effets néfastes que peut entraîner cette réforme sur l'emploi, propose une motion, mais n'est pas suivi par ses collègues. Si la plupart des groupes se rejoignent quant à l'opportunité d'une telle réforme, qui, aux yeux de nombreux députés, permet à Genève de se doter d'un système fiscal plus moderne, ceux-ci se montrent plus divisés concernant la quotité de ce futur taux unique et les mesures d'accompagnement (diminution de l'impôt sur le capital.

Au vote, l'entrée en matière sur le projet de loi 7221 est acceptée par 7 oui (2 S, 1 Ve, 2 DC, 2 L), 2 non radicaux et 2 abstentions libérales.

Suite à ce vote, la commission décide d'axer son analyse sur trois pistes :

- la quotité du taux ;

- les mesures connexes (diminution de l'imposition du capital) ;

- le calendrier de mise en oeuvre.

Quel taux adopter?

La question du taux suscite un vif débat au sein de la commission, qui s'interroge notamment sur sa neutralité et sur les moyens de relancer l'économie au travers de cet outil fiscal. Le conseiller d'Etat Olivier Vodoz souligne qu'à son sens, le taux proportionnel, aussi positif soit-il, n'a pas pour vocation de relancer l'économie. Pour ce qui est de la neutralité, il conviendrait de définir de quelle neutralité il s'agit : neutralité pour les entreprises, de façon à n'en pénaliser aucune, ou neutralité fiscale, en terme de recettes pour l'Etat. En outre, la commission évoque la possibilité de procéder par étapes, en resserrant progressivement les différences entre les taux minimum (6 %) et maximum (14 %), pour finalement atteindre un taux unique.

Les simulations effectuées par le département, en date du 30 avril 1996, permettent de fournir les premiers éléments concrets de réponse aux députés. Ainsi, selon les chiffres de 1994 :

- la diminution de 14 à 11 % du taux maximum engendrerait une perte de 43 mios ;

- un taux fixe à 6 %, soit l'équivalent du taux minimum, se solderait par une perte de 180 mios ;

- la neutralité en termes de recettes fiscales équivaudrait à un taux unique de 10 %.

Si ce dernier scénario semble le plus acceptable du point de vue des finances de l'Etat, il n'est pas neutre pour les entreprises. Ce qui paraît être une évidence mérite tout de même d'être rappelé : le passage d'un système fiscal progressif à un système proportionnel, s'il entend être neutre du point de vue des recettes, engendrera automatiquement des variations de taxation pour les entreprises assujetties. Si certaines, déjà taxées au taux qui sera retenu, ne verront pas leur situation évoluer, d'autres connaîtront soit un allégement, soit un alourdissement de leur fiscalité. Ce qui signifie donc que cette réforme, aussi positive soit-elle quant à son principe, fera des heureux... et des mécontents !

Cette dernière catégorie étant particulièrement importante, un député libéral suggère d'adopter un taux unique à 6 %, couplé à un mécanisme permettant la création de postes de travail. Indépendamment de la question de la quotité du taux, le critère de l'emploi a retenu l'attention de la commission. Toutefois, devant la difficulté de lier les éléments de la fiscalité et de l'emploi par voie législative, et devant la perplexité affichée par certains commissaires face à la pertinence d'un tel lien, cette suggestion n'est pas retenue.

Afin de limiter au maximum les effets négatifs d'une réforme sur les entreprises connaissant actuellement un faible taux d'imposition, une autre proposition est avancée : la diminution simultanée de l'imposition sur le capital. Un projet de loi émanant des rangs de l'Entente (PL 7516 - dépôt le 19.9.1996.) allant dans ce sens est par ailleurs annoncé à la commission, qui l'étudiera désormais simultanément au projet de loi 7221.

Suite au mandat confié par la commission sur la question du taux proportionnel et d'une adoption par paliers, les documents du professeur Fabrizio Carlevaro et de Dominique Frei "; Conséquences de l'adoption d'un taux proportionnel sur le bénéfice des personnes morales à Genève, neutralisé par une diminution de l'impôt sur le capital  - 1re partie " et "; Conséquences de l'adoption d'un taux proportionnel neutre pour l'imposition des personnes morales à Genève - 2e partie " sont analysés par la commission.

Il en ressort que le taux neutre se situe à moins de 10 % (environ 9,5 %) si l'on ne modifie pas l'imposition sur le capital, et à 11 % si l'on opère une coupe de 40 % de l'impôt sur le capital. Le second document analyse l'introduction de l'impôt proportionnel par paliers. Selon les auteurs de l'étude, l'idéal, pour coller au mieux à la réalité des recettes de l'Etat tout en ménageant les entreprises, serait d'adopter un taux resserré de 7-12,5 %, puis 8-11 %, pour atteindre enfin le taux unique de 10 %. M. Pietro Sansonetti remarque toutefois que les solutions "; taux unique par paliers " et "; taux unique assorti d'une diminution de l'impôt sur le capital " ne relèvent pas d'une même démarche. Il s'agit en effet, dans le second cas, d'opérer également un transfert de charges entre l'impôt sur le bénéfice et l'impôt sur le capital.

Le professeur Carlevaro est invité à commenter ses analyses devant la commission, en date du 17 septembre 1996. Il relève que le scénario "; taux unique et diminution de l'impôt sur le capital " permet de minimiser les transferts et de mieux coller à la réalité fiscale des entreprises. Il estime pour sa part que, du point de vue de l'acceptabilité politique, la meilleure solution serait de supprimer l'impôt sur le capital, et d'adopter un taux unique de 12,5 %, car elle réduit au maximum le nombre de mécontents, tout en conservant une neutralité des recettes pour l'Etat.

Auditions

La fin de l'année 1996 et le début de l'année 1997 sont marqués par une série d'auditions, qui occupent la commission fiscale sur différents projets d'imposition personnes morales et personnes physiques.

L'audition du 14 janvier 1997 permet au conseiller d'Etat Olivier Vodoz de témoigner son soutien à l'introduction d'un taux unique, qui permettrait de gommer les inégalités entre sociétés faiblement et fortement capitalisées. Si la fiscalité n'est qu'un élément des conditions-cadres à la venue de nouvelles entreprises à Genève, il est d'importance. Il constate que la fiscalité des personnes morales en Suisse reste relativement concurrentielle, sous réserve de nos spécificités locales que sont la double imposition économique et la taxe professionnelle.

Pour ce qui est du lien entre fiscalité et emploi, le conseiller d'Etat fait part de son scepticisme. Le problème majeur que rencontrent actuellement les entreprises relève davantage de leur financement, et si nous voulons les aider à survivre, et par conséquent à maintenir des emplois, nous devons plutôt nous employer à leur faciliter l'accès au capital. Il paraît par conséquent plus indiqué d'affecter une partie des recettes des personnes morales à ce but, en lieu et place d'un allégement du taux d'imposition.

L'audition au cours de la même séance de Robert Kuster, délégué à la promotion économique du canton de Genève, permet de mettre en évidence les principaux éléments de compétitivité d'une collectivité publique, à savoir :

- un tissu économique et industriel préexistant ;

- une proximité avec la technologie ;

- une main-d'oeuvre qualifiée, voire très qualifiée ;

- un climat social serein ;

- une garantie de sécurité ;

- la qualité des communications et télécommunications ;

- une accessibilité aux services ;

- une fiscalité attrayante.

Concernant ce dernier élément, Robert Kuster estime que l'introduction d'un taux unique est positive pour notre canton, qui doit faire face à la concurrence directe de Zurich. Il se prononce en faveur d'un taux avoisinant les 10 %, jugeant le taux proposé par le projet de loi 7221 de 12 % trop élevé.

L'audition en date du 21 janvier 1997 du professeur Jean-Christian Lambelet et de M. Jean-Marc Natal, de l'Institut CREA, est principalement consacrée à l'imposition des personnes physiques. Elle permet néanmoins aux invités d'exprimer leur préférence, au niveau des personnes morales, pour l'impôt proportionnel, en lieu et place d'un impôt progressif qui pénalise le succès. Et de relever qu'en matière de fiscalité, il convient de raisonner à moyen terme, et non pas en terme conjoncturel.

La séance du 4 février 1997 est consacrée à une série d'auditions de représentants de la Chambre fiduciaire, sur l'ensemble des projets de loi liés à la fiscalité genevoise.

Répondant à différentes questions posées par la commission, MM. Jacques Perrot et Carl Heggli relèvent que la fiscalité, pour la majeure partie des entreprises, n'est pas le facteur clé d'implantation et que d'autres éléments interviennent dans la décision d'une société de choisir un lieu plutôt qu'un autre (niveau des charges sociales, paix du travail, stabilité politique, etc.). La fiscalité est toutefois un élément à prendre en compte, même s'il n'est pas le seul. Concernant le lien entre fiscalité et emploi, ils soulignent qu'il serait à leur sens plus judicieux de favoriser la création d'entreprises que celle d'emplois.

Quant au projet de loi 7221, les invités constatent que le secteur tertiaire, et principalement les assurances et les banques, est pourvoyeur de nombreux emplois, et qu'il convient d'adopter la plus grande prudence dans la décision que l'on prendra. A cet égard, l'aspect "; allégement de la double imposition, comme le prévoit le projet de loi 7516 (taux réduit d'imposition pour une part du bénéfice redistribué) les séduit davantage.

Lors de leur audition, au cours de la même séance, Mme Myriam Nicolazzi et MM. Roland Etienne et Yvon de Coulon, également représentants de la Chambre fiduciaire, relèvent que le niveau d'imposition des personnes morales sont acceptables dans notre canton, notamment pour les nouvelles entreprises qui bénéficient d'allégements fiscaux. Ils précisent qu'ils se sont avant tout intéressés au mode de calcul de l'impôt sur le bénéfice. De ce point de vue, le taux proportionnel est sans conteste plus attrayant que le taux progressif. Les auditionnés se déclarent favorables à une différentiation du taux proportionnel selon la taille de l'entreprise, par exemple de 9,5 % pour les PME et de 11-12 % pour les sociétés plus importantes. Il serait également positif, selon M. de Coulon, d'abandonner l'imposition sur le capital.

L'audition de Mme Gabrielle Antille, en date du 18 février 1997, est prioritairement consacrée à l'imposition des personnes physiques. Mme Antille précise toutefois que l'introduction d'un taux unique est souhaitable. Quant au niveau du taux, elle relève qu'il doit à son sens permettre une neutralité des recettes et qu'elle rejoint les conclusions du professeur Carlevaro sur ce point.

En date du 25 février 1997, la commission entend les représentants de la Communauté genevoise d'actions syndicales (CGAS) Charles Beer, Bernard Matthey et Jacques Robert. En matière de fiscalité, il s'agit de raisonner à moyen et long terme. Par conséquent, la CGAS réfute le lien entre relance et fiscalité.

D'un point de vue général, la CGAS se déclare en faveur d'une révision globale de la fiscalité, incluant également d'autres éléments de réflexion, tels la taxe professionnelle et communale, les impôts indirects ou encore la péréquation intercommunale.

Du point de vue de la fiscalité des personnes morales, la CGAS adhère au principe du taux fixe, tout en précisant que l'opération doit être neutre sur un plan fiscal. Par conséquent, si elle apporte son soutien au projet de loi 7221, bien que ce dernier privilégie certaines branches par rapport à d'autres, elle rejette le projet de loi 7516, qui implique une moins-value de 87 mios pour l'Etat.

Lors de la même séance, MM. Gérard Beran et Charles Bonvin, de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, font part de leur profonde inquiétude face au manque d'attractivité fiscale de notre canton. On constate depuis la fin des années 80 un alourdissement de la fiscalité et des dépenses de l'Etat, qui a conduit nombre de contribuables, personnes physiques comme personnes morales, à quitter notre canton pour des cieux plus hospitaliers en matière fiscale. Ce phénomène doit être combattu, d'autant que, pour la CCIG, la fiscalité est un moyen parmi d'autres, même s'il n'est pas suffisant, de favoriser la relance. En revanche, elle se déclare plus circonspecte sur le lien entre fiscalité et emploi, estimant que l'impôt sur le bénéfice ne se prête guère à ce genre de finalité.

Ainsi, la Chambre se déclare favorable à l'introduction d'un taux unique, et estime qu'il convient de profiter de cette réforme pour introduire un allégement de la double imposition économique. A cet égard, la Chambre apporte son soutien entier au projet de loi 7516, qui apporte des nouveautés et allégements effectifs, sans compromettre les rentrées fiscales.

Comme déjà relevé à de nombreuses reprises lors des discussions de la commission, Andreas November auditionné en qualité d'expert le 4 mars 1997, montre un certain scepticisme quant au lien relance - fiscalité. En cette période de changement, il préfère voir l'Etat investir sur le long terme, en privilégiant la recherche et la formation et en promouvant le développement des PME. Il est donc favorable à une fiscalité acceptable pour les entreprises, qui prenne en compte les éléments économiques, écologiques et sociaux.

Une nouvelle fois entendu devant la commission le 11 mars 1997, le professeur Fluckiger renouvelle son soutien à une fiscalité propositionnelle et neutre sur le bénéfice des personnes morales. Il indique qu'il aurait été toutefois plus judicieux de mener cette réforme au niveau fédéral. Si le taux proportionnel était introduit, le professeur Fluckiger serait alors favorable à une diminution de l'impôt sur le capital. Il se déclare en revanche plus nuancé concernant la suppression de ce dernier, étant donné que l'impôt sur le capital assure des recettes stables à l'Etat, alors que l'impôt sur le bénéfice est plus volatile.

Discussion

Après cette série d'auditions, la commission fiscale entame une discussion approfondie sur les différents projets relatifs à la fiscalité.

Le principe du taux fixe semblant acquis pour la commission, le conseiller d'Etat invite alors les commissaires à prendre en compte la réalité des chiffres : sur les 600 mios de recettes encaissées en 1995 par l'imposition des personnes morales, 531 provenaient de 200 sociétés. Il y a donc lieu de s'interroger sur les répercussions du taux fixe sur ces dernières et sur le taux à adopter.

La réflexion menée au niveau fédéral sur l'introduction du taux fixe envisage une quotité à 8,5 %. A ce stade de la discussion, il convient de rappeler que les cantons s'étaient prononcés en faveur de l'impôt proportionnel, accompagné d'une diminution de l'impôt sur le capital, préférée à la solution "; impôt minimum ", perçu uniquement en l'absence de bénéfice. Pour ce qui est de cet impôt, le Conseil fédéral a finalement opté pour sa suppression au niveau fédéral, dès le 1er janvier 1998.

Un commissaire radical estime plus sage d'attendre que la réforme fiscale fédérale aboutisse, avant d'aller plus avant dans les travaux de la commission concernant le taux fixe. Il relève que la commission doit garder à l'esprit que l'introduction de celui-ci touchera des entreprises fortement capitalisées et grandes pourvoyeuses d'emplois.

Suite à la décision de la commission d'analyser les projets touchant à la fiscalité séparément, selon leur champ d'application, les travaux relatifs aux projets de loi 7221 et 7516 sont suspendus durant 7 mois, pour être repris simultanément sous la nouvelle législature.

Analyse ciblée des projets de loi 7221 et 7516

Après quelques mois d'hibernation, c'est donc dans une nouvelle composition que la commission reprend l'analyse des projets. Bien qu'elle ne se soit pas encore formellement prononcée quant au principe d'un taux proportionnel, celui-ci semble acquis et les questions en suspens sont les suivantes :

- quel taux adopter ?

- faut-il conserver la neutralité des recettes ?

- faut-il également prévoir une diminution de l'impôt sur le capital ?

- faut-il prévoir un taux proportionnel différencié en fonction de la distribution des bénéfices ?

- faut-il moduler l'impôt sur le capital en fonction de critères définis (ex : l'emploi) ?

- faut-il procéder par étapes ?

Relation fiscalité - emploi

Concernant la question de l'emploi, la commission, en date du 26 mai 1998, fait une nouvelle fois appel au savoir du professeur Fluckiger, pour connaître son opinion sur la meilleure façon d'articuler ce critère. Après avoir exploré diverses pistes permettant d'intégrer cet élément dans la fiscalité des personnes morales, le professeur fait part de quelques réflexions.

Il relève en préambule que les Etats qui se sont déjà employés à ce genre d'exercice n'ont jamais connu de succès probants. En outre, création d'emplois ne rime pas automatiquement avec diminution du chômage. Enfin, le système actuel profite clairement au capital, quelques fois au détriment de l'emploi, et pénalise les PME et le secteur secondaire, dont le taux de rendement est souvent supérieur à celui du secteur tertiaire. Ainsi, en 1995, l'intensité de rendement était en moyenne de 13,2 % dans le secteur industries, arts et métiers, contre seulement 3,8 % dans le secteur des banques, assurances et agences de conseils (voir tableau en annexe).

Il ajoute que, selon lui, l'articulation bénéfice / nombre d'emplois n'est pas un critère pertinent de productivité, et qu'il conviendrait plutôt de mettre en relation la valeur ajoutée avec le nombre d'emplois.

Confirmant l'opinion qu'il avait déjà eue l'occasion d'émettre lors de précédentes auditions, le professeur Fluckiger estime que le passage au taux proportionnel jouit d'atouts de poids :

- eurocompatibilité,

- simplicité,

- transparence,

- rendement fiscal plus élevé,

- suppression des distorsions liées au financement de l'entreprise,

- adéquation à la réforme fiscale en cours au niveau fédéral.

Les conséquences à prévoir d'une telle réforme sont notamment :

- transfert important du secteur tertiaire (principalement les banques) en faveur du secteur secondaire (principalement l'horlogerie - bijouterie) ;

- mouvement de décapitalisation de la part d'entreprises ayant accumulé des capitaux propres pour des raisons fiscales ;

- mouvement possibles aussi bien vers Genève que hors de Genève, et nouvelle répartition des bénéfices de la part de sociétés implantées dans plusieurs cantons.

Le professeur Fluckiger se montre en revanche plus réservé concernant les effets sur l'emploi. Il lui paraît cependant important de tenir compte des éléments suivants :

- neutralité fiscale, qu'il estime à environ 10 % ;

- transition progressive, de façon à atténuer la brutalité de ce passage pour certaines entreprises aujourd'hui faiblement taxées ;

- coordination avec la réforme fédérale.

Quant aux pistes évoquées comme incitation à l'emploi, il évoque la possibilité d'introduire un barème rabais, en fonction du critère bénéfices / nombre d'emplois, ou encore un taux fixé proportionnellement à la productivité de la société. A noter que ces pistes avaient déjà été explorées par la commission ; il avait été alors remarqué que la réalisation de bénéfices ne devait pas être considérée comme un tort et pénalisée.

Simulations sur la base des résultats fiscaux connus

La question de l'articulation avec l'emploi ayant été largement abordée, les commissaires passent à l'examen chiffré des conséquences des projets de loi proposés. M. Georges Adamina, directeur de la taxation, fait part des projections sur la base des rentrées fiscales 1996 : il apparaît ainsi qu'un taux fixe de 8,75 % engendrerait une perte, au niveau des impôts cantonaux et communaux, de quelque 2 mios, alors qu'une imposition à 9 % rapporterait 13 mios de plus à l'Etat, et 77 mios si le taux était fixé à 10 %. Compte tenu de ces résultats et de la volonté largement exprimée par la majorité de la commission (à l'exception de l'Alliance de Gauche) de faire une opération neutre pour l'Etat, le taux de 12 % avancé dans le projet de loi 7221 n'a pas été calculé.

Pour ce qui est du projet de loi 7516, son application se solderait, pour l'exercice 1996, à une perte de 28 mios au niveau des impôts cantonaux et communaux.

M. Adamina relève que 250 à 350 entreprises règlent le 75 % de la facture fiscale des entreprises. Etant donné qu'il s'agit avant tout de sociétés issues du secteur bancaire, susceptibles d'une grande mobilité, un commissaire démocrate-chrétien demande qu'une projection soit faite pour ces entreprises.

Après plus de trois années de travaux, les commissaires passent au vote, lors de la séance du 23 juin 1998.

L'introduction du taux fixe est acceptée à l'unanimité (3 L, 2 R, 2 DC, 2 Ve, 3 S et 3 AdG).

Le respect, pour la fixation du taux, d'une neutralité "; prudente " est accepté par 12 oui (3 L, 2 R, 2 DC, 2 Ve et 3 S) contre 2 non (AdG).

Démarche par paliers

Souvent discutée au cours des travaux de la commission, en raison de la brutalité que pourrait provoquer un passage direct au taux proportionnel, la question de l'introduction par paliers est évoquée par la conseillère d'Etat Micheline Calmy-Rey. Elle propose que l'administration simule un resserrement par paliers. La piste est toutefois abandonnée par les commissaires, qui estiment qu'il faut adopter directement le nouveau système d'imposition. En outre, une éventuelle diminution de l'impôt sur le capital permettra d'adoucir le passage au taux fixe pour les entreprises fortement capitalisées, et par conséquent faiblement taxées sur le bénéfice.

Bénéfices et capital imposés à quels taux ?

Sur les quelque 22 000 personnes morales répertoriées dans notre canton, seules 3 000 à 4 000 sont imposées et génèrent un total de recettes de 241 mios, pour des bénéfices déclarés de 2,7 mrds (exercice 1996). La moitié d'entre elles déclarent un bénéfice inférieur à 50 000 Frs. D'une façon générale, l'imposition sur le capital permet d'encaisser quelque 116 mios par an.

Suite à la demande d'un député, la commission examine les données relatives aux principaux contribuables. Les chiffres 95 dévoilent que les 45 plus grandes entreprises, qui génèrent la moitié des recettes personnes morales, ont été taxées à un taux moyen d'environ 11 %. Pour l'année suivante, à savoir 1996, le taux moyen tombe à 9,5 %. Ces 45 plus grosses entreprises sont principalement répertoriées dans les secteurs de l'horlogerie-bijouterie, la banque universelle, la chimie pharmaceutique, les assurances, les multinationales et les sociétés de service. Quant au meilleur contribuable genevois, son taux de taxation se situe, pour 1996, légèrement en dessous de 10 %, à savoir 9,8 %.

Compte tenu de ces éléments, un commissaire libéral propose d'adopter un taux proportionnel supérieur à la neutralité, mais assorti d'une diminution sensible de l'impôt sur le capital (de 2 % à 1,5 %). Certains députés manifestent leurs craintes que cette solution n'assure pas la neutralité prudente qu'ils défendent.

Le député rappelle alors que le taux neutre pour 1996 se situe à 8,86 %. Par conséquent, un taux de 10 % assure un différentiel positif de recettes de 1,14 %, qui représente plus de 25 mios sur les résultats 96. Un député propose alors d'élever le taux fixe à 10,5 %, tout en conservant un impôt sur le capital de 1,5 %.

Une perception à 10 % sur le bénéfice étant facile à calculer et représentant la moyenne arithmétique entre le taux minimum (6 %) et maximum (14 %), cette solution est privilégiée par la commission, qui préfère "; travailler " sur le taux de l'impôt sur le capital.

Le principe d'une diminution de l'impôt sur le capital est alors soumis au vote de la commission, qui l'accepte par 11 oui (3 L, 2 R, 2 DC, 2 V et 2 S), 3 non (AdG) et 1 abstention (S).

Au terme d'une large discussion, deux propositions sont avancées.

La première, issue des rangs radicaux, propose la solution suivante :

une baisse à 1,5 pour mille du taux de l'impôt sur le capital avec le maintien à 2 pour mille pour les sociétés ne faisant pas de bénéfice et un taux unique de 10 % sur le bénéfice.

Cette proposition est rejetée par 8 non (3 S, 3 AdG et 2 Ve), 2 oui (R) et 5 abstentions (3 L et 2 DC).

Une seconde proposition est mise aux voix, fruit d'un amendement socialiste à une proposition libérale, à savoir :

un taux fixe de 10 % sur le bénéfice et une baisse à 1,8 % du taux de l'impôt sur le capital, avec le maintien à 2% pour les sociétés ne faisant aucun bénéfice.

Cette proposition consensuelle est adoptée par 10 oui (3 L, 3 S, 2 Ve, 2 DC), 3 non (AdG) et 2 abstentions (R).

Vote du projet de loi 7221

Article 20 Sociétés de capitaux et coopératives

Le taux d'impôt sur le bénéfice net est fixé à 10 %.

L'article est accepté par 10 oui (3 L, 2 DC, 2 Ve, 3 S), 3 non (AdG) et 2 abstentions (R).

Article 33 (nouvelle teneur)

L'impôt sur le capital propre est de 1,8 %. Pour les sociétés et coopératives n'ayant pas de bénéfices imposables, ce taux est de 2 %.

L'article est accepté par 10 oui (3 L, 2 DC, 2 Ve, 3 S), 3 non (AdG) et 2 abstentions (R).

Au vote final, le projet de loi 7221 tel que modifié est accepté par 10 oui (3 L, 2 DC, 2 Ve, 3 S), 3 non (AdG) et 2 abstentions (R).

Le projet de loi 7516 sera retiré par ses auteurs dès que le projet de loi 7221 aura été voté.

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RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur: Mme Salika Wenger

Le rapport de minorité sera oral.

Premier débat

Le président. Vous avez reçu sur vos tables deux propositions d'amendements présentées par Mme Wenger.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Je souhaiterais rappeler en deux mots l'esprit consensuel qui a animé les travaux de la commission tout au long de ces trois années et qui ont permis d'aboutir à l'introduction d'une imposition sur le bénéfice, moderne et simple, des personnes morales. C'est à l'unanimité que le principe du taux unique a été accepté en commission; il n'a jamais été remis en question et c'est à la très grande majorité des groupes, exception faite de l'Alliance de gauche, que l'on a souhaité dissocier cette réforme d'une augmentation de la pression fiscale ; je pense qu'il est important de le rappeler. La commission - dont un membre, parmi les auteurs du rapport initial, proposait un taux à 12% - a opté pour un taux unique de 10%, accompagné d'une diminution légère de l'imposition sur le capital qui permette d'assurer à l'Etat une neutralité prudente des recettes fiscales.

Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse de minorité. Genève est une ville qui offre une imposition des personnes morales relativement douce par rapport aux autres cantons. De plus, on n'a jamais vu une entreprise être mise en faillite à cause du montant de ses impôts. Comme l'a justement rappelé Mme Ruegsegger dans son rapport, pour la majeure partie des entreprises la fiscalité n'est pas le facteur d'implantation le plus important. D'autres éléments aussi importants entrent en jeu comme par exemple : une main-d'oeuvre qualifiée, un bon réseau de communications et un climat social serein. Par contre, une fiscalité plus efficace est un facteur très important pour la paix sociale !

Or, en observant le tableau qui se trouve en page 20 du rapport de majorité, on peut constater que de 1993 à 1996 les taux d'imposition - tant sur le capital imposable que sur le bénéfice - sont inversement proportionnels à l'augmentation de ceux-ci. Ce résultat étant imputable, pour l'essentiel, à la hausse de la capitalisation de la part des entreprises déjà fortement capitalisées en vue de réduire les taux d'imposition.

Par conséquent, remédier à une imposition tellement absurde qu'elle taxe fortement les entreprises peu capitalisées (environ 13 ou 14%) et ne soumet les plus riches qu'à un impôt bien moins important (de l'ordre de 6 à 11%) nous semblait une évidence et c'est avec cet espoir que nous avons travaillé à l'introduction d'un taux fixe. Mais, comme c'est souvent le cas, la montagne a accouché d'une souris ! En effet, aujourd'hui, on vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter un projet de loi qui propose un taux d'imposition des bénéfices de 10%. 10%, c'est le taux qui se rapproche le plus de la neutralité fiscale, en effet. Mais neutralité fiscale signifie : pas de rentrées supplémentaires pour l'Etat, et ce afin de sécuriser les investisseurs potentiels. Faut-il rappeler que nous vivons une période où l'on peut difficilement se passer d'une nouvelle rentrée fiscale ?

C'est pourquoi, nous proposons un taux d'imposition sur le bénéfice net, non pas de 10 mais de 12% au minimum. L'introduction de ce taux se ferait progressivement, de façon à permettre aux entreprises les plus fortement touchées une meilleure adaptation à ces changements, soit : 10% en 1999, 11% en 2000 et, enfin, 12% en 2001.

Il est clair que les entreprises fortement capitalisées qui bénéficiaient des taux les plus bas dans l'ancien système connaîtront une hausse d'impôts importante, mais cela correspondrait mieux à la politique financière que notre groupe entend mener. D'après les projections faites par le département, ce taux de 12% présenterait divers avantages. En premier lieu, une baisse d'impôts substantielle pour les entreprises peu capitalisées, généralement les petites et moyennes entreprises, et en second lieu un rendement fiscal plus élevé permettant à l'Etat d'engranger quelque 160 millions, centimes additionnels compris, et environ 38 millions pour les communes, ce qui n'est pas un luxe en ces temps de disette financière.

Enfin, l'Etat ayant besoin d'un certain nombre de recettes stables et l'heure étant à la solidarité devant le déficit, il va de soi que nous refusons vigoureusement la baisse de l'impôt sur le capital propre et nous vous invitons à faire de même.

Mme Christine Sayegh (S). Je tiens à remercier la rapporteuse qui a su, avec clarté et synthèse, résumer nos travaux qui ont duré trois ans. L'adoption de ce projet de loi résulte d'une réflexion intense sur la modernisation de l'imposition du bénéfice des sociétés, en adéquation avec l'évolution de l'économie. Si le système de l'imposition fiscale en fonction de l'intensité du rendement a eu ses raisons d'être, principalement du fait que le recours à l'autofinancement était la principale ressource des entreprises, son maintien aujourd'hui pénalise les jeunes entreprises et constitue un frein au dynamisme de l'économie. Si l'ensemble des commissaires ont admis le principe tendant à appliquer un taux fixe d'imposition sur le bénéfice des personnes morales, la formule a mis plus de temps - comme vous pouvez le constater - à être trouvée pour respecter au mieux le principe de la double neutralité, à savoir : au niveau des recettes mais aussi de l'imposition; enfin, une neutralité prudente...

Le but essentiel était de réussir ce changement. Il a fallu admettre qu'avec un taux de 12% - comme nous l'avions proposé, inspirés que nous étions par le modèle tessinois - ce projet de loi produisait des recettes supplémentaires, ce qui ne nous gênait pas en soi mais demandait un effort trop important aux entreprises du secteur tertiaire qui restent, malgré les progrès technologiques, un secteur générant plus de 60% des emplois du canton.

La proposition du professeur Carlevaro tendant à mettre un taux d'imposition à 12,5% et à supprimer l'impôt sur le capital était séduisante sur le plan de la neutralité, mais supprimait toutefois un impôt sur un élément stable qui est le capital. Nous n'étions pas disposés à prendre ce risque, d'autant plus qu'initialement nous ne pensions pas devoir rectifier l'effet du changement de système par la diminution d'un autre impôt.

C'est le lieu ici de remercier également l'administration fiscale du travail considérable qui a été fourni pour permettre à la commission d'avancer dans ses travaux. Après avoir approché les correctifs possibles et, plus particulièrement, la relation avec l'emploi pour atténuer l'effet de ce projet de loi sur le secteur tertiaire, nous nous sommes ralliés à la réduction concernant l'impôt sur le capital.

En effet, l'introduction d'un taux rabais en fonction du nombre d'employés de l'entreprise, outre le fait qu'il est compliqué à appliquer, aurait été difficile à déterminer simultanément avec l'entrée en vigueur du taux fixe. Ce qui ne sera peut-être pas le cas ultérieurement, car il peut être un facteur incitatif à la création d'emplois. La réflexion n'est d'ailleurs pas terminée sur ce point. Pour l'heure, le taux de 10% et le correctif tendant à réduire l'impôt sur le capital respectent une neutralité prudente en fonction de la situation actuelle.

Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous remercie de voter les conclusions du rapport de majorité.

M. Nicolas Brunschwig (L). Il s'agirait - une fois n'est pas coutume - de remercier les auteurs du projet de loi initial : Mme l'ex-députée Calmy-Rey et Mme Sayegh. Le dépôt de ce projet de loi a, en effet, permis une réflexion importante sur un sujet qui l'est tout autant : la fiscalité des personnes morales. Le système en place à Genève était compliqué et pas équitable : effectivement, un certain nombre d'entreprises étaient favorisées par rapport à d'autres. Les nombreuses études et analyses conduites, entre autres, avec l'aide de l'université n'ont pas donné de réponses aussi catégoriques et aussi absolues que Mme Salika Wenger veut bien nous le faire croire.

En effet, les amendements que vous proposez ne vont pas forcément favoriser les petites entreprises et défavoriser les grandes entreprises. La réalité est beaucoup plus complexe car, comme vous le savez, le rapport entre le bénéfice net et les fonds propres dépend de deux critères : bien évidemment de l'importance des fonds propres et, de manière tout aussi claire, de l'importance du bénéfice. Votre proposition aurait la particularité de pénaliser non seulement les entreprises qui ont des fonds propres importants mais, également, les entreprises qui feraient un petit bénéfice.

Bien évidemment les libéraux, s'ils étaient seuls à décider, n'auraient pas proposé un tel projet de loi. Nous avions d'autres idées, en particulier pour réduire «l'atrocité fiscale» helvétique qu'est la double imposition - une exclusivité quasi mondiale - à savoir une exonération partielle pour une première partie du bénéfice qui serait distribué sous forme de dividendes. Nous pensons en outre que taxer les capitaux, c'est-à-dire les fonds propres, est une erreur. D'ailleurs cette disposition a été supprimée au niveau fédéral, car elle peut amener à taxer fortement des entreprises qui font des pertes; cela ne correspond pas à la capacité contributive desdites entreprises. Quoi que vous disiez, les capitaux d'une entreprise ne sont pas des tas d'or qui sont au fond d'un coffre-fort; ce sont des capitaux qui sont utilisés pour faire fonctionner l'entreprise. Ces capitaux n'ont qu'un seul but : permettre d'atteindre les objectifs économiques et sociaux de ladite entreprise. Ils sont donc importants au fonctionnement des entreprises.

La neutralité bienveillante ou prudente, telle qu'elle a été évoquée, est effectivement un principe sur lequel une large majorité de la commission s'est appuyée pour travailler. La démonstration évidente que nous avons atteint cette neutralité, qui - j'en suis convaincu - générera davantage de recettes pour l'Etat, figure au tableau de la page 20. Ainsi que vous pouvez le voir, le taux moyen de ces dernières années se situe aux alentours de 9%, 9,15% en 1995, 8,88% en 1996. Nous allons passer à un taux moyen et unique de 10% qui est donc bien supérieur à celui pratiqué jusqu'à ce jour, mais il est vrai que celui-ci a quelque peu baissé ces dernières années. L'analyse de cette baisse est extrêmement difficile. Elle peut provenir - et c'est sans doute la première des raisons - d'une certaine baisse de rentabilité en fonction de la conjoncture économique qui a pour conséquence des rendements inférieurs aux années précédentes. La deuxième raison peut provenir effectivement de l'arrivée sur le marché d'un certain nombre de sociétés avec des fonds propres importants, qui influencent les chiffres globaux.

Comme vous le savez, à Genève la fiscalité des personnes morales est tellement pointue qu'elle en est dangereuse. C'est indiqué, sauf erreur, aux pages 3 et 4 du rapport de majorité : cinq entreprises participent pour le quart de l'impôt perçu sur les personnes morales, les dix premières représentent le tiers et les trente-cinq plus importantes fournissent la moitié des recettes fiscales sur le bénéfice. C'est vous dire à quel point nous devions être attentifs par rapport à ces entreprises.

Dès lors, le compromis que nous avons trouvé nous semble répondre de manière satisfaisante à différents critères. Il permettra, entre autres, aux entreprises une budégtisation de leur charge fiscale beaucoup plus facile puisque basée sur un taux fixe de 10%. Je vous rappelle que le taux fixe de 10% est le taux de l'impôt de base qui porte le taux global cantonal à environ 25% avec les centimes additionnels cantonaux et communaux, auxquels il faut rajouter les 8,5% d'impôts fédéraux. Cela veut dire que les entreprises à Genève sont taxées globalement à un taux quelque peu supérieur à 33%, soit un peu plus du tiers.

Suite à cela, bien évidemment, les bénéfices nets distribués sous forme de dividendes sont ensuite taxés au niveau des personnes physiques dans le cadre de leurs revenus. C'est ce qu'on appelle la «double imposition» : une exclusivité que l'on ne connaît nulle part ailleurs. C'est pour cela du reste que les taux sur les entreprises vous paraissent plutôt bons sur le plan helvétique. Ce n'est pas tout à fait juste parce qu'on peut constater - on l'a vu encore hier dans une enquête réalisée par l'un des quotidiens de la place - que nous sommes dans les moyennes européennes. Les autres pays ne connaissent cependant pas cette double imposition. Par exemple, l'avoir fiscal en France permet de déduire sur l'imposition des personnes physiques des impôts qui ont été perçus au niveau des personnes morales.

Le compromis trouvé est satisfaisant. La baisse très minime que nous opérons sur l'imposition des capitaux a une valeur tout autant, si ce n'est plus, symbolique que réelle : une baisse de 10%. On passe d'un taux de 2% à un taux de 1,8%. Il présente pour nous le grand avantage de montrer que les entreprises qui ont été incitées à capitaliser pendant de nombreuses années, pour favoriser une baisse du taux de fiscalité, ne sont pas pénalisées maintenant par ce changement radical de système. Il ne leur reste, en fait, aucun avantage à la capitalisation, mais au contraire des désavantages vu que les fonds propres sont taxés. Nous montrons par ce signe concret que nous avons pensé à ces entreprises.

Sans doute aurions-nous dû aller plus loin, nous en sommes tout à fait conscients, Monsieur Ducommun ! Nous savons que c'est certainement la raison de l'abstention radicale, et vous allez nous le redire. Mais nous avons voulu trouver un compromis large par rapport à une réforme qui a des avantages pour les entreprises, mais aussi pour l'Etat.

Au niveau de la budgétisation des recettes de l'Etat, en ce qui concerne les personnes morales, ce projet sera bien plus facile à appliquer dans la mesure où les seuls critères qui pourront être pris en considération - et ce n'est déjà pas peu de choses - seront les capacités bénéficiaires de l'ensemble des entreprises, auxquelles on appliquera un taux unique de 10% et les centimes additionnels qui l'accompagnent.

C'est donc avec entrain que le parti libéral soutient ce projet de loi. Une fois de plus, nous aurions pu imaginer étendre plus largement ce nouveau principe. Il nous semble qu'à ce stade nous effectuons un grand pas vers l'eurocompatibilité, et peut-être aurons-nous une nouvelle fois l'occasion - parce que je crois que ce débat ne doit pas être abandonné - de revoir ce problème de la double imposition, même si c'est dans le cadre d'un principe de neutralité fiscale intégrale. Il s'agit d'un problème sans doute plus helvétique que genevois, mais il faudra néanmoins revoir clairement l'ensemble de nos structures fiscales dont ce problème fait partie.

M. Daniel Ducommun (R). Le groupe radical s'est effectivement abstenu lors du vote final en commission, car il y a comme un goût d'inachevé dans ce projet de loi. Cela n'a évidemment rien à voir avec les qualités du rapport de Stéphanie Ruegsegger.

Les travaux ont duré trois ans; cela démontre un certain embarras à trouver une solution idéale et pour l'Etat et pour les entreprises. Il y a antagonisme : d'une part, l'Etat va encaisser davantage. C'est une position défendue par les auteurs du projet de loi. Mme Calmy-Rey et Mme Sayegh avaient fixé la barre à 12%, mais ont compris qu'il ne fallait pas aller si loin après les travaux en commission. Malheureusement, cela a été repris par l'Alliance de gauche, mais elle peut encore comprendre, bien sûr !

D'autre part, il y a les entreprises qui ne veulent pas payer plus d'impôts. C'est une doctrine plutôt défendue sur les bancs de la droite, qui redoutent peut-être de nouvelles pressions sur l'emploi. Augmenter l'impôt signifie plus de charges pour l'entreprise, plus de coûts et donc moins de possibilités pour l'emploi. Cela me paraît relativement simple. Les doux rêveurs nous informent que le taux fixe ou le taux proportionnel est moderne, simple et eurocomptabile. Mais les économistes qui sont un peu plus réalistes précisent que deux tiers des entreprises du secteur tertiaire - celles qui sont pourvoyeuses d'emplois - seront pénalisées par une augmentation d'impôts importante, car l'imposition sur le bénéfice pourra passer de 6% à 10% pour certaines, ce qui représente tout de même une augmentation de 65% du barème.

Alors attention aux dégâts sur l'emploi, compte tenu du risque de mobilité, parce que les entreprises du tertiaire peuvent plus facilement se délocaliser, ainsi qu'au risque important de décapitalisation !

Mesdames et Messieurs, la Confédération vient de légiférer sur ce même thème. Si le taux fixe a été arrêté à 8,5% - les paramètres sont évidemment différents - la Confédération a quand même légiféré sur un moyen de compensation. M. Brunschwig en parlait : c'est l'impôt sur le capital qui a été aboli. Car si le taux devient fixe et non plus progressif, l'impôt sur le capital ne se justifie plus. L'Europe entière a compris cela et quasiment plus aucun pays ne prélève des impôts sur le capital.

Nous, que faisons-nous ? Nous réduisons l'impôt sur le capital de 2%o à un 1,8%, avec une timidité et une retenue inquiétantes pour nos entrepreneurs ! Pourtant un signal avait été lancé par le dépôt en septembre 1996 du projet de loi 7516, cosigné par plusieurs de nos collègues avec la collaboration des milieux de l'économie. Il proposait que l'impôt sur le capital passe à 0,3% pour la part du capital inférieure à cinq millions, puis l'imposition normale à 2%. Voilà qui aurait été un signe tangible de motivation et de protection de l'emploi qui est - je le répète - la priorité principale de notre canton. Nous n'avons pas été suivis; tant pis ! Au vote final, un compromis acceptable à 1,5% avait été trouvé et, en dernière minute, suite à un échange digne d'un souk, ce taux a été porté à 1,8%.

En conséquence et compte tenu du souci du parti radical vis-à-vis des entreprises du secteur tertiaire notamment, touchées fortement par ce projet, nous nous abstiendrons.

M. Bernard Clerc (AdG). L'examen de ce projet de loi doit avoir lieu sous l'angle de la nécessité de réduire le déficit du canton. Curieusement, tous les partenaires qui ont signé l'accord de la table ronde et qui soutiennent le projet de loi constitutionnelle appuient cette réforme de l'imposition des personnes morales avec une neutralité des rentrées fiscales, alors qu'il semble que leur préoccupation essentielle est la réduction des déficits budgétaires.

En 1997, les recettes fiscales en provenance des entreprises, centimes additionnels cantonaux compris, représentaient 573 millions, c'est-à-dire 13% des recettes de l'Etat et 17% du total des impôts. Cette participation des entreprises au fonctionnement de l'Etat est faible si l'on considère les prestations fournies aux entreprises en matière d'infrastructure, de formation de la main-d'oeuvre ou de sécurité, pour ne prendre que ces exemples. Elle est faible également en comparaison internationale et reste dans la moyenne sur le plan suisse. De 1993 à 1996, le bénéfice imposable a augmenté de 32% alors que le capital imposable progressait, lui, de 35% et ce malgré un contexte économique difficile. Par contre - et cela a été reconnu par M. Brunschwig - pendant la même période, le taux d'imposition moyen de base sur le bénéfice passait de 9,94% à 8,86% et celui sur le capital de 0,17% à 0,12%, donc une baisse de l'imposition moyenne des entreprises.

Ce phénomène est dû en partie à la surcapitalisation qui a permis de réduire l'intensité de rendement et donc le taux d'imposition, notamment pour les entreprises fortement capitalisées. A cet égard, il est d'ailleurs intéressant de regarder l'évolution de l'imposition des quarante-cinq plus grandes entreprises du canton, puisque la plus grande avait un taux d'imposition de 14% en 1992, soit le maximum, qui est descendu à 8% en 1996.

De ce point de vue, nous sommes favorables au passage à un taux fixe pour éviter ce phénomène de surcapitalisation, mais évidemment pas à celui retenu par la majorité de la commission, à savoir 10%. Ce taux de 10% est d'autant moins admissible qu'il s'accompagne, en plus, d'une baisse de l'impôt sur le capital de 2% à un 1,8%, et cela n'intègre pas la suppression totale de l'impôt sur le capital intervenue au 1er janvier de cette année en matière d'impôt fédéral direct; 0,8% d'impôt sur le capital qui a été complètement supprimé...

Si l'on considère maintenant les quarante-cinq entreprises contribuant le plus à l'impôt des personnes morales, la baisse du taux moyen d'imposition est encore plus marquée. Ces quarante-cinq entreprises sont passées en moyenne de 11,8% en 1992 à 9,63% en 1996. Nous avons examiné ce qu'il adviendrait de ces entreprises si le taux fixe à 10% était introduit. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de ce Grand Conseil ferait un cadeau fiscal à vingt-six de ces quarante-cinq grandes entreprises, c'est-à-dire à plus de la moitié d'entre elles, puisque leur taux d'imposition est supérieur à 10% en 1996. Nous ne pouvons pas accepter cela en période de déficit budgétaire.

L'Alliance de gauche est favorable au taux fixe de 12%, prévu par le projet de loi de Mmes Calmy-Rey et Sayegh. Le passage à ce taux implique des à-coups par rapport au mode d'imposition actuel. Nous proposons de passer au taux fixe de 12% en trois étapes : 1999, 2000 et enfin 2001.

En guise de conclusion, ne nous faites pas croire que l'imposition des entreprises dans les limites évoquées aujourd'hui peut avoir un effet quelconque sur l'emploi ! Toutes les études faites en Europe montrent qu'il n'existe aucun lien entre l'imposition des entreprises et la création ou la perte d'emplois. C'est un mythe que certains continuent à propager, mais ce mythe sert surtout à tenter de baisser l'imposition des entreprises.

Mme Micheline Calmy-Rey. Le système d'imposition du bénéfice des personnes morales, basé actuellement sur l'intensité de rendement, a créé des différences de traitement injustifiées du point de vue économique.

En particulier, il suscite une distorsion dans l'usage des facteurs de production au profit du capital et cet avantage peut s'exercer aux dépens du travail. Selon une étude réalisée par le laboratoire d'économie appliquée, ce système a provoqué une surcapitalisation des sociétés évaluée à 40% des entreprises soumises à l'imposition. Ce système a également contribué à pénaliser les petites et moyennes entreprises, notamment les nouvelles entreprises qui ont plus de difficultés à se financer par fonds propres et qui doivent, dès lors, recourir à un financement par fonds étrangers. Enfin, il faut dire que ce système a généré une distorsion en faveur du secteur tertiaire dont le taux de rendement moyen est généralement inférieur à celui du secteur secondaire. L'abandon du système d'imposition basé sur l'intensité de rendement se justifie donc pour toutes ces raisons. Les effets d'un passage à un système proportionnel sont difficiles à chiffrer, mais on peut s'attendre aux conséquences suivantes selon le professeur Carlevaro qui, sur ce point, a présenté les résultats de ses travaux à la commission fiscale.

Le passage à un taux fixe de 10% profiterait aux sociétés immobilières en voie de dissolution, dont les rabais sont aujourd'hui calculés sur les taux maximum et qui, désormais, seront calculés sur le taux de 10%. Le taux fixe profiterait à certaines activités comme l'industrie du tabac, l'horlogerie, le bâtiment, le commerce de détail et les services de santé. Alors que d'autres seraient touchées comme les banques, les sociétés financières et les assurances. En résumé, il allégerait une part des bénéfices du secteur secondaire et alourdirait une majorité des bénéfices du secteur tertiaire. Mais, soyons clairs, Monsieur Ducommun, toutes les sociétés du secteur tertiaire ne passeraient pas de 6 à 10%, car certaines sont situées à l'intérieur de cette fourchette.

A souligner encore que le système en vigueur induit une surcapitalisation qui affecte la moitié des capitaux imposables et que le passage au taux fixe pourrait provoquer une décapitalisation ayant pour conséquence une diminution des recettes de l'impôt sur le capital. La commission fiscale a cherché le moyen de corriger la force de l'effet en liant l'introduction du taux fixe à une diminution légère, il est vrai, de l'impôt sur le capital.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, le nouveau système se révèle plus approprié. Il est compatible avec celui des autres pays européens; il est plus simple; il est plus transparent et il est économiquement plus raisonnable dans la mesure où il n'introduit pas les distorsions que j'ai évoquées tout à l'heure. Financièrement parlant, le taux de 10% est théoriquement quasi neutre. Politiquement il est acceptable puisqu'en tout état de cause, en commission fiscale, une majorité de partis a décidé de soutenir un taux unique à 10%. Je vous engage donc à bien vouloir accepter ce projet.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 20

M. Bernard Clerc (AdG). Une erreur de formulation s'est glissée dans notre amendement à l'article 20. Il faut remplacer «12% en 2001» par «12% dès 2001. »

Le président. Je mets donc aux voix l'amendement présenté par Mme Wenger, dont la teneur est la suivante :

«Le taux d'impôt sur le bénéfice net est fixé à 10% en 1999, à 11% en 2000, à 12% dès 2001.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 20 est adopté.

Art. 33

Le président. Je mets aux voix le second amendement présenté par Mme Wenger dont la teneur est la suivante :

«L'impôt sur le capital propre est de 2%». :

La fin de l'article : «Pour les sociétés et coopératives n'ayant pas de bénéfices imposables, ce taux est de 2%» étant supprimée.

M. Bernard Clerc (AdG). Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre16 oui et 9 abstentions.

Ont voté non (57) :

Esther Alder (Ve)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Charles Beer (S)

Jacques Béné (L)

Janine Berberat (L)

Madeleine Bernasconi (R)

Claude Blanc (DC)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Juliette Buffat (L)

Fabienne Bugnon (Ve)

Pierre-Alain Champod (S)

Jacqueline Cogne (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Christian de Saussure (L)

Gilles Desplanches (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Marie-Thérèse Engelberts (DC)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Georges Krebs (Ve)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Alain-Dominique Mauris (L)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Chaïm Nissim (Ve)

Jean-Marc Odier (R)

Barbara Polla (L)

Véronique Pürro (S)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Albert Rodrik (S)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Christine Sayegh (S)

Louis Serex (R)

Walter Spinucci (R)

Micheline Spoerri (L)

Pierre-François Unger (DC)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Ont voté oui (16) :

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Bernard Clerc (AG)

Anita Cuénod (AG)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Christian Grobet (AG)

Pierre Meyll (AG)

Rémy Pagani (AG)

Martine Ruchat (AG)

Pierre Vanek (AG)

Salika Wenger (AG)

Se sont abstenus (9) :

Jean-François Courvoisier (S)

Régis de Battista (S)

Alexandra Gobet (S)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Dominique Hausser (S)

René Longet (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni (S)

Alberto Velasco (S)

Etaient excusés à la séance (5) :

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Danielle Oppliger (AG)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Olivier Vaucher (L)

Etaient absents au moment du vote (12) :

Bernard Annen (L)

Luc Barthassat (DC)

Roger Beer (R)

Nicole Castioni-Jacquet (S)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Hubert Dethurens (DC)

Magdalena Filipowski (AG)

Claude Haegi (L)

Michel Halpérin (L)

Bernard Lescaze (R)

Louiza Mottaz (Ve)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Présidence :

Jean Spielmann, président.

Mis aux voix, l'article 33 est adopté

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je voudrais proposer à ce Grand Conseil d'adopter, pour ce projet de loi, la même procédure que celle qui a été retenue dans le cadre du budget ce matin. A vous entendre les uns et les autres - notamment vous, Monsieur Brunschwig, qui êtes très prompt à lever la main - il semblerait que vous ne soyez pas d'un très grand optimisme à la veille de la votation de ce week-end... Alors vous m'accorderez, Monsieur Brunschwig, que faire de la politique c'est aussi prévoir et il n'est pas totalement déraisonnable - vous en conviendrez, je pense - d'imaginer que le résultat du vote de ce week-end risque de ne pas correspondre à celui que vous attendez. Dans cette hypothèse, Mesdames et Messieurs les députés, il serait totalement insensé de vouloir aujourd'hui, d'un revers de main, écarter une proposition de recettes supplémentaires dont nous sommes saisis et qui pourrait - vous le savez - rapporter 160 millions de plus pour tenter de réduire le déficit.

Je vous propose en conséquence - dans l'esprit et la logique qui a été celle qui nous a conduits à remettre le troisième débat sur le budget, après le vote du souverain de ce week-end - d'en faire de même pour ce projet de loi. Car si, comme nous le souhaitons fortement, le projet de loi constitutionnelle est rejeté, il conviendra alors de relever les manches et de trouver d'autres solutions, cette fois-ci plus conformes à la politique sociale attendue par la grande majorité de cette population. Dans cette optique, il faudra bien examiner les possibilités de recettes supplémentaires nouvelles.

Il serait aberrant - et je n'ose le penser - que la majorité de ce Grand Conseil n'accepte pas, dans cet esprit, de suivre au moins cette proposition de procédure, à savoir de se déterminer quant au troisième débat après le vote de ce week-end. Raison pour laquelle, Monsieur le président, je vous demanderai de bien vouloir faire voter sur la proposition de reporter le troisième débat à la séance du mois de janvier.

M. Nicolas Brunschwig (L). Je dois dire que l'on ne peut être que choqué par les propos de M. Ferrazino... Il se plaint que nous n'acceptions pas 160 millions d'impôts supplémentaires par le biais des impôts sur les personnes morales, alors que lui-même et son parti s'opposent à un projet de loi constitutionnelle qui rapporterait 180 millions d'impôts supplémentaires ! Monsieur Ferrazino, vous employez des formules qui ne correspondent à aucune réalité et le populisme dont vous faites preuve, vous et votre parti, sur ce projet de loi constitutionnelle se manifeste une fois de plus encore aujourd'hui.

Nous, les libéraux, sommes convaincus qu'une majorité de la population va comprendre l'importance du vote du 20 décembre, et nous sommes optimistes, quoi que vous en pensiez, sur le résultat de ce scrutin.

D'autre part, nous tenons à vous dire que les modifications que nous apportons ici sont des modifications fondamentales sur des éléments fiscaux techniques. Quel que soit le résultat du vote du 20 décembre, celles-ci doivent se faire afin que nous ayons une imposition plus moderne, plus équitable et plus compatible avec l'Europe.

Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons de repousser ces manoeuvres tactiques et politiciennes de bas étage.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. J'aimerais rappeler que les travaux de la commission ont duré plus de trois ans et que l'objet n'a absolument rien à voir avec le budget.

M. David Hiler (Ve). J'ai bien compris les conseils de M. Ferrazino, mais nous allons nous permettre de ne pas les suivre. Pourquoi ? En raison du vieil adage : «un tiens vaut mieux que deux tu l'auras» ! Dans l'immédiat, nous allons voter ce projet qui permet d'avoir un taux fixe, qui est essentiel, et d'obtenir au passage - je le signale quand même puisque le lien a été fait avec les cinq dernières années - probablement quelques millions de plus. Cela permettra en tout cas d'arrêter l'hémorragie et de profiter de l'accord assez large sur ce point pour mettre ces réserves dans le grenier.

Suite au vote du 20 décembre, nous aurons l'occasion de rediscuter différentes questions. Mais s'agissant de reporter le vote sur le présent projet de loi, vous aurez évidemment compris le risque, Monsieur Ferrazino ! Si l'on vous suit, on se retrouvera probablement avec le même système que celui que nous avons eu jusqu'à présent et dont tout le monde admet qu'il n'est pas satisfaisant. Au pire des cas d'ailleurs, si nous devions vous suivre, il faudrait tout de même discuter sérieusement de l'impact sur les entreprises et les PME en particulier, sur leur capacité d'investissement, de réinvestissement. En l'état, la solution a été bien étudiée et je ne crois pas que nous fassions preuve d'imprévoyance en votant ce qui peut être voté aujourd'hui.

M. Claude Blanc (PDC). J'aimerais dire à M. Ferrazino et à ses amis politiques ce que je leur avais déjà dit, d'ailleurs, lors du débat d'entrée en matière sur le paquet ficelé : le vote sur le paquet ficelé est la dernière chance que vous ayez d'obtenir des augmentations de la fiscalité. Il n'y en aura pas d'autres, parce que si nous arrivons à les obtenir, c'est qu'elles sont liées à des mesures d'économie. Présentées seules, ces mesures vous seront toutes refusées par le peuple comme il vous a déjà refusé les précédentes. Mettez-vous bien ça dans la tête !

Si, malheureusement, dimanche vous ratez le coche et que vous n'obtenez pas les augmentations fiscales que nous espérons tous, c'est aux dépenses exclusivement qu'il faudra s'attaquer. A vous de choisir !

Le président. Le renvoi du troisième débat a été proposé. Je vous lis l'article 134 du règlement sur le troisième débat : «Le troisième débat porte sur le texte résultant du deuxième débat. Il est porté à l'ordre du jour d'une séance ultérieure. Toutefois, l'assemblée peut, sur proposition : a) d'une commission unanime; b) du Conseil d'Etat, c) du bureau unanime, décider par vote d'ouvrir immédiatement le troisième débat.»

Vous êtes donc libres d'ouvrir le troisième débat ou non.

Mise aux voix, la proposition d'ouvrir le troisième débat est adoptée.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7221)

modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (D 3 15)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit :

Art. 20 Sociétés de capitaux et coopératives (nouvelle teneur)

Le taux d'impôt sur le bénéfice net est fixé à 10 %.

Art. 33 Sociétés de capitaux et coopératives (nouvelle teneur)

L'impôt sur le capital propre est de 1,8 %. Pour les sociétés et coopératives n'ayant pas de bénéfices imposables, ce taux est de 2 %.

M. Daniel Ducommun (R). En conséquence de ce vote, le projet de loi 7516 est retiré.

Le Grand Conseil prend acte du retrait du projet de loi 7516.