Séance du
jeudi 22 octobre 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
12e
session -
40e
séance
GR 214-1 et objet(s) lié(s)
8. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. B. R. S. , 1967, Tunisie, coffreur, recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG), rapporteuse. Pour avoir enfreint la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, M. B. R. S. a été condamné, en mars 1994, à dix ans d'expulsion du territoire de la Confédération. Il était déjà sous le coup d'une première interdiction d'entrée en Suisse relevant d'une décision administrative prise en janvier 1994. Il lui est donc reproché d'être revenu dans notre canton le mois suivant et d'y avoir été interpellé en possession d'une somme d'argent qui, a-t-il avoué, devait lui servir à se procurer de l'héroïne à Genève.
Je précise que le trafic de drogue ne figure pas parmi les chefs d'accusation à l'encontre de M. R. qui ne retiennent que l'interdiction de séjourner sur le territoire de la Confédération.
En 1996, M. B. R. S. s'est marié, à la mairie de Chêne-Bougeries, avec une citoyenne suisse, Mme C. I.. Un enfant est né en 1997; il a été déclaré à la mairie de Chêne-Bougeries également. Pour remplir ces deux formalités sur notre territoire, M. B. R. S. a reçu un sauf-conduit du Ministère public.
Depuis lors, cette famille se trouve dans une situation rocambolesque. Elle vit séparée de part et d'autre de la frontière. Mme C. I. n'a présentement pas de travail, les conditions de cette cohabitation n'étant pas propices à un emploi. Elle subsiste grâce à une petite somme que lui verse l'Hospice général. De leur côté, ses parents - son père est juge à la Cour de cassation, sa mère est professeur - subviennent quelque peu à l'entretien du couple.
En fait, c'est la jeune femme qui a initié cette demande de grâce pour que sa famille puisse se réunir à Genève, son époux étant assuré, par une lettre jointe au dossier, de trouver du travail dans une entreprise lausannoise de travaux publics.
Par quatre voix contre trois, la commission - elle était loin d'être complète au moment d'aborder ce premier point à son ordre du jour ! - a rejeté cette demande de grâce. Je rapporte donc conformément à la volonté exprimée par ce vote, tout en venant de vous laisser entendre que je suis personnellement favorable à l'octroi de la grâce.
M. Rémy Pagani (AdG). La minorité de la commission s'est vu refuser l'octroi de la grâce qu'elle proposait.
Il s'agit d'un couple à ses débuts. Il faut lui faire confiance. Pour la forme, je relève que le procureur général, à titre exceptionnel, est favorable à l'octroi de la grâce.
Par conséquent, j'invite mes collègues à accorder la grâce, contrairement à l'avis de la majorité de la commission.
Le président. Je mets aux voix le préavis de la commission, soit le rejet du recours.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est rejeté par 37 non contre 35 oui.
Le président. Le préavis de la commission étant rejeté, je mets aux voix la proposition de M. Pagani d'accorder la grâce.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mise aux voix, la proposition d'accorder la grâce recueille 38 oui et 38 non.
Le président. Mesdames et Messieurs, le vote n'étant pas acquis, il m'appartient de trancher, comme cela m'est déjà arrivé. Je donnerai ma réponse à la séance de 20 h 30. En effet, je dois consulter le dossier. Je ne peux pas trancher sans le connaître.
Je salue à la tribune la présence d'étudiants inscrits au cours de politique suisse de la Kent State University de Genève, sous la conduite de M. Roger Reed. (Applaudissements.)
Nous abordons maintenant le deuxième cas de la commission de grâce.
M. E. B. , 1936, Versoix/Genève, retraité, recourt contre le montant de l'amende due.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. M. E. B., actuellement retraité, est né en 1936 à Versoix. En date du 19 mars 1997, il a été condamné par le procureur général, sous la forme d'une ordonnance de condamnation, pour les délits suivants : obtention frauduleuse d'une constatation fausse et délit manqué d'extorsion. La peine est de six mois d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, peine assortie d'une amende de 10 000 F et acquittement des frais qui s'élèvent à 764 F.
M. E. B. recourt contre le montant de l'amende, car il estime que l'autorité judiciaire n'a pas à lui infliger une amende du même montant que celle infligée à son associé. S'estimant moins impliqué que ce dernier, M. E. B. réclame de notre parlement la grâce pour les 20% d'amende.
Les faits pour lesquels il a été condamné mettent en scène des architectes, des entrepreneurs, un banquier et même un membre d'une coopérative syndicale, d'une part; M. E. B., son associé et une régie de la place très connue, d'autre part.
Tous se sont acoquinés pour frauder le fisc à l'occasion de la vente d'un terrain à Bellevue. Alors qu'ils s'étaient acquittés d'un dessous-de-table de l'ordre de 2,8 millions, le requérant et ses associés ont refusé de payer une partie du montant de la transaction officielle, soit 3,8 millions. L'ensemble de l'opération immobilière porte sur 10 millions de francs.
M. E. B. et ses associés ont prétendu avoir déjà acquitté leur dû devant le juge de l'office des poursuites. A l'appui de leurs dires, ils lui ont montré les récépissés de cette transaction au noir. Ils ont même fait pression sur l'un des vendeurs du terrain pour qu'il retire sa poursuite.
Au vu de la gravité des faits et constatant qu'aucun élément nouveau n'est intervenu à l'appui de la demande de grâce, au vu aussi de la situation financière plus qu'aisée de M. E. B., la commission de grâce invite notre Grand Conseil à refuser la grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.