Séance du vendredi 12 juin 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 28e séance

M 1218
6. Proposition de motion de MM. Rémy Pagani et Pierre Vanek concernant l'installation DENOX aux Cheneviers. ( )M1218

EXPOSÉ DES MOTIFS

Notre Grand Conseil a voté à une large majorité un projet de loi qui avait pour but d'assainir les fumées toxiques qui s'échappent de l'usine des Cheneviers et qui polluent l'environnement depuis des années. Plusieurs millions (36 750 000 francs) ont été consacrés à cette tâche. Pourtant, au dernier moment, un syndicat et son groupe industrie et écologie nous a fait parvenir un graphique qui montrait la norme que devaient atteindre les Cheneviers et celle, largement en dessous, qui est déjà pratiquée dans d'autres usines de Suisse. La motion qui vous est présentée aujourd'hui vise à inviter le Conseil d'Etat à revoir les exigences techniques du projet et s'il y a lieu de le modifier.

Rappelons tout d'abord que le délai d'application de l'Opair 92 arrive à échéance et que l'adaptation du procédé de traitement des fumées est aujourd'hui une obligation légale impérative.

Pour des raisons qui nous échappent, le DTP a mis en service en 1992 une usine qui ne respectait que les normes 86 (50 µg/m3, pour Genève, 30 µg/m3 imposés par Ecotox). Ainsi le groupe SSP industrie et écologie considère que l'Etat a souvent abusé des délais d'application et par-là même manqué à son devoir en matière d'écologie. L'arrivée d'un écologiste à la tête du département de l'énergie devrait mettre un terme à cette pratique.

Nous considérons que la prochaine modification de la loi sur l'élimination des résidus imposera sans doute un droit de concession.

- Dans ces conditions, que fera le canton si l'évolution de la matière incinérable rend les normes Opair impossibles à respecter ? Demandera-t-on une dérogation au Conseil fédéral ou devrons-nous envisager la fermeture de l'usine des Cheneviers en attendant une mise en conformité ?

- De plus, à notre avis, l'application de norme type ISO 14 000 pour le site des Cheneviers serait un message clair en matière d'écologie quant au traitement des déchets.

Pour notre groupe, il est évident que la norme des 10 µg/m3 imposée par la loi ne suffirait pas, pas plus que les 9 µg/m3 demandés par Ecotox. C'est pourquoi nous proposons qu'elle soit réduite et qu'elle corresponde à ce qui se pratique de plus en plus en Suisse à savoir : 1 µg/m3.

Nous estimons qu'en la matière, il n'est pas concevable de toujours courir après une norme sans jamais la devancer. Cette politique ne permettra pas au canton de suivre un plan de gestion des déchets digne de ce nom et ne donnera qu'une faible marge de manoeuvre quant au choix des déchets pouvant être incinérés.

En conclusion et si cette motion est acceptée, le département devrait prévoir dans son nouveau projet des emplacements tant sur le site que sur les installations, pour s'adapter aux modifications qui seront nécessaires dans un futur plus ou moins proche pour le respect des normes Opair, voire des normes européennes. Il devient aussi et en tous les cas, impératif de revoir les modalités de mise en oeuvre du projet pour en augmenter les performances et notamment pour abaisser la norme et correspondre à celle pratiquée dans d'autres usines de Suisse. En effet, il serait inconcevable de ne pas se mettre plus rapidement que par le passé en conformité.

Compte tenu des éléments développés ci-dessus, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette motion.

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Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Je vous rappelle la problématique des Cheneviers. Au terme d'un débat de deux heures seulement, la commission des travaux a voté - assez légèrement, à mon sens - un crédit de 36 millions pour le traitement des fumées de l'usine des Cheneviers. Elle ne s'est guère préoccupée de comparer les installations filtrant les émanations toxiques de zinc et de plomb avec celles des usines avoisinantes de Lausanne, Monthey et Lucerne.

Après avoir abordé le sujet en plénière, nous nous sommes efforcés de l'approfondir, mon syndicat et moi.

Effectivement, les usines de Lausanne, Monthey et Lucerne n'émettent plus que 1 µg/m3 de zinc et de plomb. Cela implique que les 36 millions votés ne devront pas être gaspillés mais utilisés pour satisfaire aux nouvelles normes, d'ici quelques années. Cela représentera un énorme investissement.

Mon collègue et moi avons décidé de déposer cette motion pour que le Conseil d'Etat se saisisse au plus vite de cette problématique et envisage de mandater des ingénieurs pour infléchir la décision prise et installer rapidement des filtres, moyennant un faible investissement, sur les cheminées des Cheneviers. Voilà pour le fond !

En outre, nous devons savoir pourquoi la direction des Cheneviers n'a pas jugé bon d'investir plus pour protéger la population et les cultures avoisinantes. Je vous rappelle que les installations émettent actuellement 20 µg/m3. Les émanations toxiques peuvent, certes, être abaissées à 10 µg/m3, mais elles auraient pu être réduites à 1 µg/m3 au cours de l'année prochaine.

Cela correspond à la logique de la privatisation. Durant toute une journée, j'ai assisté au passage de très nombreux camions devant l'usine, pour des raisons inhérentes aux conditions de travail de ce personnel. Je me suis rendu compte que non seulement on avait limé au niveau des investissements - je pèse mes mots ! - mais que l'on faisait tourner les fours à 120% en y emmagasinant des déchets automobiles, des farines animales, etc. Tout cela a défilé devant nous à raison de trois cent cinquante camions. Ces déchets ont été incinérés dans des fours uniquement destinés à la combustion des ordures ménagères.

Aussi je pose les questions suivantes au Conseil d'Etat en souhaitant qu'il y réponde :

Que deviendront ces fours si on y introduit des produits non conformes ? Comment réduire les émanations toxiques à 10 µg/m3 si l'on y brûle des déchets comme des pneus, sièges de voitures, pare-chocs, farines animales ? J'insiste sur le fait que ces fours ont été conçus pour éliminer les ordures ménagères.

M. Roger Beer (R). Rassurez-vous, je ne vais pas traiter des farines animales !

Après avoir lu la motion de mes excellents collègues Pagani et Vanek, et surtout après avoir écouté l'intervention de M. Pagani, je me dis que cette motion aurait fort bien pu être remplacée par une interpellation.

Vous soulevez certains problèmes, vous avez étudié les différentes normes, vous parlez de 9, de 10, de 20 microgrammes. A mon sens, la question n'est pas là et je me permets de l'affirmer au nom du groupe radical.

Je me souviens d'avoir dit que l'investissement me paraissait quelque peu disproportionné quand nous avons voté, du bout des lèvres, ce fameux projet de loi tendant à l'assainissement des fumées toxiques rejetées par les Cheneviers et qui polluent l'environnement.

Nous suivons, aujourd'hui comme hier, une logique datant de plusieurs années. Je ne ferai pas de procès au nouveau conseiller d'Etat, M. Cramer. Il sait que je trouve complètement débile une combustion de déchets qui en crée de nouveaux.

Votre motion pose, certes, des questions pertinentes. Néanmoins, elles ne sont pas dénuées de la mauvaise foi qui, souvent, vous caractérise. J'ose vous le dire en dépit de l'amitié que je vous porte !

Aussi je me réjouis d'entendre le Conseil d'Etat qui sera quelque peu emprunté. En sus des grèves, voilà qu'il doit gérer les pollutions !

Je pense que ce débat n'a pas sa place ici. Je propose de renvoyer cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture. J'ose espérer que cette commission, où siègent de doctes députés, nous fournira des réponses aptes à atténuer les invites et nous permettra d'entendre du Conseil d'Etat que les choix, arrêtés depuis un certain nombre d'années, sont d'ores et déjà reconsidérés.

Je vous remercie, Messieurs les députés, d'avoir insisté, souligné et sous-titré ces invites. Par conséquent, je ne doute pas de votre accord pour un renvoi en commission.

Monsieur le président, si je vous ai bien compris, nous pouvons voter un renvoi de motion en commission dès que celui-ci est sollicité.

Le président. Avez-vous demandé ce renvoi, Monsieur le député ?

M. Roger Beer. Oui, Monsieur le président !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. C'est bien volontiers que j'accepte le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Elle est approximative, contient quelques inexactitudes, mais c'est normal s'agissant d'un texte de miliciens abordant un domaine extrêmement technique.

Cette motion est, cependant, fondée sur une prémisse indiscutable : celle que l'on peut toujours mieux faire. C'est une question de moyens et de proportionnalité.

Il est exact que l'installation de l'incinérateur de Lucerne est plus performante, à certains égards, que l'installation qui sera mise en place aux Cheneviers. Il faut simplement savoir que l'installation de Lucerne coûte deux fois plus cher et qu'elle traite trois fois moins de déchets.

Alors fallait-il, oui ou non, dépenser 150 millions pour mettre des filtres aux Cheneviers ? C'est une question de proportionnalité, mais on peut toujours mieux faire.

Le renvoi de la motion au Conseil d'Etat permettra à ce dernier de vous répondre avec précision et de vous présenter des propositions pour améliorer, à moindres coûts, les performances des filtres que vous avez choisis.

Je ne pourrai pas répondre à cette motion dans un délai de trois semaines ou de trois mois. Pour ce faire, je devrai me référer à des études complémentaires. J'aurai donc besoin d'un certain temps pour pouvoir vous renseigner de manière satisfaisante. C'est dans cet état d'esprit que j'accepte volontiers le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Rémy Pagani (AdG). Je prends acte de la position de M. le président Cramer qui rejoint la nôtre, quoique avec une certaine modération.

Des études doivent être menées. Pour un processus plus rapide, je propose que la motion soit renvoyée directement au Conseil d'Etat. Je fais entièrement confiance à M. Robert Cramer pour mener cette affaire avec diligence.

Le président. Bien. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi de cette proposition de motion en commission puisqu'il a été demandé.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1218)

concernant l'installation DENOX aux Cheneviers

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,considérant :

- que le Grand Conseil vient d'adopter un projet de loi 7671-A qui permettra de mettre en route un programme d'assainissement des fumées de l'usine des Cheneviers ;

- que lors des débats en séance plénière, il a été fait mention par l'auteur de cette motion de la possibilité de limiter plus encore les émanations toxiques ;

- que les normes Opair visées par ce projet datent de 1992 et que les normes précédentes ne sont restées en vigueur que 6 ans (1986 à 1992). Qu'il est, de plus, fort probable que de nouvelles valeurs seront très certainement proposées par le biais des taxes sur le CO2 (pollueurs-payeurs) ;

- que plusieurs usines en Suisse se sont équipées pour atteindre une valeur pouvant être jusqu'à 10 fois inférieure à la norme du projet de loi voté et ce sans frais supplémentaires importants et sans problèmes techniques ;

- que les constructeurs sont capables de proposer mieux que les normes actuelles sans surcoût important ;

- que ce projet voté par le Grand Conseil concerne une installation à durée de vie importante ;

- que l'évolution de la qualité des déchets à incinérer ne doit pas faire l'objet d'hypothèses trop optimistes ;

- qu'une installation performante permettrait de résoudre les problèmes d'élimination actuellement en suspens (câblerie, fonderie, déchets automobiles, matériaux industriels, etc.) ;

- que le tri à la source des déchets fait évoluer la proportion incinérable mais nécessite des installations adéquates ;

invite le Conseil d'Etat

- à reconsidérer le choix technique qui a été fait par le Grand Conseil dans la mesure où avec un investissement relativement faible les émanations toxiques pourraient être réduites considérablement ;

- à revoir les modalités de mise en oeuvre du projet pour en augmenter les performances et notamment pour abaisser la norme et correspondre à celle pratiquée dans d'autres usines de Suisse.

M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, je vous remercie d'avoir lu tout à l'heure l'article stipulant la manière d'intervenir lors des votes sur le fond et sur les renvois en commission. Néanmoins, un fait me semble totalement aberrant. Nous avons commencé le débat sur le fond et tout à coup il a été interrompu, sans que de nombreux députés aient pu s'exprimer.

Je crois qu'il y a là une lacune importante. Aussi demanderais-je au Bureau d'y remédier. Merci, Monsieur le président !

Le président. Monsieur le député, je vous réponds dans le sens du règlement. Une motion proposée au Grand Conseil provoque un débat sur le fond. Dès l'instant où un renvoi en commission est demandé par un député, les interventions doivent porter uniquement sur ce renvoi. Puis nous votons. Si le renvoi en commission est rejeté, le débat continue sur le fond. Dès lors ceux qui veulent s'exprimer peuvent le faire. C'est le règlement, et je l'applique ! Je ne fais rien d'autre.

Des mauvaises habitudes ont été prises au cours des dernières années. Je me souviens de moments passés sous certaines présidences. Je pense au premier président - M. Micheli - que j'ai connu dans ce Grand Conseil. Il faisait respecter cet article du règlement à la lettre et tout se passait fort bien. Je vous propose d'en faire autant. Appliquons notre règlement, il est très bien conçu !