Séance du vendredi 14 octobre 2022 à 14h
2e législature - 5e année - 5e session - 30e séance

M 2736-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Philippe Poget, Serge Hiltpold, Boris Calame, Pierre Eckert, Charles Selleger, Pierre Conne, Guy Mettan, Antoine Barde, Jean-Charles Lathion, Rémy Pagani, Christo Ivanov, Yves de Matteis, Yvan Zweifel, Jean-Marc Guinchard, Dilara Bayrak, Ruth Bänziger, David Martin, Jocelyne Haller, Daniel Sormanni, Marjorie de Chastonay, Esther Schaufelberger, Jean-Charles Rielle, Didier Bonny : Notre avenir sera le bois... ou ne sera pas ! Construisons plus en bois à Genève pour un urbanisme apaisé et apaisant !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 13 et 14 octobre 2022.

Débat

Le président. Nous en arrivons à la M 2736-B, et je donne la parole à M. Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelque chose d'étonnant dans cette réponse du Conseil d'Etat. Il nous dit: «Oui, il y a un problème, notamment s'agissant de l'utilisation du bois lamellé-collé, parce que tout le monde sait que ce bois est producteur de pollution. Oui, il y a un problème en ce qui concerne le bois de notre région, mais on ne peut rien faire.» Voilà les conclusions du rapport. Or tout le monde sait qu'on peut faire quelque chose, par exemple interdire le bois lamellé-collé ou encore, comme l'a fait le Vorarlberg, introduire un label du type «le bois de chez nous» et faire en sorte que le bois qui se trouve en profusion au pied du Jura soit utilisé dans les constructions qui se réalisent de plus en plus dans notre canton.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous demanderons le renvoi au Conseil d'Etat, pour qu'il examine la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Il y a tout de même, rappelons-le, une grande avancée dans la mesure où quatre ou cinq surélévations de bâtiments et cycles d'orientation vont être construites en bois, et on s'en félicite, mais toujours est-il que le Conseil d'Etat ne va pas jusqu'au bout de la démarche, qui consisterait à interdire l'emploi du bois lamellé-collé ou de ces agglomérés qui, je vous le rappelle, contiennent des produits toxiques. Quand vous les utilisez chez vous, il n'y a pas de problème, mais quand vous les passez au feu, il y a effectivement un problème; on le voit assez régulièrement, notamment sur les chantiers, quand on brûle le bois lamellé-collé ou l'aggloméré.

Nous demandons au Conseil d'Etat de prendre réellement des mesures, de définir un label, comme nous l'avons d'ailleurs décrété en ce qui concerne l'empreinte carbone, puisque notre parlement a décidé de faire en sorte que la filière des matériaux soit identifiée et qu'on puisse déterminer le bilan carbone de chaque matériau. Il s'agit d'une question non seulement éthique, mais tout à fait concrète qui permettrait de lutter contre la dégradation du climat. Je vous remercie de votre attention.

M. David Martin (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, M. Pagani m'a un peu ôté les mots de la bouche, mais il a bien fait, j'abonde dans son sens. La réponse du Conseil d'Etat sur cette motion, qui demandait de favoriser la construction en bois, est pour le moins décevante, et je pense que de nombreux groupes dans ce parlement partagent ce point de vue.

Dans sa conclusion, le rapport finit sur une bonne nouvelle, nous indiquant que plusieurs écoles et cycles d'orientation sont construits en bois, donc tout semble aboutir à ce résultat. Mais avant cela, il y a une longue litanie de doutes sur le recours au bois qui serait trop rare, pas si neutre au niveau de l'empreinte carbone, et on est vraiment surpris par cette position. En effet, comme l'a relevé M. Pagani, nous avons voté il y a quelques mois une loi visant à tenir compte de l'empreinte carbone dans les constructions, et nous attendons d'ailleurs toujours et avec une certaine impatience, de même que les milieux professionnels, qu'elle soit mise en oeuvre à travers un règlement.

Les doutes que la réponse du Conseil d'Etat émet quant au bilan carbone sont pour le moins surprenants, puisque le département du territoire a publié une étude intitulée «Le bois local et la construction font bon ménage ! Genève en transition écologique». Cette analyse a moins d'un an et démontre par a plus b que la construction en bois, indépendamment du type de bois employé, grâce à la capacité de celui-ci à stocker du carbone, est tout à fait positive du point de vue de l'empreinte carbone.

Ensuite, il y a des réticences portant sur la capacité d'approvisionnement de la filière bois: le rapport du Conseil d'Etat laisse à penser qu'on ne pourrait envisager que le bois produit à Genève. Or comme l'a souligné M. Pagani, on se trouve dans une région entourée d'immenses forêts où il y a de grandes possibilités d'approvisionnement en bois. Cette filière n'est pas complètement mise en place, certes, mais les acteurs du bois à tous les niveaux ne demandent rien d'autre qu'une augmentation des commandes pour que les scieries et autres entreprises de production puissent être développées et répondre à la demande. Il faut activer ce processus, mais le Conseil d'Etat, dans sa réponse, semble s'interroger quant à la pertinence du bois, ce qui est tout à fait regrettable.

Pour terminer, la réponse émet encore des doutes quant au rôle de l'Etat dans la promotion du bois, comme si ce n'était l'affaire que des milieux économiques et professionnels. On peut vraiment s'en étonner dans la mesure où l'Etat oriente déjà fortement la construction, que ce soit en matière d'énergie, d'urbanisme ou de patrimoine: pourquoi tout d'un coup, sur la question du choix des matériaux, cela serait-il absolument impossible ? Nous sollicitons donc le renvoi au Conseil d'Etat de cette réponse en espérant recevoir prochainement des conclusions plus convaincantes. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). Je suis assez étonné par cette attaque contre le lamellé-collé. Il s'agit tout de même d'un gros progrès dans l'utilisation du bois, on peut employer des planches relativement petites pour créer des poutres de grande importance, et la solidité est véritablement exceptionnelle. J'ai eu l'un des premiers toits de hangar avec ces poutres en lamellé-collé: cela fait exactement cinquante ans, il n'a pas bougé d'un millimètre et il n'est pas près d'être détruit. Aussi, je ne comprends pas ce genre d'attaque contre des progrès techniques qui sauvent des arbres plus anciens et plus importants. Merci.

Le président. Je vous remercie. Le vote est ouvert en ce qui concerne le renvoi au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2736 est adopté par 59 oui contre 12 non.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2736 est donc rejeté.