Séance du
vendredi 25 février 2022 à
16h20
2e
législature -
4e
année -
8e
session -
47e
séance
La séance est ouverte à 16h20, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.
Assistent à la séance: Mmes et M. Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Olivier Baud, Natacha Buffet-Desfayes, Adrien Genecand, Serge Hiltpold, Danièle Magnin, Philippe Morel et Vincent Subilia, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Patrick Malek-Asghar, Aude Martenot, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Pascal Uehlinger.
Le président. Je vous informe que nous avons reçu la démission de M. Christian Bavarel de son mandat de député. Je prie M. Forni de bien vouloir lire le courrier 4027. (Longs applaudissements à l'issue de la lecture.)
Le président. Merci, Monsieur le vice-président. Il est pris acte de cette démission qui prendra effet à l'issue de la séance. M. Philippe de Rougemont prêtera serment à 18h.
M. Christian Bavarel a siégé une première fois au Grand Conseil entre 2001 et 2013 sur les bancs des Verts. Il a fait son retour au parlement en 2018 en qualité de député suppléant, puis de député dès 2019.
Au cours de son dernier mandat, il a assuré la vice-présidence, puis la présidence, de la commission du logement ainsi que la vice-présidence de la commission législative. Fermement engagé en faveur de la protection de la nature, il est notamment intervenu en plénière sur des thématiques liées au logement et pour la défense de l'environnement. M. Bavarel s'est par ailleurs exprimé à de nombreuses reprises sur des objets portant sur la crise du covid et s'est appliqué à souligner l'importance tant de la solidarité que de la préservation de la liberté.
Nous formons nos voeux les meilleurs pour la suite de sa carrière et lui remettons, fidèles à la tradition, un stylo souvenir. (Applaudissements. Le président descend de l'estrade, serre la main de M. Christian Bavarel et lui remet le stylo souvenir.)
Je cède la parole à M. le député François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Cher Christian, franc jardinier, tu cultives l'écologie politique depuis longtemps avec nous, comme tu cultives d'ailleurs ton jardin nourricier. Tu l'as cultivé comme le symbole d'une culture politique que nous portons depuis longtemps, une culture humaniste et universaliste basée sur ce que tu appelles les critères, soit sur la prise en compte de réalités - comme le long terme ou la diversité - et de méthodes, comme la solidarité et la décentralisation. C'est une culture nécessaire à la mise en oeuvre de l'écologie politique, c'est-à-dire une profonde transformation du modèle économique et social actuel pour replacer l'humanité dans un équilibre avec la nature. Car oui, tel est le but de l'écologie politique, dont les bases furent posées à la fin du XIXe siècle par Elisée Reclus, Patrick Geddes ou Léon Tolstoï parmi d'autres - des noms qui ne te sont pas inconnus.
Elu en 2001, tu es certainement aujourd'hui l'un des plus anciens députés, mais pas le plus vieux puisque tu avais 33 ans quand tu es venu t'asseoir ici pour la première fois. Tu contribuais déjà, à l'époque, à rajeunir l'équipe - et ce même principe te motive donc aussi aujourd'hui à nous quitter, pour laisser la place à la relève.
Tu as fait passionnément de la politique et j'en suis témoin; passionnément, parce que tu aimes profondément autrui d'un amour qui ne fait pas mal, d'un amour qui n'est pas dangereux. Oui, tu aimes les autres et c'est pour cela que tu as fait de la politique de la manière dont tu en as fait et que tu as pu tisser des liens devenus même amicaux avec tes adversaires, car bien sûr, si nous sommes venus pour les changer, ils nous changent également. De ces interactions naissent des consensus le plus souvent bénéfiques à la population, ce qui est la meilleure façon de faire de la politique et de faire fructifier des propositions écologistes sur des sols autrefois infertiles à l'écologie. Tu es venu ici semer de l'écologie et j'imagine que si tu regardes derrière toi aujourd'hui, tu n'es pas mécontent de ce qui a poussé dans ce jardin politique qu'est le Grand Conseil.
Tu as résolu de partir vers de nouveaux jardins, plus attirants; telle est ta décision, que nous respectons même si elle nous chagrine. Notre seule consolation sera que tu ne jardineras pas trop loin de nous et que nous pourrons nous retrouver de temps en temps pour boire des vins frais à l'ombre des haies, chose que nous avons souvent faite dans un passé récent - avec le Conseil d'Etat, d'ailleurs. (M. Antonio Hodgers fait le signe «chut».) Oui, je sais, Antonio, je n'aurais pas dû le dire ! (Rires.)
En modeste présent, je te remets ce livre sur les arbres remarquables de Genève, réalisé par des personnes non moins remarquables de notre office de l'agriculture; nous pourrons nous donner rendez-vous de temps en temps sous la canopée de ces arbres. (Applaudissements. M. François Lefort remet le livre à M. Christian Bavarel et lui serre la main.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député.
Le président. Je cède la parole à M. Pierre Vanek, s'il veut bien la demander.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur. Je la demande volontiers; merci de me l'avoir octroyée par anticipation. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous avons le plaisir et l'honneur d'accueillir dans notre enceinte une députée... (L'orateur insiste sur la terminaison féminine du mot.) ...une suppléante pour le moment, Mme Anne Bonvin Bonfanti, dont le «cas», entre guillemets, a été examiné cette semaine par la commission des droits politiques quant à sa compatibilité avec les critères d'admission dans notre Conseil.
Mme Bonvin Bonfanti est domiciliée à Lancy. Elle a comme employeur la Ville de Genève, mais siège au Conseil municipal de Lancy, ainsi qu'à la commission consultative de l'égalité entre femmes et hommes notamment. Rien dans ses activités qui nous ont été communiquées, au plan professionnel ou autre, ne représente un obstacle à son admission dans nos rangs. Au nom de la commission, et en votre nom évidemment, je lui souhaite donc la bienvenue et je vous invite à l'accueillir. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport oral.
Le président. Mme Anne Bonvin Bonfanti prêtera serment à 18h. Je salue à la tribune la présence de notre ancienne collègue, Mme Mathilde Captyn. (Applaudissements.)
Liens d'intérêts de Mme Anne Bonvin Bonfanti (Ve)
Association Glocal - Membre du comité
Commission consultative de l'égalité entre femmes et hommes
Lancy - Conseillère municipale
Correspondance
Le président. Le Bureau et les chefs de groupe ont trouvé à leur place l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Courrier de M. HODGERS Antonio, conseiller d'Etat chargé du département du territoire, relatif au PL 12469-B (transmis à la Commission du logement) (C-4031)
Courrier de l'APE Cropettes-Beaulieu relatif à l'établissement scolaire Grottes/Beaulieu/Cropettes (C-4032)
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de M. Alexandre de Senarclens : Electrification des TPG : le réseau est-il prêt à assurer les besoins de la flotte renouvelée et les TPG sont-ils prêts à financer ? (QUE-1683)
Question écrite urgente de M. Stéphane Florey : Pénurie d'électricité : Genève, particulièrement dépendante, particulièrement vulnérable ? (QUE-1684)
Question écrite urgente de M. Charles Selleger : Hospice général et équité dans le traitement de ses locataires commerciaux (QUE-1685)
Question écrite urgente de M. Patrick Saudan : Taxation de l'outil de travail : quelles mesures pour Genève ? (QUE-1686)
Question écrite urgente de Mme Léna Strasser : Centre fédéral d'attente et de départ : Genève n'en veut pas, que fait le Conseil d'Etat ? (QUE-1687)
Question écrite urgente de M. Charles Selleger : Gestion des affaires sensibles (QUE-1688)
Question écrite urgente de Mme Nicole Valiquer Grecuccio : Le scandale Orpea : quels constats et quelles répercussions à Genève ? (QUE-1689)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : L'office cantonal de la population tourne au ralenti : quel impact sur la vie des gens ? (QUE-1690)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Non-respect des conditions de travail au sein de l'EMS des Franchises (QUE-1691)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quelles mesures du Conseil d'Etat pour augmenter l'attractivité et les conditions de travail dans les EMS ? (QUE-1692)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quelles mesures du Conseil d'Etat pour des plannings adaptés aux HUG ? (QUE-1693)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Comment le Conseil d'Etat entend-il lutter contre le harcèlement moral et sexuel en milieu médical ? (QUE-1694)
Question écrite urgente de M. Pierre Nicollier : Politique culturelle : quelles prochaines étapes pour la musique à Genève ? (QUE-1695)
QUE 1683 QUE 1684 QUE 1685 QUE 1686 QUE 1687 QUE 1688 QUE 1689 QUE 1690 QUE 1691 QUE 1692 QUE 1693 QUE 1694 QUE 1695
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie la question écrite suivante:
Question écrite de M. Diego Esteban : Renoncement genevois au vote électronique : quels effets sur la participation aux votations et aux élections ? (Q-3887)
Le président. Cette question écrite est renvoyée au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 28 janvier 2022 à 16h10
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 28 janvier 2022 à 16h10
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Annonce: Séance du vendredi 28 janvier 2022 à 16h10
Cette question écrite urgente est close.
Premier débat
Le président. Nous reprenons le traitement des urgences avec le PL 12530-A. Le débat est classé en catégorie II, quarante minutes, et la parole échoit pour commencer à M. Sylvain Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le Grand Conseil a introduit simultanément deux nouvelles dispositions dans la loi sur la santé qui sont entrées en vigueur le 28 juillet 2018: d'une part l'article 39A qui empêche les établissements médicaux privés et publics ainsi que les EMS de refuser la tenue d'un suicide assisté dans leurs locaux, d'autre part l'article 12A qui instaure une commission de surveillance en matière d'assistance au suicide. C'est cette deuxième disposition qui pose problème.
Le projet de loi 12530 soumis par le Conseil d'Etat propose de supprimer cet article 12A qui, comme je viens de le dire, institue une commission de surveillance en matière d'assistance au suicide chargée de contrôler la pratique. Or contrairement à ce qu'indique son libellé, il ne s'agit précisément pas d'une commission de surveillance, car elle ne dispose d'aucune compétence décisionnelle à l'égard de quiconque. De plus, elle ne définit pas le cercle des personnes contrôlées.
L'intention de départ, rappelée par un commissaire à l'origine de l'amendement établissant cet article 12A dans la loi, était de mettre en place un garde-fou dans le cas où la personne fragilisée qui a le dessein de mettre fin à ses jours subirait une influence. Il se trouve que cette cautèle ne marche pas. Dans l'idéal, la commission devrait pouvoir être saisie par toute personne qui, connaissant l'existence d'un désir de suicide assisté, aurait des raisons sérieuses de penser qu'un suicidant est sous influence ou incapable de discernement, donc pas libre d'exprimer ses doutes, cas échéant de modifier son projet. Dans les faits, cet organe n'a pas été en mesure de répondre à quelque demande que ce soit par manque de compétence, par inadéquation de son mandat avec la réalité.
La commission, après avoir été constituée, a traité deux cas seulement en plusieurs mois. Elle a certes essayé de tenir compte de la volonté du législateur et de fonctionner, mais il a fallu se rendre à l'évidence: l'article 12A est inapproprié. La présidence de l'entité a dressé un constat d'échec et s'est retirée en préconisant de renoncer à cette disposition. A ce jour, la commission est suspendue.
L'alinéa 5 de l'article 12A précise par exemple que «les membres de la commission [...] sont soumis au secret professionnel au sens de l'article 321 du code pénal suisse». Tristement, cette disposition n'est pas valable: seuls les membres désignés en leur qualité de médecins, soit les représentants du Centre universitaire romand de médecine légale, le CURML, et les avocats sont tenus au secret en vertu de l'article précité. Les autres membres, à savoir le représentant de la direction générale de la santé, le spécialiste en bioéthique et le représentant d'organisations se vouant statutairement à la défense des droits des patients, eux, n'y sont pas soumis.
Quant à l'alinéa 6, il est également problématique, car il dispose que le président de la commission doit être un médecin du CURML. Cela crée un conflit d'intérêts et met en péril le processus de levée de corps consécutif à des suicides assistés, puisque ceux-ci donnent lieu à l'intervention de la police et du CURML. La tâche du médecin légiste consiste à s'assurer que le cadre mis en place soit respecté, s'agissant notamment du discernement de la personne suicidante et du respect des indications ayant conduit à la prescription d'une substance létale. Par conséquent, le médecin légiste pourra se trouver confronté à une situation que son collègue, en tant que président de la commission, aura déjà évaluée.
Autre écueil, l'alinéa 9 stipule que «dans les cas qui le justifient, la commission alerte immédiatement le Ministère public». Or le Ministère public est une autorité de poursuite pénale, et non une instance de prévention. S'il intervient, c'est uniquement parce qu'une infraction a été commise.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, une très large majorité de la commission de la santé vous enjoint d'adopter ce projet de loi et donc d'abroger l'article 12A. Lors de nos travaux, un résultat de 10 oui contre 3 non et 2 abstentions a clôturé l'examen du texte. Je précise encore que nous avons auditionné Mme Samia Hurst-Majno, directrice de l'Institut Ethique Histoire Humanités de l'UNIGE, M. Jean-Jacques Bise et Mme Dominique Delannoy, de l'association Exit, de même que M. Olivier Jornot, procureur général. De manière unanime, ces intervenants ont soutenu le projet, c'est-à-dire la suppression d'un article qui pose problème et qui, dans la pratique, n'a jamais fonctionné. Merci de suivre la majorité, Mesdames et Messieurs, et d'en faire de même.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Puisque vous avez certainement lu le rapport, Mesdames et Messieurs, je ne vous surprendrai pas en déclarant que la première minorité de la commission rejoint la majorité quant à l'opportunité de supprimer l'article 12A. Cependant, elle estime qu'un certain nombre de mesures supplémentaires doivent être ajoutées à la loi sur la santé, parce que d'autres problèmes demeurent non couverts.
Légiférer en matière d'assistance au suicide constitue une véritable gageure, tant sur le plan législatif qu'éthique. Or il faut que l'Etat garantisse l'application de la liberté de choisir de mourir dans la dignité, il s'agit d'un impératif auquel il ne doit pas pouvoir se soustraire. L'accompagnement et la surveillance restent des questions particulièrement sensibles sur lesquelles le législateur ne peut rester muet.
Au terme des travaux de la commission et de diverses auditions, il est apparu que la commission de surveillance en matière d'assistance au suicide telle qu'une majorité de ce parlement l'avait conçue... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez.
Mme Jocelyne Haller. Merci. ...à travers l'article 12A n'est pas appropriée. Cependant, il est toujours nécessaire d'introduire un dispositif propre à permettre un contrôle de la pratique, énonçant par exemple le processus à suivre en cas de suspicion de non-respect de la volonté d'une personne appelée à mettre fin à ses jours ou en cas de doutes sur sa capacité de discernement. Le Conseil d'Etat a déposé le présent projet de loi pour abroger cette disposition et la commission de la santé l'a suivi.
Or les préoccupations qui ont prévalu lors de l'établissement de cet organe demeurent, notamment quant à la nécessité d'un deuxième avis médical, lorsqu'un doute survient sur la capacité de discernement de la personne candidate au suicide assisté ou sur sa capacité à faire entendre sa volonté. Les auditions ont de surcroît montré que la majeure partie des accompagnants ne bénéficient pas d'une formation spécifique à ce processus si particulier qu'est l'assistance au suicide. Certes, l'expérience permet de forger des compétences, mais l'expertise devrait être présente dès la première fois, et non se développer à l'usage.
La première minorité vous propose non seulement d'accepter la suppression de l'article 12A, mais également d'amender l'article 39A en instaurant trois nouveaux alinéas. Le premier indique que le suicide assisté est autorisé dans la mesure où il ne contrevient pas à l'article 115 du code pénal - une précision qui gagne à être rappelée en l'occurrence; le deuxième stipule qu'il est possible de requérir un second avis relatif à la capacité de discernement lorsqu'un doute se manifeste à cet égard; enfin, le dernier prévoit la mise sur pied d'une formation adéquate et certifiante à l'accompagnement des personnes en fin de vie pour les bénévoles des associations qui interviennent dans ce domaine. Si ces trois alinéas sont acceptés, les sept alinéas existants deviendront les alinéas 4 à 10.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir cet amendement. Je tiens encore à souligner, puisque le rapporteur de deuxième minorité vous présentera lui aussi une modification, que nous estimons tous deux qu'il n'y a pas de contradiction entre les propositions qu'il formule et celles que je viens de vous exposer, qu'elles sont même complémentaires. C'est pourquoi je vous recommande également de les accepter. Merci de votre attention.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Chers collègues, en 2018, notre Grand Conseil a décidé de légiférer sur l'assistance au suicide, tâche particulièrement ardue, nous le savions. Nous sommes ici aujourd'hui pour corriger une disposition que nous avions introduite à l'époque, qui, si elle visait à répondre à une vraie problématique, ne constitue pas la bonne manière de procéder.
Ce que je soulignerai en introduction, c'est que la minorité que je représente est également favorable à la suppression de l'article 12A instaurant une commission de surveillance; comme cela a été indiqué, ce n'est pas la réponse appropriée au problème que nous avions identifié. (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vos voix portent, Mesdames et Messieurs ! Poursuivez, Monsieur Conne.
M. Pierre Conne. Rappelons qu'en 2018, il s'agissait de faire en sorte que les personnes souhaitant se livrer à l'assistance au suicide ou en bénéficier dans les EMS et les établissements médicaux privés et publics y soient autorisées. Dans ce cadre, il avait été prévu que la pratique ferait l'objet d'une surveillance, puisqu'il est énoncé très clairement que le patient ou le résidant demandant un suicide assisté dans un EMS, un hôpital ou une clinique doit être capable de discernement, persister dans sa volonté de se suicider, souffrir d'une maladie ou de séquelles d'accident, graves et incurables, et qu'en cas de doute quant à ces conditions, il est possible de solliciter l'avis d'un autre médecin ou d'une commission de surveillance.
Dès lors que nous instaurions un contrôle de l'assistance au suicide dans les EMS, les hôpitaux et les cliniques, il nous est apparu essentiel, pour garantir une égalité de traitement, que les suicides assistés ayant lieu à domicile soient soumis au même type de garde-fou. Si nous abandonnons la commission de surveillance puisque, selon la formulation de la disposition y relative, elle est impropre à répondre à ces exigences, que devons-nous faire ?
D'abord, rappelons que le problème persiste. Je tiens à citer certains propos de Mme Samia Hurst, professeure de bioéthique, que nous avons auditionnée: «On peut avoir des doutes sur la capacité de discernement de la personne et il faudrait le cas échéant un deuxième avis. On peut avoir des doutes sur l'existence de pressions et, là aussi, un deuxième avis peut être opportun.» En effet, ce n'est pas tant dans les institutions, c'est-à-dire dans les EMS et les établissements médicaux privés et publics, que la question se pose, puisqu'il existe des mécanismes de surveillance, mais plutôt lorsque la pratique a lieu à domicile. Et de préciser: «Le problème qui visait à être réglé par la commission de surveillance» - que nous allons abroger - «demeure.» Je mentionne une dernière phrase qui relève un point important s'agissant de notre proposition, Mme Hurst a dit: «J'ai participé à des formations continues pour les bénévoles d'Exit et certains se demandaient ce qu'était la capacité de discernement.» D'ailleurs, la responsable d'Exit que nous avons entendue l'a admis: «Il n'existe pas de formation proprement dite des accompagnateurs [...]»
Nous en sommes donc là aujourd'hui. Mais alors que faire ? La situation est extrêmement délicate, parce qu'il s'agit vraiment de respecter la liberté de mettre fin à ses jours comme le droit pour quiconque d'offrir, sur une base volontaire, l'aide nécessaire à une personne voulant se suicider. En même temps, il ne faut surtout pas transformer cet acte altruiste en prestation médicale. On voit bien que le chemin sur lequel nous avançons est étroit et particulièrement tortueux. Cela étant, il nous apparaît indispensable que les activités d'assistance au suicide répondent à des critères de qualité et de sécurité, en rappelant que cela concerne des personnes en fin de vie, des familles qui se dirigent de toute façon vers un bouleversement, parce qu'il s'agit de moments éminemment difficiles.
Dès lors, que proposons-nous ? Un nouvel article 39B - c'est l'amendement que nous vous prions d'accepter tout à l'heure - intitulé «Assistance au suicide: charte d'éthique». Ce que nous demandons, c'est que toute personne morale active dans le domaine de l'assistance au suicide sur le territoire de la République et canton de Genève se dote d'une charte d'éthique, laquelle précise les modalités mises en place pour garantir que la personne bénéficiaire a exprimé son consentement de manière libre et éclairée, qu'elle n'est ni sous influence ni incapable de discernement, qu'elle est libre de solliciter un deuxième avis, d'exprimer ses doutes, cas échéant de changer son projet de suicide en tout temps. Voilà le premier point.
Second élément: les formations effectuées par les bénévoles ainsi que les conditions d'encadrement et de surveillance des personnes doivent être explicitées. Ce que nous voulons à travers cette disposition, c'est que toute association intervenant dans le domaine de l'assistance au suicide puisse exposer clairement les mesures mises en place pour garantir la liberté de choix de la personne, sa capacité de discernement de même que la qualité de formation de ses volontaires.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je m'arrête là. Je vous remercie de suivre notre recommandation et de voter cet amendement. En réponse à ce qui a été mentionné tout à l'heure par notre collègue Mme Haller, je précise que nous soutiendrons également les modifications présentées dans le rapport de première minorité. Je vous remercie de m'avoir écouté.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lors de la présentation du projet de loi par le département, on nous a exposé les raisons de cette demande d'abrogation de l'article 12A de la loi sur la santé. Il s'agit surtout d'abandonner la commission de surveillance en matière d'assistance au suicide telle qu'instituée par l'alinéa 1 de cette disposition. Dans les faits, ce n'est pas une commission de surveillance, car elle ne dispose d'aucune compétence décisionnelle ni ne définit le cercle des personnes contrôlées. Cet organe a été créé sur la base d'excellentes intentions; toutefois, dans la pratique, elle est incapable de fonctionner et source de nombreux problèmes.
Le présent texte vise donc la suppression de l'article 12A. Les Vertes et les Verts, tout comme la majorité de la commission de la santé, ont bien compris les problèmes que pose cette disposition actuellement. Sans parler des différentes souffrances, sans mentionner les bonnes intentions, sans rappeler les questions éthiques et personnelles sous-jacentes à la pratique de l'assistance au suicide, il est nécessaire de souligner que lorsque nous légiférons sur des sujets aussi sensibles, voire intimes, que le choix de l'assistance au suicide, il est fondamental, en amont, de nous montrer prudents et de veiller à ce que le résultat ne soit pas contreproductif ni inutile.
Aujourd'hui, il existe une protection suffisante qui consiste à mandater un médecin extérieur, le but étant d'avoir la certitude que la personne veut réellement mettre fin à ses jours. Par conséquent, comme il ne s'agit pas de provoquer des situations insensées, le plus simple est d'abroger cet article 12A. Les Vertes et les Verts soutiendront dès lors la suppression de cette commission qui ne s'est réunie qu'une ou deux fois et qui complexifie l'assistance au suicide sans forcément apporter de plus-value à la personne concernée ou à sa famille.
En conclusion, j'aimerais rappeler que dans les décisions à prendre en lien avec la fin de vie figure aussi l'option des soins palliatifs, qui ont fait des progrès. L'assistance au suicide doit rester un choix, un choix personnel; cela doit rester une liberté, une dernière liberté. Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts accepteront ce projet de loi. Merci.
M. Bertrand Buchs (PDC). En préambule, je souligne que le parti démocrate-chrétien était à la base contre le fait de légiférer sur cette question, estimant que si on commençait à réglementer l'assistance au suicide, on risquait de rencontrer des problèmes d'application de la loi... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Mesdames et Messieurs, merci de tenir vos petits conciliabules à l'extérieur de la salle ! Poursuivez, Monsieur Buchs.
M. Bertrand Buchs. Merci beaucoup, Monsieur le président, je continue. Nous n'étions pas d'accord avec l'idée d'une loi sur l'assistance au suicide, partant du principe qu'on allait avoir de grandes difficultés d'abord à la rédiger, ensuite à la mettre en pratique. La preuve, c'est exactement ce qui s'est passé avec le texte que nous avons voté. Maintenant, la loi a été adoptée, je ne reviendrai pas sur cette commission de surveillance qu'il s'agit de supprimer, tout le monde s'accorde sur ce point.
J'aimerais en revanche évoquer les amendements déposés par les deux minorités, que le parti démocrate-chrétien soutiendra. Pourquoi ? Parce qu'on se rend compte que depuis les débuts de l'assistance au suicide, il y a une certaine... Comment dire ? Au départ, Exit travaillait d'une façon que je trouvais éthique, mais plus les années passent, plus il me semble que le fonctionnement de cette organisation tend, et c'est un propos personnel, à ressembler à celui d'une secte. Tout se passe extrêmement vite lorsqu'on accepte un candidat à l'assistance au suicide. Or il est vraiment important de mettre en place des contrôles, d'avoir la possibilité de solliciter un deuxième avis quand une personne souhaite mettre fin à ses jours. On n'écoute plus tellement les médecins traitants. En ce qui me concerne, j'ai souvent accompagné des gens avec Exit, mais depuis quelques années, on ne me demande plus mon avis de médecin traitant. En fin de compte, le processus se déroule de manière assez automatique: la personne devient membre d'Exit, dépose une demande qui est validée, et quelques jours plus tard, elle s'en va. Là, ça commence à me turlupiner, à me donner mauvaise conscience. Je pense qu'il faut instaurer des cadres légaux, et ceux présentés par les deux minorités me paraissent excellents. Merci dès lors de voter ce projet de loi avec les amendements des deux rapports de minorité.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pierre Nicollier pour deux minutes.
M. Pierre Nicollier (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur la suppression de l'article telle que proposée dans le projet de loi, parce qu'elle fait l'unanimité, le rapporteur de majorité l'a très bien expliqué. Je souhaite souligner que durant nos travaux de commission, nous avons entendu des témoignages indirects de médecins indiquant que leurs patients «avaient été suicidés» - c'est le terme employé - sans qu'ils soient au courant, et ils étaient sûrs qu'on aurait pu procéder autrement.
Le fait d'éliminer des voies de recours qui ne fonctionnent pas est une bonne chose, tout le monde s'accorde là-dessus. Toutefois, il est primordial de cadrer également l'assistance au suicide qui a lieu hors d'une institution. Nous avons besoin de garde-fous pour éviter les dérives et faire en sorte que cette pratique perdure en toute sécurité. Le cadre ne doit pas être différent pour les personnes au sein d'un établissement de soins et pour celles qui sont à la maison. Je vous invite donc à voter les amendements que les deux rapporteurs de minorité ont déposés et vous remercie par avance de votre soutien.
Le président. Merci bien. Madame Sylvie Jay, c'est à vous pour trente secondes.
Mme Sylvie Jay (PLR). Merci, Monsieur le président. J'informe simplement cette assemblée qu'en vertu de l'article 24, je ne prendrai pas position sur cet objet. Merci.
M. Thomas Bläsi (UDC). Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été évoqué. Le groupe UDC votera l'abrogation de l'article 12A eu égard au fait que cette commission de surveillance ne s'est réunie qu'une ou deux fois et n'a pas démontré son utilité. S'agissant de l'amendement proposé par le PLR et de celui présenté par Ensemble à Gauche, ils vont finalement dans le même sens, instaurant tous deux une formation et la possibilité de deux avis médicaux afin d'avoir une certitude concernant la capacité de discernement des personnes. L'UDC acceptera l'amendement PLR ou celui d'Ensemble à Gauche, au choix. Merci beaucoup.
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Charles Selleger pour deux minutes.
M. Charles Selleger (HP). Merci, Monsieur le président. Je ne serai pas très long. J'aimerais insister sur le fait que si le droit au suicide est une chose, le droit à l'assistance au suicide en est une autre. Personne ne conteste la liberté que détient tout un chacun de mettre fin à ses jours, mais quand on entre dans un processus actif d'assistance, il faut prendre des précautions, et ce n'est pas toujours le cas, d'après ce qu'on peut comprendre, d'après ce qu'on a lu dans la presse, de la principale société active dans ce domaine, c'est-à-dire Exit.
Je prendrai deux exemples. Lorsqu'on interroge les dirigeants d'Exit quant à la légitimité ou non d'apporter une assistance au suicide en fonction de l'âge du suicidant, on ne nous répond jamais. J'ai le souvenir d'une émission de télévision où la question a été posée quatre fois au docteur Beck, et à quatre reprises, celui-ci a détourné le sujet et s'est arrangé pour ne pas y donner suite.
Maintenant, une autre chose est extrêmement importante, c'est la capacité de discernement. Il ne s'agit pas d'une disposition qui suit une logique du tout ou rien, c'est un continuum: les gens peuvent être plus ou moins capables de discernement selon les moments, et il faut vraiment veiller à ce que toute personne susceptible de mettre en doute la légitimité d'une demande puisse recourir.
Dans ce sens-là, je pense qu'il faut soutenir l'amendement de Mme Haller tout comme celui déposé par le PLR. Quant à la suppression de la commission de surveillance, je suis tout à fait d'accord: il faut le faire, puisqu'elle ne peut pas fonctionner correctement. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Qu'on s'entende bien: il ne s'agit pas ici de faire le procès d'Exit. Chacun a une opinion à ce propos et certains l'ont exprimée, mais ce n'est pas l'intention, me semble-t-il, des rapporteurs de minorité. Nous souhaitons simplement garantir qu'un certain nombre de cautèles soient mises en place et appliquées en ce qui concerne la liberté de mourir - il faut bien faire une différence entre le droit de mourir et la liberté de mourir. En l'occurrence, il convient d'instaurer des garde-fous permettant de protéger les personnes qui feraient ce choix pour s'assurer qu'en tout temps, leur volonté soit respectée. Voilà de quoi il est question.
Il y a sans doute un tas de points dont nous pourrions débattre s'agissant du suicide assisté, mais aujourd'hui, de manière assez limitative, je dirais, le projet de loi du Conseil d'Etat vise uniquement la suppression de la commission de surveillance. Certes, cela répond également à une préoccupation de notre parlement et nous avons accepté l'abrogation de cette disposition parce que malheureusement, telle que libellée, elle est peu appropriée, mais nous voulons tout de même faire en sorte que l'esprit qui a prévalu lors de l'instauration de cette mesure soit conservé, et c'est la raison d'être des modifications que nous présentons.
Il y a d'abord celle sur la formation des accompagnants d'Exit. Un déficit en la matière est en effet apparu - les représentants de l'association l'ont totalement admis -, un déficit qui doit être comblé. Ensuite, il est nécessaire de substituer à la commission de surveillance un instrument offrant la garantie que la personne soit réellement entendue et que ses souhaits soient observés, et c'est ce qui vous est proposé au travers d'un second avis médical.
Mesdames et Messieurs, je vous encourage à accepter les différents amendements déposés par les deux minorités; vous ne prenez pas un grand risque, si ce n'est celui de vous montrer encore plus prudents dans un domaine extrêmement sensible. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame. La parole retourne à M. Sylvain Thévoz pour une minute quarante-quatre.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je m'exprimerai sur les amendements, en commençant par celui d'Ensemble à Gauche. L'alinéa 1 de l'article 39A stipule, selon l'amendement: «Le suicide assisté est autorisé pour autant qu'il ne contrevienne pas à l'article 115 du code pénal.» Je vous suggère de refuser cette proposition, Mesdames et Messieurs, car elle est redondante: l'article 115 du code pénal s'applique de toute façon dans ce domaine, il ne semble dès lors pas nécessaire de le rappeler dans la loi sur la santé.
Voici le deuxième alinéa: «Un second avis médical peut être requis par toute personne qui, connaissant l'existence d'un projet d'assistance au suicide [...]» Cette disposition est dangereuse, parce que dans le cas où la famille ou les proches s'opposent au désir de mourir d'une personne - souvenez-vous, une affaire de ce genre a été médiatisée -, eh bien vous bloquez le processus, c'est-à-dire qu'il faut convoquer un deuxième médecin, relancer une procédure. On parle de gens endurant des souffrances extrêmes, les délais sont parfois très courts, et par ce biais, vous empêchez, et c'est peut-être la ligne de crête évoquée par M. Pierre Conne tout à l'heure, la volonté de ces personnes de se réaliser. Cet alinéa n'est pas anodin, il entraîne au contraire des risques susceptibles d'entraver la liberté dont dispose tout un chacun... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...de choisir la manière de mettre fin à ses jours. Je vous suggère également de le rejeter.
Enfin, je passe au troisième alinéa: «Les bénévoles intervenant dans le processus de fin de vie lors d'un suicide assisté sont au bénéfice d'une formation ad hoc certifiante.»
Le président. Merci...
M. Sylvain Thévoz. Je peux prendre sur le temps de mon groupe ?
Le président. Non, il vous reste quinze secondes en tout et pour tout.
M. Sylvain Thévoz. Mais mon parti ne s'est pas encore exprimé.
Le président. Vous avez utilisé la totalité du temps à disposition.
M. Sylvain Thévoz. Alors je recommande encore le refus de ce dernier alinéa, parce qu'il est flou, on ne sait pas exactement en quoi consiste une formation ad hoc certifiante. Quant à l'amendement du PLR...
Le président. Merci, Monsieur...
M. Sylvain Thévoz. ...introduisant une charte d'éthique... Laissez-moi finir, Monsieur le président ! ...là aussi, sa place n'est pas dans la loi sur la santé. Il précise avec excès...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Sylvain Thévoz. Je conclus là-dessus ! ...des éléments qui ne sont pas forcément utiles. Merci.
Le président. Bien, je vous remercie. Monsieur Pierre Conne, vous avez demandé la parole ? (Remarque.) Oui ? Parce que vous ne disposez plus que de vingt secondes. Allez-y.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je souhaite juste rappeler que l'assistance au suicide dans les EMS et les hôpitaux se fait sous seing privé, et la cautèle que nous prévoyons avec un deuxième avis médical vise à ce que les choses se passent de la même manière à domicile. Si on n'instaure pas cette disposition, on crée une inégalité de traitement.
Le président. Je vous remercie et je rends la parole à M. Bertrand Buchs pour une minute et cinquante-cinq secondes.
M. Bertrand Buchs (PDC). Oui, merci, Monsieur le président, je serai bref. Vu l'évolution des débats et le fait que nous n'avons jamais discuté des amendements en commission, puisque nous avions voté le projet de loi et que ceux-ci figurent dans les rapports de minorité, je propose un renvoi à la commission de la santé.
Des voix. Oh non !
Une voix. Quelle bonne idée !
Une autre voix. Oui, il a raison. (Commentaires.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de la santé. Madame Jocelyne Haller, à vous.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Nous n'avons peut-être pas formellement voté sur ces dispositions, mais je rappelle aux membres de la commission que ces éléments sont apparus dans les discussions parce qu'ils ont été amenés par des auditionnés, donc soutenir qu'on les découvre aujourd'hui me paraît quelque peu hasardeux.
Cela étant, je trouve particulièrement dommage de renvoyer ce projet de loi en commission. Le débat a été mené, nous avons procédé à un certain nombre d'auditions et si nous en tenons de nouvelles, les intervenants nous diront la même chose. Cela permettra éventuellement à quelques députés de se forger une opinion sur le sujet, mais la chose est déjà entendue.
J'aimerais insister sur ce que vient d'indiquer M. Conne, à savoir que hormis la question de la formation, nous proposons simplement d'élargir à la pratique du suicide assisté à domicile les conditions qui sont appliquées dans les établissements médicaux. Il ne s'agit pas d'être plus royaliste que le roi, d'imposer des mesures plus contraignantes chez les gens, mais de veiller à ce que leur volonté soit clairement établie. Et lorsqu'un doute survient - ce n'est pas systématique, mais si c'est le cas -, alors nous devons pouvoir opérer un contrôle. Il n'est pas question de reprendre le processus à zéro, mais bien de s'assurer que toutes les précautions ont été prises pour respecter la décision de la personne. Voilà ce qui nous importe.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. S'agissant du renvoi en commission, Mesdames et Messieurs, je vous invite à le refuser. L'article 12A avait été introduit un peu à l'arrache dans le projet de loi initial, et on constate après quelques années seulement, puisqu'il date de 2018, qu'il n'a pas fonctionné. Il faut donc le retirer. Il en va de même des amendements que vous découvrez aujourd'hui pour certains. J'espère avoir fait la démonstration auparavant qu'ils sont soit inutiles, soit potentiellement nocifs pour les personnes qui auraient le désir de mourir, et je vous recommande de tous les rejeter, puis de supprimer l'article 12A comme le demande le Conseil d'Etat afin que le droit de mourir dans la dignité soit préservé et simplifié, afin que celles et ceux qui souhaitent en bénéficier puissent le faire.
Un commentaire encore sur l'assistance au suicide, parce qu'on a entendu des propos assez durs sur Exit: les critères d'entrée sont stricts, ce n'est ni une secte, Monsieur Buchs, ni un «open bar» où on peut débarquer et se suicider avec du penthotal trois jours après. Il faut être membre de l'association, domicilié en Suisse, majeur, faire preuve d'une capacité de discernement, être atteint d'une maladie incurable, ce qui est vérifié par un médecin, et à tout moment, les personnes peuvent renoncer à aller au terme de leur projet. Ces conditions sont posées par l'association même afin de garantir une sécurité, puisqu'il ne s'agit pas de morts naturelles. D'ailleurs, une enquête de police a toujours lieu, et à ce jour, aucun cas n'est remonté d'un décès qui aurait été, comme certains l'ont évoqué, contraint, forcé, où le libre arbitre de la personne aurait pu être influencé par des proches.
Ainsi, cette prévenance ne procède pas de l'existence réelle, concrète, avérée d'une problématique, elle est le fruit d'un souci qui, comme je l'ai dit, constitue un facteur potentiellement aggravant pour les personnes souhaitant opérer un suicide assisté et donc un risque de les maintenir dans leurs souffrances. Par conséquent, je vous propose de refuser ces amendements.
Le président. Merci. Je cède enfin la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers sur le renvoi en commission. (Remarque.) Non ? Alors... Monsieur Conne ? (Remarque.) Mais c'est vous qui avez formulé la demande !
Des voix. Non, c'est M. Buchs.
Le président. Ah, toutes mes excuses: plein de choses se passent, je suis un peu inattentif ! Monsieur Conne, je vous redonne la parole.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, merci. Pour ma part, je m'étonne de l'hémiplégie mentale du rapporteur de majorité, parce que le dispositif qu'il considère comme absolument nécessaire dans les EMS, cliniques et hôpitaux, il le décrit comme nocif ou inutile à domicile. C'est soit de la mauvaise foi, soit de l'ignorance, mais en tous les cas, j'en suis extrêmement surpris, voire déçu. Monsieur le rapporteur, vous soutenez que les garde-fous que nous offrons pour l'assistance au suicide à domicile, lesquels existent déjà dans les institutions, sont néfastes; pourquoi vous apparaissent-ils comme impératifs dans les établissements médicaux, mais superflus et nuisibles à la maison ? Je dois dire que vous jouez à un jeu extrêmement dangereux.
D'accord, nous avons adopté l'article 12A «à l'arrache», pour reprendre vos termes, mais alors je vous suggère de ne pas le supprimer «à l'arrache». Compte tenu de l'évolution des débats, du fait qu'il n'y a pas d'urgence, puisque la disposition actuelle est suspendue, que la présidente de la commission ne nous a pas laissé le temps de présenter nos amendements, qu'elle a mis le texte aux voix parce qu'elle savait qu'une majorité se dessinerait en séance pour l'accepter avant que nous déposions nos amendements, que nous nous retrouvons aujourd'hui avec des propositions essentielles pour garantir l'égalité de traitement de toutes les personnes bénéficiant de l'assistance au suicide dans le canton, que celles-ci soient à domicile, en EMS ou dans les hôpitaux, je pense qu'un renvoi en commission est le bienvenu. Nous pourrons ainsi réexaminer le texte, reprendre cette question sur un mode bien plus paisible.
S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, ne nous précipitons pas maintenant pour voter. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de malentendus, notamment entre le rapporteur de majorité, que je respecte, et moi-même par rapport à ce que je viens d'indiquer, donc je vous encourage à renvoyer ce projet de loi en commission; nous poursuivrons nos discussions là où nous en sommes actuellement, nous étudierons les amendements et reviendrons vers vous de manière plus sereine pour vous soumettre un projet finalisé. Merci.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je soumets à vos voix la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12530 à la commission de la santé est adopté par 46 oui contre 40 non. (Commentaires pendant la procédure de vote. Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Commentaires.) Un certain nombre de propos relativement virulents ont été tenus, donc je céderai d'abord la parole à M. Sylvain Thévoz pour la mise en cause. Vous avez trente secondes, Monsieur. (Exclamations.)
Une voix. Quoi ?!
Des voix. Mais on a voté !
M. Sylvain Thévoz. Je renonce, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
Le président. Très bien. Madame Marjorie de Chastonay, c'est votre tour. (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Je vais profiter de l'occasion d'avoir le micro...
Une voix. Mais c'est renvoyé en commission !
Mme Marjorie de Chastonay. Oui, mais j'avais demandé la parole bien avant.
Des voix. C'est renvoyé en commission ! (Commentaires.)
Mme Marjorie de Chastonay. Je ne sais pas, moi, on me donne la parole...
Le président. S'il vous plaît ! Un instant ! Cela n'a aucun impact sur le vote, c'est en rapport avec la mise en cause.
Mme Marjorie de Chastonay. Ah !
Le président. Laissez Mme de Chastonay s'exprimer.
Mme Marjorie de Chastonay. Eh bien je ne me sens pas du tout mise en cause, parce que je n'étais pas présidente... (Rires. L'oratrice rit.)
Le président. D'accord, merci.
Mme Marjorie de Chastonay. ...et que ce n'était pas une femme qui présidait la commission de la santé, mais un homme !
Des voix. Un homme PLR !
Le président. D'où la confusion.
Une voix. C'était Nicollier !
Une autre voix. Ça figure dans le rapport ! (Rires. Brouhaha.)
Premier débat
Le président. Nous terminons notre séance avec l'urgence suivante, le PL 12361-A, classé en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole à M. le rapporteur de majorité Jean-Marc Guinchard. (Brouhaha.) Et je le laisse attendre que le silence se fasse dans cette salle. (Un instant s'écoule.) Allez-y, Monsieur le rapporteur.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'espère que ce n'est pas un voeu pieux ! Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi déposé par le Conseil d'Etat en 2018 vise à lui donner la compétence d'engager, par contrat de droit public, des auxiliaires pour une durée déterminée de plus de trois ans, de sorte à permettre à chaque membre du gouvernement de disposer au maximum de deux collaborateurs personnels pour la durée de la législature. Au cours des travaux, nous nous sommes rendu compte de... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le rapporteur ! S'il vous plaît, j'ai demandé un petit peu de silence ! Je n'aime pas devoir me répéter ! Monsieur le rapporteur, c'est à vous.
M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Monsieur le président. Au cours de leurs travaux, les commissaires se sont rendu compte des difficultés d'interprétation liées aux notions d'auxiliaires, d'agents spécialisés, de secrétaires généraux adjoints, ces trois termes pouvant en effet recouvrir la notion de conseiller personnel. Les commissaires ont toutefois pu se faire une idée plus claire du rôle imparti à ces conseillers personnels, de leur relation avec le conseiller d'Etat, de leur pouvoir au sein de l'administration et de l'importance des comptes qu'ils devaient rendre, non pas seulement à leur conseiller d'Etat, mais également au Conseil d'Etat dans son ensemble. Le projet de loi initial n'apportait toutefois pas de solution au problème du devoir de réserve et du secret de fonction. Il a été considéré plutôt comme imprécis, à tel point que certains commissaires ont pu penser à un moment donné qu'il était inutile. Finalement, un amendement déposé par notre ancien collègue M. Dandrès a certes changé radicalement le texte du projet, mais a eu le mérite d'être plus précis et de convenir à la quasi-totalité des commissaires. Comme vous le constaterez à la lecture de l'article 8A nouveau qui vous est proposé, un conseiller personnel doit obligatoirement être engagé sous ce statut et selon un contrat de droit public. Il n'a pas de devoir de réserve, il accomplit les tâches qui lui sont confiées par son conseiller d'Etat et c'est à ce dernier uniquement qu'il rapporte.
La nouvelle formulation de l'article précise également que ce conseiller personnel ne dispose d'aucun pouvoir d'injonction sur les membres de l'administration et des établissements publics et qu'il perd, le cas échéant, son statut de fonctionnaire, mais a la possibilité de postuler à la fin de son emploi à un poste au sein de l'administration ou d'un établissement public, postulation qui doit être acceptée par le Conseil d'Etat.
Le projet de loi tel qu'amendé par M. Dandrès a été accepté par 12 oui, 1 non et 1 abstention. Il a le mérite de donner une définition claire de la position, du statut et des compétences du conseiller personnel d'un conseiller d'Etat. Pour cette raison, je vous engage à accepter avec la même majorité ce projet de loi. Je vous signale toutefois que nous avons reçu deux demandes d'amendements présentées par le Conseil d'Etat: l'un propose que ce conseiller personnel revête le statut d'agent spécialisé, afin de ne pas créer une fonction supplémentaire; l'autre prévoit que les postulations ultérieures ne soient pas forcément soumises à l'approbation du Conseil d'Etat, si cela n'est pas nécessaire, lorsqu'il ne s'agit pas, par exemple, d'un poste de haut fonctionnaire. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le but de ce projet de loi 12361 est de modifier la LPAC en ajoutant un nouvel alinéa à l'article 7 précisant que le Conseil d'Etat peut, par contrat de droit public, engager des auxiliaires - ou conseillers personnels - pour une durée déterminée supérieure à trois ans, afin de permettre à chaque membre du Conseil d'Etat de disposer au maximum de deux collaborateurs personnels ou collaboratrices personnelles pour la durée de la législature. Il est évident que si l'Etat pouvait procéder plus simplement à des licenciements et s'il y avait davantage de souplesse, nous pourrions nous passer de ce projet de loi.
Ce texte est très ciblé sur les secrétaires généraux adjoints. Si on vise plus large, les personnes concernées sont forcément plus nombreuses. En 1996, les délégations du Conseil d'Etat aux ressources humaines avaient déjà traité de ce sujet de concert avec l'administration, avec la volonté de maintenir les conseillers personnels et les chefs de cabinet dans le cadre de la fonction publique. Seules six à sept personnes sont concernées par le PL 12361. Il est donc opportun de se poser la question de l'utilité de procéder à une modification législative pour ce nombre de personnes. La minorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, je tiens à dire que c'est un projet de loi qui a quand même fait travailler la commission ad hoc pendant presque deux ans. Comme l'a très bien expliqué notre rapporteur de majorité, il y a eu un consensus sur l'amendement présenté par notre ancien collègue Dandrès - je salue d'ailleurs la qualité de son travail sur ce projet de loi -, qui a recueilli une quasi-unanimité au sein de la commission, l'UDC mise à part. Je pense que c'est exactement la bonne solution. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque, il y avait des chefs de cabinet qui étaient fonctionnaires. Ils devenaient chefs de cabinet, mais ils continuaient à être fonctionnaires. On ne savait donc pas s'ils faisaient allégeance au conseiller d'Etat concerné ou au Conseil d'Etat en général. Comme l'a relevé le rapporteur de majorité, ce projet de loi définit et clarifie parfaitement le statut, les conditions d'engagement, les personnes à qui les conseillers réfèrent et leurs conditions de travail. Avant il n'y avait pas de statut; avec ce projet de loi, il y en aura un très clair.
En ce qui concerne les amendements du Conseil d'Etat, nous les refuserons les deux. Le parti socialiste votera la loi telle que sortie de commission - je le répète: deux ans de travail ! Il est évident qu'on ne va pas à nouveau renvoyer ce projet de loi en commission pour deux amendements qu'on nous présente là et qui n'amènent aucune solution. Le statut défini dans ce projet de loi est tout à fait cohérent et correspond très bien à la fonction publique. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, les socialistes voteront le projet de loi tel que sorti de commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède maintenant la parole à M. le député Christian Bavarel, dans le cadre de sa tournée d'adieu ! (Rires.)
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il faut qu'on se pose une question assez simple: qu'est-ce qu'un fonctionnaire ? Et pourquoi a-t-il un statut particulier ? Un fonctionnaire est quelqu'un qui normalement, à l'Etat, peut effectuer des actes d'autorité. On oublie parfois que même les enseignants sont représentants de l'Etat et ont la possibilité, face à des administrés, de faire passer ou rater une année, de délivrer un titre, comme une maturité ou un CFC. Il y a donc effectivement un acte d'autorité, et on n'aimerait pas que, sous pression du monde politique ou autre, ils changent leur décision.
Il existe un cas très particulier, celui du conseiller personnel d'un magistrat, qui, lui, n'est pas quelqu'un qui doit effectuer des actes d'autorité, mais qui fait clairement partie du personnel de type politique, qui encadre, qui travaille avec un magistrat sur des décisions politiques. Son statut est forcément très différent, et il ne s'agit pas de protéger cette personne de la même manière que l'on doit le faire avec quelqu'un qui exerce cette fonction d'autorité. Vous imaginez plus ou moins ce que cela pourrait donner si on pouvait faire pression sur la personne qui s'occupe de nos déclarations d'impôts ! Le statut de fonctionnaire sert aussi à les protéger de ce genre de choses.
La personne dont on parle est pendant un temps liée à un conseiller d'Etat. Généralement, ce sont des gens qui ont des affinités ou des qualités proches; quand le magistrat s'en va, on considère que cette personne finit son mandat, elle ne doit pas être nommée à vie. Néanmoins, ce que nous dit le Conseil d'Etat dans l'amendement qu'il nous propose, c'est que cette personne, une fois qu'elle a terminé son mandat, redevient un citoyen comme les autres. Elle peut donc aller n'importe où: dans le privé ou à l'Etat, et elle postule, elle est donc en concurrence avec les autres. On ne la met pas dans un placard doré, elle n'a pas un poste pour elle, elle a le droit de postuler n'importe où. Elle redevient un être libre - ce qui n'est pas mal, quand même ! -, comme les conseillers d'Etat et comme plein de gens qui peuvent postuler ailleurs. On n'est pas obligé de les engager, mais leur laisser cette liberté de postuler, cela me semble être aussi la moindre des choses.
Les Verts accepteront donc le projet de loi ainsi que les amendements du Conseil d'Etat. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Effectivement, la multiplication des collaborateurs personnels que nous avons connue lors des précédentes années a créé un véritable problème au sein de la république, parce qu'on s'est retrouvé avec des conseillers d'Etat qui multipliaient l'engagement de personnes dont la fonction était mal définie. On s'est retrouvé dans une situation de dysfonctionnement qui a poussé à ce projet de loi. C'est un petit peu triste de devoir en arriver là, de devoir légiférer sur ces questions. Cela démontre qu'il existe des abus, qu'il y a sans doute un problème général au sein de l'Etat de Genève. On se rend compte que de hauts fonctionnaires ou du personnel de niveau supérieur peuvent dysfonctionner sans problème. On est très dur avec les faibles, c'est-à-dire les petits fonctionnaires, alors qu'envers les hauts fonctionnaires, on fait montre d'une complaisance folle: il existe un certain nombre d'exemples, notamment celui du responsable d'un service important de l'Etat qui a fortement dysfonctionné et qui est toujours là, alors que de petits fonctionnaires sont envoyés dans des situations très pénibles; on les exclut de leur poste alors qu'ils ne méritent pas cela. On se trouve dans un système qui dysfonctionne, qui est dur avec les petits et très doux avec les hauts fonctionnaires de l'administration, alors que certains d'entre eux ne le mériteraient pas. Sur ces considérations, nous vous demandons de voter le présent projet de loi.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra le projet sorti de commission. Tout d'abord parce que, il faut le dire, la situation que nous avons connue au moment où nous avons commencé les travaux sur ce projet était complètement... C'était un vrai cafouillis ! Tous les scénarios existaient, avec des contrats de droit de privé, des contrats de droit public, des fonctionnaires à des postes différenciés, des secrétaires généraux, des secrétaires généraux adjoints, toute une diversité de choses totalement absurdes. Il fallait évidemment fixer des normes et encadrer la pratique actuelle.
La deuxième raison qui fait qu'Ensemble à Gauche soutiendra ce projet, c'est évidemment le fait que la personne qui bénéficie du statut de fonctionnaire est liée à la LPAC. Elle bénéficie d'un certain nombre de protections. Ce sont des protections qui ne peuvent pas s'appliquer dans le cas du conseiller personnel d'un magistrat.
Ultime remarque, une critique que nous formulons sur ce projet: dans les débats, nous avons évoqué la possibilité de limiter le nombre de personnes pouvant être engagées. Le chiffre d'un, deux, voire plus avait été évoqué. Malheureusement, la formule retenue ne limite pas ce nombre, et Ensemble à Gauche trouve que c'est un problème, parce que nous ne pouvons pas laisser le libre arbitre complet aux magistrats d'engager des équipes de foot pour se coacher dans leur mission. Malgré cette réserve, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra le texte. Je vous remercie.
M. Cyril Aellen (PLR). Je ferai deux remarques liminaires. La première pour nuancer les propos du rapporteur de majorité: il s'agit d'un projet de loi qui a été déposé par des parlementaires et en particulier par des parlementaires Verts, socialistes et PLR, et non pas par le Conseil d'Etat. Je reviendrai également sur les propos qui ont été tenus par le député MCG pour relever que ce ne sont pas seulement des questions de dysfonctionnement qui ont été soulevées et qui nous ont conduits au dépôt de ce projet de loi, mais aussi des questions de manque de clarté sur les différents statuts et rôles des personnes engagées dans l'entourage proche des conseillers d'Etat. Je rappellerai aussi que ce texte n'est pas lié aux affaires du début de cette législature, puisqu'il a été déposé à la fin de la dernière législature, et nous avons, à intervalles réguliers, tenu de nombreuses séances à la commission ad hoc.
En réalité, plusieurs questions ont été étudiées, notamment celle de savoir s'il fallait limiter le nombre de conseillers personnels. Il y avait beaucoup d'avis, et nous sommes arrivés au consensus qu'il ne fallait pas en limiter le nombre et qu'on faisait confiance aux conseillers et aux conseillères d'Etat sur cette question. Il s'agissait aussi de déterminer s'il fallait un statut particulier, la réponse a été oui. Il faut que ces gens soient engagés pour la durée de la législature. L'amendement du Conseil d'Etat à ce sujet pourrait convenir au groupe PLR, mais il votera le projet tel que sorti de commission, parce qu'il a donné sa parole dans le cadre d'un consensus avec différents partis et que nous entendons tenir parole en ne votant pas les amendements sur le siège; le Conseil d'Etat aurait eu le loisir de venir les déposer et les défendre en commission. Nous nous en tiendrons donc au projet de loi tel que sorti de commission, par égard à la parole donnée aux autres groupes de cette enceinte, quand bien même nous aurions pu voter un des deux amendements.
Il y avait aussi la question du secret de fonction. Il faut savoir que cette question a été largement débattue. On considère qu'un secrétaire général adjoint, qui dépend hiérarchiquement du secrétaire général, est soumis au secret de fonction, qui lui est opposable, qui l'oblige et le limite dans son activité, alors qu'il est considéré que le conseiller personnel, qui est chargé de représenter la conseillère d'Etat ou le conseiller d'Etat, n'est pas soumis à ce même secret de fonction, puisqu'il représente le magistrat sous l'angle politique et qu'il doit pouvoir le représenter sans secret lorsque cela lui est demandé. Je l'ai déjà évoqué, mais je crois que c'est important de le souligner. Le niveau hiérarchique n'est pas le même, le conseiller personnel répond directement au magistrat, alors que tel n'est pas le cas du secrétaire général adjoint.
La question qui reste ouverte, c'est de savoir si fondamentalement, au vu de ce contexte, il est sain que les conseillers personnels puissent rejoindre un autre service de l'Etat ou du grand Etat plus généralement. La question était controversée au sein de cette commission. Nous sommes arrivés à la conclusion que cela ne devait pas être le cas en principe, mais qu'il devait demeurer une exception, et ce dans le cas où le Conseil d'Etat dans son ensemble est d'accord avec cette solution. Tout cela pour dire qu'il s'agit d'un accord équilibré que le PLR soutient, et qu'il remercie l'assemblée de bien vouloir voter le texte tel que sorti de commission.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Je voulais juste prendre la parole au sujet des amendements déposés par le Conseil d'Etat. Nous avons auditionné à plusieurs reprises d'abord M. Tavernier, qui représentait l'Etat, ainsi que Mme la magistrate Nathalie Fontanet. Je trouve donc un peu fort de café que le Conseil d'Etat vienne avec deux amendements, alors qu'il y a eu un quasi-consensus en commission, comme cela a été relevé par mon préopinant, Cyril Aellen. Par conséquent, la minorité de la commission vous demande de refuser les deux amendements du Conseil d'Etat.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Je ne me suis pas exprimé tout à l'heure au sujet des deux amendements déposés par le Conseil d'Etat. Je partage l'analyse de mon collègue Ivanov. Je vois qu'au sein de la majorité, il y a maintenant des avis un petit peu différents par rapport à ces amendements; je ne peux donc pas m'exprimer en tant que rapporteur de majorité sur ce point. En revanche, comme le groupe PDC n'a pas pris la parole à ce sujet, je vous recommande de voter le projet tel que sorti de commission. Je vous remercie.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, le Conseil d'Etat est tout à fait favorable à ce projet de loi, qui permet de régler une problématique que nous rencontrons et que d'autres ont pu rencontrer lorsqu'ils arrivent dans un département, à savoir de retrouver l'ancien chef de cabinet d'un ex-collègue comme fonctionnaire qui continue à travailler dans le département. C'est évidemment problématique; quand on arrive dans un département, on n'a pas forcément envie de se retrouver à travailler dans ces conditions.
Ce projet de loi a été étudié pendant deux ans en commission. Vous le savez, les conseillers et conseillères d'Etat ne sont pas toujours en mesure de suivre tous les travaux de commission. En revanche, ils devraient être en mesure d'y être correctement représentés. Cela n'a manifestement pas été le cas pour le département des finances, ce que je ne peux que regretter, car ce n'est finalement qu'aujourd'hui que mes services se sont rendu compte que ce projet de loi pouvait poser des problèmes de compatibilité juridique. Raison pour laquelle ces amendements arrivent avec un retard que vous avez raison de relever et de critiquer, parce qu'au fond, le fait que des représentants du DF n'assistent pas aux séances de commission ne saurait se répercuter sur le Grand Conseil.
Il n'en demeure pas moins que la notion qui figure dans le projet de loi, à savoir non pas celle d'agent spécialisé, mais de conseiller personnel sous la forme d'un contrat de droit public soumis par analogie aux articles 319 et suivants du code des obligations, est une notion qui aujourd'hui n'existe pas dans la loi. C'est une notion qui correspond sans aucun doute à un agent spécialisé, à savoir dont le poste n'est pas celui d'un fonctionnaire, mais de quelqu'un dont le contrat peut être renouvelé et qui est lié au mandat du conseiller d'Etat. C'est en particulier sous ce statut que j'ai engagé, lorsque j'ai été élue, une conseillère personnelle, qui est agente spécialisée et dont la durée d'engagement a été limitée à la durée de mon mandat, sans possibilité de le renouveler. Si je devais me représenter en 2023 et être à nouveau élue, la conseillère personnelle que j'ai choisie pourrait aussi effectuer ce deuxième mandat. En revanche, le jour où je ne suis plus élue ou prends ma retraite, la conseillère personnelle que j'ai engagée sous le statut d'agent spécialisé doit quitter elle aussi l'Etat. C'est pour cela qu'il nous semblait raisonnable de ne pas créer une nouvelle fonction et de composer avec les dispositions qui existent déjà et qui permettent de ne pas avoir comme collaborateur personnel un fonctionnaire.
L'autre amendement qui a été déposé par le Conseil d'Etat vise simplement à ne pas pénaliser un collaborateur personnel, qui, n'ayant pas le statut de fonctionnaire, n'a évidemment aucun droit à un poste au sein de l'Etat. Il devrait pouvoir finalement postuler à une annonce et suivre le même chemin que n'importe quelle autre personne si elle ou il souhaite rester à l'Etat.
J'ai pris note que manifestement une majorité de votre Conseil ne souhaite pas voter ces amendements. Je le regrette. Toutefois, évidemment, mon administration s'y pliera. Nous créerons, le cas échéant, une nouvelle fonction si celle-ci est nécessaire et nous verrons si les conseillers d'Etat, respectivement leurs collaborateurs personnels, estiment qu'il s'agit là d'une entrave à leur liberté économique ou non. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12361 est adopté en premier débat par 86 oui contre 4 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme Zuber-Roy et M. Alder modifiant le titre du projet de loi. Je cède la parole à... (Commentaires.) Non, il ne reste plus de temps au groupe PLR. L'amendement modifie le titre de la façon suivante:
«Titre de la loi (nouvelle teneur)
modifiant la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (LPAC) (B 5 05) (Collaboratrices et collaborateurs personnels des membres du Conseil d'Etat)»
Le vote est lancé.
Une voix. C'est pour le langage inclusif, ou bien ? (Commentaires.)
Une autre voix. Mais il faut l'accepter ! Ils n'ont pas compris ce que c'est !
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 39 oui et 6 abstentions.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements présentés par le Conseil d'Etat. (Brouhaha.) Si c'est possible de faire les allées et venues moins bruyamment ! Ce premier amendement du Conseil d'Etat modifie la première phrase de l'article 8A nouveau de la manière suivante: les mots «d'agent spécialisé» remplacent «de conseiller personnel, sous la forme d'un contrat de droit public soumis par analogie aux articles 319 et suivants du code des obligations». Cette première phrase devient ainsi: «Lorsqu'un conseiller d'Etat souhaite s'entourer d'un ou de plusieurs collaborateurs personnels, ce dernier doit nécessairement être engagé sous le statut d'agent spécialisé.» Je lance la procédure de vote sur ce premier amendement du Conseil d'Etat.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 87 non contre 4 oui et 1 abstention.
Le président. Nous passons au deuxième amendement du Conseil d'Etat, qui modifie également l'article 8A nouveau en supprimant sa dernière phrase, à savoir: «Toutes postulations ultérieures à un poste au sein de l'administration ou d'un établissement public doivent être soumises à l'approbation du Conseil d'Etat.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 78 non contre 16 oui.
Mis aux voix, l'art. 8A (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement: il s'agit de celui de Mme Zuber-Roy et de M. Alder déposé en deuxième débat, qui a été redéposé. Il modifie ainsi le titre du projet de loi:
«Titre de la loi (nouvelle teneur)
modifiant la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (LPAC) (B 5 05) (Collaboratrices et collaborateurs personnels des membres du Conseil d'Etat).»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 45 oui contre 43 non et 1 abstention.
Le président. Je vais maintenant vous faire voter sur l'ensemble du projet de loi. (Brouhaha.) Est-ce que les explications sur la LFPP peuvent avoir lieu durant la pause ? (Commentaires.)
Une voix. C'est pas sérieux ! (Commentaires.)
Une autre voix. Tu changes de vote !
Une autre voix. Mais j'ai pas changé de vote !
Des voix. Mais si ! (Commentaires.)
Le président. Je pense que tout le monde a besoin d'une bonne pause !
Une voix. Oui !
Le président. Maintenant, dans le plus grand calme - et je regarde à ma gauche -, nous allons voter ce projet de loi dans son ensemble.
Mise aux voix, la loi 12361 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 90 oui contre 3 non (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous retrouvons à 18h.
La séance est levée à 17h40.