Séance du
vendredi 5 mars 2021 à
16h15
2e
législature -
3e
année -
9e
session -
57e
séance
La séance est ouverte à 16h15, sous la présidence de M. François Lefort, président.
Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia, Antonio Hodgers et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Didier Bonny, Natacha Buffet-Desfayes, Marc Falquet, Jean Rossiaud, Léna Strasser, Salika Wenger, Raymond Wicky et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Nicolas Clémence, Sophie Desbiolles, Joëlle Fiss, Patrick Malek-Asghar, Eliane Michaud Ansermet, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Esther Schaufelberger.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Vaccination à Genève : combien de vaccins pour les sans domicile fixe ? (QUE-1471)
Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Données sur la détention à Genève (QUE-1472)
Question écrite urgente de M. Stéphane Florey : Quel cap pour la politique cantonale d'intégration des étrangers ? (QUE-1473)
Question écrite urgente de M. Patrick Saudan : Le maintien après 65 ans d'une activité ambulatoire à temps partiel pour les médecins cadres pourrait-il être instauré aux HUG à l'instar de ce qui se fait à l'hôpital universitaire bernois (Inselspital) ? (QUE-1474)
Question écrite urgente de M. Jean-Marc Guinchard : Covid-19 : et les jeunes... ? (QUE-1475)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Haute fonction publique : quels sont les départements les plus « voraces » en heures supplémentaires ? (QUE-1476)
Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Requiem pour un cerf (QUE-1477)
Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelle protection pour les victimes, démunies de titre de séjour, qui font appel à la police genevoise ? (QUE-1478)
Question écrite urgente de M. Stéphane Florey : Absence de contrôles d'identité par la police genevoise (QUE-1479)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Protection civile : la rigueur administrative prime-t-elle sur la lutte contre le Covid-19 ? (QUE-1480)
Question écrite urgente de M. Diego Esteban : Contrôles d'identité visant les sans-papiers (QUE-1481)
Question écrite urgente de M. Diego Esteban : Enseignement des stratégies de prévention de la violence (QUE-1482)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quels moyens étatiques pour lutter contre l'extrême précarisation des personnes sans statut légal et les marchands de sommeil ? (QUE-1483)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Comment le Conseil d'Etat peut-il justifier l'augmentation de la rémunération de la direction des HUG et de l'IMAD ? (QUE-1484)
Question écrite urgente de Mme Natacha Buffet-Desfayes : Fonds Zell et rupture de dialogue entre la Ville de Genève et le canton. Quels impacts sur la politique en faveur des personnes âgées ? (QUE-1485)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Santé mentale : le Conseil d'Etat sait-il où donner de la tête ? (QUE-1486)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Piéton-ne-s en danger : sacrifié-e-s de la mobilité ? (QUE-1487)
Question écrite urgente de Mme Nicole Valiquer Grecuccio : Le canton de Genève entend-il témoigner de sa reconnaissance envers le personnel soignant par une mesure d'octroi financière ? (QUE-1488)
Question écrite urgente de Mme Nicole Valiquer Grecuccio : Le moratoire dans les investissements immobiliers annoncé par les CFF le 26 janvier 2021 a-t-il des répercussions dans le canton de Genève ? (QUE-1489)
Question écrite urgente de M. Philippe Poget : Quel respect des conditions émises par les citoyens et la Fondation des Evaux pour accepter la venue de l'académie du Servette ? (QUE-1490)
Question écrite urgente de Mme Sophie Desbiolles : Spécisme : quelles pistes pour sortir d'une société maltraitante ? (QUE-1491)
Question écrite urgente de Mme Marjorie de Chastonay : Covid-19 et vaccin : le Conseil d'Etat a-t-il abandonné ses prérogatives régaliennes au profit d'organismes privés concernant les données médicales des personnes vaccinées ? (QUE-1492)
Question écrite urgente de M. David Martin : Transformation provisoire de bureaux vides : une perspective pour les personnes sans abri ? (QUE-1493)
QUE 1471 QUE 1472 QUE 1473 QUE 1474 QUE 1475 QUE 1476 QUE 1477 QUE 1478 QUE 1479 QUE 1480 QUE 1481 QUE 1482 QUE 1483 QUE 1484 QUE 1485 QUE 1486 QUE 1487 QUE 1488 QUE 1489 QUE 1490 QUE 1491 QUE 1492 QUE 1493
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie les questions écrites suivantes:
Question écrite de M. Stéphane Florey : Après un abattage massif d'arbres à Bernex, le Conseil d'Etat favorise-t-il la concurrence déloyale ? (Q-3849)
Question écrite de Mme Joëlle Fiss : Les conséquences de la COVID sur la Genève internationale (Q-3850)
Question écrite de Mme Joëlle Fiss : Installation du KAICIID à Genève et signature d'un protocole d'accord ? (Q-3851)
Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 29 janvier 2021 à 16h05
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Débat
Le président. Nous reprenons le traitement des urgences avec la M 2730, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au premier auteur du texte, M. le député Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Nous nous trouvons, c'est vrai, dans une situation difficile dans le canton de Genève, mais il faut aussi comprendre que des personnes vivent des situations encore plus difficiles dans d'autres régions du monde. C'est particulièrement grave quand il s'agit d'une région européenne; en l'occurrence, des gens se trouvent dans un camp sur l'île grecque de Lesbos. Vous vous souvenez qu'il y avait un premier camp du nom de Mória, qui a brûlé, eh bien les gens ont été déplacés dans un deuxième camp. On appelle vraiment ça un camp, parce qu'il est entouré de fils de fer barbelés, que des contrôles sont effectués à l'entrée et à la sortie, et surtout, surtout, que les conditions de vie sont absolument inacceptables. Ces personnes qui viennent de Syrie, du Yémen, d'Afghanistan, de Somalie ou du Soudan du Sud sont là depuis des mois, voire des années. Elles ont un seul repas par jour, il y a un seul robinet pour 1300 personnes, une seule toilette et une seule douche pour 200 personnes, et on note une absence totale d'hygiène et de soins médicaux. Les tentes sont prévues pour l'été et sont donc dépourvues d'équipements pour l'hiver, or il peut faire extrêmement froid dans ces régions, même en Grèce - il y a eu de la neige ! Les enfants sont livrés à eux-mêmes, sans prise en charge éducative, et il existe des risques d'infections, de malnutrition et surtout d'abus, d'abus sexuels.
Ces gens sont là en attendant que des pays européens acceptent de les accueillir comme réfugiés ou alors qu'on les renvoie en Turquie, dans d'autres camps. Ils n'ont strictement aucun espoir, et j'estime qu'il faut faire un effort, même si nous nous trouvons dans une situation difficile: c'est dans ces moments qu'il faut aussi penser à ceux qui vivent des situations encore plus dures que la nôtre. Les villes suisses ont lancé un appel pour prendre en charge une partie de ces réfugiés. Mme Keller-Sutter a également accepté d'en accueillir quelques-uns. Il y a de moins en moins de réfugiés à cause de la pandémie. Il est peut-être temps que l'on se pose la question et que Genève montre l'exemple en accueillant des personnes.
Le parti démocrate-chrétien propose d'accueillir entre cinq et dix familles, pour montrer notre solidarité vis-à-vis de ces gens qui actuellement sont vraiment les damnés de la terre. Le parti socialiste a déposé un amendement demandant que l'on prenne en charge vingt familles; je vous laisse choisir ! Je pense qu'il est préférable d'accueillir au début peu de familles, afin de voir ce que ça donne si on fait l'effort de bien les recevoir et de bien les intégrer dans notre pays, puis de discuter et d'en faire venir davantage. Mais ce n'est pas une question de nombre ! Vous ferez comme vous voudrez: je vous laisse librement choisir si vous préférez accueillir cinq à dix familles ou plutôt vingt. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, le Parlement suisse a été saisi de plusieurs demandes concernant les réfugiés. Ces réfugiés sont coincés aux portes de l'Europe; ils sont parqués dans des camps, dans des conditions misérables et indignes, comme l'a souligné mon collègue Buchs. Aujourd'hui, le monde observe le déploiement de divers vaccins contre la covid-19, mais les réfugiés vulnérables sont exclus de la vaccination. Le nombre de cas de covid-19 parmi les réfugiés est sous-estimé et l'accès limité aux services de santé aggrave leur situation. Or leur sort, comme l'a bien expliqué Bertrand Buchs, était déjà dramatique avant la pandémie.
La commission des institutions politiques a demandé au Conseil fédéral de se pencher sur la situation dans les îles égéennes. La Suisse doit se montrer solidaire. Elle doit s'engager non seulement pour une réforme des accords de Dublin, mais aussi pour la vaccination et un accès aux soins pour les réfugiés. La Suisse doit exiger un traitement humain et digne pour toutes et tous les réfugiés. Notre pays doit montrer l'exemple. La Confédération a promis d'accueillir plusieurs dizaines de mineurs non accompagnés possédant des liens familiaux en Suisse. Elle aurait également décidé de prendre en charge une vingtaine d'enfants et de jeunes, indépendamment de l'existence de liens familiaux en Suisse.
Siège du Haut-Commissariat aux réfugiés, dépositaire de la convention sur l'asile de 1951, capitale internationale des droits humains, Genève doit ancrer dans ses budgets un soutien pérenne pour les migrants et, parmi eux, les migrants mineurs non accompagnés. S'agissant de l'accueil des familles dont il est question dans cette motion, le parti socialiste approuve cette proposition. Cependant, il estime qu'au moins le double de familles devrait être pris en charge. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe soutiendra cette motion, tout en déplorant, vous le devinez aisément, que l'on se borne à entrouvrir nos portes - même si dix familles, c'est déjà ça. Imaginez la détresse des autres, les conditions déplorables, innommables, dans lesquelles ils et elles doivent continuer à vivre. Nous ne pouvons nous satisfaire d'exceptions en matière d'asile. Nous devons empoigner cette problématique de manière globale et intégrée. Cela signifie développer une politique d'asile fondée sur le respect du devoir d'hospitalité envers quiconque est menacé dans son intégrité pour des motifs politiques et/ou économiques en découlant. Cela implique de refuser les murs inhumains érigés autour de l'Europe, en collaboration avec des dictatures, des gouvernements menant des politiques douteuses, et de revoir les accords qui abandonnent notamment à l'Italie et à la Grèce la gestion des camps de requérants d'asile, afin de favoriser une transition vers le pays de la demande d'asile digne et respectueuse des droits des personnes. Enfin, parallèlement, cela signifie ne pas soutenir les gouvernements qui oppriment leur population et qui ne respectent pas les droits humains, ce qui requiert également un contrôle plus rigoureux de l'action des multinationales qui, souvent, ne rechignent pas à se salir les mains au contact de ces gouvernements.
Alors, oui, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra cette motion, de même qu'il appuiera l'amendement de M. Deonna, sachant que vingt familles, c'est déjà mieux que dix. C'est malheureusement encore trop peu, mais mieux vaut cela que rien du tout ! C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter l'amendement de M. Deonna et à voter cette motion; toutefois, il vous engage aussi à ne pas vous limiter à cette mesure, mais à défendre le droit d'asile tel qu'il se doit d'être et non pas tel qu'il est pratiqué, tel qu'il est déshumanisé. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Bien au-delà de la situation dramatique de ces camps de réfugiés en général - pas seulement à Lesbos -, moi j'aimerais quand même rappeler, et c'est là le plus dramatique, que s'ils se trouvent dans une situation encore pire qu'elle ne l'était au début, c'est parce qu'eux-mêmes ont mis le feu au camp de réfugiés ! (Commentaires.) Ça a été prouvé ! Ils ont mis le feu pour dénoncer ce type de situation, justement dans l'espoir de susciter un intérêt des pays européens et qu'on les accueille chez nous. (Commentaires.) Il faut quand même le dire et être clair avec ça !
Personnellement, je suis assez halluciné par ce type de motion, parce que nous ne sommes pas le Parlement fédéral ! Il faut arrêter de rêver, messieurs-dames ! (Commentaires.) On est le Grand Conseil du canton de Genève ! Ce que vous faites là, en ce moment, c'est de la politique fédérale ! Transmettez vos textes à vos conseillers nationaux et arrêtez de nous casser les pieds avec ce genre de motion, qui ne sert strictement à rien ! La politique fédérale est en place, certaines mesures sont déjà prises aujourd'hui, et votre objet est totalement obsolète, il ne sert à rien du tout ! Le groupe UDC ne pourra donc pas entrer en matière sur ce type de motion. Je vous remercie. (Commentaires.)
M. Yves de Matteis (Ve). Je vais commencer en disant que, bien sûr, le groupe des Verts soutient cette motion. La demande qu'elle formule se situe dans le droit fil des questions urgentes qui ont été déposées ces dernières semaines, et ce texte s'inscrit tout à fait dans la tradition humanitaire du canton de Genève. J'ai bien entendu M. Florey, qui a déclaré qu'il ne fallait pas traiter de sujets fédéraux dans notre canton, mais il s'agit bien ici d'accueillir ces personnes dans notre canton.
Nous soutiendrons par ailleurs l'amendement présenté par M. Deonna; il nous semble important de faire le maximum en notre pouvoir sur le plan local pour accueillir ces personnes, car elles vivent des situations qui, humainement, sont absolument intolérables. En résumé, nous adopterons donc ce texte avec l'amendement de M. Deonna - ou sans, si jamais celui-ci ne devait pas être accepté. Merci, Monsieur le président.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne pense pas que, parce qu'on est au parlement cantonal, on ne peut pas discuter de cette motion. De toute façon, si des réfugiés sont admis en Suisse par la Confédération, une répartition se fera entre les cantons. C'est donc un geste symbolique que je demande. C'est vraiment un geste symbolique, parce que toutes les personnes, de tous bords politiques, qui se sont rendues sur cette île de Lesbos - dans le premier camp qui a brûlé comme dans le deuxième - sont revenues horrifiées: elles n'avaient jamais vu ça en Europe ! On a déjà été traumatisés pendant la Deuxième Guerre mondiale à cause de certains camps, on ne va pas recommencer à l'être parce qu'on n'est pas capables de se comporter correctement avec des gens qui ont tout perdu, qui sont partis de pays en guerre, qui ont dû traverser certains pays dans des conditions horribles, qui ont été exploités par des passeurs, qui arrivent finalement en Grèce - qui fait partie de l'Europe - et qui sont parqués dans une espèce de camp de prison. Honnêtement, on ne peut pas l'admettre ! Il faut donc que nous fassions, nous, un petit effort, pour montrer que nous voulons accueillir quelques familles. Les autres villes suisses sont aussi d'accord d'en prendre en charge; si plusieurs cantons le font, on peut arriver à 100 ou 200 familles, c'est déjà ça ! Oui, c'est déjà un pas, sachant que ces gens n'ont aucun espoir là où ils sont. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci. Madame Jocelyne Haller, je vous donne la parole pour une minute dix-sept. (Un instant s'écoule.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). C'est à qui ?
Une voix. C'est à toi !
Mme Jocelyne Haller. Oh pardon ! Excusez-moi, je n'avais pas entendu mon nom ! Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais juste surenchérir sur ce que disait M. Buchs: ce n'est pas une question fédérale, c'est une question de citoyenneté, une question de respect du devoir d'hospitalité et avant tout une question de respect des droits humains. Il l'a rappelé: certaines villes, notamment genevoises, se sont déclarées prêtes à accueillir un certain nombre de personnes venant du camp de Lesbos. Il y a également une pétition, munie de plus de 50 000 signatures, qui demande que la Suisse accueille un certain nombre de requérants d'asile, vu les conditions lamentables dans lesquelles ils étaient obligés de vivre jusqu'à maintenant. Les deux Chambres, elles aussi, ont accepté des textes allant dans ce sens. Il s'agit donc d'exprimer notre volonté d'être plus accueillants à l'égard de ces personnes, qui sont aujourd'hui amenées à vivre dans des conditions innommables. Nous vous encourageons dès lors à adopter cette motion, mais surtout à aller bien au-delà et à soutenir tous les efforts qui seront faits en ce sens par d'autres organisations. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne peut évidemment que souscrire à l'intention qui s'exprime à travers cette motion. Malgré cela, il vous demandera de ne pas la soutenir et je vais vous expliquer pourquoi.
J'évoquerai d'abord la question des termes: cette motion parle de réfugiés, alors qu'il s'agit avant tout de requérants d'asile, dont la situation doit être examinée et qui n'ont pas - pour la plupart - encore été enregistrés en Grèce où ils se trouvent actuellement. Mais là n'est pas le problème; il s'agit de personnes et nous devons aller au-delà des termes, cas échéant.
Il faut savoir qu'à la suite de cet incendie dans la nuit du 8 septembre 2020, la Suisse a immédiatement mis en place une aide humanitaire, qui s'est concentrée sur des actions en matière d'hébergement, d'approvisionnement, de santé et de protection pour les quelque 12 000 requérants d'asile concernés par ce sinistre. La Suisse, par l'intermédiaire du Département fédéral des affaires étrangères, a également débloqué une aide humanitaire d'urgence d'un million de francs.
Nous le savons, la question du droit d'asile relève du droit fédéral; cela ne veut pas dire que nous n'avons pas à en parler ici, mais les accords qui doivent être passés sont des accords entre Etats, en particulier entre la Suisse et l'Union européenne, pour qu'il y ait une aide coordonnée. Ce n'est évidemment pas un oreiller de paresse: je ne suis pas en train de vous dire que, puisqu'ils ne font rien, il n'y a pas de raison que nous agissions; l'Union européenne a par ailleurs elle-même indiqué qu'elle entendait faire quelque chose, et non seulement qu'elle entendait le faire, mais qu'elle avait déjà commencé.
Nous ne pouvons intervenir sur le plan international pour recevoir des requérants d'asile, comme le sont les familles qui font l'objet de cette motion, que si l'on se trouve dans une situation d'urgence humanitaire absolue - entendons-nous: quand on regarde ces camps, on peut avoir tendance à considérer que tel est le cas -, c'est-à-dire lorsque l'Etat qui accueille les personnes n'est pas en mesure de les prendre en charge et lance un appel à l'aide internationale pour recevoir un appui, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. Cela doit être fait dans le cadre d'un programme coordonné au niveau européen.
Suite à l'incendie de Mória, 400 mineurs non accompagnés ont été pris en charge par les instances européennes; la Suisse, pour sa part, a recueilli 20 mineurs non accompagnés. Il y a en outre eu le programme qui vise à rechercher des attaches familiales pour des mineurs non accompagnés sur place, afin de leur permettre de regagner notre pays. Depuis le début de l'année, ce sont 53 enfants et adolescents qui ont rejoint la Suisse dans ce cadre. Cela fait déjà 73 enfants et adolescents mineurs non accompagnés qui sont arrivés dans notre pays.
La Suisse aide également la Grèce depuis 2015: 8,5 millions ont été versés à ce pays pour soutenir ses actions à l'égard des migrants qui arrivent sur ses côtes. Donc le travail se fait; certainement pas au rythme soutenu que certains, légitimement, voudraient, mais il se fait. Il se fait en coordination avec les autorités européennes et par l'instance nationale qui doit le faire, c'est-à-dire le Département fédéral des affaires étrangères et le Secrétariat d'Etat aux migrations. Nous pouvons donc évidemment exprimer des voeux, mais il n'en demeure pas moins que cette politique doit être menée par la Confédération - il s'agit d'une répartition des tâches qui figure dans la Constitution fédérale - et les voeux de Genève, même s'ils sont exprimés, doivent en fin de compte être avalisés par l'autorité fédérale. Raison pour laquelle, non pas parce que cela ne nous concerne pas, mais parce qu'il s'agit de respecter la répartition des tâches, il faut laisser la Confédération effectuer son travail, ce d'autant qu'elle est en train de le faire. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Emmanuel Deonna, qui vise à modifier la deuxième invite comme suit: «à proposer que le canton de Genève prenne en charge 20 familles.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 53 oui contre 42 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous nous prononçons maintenant sur la proposition de motion ainsi amendée.
Mise aux voix, la motion 2730 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 52 oui contre 43 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, soit la M 2735 et la R 952, que nous traiterons ensemble en catégorie II, trente minutes. Je donne d'abord la parole aux auteures en commençant par Mme Katia Leonelli.
Mme Katia Leonelli (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la crise que nous traversons depuis bientôt une année a eu de sérieuses conséquences pour le milieu culturel et ses «acteurices». La pérennité de ces lieux est mise à mal; selon un sondage récent réalisé par la task force Culture romande auprès de 270 institutions culturelles et 513 professionnels des arts vivants, 43% des sondés envisagent d'abandonner leur métier pour des raisons financières.
Lorsque nous avons déposé cette proposition de motion, la situation était différente et ce texte se voulait un message politique fort, qui mettrait la pression sur le gouvernement genevois pour qu'il plaide la cause du milieu à Berne. Aujourd'hui, les musées sont autorisés à rouvrir mais leur caractère essentiel - comme celui des librairies et des disquaires - n'est toujours pas reconnu. Si notre première invite, telle que formulée actuellement, n'est donc pas complètement caduque, nous nous permettons quand même de vous soumettre un amendement de forme pour la mettre à jour et la rendre plus cohérente en ne demandant plus l'ouverture immédiate, mais uniquement la reconnaissance du caractère essentiel des musées, centres d'art, espaces d'exposition, librairies et disquaires.
La motion que nous vous proposons ne demande en rien des faveurs particulières pour le milieu culturel, mais tout simplement de la cohérence. Le Conseil fédéral a créé des scissions entre différents secteurs économiques en ouvrant de manière différenciée les commerces non essentiels et les lieux culturels; il s'agit de rétablir un traitement équitable. Si les commerces non essentiels sont autorisés à ouvrir, les institutions culturelles doivent également l'être. Une nouvelle étude de l'institut Hermann-Rietschel de Berlin démontre que les théâtres - avec 30% d'occupation et le port du masque - présentent des risques très faibles de contamination, à savoir deux fois moindres que dans un supermarché.
En ce qui concerne notre seconde invite, elle mérite aussi une petite reformulation. Dès lors que les commerces non essentiels ont été autorisés à ouvrir le 1er mars, nous estimons que dans une logique d'égalité de traitement, il serait souhaitable d'obtenir des autorités fédérales l'autorisation d'ouverture immédiate des théâtres et des cinémas notamment.
En parallèle, il est nécessaire d'engager une vraie consultation des milieux culturels au sens large. Nous avons pris connaissance du groupe de travail «Objectif mars» mis sur pied par le conseiller d'Etat chargé de la culture. Nous saluons ce projet mais souhaiterions que le processus de consultation et de concertation soit plus large, plus démocratique. Il est absolument primordial qu'un groupe de ce type puisse représenter la scène culturelle locale dans toute sa diversité. Ce groupe peut être consulté et partager son expérience de terrain, dans une optique de réouverture, quant aux prochaines dispositions sanitaires en vigueur dans les milieux culturels. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Enfin, après plusieurs mois de dispositif d'aide covid pour la culture, il semblerait qu'une simplification et une accélération des démarches administratives soient nécessaires. Obtenir une indemnité financière peut devenir un véritable casse-tête. Au vu de la situation de crise, il est tout simplement inacceptable que des démarches administratives compliquées et des délais prolongés s'ajoutent aux difficultés que les «acteurices» rencontrent actuellement.
Pour finir, une meilleure concertation communes-canton s'impose. Entre évolution rapide de la situation et changements parfois radicaux des dispositifs sanitaires...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Katia Leonelli. ...les «acteurices» culturelles ont besoin de pouvoir trouver facilement des réponses à leurs multiples questions pratiques. Nous proposons de répondre à ce besoin criant en désignant une personne qui puisse faire le lien, de manière transversale, entre les communes - en particulier la Ville de Genève - et le canton pour gérer au mieux cette situation de crise.
Mesdames et Messieurs les députés, sans culture, il n'y a pas de futur. Pour que le canton de Genève envoie un message clair à Berne et pour soutenir les institutions et les «travailleureuses» culturelles, je vous encourage à voter en faveur de cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Madame la députée Nicole Valiquer Grecuccio, à vous de présenter votre proposition de résolution.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier le Bureau qui a assumé l'ajout et le traitement en urgence de cette proposition de résolution, ce qui montre que la culture rassemble au-delà de nos partis respectifs. Nous avons accepté en janvier dernier une motion PLR qui visait aussi la réouverture progressive des lieux culturels. Aujourd'hui, nous avons une proposition de motion des Verts qui va dans le même sens - on vous l'a présentée - et qui très certainement obtiendra le soutien de ce parlement, ainsi que la proposition de résolution que je présente. Cela montre qu'il est urgent de se fédérer pour répondre à une autre urgence, celle des acteurs et des actrices culturels, qui réclament de pouvoir travailler, en proposant l'ouverture des lieux culturels avec des mesures sanitaires adaptées à leur public respectif et à leur jauge.
Cette réouverture sera progressive quant à son ampleur. Il est toutefois possible de commencer le processus en mars, comme le montre le Netzwerk Kulturpolitik de Bâle: il a élaboré un concept qui permet un nombre de spectateurs adapté au lieu, tout en respectant les mesures les plus strictes possible en matière de sécurité. Cette résolution permet au Conseil d'Etat de s'adresser de manière engagée au Conseil fédéral, comme l'a fait par exemple la commission nationale de la sécurité sociale et de la santé publique, qui demande notamment la réouverture des lieux culturels le 22 mars prochain. Cette proposition vise donc à demander la même chose, avec force: que notre canton s'engage pour la réouverture des lieux culturels. Avec une réouverture en mars, la culture redevient essentielle, ce qu'elle n'a bien évidemment jamais cessé d'être pour moi, pour nous, pour le public, pour toutes celles et tous ceux qui ont affiché avec conviction «No culture, no future».
Habitée par la conviction que le public a besoin de renouer avec les arts vivants, une conviction profonde que j'espère partagée, je vous invite à accepter cette résolution, tout comme je vous invite évidemment, au nom du groupe socialiste, à accepter la motion des Verts. C'est unis que nous ferons en sorte que la culture puisse continuer à vivre, car c'est elle qui fonde notre vivre-ensemble et notre volonté de partage, ce qui est d'autant plus important avec cette crise sanitaire. Pour toutes ces raisons, je vous invite à vraiment vous engager maintenant, dans une belle unanimité, en faveur de la culture. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole va à Mme la députée Alessandra Oriolo pour deux minutes vingt.
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le 13 mars prochain sera un autre bien triste anniversaire: celui d'une année presque entière sans culture. Un silence assourdissant a remplacé le public dans des salles désormais vides, des théâtres déserts. Un silence qui coûte très cher à nos artistes et à nos institutions culturelles, tout comme à notre vie sociale. Les comédiennes sont à bout, répétant et annulant spectacle après spectacle, les musiciennes voient leurs concerts annulés et leur retour sur scène sans cesse retardé. Rarement les artistes et toutes les personnes travaillant pour les arts ont autant eu le sentiment de ne servir à rien, alors que rarement nous avons autant regardé de films et de séries, écouté autant de musique, lu autant de livres, etc. La situation culturelle est aujourd'hui dramatique ! C'est tout un écosystème qui est menacé par cette fermeture si longue, touchant de nombreux corps de métiers. C'est tout un pan de notre société qui s'effondre.
Oui, il faut indemniser le secteur culturel, mais ces aides ne sont pas encore arrivées à ce jour. On a autorisé les commerces à ouvrir, mais pas les lieux culturels, alors qu'aucune contamination n'a été relevée dans ces espaces. Des études l'ont prouvé: les lieux culturels sont moins dangereux quant à la transmission du virus. Les chiffres ont parlé; il a manqué une véritable volonté politique de soutenir la culture dans cette crise.
La culture revêt pourtant une fonction essentielle. La culture est l'identité de nos vies, c'est elle qui nous permet de penser nos sociétés, de questionner, d'imaginer, de rêver collectivement et de nous unir. Que serait une société sans artistes ? Les artistes se sont mobilisés et fédérés avec le mouvement «No culture, no future». Ils tirent la sonnette d'alarme; à nous de les entendre et de relayer ce cri avant qu'il ne soit trop tard. Le canton de Genève doit envoyer un signal fort à Berne. C'est pourquoi je vous remercie de faire bon accueil à cette motion des Verts et à cette résolution du parti socialiste, qui sont complémentaires et nécessaires au vu de la crise que nous traversons. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Christian Zaugg (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes tous d'accord: la culture est indispensable. Elle est le sel de la terre, et toutes les personnes actives dans ce domaine souffrent - souffrent de ne pas avoir de public, de ne pas pouvoir partager leur art in vivo ni faire connaître leurs oeuvres, leurs prestations ou leur travail. Il est vrai, la motion le dit, que les milieux culturels peinent à trouver des alternatives pour fonctionner en temps de pandémie, et ils ont le sentiment d'être abandonnés et totalement oubliés - à juste titre, malgré la réouverture des musées et des bibliothèques - au regard des autres secteurs jugés non essentiels.
Quant à la situation économique de ces milieux, tant du côté du théâtre que de la musique, du cinéma ou des arts plastiques, elle est catastrophique. Encore heureux si quelques artistes bénéficient d'une RHT ! Mais nous savons bien qu'il s'agit là d'une petite minorité et que le monde de la culture entre dans la plus grande des précarités. Alors oui, nous soutenons pleinement cette motion, mais attention quand même: il faudra rouvrir avec prudence et bien sûr avec toutes les mesures de protection, de distanciation nécessaires - cela va sans dire.
Cette motion, adressée via le Conseil d'Etat aux autorités fédérales, ne doit pas être une réplique de ce qui vient de se produire au Conseil national pour des activités commerciales.
Alors un grand oui à la culture, car elle nous est aussi indispensable que l'eau ou le soleil, mais nous comptons - et nous sommes sûrs de pouvoir le faire - sur les milieux culturels pour trouver les solutions qui nous permettront de sortir de ce tunnel bien sombre. Notre groupe acceptera les amendements des Verts et soutiendra la résolution de Mme Valiquer. Vive la culture et vivent les artistes ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, même remarque que lors du débat précédent sur Lesbos: vous avez des représentants à Berne ! Que vos groupes respectifs répercutent vos idées ! Là, vous demandez que nous intervenions directement auprès des autorités fédérales alors que notre rôle n'est pas de nous immiscer dans ce qui se passe à Berne. La deuxième chose, c'est qu'on s'aperçoit, à la lecture des invites, que la motion est finalement déjà très obsolète puisque les musées... enfin, un certain nombre d'établissements répertoriés dans vos invites ont déjà rouvert depuis le 1er mars.
On voit bien que la motion est par conséquent inutile, et j'espère en outre que les milieux culturels n'attendent pas une motion du Grand Conseil pour être consultés ! Ce serait dramatique que ce soit au Grand Conseil d'intervenir aujourd'hui pour demander qu'un dialogue s'instaure. On croit rêver !
Pour conclure, la motion ne servant finalement plus à rien, en tout cas pour une bonne partie de mon groupe, nous la refuserons pour éviter d'engorger l'administration en lui demandant de vous répondre sur ce qui existe déjà et est déjà fait - ça, nous le savons. Nous voterons par contre avec une certaine sympathie la résolution de Mme Valiquer qui garde, elle, toute sa pertinence et a encore tout son sens. Nous vous invitons donc à refuser cette proposition de motion qui ne sert plus à rien et à soutenir la résolution. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la crise covid a fait des dégâts considérables, non seulement au niveau de la santé mais aussi de notre vie sociale. Et force est de constater que la culture a jusqu'à présent largement été oubliée quand il s'est agi de mettre en place des mesures. La culture, c'est bien sûr un domaine vaste et varié - ce qui a évidemment compliqué l'analyse, mais nous sommes en manque de culture et il faut absolument réagir. Je ne suis pas l'approche de mon préopinant: il y a une symbolique, un geste politique. Il faut absolument que les choses bougent et que nous puissions retourner là où nous avons envie d'aller, quels que soient les goûts des uns et des autres.
La motion et la résolution le disent: c'est nécessaire pour les acteurs et les actrices, mais pas que ! Tous les métiers liés à la culture sont concernés, des auteurs aux réalisateurs, mais aussi les intermittents du spectacle et tous les métiers qui en dépendent. Tous ces gens sont dans des situations difficiles, et tant la résolution que la motion vont dans le bon sens, raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien les soutiendra. Nous avons autant à coeur de retourner dans les lieux de culture que nous aimons que dans les restaurants dont nous avons parlé hier ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. Jean Batou pour cinquante-huit secondes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Je me concentrerai donc sur un point: la culture, ce ne sont pas seulement les professionnels de la culture - ils sont bien sûr essentiels -, ce sont aussi tous les amateurs qui pratiquent des arts ou des formes de création collective et qui pendant cette période ont été privés des moyens nécessaires pour cela. J'ai bien aimé l'idée que la culture est un environnement, aussi indispensable que l'environnement naturel: c'est un environnement humain, social, culturel. Nous commettrions une grave erreur en sous-estimant cela. Nous devons par conséquent voter ces deux objets pour envoyer un message à l'ensemble de la population, à l'ensemble des créateurs. Merci.
Le président. Merci beaucoup. Monsieur le député André Pfeffer, c'est à vous pour cinquante-cinq secondes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président, j'ai juste un point, un seul point, à ajouter. Toutes les mesures sont effectivement de la compétence de la Confédération, mais celle-ci a l'obligation de consulter les cantons depuis le mois de juin de l'année dernière. Il y a un problème à ce sujet: le canton de Genève - c'est-à-dire le Conseil d'Etat genevois - tient les consultations secrètes ! Dans ce cas, je pense quant à moi que la première chose à faire serait vraiment de solliciter que les négociations relatives aux mesures mises en consultation par la Confédération auprès du Conseil d'Etat dans le cadre du covid soient publiques et transparentes. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. Emmanuel Deonna pour deux minutes trente-six.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Mmes Valiquer et Oriolo, MM. Zaugg, Blondin et Batou l'ont rappelé: nos décideurs à Berne semblent considérer la culture comme un divertissement superflu, comme un luxe réservé aux temps de prospérité économique. Jugée non essentielle, la culture a été cruellement mise au second plan depuis le début de la pandémie. Or c'est l'ensemble de l'écosystème culturel - les théâtres, les musées, les galeries, les cinémas, les salles de concert - qui paie aujourd'hui un tribut extrêmement lourd à cette pandémie !
L'impossibilité de reprogrammer des événements ou de réunir des équipes dispersées, affaiblies par la pandémie, bloque complètement aujourd'hui le flux des productions et des coproductions, et va l'interrompre durablement. Cet engorgement complique énormément le travail des acteurs culturels, l'établissement des calendriers et la planification des budgets. Sans le déploiement de nouvelles mesures de soutien, les intermittents, les mandataires ou les indépendants en particulier ne pourront pas survivre à cette crise. C'est pourquoi la réouverture des lieux culturels est un signal majeur; il permettra de renforcer les mesures de soutien urgentes dont le secteur culturel a besoin.
M. Cyril Aellen (PLR). Lors de la dernière session du Grand Conseil, le PLR et le PDC ont déposé une motion qui invitait à un début de réouverture dans le domaine culturel. Nous avions conscience - et nous remercions tous ceux qui l'ont votée, une large majorité - d'initier un mouvement. De façon plus large, des démarches judiciaires ont aussi suscité d'autres mouvements qui ont notamment abouti à la réouverture des lieux de culte. Et puis ces deux mouvements ont par exemple récemment permis au festival Antigel de présenter de vrais concerts, avec un vrai public - certes très limité et avec des conditions - dans certains lieux genevois. Si la résolution du parti socialiste et la motion des Verts - la première étant ouverte aux signatures, nous l'avons signée - que l'on nous présente aujourd'hui sont déjà en partie caduques, comme la motion précédente, elles constituent néanmoins des symboles importants s'agissant de la volonté d'accorder toute sa place à la culture.
Cela nous permet aussi de nous interroger sur ce qu'est un lieu de contamination, soit un lieu où la circulation des gens génère une circulation du virus. C'est important et c'est pour cela qu'il faut passer - ce que nous défendons également - d'une logique de moyens à une logique d'objectifs, un principe éminemment libéral-radical. Mais cela implique, et c'est l'une des invites de la motion des Verts, d'avoir un échange entre le public et le privé, et aussi d'avoir confiance en ceux qui font et ceux qui savent ! Et la délégation de cette maîtrise aux milieux culturels doit montrer qu'il faut également appliquer cela dans d'autres milieux. Je me réjouis que la gauche nous dise et nous explique que cette collaboration entre le public et le privé est une bonne chose pour la culture, mais c'est une bonne chose tout court !
Tous les domaines sont liés, il faut aussi en tenir compte: il n'y a pas l'essentiel et le non-essentiel - cette crise révèle l'importance du lien social. Lors de la dernière session, je disais que sauver la culture, ce n'est pas seulement sauver les acteurs: c'est également sauver les spectateurs. Voilà ce que signifie sauver le lien social. Je me réjouis que la culture serve de tremplin à d'autres milieux économiques pour une ouverture progressive, responsable et concertée - je pense à d'autres milieux qui s'ouvrent et qui constituent aussi du lien social dans notre canton.
Nous applaudissons donc, au PLR, ces deux objets - nous les approuverons et les amendements également: ils vont dans le bon sens et disent comment les choses doivent se passer. Car ce qui vaut pour la culture ne vaut pas seulement pour la culture. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le MCG soutiendra la motion et la résolution. Nous estimons qu'il s'agit d'un secteur sinistré et qu'il convient de le soutenir déjà moralement. C'est vrai que l'effectivité de ces deux textes est malgré tout relative: cela dépend des directives du Conseil fédéral, voire d'autres directives sanitaires dont nous dépendons tous. Il y a là le principe de réalité; s'il peut également être un obstacle à leur mise en oeuvre, il n'est contradictoire ni avec la motion ni avec la résolution, étant donné que les deux textes expriment une volonté. La résolution exprime une volonté beaucoup plus théorique et la motion une volonté beaucoup plus pratique, beaucoup plus précise, mais les deux vont dans la même direction.
Pour le MCG, il est essentiel d'exprimer le désir, la volonté d'aller vers cette réouverture, d'aller vers le mieux, de soulager une partie importante de notre société, qui a été frappée de manière assez insupportable - elle n'est pas la seule, de nombreux secteurs de notre société ont été touchés, de nombreuses personnes se sont retrouvées en difficulté -, et ce soutien, à notre modeste niveau, nous essayons de l'apporter par ce vote. C'est pour cela que nous allons voter autant la motion que la résolution. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Combien de temps reste-t-il pour le MCG ? (Remarque.) Monsieur Patrick Dimier, à vous pour une minute dix-huit.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, c'est bien plus que ce dont j'ai besoin ! Je dirai que vu ce qu'on sert, il n'y a pas de place pour une fausse note et qu'il faut bien entendu soutenir ces textes. La culture a suffisamment souffert pour qu'on ne la mette pas en berne.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, merci tout d'abord de l'accueil favorable de vos groupes - en majorité du moins, pour l'instant - à cette motion et à cette résolution. Le Conseil d'Etat acceptera bien volontiers de traiter ces deux textes tant il est absolument nécessaire aujourd'hui de donner un signe aux actrices et aux acteurs concernés, à celles et ceux qui, passionnés par la culture, par l'enrichissement de la rencontre, doivent effectivement pouvoir en bénéficier.
Le monde politique a également besoin de votre appel, raison pour laquelle il est aujourd'hui nécessaire de donner un signe. Ce signe, je l'espère le plus unanime possible en prévision du 17 mars prochain, lorsque le Conseil fédéral se penchera sur les décisions qu'il entend prendre le 22 mars; il est nécessaire de donner d'ores et déjà un signe.
Le département et le Conseil d'Etat ont fait en sorte de démarrer la mise en oeuvre des différentes volontés exprimées dans la motion et dans la résolution. Tout d'abord, parce que j'ai réuni l'ensemble des collègues conseillères et conseillers d'Etat chargés de la culture pour permettre une discussion à deux niveaux. Premier niveau: comment faire en sorte, dans la situation sanitaire actuelle, de trouver quand même le moyen de maintenir les activités culturelles ? Deuxième niveau: comment est-ce que nous pourrons monter en puissance lorsque la situation sanitaire se détendra, tant il est vrai, on l'a dit, que nous ne pourrons pas ouvrir rapidement l'ensemble des espaces et des institutions culturels ? Raison pour laquelle il m'apparaît nécessaire - et c'est ce que nous avons fait - de travailler sur quatre temps d'ouverture. Ainsi, nous pourrons concilier la situation sanitaire et notre besoin légitime de culture.
Nous avons écrit un courrier au conseiller fédéral Alain Berset pour plaider non seulement la volonté unanime des cantons romands, mais également le temps nécessaire à l'organisation des travaux. Il faut en effet éviter ce qu'on appelle en mauvais français des «stop-and-go», c'est-à-dire des ouvertures, des fermetures, des ouvertures et à nouveau des fermetures. Cela déstabilise bien sûr énormément le milieu culturel et nous avons besoin, dans ce milieu-là, de stabilité et de soutien. Par ailleurs, cela a été dit, l'«Objectif mars» que j'ai proposé avec un certain nombre de faîtières contribuait aussi, à Genève, à préparer ces ouvertures.
Quelques remarques quant aux éléments que vous avez abordés lors de votre débat, sur la consultation tout d'abord. Nous avons un organe qui s'appelle le Conseil consultatif de la culture et celui-ci a régulièrement été consulté. Cela a notamment encore été le cas en janvier dernier, s'agissant des mesures qu'il entendait proposer au gouvernement pour augmenter les offres malgré la situation sanitaire. Et puis j'ai régulièrement l'occasion, avec les faîtières culturelles diverses et variées - vous savez qu'il n'y a pas, à Genève, une seule fédération mais qu'il existe plusieurs faîtières - de rencontrer les représentantes et les représentants des arts de la scène, des arts plastiques et bien d'autres encore. Ce dialogue est maintenu régulièrement - avec les communes genevoises, entre autres, également - pour faire évidemment en sorte d'établir cette cohérence que vous appelez de vos voeux.
S'agissant des démarches, elles ont en effet pris du temps: nous avons dû apprendre un nouveau métier, notamment les collaboratrices et les collaborateurs de l'office cantonal de la culture et du sport. C'est pour eux un nouveau métier, car au fond, ils et elles n'étaient pas préparés et préparées à assumer des tâches administratives et financières. Ils s'y sont mis avec beaucoup d'énergie, beaucoup de volonté pour répondre au souci légitime des actrices et des acteurs culturels, comme des institutions, d'obtenir une réponse. Nous avons appris de la situation de 2020 pour que nous puissions faire encore mieux et encore plus vite en 2021.
Quant au guichet unique, au souhait d'avoir un seul interlocuteur, cela a été immédiatement mis en place, en mars 2020. Nous avons en effet monté le guichet Covid-Culture avec l'office cantonal de la culture et du sport, la Ville de Genève, les communes genevoises et l'organe genevois de répartition de la Loterie romande, ce qui nous a permis de faire immédiatement en sorte que chaque personne trouve un écho à ses demandes. Ce guichet unique s'est régulièrement organisé, non seulement d'un point de vue politique mais surtout d'un point de vue technique.
Pour terminer, Mesdames les députées, Messieurs les députés, si nous voulons ce soir, comme cela a été dit jusqu'à présent, que le vote de cette résolution et de cette motion puisse véritablement être un symbole et donne qui plus est ce signal fort dont nous avons besoin aux autorités fédérales, j'en appelle à un vote unanime. Mesdames et Messieurs les députés de l'UDC, je vous demande de nous rejoindre - de vous joindre - dans un vote unanime, nécessaire pour montrer que la culture est encore et toujours un bien essentiel. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons d'abord au vote de la M 2735 pour laquelle nous sommes saisis de deux amendements. Je vous lis le premier d'entre eux, proposé par Mmes Leonelli et Oriolo, qui remplace la première invite par l'invite suivante:
«à obtenir des autorités fédérales la reconnaissance du caractère essentiel des musées, centres d'art, espaces d'art indépendants, des librairies et des disquaires;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 80 oui contre 10 non et 2 abstentions.
Le président. Nous passons au deuxième amendement proposé également par Mmes Oriolo et Leonelli, qui remplace la deuxième invite par celle-ci:
«dès lors que les commerces non essentiels ont été autorisés à ouvrir, à obtenir des autorités fédérales l'autorisation d'ouvrir immédiatement les institutions culturelles telles que les théâtres et les cinémas;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui contre 8 non et 3 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2735 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 83 oui contre 6 non et 2 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 952 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 94 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la M 2737 de Mme Glenna Baillon-Lopez et consorts. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. L'auteure ne demandant pas la parole, je la donne à M. le député Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Je me permets de lire un texte de Mme Baillon-Lopez puisqu'elle n'est pas présente aujourd'hui.
«Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je viens vous parler d'une situation et de personnes qui passent souvent inaperçues et qui sont les oubliées du système, particulièrement en ces temps de crise covid. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons aidé les entreprises, les indépendants, les commerces, mais, aujourd'hui, les locataires d'habitations privées, ceux et celles qui avaient un emploi temporaire, sont les grands oubliés de la situation alors qu'ils ont besoin de nous, particulièrement ceux qui ont perdu leur emploi, qui sont dans une situation précaire et qui, par manque de revenus, ne peuvent plus faire face au paiement de leur loyer.
«Notre indifférence envers ces personnes est innommable; elles sont en train de perdre espoir en nous alors qu'elles nous ont élus pour justement les protéger dans des crises comme celle du covid. Que faisons-nous ? Exactement le contraire ! Elles menaient déjà une vie difficile avant la crise, leur salaire leur permettait juste de survivre et elles sont à présent menacées d'expulsion car bon nombre d'entre elles ne perçoivent ni le chômage ni aucune autre aide de l'Etat.
«Hier, j'ai écouté les arguments qui allaient à l'encontre du PL 12798-B concernant l'aide individuelle aux locataires. Certains d'entre vous, décriant ses faiblesses, ont refusé un projet dont la finalité visait à aider en urgence les locataires, ceux-là mêmes qui, dès le 1er juin, seront expulsés de leur domicile et dormiront dans les rues de notre ville car l'ultimatum arrive à échéance le 31 mars. Oui, vous avez bien entendu, les locataires seront expulsés, parce que l'arrêté de M. Poggia empêchait l'expulsion des locataires pendant deux mois seulement, alors que nous savons tous que la crise sanitaire dure depuis plus d'un an ! La solution était dérisoire face à un problème aussi dramatique qui aurait nécessité une conclusion bien plus humaine.
«Les réponses négatives que nous donnons à des projets de solutions exceptionnelles à la hauteur de cette crise ne donnent aucune chance à une discussion ou à des modifications du PL 12798-B qui pourraient faire aboutir un accord. Après tout, nous parlons ici d'êtres humains, de vies brisées et non de statistiques sans visage. Notre système ne protège pas suffisamment les locataires et la loi n'est pas en harmonie avec ce type de crise sanitaire. Je vous parle de familles avec des enfants qui vont bientôt se retrouver dans la rue et augmenter le nombre des SDF à Genève. Nous nous devons de les aider, non seulement par solidarité, mais aussi parce qu'ils ont des droits, au regard de l'article 38 de la constitution. Avoir un toit est un droit fondamental.» J'ajoute qu'il en va aussi de la dignité des personnes. «Il y a quelques années, nous avons refusé la trêve hivernale. Pourtant, ce projet aurait permis aux personnes qui sont aujourd'hui dans une situation difficile de maintenir leur statut de locataires»...
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. Alberto Velasco. ...«et par conséquent, nous aurions eu une problématique en moins à gérer. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le conseiller d'Etat, nous ne vous demandons pas ici la charité mais voulons vous présenter aujourd'hui deux solutions qui pourront alléger le tourment des locataires.
«Premièrement, il faudrait agir auprès des propriétaires pour que les locataires en situation de défaut de paiement puissent, dans toute la mesure du possible, conserver leur logement, y compris les personnes dont le bail aura été résilié au cours des douze derniers mois, en coordination avec le département de la cohésion sociale.
«Deuxièmement, il faudrait prolonger en parallèle le moratoire sur les expulsions sine die étant donné l'impossibilité, pour l'heure, de prévoir la reprise de l'activité économique et la difficulté de se loger avec un loyer convenable.»
Je vous prie donc, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir accepter cette motion. (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, en 2020, la population suisse a vu ses revenus baisser largement: d'après les projections, les ménages perdent environ 2,5% à 3% en moyenne, soit environ 1700 francs sur l'année. C'est une moyenne, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui n'ont pas été lésés, il y en a qui ont gagné et d'autres qui ont beaucoup perdu ! Parmi les gens qui ont beaucoup perdu ou qui perdent un peu, certains étaient à la limite et se retrouvent avec des difficultés de paiement. Or, à Genève, la question du logement est centrale concernant les coûts à charge d'un ménage puisque nous sommes dans une des villes les plus chères de Suisse, où les loyers sont particulièrement élevés. On ne va pas refaire le débat là-dessus, mais c'est clairement hors de prix !
Rien n'a été fait par ce parlement pour protéger ces gens. Or, pourquoi est-ce qu'il faut protéger ces gens ? Encore une fois, parce que nous avons confié la gestion de notre habitat, la gestion de nos appartements et de nos maisons au secteur privé; l'Etat et notre Grand Conseil continuent de confier cette gestion au secteur privé qui a pour seule finalité de s'en mettre plein les poches, qui n'en a rien à faire de la gestion de la crise sociale, de la crise économique, etc. Nous sommes donc complètement dépourvus d'une politique sociale du logement prenant en compte les éléments conjoncturels ou structurels et qui permettrait de lutter efficacement contre le décrochage dans la pauvreté voire dans le sans-abrisme !
Face à ça, la réponse proposée dans cette proposition de motion est certes assez modeste, mais celle-ci contient deux invites qui devraient attirer notre attention - trois invites même ! Elle propose d'abord de renouveler les baux aux mêmes conditions s'ils ont été résiliés dans les douze derniers mois. Il s'agit ensuite de geler l'exécution des jugements d'évacuation pendant cette période de pandémie, ce qui nous semble évidemment sensé; je pense que le Conseil d'Etat le cautionnera aussi. Surtout, l'invite la plus intéressante concerne l'obligation pour les régies de transmettre copie des mises en demeure et des résiliations de baux au département de la cohésion sociale pour suivi. Effectivement, nous avons un problème de suivi et ce n'est pas que dans ce cas-là ! Nous avons un problème de suivi de ce qui se passe sur le marché du logement, sur le marché des résiliations ! De ce point de vue, cette invite va dans le bon sens. A défaut de pouvoir socialiser le logement et la gestion du territoire, comme il serait bon de le faire, et d'exproprier ces propriétaires qui n'en ont rien à faire, nous soutiendrons cette proposition de motion qui est un petit pas dans la moins mauvaise direction !
Mme Claude Bocquet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont pris des mesures pour soutenir les locataires en difficulté via un arrêté qui suspend l'évacuation des locataires jusqu'au 31 mars et via le PL 12836 qui a mis 12 millions de francs à disposition des personnes en situation de précarité. Lors des auditions à la commission du logement, l'Hospice général a indiqué qu'il n'y avait pas d'augmentation des expulsions de locataires depuis le début de la pandémie et il a mentionné que les régies faisaient preuve de souplesse et de compréhension afin de trouver des arrangements avec les locataires en difficulté. Le PDC refusera donc cette proposition de motion qui est une ingérence dans les rapports de droit privé.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Monsieur le président, cette proposition de motion, ajoutée hier en urgence, a de toute évidence pour but de contrecarrer le refus, hier, du PL 12798. Ce procédé qui consiste à proposer le même sujet, dans une même séance, avec quelques variations, est à mes yeux discutable. En effet, ce texte demande peu ou prou la même chose que le PL 12798, soit l'interdiction des expulsions, un suivi social et un moratoire sur le paiement des loyers.
Cette proposition de motion présuppose que nous avons constaté ces derniers mois une augmentation massive des expulsions, ce qui n'est pas le cas. Le Conseil fédéral a prolongé, au plus fort de la crise, la possibilité de payer son loyer à nonante jours au lieu de trente jours et le Conseil d'Etat prolonge l'interdiction des expulsions. De plus, hier, le canton de Genève, l'Union suisse des professionnels de l'immobilier - qui regroupe l'immense majorité des régies de Genève - et la Chambre genevoise immobilière ont finalisé la préparation d'une lettre commune destinée à tout locataire qui connaît des difficultés à s'acquitter de son loyer et reçoit une mise en demeure. Grâce à cette information proactive - qu'on retrouve également sur internet - les locataires en difficulté de paiement sont clairement orientés vers le Bureau d'information sociale, c'est-à-dire la permanence mise en place par le département de la cohésion sociale pour expliquer aux personnes concernées à quelles aides elles ont droit et ainsi leur venir en aide concrètement et rapidement.
Nous constatons donc que les autorités et les diverses parties prenantes font le nécessaire dans la situation particulière que nous vivons aujourd'hui. Je rappelle également que notre parlement a voté un crédit de 12 millions de francs à la fin de l'année passée, qui sert notamment à venir en aide aux personnes qui n'arrivent plus à payer leur loyer en raison du covid. Pour toutes ces raisons, le groupe PLR vous invite à refuser cette proposition de motion. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion, elle va dans le bon sens ! Elle va dans le bon sens parce qu'on doit effectivement rester attentif à ce que les locataires qui ont des difficultés suite à cette crise, cette pandémie, ne se retrouvent pas dans la rue. Même si les statistiques montrent aujourd'hui qu'il n'y a pas une liste très longue d'expulsions, il faut bien être attentif à éviter ce type de situations, les mises en demeure et ensuite les expulsions. Parce qu'une fois que le mécanisme est enclenché, il est extrêmement difficile de l'arrêter, malgré toute la bonne volonté qu'on peut avoir: vous le savez bien, le droit fédéral est assez impitoyable. Certains bailleurs jouent le jeu, mais il y en a beaucoup qui ne jouent pas le jeu ! Il y en a aussi beaucoup qui n'ont pas joué le jeu dans le cadre des accords Vesta qui avaient pour mission d'aider les locataires commerciaux ! Même des bailleurs sociaux n'ont pas joué le jeu ! Par conséquent, le MCG va soutenir cette proposition de motion qui va dans le bon sens.
J'aimerais rappeler ici qu'il y a peu de temps, il y a environ un an, le MCG avait déposé un projet de loi visant à responsabiliser les services sociaux des communes, dans le cas de mises en demeure et d'expulsions. Ce Grand Conseil a traité cet objet et l'a refusé pratiquement à l'unanimité - à part le MCG évidemment ! Mesdames et Messieurs, vous l'avez refusé - y compris la gauche ! C'eût été de bon aloi d'accepter ce texte, parce que c'était juste avant la pandémie. La proximité est importante, on avait justement pensé que les services sociaux des communes devaient être informés des mises en demeure et des expulsions, de façon à pouvoir agir préventivement le cas échéant. Bon, ce projet de loi est passé à la trappe parce que vous en avez voulu ainsi, y compris la gauche !
Cela dit, cette proposition de motion va dans le bon sens et une partie des demandes a déjà été réalisée avec le gel des évacuations et de l'exécution des jugements qui sera peut-être prolongé, si c'est nécessaire. Par conséquent, je redis que le MCG votera ce texte.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous vivons une situation particulière: on a interdit à certaines personnes de travailler, non pas parce qu'elles ont fait une erreur, mais pour des raisons sanitaires, alors que d'autres continuent à travailler. Il y a donc une sorte d'inégalité flagrante dans notre canton ! Cela place certaines personnes - pas toutes ! - dans une situation de précarité extrêmement forte. D'autant plus qu'une sorte de tradition dans ce canton veut que les aides administratives mettent un temps phénoménal pour arriver ! Les RHT sont prévues pour arriver trente jours après le versement du salaire, mais quand on a un peu de retard pour faire les choses, il n'est pas rare que les RHT arrivent avec soixante jours ou plus de retard, ce qui cause des problèmes lorsque vous êtes chef d'une petite entreprise avec des employés. A cause de cela, des gens n'arrivent pas à payer leur loyer. Cette situation est extrêmement particulière: ce n'est la faute de personne, mais ces personnes ont interdiction de travailler parce qu'elles sont actives dans un secteur où c'est comme ça, parce que ça a été décidé administrativement, et on se retrouve avec des gens qui ont puisé dans leurs réserves, qui sont allés jusqu'au bout de ce qu'ils pouvaient faire en essayant de maintenir le paiement de leur loyer. Bien évidemment, ce n'est pas la première chose dans laquelle ils ont coupé: ils ont coupé dans tout le reste d'abord !
Aujourd'hui, on voit que ces gens arrivent au bout et vont finir par perdre leur logement. Que veut dire perdre son logement ? Ça veut dire qu'au moment où la situation redémarrera, ils ne seront plus là; ils ne seront plus là pour participer au redémarrage de notre économie; ils ne seront plus là pour reprendre leur poste de travail, simplement parce qu'on aura totalement détruit leur vie ! Quand elles ne se retrouvent pas dans la rue, si elles ont de la chance, ces personnes se retrouvent dans un hôtel payé par la collectivité, et c'est encore quelque chose qui va nous coûter de l'argent. C'est la responsabilité de la collectivité d'assumer, quand elle a ordonné l'arrêt du travail durant un certain temps pour des questions sanitaires. Les Verts soutiendront donc cette proposition de motion et demanderont simplement que l'on fasse un effort collectif en se rendant compte que certaines personnes ne peuvent pas travailler et que ce n'est pas de leur fait. C'est le fait de décisions que nous avons prises et que nous devons assumer en tant qu'autorité et en tant que responsables politiques. Et là, nous leur devons absolument un soutien ! (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, le groupe UDC ne soutiendra pas non plus cette proposition de motion, cela pour quatre raisons.
La première est le crédit de 12 millions de francs que nous avons voté, qui permet d'aider et de fournir une aide financière à des personnes qui ont des problèmes pour payer leur loyer. Comme il a été dit juste avant, 1600 personnes ou 1600 familles bénéficient déjà de cette aide.
La deuxième raison concerne l'arrêté covid suspendant les évacuations, que nous avons également voté hier: lors de l'étude de cet arrêté, nous avons appris qu'il y avait 41 dossiers concernés par cette suspension d'évacuation, et le Conseil d'Etat nous a indiqué que probablement aucun de ces 41 dossiers n'avait de lien avec la crise covid.
La troisième raison concerne le projet de loi de soutien individuel aux locataires que nous avons aussi voté hier: lors des travaux sur ce projet de loi, l'audition a clairement démontré que les régies genevoises n'avaient pas constaté d'augmentation des difficultés de paiement et elles ont précisé qu'elles étaient à l'écoute et qu'elles avaient une attitude très conciliante si un problème devait être avéré. La gérance immobilière de la Ville de Genève n'a rapporté aucune résiliation.
Le quatrième point est sans doute le plus important: les invites 2 et 4 relèvent du droit fédéral et sont certainement contraires au droit de la propriété inscrit dans notre constitution.
Pour ces raisons, le groupe UDC refusera cette proposition de motion.
M. Alberto Velasco (S). Quand il s'agit de verser 220 millions de francs pour les loyers commerciaux, vous êtes bien alignés et vous ne vous posez pas les questions que vous vous posez quand il s'agit de voter 12 millions de francs pour aider des locataires afin qu'ils n'atterrissent pas chez Caritas ! Quand il s'agit d'accorder un droit dans une situation difficile, un droit qui restaure la dignité, systématiquement, la droite renvoie les locataires vers le système caritatif ! Dans un canton avec 80% de locataires, je dois relever que la droite de ce parlement refuse toujours toute aide et tous droits à ceux-ci ! C'est quand même incroyable, avec 80% de locataires dans ce canton, Mesdames et Messieurs ! Par contre, quand il s'agit d'aider les 17% de propriétaires, là, systématiquement encore, l'UDC, le PLR et le PDC votent avec le coeur dans la main: c'est incroyable ! Je dois dire que c'est profondément choquant dans une république qui dit être là pour s'occuper de préserver la dignité de gens qui risquent de perdre leur logement.
Perdre son logement à Genève veut dire que vous n'en retrouverez pas un nouveau, parce que si vous deviez en retrouver un, ce serait avec un loyer deux à trois fois supérieur à celui que vous payiez avant. C'est la réalité et ce sera à l'Etat de rattraper ça en dépensant deux ou trois fois ce que ça aurait coûté de maintenir ces personnes dans leur logement actuel ! Mesdames et Messieurs, je suis consterné par ça et surtout par l'attitude du PDC qui est un parti de coeur et d'aide ! (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat prend très au sérieux la fragilité de certains locataires. Aujourd'hui, dans l'absolu, le nombre de locataires qui se sont vu résilier leur bail reste relativement modeste ou n'est pas nettement supérieur à celui des années précédentes. Mais de l'aveu même des milieux immobiliers, une fragilité se fait sentir, et c'est aussi le constat fait par l'ASLOCA. En cette période de confinement, je veux ici parler des gens de la classe moyenne inférieure. Je ne parle pas des classes les plus modestes, qui bénéficient d'un logement social et sont automatiquement aidées; elles sont, elles, déjà au bénéfice d'une allocation de logement qui peut être adaptée à la situation personnelle. Je ne parle pas des personnes au bénéfice d'un logement d'utilité publique ou vivant dans un HBM appartenant à des fondations publiques, parce que là encore, des décisions ont été prises. On parle bien de la classe moyenne inférieure qui touche normalement peu ou pas d'aides, mais qui est aujourd'hui fragilisée par la situation économique que nous connaissons.
Eh bien, durant cette année difficile, cette classe moyenne inférieure a dû se serrer la ceinture. Un constat intéressant a été fait ces derniers mois par les milieux immobiliers, qui ont carrément remarqué qu'il y avait moins de résiliations que d'habitude ! Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'en période de confinement, ces familles et ces ménages fragiles - ces indépendants, ces commerçants, ces petits patrons, ces salariés mis aux RHT et ayant perdu 20% de leur salaire - ont fait le choix de payer avant tout leur loyer ! Dans une société où le seul endroit où vous pouvez être, c'est chez vous parce que tout est fermé, il est assez humain et naturel de sécuriser ce chez-soi. C'est pertinent, à vrai dire. Mais ces gens-là ont bientôt fini de manger leur pain blanc, Mesdames et Messieurs les députés ! Par conséquent, le problème dont nous débattons ce soir risque de s'accentuer, même après la levée des mesures sanitaires: tout le monde ne retrouvera ou ne récupérera pas les revenus qui auront été perdus permettant d'assurer le paiement régulier d'un loyer. Nous sommes donc dans une situation encore relativement maîtrisée, mais qui montre des signes d'aggravation. C'est dire si le Conseil d'Etat estime importante la question de la protection des locataires, ou de la protection du droit au logement, pour être plus précis - parce qu'on pourrait aussi avoir des difficultés à payer son crédit hypothécaire. Sur le fond, le Conseil d'Etat suivra attentivement cette question, et il conviendra d'ajuster les mesures en conséquence.
Pour revenir brièvement sur les invites, globalement, le Conseil d'Etat pourrait vivre avec cette motion, quand bien même certaines concernent purement le droit fédéral, on l'a rappelé. Il ne sera pas possible pour le Conseil d'Etat d'intervenir de manière trop frontale ou contraignante dans les rapports entre les locataires et les bailleurs. Cependant, comme on l'a dit aussi, ces dernières semaines, en collaboration avec les milieux immobiliers et en consultant les milieux des locataires, nous avons pu préparer une lettre d'information qui sera envoyée à tout locataire ayant des difficultés à payer son loyer; cette lettre sera relayée par toutes les régies membres de l'USPI, c'est-à-dire l'essentiel des régies genevoises. Elle informe les locataires de leurs droits, indique l'existence du Bureau d'information sociale et donne des adresses qui leur permettent d'accéder à une défense personnelle. Elle permettra donc aux citoyennes et aux citoyens en difficulté de bénéficier d'un certain nombre de dispositifs existants et gérés par mon collègue Thierry Apothéloz au département de la cohésion sociale. Bien évidemment, nous allons toujours assurer un suivi avec les propriétaires et les régies qui jouent le jeu - la majorité d'entre elles, il faut le souligner. Si le volume des résiliations vient à augmenter, nous étofferons peut-être notre dispositif. Enfin, je confirme ce que mon collègue Poggia vous a dit hier: le Conseil d'Etat a déjà pris la décision par arrêté de suspendre les expulsions judiciaires en lien avec les jugements d'évacuation pendant la période de la crise sanitaire. Par cette décision, il a déjà accompli la quatrième invite.
Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'un dossier à suivre et cette proposition de motion est un signal, mais il appartiendra surtout aux partenaires sociaux que sont les milieux immobiliers et les représentants des locataires d'évaluer la situation en lien avec le Conseil d'Etat, mois après mois, et il s'agira de prendre des mesures complémentaires si la situation vient à se dégrader.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je soumets cette proposition de motion au vote.
Mise aux voix, la motion 2737 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 46 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la M 2436-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette motion et le rapport qui en découle sont le résultat de cinq ans de blocage depuis le dépôt du projet de loi 11883. En effet, depuis ce dépôt et un travail en commission concernant ledit projet, rien n'a changé: la situation est toujours bloquée. Ce même projet de loi avait fait l'objet d'un premier traitement ici même et a été renvoyé en commission pour de nouvelles études. Or on se rend compte, cinq ans après, justement, que la situation n'a pas évolué, que les habitants de ce secteur sont toujours opposés au déclassement en zone de développement, car c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui: c'est de dénoncer une nouvelle fois les dérives de la zone de développement et les contestations qui s'ensuivent à chaque fois qu'on traite ce genre de projets de lois.
Finalement, la motion répond à cela, c'est-à-dire que pour poursuivre et pour aller rapidement avec ce dossier, elle demande de la zone ordinaire ! Ce sera la seule façon aujourd'hui d'aller de l'avant, de donner satisfaction aux principales personnes concernées, à savoir les habitants de ce quartier et en fin de compte les propriétaires des parcelles concernées, mais c'est aussi une réponse de ce Grand Conseil - enfin, de la majorité de ce Grand Conseil - à l'initiative 162, puisque, vous le savez, cette initiative, acceptée par le peuple, interdit au Conseil d'Etat de déposer lui-même des projets de lois demandant la création de zones ordinaires. Ce droit revient aujourd'hui à notre Grand Conseil, et c'est exactement ce que nous avons fait avec cette motion. Elle est rédigée justement de manière à contraindre - puisque, de fait, ça devient une motion contraignante - le Conseil d'Etat à reprendre toute l'enquête publique à zéro, à déposer un avant-projet et à instituer une procédure d'opposition, comme cela se fait traditionnellement, et, ensuite, à revenir vers notre Grand Conseil avec un projet de loi qui demandera de déclasser le secteur, le lieu-dit Seymaz-Sud, en zone ordinaire. Voilà ce que demande cette motion. Nous recommandons donc de suivre la majorité de la commission d'aménagement du canton, à savoir d'accepter ce texte en le renvoyant au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Mme Ruth Bänziger (Ve), rapporteuse de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la motion 2436 ouvre la voie à une densification au coup par coup sans vision cohérente du futur quartier; elle prive la commune des moyens de planification, de concertation et financiers permettant de réaliser des aménagements extérieurs bénéficiant à la collectivité et à la biodiversité; elle interfère avec un projet communal conforme au plan directeur cantonal 2030; elle tient compte des souhaits de certains propriétaires de parcelles, mais pas des besoins des futurs habitants, c'est-à-dire ceux qui y vivront.
Les motionnaires demandent de la zone ordinaire plutôt que de la zone de développement, avec l'espoir d'accélérer la construction de logements. Or ici, la zone ordinaire, sur un périmètre de 3,6 hectares, avec un parcellaire présentant un faible potentiel de mutabilité, en l'absence de maîtrise du foncier, ne garantira en aucun cas la création rapide d'un quartier. Par ailleurs, elle s'affranchit d'une vision qui accompagne la transformation de cette zone de villas au fil des ans. Même avec les meilleures conditions-cadres ou conventions, elle n'offre pas les garanties des instruments mis en place dans le cadre de la zone de développement - ni financiers, tels que la perception de la taxe d'équipement, ni de contrôle du développement, tels que le plan localisé de quartier. Celui-ci règle notamment la concertation avec les habitants, la planification énergétique, la gestion des accès ainsi que l'importante répartition des droits à bâtir. De plus, l'exigence de prévoir des espaces libres, tels que promenades, espaces verts et places de jeux, ou la prise en compte de la végétation à sauvegarder ou à créer ont toute leur importance dans le contexte des rives de la Seymaz.
Avec de la zone ordinaire, les dépenses à charge de la collectivité sont lourdes. Sans répartition des droits à bâtir, le développement du quartier sera anarchique, sans phasage défini, avec une notion de «premier arrivé, premier servi» n'offrant aucune garantie, ni financière pour les propriétaires actuels ni de qualité pour les habitants futurs. En effet, la totale liberté de construire de la zone ordinaire bénéficiera à quelques promoteurs ou propriétaires privilégiés et bien informés, mais seulement aux premiers.
La motion impose de la zone 3, portant le nombre de logements potentiels de 150 - en zone de développement 4A - à 270. Or la zone 4A voulue par la commune n'est pas le fruit du hasard: elle permet d'équilibrer les typologies de logements afin d'assurer la mixité sociale. En effet, Chêne-Bourg a déjà des quartiers en zones 2 et 3. Se substituer à la commune est le meilleur moyen de bloquer un projet, qui est de son initiative, rappelons-le ! Mettre des bâtons dans les roues d'un projet conforme aux fiches du plan directeur cantonal n'a aucun sens. D'autant plus que sans l'appui communal nécessaire à la concertation, un projet de quartier cohérent ne pourra pas voir le jour. En votant cette motion, le Grand Conseil donnerait un mauvais signal. Laissons travailler ou, mieux, soutenons les communes qui s'engagent !
Mesdames les députées, Messieurs les députés, vu que la commune est proactive en matière de développement du quartier Seymaz-Sud, vu que les conditions nécessaires à la production rapide de logements en zone ordinaire ne sont pas remplies, vu le désaveu du travail des communes genevoises, nous vous invitons avec insistance à refuser cette motion.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Mme Bänziger a dit l'essentiel en ce qui concerne la vacuité des propositions de la droite, destinées à ramasser un certain nombre de voix d'électeurs en leur faisant miroiter que tout ira mieux avec ce qui est proposé par cette motion, à savoir de la zone primaire. On avait assisté, il y a une quinzaine d'années, à un autre Graal que la droite avait fait miroiter à passablement de personnes, en disant que les PLQ ne servaient à rien et qu'il s'agissait, au pire, de mettre des zones à l'intérieur de ces PLQ pour définir les implantations des bâtiments. Or on s'est aperçu que cette méthode a fait complètement capoter certains PLQ qui sont toujours en rade. Aujourd'hui, elle nous fait croire que c'est la zone primaire qui va être la clé de voûte de l'ensemble de l'urbanisme de notre canton; elle fait croire aux propriétaires que c'est la clé de voûte, que c'est une sortie des situations un peu difficiles, parce qu'effectivement, on a du parcellaire qui est très morcelé.
On verra dans dix ans, quinze ans - je prends date, certains liront le Mémorial - que ce secteur-là, qui est pourtant un secteur extrêmement bien situé, puisqu'il se trouve au bord d'une gare CEVA, je le rappelle, comme d'ailleurs Pont-Rouge, enfin, le terrain que nous avons identifié hier et qui est retourné en commission... C'est évident qu'il y aura un développement, et ce développement ne peut pas être anarchique ! Bien au contraire ! La zone 1 qu'on nous propose, aujourd'hui, c'est un développement complètement anarchique, chaque propriétaire pouvant faire ce qu'il veut. Pire: même la commune qui voudra peut-être installer des bâtiments d'utilité publique ne le pourra pas, parce qu'elle devra racheter des terrains à des prix du marché, alors qu'avec un PLQ, il y a quand même un certain nombre de normes. Et non seulement elle devra racheter ces terrains à des prix exorbitants - puisque placés à côté d'une gare, et chacun va y aller en fonction de son intérêt personnel -, mais en plus de ça, elle n'aura pas de taxe d'équipement, puisque la zone 1 ne prévoit pas de taxe d'équipement, sauf à mettre en place des conventions, mais alors là, bon courage à celles et ceux qui vont les mettre en place, quand les propriétaires revendront à des promoteurs qui, eux, passeront ces conventions sous silence, bien évidemment !
Donc, Mesdames et Messieurs, c'est même pire que la situation actuelle - et on a auditionné la commune, qui, elle, tient à la zone de développement, tient à continuer à discuter avec les propriétaires pour mettre en place un PLQ. En fait le Conseil d'Etat, avec cette motion, sera obligé de revenir à la case départ, puisqu'on fait tabula rasa, et - c'est bien ça, la question qui se pose aujourd'hui - il sera obligé de venir devant nous avec un changement de zone et une procédure d'opposition; donc on repart comme en quarante, et effectivement la bagarre va se passer sur le terrain.
Nous, nous prenons acte de cette position de la droite; on ne peut que la stigmatiser, elle va voter majoritairement, mais toujours est-il qu'on prend date pour revenir dans dix ans et dire à quel point cette stratégie était sans issue. Je vous remercie de votre attention.
Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de troisième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme l'ont très très bien dit mes préopinants, Mme Bänziger et M. Pagani, cette proposition de motion rate complètement sa cible. Depuis plusieurs années, la commune de Chêne-Bourg, la plus petite et la plus dense du canton, est confrontée à des défis majeurs dans l'aménagement de son territoire. L'inauguration et la mise en service du Léman Express en décembre 2019 ont occasionné une profonde mutation de la commune. Régulation des flux de personnes liés au trafic ferroviaire, déplacement du centre urbain, réappropriation par les habitants d'un espace longtemps délaissé, etc., tels sont les enjeux auxquels doivent répondre les autorités communales. A ceux-ci vient s'ajouter la nécessité de créer du logement dans un canton qui est connu pour sa pénurie, notamment de logements abordables.
Dès 2015, le Conseil municipal et le Conseil administratif de Chêne-Bourg se sont saisis de la question de la densification et de la modification de zone du lieu-dit Seymaz-Sud. Le déclassement en zone de développement 4A a rapidement été identifié comme étant celui qui offrait à la commune le meilleur outil lui permettant d'être l'actrice d'un développement maîtrisé et harmonieux. En effet, le territoire concerné par ce déclassement est très particulier. Il est contraint à la fois par la Seymaz, l'école De-Haller et le train. L'étude du plan directeur communal et les études liées au grand projet ont conclu que les gabarits de la zone 4A se prêtaient bien à ce territoire-là. On a également un besoin de transition avec le nord: il y a de la zone de développement 3 au sud et une zone résidentielle au nord, avec de la zone villas sur la partie droite de l'avenue de Bel-Air et des zones 4 sur la partie gauche. L'idée de zone 4A satisfaisait donc ces besoins de transition entre les espaces. Cela amènerait aussi de l'harmonie avec le développement du côté de Chêne-Bougeries.
Conscient de la nécessité d'élaborer un projet qui réponde aux besoins de la population aussi bien quant aux espaces publics qu'aux logements, le Conseil administratif a lancé un processus de consultation des habitantes et habitants ainsi que des associations. La concertation entre les différentes parties est la clé d'un projet d'aménagement à la hauteur des défis que devra relever Chêne-Bourg ces prochaines années.
Le projet se trouve donc dans une phase de relance, avec le souhait de créer dans les prochains mois un groupe de travail avec les propriétaires du secteur. Dans un tel contexte et compte tenu des efforts fournis par la commune, une motion du Grand Conseil n'est pas nécessaire. En outre, les invites du texte ne correspondent pas à son titre, à savoir la promesse d'une réalisation rapide. Au contraire, elles fixent les règles de la zone ordinaire et de la zone 3 - et non de la zone de développement 4A - avant même les discussions entre les parties. La motion fige donc la situation et bloquera l'exécution. Si cette proposition de motion est votée, le Conseil d'Etat sera contraint de déposer un projet de loi pour une modification en zone ordinaire, quel que soit le résultat des discussions ultérieures entre les propriétaires et la commune.
En l'état actuel des discussions et des négociations, le Grand Conseil n'a pas d'éléments pour décider dès à présent si la zone doit être classée en zone 3 ou en zone 4A. Une marge de manoeuvre doit être laissée aux propriétaires, à la commune ainsi qu'à l'Etat dans leurs discussions. Ainsi, si le Grand Conseil se prononçait en faveur de cette proposition de motion, il enverrait un message erroné non seulement à la commune de Chêne-Bourg, mais à l'ensemble des communes genevoises, en ignorant le travail fourni par l'administration communale ainsi que par les élus. Il s'agit ici d'encourager les communes à densifier leur territoire conformément au plan directeur cantonal 2030 et non de les en décourager. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à refuser cette proposition de motion.
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été dit, cette motion nous fait revenir, une fois encore, sur la question de la zone ordinaire. La croyance défendue contre vents et marées par la droite est que cette zone ordinaire constitue un remède miracle pour l'aménagement du territoire à Genève. Oui, contre vents et marées, puisque le peuple genevois a accepté en votation en novembre 2019 que tout déclassement devrait se faire désormais obligatoirement en zone de développement. Oui, contre vents et marées, puisque les promoteurs immobiliers eux-mêmes - que la droite a coutume de défendre - viennent nous expliquer par A + B qu'il est pratiquement impossible de construire en zone villas avec la zone ordinaire, à cause des nombreux problèmes de servitudes croisées. Mais puisqu'il semble qu'une majorité soutient aujourd'hui cette motion, considérons qu'il s'agit d'un test, espérons que cela ne sera pas un «crash test» et dressons un bilan dans quelques années pour vérifier si le mythe est devenu réalité. Merci de votre attention.
M. André Pfeffer (UDC). Cette motion a été établie avec l'association des habitants du secteur et il n'y avait pas uniquement des propriétaires. Je rappelle les deux principes du texte: le premier, c'est d'augmenter la densité du périmètre. Comme cela a déjà été dit, ce périmètre est situé à proximité immédiate d'une gare et, évidemment, cela fait sens de construire environ cent logements de plus. Le deuxième principe, c'est effectivement de développer ce périmètre en zone ordinaire. L'idée est que ces quelque 300 logements soient réalisés le plus rapidement possible. Je rappelle que la zone ordinaire est quelque chose de courant: tous les autres cantons suisses construisent exclusivement en zone ordinaire et les réalisations de projets se font beaucoup, beaucoup plus rapidement. D'autre part, c'est aussi une question de mixité. Dans la région, il y a plusieurs autres projets qui ont été développés en zone de développement. Créer sur ce périmètre une zone ordinaire sera donc aussi favorable pour la mixité. Je rappelle de plus qu'à l'origine, cette motion, qui date d'il y a maintenant cinq ans, a été largement inspirée de la motion des Corbillettes, et avec le changement de législation intervenu notamment avec le vote populaire, il a évidemment fallu remodeler un tout petit peu ce texte, et je remercie la commission de l'aménagement de l'avoir fait et de l'avoir rendu compatible et conforme au droit actuel. Je vous recommande d'approuver cette motion. Merci de votre attention.
M. Sébastien Desfayes (PDC). A situation extraordinaire, solution extraordinaire - le soutien du PDC à cette motion constitue en effet plutôt une exception. Comme on le sait, le PDC est généralement en faveur des zones de développement, mais dans ce dossier, on a perdu tellement de temps - on parle depuis 2012 de développer ce périmètre de la commune de Chêne-Bourg, cette motion a été déposée en 2017, nous sommes en 2021 et rien ne s'est passé - qu'il est grand temps de donner un coup de pied dans la fourmilière !
Cela a déjà été dit, ce périmètre est situé à côté de la gare du CEVA - à une minute trente à pied - et il serait difficilement compréhensible de ne pas densifier fortement cette zone, c'est-à-dire de créer une zone 3. Et puis, on a des propriétaires qui, certes, préféreraient rester dans leur maison, mais qui sont cependant ouverts à la densification et au développement de cette zone, mais à deux conditions: la première, c'est qu'ils soient intégrés au projet, et la deuxième, c'est que leurs intérêts financiers ne soient pas péjorés. (Commentaires.) Alors ce n'est pas un chantage - le PDC ne cède jamais à ce type de comportement -, mais simplement, il faut se mettre à leur place... (Remarque.) ...et face aux promesses qui leur ont été faites. Or ces promesses n'ont jamais été tenues, parce qu'il y a eu des atermoiements; il y a eu manifestement des problèmes de gouvernance, et enfin un changement de majorité dans la commune, tant et si bien qu'un temps considérable a été perdu.
Pour mémoire, ainsi que c'est consigné dans un procès-verbal du mois de décembre 2019 - et les membres de la commission d'aménagement le savent, parce que ce document se trouve sur la plateforme ACCORD-GC -, l'Etat, la commune et les propriétaires se sont engagés à effectuer un travail d'équipe visant à mettre sur pied une convention contraignante pour les propriétaires. C'était en 2019, et je n'ai vu aucun document établissant que ce travail de fond, cette discussion et la mise sur pied d'une convention ont été effectués. Donc quand on nous demande encore de temporiser, j'ai de la peine à suivre ce type de conseil.
Par ailleurs, j'aimerais rebondir sur ce qu'a dit le nouveau député de «Résistons» - ou le député du nouveau parti «Résistons». Il nous parle de développement anarchique: non, parce qu'un PLQ peut tout à fait être lancé par une commune en zone ordinaire. On nous parle de taux d'équipements dans le cadre d'une convention contraignante signée par l'Etat, les communes et les propriétaires; on pourrait imaginer une taxe d'équipement. Enfin, on pourrait même imaginer, dans le cadre d'une convention, des accords sur les loyers. Alors nous dire: «Cela ne se fera pas, parce que nous lancerons toutes les oppositions et tous les référendums nécessaires pour que rien ne soit construit dans dix ans, et je prends rendez-vous avec vous dans dix ans pour vous démontrer que j'avais raison !», c'est évidemment une rhétorique assez contestable.
Non, il n'est pas question de temporiser; nous avons envie d'aller de l'avant, raison pour laquelle nous soutiendrons cette motion. Le Conseil d'Etat nous dira peut-être: «En votant rapidement cette motion, vous nous privez d'un levier de négociation.» Eh bien non ! Parce qu'il y a encore un projet de loi qui doit être voté par ce Grand Conseil, et à mon avis, un tel projet est un levier suffisamment fort à l'égard des propriétaires. Merci.
Le président. Merci. Monsieur Florey, vous avez à nouveau la parole pour vingt-six secondes. (Remarque.) Et ensuite sur le temps de votre groupe.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. En résumé, après ce que j'ai entendu, je trouve assez malvenu de faire référence au plan directeur cantonal, alors qu'on sait aujourd'hui que ce plan ne veut plus rien dire et n'est plus du tout d'actualité. (Commentaires.) S'agissant des habitants, il faut quand même parler des habitants et des propriétaires de cette zone ! Ils n'ont jamais été opposés aux constructions...
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. Stéphane Florey. ...sur leur parcelle, mais ils sont opposés à la zone de développement ! Et aujourd'hui, voter cette motion, c'est finalement permettre la réalisation rapide de constructions dans le secteur de Seymaz-Sud. Je vous remercie donc d'accepter cette motion. Merci. (Remarque.)
M. Adrien Genecand (PLR). L'essentiel a été dit; cette motion invite le Conseil d'Etat à réfléchir à des constructions et à un aménagement de qualité dans ce quartier, moyennant une convention qui permettra, quelque part, de financer les infrastructures publiques dont la commune a besoin dans ce périmètre. C'est une invite à la réflexion et à une construction de qualité, rien de plus, rien de moins, en espérant que cela aboutisse. Je vous remercie.
M. Nicolas Clémence (S), député suppléant. Je rebondis sur certains propos. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments du PDC, et il me semble que la situation n'est pas si extraordinaire: un délai de cinq ans pour développer une telle zone n'est pas extraordinaire à Genève et je ne vois pas en quoi la motion proposée aujourd'hui permettra d'accélérer les choses... (Remarque.) ...puisqu'elle demande précisément de revenir en arrière et de déposer un nouveau projet de loi, avec toutes les étapes que cela comprend, et, en particulier, d'aller contre l'avis de la commune. Il ressort très clairement des travaux de commission que l'avis de la commune, dès le départ - depuis qu'elle a déposé cette modification de zone d'initiative communale -, est de créer une zone de développement. Cela lui permettra, comme l'ont relevé Mme Bänziger et d'autres, de développer notamment les espaces publics et d'organiser l'urbanisme de ce secteur, qui, sinon, se fera par petites touches, au gré des envies des uns et des autres et des possibilités financières de certains promoteurs et de certains propriétaires dans ce quartier. (Commentaires.)
S'agissant de la convention qui a également été mentionnée par le PDC, j'ai moi-même posé en commission la question à la commune: celle-ci considère - et cela figure dans le rapport - que ce n'est pas un outil juridiquement fiable, que c'est un outil beaucoup trop flou pour permettre de créer les différents éléments que la zone de développement, elle, permet d'office. On ne comprend donc pas très bien l'avantage de cet outil, sachant que ça demande, comme je le disais, de revenir en arrière.
J'invite donc le PDC en particulier, mais aussi peut-être le PLR, qui semblent avoir à coeur d'offrir des logements à la population genevoise - comme le montre notre récent accord sur l'article 4A de la LGZD et les catégories de logements -, soit à revoir leur position et à refuser cette motion, soit tout du moins à la renvoyer en commission, notamment pour auditionner les associations d'habitants et de propriétaires qui ont été citées et sur lesquelles apparemment les auteurs de la motion se sont appuyés, pour permettre aux acteurs de s'exprimer et aux discussions de reprendre en ayant toute la latitude nécessaire pour cela, plutôt que de devoir faire avec ce que le Grand Conseil aurait décidé d'autorité, c'est-à-dire d'imposer de la zone 3 ordinaire.
Je vous propose donc, si vous le voulez bien, de renvoyer cet objet à la commission d'aménagement pour auditionner les associations de propriétaires et d'habitants, réauditionner la commune, puisque à la page 14 du rapport, il est bien précisé qu'elle ne souhaite pas de zone de développement... (Remarque.) ...alors qu'on lit ensuite des interprétations du PLR et de l'UDC notamment sur le contraire. (Commentaires.) Il faudrait donc éventuellement préciser ce que la commune souhaite faire, puisque apparemment ce n'est pas clair, et ensuite, si possible, arriver à un accord entre tous les acteurs pour atteindre le but de cette motion, c'est-à-dire développer rapidement ce secteur avec l'accord de tous les acteurs concernés. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci. Sur le renvoi en commission, je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Bien évidemment, cette demande de dernière minute est à refuser. La situation a déjà largement assez traîné; tous les acteurs ont déjà été auditionnés et je ne vois pas à quoi cela servirait qu'ils viennent nous réexpliquer ce qu'ils ont déjà dit. Donc arrêtons là nos débats !
Par ailleurs, je trouve fortement désagréable de se voir passer la parole alors qu'en principe, le rapporteur de majorité est toujours celui qui s'exprime en dernier ! J'aimerais donc bien que ce principe soit respecté, qu'on passe maintenant à la prise de parole du magistrat, s'il souhaite s'exprimer, et que nous votions une fois pour toutes cette motion ! Je vous remercie.
Le président. Comme nous sommes en train de perdre du temps, je vous signale que votre remarque est tout à fait inappropriée: j'ai donné la parole au rapporteur sur le renvoi en commission et nous n'avons pas fini le débat ! Madame Bänziger, sur le renvoi en commission. (Remarque.)
Mme Ruth Bänziger. Non, pas sur le renvoi en commission ! (Remarque.)
Le président. Monsieur Pagani, sur le renvoi en commission, à vous la parole.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Pour nous, le renvoi en commission se justifie tout à fait. Je demande qu'on auditionne non seulement la commune, mais aussi l'Association des promoteurs-constructeurs genevois qui, eux, notamment dans le cas des Corbillettes, veulent construire et se sont rendus à l'évidence quant au fait qu'un PLQ...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Rémy Pagani. ...donc une zone de développement, doit être mis en route et qu'une zone ordinaire ne le permet pas. Contrairement à ce qui vient d'être dit - mais je sais qu'il faut agiter des petits mouchoirs et que le Graal nécessite qu'on se convainque qu'on a raison, alors que la réalité s'imposerait, si on regardait les choses en face... La majorité pense qu'avec une zone ordinaire, on va pouvoir faire tout ce qu'on faisait dans une zone de développement avec un PLQ ! Or ce n'est pas vrai. N'importe quel urbaniste de première année d'université vous le dira. Je demande donc qu'on renvoie en commission toute cette affaire...
Le président. Merci, c'est ce qu'on vous demandait.
M. Rémy Pagani. ...et qu'on auditionne au moins les promoteurs-constructeurs, qui, eux, sont un peu plus réalistes que la droite majoritaire dans cet hémicycle. (Commentaires.)
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous fais donc voter sur cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2436 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 57 non contre 40 oui.
Le président. Je donne la parole à M. Adrien Genecand pour trois minutes trente-cinq.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, je rebondis sur les propos de M. Clémence, qui, dans un lapsus assez révélateur à la lecture de ses notes, rappelait que la commune ne souhaitait pas de zone de développement. Je vous remercie. (Rire.)
Une voix. Excellent ! (Commentaires.)
Le président. Très bien, la parole revient maintenant à M. le rapporteur de deuxième minorité Rémy Pagani pour deux minutes.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur...
Le président. Trois minutes.
M. Rémy Pagani. Ah, trois ou deux ? (Remarque.) Trois ! Ah ! Merci ! Monsieur le président, je trouve assez étonnant le débat qui a lieu en ce moment, parce que, notamment du côté du PDC, on cherche à se convaincre, une fois de plus, que c'est une exception et qu'on a raison, alors que n'importe quelle personne un peu sensée dirait qu'on a tort ! On a tort de faire croire aux gens ou même de se persuader qu'il faut faire cette expérience. Et on vient de dire d'ailleurs une contre-vérité en soutenant que cette motion est comme les autres, qu'elle n'engage le Conseil d'Etat qu'à venir devant notre parlement pour trouver une solution. Ce n'est pas vrai ! Elle force le Conseil d'Etat à revenir avec un projet de loi qui sera contraignant et le Conseil d'Etat n'aura pas de marge de manoeuvre, pas d'autre option que de faire en sorte qu'il y ait une zone ordinaire, comme prévu dans cette motion. Donc, une fois de plus, même dans ce parlement, on raconte des histoires pour se persuader qu'on a raison d'imposer cette absurdité urbanistique ! Je prends acte de cette situation et évidemment, Ensemble à Gauche «Résistons» résistera...
Des voix. Aaah ! (Commentaires.)
M. Rémy Pagani. ...pendant longtemps face à cette position qui consiste à croire qu'on a raison envers et contre tout et contre le développement ! Et en plus, ça va bloquer encore plus longtemps le développement de cette partie de notre canton ! Mais en définitive, c'est peut-être ce que les motionnaires veulent: au final, bloquer le développement et se mettre dans le trend de celles et ceux - l'UDC, le MCG - qui ne veulent plus de développement, qui ne veulent plus accueillir les Genevois et les Genevoises qui ont besoin aujourd'hui de logements !
Mme Ruth Bänziger (Ve), rapporteuse de première minorité. Je veux juste m'exprimer sur la question de la lenteur. Reprocher la lenteur à la commune, lui reprocher de ne pas aller de l'avant, alors que nous, nous avons renvoyé le projet de loi de modification de zone le 2 mars 2017 en commission et qu'il revient maintenant sous forme de motion qui le modifie, je trouve ça un peu fort. Nous avons également entendu de la commune qui a été auditionnée qu'elle était motivée à poursuivre ces démarches. Les reproches de lenteur adressés à la commune, je pense que nous pouvons nous les adresser à nous-mêmes. Merci.
Le président. Merci. Monsieur le rapporteur de majorité Stéphane Florey, c'est à vous pour quarante-cinq secondes.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je ne crois pas qu'aujourd'hui on ait reproché quoi que ce soit à la commune. (Remarque.) C'est un fait: la situation est bloquée. La zone de développement proposée, personne n'en veut. Les habitants sont en opposition. Ne rien voter aujourd'hui, c'est continuer de fermer les yeux sur cette situation et finalement ne rien construire du tout ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) D'où la volonté des motionnaires à présent d'aller de l'avant rapidement. Plus de cinq ans se sont écoulés depuis le dépôt dudit projet de loi. Stop ! Maintenant, nous, on a proposé une solution. On reste persuadés aujourd'hui que c'est une bonne solution, qui va dans le sens...
Le président. Il vous faut terminer.
M. Stéphane Florey. ...de ce que demandent les opposants. Je vous demande donc une nouvelle fois de voter cette motion pour permettre de débloquer cette situation.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, imaginez que vous avez 1000 francs en banque et que, suite à un vote du Grand Conseil, ces 1000 francs deviennent 4000 francs. (Exclamations. Commentaires.) Sans rien faire ! C'est la réalité économique du développement territorial. C'est le législateur qui décide des droits à bâtir; cette fameuse densité, ce sont autant de mètres carrés qui peuvent ensuite être vendus ou loués, et ils sont limités par le type de zones que vous, Mesdames et Messieurs les députés, attribuez. Or partout, dans le monde démocratique, quand on fait un tel cadeau à un propriétaire privé, on lui demande des choses en retour: on lui demande des cessions gratuites au domaine public, pour créer des parcs, pour installer une crèche, des espaces pour les personnes âgées; on lui demande de payer une taxe d'équipement pour installer le réseau électrique, le réseau d'accès de l'eau et l'évacuation des eaux usées; on demande aussi des servitudes de passage, pour construire éventuellement des chemins ou ne serait-ce que pour permettre aux futurs habitants de se faufiler entre les propriétés privées; on lui demande finalement de contribuer à travers l'urbanisme à une structure paysagère harmonieuse qui insère le nouveau quartier dans le périmètre existant. Et c'est ça, l'équilibre de la zone de développement ! C'est ça, l'équilibre qui existe à vrai dire partout ailleurs en Suisse et partout ailleurs, je le disais, dans les démocraties qui organisent la contrepartie de l'attribution d'une fortune issue d'une loi: non pas du travail, non pas de l'effort, non pas de la libre entreprise, mais bien de l'aspect un peu aléatoire de l'aménagement du territoire qui fait que, quand vous êtes un propriétaire de villa, tout à coup, on vous dit: «Eh bien, tenez, vous pouvez multiplier par quatre ou par cinq le nombre de mètres carrés à construire sur votre parcelle - et d'autant votre fortune !» Ce retour-là fait partie du pacte social territorial. Et c'est ça qui fonde la zone de développement ! C'est ça qui, depuis 1957, chez nous, mais aussi ailleurs avec d'autres modalités, fonde un équilibre entre ce que reçoivent les propriétaires privés et ce qu'ils redonnent en partie - en partie seulement - à la collectivité, parce qu'eux-mêmes, évidemment, on les dérange: ils n'ont pas non plus forcément demandé à quitter leur villa, ils n'ont pas demandé à ce que le périmètre soit développé, et un dialogue doit donc s'instaurer. C'est ce dont nous avons discuté hier soir au sujet de l'initiative sur un urbanisme participatif; c'est ce dialogue, et c'est ce dialogue qui a lieu et qui est parfois lent, parfois fastidieux, mais qui est propre au développement territorial.
On nous dit qu'avec la zone ordinaire, on peut quand même prévoir des plans localisés de quartier - ils ne sont pas obligatoires; ils le sont en zone de développement, mais pas en zone ordinaire - et qu'on peut prévoir des conventions, ainsi les gens paient la taxe d'équipement et on peut finalement reproduire la zone de développement en zone ordinaire. Mais alors à quoi bon faire une zone ordinaire ? C'est comme si une entreprise disait: «Non, non, moi je veux sortir de telle convention collective de travail, et j'en resigne une autre avec exactement les mêmes clauses !» (Remarque.) Quel est l'intérêt, quelle est la pertinence ? D'autant plus - et c'est là que ce qui est invoqué est matériellement faux - que vous aurez quand même toujours un propriétaire récalcitrant ! En zone de développement, il peut être contraint; en zone ordinaire, il ne le peut pas. La zone ordinaire commence par donner la possibilité à une minorité de propriétaires de tout bloquer, et ce n'est pas de la théorie, Mesdames et Messieurs ! Le député Martin disait: «On n'a qu'à faire un test de zone ordinaire !» Mais il existe des zones ordinaires dans le canton, notamment en ville de Genève, et renseignez-vous: depuis combien de dizaines d'années des plans d'aménagement sont-ils bloqués parce qu'un propriétaire ne veut pas ne serait-ce qu'une servitude de passage ? Vous privez donc l'Etat et la commune d'outils d'aménagement qui permettent, à travers le dialogue, la concertation et la juste rétribution des propriétaires sur place - que nous avons fait évoluer, vous le savez, depuis deux ans -, d'aboutir à des compromis.
Le fait que la commune ne puisse pas maîtriser l'urbanisme est problématique. J'aimerais mentionner une correspondance que nous avons échangée avec les autorités de Chêne-Bourg au sujet d'un périmètre très proche, le Peigne, où nous avions eu la volonté, l'idée de créer une zone ordinaire. Il s'agit d'un périmètre qui se situe vraiment à côté de celui qui nous occupe aujourd'hui. Le Conseil administratif de Chêne-Bourg - à l'époque composé de deux PLR et un PDC, soit dit en passant -, après avoir bien étudié les effets juridiques de la zone ordinaire et notamment le fait que celle-ci ne peut justifier un refus de délivrer les autorisations de construire, même si elles sont de nature à compromettre le développement envisagé par les autorités, a finalement décidé de renoncer à soutenir la création d'une zone ordinaire dans ce secteur. Vous voyez, Mesdames et Messieurs, une commune avec un exécutif purement de droite, qui mène une analyse sérieuse sur les effets de la zone ordinaire, ne peut que conclure que dans un périmètre de ce type, aussi morcelé d'un point de vue foncier, la zone ordinaire n'est pas de bon augure pour la qualité urbaine de ce qui sera produit.
Je note également avec surprise, même si vous me savez attaché à une optimisation et à un usage parcimonieux du territoire - ce qui veut dire une certaine densité -, que l'UDC, qui est le chantre des oppositions aux grands gabarits, des oppositions à la grande construction, ici, veut aller plus loin que la volonté communale et cantonale, qui est de créer une zone 4A avec des gabarits maximaux de 15 mètres; avec de la zone 3, vous voulez les porter à 21 mètres. Comment cela se fait-il - mais peut-être que c'est le début d'un indice de l'absurdité de ce débat - que le parti qui s'oppose à tout, qui ne veut aucune construction nulle part, tout à coup, là, veuille être plus royaliste que le roi, construire encore plus haut et bétonner encore plus ce périmètre ? (Remarque.) C'est étrange, Mesdames et Messieurs les députés ! Il n'y a qu'une raison à cela: c'est l'argent, l'argent, l'argent ! La zone ordinaire ne permet pas d'appliquer la loi Longchamp; elle permet par conséquent l'accaparement des PPE par une minorité de propriétaires. La zone ordinaire ne permet pas le contrôle des prix, ni des loyers ni des PPE construites, qui peuvent se vendre à des prix totalement spéculatifs, cela a été dit, notamment parce qu'elles sont à côté d'une gare ! (Remarque. Applaudissements.) Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, la vraie raison qui sous-tend la zone ordinaire ! Parce qu'il ne peut y avoir de raison qualitative dans un tel périmètre... (Remarque.) ...et, à nouveau, je me réfère à la commune de Chêne-Bourg qui, de manière constante, quelle que soit sa majorité, a toujours maintenu une position contre la zone ordinaire.
Mesdames et Messieurs, voter cette motion, c'est embourber encore plus ce dossier. Nous reviendrons en temps utile avec un projet de loi qui sera débattu, qui sera contesté, qui sera attaqué en référendum, et tout ça fera perdre de l'argent à tout le monde: aux propriétaires qui auront investi dans des projets qui ne se feront pas, à l'Etat... (Commentaires.) ...qui aura mandaté des urbanistes pour travailler sur ces dossiers qui ne se feront pas. Rendez-vous donc d'ici là pour faire le constat d'un gâchis, je le regrette. (Remarque.) J'espère, comme cela a été dit, et je le crois volontiers, que ce débat est le dernier avatar de l'époque ancienne, celle d'avant l'accord sur le logement, et j'espère que désormais nous pourrons avancer sur le pacte social que constitue la zone de développement. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2436 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui contre 40 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Je lève la séance, nous nous retrouvons à 18h35.
La séance est levée à 18h20.