Séance du vendredi 27 novembre 2020 à 18h
2e législature - 3e année - 7e session - 39e séance

PL 12805
Projet de loi de Mmes et MM. Stéphane Florey, Eliane Michaud Ansermet, Patrick Hulliger, Patrick Lussi, André Pfeffer, Virna Conti modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (LEDP) (A 5 05) (Sauvegarde des droits politiques en cas d'état de nécessité)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26, 27 novembre, 3 et 4 décembre 2020.

Premier débat

Le président. Nous passons aux urgences diverses, celles qui ne sont pas regroupées. Tous ces objets sont classés en catégorie II, trente minutes. Nous commençons avec le PL 12805. Je cède la parole à M. Stéphane Florey, son auteur.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi est important dans la mesure où nous rencontrons, dans cette période compliquée, des difficultés à mobiliser la population pour signer les référendums et initiatives. Ce problème a déjà été démontré. Deux référendums sont en cours: l'un bénéficie d'une prolongation jusqu'au 15 décembre, le deuxième - un référendum municipal - jusqu'au 25 décembre. Une initiative a été retirée en raison de ces difficultés. Un référendum communal a échoué pour la même raison. Actuellement, il n'y a à peu près personne dans les rues; on espère que ça ira mieux prochainement.

Il existe donc un réel problème quand on se trouve dans l'état de nécessité et que tous les commerces, les restaurants sont fermés: vous n'avez quasiment plus personne dans les rues. A titre d'exemple, si vous allez au marché de Plainpalais un dimanche ordinaire, sur le coup des 10h, c'est noir de monde. On a pris des photos à la même heure, il y a quinze jours: il n'y avait pas un chat ! Ça pose véritablement un problème. C'est pourquoi nous avons déposé ce projet de loi, qui relève du bon sens et dit simplement que quand l'état de nécessité est déclaré, automatiquement, les délais de récolte de signatures sont prolongés.

Si les délais ont été effectivement prolongés, ce projet de loi garde toute son importance pour la suite: on sait que la pandémie n'est pas terminée, qu'il y aura même peut-être une troisième vague, il serait inutile de devoir à chaque fois envoyer des courriers, faire des demandes de prolongation - pour les référendums en cours, les comités référendaires, des associations, les partis politiques ont envoyé des courriers, fait les mêmes demandes. Il aura fallu voir en tout cas cinq ou six courriers envoyés pour qu'enfin, après un refus...

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

M. Stéphane Florey. ...le Conseil d'Etat se décide à reconnaître ce genre de difficultés et à prolonger le délai. Ce projet de loi demande que cela soit fait de manière automatique, que les droits populaires, les droits politiques soient conservés grâce à cet automatisme, ce qui supprimerait un certain nombre de problèmes. Nous vous remercions donc de faire bon accueil à ce texte.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette suspension des délais de récolte des signatures pour les référendums et initiatives est acquise par un arrêté du Conseil d'Etat du 18 novembre, qui revenait sur un précédent arrêté du 1er novembre, ceci à la demande de la commission législative qui a envoyé un communiqué de presse à ce sujet. Il est d'ailleurs assez piquant de constater que le seul membre de cette commission qui a refusé de valider cet arrêté du Conseil d'Etat provenait du groupe UDC. Si la majorité de la commission législative avait suivi ce commissaire, la suspension de ces délais n'aurait pas été acquise, ce qui aurait bien entendu été regrettable, mais ce qui montre bien aussi que le système d'un arrêté du Conseil d'Etat en cas de situation d'urgence ou de nécessité fonctionne et qu'il n'est pas besoin d'un projet de loi pour cela. On constate une certaine incohérence au sein de ce groupe, ce que je regrette. J'ajouterai, pour l'anecdote, que ce même député, mercredi soir, a tiré un certain nombre de salves assez acerbes et agressives contre le Conseil d'Etat, critiquant sa gestion de la crise et lui conseillant de s'inspirer de l'exemple de Bâle-Ville, qu'il a cité à plusieurs reprises, disant que ce canton a favorisé la détection plutôt que la fermeture des commerces et des cafés-restaurants; j'imagine que ce même député aura eu plaisir à entendre ce matin aux nouvelles que vu l'augmentation des cas, Bâle-Ville venait de décider la fermeture des commerces et des restaurants, suivant en cela l'exemple de Genève.

Le groupe démocrate-chrétien s'opposera à l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet est bon. Je remercie mon collègue Stéphane Florey de l'avoir déposé. Pourquoi est-il nécessaire d'aller au-delà de l'arbitraire gouvernemental qui est parfois nécessaire, évidemment, en période de pandémie ou d'urgence ? Pour s'assurer que lors des prochaines vagues, ou plutôt lors de la prochaine vague, disons - puisque celle-là est certaine, et espérons qu'il n'y en aura pas une quatrième et au-delà - pour que lors des prochains états d'urgence, on n'ait pas besoin de faire autant d'efforts pour obtenir ce qui est pourtant évident, c'est-à-dire une suspension du délai pour récolter les signatures. Ça a été en effet difficile à obtenir: il a fallu une intervention de la commission législative, il y a eu des menaces de recours, toutes sortes de démarches ont été faites, des pressions ont été exercées sur le Conseil d'Etat pour qu'il accepte finalement une chose qui allait de soi. Un véritable droit d'obtenir cette suspension de délai doit exister afin que, le jour où un gouvernement mal orienté, mal intentionné, qui n'aurait pas à coeur la défense effective et complète des droits démocratiques, refuserait d'accorder cela, on puisse le contester par la voie judiciaire devant la Cour constitutionnelle.

Ensemble à Gauche est donc d'accord avec le principe mis en avant par ce projet de loi. Ce texte a, à notre sens, quelques défauts de rédaction, dus évidemment à l'urgence, à la nécessité de le déposer très rapidement - je pense d'ailleurs que le fait même qu'il soit déposé a contribué à ce que le Conseil d'Etat adopte l'arrêté qui suspendait les délais de récolte des signatures: c'était donc nécessaire de le déposer rapidement. Mais il faut éviter de prendre une décision aussi importante à la va-vite. M. Stéphane Florey et moi-même avons déposé un amendement qui vous a été distribué. Néanmoins, l'affaire est tellement importante - on touche au coeur de notre démocratie, au coeur de notre système démocratique - que nous demandons le renvoi de cet objet à la commission des droits politiques. Nous pourrons nous y assurer que la formulation proposée est la meilleure, et l'améliorer si nécessaire. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est pertinent s'agissant de la démocratie directe dans le cadre d'un confinement tel que nous le connaissons et du fait que les signatures électroniques ne sont pas comptabilisées, on le sait. Le vote électronique est d'ailleurs un dossier qui mériterait que le Conseil d'Etat reprenne ses travaux dessus, par ces temps de confinement, même s'il est certain que le vote par correspondance est possible - mais c'est un autre sujet.

La récolte de signatures ne peut se faire que de façon physique, et, la plupart du temps, dans la rue, même si l'on sait que d'autres moyens sont possibles, comme l'impression chez soi et l'envoi d'une feuille de signatures; mais ce moyen-ci n'est pas encore dans les façons de faire et les habitudes des partis politiques ou des associations, qui normalement récoltent les signatures dans la rue. Dès lors, il est vrai qu'il y a un réel problème en période de confinement à avoir des délais référendaires ou d'initiative qui courent. Les arrêtés successifs du Conseil d'Etat vont dans le bon sens, mais il serait important de légiférer, d'adopter un cadre légal permettant d'anticiper - malheureusement, je dirais - d'autres vagues ou d'autres scenarii de confinement qu'on pourrait connaître. En effet, nous avons vécu celui-ci, et il y a une année, jamais nous n'aurions imaginé un tel scénario. Dès lors, à partir de cette expérience, il faut légiférer. Dans ce sens, le groupe socialiste demande le renvoi à la commission des droits politiques afin qu'on puisse se pencher sérieusement sur le sujet et voir comment adopter un cadre légal qui soit pérenne, en prévision de la suite. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, ce qui a été dit est tout à fait juste, il est pertinent de défendre cette suspension de la récolte de signatures; notre parti a aussi été très actif pour faire cette demande. Je suis cependant obligé de défendre le Conseil d'Etat: ce n'est pas si simple que ça, on ne peut pas juste suspendre le droit de signer des initiatives et des référendums, un certain nombre d'autres droits politiques vont avec ça, notamment la promulgation de lois. C'est aussi paradoxal qu'on ait suspendu la récolte de signatures en cette période et qu'on tienne une votation dimanche prochain avec les locaux de vote ouverts. Ce n'est donc pas aussi simple que ça ! C'est pourquoi je me rallie à l'opinion de mes préopinants: ce projet de loi a du sens, mais il faut le renvoyer à la commission des droits politiques pour en vérifier la conformité juridique.

M. André Pfeffer (UDC). J'aimerais répondre à mon collègue Guinchard trois choses. Premièrement, l'UDC avait demandé le report de la récolte de signatures bien avant que les discussions sur ce problème aient commencé à la commission législative.

Deuxièmement, ce qui a été prétendu tout à l'heure est totalement faux: l'UDC a effectivement refusé ces arrêtés, mais je rappelle que conformément à l'article 113 de la constitution genevoise, que vous acceptiez ou refusiez ces arrêtés, dans les faits, ça ne changeait pas grand-chose, parce qu'en cas de refus, ils restaient en vigueur encore une année.

Troisièmement - et ça concerne l'exemple que j'avais donné - encore une fois, l'UDC ne conteste absolument pas la gravité de cette pandémie; simplement, la gestion de la crise à Genève est hautement problématique. J'avais donné un exemple: la comparaison entre Bâle-Ville, je parle bien de Bâle-Ville, et le canton de Genève. Nous avons une différence de un à six s'agissant des personnes infectées dans les EMS: le canton de Bâle-Ville a six fois moins de personnes infectées dans les EMS. Non seulement il y a cette énorme différence, mais il faut savoir pourquoi cela: Genève n'a pris quasiment aucune mesure pendant plusieurs mois, par contre, à Bâle-Ville... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...dès l'été, à partir du mois de juin, des mesures strictes ont été appliquées. Toutes les personnes infectées dans les EMS étaient soit totalement isolées, soit transférées à l'hôpital. En plus de ça, pour les tests, j'avais dit...

Le président. Merci, c'est terminé.

M. André Pfeffer. ...qu'il y avait plus de quarante endroits où se faire tester à Bâle...

Le président. C'est vraiment terminé, Monsieur le député, je suis désolé.

M. André Pfeffer. ...et tout le personnel, tous les résidents des EMS ont été régulièrement testés, ce qui n'a pas été le cas à Genève.

M. Patrick Dimier (MCG). J'adhère, bien sûr, à tout ce qui a été dit. J'aimerais surtout revenir sur un point. Je ne sais plus quel groupe a parlé des arrêtés du Conseil d'Etat en disant que ça allait très bien. Mais le législateur, c'est nous ! Nous ne pouvons pas dépendre, nous, législateur, de l'exécutif. Ce n'est pas comme ça que ça marche ! C'est le législateur qui imprime sa volonté et qui protège les droits politiques. Nous devons bien entendu veiller à ce que dans des cas particuliers, les droits politiques puissent non seulement s'exercer pleinement et entièrement, mais surtout correctement et dans de bonnes conditions.

J'aime bien ce texte, bien sûr que nous allons demander son renvoi en commission. Ce serait trop dommage de perdre un texte de cette valeur pour des défauts qu'il présente, comme l'a expliqué M. Bayenet, en raison peut-être de l'urgence avec laquelle il a été écrit. Il n'y a aucun problème avec ça. Ce à quoi nous devons veiller, c'est à ne pas tomber dans le piège de la situation exceptionnelle du covid; parce que ce n'est pas de ça qu'il s'agit, c'est bien plus important: il faut que dans toutes les situations exceptionnelles, non seulement la suspension des récoltes de signatures, mais la protection des droits politiques soient assurées - c'est de ça qu'on parle, au fond ! C'est donc une évidence et nous soutiendrons bien entendu le renvoi à la commission des droits politiques.

Maintenant, je ne sais pas si la comparaison avec Bâle est la bonne, puisque c'est un trou. (Exclamations. Rires.)

Le président. Le niveau baisse, Monsieur Dimier ! Je passe la parole à Mme la députée Céline Zuber-Roy.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Merci, Monsieur le président. (Remarque. Rires. Commentaires.) Je lui laisse le temps de se remettre de cette blague... (Rires.)

Le groupe PLR soutiendra le renvoi en commission de ce projet de loi. Nous avons toutefois des doutes sur le principe même de légiférer pour les cas d'application de l'article 113 de la constitution. Le système qu'on a voulu avec cet article est une marge de manoeuvre laissée au gouvernement pour intervenir dans des cas très exceptionnels, car il s'en présente parfois, quand le législatif ne peut pas assumer son rôle ou parce qu'on doit aller très vite. L'idée même que sur cet article 113, on veut d'office appliquer... Et là, on parle de confinement, mais cet article ne concerne pas forcément un confinement. Quand, à la Constituante, cet article a été créé, personne ne pensait qu'il serait appliqué un jour. Maintenant qu'on l'applique en raison de la pandémie et qu'on pense première vague, deuxième vague, troisième vague, on est dans cette optique et on se dit que les droits politiques ne sont pas possibles. Peut-être que dans dix ans, un autre cas de figure se présentera, et on se demandera alors pourquoi les droits politiques sont suspendus, parce que ce cas de figure là ne les empêchera pas du tout. L'idée de l'article 113 est que dans certains cas imprévisibles, il faut laisser une marge de manoeuvre au gouvernement, et c'est avec beaucoup de réserve qu'on doit légiférer à ce propos.

Le groupe PLR soutiendra le renvoi en commission, mais nous avons un doute sur le choix de la commission. Je vous rappelle qu'en juin, cette plénière a mandaté la commission législative pour adopter une législation d'application de l'article 113. Ici, c'est vraiment un cas où on se demande si l'on doit suspendre les droits politiques quand l'article 113 est appliqué. Nous avons toutefois entendu qu'une majorité se dessine pour la commission des droits politiques; peut-être qu'il serait bien que les deux commissions communiquent, afin qu'on évite des résultats qui diffèrent. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Jean-Marc Guinchard pour une minute.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. M. Pfeffer a l'habitude de parler de choses qu'il ne connaît pas parfaitement bien. Je lui rappelle que les EMS genevois ont commencé à confiner très tôt, dès le 15 mars. Ils n'ont pas attendu l'été pour le faire.

Je confirme la position du PDC, qui acceptera le renvoi à la commission des droits politiques.

Le président. Merci. Je donne la parole à M. le député Patrick Saudan pour une minute trente.

M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président, ce sera amplement suffisant. Je reviens aussi sur cette comparaison un peu hasardeuse avec Bâle-Ville qu'a faite à nouveau M. Pfeffer. J'ai déjà rappelé hier qu'il y a entre Genève et Bâle une différence de densité démographique importante: elle est de 5000 habitants par kilomètre carré à Bâle et de 12 500 à Genève.

Concernant les EMS, il faut savoir que l'âge moyen des personnes qui entrent en EMS à Genève est de 86 ans. Les Genevois ont décidé de mettre un accent très important sur les soins à domicile. Je n'ai pas eu le temps de chercher des chiffres sur Bâle-Ville, mais en Suisse allemande, les pensionnaires des EMS sont beaucoup plus jeunes. Cela pourrait tout à fait expliquer la différence de prévalence des infections au covid dans les EMS. Il faut donc faire très attention quand on manie des statistiques et vraiment vérifier qu'on ne compare pas des poires et des pommes. Je vous remercie.

Le président. Je vous remercie pour ce rappel statistique et je passe la parole à M. le député Romain de Sainte Marie pour une minute.

M. Romain de Sainte Marie. Merci, Monsieur le président. Je laisse mon camarade Mizrahi prendre la parole.

Le président. Très bien. Monsieur Mizrahi, pour une minute.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, je confirme que le groupe socialiste continue à demander le renvoi à la commission des droits politiques. A l'appui de cette position, j'aimerais vous faire partager une réflexion. On fait ce lien entre situation extraordinaire et droits politiques. Or, on commence à vivre avec cette pandémie: est-ce que toujours on a besoin de l'article 113, ou est-ce qu'on ne doit pas élaborer des règles qui pourront s'appliquer dans d'autres situations ? L'article 113 existe notamment pour les cas où le parlement ne peut pas se réunir. Or, nous nous réunissons. Avons-nous donc toujours besoin de cet article ? Je ne dis pas qu'on n'en aura plus besoin, mais je pense que ces deux réflexions doivent être disjointes et qu'on doit mettre en place des mécanismes pour que l'exercice des droits populaires puisse être adapté aux circonstances créées par la pandémie non pas seulement en situation extraordinaire, mais sur la durée. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Patrick Dimier, vous avez la parole pour cinquante secondes.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci. Je me suis trompé tout à l'heure, ce n'était pas le trou que je voulais évoquer, mais la boule. (Rires. Commentaires.)

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe MCG, c'est une évidence qu'il faut renvoyer cet objet à la commission des droits politiques de façon que les députés puissent sereinement y travailler, bien qu'il semble que nous soyons toutes et tous parfaitement d'accord sur le fait que le projet de l'UDC est bon puisqu'il va dans notre sens et dans le sens de la démocratie en règle générale. Je vous invite donc à le renvoyer à la commission des droits politiques. Merci.

Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, deux choses en préambule. Bien évidemment, le Conseil d'Etat soutient le renvoi en commission, je vous expliquerai tout à l'heure pourquoi. Mais j'aimerais dire que tout comme vous, le Conseil d'Etat s'inquiète du respect des droits démocratiques. Il est bon que ce débat ait lieu, il est bon que la commission des droits politiques ou une autre - au fond, peu importe - se penche sur cette question.

Néanmoins, j'aimerais insister sur un point que le député Eckert a bien souligné: contrairement à ce que pense M. Bayenet, ça ne va pas de soi ! Ça ne va pas de soi de déterminer ce qu'est une «période appropriée» - je vois cela dans l'amendement. Quels en sont les critères ? Au printemps dernier, c'était très facile. D'abord, la Confédération avait suspendu les votations. Au-delà de ça, les gens étaient confinés chez eux, faisaient du télétravail, ne sortaient pas, on n'allait faire ses courses que pour les biens de première nécessité. C'était assez évident de dire que tout pouvait s'arrêter pour une période qui était assez bien déterminée. Mais aujourd'hui, objectivement, Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes ici, vous siégez, vous légiférez ! Quel est donc le critère ? Quelle doit être la durée ? Sur quelle base ? On a une votation dimanche, quelqu'un l'a rappelé; vous voyez bien que répondre à ces questions est extrêmement difficile. C'est pour cela que le Conseil d'Etat a été réticent à prendre sa décision. On se demandait quels étaient ces critères et sur quelles bases on pourrait prendre cette décision non pas tant pour maintenant que pour une période où les circonstances actuelles se reproduiraient, sachant d'ailleurs que nous sommes le seul canton à l'avoir fait, à ma connaissance, et que la Confédération ne l'a pas fait. Vous le voyez, cela demande vraiment une discussion de fond.

On doit également - on l'a aussi rappelé - ne pas se tirer une balle dans le pied, si j'ose dire. Vous votez un certain nombre de lois, qui, heureusement, ne sont pas toutes sujettes à référendum; il faut impérativement que la formulation qui sera trouvée pour une loi ou la constitution permette le maintien du travail ordinaire et le vote des lois qui ne sont pas problématiques - c'est bien ce qu'a fait le Conseil d'Etat dans son arrêté: il a permis une prolongation des délais pour les référendums déjà lancés ou qui le seraient potentiellement, mais il n'a pas empêché la promulgation des lois. Voilà pour les éléments généraux.

Je voudrais dire aussi que des questions juridiques vont se poser. Mme Zuber-Roy en a parlé. Qui a la compétence ? L'article 113 met bien en évidence le rôle du Conseil d'Etat dans une situation extraordinaire, mais plus fondamentalement, l'article 113 est une disposition constitutionnelle: or, vous voulez inscrire dans une loi un élément qui est peut-être d'ordre constitutionnel. Il y a ainsi toute une série de points qui doivent être discutés finement à la commission des droits politiques. Il ne faut pas se précipiter, sachant que de toute façon, obtenir les signatures pour une initiative ou un référendum n'est jamais facile, quel que soit le moment. J'en ai fait l'expérience à de nombreuses reprises; même sur des sujets aussi «faciles», entre guillemets, que les allocations familiales, vous devez aller chercher les signatures. Ce n'est pas une prolongation d'une, deux, trois, quatre semaines qui suffira: c'est souvent beaucoup plus difficile d'obtenir des signatures.

Comme il n'y a pas d'urgence maintenant, puisque nous avons fait le travail avec l'arrêté, le Conseil d'Etat vous invite à regarder tout cela tranquillement en commission avec l'aide des juristes compétents dans ce domaine. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis de deux demandes de renvoi en commission. Nous votons en premier lieu sur le renvoi à la commission des droits politiques.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12805 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 92 oui (unanimité des votants).