Séance du
vendredi 18 octobre 2019 à
16h
2e
législature -
2e
année -
5e
session -
25e
séance
PL 11662-D et objet(s) lié(s)
Premier débat
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
Le président. Nous traitons notre urgence suivante, les deux objets concernant le convoyage et le transport des détenus. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. (Un instant s'écoule.) La parole est-elle demandée ?
Une voix. Il faut laisser les rapporteurs s'installer à la tribune.
Le président. Alors patientons quelque peu. (Un instant s'écoule.) Voilà, je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Initialement, ce projet de loi avait été déposé après que la direction des RH de la police avait annoncé, le 27 avril 2015, que les tâches de convoyage, de transport et de surveillance des détenus seraient confiées à des entreprises privées. Jusqu'alors, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont des ASP qui exerçaient cette fonction, pour des salaires oscillant entre 75 000 et 120 000 francs; ils se voyaient soudain remplacés par des employés de sociétés privées rémunérés 50 000 à 60 000 francs pour 2000 heures de travail.
Je relève que la même initiative avait été prise s'agissant du service de sécurité de l'aéroport. Vous connaissez les problèmes qu'il y a eu là-bas: dysfonctionnements, parfois détournements de fonds. Ce sont les conséquences de la privatisation d'une partie des missions de sécurité. C'est précisément pour éviter ces dérives et pour que l'activité de convoyage reste une tâche régalienne qu'un texte avait été déposé par M. Dandrès, donc par notre groupe, texte qui avait été voté à la majorité.
Entre-temps, dans un rapport qui lui a été adjoint - il s'agit du RD 1198 - le Conseil d'Etat proposait un amendement général pour réintégrer le service au sein de l'administration, que nous avons accepté à la majorité. Aujourd'hui, vous avez à vous prononcer sur un amendement présenté par le député Dandrès pour corriger l'article 8, alinéa 2, qui précise que les personnes concernées seront définitivement réintégrées au sein de l'administration au plus tard en 2022. Merci.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant et rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche vous invite à renvoyer le RD 1198 au Conseil d'Etat. Nous vous demandons ensuite de soutenir l'amendement déposé par M. Dandrès et d'autres députés, et surtout de voter notre propre amendement général, qui avait déjà été abordé en commission et que nous redéposons aujourd'hui, puisque la commission l'a refusé. Cela étant, Ensemble à Gauche vous recommande d'adopter le projet de loi 11662, quand bien même les amendements proposés ne seraient pas acceptés.
Je reviens sur l'historique du projet de loi. Pour commencer, il faut rappeler qu'il fait suite à la velléité - enfin, c'était bien plus qu'une velléité - de privatisation du DCS, à savoir le détachement de convoyage et de surveillance, engagée à l'époque par M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet. Face à ça, une série de députés avaient déposé un projet de loi qui a été accepté par notre Grand Conseil le 24 février 2017, mais dont le Conseil d'Etat a par la suite suspendu l'entrée en vigueur, prétendant que cette loi ne lui convenait pas.
Cette loi, qui comprend deux articles, est extrêmement simple - vous la trouvez à l'annexe 2 du RD 1198. Le premier article prévoit que les tâches de convoyage sont effectuées soit par du personnel de police assermenté et soumis à loi sur la police, soit par du personnel pénitentiaire; il ne précise en aucun cas que des policiers doivent exécuter cette mission. Vous savez que dans certains cantons, par exemple au Tessin, ce sont des agents de police qui s'y consacrent; à Genève, c'est une brigade spécifique. Le texte stipule uniquement que cette brigade doit être intégrée à la police ou au personnel pénitentiaire.
Or le Conseil d'Etat n'a pas accepté ce choix et nous a transmis un rapport que je dois qualifier d'intellectuellement malhonnête, voire de trompeur, contenant des arguments tout à fait irrecevables. Après avoir dressé un bref historique de la situation, le gouvernement énumère toute une série de motifs selon lesquels cette nouvelle loi ne devrait pas entrer en vigueur. D'une part, il y aurait une incohérence entre la loi que nous avons adoptée et la pratique. Mais, Mesdames et Messieurs, depuis quand le fait qu'une nouvelle loi n'est pas en adéquation avec la pratique justifie-t-il qu'on bloque son entrée en vigueur, portant par là une atteinte grave au principe de séparation des pouvoirs ? C'est pourtant le premier argument invoqué par le Conseil d'Etat.
D'autre part, et c'est encore plus absurde, le Conseil d'Etat prétend que la nouvelle loi rend les convoyages impossibles, et pourquoi ? Parce que la BSA, c'est-à-dire la brigade de sécurité et des audiences - il s'agit du nouveau nom de la DCS - chargée du convoyage ne fait partie ni de la police ni du personnel pénitentiaire; et puisqu'il revient désormais à la police ou au personnel pénitentiaire de transporter les détenus, eh bien il n'y a plus personne pour le faire. En fait, le gouvernement fait semblant de ne pas comprendre que le but de la loi était précisément de réintégrer la brigade soit au sein de la police, soit au sein du personnel pénitentiaire, il prétend qu'on ne pourra tout simplement plus convoyer les prisonniers. Une telle argumentation est parfaitement absurde.
Dans son rapport, le Conseil d'Etat présente un projet complètement nouveau dans le but de pérenniser la situation qu'il a lui-même mise en place en créant une brigade indépendante à la fois de la police et du personnel pénitentiaire. La conséquence, c'est que ce nouveau texte inclut tout ce qui est normalement réglé par la loi sur la police: usage de la force, usage de l'arme, fouilles, autant d'éléments qui existent déjà dans le droit genevois. Mais comme le Conseil d'Etat ne veut pas réintégrer cette brigade au sein de la police, il lui fallait réécrire une loi à partir de zéro et tout réorganiser.
Pour nous, vous l'aurez compris, ce procédé est inacceptable. D'abord, comme je vous l'ai indiqué, quand le Grand Conseil vote une loi, celle-ci doit s'appliquer...
Le président. Monsieur le rapporteur, vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Bayenet. Je vous remercie, Monsieur le président. ...que cela plaise ou non à l'exécutif. Il peut nous indiquer que cela ne lui plaît pas - et généralement, il ne s'en prive pas - mais ce n'est pas une raison pour suspendre un texte officiel et revenir avec un projet de remplacement quelques mois plus tard.
Ensuite, il y a à Genève un nombre très limité de personnes qui ont le droit de se promener avec une arme sur le domaine public pour faire respecter la loi, et il s'agit des agents de police; nous ne voyons pas l'intérêt de créer de nouveaux corps indépendants de la police qui disposeraient du même droit. Pourtant, c'est bien ce qui est visé ici. Les audiences sont publiques - en Suisse, la justice est publique - donc lorsqu'une brigade armée assure la sécurité des audiences, elle doit interagir avec le public, ce qui n'est pas une mince affaire. Nous avons un corps cantonal de police dont c'est le métier, dont c'est l'objectif, et il n'y a pas de raison de créer d'autres structures, d'autres hiérarchies, d'autres règles sur l'usage de l'arme alors que tout est déjà prévu dans la loi sur la police.
De plus, il faut souligner qu'aujourd'hui déjà, la police vient en soutien lors d'audiences ou de convoyages impliquant des détenus considérés comme particulièrement dangereux, elle intervient en support de la brigade de sécurité et des audiences. Franchement, assigner à une nouvelle brigade une tâche qui devrait être celle de la police, c'est une véritable usine à gaz ! Le postulat d'Ensemble à Gauche, c'est que seuls des fonctionnaires soumis à la loi sur la police doivent être autorisés à faire usage d'une arme sur le domaine public, nous ne voulons pas multiplier le nombre de personnes habilitées à cela.
Je comprends bien qu'à l'origine, Mesdames les députées, Messieurs les députés, le but de cette loi était de lutter contre la privatisation d'un service et je salue la démarche des députés qui ont réussi à obtenir que le Conseil d'Etat revienne en arrière et y renonce. Mais enfin, il faut aller jusqu'au bout du travail, il faut retrouver ce qu'il y avait avant et qui fonctionnait très bien, à savoir un DCS intégré à la police, exécutant son travail à satisfaction. Cette organisation permet de créer des synergies utiles entre la police et les personnes chargées du transport des détenus, et je trouve regrettable qu'on en ait changé.
J'aimerais encore dire deux mots sur l'amendement général d'Ensemble à Gauche qui, je le répète, avait déjà été présenté en commission et que je redépose aujourd'hui. Il faut souligner un élément important: à l'article 5, nous proposons que les images de vidéosurveillance soient conservées cent jours au minimum. Il s'agit là d'une grande différence entre le projet d'Ensemble à Gauche et celui du Conseil d'Etat, lequel prévoit que ces images sont conservées jusqu'à cent jours. Pour notre part, nous précisons: cent jours minimum.
Pourquoi cent jours minimum ? Parce que le délai pour déposer plainte suite à une infraction est de nonante jours. Si la personne victime d'une infraction attend nonante jours pour déposer plainte, sachant que retrouver des images prend quelques jours, il faut une marge de sécurité. Fixer cent jours au maximum risque de conduire à la perte des images. D'ailleurs, le Conseil d'Etat - enfin, le conseiller d'Etat responsable - nous avait expliqué que les images sont actuellement conservées entre sept et cent jours, donc il y a bel et bien un risque de disparition des preuves en cas d'infraction commise contre des agents de sécurité ou contre des détenus transportés. Je vous remercie.
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, en complément aux explications fournies par les rapporteurs, lesquels ont finalement des positions qui convergent, à tout le moins sur l'objectif du projet de loi que j'avais eu l'honneur de déposer à l'époque, je rappelle que si le DCS fonctionnait, les conditions de travail n'y étaient pas excellentes. C'est la raison pour laquelle un énorme travail syndical avait été mené, notamment de réévaluation des fonctions, qui a pris plusieurs années. La question de la sous-enchère figurait déjà au coeur de cette discussion, et après plusieurs mobilisations, le département avait décidé de supprimer purement et simplement le service et de le privatiser complètement par la même occasion - en ce qui me concerne, j'y vois un rapport de cause à effet - ce qui constituait tout de même, il faut le rappeler, la plus grosse privatisation d'un secteur de sécurité en Suisse. Une première qui s'est faite sans tambour ni trompette, sans même une décision du Conseil d'Etat, sans aucun marché public, selon la coutume du département à cette époque.
Nous avions évidemment combattu cette manoeuvre, déjà en amont de la privatisation, parce que le processus avait commencé avant que l'entier des tâches soient sous-traitées à Securitas. Nous avions fait passer un amendement à la LPol prévoyant que les tâches de police doivent être exécutées par du personnel de police et non par des employés de Securitas. La question était assez claire, à tel point que dans le cadre du référendum, l'un des arguments de campagne du magistrat était qu'on allait réinternaliser des tâches qui étaient déjà en partie sous-traitées. Vous vous souvenez de la suite: cinquante voix de différence.
Or avant que la loi sur la police entre en vigueur, le magistrat décidait, avec la complicité - je pense que c'est le bon terme - de ses collègues du Conseil d'Etat, de transférer lesdites tâches à l'office cantonal de la détention, prétendant que les engagements pris ne s'appliqueraient pas, vu qu'on avait changé de secteur, ce qui est vraiment le comble de la mauvaise foi.
Dans ce contexte, j'avais déposé le projet de loi 11662. L'objectif était assez simple: que la protection et le caractère public suivent en quelque sorte les convoyeurs, parce qu'il s'agit de sécurité. C'est une tâche régalienne, on l'a indiqué tout à l'heure, mais également une question syndicale, puisque les ASP3 sont payés entre 74 000 et 100 000 francs par année suivant l'ancienneté, alors qu'on est 20 000 ou 30 000 francs en dessous pour les personnes affiliées à la CCT du domaine de la sécurité. La loi avait été acceptée, mais entre deux, comme les missions sont passées à l'office cantonal de la détention, la LOPP, qui est la loi réglementant le statut du personnel pénitentiaire, a été amendée pour prévoir que ces tâches seraient exécutées par du personnel public et assermenté, avec une clause permettant au Conseil d'Etat de résilier les contrats passés avec Securitas et de réinternaliser le convoyage dans un délai de cinq ans.
Comme le temps nous est compté, je vais commenter à ce stade l'amendement que je dépose avec d'autres députés, qui consiste à éviter ce qui risque d'arriver avec le projet que le Conseil d'Etat nous soumet, à savoir qu'une échéance de cinq ans soit rouverte avant que les tâches soient exercées par des agents publics. Puisque la LOPP telle que modifiée est entrée en vigueur le 1er mars 2017, la période de cinq ans doit prendre fin à la même date en 2022, et donc notre amendement à l'article 8, alinéa 2, deuxième phrase, vise à ne pas relancer de délai supplémentaire.
Dans le cadre des travaux de la commission des finances - cela ressort des rapports tant sur les comptes que le budget - j'ai systématiquement demandé au département s'il avait déjà entrepris ces démarches, s'il était en mesure de respecter les engagements pris. M. Maudet m'a indiqué que oui, les choses allaient se faire. Bon, avec M. Maudet, nous avons appris qu'il faut parfois se méfier des engagements pris par le Conseil d'Etat, mais en l'occurrence, ceux-ci ont par la suite été validés par M. Poggia. Dès lors, cet amendement s'impose et permettra, dans un délai très court, d'endiguer les dérives qui ont été celles du gouvernement dans cette affaire. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Vertes et Verts votera ce projet de loi tel que modifié par l'amendement général du Conseil d'Etat. Je ne vais pas retracer tout l'historique de cette affaire - cela vient d'être fait excellemment par les rapporteurs et mon préopinant - surtout qu'il s'agit d'une longue histoire, comme souvent au Grand Conseil.
Nous pensons que le transport des détenus fait partie des tâches de l'Etat, compte tenu des risques que cette activité implique pour la société, les prisonniers et les salariés qui en sont chargés. Ce projet de loi vise à lutter contre le dumping salarial et social, à ramener les missions de convoyage dans les mains publiques et à garantir la meilleure sécurité possible pour toutes et tous.
Le travail en commission a confirmé que la volonté de la majorité a bien été entendue par le Conseil d'Etat. Le groupe des Vertes et Verts est notamment rassuré de savoir que les partenaires privés ont déjà été avertis que les contrats prendraient fin au cours de l'année 2022, c'est-à-dire dans un délai de cinq ans. Nous soutiendrons donc le texte, de même que l'amendement de M. Dandrès à l'article 8, alinéa 2, deuxième phrase. Quant à l'amendement d'Ensemble à Gauche, je vais voir, j'y reviendrai peut-être plus tard. Merci.
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, une partie de l'historique a déjà été présentée. Le dépôt du premier projet de loi sur cette thématique remonte à la législature précédente, et le groupe PLR avait vivement combattu celui-ci. Nous estimions d'une part que la situation en vigueur à ce moment-là convenait et, d'autre part, que le fait d'étatiser du personnel ne diminuerait en aucun cas le risque de rencontrer des problèmes lors du convoyage des détenus.
Nous avions donc établi des rapports de minorité qui mettaient en exergue des problèmes organisationnels, structurels et législatifs, sans oublier le fait que ça allait une fois de plus obérer le budget de l'Etat, ce qui n'était pas forcément une excellente initiative; ces rapports de minorité ont été largement critiqués, qualifiés de manoeuvres dilatoires. Bref, le Grand Conseil s'est livré au jeu démocratique, et nous avons perdu; bien sûr, nous respectons la décision de ce parlement, comme il se doit. Par la suite, c'est non sans une certaine satisfaction que nous avons appris que le Conseil d'Etat décidait de ne pas promulguer la loi sur la base de plusieurs arguments invoqués dans nos rapports de minorité.
Aujourd'hui, notre sentiment est quelque peu mitigé. Si nous sommes heureux que le gouvernement propose un amendement général dans le rapport qu'il a établi à notre attention, avec lequel nous pouvons vivre, nous considérons tout de même que cette loi n'est pas une bonne idée, nous y sommes toujours opposés, comme je l'indiquais tout à l'heure. En guise de conclusion, je peux vous dire d'abord que nous ne soutiendrons pas l'amendement d'Ensemble à Gauche relatif à la période de conservation des bandes vidéo, ensuite que le groupe PLR s'abstiendra au moment du vote de cette nouvelle loi - ou de cette loi adaptée. Merci de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Ce projet de loi concerne le convoyage des détenus, l'une des principales tâches de l'Etat, dont les risques pour la société sont très importants. Il s'agit aussi d'une activité particulièrement sensible, notamment pendant la procédure judiciaire, car il faut éviter que les prévenus communiquent entre eux ou avec des tiers, ce qui détruirait le travail de la justice.
Sur le fond, la privatisation pose problème, elle posera toujours problème. De manière générale, la sous-traitance dans le domaine de la sécurité, qu'il s'agisse des détenus ou de l'aéroport, pour citer un autre exemple, représente pour nous un grand écueil, tout simplement parce que les employés sont sous-payés par rapport à ce que verse le contribuable. Cet argent aboutit dans les marges, puis finit par disparaître, avec de graves risques de corruption, comme ce fut le cas à l'aéroport, des risques de corruption qu'il faut empêcher à tout prix.
Dans le même temps, il y a des risques de sous-enchère salariale - on le voit très bien avec l'embauche massive de frontaliers pour faire baisser les coûts - tout comme des risques sécuritaires: on ne peut pas garantir qu'il s'agisse de personnel sans casier judiciaire, on ne peut pas vérifier sa fiabilité ni ses antécédents judiciaires. Pour nous, la privatisation constitue un danger que nous refusons de faire courir à notre société, à notre république genevoise.
Pour toutes ces raisons et pour beaucoup d'autres que je n'ai pas le temps de développer ici, nous soutiendrons le projet de loi avec l'amendement que nous avons cosigné. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Vincent Maitre.
M. Vincent Maitre. Je renonce, Monsieur le président.
Le président. Bien, alors elle revient à Mme Anne Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi est la conséquence de la réintégration au sein de l'Etat des tâches de convoyage et de transport des détenus, ce qui constitue aux yeux du parti démocrate-chrétien une absurdité totale. En effet, la sous-traitance fonctionnait très bien et nous permettait de réaliser de réelles économies intelligentes dont le canton de Genève a bien besoin. Ainsi, à ce stade, non seulement nous refuserons l'amendement, mais nous nous abstiendrons sur ce projet de loi qui ne correspond pas à la réalité et dont nous n'avions clairement pas besoin. Je vous remercie.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a pris acte de la volonté exprimée par une majorité de ce parlement d'opérer une réinternalisation du convoyage des détenus, même s'il considère que cette activité peut parfaitement être exécutée par des agents de sécurité privée, comme c'est le cas dans la plupart des autres cantons. Votre Grand Conseil en a décidé autrement, ce qui aura d'une part des conséquences sur le nombre de fonctionnaires: ce sont plus de quatre-vingts personnes qu'il va falloir engager et former - au vu des délais très brefs, nous nous y sommes déjà attelés. D'autre part, cela engendrera des surplus au budget, donc je vous laisse dire à celles et ceux qui fustigent le Conseil d'Etat en toute occasion parce qu'il souhaite augmenter le nombre d'ETP qu'il ne faut pas venir se plaindre des effets dont vous êtes la cause.
Maintenant, pour ce qui est de l'accusation - toute relative, bien sûr - du rapporteur de minorité selon laquelle le Conseil d'Etat emprunterait des procédés «intellectuellement malhonnêtes», pour reprendre ses termes, je vous demanderai, Monsieur le président de séance, de lui rappeler le contenu de l'article 109, alinéa 5, de la constitution - je le sais très attaché au plus haut texte de l'Etat - et il constatera que la démarche du Conseil d'Etat est on ne peut plus légale.
Pour le surplus, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous demande de rejeter les amendements, à l'exception de celui sur le délai d'exécution, afin qu'il y ait une cohérence entre cette loi-ci et celle que vous aviez adoptée, que le Conseil d'Etat a déjà commencé à appliquer pour aboutir à l'internalisation. Bien entendu, nous mettrons tout en oeuvre pour respecter les délais. Quant à l'amendement présenté par l'extrême gauche, le Conseil d'Etat vous invite à le rejeter. En effet, il faut savoir qu'un accord a été trouvé avec le Ministère public pour que les images soient conservées pendant cent jours, et le nécessaire a déjà été fait dans ce sens. Je suis très touché d'apprendre que le rapporteur de minorité, dont on sait qu'il est professionnellement spécialisé dans les brutalités perpétrées par les agents de l'Etat, se préoccupe que l'on puisse conserver les images pour protéger lesdits agents contre des accusations qui seraient calomnieuses. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11662 est adopté en premier débat par 57 oui contre 8 non et 23 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Pierre Bayenet qui est affiché à l'écran...
Des voix. Non, non !
Le président. Enfin, pas encore... (Un instant s'écoule.) Voilà ! (Remarque.) Monsieur le rapporteur de minorité, votre amendement ne concerne pas seulement l'article 2, n'est-ce pas ?
M. Pierre Bayenet. Non, en effet: il est à considérer comme un amendement général à partir de l'article 2.
Le président. Très bien, merci. Précisons que par rapport au projet du Conseil d'Etat, les articles 8 et 9 sont abrogés. Voici l'amendement dans son entier:
«Art. 2 Personnel chargé du convoyage et de la surveillance des détenus hors des établissements pénitentiaires
1 Les tâches de convoyage, d'accompagnement sécurisé et de surveillance des détenus hors des établissements pénitentiaires sont effectuées par des assistants de sécurité publique de niveau 3, membres du personnel de la police au sens de l'art. 19, al. 1, lettre b, de la loi sur la police du 9 septembre 2014.
2 Ces tâches peuvent également être exécutées par des policiers au sens de l'art. 19, al. 1, lettre a, de la loi sur la police, du 9 septembre 2014, ou par du personnel pénitentiaire soumis à la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires, du 3 novembre 2016. Les transports intercantonaux peuvent être confiés à des privés ou à des fonctionnaires d'autres cantons.
Art. 3 Usage de l'arme de service
L'art. 55 de la loi sur la police, du 9 septembre 2014, et ses règlements d'application règlent l'usage de l'arme à feu.
Art. 4 Fouilles des personnes détenues
1 Le personnel chargé du convoyage et de la surveillance des détenus peut soumettre ceux-ci à un contrôle électronique pour prévenir la possession d'objets dangereux.
2 En cas de suspicion de détention d'objets dangereux impossible à écarter autrement, il est procédé sur les détenus à une fouille par palpation, et au besoin à une fouille avec déshabillage en deux temps. Ces fouilles sont effectuées par une personne du même sexe que le détenu, d'une manière aussi prévenante et décente que possible.
Art. 5 Traitement de données personnelles et vidéosurveillance
1 La police peut récolter et traiter les données personnelles nécessaires à l'accomplissement des missions prévues par la présente loi.
2 Les locaux et les véhicules affectés aux détenus utilisés dans le cadre de la présente loi sont équipés de caméras, à l'exception de l'intérieur des cellules, des sanitaires, et des locaux destinés à la fouille.
3 Les images sont conservées cent jours puis sont détruites, sauf réquisition de sauvegarde formulée par toute personne intéressée.
4 L'accès aux données et aux images est réglé par la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles, du 5 octobre 2001.
Art. 6 Entrée en vigueur et dispositions transitoires
1 Pendant cinq ans dès l'entrée en force de la présente loi, les contrats préexistants conclus entre le département de la sécurité et de l'économie et les prestataires privés portant sur les conduites de détenus, les conduites médicales et les surveillances hospitalières, pourront être honorés jusqu'à leur prochain terme prévu. Ils ne seront pas renouvelés. Au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, ces tâches seront exercées par des agents publics.
2 Pendant deux ans dès l'entrée en force de la présente loi, l'exécution des tâches prévues par la présente loi pourra être confiée à des agents de sécurité publique de niveau 3 subordonnés organiquement à l'office cantonal de la détention.
Art. 7 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 16 oui et 24 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 2 est adopté, de même que les art. 3 à 6.
Le président. Ensuite, le député Christian Dandrès nous présente l'amendement suivant:
«Art. 7, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Les images sont conservées cent jours puis sont détruites, sauf réquisition de sauvegarde formulée par toute personne intéressée.»
Je soumets cet amendement aux votes... (Remarque.) Ah, pardon ! Madame Marjorie de Chastonay, c'est à vous.
Mme Marjorie de Chastonay. En fait, c'est trop tard, je voulais prendre la parole avant.
Le président. D'accord, merci. Monsieur Christian Dandrès, vous pouvez vous exprimer sur votre amendement.
M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Dans la mesure où le Conseil d'Etat a indiqué qu'un accord avait été trouvé avec le Ministère public pour que les images soient conservées cent jours, il n'y a aucun inconvénient à inscrire cette disposition dans la loi. Ainsi, si le Ministère public devait un jour changer de position à l'égard de la police, on aurait une garantie. Notre étoile polaire, c'est évidemment le justiciable, non pas la justice ou le Ministère public, donc cela a du sens d'inscrire cette disposition dans la loi.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote sur l'amendement de M. Dandrès à l'article 7, alinéa 3.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 40 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 7 est adopté.
Le président. Enfin, je mets aux voix l'amendement de M. Christian Dandrès et consorts qui va être affiché et que vous avez reçu sur vos tables:
«Art. 8, al. 2, 2e phrase (nouvelle teneur)
2 ...département. Au plus tard le 1er mars 2022, ces tâches seront exercées par des agents publics.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 27 non et 11 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 8 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 9 est adopté.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 11662 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 3 non et 41 abstentions.
Le président. Nous passons au RD 1198-A, et je donne la parole à M. Pierre Bayenet.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant et rapporteur de minorité. Excusez-moi, Monsieur le président, je ne vous ai pas suivi...
Une voix. On parle du RD.
Le président. Je vous passe la parole, parce que vous vouliez faire une demande de renvoi.
Une voix. Du RD !
M. Pierre Bayenet. Ah oui ! Bon, je suis de toute façon au bout de mon temps. Le problème du rapport est étroitement lié à celui de la loi, évidemment. En fait, comme je l'indiquais plus tôt, les motifs du Conseil d'Etat pour justifier la modification de la loi sont erronés, donc je demande qu'on lui renvoie son RD 1198.
Le président. Bien, je lance le vote sur cette requête.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1198 est rejeté par 45 non contre 12 oui et 36 abstentions.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission RD 1198-A.
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, président