Séance du
vendredi 3 novembre 2017 à
15h
1re
législature -
4e
année -
8e
session -
44e
séance
RD 1146-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous traitons à présent les objets liés RD 1146-A et M 2336-A en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Falquet.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Ah, c'est à moi ? Excusez-moi, je cherche juste mes notes... (Un instant s'écoule.) Voilà ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous voici saisis d'un rapport important sur l'aide sociale - ça va un peu nous changer du domaine de l'asile ! La commission des affaires sociales s'est réunie à huit reprises pour traiter le rapport du Conseil d'Etat concernant la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle ainsi que la proposition de motion 2336 pour une meilleure prise en considération des conclusions de l'évaluation de celle-ci. Je souhaite signaler que l'ensemble des commissaires ont travaillé de manière consciencieuse afin de trouver des solutions, d'améliorer le système et de mettre en place des moyens pour que les usagers puissent retrouver rapidement un emploi. En effet, face à l'augmentation constante et préoccupante du nombre de personnes à l'aide sociale, cette nouvelle loi, entrée en vigueur le 1er février 2012, avait surtout été axée sur la réinsertion professionnelle. Le dispositif a été évalué par le bureau d'études privé et indépendant Evaluanda, qui s'est concentré sur l'insertion, peut-être au détriment de l'encadrement social, comme le soulignera sans doute la rapporteure de minorité.
Je vais commencer ma présentation par les auditions du Centre social protestant et de Caritas, qui ont mis en évidence un manque de liens avec les entreprises et proposé d'instaurer des passerelles pour améliorer l'employabilité des candidats. Les clés de la réussite, surtout pour les jeunes, dépendent en effet de l'identification du potentiel métier. Il a été noté que les assistants sociaux effectuent un travail efficace, car ils permettent de surmonter des obstacles comme l'endettement ou les difficultés avec la famille. Cependant, les visites ont été espacées, notamment en raison de problèmes financiers; dans certains cas, par exemple pour ceux qui n'ont pas comme objectif un retour à l'emploi, ça ne pose pas de problème, mais ça peut en créer aux bénéficiaires qu'il faut suivre de près. On a aussi évoqué des tensions entre les usagers et les collaborateurs de l'Hospice général, étant précisé que ces derniers ne sont pas là pour émettre des injonctions, mais pour construire des projets sur mesure avec le peu de temps et de moyens qu'ils ont à disposition.
Ensuite, nous avons parlé des stages d'évaluation, qui ont été mis sur la sellette d'une part car ils ne correspondaient pas aux besoins des personnes, d'autre part parce qu'ils étaient souvent accompagnés d'une deuxième évaluation présentant d'autres conclusions, ce qui les déboussolait. On a entendu que ces stages infantilisaient les gens, raison pour laquelle ils ne sont plus obligatoires aujourd'hui. Certaines commissaires minoritaires ont préconisé un retour à l'ancien système, qui voyait les assistants sociaux prendre en charge la globalité des dossiers. L'une des pistes pour améliorer cette mesure consisterait à mettre en place des stages en entreprise. Du reste, l'Observatoire de l'aide sociale et de l'insertion - l'OASI - préconise la suppression des stages d'évaluation, faisant observer que mettre dos à dos les problèmes sociaux et professionnels est absurde, les uns étant parfois à l'origine des autres.
Il est finalement ressorti que ces stages ne servent pas à améliorer la situation professionnelle d'un individu, mais plutôt à déterminer s'il sera pris en charge par un CAS ou par le service de réinsertion professionnelle de l'Hospice général. Il s'agit en fait d'une sorte de tri, mais qui coûte très cher et ne sert pas à grand-chose - c'est en tout cas mon opinion personnelle. D'après l'observatoire, un assistant social serait tout à fait en mesure de juger du potentiel de retour à l'emploi d'un usager, sans devoir le faire passer par ces stages.
Quant aux stages de réinsertion, il a été indiqué qu'ils ne doivent pas constituer des postes de travail dissimulés et gratuits. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les chiffres du SRP ne sont pas très convaincants, c'est un peu comme dans les manifestations: selon le Conseil d'Etat, il y a 36% de réinsertion, et selon l'Hospice général, il y en a 27%. (Remarque.) Oui, exactement: que fait la police ? (L'orateur rit.)
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe, Monsieur.
M. Marc Falquet. Déjà ? (Rires.) Bon, d'accord. Je suis désolé si c'est un peu long. Est-ce que ça vous intéresse, au moins ? Le Centre social protestant et les institutions sociales ont demandé si des liens suffisants étaient tissés entre le service de réinsertion professionnelle et les entreprises, ce qui ne semble pas tellement être le cas. Cette remarque a été émise également par l'observatoire, selon lequel il y aurait des problèmes graves de communication entre le monde des entreprises et l'Hospice général, SRP compris. Voilà qui est assez inquiétant, parce qu'il semble assez difficile de réinsérer les gens sans contacter les sociétés... (Remarque. L'orateur rit.) Les sujets de l'UDC étaient quand même plus intéressants, non ?
Une voix. Allez, Marc, vas-y !
Une autre voix. Accouche !
M. Marc Falquet. Oui, oui, j'accouche ! Pour information, le SRP est doté de 23 collaborateurs. Il lui a aussi été reproché un manque de suivi et des changements de personnes de référence; évidemment, ce n'est pas propice à stabiliser la situation de chacun. Somme toute, ce sont les personnes les plus proches du marché du travail qui bénéficient du SRP, donc ça ne sert à rien, il faut le dire, ça ne résout pas les problèmes globaux.
D'après l'observatoire - et les commissaires ont partagé cet avis - l'orientation professionnelle devrait être laissée à l'office cantonal de l'emploi, il faudrait au moins un employé qui fasse le lien entre l'OCE et l'Hospice général, car tous les demandeurs d'emploi ne présentent pas forcément de problématique sociale; par contre, ils en développent lorsqu'ils restent trop longtemps à l'Hospice général ! Eh oui, dans certains cas, c'est l'Hospice général même qui est responsable de la dégradation sociale des gens, notamment lorsqu'ils ne sont pas pris en main rapidement alors qu'ils auraient de bonnes capacités de réinsertion.
Il faut encore soulever la question des dettes, qui représentent naturellement un frein à l'insertion, même pour les personnes qui pourraient être candidates à l'emploi. Cela dit, ce n'est pas un frein seulement au sein de l'Hospice général, mais partout dans l'administration, et il est vraiment difficile pour quelqu'un d'endetté d'obtenir une place à l'Etat. Aussi, il est nécessaire de traiter les freins à l'employabilité, comme pourrait l'être la question de la langue; la maîtrise du français est en effet primordiale pour que les candidats puissent retrouver un travail.
On a également débattu - et ce n'est ni l'UDC ni le MCG qui l'a mentionnée - de la problématique des ressortissants de l'Union européenne qui prennent une partie de nos emplois. En effet, même si les gens sont en mesure de travailler, ça ne signifie pas encore qu'ils trouvent une place tant la concurrence de l'Union européenne est grande - je ne donnerai pas de précisions là-dessus, sinon on va se faire très mal recevoir !
De manière générale, on constate une dégradation continuelle de la situation sociale et de l'emploi. Chaque mois, environ 300 personnes arrivent en fin de droit, tandis que 80 dossiers sont ouverts à l'Hospice général; les autres se débrouillent, sortent des statistiques, ce qui ne veut pas forcément dire que leur situation s'est améliorée, bien entendu. D'ailleurs, on reproche à l'OCE d'annuler trop rapidement les dossiers des personnes en fin de droit; il faudrait entreprendre quelque chose pour éviter qu'elles ne se retrouvent à l'aide sociale inutilement, par exemple les faire rester à l'office cantonal de l'emploi même si elles ne reçoivent plus de subventions.
Enfin, il faut signaler que le canton de Vaud s'en sort beaucoup mieux que nous pour l'insertion; on dit que Genève fait toujours mieux que les autres, mais le système vaudois de réinsertion est apparemment bien plus efficace que le nôtre. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vais en rester là pour l'instant et, si vous le souhaitez, je continuerai plus tard.
Des voix. Non !
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi un rapport de minorité sur un rapport d'évaluation ? Eh bien tout simplement pour éviter une banalisation des résultats de celle-ci, pour s'assurer qu'elle soit réellement suivie d'effets et faire en sorte que l'on ne reproduise pas les mêmes erreurs que celles ayant présidé à la révision de la loi sur l'aide sociale, qui a abouti à la LIASI.
En cela, nous rejoignons tout à fait la motion 2336 dans sa volonté de prolonger cette évaluation et de corriger les effets douteux qui ont été relevés. Nous regrettons cependant qu'elle ait été modifiée en commission, amputée d'un élément pourtant non négligeable, celui des moyens. En effet, on ne peut pas demander aux gens d'en faire plus sans s'assurer qu'ils disposent des ressources suffisantes, c'est pourquoi nous avons déposé un amendement dans ce sens.
Pour rappel, la LIASI a permis la suppression du RMCAS et donc le renvoi à l'aide sociale de tous les chômeurs en fin de droit, pour autant qu'ils en remplissent les conditions quant à leurs ressources, ce qui a eu pour conséquence notable de soumettre les mesures d'insertion à des critères de revenus. Un autre élément caractéristique de cette réforme a été la réorganisation du secteur de l'action sociale de l'Hospice général et la création du SRP, notamment en établissant une distinction entre les personnes proches et celles éloignées de l'emploi par le biais de stages d'évaluation, lesquels ont été remis en cause par Evaluanda à deux reprises, une première fois au moment de l'évaluation intermédiaire, puis au moment de l'évaluation finale.
Il faut surtout relever que la révision de la loi sur l'aide sociale qui a conduit à la LIASI s'est déroulée sans écoute des professionnels ni des partenaires de terrain, sans dialogue avec les partenaires sociaux, sans prise en compte des mises en garde de ces derniers quant à l'inadéquation du nouveau modèle d'organisation. Au final, ce qui apparaît maintenant au travers de l'évaluation finale était prévisible, c'était la chronique d'un échec annoncé. C'est d'ailleurs ce qui a mené au dépôt d'un référendum, qui n'a malheureusement pas été adopté par la population - mais à un faible score de différence.
Aujourd'hui, nous devons nous occuper de ce qu'il ressort de ce rapport d'évaluation. Je vais relever quelques éléments. Tout d'abord, l'insertion n'est pas la vocation première de l'Hospice général; celui-ci représente l'un des partenaires, mais pas l'acteur principal, qui est l'office cantonal de l'emploi, appuyé par l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue. Par ailleurs, la réorganisation mise en place à l'Hospice général - M. Falquet l'a souligné tout à l'heure - montre des scores de réinsertion qui invalident cette espèce de ségrégation qu'on a voulu faire entre les personnes éloignées et celles proches de l'emploi: 36% pour le SRP et 23% pour les CAS. On nous a donné des chiffres actualisés - non pas contradictoires, mais différents en ce qui concerne les périodes - à savoir 27% pour le SRP et 19% pour les CAS, sachant que le SRP permet aux bénéficiaires d'accéder à l'ensemble des mesures d'insertion de l'OCE, ce qui n'est pas le cas des autres. Or on note un score très proche pour ces deux catégories de personnes, ce qui permet de se dire que le SRP n'est pas forcément le bon moyen.
Ce dont on a vraiment besoin à l'Hospice général, c'est d'une unité ressources qui permette aux personnes chargées du suivi au long cours des situations sociales de bénéficier du soutien spécifique de professionnels spécialisés en matière d'insertion, qui ont des liens et des contacts avec le monde du travail, qui peuvent faire le relais avec les entreprises afin de favoriser l'insertion; voilà ce dont on a besoin actuellement, et non pas d'une sorte de séparation des tâches particulièrement douteuse et aux résultats peu probants.
Ce qu'il importe également, c'est de considérer la manière dont on travaille. Vous l'avez dit tout à l'heure, Monsieur, les partenaires de terrain ont remis en question la fréquence des rendez-vous. C'est ainsi l'accompagnement qui est pointé du doigt, le temps et la disponibilité pour assurer un suivi de qualité, orienté soit vers l'insertion professionnelle, soit vers la réinsertion sociale. Autant de questions de spécialistes qui auraient finalement dû rester dans le giron de l'institution, elle qui dispose des compétences pour ce genre de choses; malheureusement, la révision de la LIASI est venue d'en haut et n'a pas laissé place à l'expression de l'expertise professionnelle et institutionnelle, c'est là l'un de ses défauts majeurs.
Maintenant, on nous a dit qu'un certain nombre de mesures avaient été prises. M. Poggia a déjà fait en sorte que les stages d'évaluation de quatre semaines tant décriés ne soient plus obligatoires, ce qui est une première action, mais il serait beaucoup plus clair de les supprimer intégralement au profit d'autres mesures qui pourraient, lorsqu'elles sont nécessaires, être appliquées... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) A cet égard, l'Hospice général dispose d'ores et déjà de moyens bien plus adéquats, par exemple les stages ARVA qui permettent des évaluations beaucoup plus fines avec des orientations de projets particulièrement adaptées à la situation des personnes.
Enfin, je ne pourrais pas conclure cette introduction sans évoquer une question récurrente depuis l'entrée en vigueur de la LIASI, soit l'application de l'article 60, alinéa 12...
Le président. Vous prenez sur le temps du groupe, Madame.
Mme Jocelyne Haller. Oui, merci ! ...qui avait été voté pour permettre un alignement des maxima de loyers sur ceux pratiqués au RMCAS - de même en ce qui concerne la franchise sur le revenu. Actuellement, le dispositif de l'Hospice général n'est pas pertinent. M. Poggia avait annoncé une réponse à ce propos, elle a été attendue, et j'espère qu'il sera en mesure de nous donner plus de détails aujourd'hui. Je m'arrête là pour le moment.
Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Riedweg pour une minute quarante-neuf; ensuite, le groupe UDC n'aura plus de temps de parole.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Le revenu minimal cantonal d'aide sociale, dit RMCAS, s'était peu à peu transformé en un outil de politique sociale au lieu de prioriser la réinsertion professionnelle, ce qui marginalisait ses bénéficiaires. L'aide sociale individuelle doit être complémentaire aux mesures de réinsertion professionnelle et non constituer une fin en soi, car l'emploi est le meilleur intégrateur social et permet de retrouver l'autonomie. Il est reconnu au nouveau système une haute qualité de prise en charge des dossiers, mais qualité ne rime pas avec rapidité, et on constate des lourdeurs de procédures, ce qui pourrait être amélioré grâce à une meilleure collaboration entre les différents services.
L'objectif de la LIASI n'est que partiellement atteint. En effet, si le système mis en place assure une réinsertion durable, son taux de réussite demeure insuffisant. Le Conseil d'Etat devrait régler la lenteur et la complexité des périodes de transition pour privilégier une prise en charge soutenue et continue et favoriser une réinsertion professionnelle durable permettant une autonomie stable et définitive, ceci à travers des ajustements structurels recommandés par Evaluanda. L'évaluation a davantage mis en avant un mauvais fonctionnement du système qu'un manque de ressources, quel qu'il soit. L'Union démocratique du centre prendra acte du RD 1146-A et acceptera la motion 2336 telle qu'amendée en commission. Merci, Monsieur le président.
M. Charles Selleger (PLR). Mesdames et Messieurs, le rapport du Conseil d'Etat qui nous est soumis concerne la modification de la LASI, devenue la LIASI, dans laquelle on a introduit des dispositions particulières sur la réinsertion. Cet aspect a été appuyé par rapport aux autres modalités de l'aide sociale individuelle, et ledit rapport se concentre donc logiquement là-dessus, pas sur le reste. Je vais vous lire une phrase qui apparaît à la page 4 et qui résume bien toute la problématique: «le taux annuel de retour en emploi des bénéficiaires de l'aide sociale suivis par l'HG n'a pas augmenté depuis 2012». Il s'agit là d'un aveu d'échec fait par le Conseil d'Etat en toute transparence.
La concrétisation de la nouvelle politique de réinsertion professionnelle s'est traduite par la création d'un nouveau service, le SRP, censé prendre en charge des situations favorables, celles de personnes dont la distance à l'emploi était faible, donc les chances de retour sur le marché du travail élevées. Dans les faits, ce concept a priori prometteur s'est révélé davantage une complication qu'un réel bénéfice, et le taux global de retour à l'emploi n'a pas augmenté.
Certes, ce système est encore jeune et sans doute perfectible, et c'est pourquoi une motion a été déposée et votée par une majorité de la commission. Celle-ci demande que les dysfonctionnements constatés au sein du service de réinsertion professionnelle soient corrigés et qu'une nouvelle évaluation soit réalisée pour les années 2016 à 2019. Le PLR vous propose de prendre acte du RD 1146-A et de soutenir la motion qui nous est proposée.
Une voix. Très bien, Charles !
M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous propose de rejeter le RD 1146 et de le retourner au Conseil d'Etat pour les raisons suivantes: d'abord, le rapport d'évaluation du bureau Evaluanda, sévère dans sa première mouture autant que dans sa version définitive, n'a pas du tout donné lieu à un projet de refonte complète du système, par exemple supprimant ce clone - c'est le terme utilisé par un spécialiste - de l'OCE au sein de l'Hospice général.
Ensuite, ce rapport ne s'est attaché qu'au volet de la réinsertion, représenté par le SRP, et pas du tout au fonctionnement global de l'aide sociale après la dissolution du RMCAS, il ne s'est penché ni sur le fonctionnement des CAS, ni sur toutes les questions qui se posent pourtant indépendamment du service de réinsertion professionnelle.
Enfin, l'approche «work first» sans nuances mentionnée dans le rapport n'a pas été remise en question suite au rapport d'évaluation, sachant que l'application aveugle de ce principe entraînait une séparation artificielle entre personnes dites proches de l'emploi suivies par le SRP, et celles dites éloignées de l'emploi accompagnées dans les CAS, en enlevant par ailleurs des postes aux centres d'action sociale pour les attribuer au SRP. Voilà les raisons pour lesquelles les socialistes vous invitent à refuser purement et simplement ce rapport et à le retourner à son auteur.
En ce qui concerne la motion 2336, le groupe socialiste ne peut pas souscrire à l'amendement sur sa première invite voté en commission, qui a vidé le texte de toute sa substance en supprimant la nécessaire augmentation de l'allocation des ressources. Aussi, il refusera cet objet si l'amendement proposé dans le rapport de minorité n'est pas adopté. En effet, il est inacceptable que l'on demande à l'Hospice général d'améliorer son fonctionnement sans lui en donner les moyens.
Les appels à l'aide du personnel de l'Hospice général exprimés notamment dans une pétition ainsi que l'augmentation du taux d'absentéisme constatée par la direction générale même de l'institution dans le cadre des auditions ne peuvent être ignorés, la réalité du terrain exige des moyens supplémentaires. Je le répète: nous rejetterons la motion 2336, qui partait pourtant d'une bonne intention, si l'amendement présenté par Ensemble à Gauche est refusé. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Comme cela a été signalé à maintes et réitérées reprises avant moi, le rapport d'évaluation de la LIASI est particulièrement sévère quant à la politique de réinsertion du canton et a dans sa ligne de mire le service de réinsertion professionnelle. Ce qui nous a déçus, c'est le manque de réaction du Conseil d'Etat face à ce rapport; certes, il a mis sur pied un groupe de travail et certaines mesures ont été prises, on l'a entendu tout à l'heure, mais de façon timide. C'est ce qui a conduit le parti démocrate-chrétien à proposer la motion qui vous est soumise ce soir, laquelle demande d'accélérer les réformes que pointait l'évaluateur, notamment pour pallier les dysfonctionnements du SRP.
Le principal problème, outre le fait que la LIASI ne remplit pas son rôle premier qui consiste à ramener les gens rapidement vers le marché du travail, c'est que le SRP, pièce maîtresse de ce nouvel appareil législatif, ne fonctionne manifestement pas puisque le taux de retour à l'emploi n'y est pas supérieur à celui que l'on obtient durablement dans les CAS avec les personnes présentant une cessation d'activité plus longue. Le but de notre intervention est d'inciter ce groupe de travail à prendre des mesures plus ciblées - mesures qui, je l'ai dit, commencent à être mises en oeuvre - par exemple en faisant du SRP un service ressources pour qu'il soit plus efficace.
C'est sans doute là que se cristallisent nos divergences avec nos partenaires de la gauche: à notre sens, il vaut mieux utiliser le SRP comme un service ressources au profit des centres d'action sociale avant d'augmenter le personnel nécessaire à la réinsertion, il faut davantage valoriser les compétences des CAS. Voilà ce que nous demandons dans la motion, à savoir que les mesures de retour au travail, jusqu'alors réservées au SRP, soient moins sectorisées et puissent être davantage utilisées dans les CAS. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous proposons d'accepter notre motion. Quant au rapport sur la LIASI, en raison de sa déception à l'endroit de la réponse du Conseil d'Etat, le PDC ne le soutiendra pas.
Mme Frédérique Perler (Ve). Beaucoup de choses ont déjà été dites, je vais essayer d'être concise. S'agissant de la motion PDC qui vient en soutien aux commentaires du Conseil d'Etat sur le rapport d'Evaluanda, les Verts étaient prêts à la soutenir, bien évidemment. Or ce fameux amendement a été voté en commission, annulant l'allocation des ressources prévue dans le texte d'origine. Sur ce point-là, de fait, nous rejoignons la rapporteuse de minorité: si on souhaite améliorer la situation, il s'agit de se donner les moyens d'une telle politique, donc nous voterons son amendement qui rectifie la donne et, si celui-ci devait être refusé par le Grand Conseil, nous nous verrions, ma foi, dans l'obligation de rejeter la motion.
Quant au rapport du Conseil d'Etat suite à l'évaluation de la société Evaluanda, nous n'avons pas constaté d'engagement clair de sa part quant à la poursuite de son travail, quant à ce qu'il comptait véritablement mettre en place. En prendre simplement acte tel quel signifierait que les Verts sont très contents et satisfaits de ce que nous a transmis le gouvernement, ce qui n'est naturellement pas le cas. Comme l'a rappelé la rapporteuse de minorité, il s'agit de ne pas banaliser les résultats de cette étude. Le rapport, donc, ne contient aucun engagement de la part du Conseil d'Etat, bien que celui-ci reconnaisse en filigrane que la LIASI telle qu'elle a été votée, avec le travail en silos qui a été mis en place, s'est avérée totalement inefficace et coûteuse tant sur le plan humain que des deniers publics.
Pour notre part, nous attendons un engagement fort de l'Etat lors de la prochaine évaluation - enfin, si possible avant - de sorte que nous serons très heureux en juin 2020 - je crois que c'est ce qui est prévu - de pouvoir applaudir le rapport divers du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président.
M. Francisco Valentin (MCG). Quand on pose une question et que la réponse ne nous convient pas, il faut reformuler la question. Le département, sous l'impulsion du magistrat Poggia, a déjà effectué un travail titanesque ! Le rapport est susceptible de ne pas plaire parce qu'il ne contient pas les réponses escomptées, mais alors il faudrait en refaire un quasiment chaque année, ce qui est absolument impossible et ne donne pas un point de situation ou une photographie réelle du contexte. Le département a justement pris plusieurs années de recul pour que ce rapport soit le plus objectif possible et, de cette manière, a apporté de nombreuses réponses à des points totalement ignorés à ce jour.
Laissons le temps aux institutions d'accomplir le travail de longue haleine qui leur revient, laissons l'Hospice général et l'office cantonal de l'emploi acquérir une sérénité qui leur manque encore. Le principe du «toujours plus, toujours mieux» tel qu'évoqué tout à l'heure dans un autre débat est typiquement genevois. Non, on essaie de faire au mieux avec ce qu'on a. Laissons un peu de temps au temps: le prochain rapport est prévu pour 2020, c'est-à-dire dans trois ans, Mesdames et Messieurs, pas le siècle prochain ! Pour ces raisons, le groupe MCG soutiendra le RD 1146-A et vous encourage à voter la motion 2336. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Là, Mesdames et Messieurs, on parle des conséquences de la pauvreté à Genève, mais évoquons véritablement la cause. Quelle est-elle ? Les frontaliers, évidemment, l'afflux massif de frontaliers à Genève ! Nous devons mener une politique forte et déterminée en la matière - même si ça choque le président du Conseil d'Etat que nous voulions aller dans cette direction - en mettant des moyens considérables, bien plus qu'ils ne le sont actuellement. Il faut y aller de manière déterminée, allons-y, car c'est uniquement ainsi que nous soignerons le problème à la racine.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais adresser une communication importante à ceux qui l'ignorent encore: la disparition des dinosaures, ce n'est pas la faute des frontaliers... (Rires. Applaudissements.) Non, mais franchement !
L'évaluation de la LIASI nous a démontré une chose, c'est qu'il est absolument nécessaire de changer de paradigme. Comme M. Frey l'a indiqué tout à l'heure, le principe du «work first» n'est plus d'actualité, il faut le considérer avec circonspection. Je vous rappelle qu'on n'a jamais autant parlé de réinsertion que depuis qu'il n'y a plus assez de travail pour tout le monde. On aurait pu prendre cette donnée en considération, juger qu'il fallait tabler sur la reconversion professionnelle, les reclassements, la formation; ce n'est pas ce qui a été entrepris. A la place, on a mis en oeuvre une espèce d'usine à gaz dont on voit maintenant qu'elle ne correspond pas aux besoins.
Il persiste tout de même dans ce rapport une évaluation sévère du dispositif et une volonté exprimée par le département de remédier à un certain nombre de lacunes, ce qu'il faut souligner. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que d'un point de vue méthodologique, l'évaluation s'est focalisée sur le SRP; à certains moments, on a même eu l'impression qu'il s'agissait d'une auto-évaluation, et on relève à cet égard une forme de discrépance pour le moins étonnante entre l'analyse et les recommandations finales. Aussi, indépendamment de la volonté annoncée par le département de procéder à certaines corrections, il nous semble difficile d'accorder un blanc-seing à une démarche qui peine, du moins ouvertement, à reconnaître les erreurs originelles de la LIASI.
Car, puisque c'est l'heure du bilan, il faut le dire: cette réforme a coûté non seulement sur le plan humain et social - ce qui pèse déjà lourdement dans la balance - mais, plus prosaïquement, elle a représenté un coût financier particulièrement conséquent. Alors tenir compte de l'évaluation, oui; corriger la LIASI, bien sûr, cela est nécessaire; mais il faut le faire en parfaite et respectueuse collaboration avec les professionnels et partenaires du terrain, c'est incontournable pour améliorer réellement la situation. Pour notre minorité, ce ne sera qu'à l'énoncé de tangibles engagements allant dans ce sens de la part du département que nous pourrons nous rallier à une prise d'acte du RD 1146-A; à défaut, nous refuserons le rapport du Conseil d'Etat, comme d'autres ont déjà annoncé leur intention de le faire.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter l'amendement présenté à la fin du rapport de minorité, qui consiste à revenir à la teneur d'origine de la première invite de la motion 2336, en précisant que pour qu'une institution puisse faire ce qu'on attend d'elle, il faut lui en donner les moyens, faute de quoi on s'en moque. Ces moyens, vous pouvez aller les chercher là où ils sont disponibles, il faut arrêter de jouer les uns contre les autres. Il s'agit d'une priorité politique, parce que l'aide sociale augmente, tout le monde s'en plaint. Nous devons comprendre le phénomène, nous attaquer à ses causes, ce qui n'est pas le cas quand on se contente d'agir sur la problématique de façon superficielle. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame. Monsieur Falquet, il vous reste dix-huit secondes, le temps de dire un petit bonjour à la famille, mais pas plus !
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Je serai rapide, alors. Pour améliorer la réinsertion, pour donner une chance à l'emploi, il faut avant toute chose gérer les problématiques sociales. Les liens entre milieux professionnels et Hospice général sont très défaillants, ce qui est un scandale. Ensuite - ce n'est pas moi qui le dis, mais le rapport - il convient d'encourager la responsabilité sociale des entreprises, notamment - ça a été relevé aussi, et pas seulement par l'UDC - en instaurant la préférence cantonale en matière d'emploi.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, d'aucuns parmi vous s'étaient opposés à l'abandon du RMCAS, aussi ne suis-je pas surpris de les entendre nous dire aujourd'hui, lorsqu'il s'agit d'évaluer son successeur - c'est-à-dire la LIASI - que cette loi est truffée de défauts. Ils peuvent ainsi claironner: «On vous l'avait bien dit !» Pour ma part, je souhaiterais que le comportement à l'égard de l'évaluation de ce nouvel instrument législatif consiste en une critique constructive qui nous permette d'avancer dans le bon sens, ainsi que certains d'entre vous l'ont exprimé.
Après avoir pris connaissance de cette évaluation, le département a immédiatement mis en pratique des modifications tenant compte des critiques formulées. Ce rapport, je le rappelle, a été dressé sur la base de l'article 56 de la LIASI, qui impose une réévaluation quatre ans après son entrée en vigueur. Nous sommes arrivés à la conclusion que cette loi comportait dans sa mise en oeuvre des défauts qu'il fallait corriger, mais davantage sur la forme que sur le fond.
Les débats se sont principalement cristallisés autour du stage d'évaluation, qui a été qualifié d'inutile, d'humiliant et de coûteux. Je viens de le signaler, le Conseil d'Etat a rapidement pris des mesures pour le rendre plus efficace, pour qu'il ne soit plus ressenti comme rabaissant, pour que les personnes qui n'étaient pas véritablement éloignées du marché du travail, c'est-à-dire qui venaient de dépasser le délai-cadre du chômage, ne soient plus obligées de le suivre. (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Mauro Poggia. Merci, Monsieur le président. Nous avons également relevé les lenteurs du système; initialement, c'est vrai, le but de cette loi était d'intervenir avec célérité. En revanche, nous nous sommes accordés sur le fait que le service de réinsertion professionnelle mis en place au sein de l'Hospice général accomplissait un travail de qualité. Certes, les résultats ne sont pas forcément au rendez-vous, mais ce qui a plutôt concentré les critiques, c'est la centralisation de ce service en un seul et même endroit, à l'écart des centres d'action sociale, ce qui donne l'impression - c'est peut-être davantage qu'une impression - que l'on effectue un tri entre les bons et les mauvais, entre ceux sur qui il faut se concentrer pour leur permettre un retour rapide sur le marché de l'emploi et les autres pour qui cela nécessiterait plus de temps et pour lesquels il faudrait d'abord chercher à régler les problématiques sociales.
Aujourd'hui encore, nous partageons les buts premiers de la LIASI. Il s'agissait d'une part de mettre un terme au RMCAS, jugé inefficace pour l'insertion et susceptible d'enfermer les bénéficiaires dans un système précaire offrant peu de perspectives de sortie, et de le remplacer par un dispositif à la fois plus performant et plus rapide. D'autre part, il s'agissait d'offrir aux usagers de l'aide sociale une prise en charge plus adaptée à leur problématique. Je l'ai indiqué il y a un instant, ces objectifs n'ont pas été atteints, nous avons constaté qu'il fallait réadapter le tout.
C'est la raison pour laquelle la direction générale de l'action sociale, en collaboration avec l'Hospice général, a mis en place un groupe de travail pour examiner de quelle manière nous pouvions prendre en charge plus efficacement les personnes à l'aide sociale. Nous avons redéfini le stage d'évaluation, je viens de le dire, puis réexaminé le rôle du SRP. Dès l'année prochaine, celui-ci sera décentralisé afin que les CAS puissent bénéficier des compétences de professionnels de la réinsertion qui travaillent en relation directe avec l'office cantonal de l'emploi.
En ce qui concerne la motion, Mesdames et Messieurs, son titre est trompeur, car il laisse sous-entendre que le Conseil d'Etat n'aurait pas été capable de tirer les justes conclusions de ce rapport - on nous parle en effet d'une meilleure prise en considération des conclusions de l'évaluation. Nous sommes d'accord sur les constats de même que sur les objectifs à atteindre, et la question est de savoir dans quel délai nous y parviendrons. Si je vous dis que la deuxième étape, soit celle de la décentralisation du SRP, sera effective à partir du début de l'année prochaine, vous constaterez que l'on ne peut pas exactement parler de lenteur.
Cela dit, on ne peut pas suivre telles quelles les invites de cette motion, il ne faut pas oublier que nous sommes soumis à des impératifs liés au droit fédéral. Les mesures du marché du travail, par exemple, sont accordées par l'intermédiaire d'un outil informatique intitulé PLASTA, qui est mis à disposition par le SECO. Malheureusement, en dépit de négociations menées dans ce sens, les collaborateurs de l'Hospice général ne peuvent pas attribuer des mesures du marché du travail via ce programme, seuls des conseillers en réinsertion professionnelle de l'OCE y sont habilités. Aussi, une interface a été mise en place, dont je me suis assuré pas plus tard que cette semaine du parfait fonctionnement, et nous constatons maintenant que l'OCE et l'Hospice général travaillent main dans la main pour assurer un suivi.
A l'époque, le gros problème était le point de rupture: on disait des gens qu'ils tombaient à l'aide sociale; ce n'était pas seulement un terme dénigrant, mais également une réalité puisqu'il y avait une vraie cassure entre le moment où l'on était chômeur et celui où l'on passait à l'Hospice général. Or il s'agissait toujours des mêmes personnes, elles ne changeaient pas en vingt-quatre heures !
J'aurais souhaité, dans les discours que l'on a entendus tout à l'heure, qu'il y ait un peu moins de dogmatisme et que l'on ne se borne pas à dire à l'emporte-pièce qu'il faut avant tout s'attaquer aux causes de la pauvreté; quand on a dit ça, Madame le rapporteur de minorité, on a tout dit, mais on n'a rien fait. Je vous entends à longueur de temps, vous et vos collègues, nous dire qu'il faut combattre la pauvreté et améliorer la formation, mais le seul projet de loi que j'ai vu émaner de votre groupe nous demandait de créer des emplois avec 100 millions - évidemment, rien de mieux pour supprimer les chômeurs que d'en faire des travailleurs et de transformer l'aide sociale en bulletin de paie ! Malheureusement - ou heureusement - ce n'est pas la vision d'une majorité de ce parlement. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote, en commençant avec la proposition de motion 2336. Un amendement a été déposé par la minorité, que vous trouvez à la page 118 du rapport. Ainsi que Mme Haller nous l'a expliqué, il s'agit de revenir à la teneur d'origine de la première invite, c'est-à-dire d'ajouter le segment suivant à la fin de la proposition: «et en allouant davantage de ressources». Je lance le vote sur cette requête.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 39 oui.
Mise aux voix, la motion 2336 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 58 oui contre 31 non et 2 abstentions.
Le président. Maintenant, Mesdames et Messieurs, il vous faut statuer sur le RD 1146-A. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi du rapport de commission RD 1146-A au Conseil d'Etat est rejeté par 62 non contre 28 oui.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport de commission RD 1146-A.