Séance du vendredi 13 novembre 2015 à 20h40
1re législature - 2e année - 10e session - 67e séance

La séance est ouverte à 20h40, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre Maudet, Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Thomas Bläsi, Christian Grobet, Philippe Morel, Jean-Charles Rielle, Pierre Ronget, Francisco Valentin et Yvan Zweifel, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Christian Decorvet, André Pfeffer, Charles Selleger et Marion Sobanek.

Communications de la présidence

Le président. Je salue à la tribune nos anciens collègues, Mmes et MM. Stéphanie Ruegsegger, Alain Meylan, Ueli Leuenberger, Blaise Matthey et Fabienne Gautier. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Néant.

IN 151-D
Rapport de la commission de l'économie chargée de rédiger un contre-projet à l'initiative populaire cantonale 151 "Pour un renforcement du contrôle des entreprises. Contre la sous-enchère salariale"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 12 et 13 novembre 2015.
Rapport de M. Serge Hiltpold (PLR)
PL 11724-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'inspection et les relations du travail (LIRT) (J 1 05) (Contreprojet à l'IN 151)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 12 et 13 novembre 2015.
Rapport de M. Serge Hiltpold (PLR)

Premier débat

Le président. Nous passons à l'initiative 151. Le débat est classé en catégorie II avec trente minutes de temps de parole. Monsieur Serge Hiltpold, vous avez la parole.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour mémoire, l'élaboration de cette initiative par les milieux syndicaux avait été mal perçue par le monde patronal au départ, notamment parce qu'elle n'impliquait que des représentants du monde des travailleurs. Son invalidation partielle par le Tribunal fédéral a permis d'amener tout le monde autour de la table afin de trouver une solution paritaire et équilibrée. Les partenaires sociaux, d'ailleurs ici présents, ont montré avec ce dossier leur capacité à travailler ensemble pour formuler les bases d'un contreprojet solide qui devait encore intégrer un troisième acteur et non l'un des moindres, l'Etat de Genève, pour avoir une vision cette fois complète et tripartite. La commission de l'économie a donc traité ce projet de loi en une seule séance, tout le travail ayant été accompli au préalable, notamment lors du traitement de l'IN 151-C et des travaux préliminaires. Pour la commission, ce projet de loi représente une mesure d'accompagnement qui, tout en gardant une certaine souplesse, doit, d'une part, permettre aux entreprises de lutter à armes égales dans une saine concurrence; d'autre part, pour les employés, il permet de voir se renforcer des mesures de contrôle afin de garantir une rémunération conforme aux conventions collectives de travail ou, à défaut, aux usages des différentes branches. Les entreprises structurées et citoyennes en seront les bénéficiaires et n'auront rien à craindre de cette structure.

Plus concrètement, qu'est-ce que l'IPE, l'inspection paritaire des entreprises ? Elle devrait fonctionner avec un système de milice paritaire, ce qui est fondamental, avec douze représentants par délégation et un bureau, lui aussi paritaire. Il est important de relever le caractère de milice, liant l'engagement dans son milieu professionnel du commissaire et son engagement politique, qu'il soit syndical ou patronal. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les rémunérations seront basées sur les tarifs des CODOF - commissions officielles - que vous connaissez, soit 65 F de l'heure. Ce qui est important, c'est que pour que ce fonctionnement soit efficace, il faut donner des moyens, soutenir la ligne budgétaire et, surtout, que ces mêmes partenaires sociaux prennent leurs responsabilités envers les personnes qu'ils enverront dans ces structures.

Une conclusion personnelle, mais je crois que la majorité de cette commission pourrait la faire: les partenaires sociaux ont démontré dans ce dossier qu'il était possible de travailler pour le bien commun, au-delà des divergences qui subsistent dans d'autres dossiers, dans d'autres thématiques où on s'accroche.

Le président. Vous entamez le temps de parole de votre groupe.

M. Serge Hiltpold. Un partenariat social efficace implique des valeurs qu'il est essentiel de rappeler, aussi peut-être pour le monde politique: la première est la bonne foi, la deuxième, la confiance réciproque. C'est donc à l'unanimité de la commission de l'économie que nous avons soutenu ce projet de loi maintenant déposé par le Conseil d'Etat, et je vous remercie d'en faire de même.

M. Boris Calame (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, 10 octobre 2011 - 13 novembre 2015: près de mille cinq cents jours d'attente pour parvenir à ce vote de raison et quelque peu historique ! C'est un grand moment, Genève comprend enfin que la protection des travailleuses et travailleurs permet aussi de protéger les entreprises honnêtes contre celles qui ne respectent pas la loi, qui pratiquent la sous-enchère salariale, qui utilisent le travail au noir et produisent ainsi une concurrence déloyale totalement destructrice. Il faut se rappeler ici que l'initiative 151 qui nous occupe ce soir résulte du constat fait par les syndicats que les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes n'étaient pas suffisantes et que, d'autre part, certains patrons étaient de véritables félons qui ne respectaient pas le cadre légal de la protection des travailleuses et travailleurs.

Après quelques aléas devant les tribunaux, la modification de la loi sur l'inspection et les relations du travail présentée à notre parlement en tant que contreprojet à l'initiative 151 est le résultat du travail des partenaires sociaux qui ont négocié le texte, à la virgule près. C'est en effet bien tardivement que le département est entré dans la discussion, et il faut bien l'admettre, le parlement est réuni aujourd'hui pour plébisciter ce changement législatif, sans modification aucune, afin d'accueillir la nouvelle inspection paritaire des entreprises. Sans la persévérance de la CGAS et les négociations constructives entreprises avec l'UAPG, nous n'aurions pas la chance de voter ce texte approuvé à l'unanimité à la commission de l'économie.

Le groupe des Verts salue la mise en place prochaine de l'IPE et aussi, il ne faut pas l'oublier, le renforcement des effectifs de l'OCIRT. Nous vous invitons ainsi à voter le projet de loi 11724 sans modification. (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (PLR). Unique en Europe, exemplaire, novateur: tels sont les qualificatifs qu'on a pu entendre ici ou là pour qualifier le contreprojet qui vous est soumis ce soir. Il aura effectivement fallu une initiative partiellement invalidée et refusée par ce parlement - qui lui a opposé un contreprojet - pour que les partenaires sociaux s'assoient à la table des négociations et trouvent un accord paritaire devenu tripartite grâce à l'intégration du département de l'économie dans les négociations; et je tiens à saluer ici la détermination à trouver un consensus qui démontre une fois encore, avec ce système de milice qui sera mis en place, que Genève reste précurseur en Suisse et en Europe en matière de mesures de contrôle du marché du travail. (Commentaires.) Je salue ici les efforts fournis par l'UAPG, avec son président, M. Jean-Luc Favre, Mme Stéphanie Ruegsegger et M. Nicolas Rufener, par la CGAS, avec Mme Manuela Cattani, M. Alessandro Pelizzari, M. Joël Varone, ainsi que par le département, bien évidemment, avec M. Pierre Maudet et Mme Christina Stoll. Je ne peux pas citer toutes les personnes qui ont participé à ce consensus, mais tous ces efforts ont permis à la commission de l'économie, à l'unanimité et sans toucher une seule virgule, de vous prier ce soir d'adopter ce contreprojet qui permettra le retrait de l'IN 151 et d'oeuvrer, comme l'a dit notre président tout à l'heure, pour le bien de la république «qui nous a confié ses destinées». (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je vais continuer dans la même ligne et féliciter les acteurs qui ont permis cet accord aujourd'hui: les syndicats qui ont lancé cette initiative suite à une problématique genevoise, la pression sur les salariés; les milieux patronaux qui ont su répondre avec intelligence à cette demande; enfin, le département de la sécurité et de l'économie qui a su prendre acte de cet accord présenté par les milieux syndicats et les milieux patronaux à la commission de l'économie. Il est vrai que cette même commission de l'économie - les propos du rapporteur de majorité reflétaient cela - était ravie de voir cet accord, ce consensus autour d'un problème avéré pour notre canton.

Au parti socialiste, nous souhaiterions que cette même dynamique puisse continuer. Là, je pense très clairement à l'initiative 155 «Touche pas à mes dimanches !», puisqu'on sait qu'une majorité de droite a refusé cette initiative. Une majorité du Grand Conseil a souhaité développer un contreprojet et le département, en tout cas, aurait quelques idées pour cela. Il serait pertinent de continuer dans cette même ligne, dans cette même direction, avec le même esprit que, tous ensemble, nous saluons ce soir, c'est-à-dire un esprit de consensus. En effet, à Genève, ce n'est que le consensus qui pourra amener une paix du travail, qui permettra de retrouver cette paix du travail. On le voit aujourd'hui même avec la fonction publique. Pour retrouver et regagner cette paix du travail, il est important de continuer dans cet état d'esprit. Bien évidemment, le parti socialiste votera ce projet de loi et il vous invite à en faire de même. Surtout, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à continuer avec le même état d'esprit à propos des autres enjeux fondamentaux en matière de paix du travail. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, par le jeu des échéances, j'ai eu la chance de présider la commission de l'économie qui vous présente ce projet de loi et son contreprojet issu d'une négociation où les trois parties se sont trouvées unanimes. Il est des sujets où il y a un intérêt général à trouver pour les travailleurs et pour les entreprises dont on sait qu'elles pratiquent un dumping salarial et où des engagements sauvages sans contrôle amènent pour finir une baisse de qualité du produit fini. Le groupe UDC se réjouit de cette issue des concertations, de cette issue rare - mais peut-être en avons-nous eu d'autres exemples ce soir - qui consiste à se retrouver en commission, comme président, face à trois groupes, ou du moins deux - je parle du patronat et des syndicats - pas forcément sur la même longueur d'onde, et à les voir réussir à nous proposer d'une même voix un projet non seulement réfléchi, non seulement consensuel, mais qui a l'air parfaitement juste pour régler les situations difficiles qui vont se présenter prochainement à nous. Je ne tiens pas à féliciter à nouveau tout le monde, mais je m'associe aux efforts significatifs, constructifs et concrets de toutes les parties en cause. Notre groupe, l'Union démocratique du centre, ne peut que vous encourager à accepter unanimement ce projet de loi, comme la commission.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, renforcer le dispositif de surveillance des entreprises est une préoccupation portée par les représentants des travailleurs depuis de longues années. Je reprendrai juste un élément de l'argumentaire des initiants en 2011. Il s'agissait des chiffres de l'époque: seules 6% des entreprises sont contrôlées en Suisse. A Genève, l'Etat contrôle mieux les parkings que les entreprises car il dispose d'un inspecteur des parkings pour 319 places de parc, mais seulement d'un inspecteur de travail pour 20 000 emplois. Oui, il fallait remédier à cette situation !

Aujourd'hui, un accord mémorable est intervenu, il faut le saluer. Cependant, combien d'énergie, de démarches, de tractations n'a-t-il pas fallu pour aboutir au texte qui nous est proposé et, fait remarquable et remarqué, satisfait toutes les parties ! Ainsi, aujourd'hui, il y a un consensus sur la nécessité de mettre en place un système de surveillance du marché de l'emploi, et c'est bien. En l'occurrence, le partenariat social, dont parlent le plus ceux qui sont généralement le moins prompts à le mettre en place, a abouti à un texte qui incite à une plus grande discipline en matière de respect de la législation sur le travail, à une plus grande responsabilisation du monde patronal en la matière. Détecter et faire sortir de l'ombre où elles proliféraient les infractions à la législation sur le travail; représenter un outil concret de défense des travailleurs; permettre de lutter contre les abus patronaux; renforcer la quantité et la qualité des contrôles; et, surtout, permettre aux travailleurs d'obtenir réparation et sanctionner les patrons abuseurs: voilà la finalité de l'IPE et nous la soutiendrons farouchement.

Il faut remarquer que l'IPE, en plus de favoriser le contrôle des entreprises, a également permis, au cours des discussions dont elle a été entourée, d'augmenter les effectifs de l'OCIRT et de faire en sorte que l'IPE et l'OCIRT, tout en ayant des compétences spécifiques, puissent travailler ensemble et être complémentaires. L'inspection des entreprises faisait cruellement défaut, l'initiative a donné l'impulsion et le contreprojet l'aura réalisée. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche soutiendra et votera le contreprojet. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Je pense qu'il faut ce soir saluer la belle unanimité de ce Grand Conseil après les quelques échauffourées de cet après-midi. Le signal est extrêmement positif et notre groupe s'en réjouit. Genève a connu une longue tradition de relations bipartites ou tripartites entre syndicats et patronat, le tout avec l'appui bienveillant et positif de l'Etat, en l'occurrence du département à qui s'adressent aussi nos remerciements, montrant en cela que l'on préfère confier ce genre de dispositifs à des gens qui connaissent le terrain, à des gens qui le pratiquent, à des gens qui sont issus du milieu syndical ou patronal. On préfère ainsi travailler avec des gens de terrain plutôt que de se lancer dans des législations compliquées et lourdes à assumer. C'est un bel exemple et c'est une magnifique mesure d'accompagnement.

On a cité tout à l'heure les compliments dont nous avons été gratifiés à Genève, de la part de plusieurs médias, mais également par la Suisse entière - mais oui, Monsieur Maudet ! - qui estime que cette mesure pourrait donner un exemple à d'autres cantons pour des mesures d'accompagnement propres à rassurer nos entrepreneurs par rapport à certains développements, mais également leurs collaborateurs. Il va de soi que le groupe PDC, en félicitant l'ensemble des partenaires et, bien entendu, le département, vous demande de soutenir sans ambiguïté ce contreprojet. (Applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en vous écoutant, je me suis dit que j'avais bien fait de rentrer de mes deux jours de conférence intercantonale dans les Grisons où les propos sur Genève n'étaient pas des plus élogieux: je vois en revenant dans ce parlement que tout n'est que luxe, calme et volupté, et je m'en félicite ! (Rires. Commentaires.) On le doit notamment aux partenaires sociaux et je les salue ! Cela dit, s'il est un point qui attise la curiosité de nos amis confédérés, Monsieur le premier vice-président du Grand Conseil, vous aviez raison de le souligner, c'est notamment notre gestion du marché du travail. Et, depuis bientôt deux ans, depuis le 9 février 2014, j'ai pour habitude de souligner que si Genève s'est prononcée de façon extrêmement claire contre l'initiative votée ce jour-là, à l'instar de quelques autres rares cantons, c'est aussi parce qu'un certain travail a été fait en amont. Ce travail sur la surveillance du marché du travail, précisément, ne date pas d'aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, il date d'hier voire d'avant-hier. Aujourd'hui, il est renforcé et je m'en félicite avec vous ! Il est renforcé avec une disposition que je qualifierai de particulièrement intelligente, qui ne correspond pas tout à fait à ce qui figurait dans l'initiative de départ. C'est une disposition intelligente parce qu'elle évite le piège de la bureaucratie, elle évite le piège de la superposition de différents organes. Elle procède de ce point de vue là d'une manière conforme à l'ADN typiquement helvétique d'une mécanique horlogère compliquée où l'on voit cette inspection paritaire - par nature plus proche des entreprises et des travailleurs - faire un travail de détection en amont. C'est pour nous une vraie valeur ajoutée que de voir cette initiative transcrite en ces termes-là et avec cette situation-là, tout en préservant la capacité pour l'Etat, dans son activité purement régalienne, de sanctionner et de poursuivre jusqu'au bout les activités qui ne seraient pas conformes. On a atteint avec la commission de l'économie un bel objectif, mais je le répète ici, c'est un objectif qui repose sur une longue tradition de collaboration entre les autorités et les partenaires sociaux.

Mesdames et Messieurs les députés, j'associe à ce succès - je parle en effet d'un succès - les partenaires sociaux, mais j'aimerais souligner le fait que Genève a assuré en 2014 un tiers des contrôles effectués en Suisse ! Alors on peut s'inquiéter de ce qui se passe dans d'autres cantons et on peut se réjouir de ce qui se passe ici; c'est ce que je veux retenir. Ici, on a pris le taureau par les cornes et, précisément, c'est un des éléments qui explique sans doute le fait que, dans une large mesure, la population nous fait confiance lorsque la question de savoir si l'on contrôle correctement le marché du travail est soumise à votation. J'aimerais de ce point de vue là m'associer à ce qui a été dit et rendre hommage à l'OCIRT, à sa directrice générale ici présente, à mes collaborateurs, à Mme Catherine Lance-Pasquier, qui a travaillé sur le document qui vous est soumis; mais j'insiste aussi sur le fait qu'avec ce contreprojet tout n'est pas dit et qu'il y a encore du travail. Je le redis ici avec force: le Conseil d'Etat n'hésitera pas à utiliser toute sa marge de manoeuvre s'agissant des extensions facilitées, s'agissant par exemple des contrats-types de travail, qui sont totalement ignorés dans d'autres parties du pays, pour faire respecter le droit et la justice dans le domaine du marché du travail. Nous aurons prochainement, je l'espère et je m'y engagerai personnellement, l'occasion de démontrer cela dans le cas des maçons, profession qui fait l'objet, on le sait, d'un conflit majeur dans l'ensemble du pays. Nous démontrerons peut-être que nous pouvons, si l'on veut bien nous écouter et nous regarder de temps en temps, être un aiguillon pour notre pays, l'aiguillon du partenariat social.

J'avais pris un engagement devant la commission, engagement qui va appeler de votre part une confirmation. Le Conseil d'Etat respecte sa parole, il a déposé dans le cadre du processus budgétaire un amendement de 2 millions de francs pour cette année, 1 million supplémentaire et quelques l'année prochaine pour concrétiser ces mesures. Ce que vous votez ce soir n'a de sens que si c'est accompagné de moyens ! On l'a évoqué tout à l'heure, ces 2 millions sont devant la commission des finances et il faudra bien évidemment leur faire droit. 2 millions, c'est bon marché, c'est même très bon marché, compte tenu de l'objectif que l'on veut atteindre et des moyens que l'on se donne. Je vous invite donc à faire bon accueil à cet amendement.

Enfin, pour conclure, je suis personnellement convaincu que le vote de ce contreprojet ce soir va nous permettre de conserver un marché du travail ouvert et flexible. Je ne l'étais pas au début, je le dis donc d'autant plus volontiers maintenant. Parce que c'est là l'enjeu, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est la capacité pour l'Etat et pour les partenaires sociaux de détecter en amont, de faire des contrôles ciblés et de préserver ce que l'on a de plus précieux aujourd'hui dans la tempête du franc fort, de la fiscalité, de l'immigration de masse: cet élément de stabilité qu'est le partenariat social. Que le vote de ce soir, que j'espère unanime, confirme ces paramètres est essentiel pour notre place économique. C'est votre ministre de l'économie qui vous le dit, et d'autant plus volontiers que le prochain enjeu, l'année prochaine ou à l'horizon de dix-huit mois, portera sur la confirmation par vote de la voie bilatérale. Pour cela, nous devrons nous présenter de façon crédible avec notre capacité de contrôler le marché du travail.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à faire bon accueil à ce contreprojet, à remercier les acteurs principaux de cette opération et à vous rappeler que tout n'est pas encore dit: nous avons encore beaucoup de labeur devant nous pour atteindre l'objectif de justice sociale dans notre marché du travail. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à voter sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11724 est adopté en premier débat par 92 oui (unanimité des votants).

La loi 11724 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11724 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 92 oui (unanimité des votants). (Vifs applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 11724

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 151-D.

R 801
Proposition de résolution de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Jean-Charles Rielle, Salima Moyard, Christian Frey, Roger Deneys, Isabelle Brunier, Cyril Mizrahi pour le maintien de l'emploi et d'un vrai service universel à la Poste (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 12 et 13 novembre 2015.

Débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la R 801, classée en catégorie II, trente minutes. Madame Lydia Schneider Hausser, je vous passe la parole.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous présentons ici une résolution que nous désirons envoyer à Berne. En résumé, la Poste doit cesser de privatiser et de restreindre ses prestations. Que se passe-t-il ? Vous avez certainement vu dans les médias qu'en septembre 2015, la Poste a pris la décision d'externaliser l'ensemble de ses transports par camion. Cela veut dire que ce processus entrera en pratique d'ici à fin 2016. Ce ne sont pas moins de 187 postes sur 14 sites qui seront privatisés dont certains ici, à Genève. Qu'est-ce que cela veut dire en pratique ? Cela veut dire que 187 postes seront transférés au secteur privé, avec, de manière sûre, une diminution de revenus de l'ordre de 1600 F à 2000 F par mois pour les personnes concernées. Cela veut dire qu'avec cette mesure, la Poste transfère son service de transports à des privés sans que des conventions collectives de travail soient exigées des entreprises qui obtiendront ces contrats. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Tout au plus, dans son ordonnance et dans ses contrats, la Poste demande que des négociations soient entreprises en vue de l'établissement d'une CCT, mais elle n'exige même plus une CCT préalable.

Dernièrement, la Poste a restreint ses prestations quant à la distribution du courrier recommandé ou des colis, c'est noté aussi dans la résolution. Dans certains immeubles sans accès ou dans lesquels les boîtes à lait ne sont pas assez grandes pour les colis, les habitants doivent se rendre à la poste. De nouveau, cela veut dire qu'on met dans des situations difficiles les personnes les plus faibles, à mobilité réduite. De même, les personnes qui travaillent à 100% - il y en a un certain nombre - ne parviennent plus à aller chercher leurs colis à moins de prendre une ou deux heures sur leur temps libre, à cause des horaires restreints des bureaux de poste.

Cette résolution demande donc au Conseil national puis au Conseil fédéral de faire en sorte que la Poste arrête de privatiser et qu'elle revienne sur sa décision concernant les employés qui transportent les colis de la Poste, c'est-à-dire les camionneurs. Je vous remercie de faire bon accueil à cette résolution. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien est aussi préoccupé par la baisse de la qualité du service de la Poste, surtout pour les personnes âgées. Actuellement, si on vous livre un paquet, il faut descendre dans le hall de l'immeuble pour aller le chercher. Alors imaginez une personne âgée qui a de la difficulté à se déplacer: elle ne veut pas aller chercher son paquet. C'est la même chose pour la distribution de l'argent, qui ne se fera plus au niveau des appartements. Or, beaucoup de personnes âgées touchent leur AVS directement par le biais du facteur qui vient l'apporter. Cette perte est préoccupante pour nous, parce que c'est un plus que l'on offre à la population, c'est un service à la population, et la Poste ne peut pas se comporter comme n'importe quel autre service: elle doit ce service à la population et nous payons des impôts pour que ces services soient rendus. Le parti démocrate-chrétien soutient cette proposition et demandera son renvoi à la commission de l'économie.

M. Boris Calame (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, la Poste: service public. Quel pourrait être son véritable intérêt à distribuer le courrier directement chez son destinataire, alors même qu'il est client captif ? La mission de service public qui lui est donnée devrait permettre ledit service à la population. Non, Mesdames et Messieurs les députés, cette façon que la Poste a choisie pour rationaliser ses distributions n'est pas anodine. C'est en effet la meilleure façon d'obliger ses clients - encore une fois, captifs - de venir à l'office postal pour acheter d'autres services, produits ou encore prestations, ce qu'ils n'auraient pas fait autrement. Nous sommes ici dans une stratégie de marketing totalement sournoise. Non seulement le nombre d'offices postaux s'est drastiquement réduit ces dernières années, au plus grand désarroi des personnes à mobilité réduite, des travailleuses et travailleurs, des familles et, encore, de nos aînés, mais la Poste est aussi devenue un des plus grands bazars de Suisse, où il est important de faire venir le client pour gonfler le chiffre d'affaires et le bénéfice. Que reste-t-il alors du service public ? Pas grand-chose, si ce n'est de vouloir séduire les clients - captifs - en exposant à la vente «bonbonnaille», articles en tous genres et autres gadgets ! De fait, la Poste est devenue un concurrent direct de bon nombre de petits commerces de quartier. Du moment qu'elle oblige ses clients captifs à rejoindre l'office qui leur est assigné, elle joue et pratique quotidiennement une concurrence déloyale institutionnalisée. Le groupe des Verts vous encourage à voter cette résolution afin que la Poste redevienne ce qu'elle devrait être: une entreprise au service de la population.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous permettrez à l'Union démocratique du centre de dire qu'avec une résolution pareille, le parti socialiste fait preuve d'une totale incohérence. D'un côté, vous nous dites que vous voulez maintenir l'emploi, certes, mais est-ce que la prestation qui vous est chère dans nombre de vos prises de parole est négligée ? Non, on va simplement vers des petits emplois; on va vers des petits bureaux de tabac; on va vers des épiceries de montagne, peut-être. Mesdames et Messieurs les députés, avec ce type de résolution, vous me permettrez de vous mettre face à vos responsabilités. Parce que si vous étiez un peu plus souverainistes dans la manière de concevoir l'économie de la Suisse, peut-être n'auriez-vous pas eu à rédiger ce texte. Il est certain que face à l'intérêt et aux discussions que va susciter cette résolution, l'Union démocratique du centre ne s'opposera pas à son renvoi en commission - de l'économie, je crois.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG soutiendra également cette résolution et la renverra également en commission. Ça ne date pas d'aujourd'hui et ça s'accélère malheureusement, la Poste démissionne de ses véritables missions de service public, poussée par le fait qu'on lui demande de rentabiliser toujours plus toutes ses opérations. Tout ça, en bout de course, a des conséquences: les fermetures de bureaux de poste, la délégation des transports à des entreprises privées dont on ne sait pas trop comment les employés sont payés, mais on peine à imaginer que leurs salaires soient équivalents à ceux qu'ils avaient en travaillant pour la Poste. Très certainement, ce sont de petits salaires.

On se rappelle encore de l'époque où le facteur venait, sonnait à la porte et apportait l'AVS dans sa sacoche en cuir chez les gens. Aujourd'hui, c'est vrai, cela a disparu. Internet aurait remplacé tout ça ? Internet n'a rien remplacé du tout ! Parce que ce que faisait le facteur de l'époque, c'était aussi du lien social, quelque part ! Et, maintenant, ce lien social a disparu et on doit le maintenir par ailleurs, avec l'IMAD, avec les assistants sociaux, avec l'Hospice général. Tout ça à nos frais, tandis qu'avant, c'était fait directement par la Poste. En tout cas, celle-ci participait à la diminution de cette demande. Cette résolution va dans le bon sens et je me réjouis qu'elle soit étudiée en commission, pour voir ce qu'il est possible de faire. Effectivement, la Poste est devenue un bazar et les employés au guichet de la poste sont plus incités à vendre leur bazar qu'à délivrer les prestations que les gens en attendent, pour les lettres et autres. C'est donc une bonne chose, espérons qu'on arrivera à sortir quelque chose à envoyer à l'Assemblée fédérale qui tienne la route ! Je vous invite donc à soutenir cette résolution et à la renvoyer en commission.

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que cette résolution pose un certain nombre de problèmes quand on mesure toutes les nombreuses activités de la Poste. En fait, si on regarde bien, la Poste a un service pour les lettres, pour les colis; elle a des services financiers. Je crois que cela mérite un renvoi à la commission de l'économie, pour analyser quelle est la politique de la Poste, en tout cas dans le canton de Genève. Quel est le déploiement de ses activités ? Est-ce qu'il y a une différenciation de sa politique en Suisse romande ou en Suisse alémanique ? Comment est-ce qu'elle traite la distribution des colis - qui semble libéralisée - dans le milieu rural ou dans le milieu urbain ? Ce n'est pas le même tissu et il n'y a peut-être pas le même service. Qu'est-ce que la Poste déploie comme service à Genève ? Je pense que cette résolution a le mérite de poser un certain nombre de questions. Pour le PLR, le meilleur endroit pour y répondre est la commission de l'économie, afin de voir ce qu'est un marché de monopole, ce qu'est un marché libéralisé et quels sont les aspects sur lesquels on peut agir. Je vous invite donc à renvoyer cette résolution à la commission de l'économie.

M. Pierre Vanek (EAG). Deux ou trois remarques; je serai très bref, comme à mon habitude. D'abord, pour briser le consensus consistant à dire qu'il faut renvoyer cette résolution en commission: sérieusement, les demandes concrètes que l'Assemblée fédérale examinera - en combien de temps ? Trois minutes et demie, si tout va bien ! - sont de maintenir l'emploi et le service universel, de préciser si nécessaire la législation fédérale. On ne va pas faire des dizaines d'heures de réunion: j'ai entendu les réserves libérales, mais tous les groupes sont d'accord. On évoque notamment une décision de la Poste prise en septembre 2015. Eh bien, si on veut rendre possible une quelconque intervention sur ce thème, il ne faut pas renvoyer ce texte en commission, remettre ça vingt-cinq fois à l'ordre du jour - comme une autre motion que nous avons traitée cet après-midi - et aboutir à quelque chose dans deux ou trois ans seulement ! Si nous sommes d'accord, renvoyons-la ou votons-la pour qu'elle soit transmise immédiatement à l'Assemblée fédérale ! Ce genre de résolution a un poids très limité, d'autant plus limité qu'elle intervient une, deux ou trois années plus tard ! Donc, mon Dieu, votons si nous sommes d'accord ou s'il y a une majorité ! Votons ça ce soir, ça ne mange pas de pain !

Quand même, Mesdames et Messieurs, il y a deux ou trois choses qu'il faut dire: tout ceci est le produit d'un processus de libéralisation du marché postal, de démantèlement de la grande régie publique qu'étaient les PTT en 1997. Alors nous avons tenté, très modestement, de ce côté-ci de la salle, de lancer un référendum fédéral pour enrayer cette mécanique délétère. (Brouhaha.) Maintenant, on subit les conséquences du démantèlement des PTT, les conséquences de la privatisation des télécoms qui ont fourni des recettes à toutes sortes de multinationales, recettes qui allaient auparavant au financement du service postal, avec l'exigence fédérale de faire de la Poste une entreprise comme une autre. De ce point de vue là, il faut s'armer, trouver des réponses et entamer un processus de reconquête en faveur du service public, en faveur du monopole public; mais ce n'est pas le propos de cette résolution. Notre collègue Boris Calame a martelé que la Poste avait des clients captifs et que cela lui profitait...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pierre Vanek. Il les a appelés clients captifs d'un monopole public, mais non, Mesdames et Messieurs, non ! (Exclamations.) Il s'agit d'usagers et de citoyens. Et nous pouvons, grâce à des votes comme celui que nous ferons dans cette assemblée, influencer et piloter la direction de cette entreprise publique ! C'est ça qu'il faut faire et il faut s'armer, dans nos rangs et en face, parce que vous en voyez les effets ! Je m'adresse à M. Lussi qui faisait aussi des reproches au parti socialiste.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pierre Vanek. Il faut rompre avec le néolibéralisme et il faut reconquérir les espaces pour le service public !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, c'est terminé !

M. Pierre Vanek.  (Hors micro.) Mais pour ce soir, nous vous proposons de voter cette très bonne résolution ! (Applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je n'ai pas une voix comme celle de M. Vanek, mais je n'en pense pas moins ! Une majorité s'est dessinée pour un renvoi en commission: c'est dommage ! C'est dommage, parce que plusieurs cantons ont déjà envoyé de telles résolutions. Il y a aussi eu des pétitions dans certains cantons qui sont beaucoup plus touchés, peut-être parce qu'ils possèdent de plus grandes unités de camionneurs. Par rapport au service postal et à sa détérioration, il est clair que cela a encore des conséquences beaucoup plus importantes dans des cantons moins urbanisés que Genève, mais à Genève aussi, cela pose des problèmes. On renvoie en commission, on peut faire traîner et enterrer une résolution ainsi. Dommage ! Nous continuerons à soutenir le renvoi direct au Conseil d'Etat et nous verrons quelles seront les majorités.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin pour quarante secondes.

Mme Danièle Magnin (MCG). Très vite alors, Monsieur le président ! Je voulais simplement dire que nous avons auditionné la Poste à la commission des pétitions de la Ville, et ça a été un dialogue de sourds. Il faut agir vite. Je suis d'avis qu'il ne faut pas renvoyer en commission, mais, au contraire, agir tout de suite.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Brièvement, Monsieur le président, j'aimerais dire qu'il y a un dialogue constant avec la Poste, contrairement à ce qui vient d'être affirmé. Pour ma part, je la rencontre chaque année et il y a une discussion sur les bureaux de poste, sur les cases postales et sur les prestations de services, qui va largement au-delà de ce qui est inscrit dans cette résolution. C'est déjà une bonne raison pour renvoyer en commission et, je sais que vous y êtes sensibles, notamment de ce côté-ci de l'hémicycle... (L'orateur désigne les bancs de gauche.) ...un autre des enjeux est évidemment la question de l'aide à la presse et du tarif imposé aux journaux pour leur distribution. Pour ma part, je ne peux que vous inciter à renvoyer ce texte en commission pour avoir une discussion avec les dirigeants de la Poste qui viendront bien volontiers. Je pense que c'est une discussion qui vaut la peine d'être menée. Ensuite, j'aimerais quand même dire ici, notamment au député Vanek qui a les idées très arrêtées, mais semble-t-il toutes arrêtées dans les années nonante, parce que les PTT ont changé il y a dix-huit ans: il faudrait peut-être se mettre à jour ! On parle à l'horizon dix ans d'une suppression totale des facteurs et de leur remplacement par des drones: ce n'est pas forcément mon modèle de société, mais je pense que ça vaut au moins la peine d'en parler, d'en discuter. Rien que pour cette raison, je vous invite à renvoyer cet objet en commission.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais voter l'assemblée sur la proposition de renvoi à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 801 à la commission de l'économie est adopté par 54 oui contre 28 non et 2 abstentions.

R 765-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Roger Deneys, Lisa Mazzone, Isabelle Brunier, François Lefort, Boris Calame, Sophie Forster Carbonnier, Yves de Matteis, Lydia Schneider Hausser, Jean-Charles Rielle, Frédérique Perler, Cyril Mizrahi, Christian Frey, Irène Buche, Michel Ducommun, Thomas Wenger, Salika Wenger, Magali Orsini, Bernhard Riedweg : Stop au secret des négociations de l'Accord sur le Commerce des Services (ACS) (Initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.
Rapport de majorité de M. Boris Calame (Ve)
Rapport de minorité de M. Edouard Cuendet (PLR)

Débat

Le président. Nous passons à la R 765-A, classée en catégorie II avec quarante minutes de temps de parole. Je passe la parole à Mme Salima Moyard pour la lecture des courriers 3504 et 3496.

Courrier 3504 Courrier 3496

Le président. Je vous remercie, Madame Moyard. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Boris Calame.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, s'agissant des accords secrets sur la libéralisation des services actuellement en cours de négociation entre divers Etats, il faut reconnaître que la transparence voulue par notre système démocratique n'est pas respectée. Certains, à l'exemple du rapporteur de minorité, diront que la théorie du complot est de retour, eh oui ! La majorité de la commission de l'économie estime toutefois que notre service public pourrait être mis en danger et notre système démocratique détourné. Le SECO est venu nous dire en commission que le cadre initial de négociation de la Suisse était disponible sur son site - en anglais - et que tous les documents étaient publiés. Je suis retourné pas plus tard qu'hier sur le site du SECO pour voir si l'information disponible avait quelque peu augmenté depuis le mois de juin: rien de nouveau ! Le dernier communiqué du SECO relatif à cela date du mois d'août 2014. Est-ce à dire que les négociations ont été interrompues ou, plus justement, que les parties en négociation ont interdit à la Confédération de communiquer sur l'avancement des travaux ? Nous n'avons pas la réponse du moment que ces négociations sont secrètes et que, sous ce prétexte, le Conseil fédéral n'entend pas répondre aux questions, même récentes, des parlementaires fédéraux.

Alors il faut bien se demander s'il est concevable, dans notre système de démocratie, de vilipender pareillement les élus et le peuple suisse. Nous avons reçu pas plus tard qu'hier, à l'entrée de notre parlement, une lettre d'information du comité «Stop TiSA». Pour ne pas répéter le contenu de mon rapport du 1er septembre que vous avez lu toutes et tous avec attention, sans aucun doute, je vous propose quelques extraits de ladite lettre: «Mesdames et Messieurs les députés, les négociations concernant TiSA ont été engagées sous la pression des multinationales étasuniennes et européennes réunies dans le Global Services Coalition. Cet accord répond aux intérêts des multinationales et des milieux financiers qui veulent réduire au maximum toute intervention des Etats en matière d'économie, de protection sociale ou environnementale qui pourrait porter atteinte à leurs profits futurs. TiSA constitue une grave menace pour les petites et moyennes entreprises ou les entrepreneurs indépendants qui ne pourront régater avec les multinationales géantes dans un marché des services mondialisé. Qu'on songe à la compétition féroce qui s'ouvrirait à propos des marchés publics, avec des collectivités sommées d'adjuger le marché au moins-disant. Cette compétition déboucherait sur des suppressions massives d'emploi là où ils sont correctement rétribués et favoriserait partout le dumping salarial. Les syndicats eux-mêmes seraient totalement désarmés face à de tels pouvoirs. TiSA est une attaque en règle contre les services publics, contre le bien commun. Sous couvert de concurrence libre et non faussée, les cliniques et les écoles privées pourraient exiger d'être subventionnées au même titre que les hôpitaux et les écoles publiques et tout cela aux frais du contribuable. TiSA pousse à une nouvelle déréglementation dans le système financier. Ceci nous exposerait à de nouvelles crises financières mondiales. Tous les mécanismes de TiSA poussent implacablement dans un sens unique, celui de l'ouverture au commerce mondial. Impossible pour les Etats de revenir en arrière ou de choisir une autre voie, même en cas d'expérience catastrophique. TiSA constitue enfin une menace pour la démocratie, les gouvernements qui négocient cet accord tendent aujourd'hui à se déposséder eux-mêmes de leurs prérogatives politiques et, surtout, à brader les droits démocratiques de leurs populations. Ce dont nous avons besoin, ce sont des échanges entre les peuples fondés sur le principe de la réciprocité et de l'avantage mutuel et non ces traités de libre-échange basés sur la compétition qui consacrent la loi du plus fort et tuent la démocratie. Plusieurs villes et communes se sont déjà déclarées zones hors TiSA. Il s'agit à Genève des villes de Carouge, Meyrin, Plan-les-Ouates et Genève, mais aussi les communes de Puplinge ou de Meinier se sont exprimées dans le même sens. Les villes de Lausanne et de Renens se sont déclarées villes hors TiSA. Enfin, la Ville de Zurich vient elle-même de se déclarer "TiSA free zone". C'est pourquoi nous vous demandons qu'à l'instar de ces villes et communes et en vous inspirant de leurs prises de position, votre assemblée plénière vote en faveur de la résolution 765.» C'est signé par le comité «Stop TiSA».

La majorité de la commission de l'économie vous encourage aussi à voter cette résolution afin que les doutes soient levés et que nos systèmes démocratiques soient préservés.

Présidence de Mme Christina Meissner, deuxième vice-présidente

M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Je dois dire que les auditions que nous avons faites à la commission de l'économie sur cette négociation étaient assez sidérantes: au fond, nous avons vu tout un défilé de personnes qui nous ont dit exactement la même chose puisqu'elles viennent du même comité et qu'elles nous ont répété le même texte que nous avons d'ailleurs de nouveau entendu ce soir. L'effet de répétition était lassant, surtout que nous avons auditionné à peu près la terre entière, même une personne qui est venue spontanément, sans qu'on lui ait rien demandé. Enfin bon, ça c'est la démocratie participative !

En revanche, les rares personnes que nous avons refusé d'auditionner se sont bruyamment manifestées, notamment le Mouvement vers la révolution citoyenne qui nous a expliqué que c'est lui qui avait remis le texte de la résolution à M. Deneys, premier signataire. C'est pour ça que je me suis permis de faire une petite remarque et de dire que c'était un peu surprenant que l'UDC, supposée attentive aux intérêts de l'économie, se rallie à ce mouvement. Elle se rallie d'autant plus qu'elle renforce la résolution: il ne faudra pas qu'ils nous disent après qu'ils sont le parti de l'économie !

Cela étant dit, après ces longues auditions de tous ces mouvements tiers-mondialistes d'extrême gauche, nous sommes revenus à un peu plus de modération et de rationalité avec le président du Conseil d'Etat François Longchamp qui nous a rappelé que ces négociations, si elles devaient aboutir, feraient l'objet d'un message du Conseil fédéral aux Chambres fédérales; que les commissions compétentes étudieraient le texte; que les Chambres fédérales le ratifieraient si elles l'estimaient bon et, autrement, le rejetteraient. Et, en cas de ratification, cela pourrait faire l'objet d'un référendum facultatif, conformément à nos institutions démocratiques. A cela s'ajoute que ce sujet a fait l'objet de rapports à la commission compétente des Chambres fédérales - cela a été confirmé, j'ai mis les références dans mon rapport. C'est donc assez clair.

M. Longchamp a aussi précisé que les services publics étaient spécifiquement exclus des négociations, qui ne portent que sur les services commerciaux, et il a quand même rappelé une chose assez importante: Genève, en tant que siège de l'OMC et de nombreuses organisations internationales, est le lieu où se déroulent de très nombreuses négociations multilatérales ou bilatérales, au niveau mondial. Cela donnerait évidemment un signe catastrophique pour la communauté internationale si Genève poursuivait dans la voie du rejet de ces négociations.

Ensuite, toujours dans le domaine du raisonnable, nous avons entendu l'ambassadeur Winzap du SECO qui nous a aussi expliqué que ces négociations portaient exclusivement sur les services commerciaux, que l'information était incluse dans les rapports à la commission sur l'économie extérieure et que les textes étaient disponibles sur le site du SECO. Seul péché majeur avoué: ces textes y figurent en anglais, mais dans un pays international accueillant des négociations internationales, je crois que ce n'est pas si criminel que ça. L'ambassadeur a aussi rappelé tout le processus démocratique qui prendrait place si cet accord aboutissait. Il a encore mentionné une chose très importante: le commerce de services est évidemment un enjeu majeur pour l'économie suisse puisque ce pays exporte pour 90 milliards de services et en importe pour 50 milliards. Ce n'est donc pas anecdotique, et l'ambassadeur M. Winzap nous a rappelé qu'il était très important que la Suisse ait accès à ces marchés.

Ensuite, je me suis permis de vous fournir dans mon rapport de minorité quelques données chiffrées, parce qu'on a parlé de grands principes, de cet affreux complot mondial contre les services publics, alors qu'ils sont exclus des négociations. J'ai donc donné quelques chiffres en rappelant que plus de 65% du PIB genevois résultait des services: nous dépendons fortement de ce secteur. En plus, nous sommes dans le domaine des services d'exportation et nous devons avoir accès à ces marchés étrangers très importants pour nous. D'ailleurs, la lettre qui nous a été lue par M. le rapporteur de majorité fustigeait les traités de libre-échange: je rappellerai ici par exemple que le traité de libre-échange signé récemment entre la Chine et la Suisse a été vivement salué par les autorités genevoises et par M. Maudet en personne. Cela a notamment favorisé la création d'une ligne aérienne directe entre Genève et Pékin et les marchés chinois sont extrêmement importants, tant pour nos produits manufacturés que pour nos services.

Pour conclure, il est faux de prétendre que ces négociations sont secrètes puisque les données sont fournies aux autorités politiques et qu'elles sont accessibles sur le site du SECO. Il s'agit de négociations interétatiques. L'invite qui demande d'inclure dans la délégation des représentants des milieux économiques, syndicaux et politiques est donc totalement hors de propos et ne correspond à aucune réalité du monde des négociations. Les services publics sont expressément exclus du champ de négociation, un référendum sera possible et je rappelle que la prospérité économique genevoise dépend fortement des services et de l'accès aux marchés par les prestataires de ces mêmes services. De plus, nous accueillons les organisations internationales et nous aurions tort de fustiger celles-ci ainsi que les négociations qui peuvent se dérouler chez nous. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir le rapport de minorité.

Un élément très important que nous a rappelé le président du Conseil d'Etat est le fait que les très nombreuses initiatives, résolutions et autres émanant du canton de Genève sont accueillies avec presque de la moquerie de la part de Berne, parce qu'on s'y est habitué à ce langage outrancier et «complotiste», en l'espèce. M. Maudet, qui revient des Grisons, a pu confirmer que Genève, dans ses excès - je pense à la grève, par exemple - était jugée de manière extrêmement goguenarde par nos amis helvétiques qui sont souvent beaucoup plus raisonnables que nous à tous points de vue.

Je vous invite donc à rejeter cette proposition de résolution et l'amendement déposé par le groupe UDC qui veut déclarer le canton de Genève zone hors TiSA: on peut déjà vous dire que ça va passionner les Chambres fédérales de recevoir cette résolution contenant cette invite qui n'a aucun sens, de toute manière et en particulier dans cette résolution adressée aux Chambres !

Mme Magali Orsini (EAG). Pour faire plaisir à M. Cuendet, je vais répéter une fois de plus l'essentiel de ce qu'ont dit jusqu'à présent les membres du comité unitaire. (Commentaires.) Je répète donc que TiSA ou ACS sont des accords commerciaux négociés en marge de l'OMC pour ouvrir entièrement le commerce des services à la concurrence. Le secteur des services représente 70% de l'économie de la Suisse. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici, j'ai déjà vécu la période des premières négociations AGCS; l'ambassadeur suisse auprès de l'OMC trouvait par exemple normal de négocier la libéralisation ferme et définitive du secteur des assurances pendant que nous étions dans la rue en train d'essayer pour la première fois d'instituer une caisse unique. Si cet accord est signé, cela signifiera qu'il est irréversible; c'est une des caractéristiques de ce genre du traité. Donc, plus jamais il ne pourra y avoir une caisse maladie étatique, publique, en Suisse, simplement parce qu'on aura définitivement libéralisé le secteur des assurances.

Cette affaire n'est pas du tout une plaisanterie: je vous signale que la notion de service public n'existe pas à l'OMC. On y parle de services universels, et les trois fonctions de l'Etat - la part régalienne de l'Etat qui échappe à la notion de services universels - sont la police, la prison et les tribunaux. Pour le reste, tout est libéralisable, bien entendu y compris, surtout, l'école. On va commencer à nous dire que nos écoles publiques subventionnées font concurrence aux écoles privées puisqu'elles sont gratuites, que ça ne devrait donc pas exister, etc.

Notre souci principal, c'est évidemment le service public; nous n'avons rien contre la concurrence de prestations qui relèvent du secteur privé, mais le but avoué des multinationales, c'est d'échapper aux législations nationales, c'est de casser les législations des Etats-nations. C'est extrêmement grave, elles ne veulent plus que des tribunaux internationaux, arbitraux, qui, jusqu'à présent, ont systématiquement donné raison aux multinationales. Pour ces raisons, bien entendu, Ensemble à Gauche vous confirme son accord avec cette résolution.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, les lettres dont vous avez entendu la lecture - comme d'ailleurs une bonne partie des débats à la commission de l'économie - ont montré une alliance claire des opposants à toute ouverture internationale et à tout traité international avec les opposants à toute libre entreprise. C'est une alliance curieuse et contre nature mais dont l'effet a été redoutable et efficace puisque la majorité de la commission a accepté cette résolution.

Je ne reviendrai pas sur ce que M. Cuendet a déjà précisé quant aux auditions et à leur côté folklorique, mais il est quand même intéressant de constater qu'il a fallu que le représentant du SECO, après le président du Conseil d'Etat, fasse quasiment une leçon de civisme pour l'éducation personnelle de certains députés en rappelant les processus démocratiques auxquelles sont soumises tant les négociations que la conclusion d'accords internationaux: il s'agit d'une négociation par des hauts fonctionnaires, pilotée par le Conseil fédéral, soumise aux Chambres et accompagnée d'un message, votée par les Chambres et, enfin, votée par le peuple en cas de référendum.

Le reproche le plus fort adressé à ces négociations et à nos négociateurs est le manque d'information. M. Calame a constaté tout à l'heure que le site du SECO n'avait pas bougé depuis 2014. C'est vrai que depuis 2014 ces négociations sont au point mort: elles ont commencé en 2012 et à l'heure actuelle, elles stagnent. Donc, il n'y a pas de raisons de modifier le contenu du site internet. Il faut rappeler que ce site était régulièrement mis à jour jusqu'à ce moment, mais il est clair aussi que les positions des différents négociateurs des différents pays ne figuraient pas sur le site, ce qui est normal. Toute négociation, surtout si elle est internationale, demande une certaine confidentialité voire un certain secret. Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant par rapport à cela. (Brouhaha.) Il faut rappeler peut-être aussi que le SECO rend compte... Monsieur Ivanov, s'il vous plaît ! Le SECO rend compte chaque trimestre des progrès de ces négociations à une commission où les syndicats sont représentés et il serait peut-être bon que le Cartel intersyndical se renseigne sur la présence des syndicats faîtiers à cette occasion. Il faut aussi préciser - cela a été dit et redit - que la négociation porte effectivement sur tous les services à l'exclusion des services publics.

Mesdames et Messieurs, des négociations de ce type impliquent obligatoirement une certaine confidentialité et un certain secret. Les processus démocratiques internes que nous connaissons en Suisse nous mettent à l'abri de toute mauvaise surprise par rapport à cela. J'ajouterai ensuite que la balance entre nos exportations et nos importations est positive pour la Suisse puisque nous exportons pour 90 milliards de francs de services et que nous en importons pour 50 milliards. Nous avons donc une balance positive de plus de 40 milliards de francs. Cette résolution est non seulement inappropriée et va à nouveau couvrir Genève de ridicule...

La présidente. Il vous reste quinze secondes.

M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Madame la présidente, je compte sur votre mansuétude ! Je conclurai simplement en citant la dernière invite qui vous est proposée par l'UDC et le MCG: «soutenir la présente résolution et déclarer le canton de Genève zone hors TiSA». J'avoue que deux cents ans après l'adhésion de Genève à la Confédération, ça fait un peu désordre de déclarer Genève hors TiSA, c'est-à-dire hors de Suisse !

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, c'est au nom de la transparence et pour le respect de la démocratie qu'il est nécessaire d'agir. Je pense que ces deux seuls éléments prévalent largement sur un éventuel dégât d'image. Après les initiatives de villes qui se sont déclarées les unes après les autres zones hors TiSA, comme Genève, Carouge, Meyrin ou encore Plan-les-Ouates, le canton de Genève doit lui aussi donner un signal fort à Berne et promouvoir l'opposition à TiSA. L'accord TiSA se négocie en toute opacité, dans le plus grand secret, dans le cadre d'une coalition de pays volontaires: on ne sait pas bien ce qui s'y discute, par contre, on sait que notre service public est menacé. Cet accord sur le commerce des services est un accord de libre-échange qui prévoit la libéralisation de pans entiers du service public, que ce soient la santé, la formation, l'énergie et, également, l'agriculture. L'objectif est de placer ces domaines sous la compétence juridictionnelle de l'OMC - hors du contrôle des Etats, hors du contrôle de la population. Sommes-nous d'accord de laisser l'appétit des multinationales dévorer notre démocratie ? Voulons-nous réellement soumettre nos services aux lois du marché ? Parce que TiSA menace les normes sociales, les normes environnementales, la protection des consommateurs et la voix du peuple, les Verts soutiendront cette résolution, et je vous encourage, par respect pour notre démocratie, à en faire autant. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour l'Union démocratique du centre, la seule, la vraie question que l'on doit se poser est la suivante: comment est-ce possible qu'on arrive à perdre du temps pour discuter d'un objet qui attaque notre souveraineté helvétique ? Contrairement à ce que j'ai cru entendre, nos processus démocratiques ne nous protègent pas de tels accords. Je mentionne aussi la fâcheuse tendance prise par le Conseil fédéral de court-circuiter les Chambres en légiférant par ordonnances. Et ça, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons en être conscients ! Au-delà de cela, je me permettrai de citer notre conseiller national Yves Nidegger à propos de cette résolution: «Dommage que le contenu soit si mal écrit, mais sur le fond je voterais oui.» Oui, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le rapporteur de majorité, il est dommage - parce qu'on dit qu'on attaque les fonctionnaires - que vous preniez seulement enfin conscience des dangers de la perte de souveraineté pour la Suisse que vous êtes les premiers à accepter, lorsqu'il s'agit de soutenir ou d'entrer à pieds joints dans l'Union européenne et dans tout ce qui suit !

Mesdames et Messieurs les députés, par rapport à ces négociations, qu'en est-il ? On est en train de court-circuiter bien des choses. Comme l'a dit avec élégance le rapporteur de minorité, les marchés sont importants, nous ne pouvons pas nous en priver. Certes, il ne s'agit pas de s'appauvrir, mais est-ce la seule solution, faire profil bas et tout accepter parce que prétendument ce sont les marchés qui assurent la richesse de la Suisse ? (Commentaires.) Or, c'est ce qui se passe, c'est la volonté américaine, depuis MM. Reagan et consorts ! Nous n'en étions pas là et la Suisse s'en sortait bien. Aujourd'hui, Monsieur le rapporteur de majorité, non pas pour ce que vous avez dit ou écrit, non pas pour ce qui a été lu, mais pour des raisons de sauvegarde de notre nation, de sauvegarde de nos principes démocratiques, de sauvegarde de notre souveraineté helvétique, l'Union démocratique du centre soutiendra votre résolution.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Marc Falquet pour une minute trente.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Madame la présidente. L'Union démocratique du centre soutient l'économie, mais pas à n'importe quel prix ! Il s'agit vraiment d'un hold-up sur les PME. Je ne comprends pas le PLR et surtout le PDC qui parlent toujours de valeurs. Quelles valeurs défendez-vous là, exactement ? Je vous rappelle également que l'Uruguay vient de sortir des accords secrets, il y a environ trois semaines. Ce n'est donc pas pour rien ! Je vous suggère à tous de voter aussi l'amendement, ce qui permettra au canton de Genève également de se déclarer zone hors TiSA, comme l'ont déjà fait plusieurs communes dont la Ville de Genève.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet d'accord n'est effectivement pas une bonne chose. D'ailleurs, si les accords sont discutés en dehors de l'OMC, c'est parce que les parties n'ont pas réussi à le faire dans le cadre de l'OMC. L'objectif final, si l'accord survient, est de réintégrer cela dans l'OMC, de façon que cela s'applique à tout le monde. Sur le principe, conclure un accord de libre-échange: pourquoi pas ? Le seul problème est que là, on va tellement loin qu'on est prêt à brader les services publics, qu'on est prêt aussi à les soumettre au marché et que, s'il y a litige, ce soient des tribunaux privés qui tranchent. Non mais on va où, là ? Vers une perte totale de souveraineté, vers une perte totale de confiance ! Finalement, tout ça vient des Etats-Unis. On peut être un anti-Américains primaire, ce qui n'est pas mon cas, mais ce n'est pas une bonne chose et peut-être même que ça va manger l'Europe ! Finalement, lorsque tout aura été libéralisé dans ce monde, l'entité Europe que vous aimez beaucoup - en tout cas sur les bancs d'en face - aura même de la peine à exister face à des accords de libre-échange aussi larges et qui peuvent aller dans tous les domaines.

Je crois donc que c'est une bonne chose de prendre des distances avec ce type d'accord et le MCG soutiendra bien entendu cette résolution, comme nous avons soutenu la même proposition en Ville de Genève; nous avons vu que nombre d'autres communes ont également soutenu l'idée de devenir une zone hors TiSA, parce que c'est dans cette direction qu'il faut aller. Au bout du compte, on mettrait le doigt dans un engrenage qu'on ne maîtrisera plus, et ce ne sera pas la petite Suisse sur la scène internationale qui maîtrisera quoi que ce soit une fois qu'on aura mis le doigt dans cet engrenage, avec ces accords qui peuvent remettre en cause tous les services publics que nous avons ici, hormis les services de sécurité, sans possibilité d'avoir un véritable arbitrage puisque ceux-ci seront confiés à des tribunaux privés. Nous soutiendrons donc cette résolution telle que ressortie de la commission de l'économie.

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je remercie tout d'abord le rapporteur de minorité Edouard Cuendet pour la mention des auditions faites en commission. Il est vrai que nous avons vécu de grands moments, rocambolesques, lors de ces auditions. Rocambolesques avec la participation de Mme Michu en invitée surprise; avec le contenu des déclarations de l'alliance du sud qui se trouve dans l'annexe 3 du rapport de majorité, datée du 1er juin 2016, donc dans quelques mois; et surtout, je relève le manque d'écoute de l'ensemble de la commission lors de l'audition du SECO. L'audition du SECO a été claire, formelle, protocolée dans un procès-verbal de commission. Je cite: «L'objet des négociations de TiSA concerne les services commerciaux, à l'exception des services publics.» Point, terminé ! Ça a été clair, net et précis en commission. Je ne sais donc pas par quel fantasme vous vous mettez dans la tête qu'on va traiter des services publics. Ensuite, je note avec une certaine satisfaction qu'à l'époque...

Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Serge Hiltpold. ...le président du Cartel intersyndical de la fonction publique écrivait encore en termes institutionnels à ce parlement, en s'adressant au secrétariat du Grand Conseil et à son président et non au «château des imbéciles»: je l'invite à réfléchir un peu plus et, en tant que représentant syndical, à s'adresser aux institutions correctement.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Serge Hiltpold. Ce qui est important, au niveau de la Genève internationale, c'est de ne pas se déclarer zone hors TiSA: Genève est le lien extérieur de la Suisse, elle ne peut donc pas se ridiculiser de la sorte.

Le président. C'est terminé, merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes accueillent avec intérêt et satisfaction le résultat des travaux de la commission de l'économie sur cette proposition de résolution. Pour les socialistes, ce qui importe aujourd'hui en priorité, c'est que, partout sur terre, les populations puissent s'exprimer sur les éventuelles privatisations et libéralisations des marchés et que ce ne soit pas une fatalité imposée par des multinationales. Mesdames et Messieurs les députés, on peut être pour ou contre les privatisations, pour ou contre les profits de telle ou telle entreprise, mais ce qui compte partout sur cette terre, c'est que les citoyennes et les citoyens puissent faire une pesée d'intérêts - pas comme des experts qui touchent une commission au passage - sur les risques de chômage, de salaires plus bas ou plus hauts, en fonction des accords signés. Je ne vois pas pourquoi on enlèverait ce droit, surtout dans un pays comme la Suisse, dans un pays qui est attaché aux droits démocratiques ! On enlèverait cette possibilité pour le peuple de s'exprimer ? J'ai entendu des députés PLR dire tout à l'heure: le SECO l'a dit. Le SECO ! J'ai connu des députés PLR un peu plus exigeants quand ils entendaient des fonctionnaires à la commission des finances et mettant en doute les propos tenus. Ici, parce que c'est un fonctionnaire fédéral qui conforte leur propos, ils disent: tout va très bien, Madame la Marquise ! Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas sérieux, venant de la part du PLR: ils peuvent être pour les privatisations, il n'empêche, il n'y a rien qui doive empêcher que le peuple s'exprime sur un tel objet ! Le peuple suisse doit être souverain en ce qui concerne son économie; il faut soumettre à la population les avantages et les inconvénients de l'ouverture des marchés. Mesdames et Messieurs les députés, c'est simplement une évidence, et le rappeler, même si un fonctionnaire vient le dire, c'est simplement normal pour un canton qui se préoccupe de l'emploi de ses citoyennes et citoyens. Je vous invite donc à soutenir l'amendement de l'UDC, qui est particulièrement adéquat, demandant de déclarer Genève zone hors TiSA, comme cela se fait dans certaines communes - c'est tout à fait approprié - et de soutenir la résolution ainsi amendée.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député François Baertschi pour une minute trente.

M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons là face à une question importante, comme sont importants d'autres accords internationaux qui nous tiennent dans notre vie quotidienne, qui ont une influence et contre lesquels on ne peut plus aller, qui créent ce que nous avons. On peut penser à l'Union européenne et aux accords passés avec elle, avec les malentendus entretenus d'une manière ou d'une autre: quelle que soit l'opinion de chacun sur l'Union européenne, il faut constater qu'il y a quand même eu force malentendus. On pensera notamment aux accords de Bologne, dans le domaine de l'enseignement, appliqués avec une géométrie variable et en tout cas pas de manière satisfaisante par tous les pays. J'arrêterai là la comparaison, mais pour le MCG, ce qui est important, c'est de rendre le pouvoir aux citoyens; c'est un peu notre raison d'être. Donc, nous ne pouvons pas cautionner cette bureaucratie, cette bureaucratie internationale. Alors j'entends certains partis, j'entends aussi les négociateurs des accords TiSA qui ont dit qu'il n'y avait rien de contraignant, que tout se passerait bien, qu'on allait uniquement dans un certain sens, consensuel et fédérateur. Malheureusement, cet accord, comme beaucoup d'autres, est truffé de pièges, notamment dans les annexes.

Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Il y a un certain nombre de choses que nous ne pouvons accepter dans cet accord. C'est un peu comme le loup dans... dans...

Des voix. Dans la bergerie !

M. François Baertschi. Dans le chaperon rouge ? (L'orateur rit.)

Le président. Il faut conclure, Monsieur le député, avec ou sans loup !

M. François Baertschi. J'allais partir dans une petite fable, mais je vais abréger !

Le président. Je vous en remercie, Monsieur le député.

M. François Baertschi. Je vous demande donc de soutenir la présente résolution et, bien évidemment, l'amendement déposé.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Juste deux petites rectifications sur les propos de mon collègue rapporteur de minorité. (Commentaires.) Sans doute, Monsieur le député, vous pourrez répondre ! D'une part, il a oublié de répondre qu'il y a eu une mise à jour de la proposition de résolution initiale: la troisième invite proposant d'inclure dans la délégation suisse négociant cet accord des représentants des milieux économiques, syndicaux et politiques des cantons et de la Confédération a été supprimée à l'initiative de la majorité de la commission. Un deuxième élément a également été supprimé, celui qui demandait de s'opposer à tout accord qui conduirait de nouveau à une privatisation et au démantèlement des services publics en Suisse. Cela ne semblait simplement pas possible du moment que les accords n'étaient pas connus au moment de nos discussions. Le dernier point qui semble particulièrement important est la dernière invite aux autorités fédérales demandant de soumettre au référendum tout accord signé dans le cadre de ces négociations. Mon collègue rapporteur de minorité dit que, dans le cadre de l'audition de M. Winzap, il a été clairement affirmé que ces textes seraient proposés au référendum; or, il a été clairement dit: «il se peut» - il se peut - «qu'[ils soient] soumis au référendum», patati et patata. Dans la réponse formulée, c'était clairement une incertitude. Je rappelle aussi qu'avec le message du Conseil fédéral, il se peut que les parlementaires répondent de la même façon, et on n'a aucune certitude que ce traité soit effectivement soumis au référendum.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'a évidemment aucun état d'âme à vous voir voter dans un élan de patriotisme commun cette initiative cantonale qui semble unir aussi bien la gauche que la droite en passant par-dessus le parti libéral qui ne croit apparemment pas à la théorie du complot, si j'ai bien compris. Je vous rappelle tout de même qu'il s'agit de saisir les Chambres fédérales d'invites pour le moins particulières, puisque vous demandez aux autorités fédérales de lever le secret sur les négociations - sur les négociations: nous sommes à un stade préalable, sachant que tous les accords doivent ensuite être soumis aux deux chambres. A ces mêmes Chambres fédérales censées contrôler le respect des droits démocratiques, vous dites: nous n'avons pas confiance en vous, veuillez nous avertir de ce qui se fait en amont pour que nous puissions vous dire le moment venu dans quel sens vous devrez voter. Je vous laisse imaginer comment une telle demande pourrait être reçue.

Vous invitez ensuite à informer les Chambres fédérales de même que les parlements et gouvernements cantonaux et la population sur le contenu des négociations; à s'opposer à tout accord qui conduirait à de nouvelles privatisations et au démantèlement des services publics en Suisse alors que le SECO vous dit que ceux-ci ne sont pas concernés par les accords discutés, qui en sont au stade des simples négociations. Je veux bien que dans «Mouvement vers la révolution citoyenne», il y ait deux mots qui rappellent le nom d'un éminent parti de cet hémicycle, il n'en demeure pas moins que face aux déclarations du SECO, vous devriez admettre que précisément, les craintes que vous exprimez ne sont pas fondées. (Brouhaha.)

Enfin, vous invitez les Chambres fédérales à soumettre au droit de référendum tout accord signé dans le cadre de ces négociations. Excusez-moi, mais même si vos préoccupations sont légitimes, tout cela n'est pas très sérieux et ce n'est guère de nature à donner plus de lustre à l'image que les autorités fédérales ont de ce canton. Raison pour laquelle le Conseil d'Etat, sachant le sort qui sera immanquablement donné à cette démarche, vous suggère humblement d'y renoncer. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais d'abord vous faire voter sur l'amendement déposé par l'UDC et le MCG, qui annule et remplace l'invite destinée au Conseil d'Etat de la manière suivante:

«Invite (nouvelle teneur)

invite le Conseil d'Etat

à soutenir la présente résolution et déclarer le canton de Genève "Zone hors TiSA".»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 59 oui contre 31 non.

Le président. Nous votons à présent sur la proposition de résolution ainsi amendée.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est parfait, nous passons donc au vote nominal.

Mise aux voix, la résolution 765 ainsi amendée est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 60 oui contre 29 non et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 765 Vote nominal

PL 11603-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Christina Meissner, Bernhard Riedweg, Stéphane Florey, Patrick Lussi, Christo Ivanov modifiant la loi sur l'administration des communes (LAC) (B 6 05) (Pour une répartition des tâches issue de la concertation)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 12 et 13 novembre 2015.
Rapport de majorité de M. François Lance (PDC)
Rapport de minorité de M. Bernhard Riedweg (UDC)

Premier débat

Le président. Pour notre urgence suivante, le PL 11603-A, je passe la parole au rapporteur de majorité, M. François Lance.

M. François Lance (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les auteurs de ce projet de loi estiment que dans le cadre du traitement des trains de projets de lois sur la répartition des tâches entre les communes et le canton, il faut prévoir dans la loi sur l'administration des communes - la LAC - que les organes exécutifs et délibératifs des communes soient consultés et fassent part de leurs observations sur des projets de lois qui revêtent une importance toute particulière pour les communes. Aujourd'hui, la LAC prévoit que «lorsqu'un projet de portée législative ou réglementaire de rang cantonal concerne spécifiquement une ou plusieurs communes, l'Association des communes genevoises, la Ville de Genève et les communes particulièrement concernées [soient] en règle générale consultées». Je crois pouvoir dire que l'ensemble de la commission est sensible à ce principe d'information, de consultation et de concertation avec les communes, ceci particulièrement dans le cadre de ce processus de répartition des tâches entre le canton et les communes. Toutefois, une majorité de la commission estime d'une part que la disposition actuellement inscrite dans la LAC est suffisante, et que, d'autre part, ce principe de concertation est mentionné dans la loi-cadre votée le 24 septembre dernier en séance plénière. Enfin, après un démarrage un peu difficile, le processus de concertation mis en place entre le Conseil d'Etat et l'ACG est satisfaisant; je rappelle que l'ACG, qui défend les intérêts des quarante-cinq communes, est l'interlocuteur reconnu par le Conseil d'Etat. Il ressort également des travaux de la commission que ce sont les exécutifs communaux qui ont la responsabilité d'informer leurs Conseils municipaux respectifs sur l'évolution des négociations sur la répartition des tâches entre communes et cantons.

La majorité de la commission estime que la modification proposée par ce projet de loi est superfétatoire. Mesdames et Messieurs les députés, compte tenu des explications et des prises de position exprimées durant les deux séances de commission consacrées à l'examen de cet objet, la majorité de la commission vous recommande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi tel que présenté à la commission. Je reviendrai éventuellement sur les amendements proposés par le rapporteur de minorité.

M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. C'est par sept voix pour, cinq voix contre et trois abstentions que l'entrée en matière sur ce projet de loi a été refusée en commission. Ainsi, lorsqu'un projet de loi modifie la répartition des tâches entre le canton et une commune, son Conseil administratif et son Conseil municipal ne seront pas systématiquement consultés, ce qui est un manquement à la démocratie, surtout dans les grandes communes. Vous n'êtes pas sans savoir que ces prochaines semaines, la répartition des tâches entre le canton et toutes les communes battra son plein, et cette répartition sera âprement négociée dans le cadre de nombreuses politiques publiques. Le premier train de lois sur la répartition des tâches a déjà été transmis à la commission des affaires communales, régionales et internationales. Le fait que le Conseil municipal ne sera pas considéré comme un partenaire dans les négociations est une solution de facilité, ce qui est à déplorer. Les articles 11, 135 et 147 de la constitution fraîchement révisée prévoient que l'Etat «informe largement, consulte régulièrement et [mette] en place des cadres de concertation», ce qui vaut pleinement pour la répartition des tâches entre le canton et les communes. Par conséquent, nous estimons qu'il faut absolument inscrire ce principe de consultation dans la loi sur l'administration des communes. Je laisse à l'auteur de ce projet de loi, Mme Christina Meissner, le soin de vous présenter les deux amendements figurant à la page 11 du rapport et vous remercie d'ores et déjà de leur réserver un accueil favorable.

Présidence de M. Antoine Barde, président

Mme Christina Meissner (UDC). Le rapporteur de majorité l'a dit: dans la LAC, aujourd'hui, il est clairement écrit que quand un texte de loi «concerne spécifiquement une ou plusieurs communes, l'Association des communes genevoises, la Ville de Genève et les communes particulièrement concernées sont en règle générale consultées». Cela ne veut pas dire systématiquement. Or, dans le cas des projets de lois qui découleront des décisions concernant les tâches, par définition, toutes les communes sont concernées par tous ces projets de lois qui nous seront proposés. Ainsi, il est nécessaire de pouvoir les consulter toutes. A la suite des discussions en commission, il s'est avéré que la formulation utilisée, c'est-à-dire «les organes des communes» qui devaient «être consultés», impliquait que le Conseil d'Etat lui-même se charge de consulter directement tous les conseillers municipaux. Notre idée était évidemment bien éloignée de cela. Ainsi, nous avons déposé des amendements proposant des reformulations, afin qu'il s'agisse véritablement d'une concertation entre autorités cantonales et exécutifs communaux: c'est ce que propose l'amendement A que vous avez trouvé à vos places. Ensuite, il nous appartenait de souligner aussi la nécessité de l'information aux Conseils municipaux par les exécutifs communaux sur les discussions et modifications qui auront lieu dans la répartition des tâches. C'est l'objet du deuxième amendement, l'amendement B, que vous avez trouvé sur vos tables et que j'ai signé avec MM. Yves de Matteis, Alberto Velasco et Jean-François Girardet. Enfin, je mentionne le dernier amendement, celui qui figure dans le rapport de minorité à la page 11, qui rappelle à l'article 2, alinéa 4, la nécessité à chaque étape de la procédure que les communes puissent disposer d'un délai suffisant pour faire valoir leur position, ce qui est quand même nécessaire. Il y aura des discussions complexes sur des sujets complexes.

Ces trois amendements, je vous demande de les soutenir car ils permettent véritablement d'implémenter ce que notre constitution a demandé: un véritable dialogue, un principe de subsidiarité et une réflexion qui s'établissent pour cette répartition des tâches entre les communes et le canton de manière totalement égalitaire et transparente.

M. Yves de Matteis (Ve). Je vais être relativement bref, mais quand même dire la raison de ces allées et venues, puisqu'il y a eu passablement d'hésitations dans cette commission. A priori, personnellement, j'étais plutôt bien disposé par rapport à ce projet de loi puisqu'il parlait de concertation, d'information, etc. Beaucoup de personnes l'ont dit en commission, et en dehors aussi: cela pouvait paraître superfétatoire, puisque la constitution parle déjà de concertation entre l'Etat et les communes, que l'avant-projet de loi-cadre en parle aussi, on l'a mentionné, et ce concept de consultation-concertation est même contenu dans beaucoup de discours du Conseil d'Etat, à commencer par ceux de son président, M. Longchamp. Cependant, comme disait le prince de Talleyrand dans son adage célèbre repris de manière plus populaire par la suite: si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant. A mon sens, c'est vraiment dans la LAC, c'est-à-dire, quand même, le texte de loi qui précise les rapports entre le canton et les communes, que cela doit figurer, et pas seulement s'agissant de cette procédure de désenchevêtrement, mais pour celles qui pourraient venir par la suite - parce que ma foi, ça pourrait très bien encore avoir lieu dans dix ou vingt ans. Cela légitime donc à soi seul le fait de l'inclure dans la LAC.

Lors d'une deuxième lecture, cependant, j'étais beaucoup plus réservé par rapport à ce projet de loi, parce que le texte de départ disait que c'étaient à la fois les Conseils administratifs - les exécutifs des communes - mais aussi leurs délibératifs qui devaient être consultés. Or, on a déjà pu voir à la CACRI à quel point consulter les exécutifs de quelques communes, ou de la majorité des communes, avait été difficile et compliqué: cela nécessite toute une procédure de consultation. Du coup, comment faire avec quarante-cinq délibératifs ? Quarante-cinq parlements, dont celui de la Ville de Genève qui comprend quatre-vingts personnes, un peu moins que ce Grand Conseil. C'est ce qui fait que j'ai finalement voté contre ce projet de loi, car il me semblait que c'était totalement superfétatoire.

Dans les deux amendements présentés ensuite par Mme Meissner, les termes sont plus clairs: on parle vraiment d'autorités communales, et en général, par autorités, on entend l'exécutif. Nous avons malgré tout précisé qu'il fallait remplacer ce terme d'«autorités» par «exécutifs» pour être tout à fait clair et montrer qu'il s'agissait de consulter uniquement les exécutifs.

L'amendement B n'est pas un sous-amendement, mais un vrai amendement selon lequel les exécutifs communaux informent leurs Conseils municipaux respectifs de la procédure de modification de la répartition d'une tâche et des projets de lois qui s'y rapportent; c'est faire preuve d'une transparence élémentaire ! Toutes les communes, tous les exécutifs des communes devraient au minimum informer leurs Conseils municipaux de procédures qui peuvent avoir des conséquences extrêmement lourdes. Admettons qu'une entente soit établie entre l'Etat et une commune - par exemple, que celle-ci abandonne toute prérogative en matière de culture - et que cela soit ensuite réglé par un projet de loi: le Conseil municipal se retrouverait devant un fait accompli, ne pourrait plus réagir, ne pourrait même pas sanctionner son Conseil administratif. C'est donc vraiment la raison qui préside au dépôt de ces amendements tels que nous les présentons.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Chers collègues, les bras m'en tombent ! (Exclamations.) Je regarde madame... Trop de consultations créent la paralysie: soyons sérieux ! A la CACRI, nous avons digéré, disséqué le projet de loi-cadre sur la répartition. Je viens de vérifier: sur dix articles de cette loi qui a été votée, six parlent de concertation et de consultation avec les communes: les articles 6, 7, 9, alinéa 3, etc. Le mandat constitutionnel est clair, on l'a rappelé: il existe une obligation de consultation des communes. Je l'ai dit en commission, cette volonté, ce souci de vouloir consulter à tous les stades, à chaque fois, dénote une certaine suspicion. Parlons sans langue de bois: beaucoup sont opposés à cette nouvelle répartition. Tout à coup surgit une alliance entre les socialistes, porte-parole de la Ville de Genève, qui sont contre cette répartition...

Une voix. C'est pas vrai !

M. Gabriel Barrillier. ...l'UDC et le MCG; vous vous réveillez tout à coup pour essayer de paralyser et de bloquer cette nouvelle répartition. Mais s'il vous plaît ! (Commentaires.) Je sais bien que la soirée est un peu longue ! Mais il y a bien de la suspicion, une volonté de retarder toute cette procédure de réorganisation territoriale à Genève ! La consultation est prévue, je le répète, à tous les articles ! Qu'est-ce que vous voulez de plus ? En outre - je terminerai par là - vous dites très justement dans votre amendement qu'on doit consulter les exécutifs. Vous auriez très bien pu écrire qu'on consulte les exécutifs et les législatifs, c'est-à-dire les Conseils municipaux; j'ai eu un peu peur, mais vous êtes quand même restés raisonnables et avez mentionné seulement les exécutifs. Je vous rappelle que l'autonomie communale est une réalité et que les exécutifs, les communes sont libres de s'organiser pour ces consultations. Donc, je vous en supplie: arrêtons de faire de la «consultationite» à tout prix, au risque de paralyser tout le mouvement en cours ! Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Je suis bien content de prendre la parole après notre ancien président, le député Barrillier, parce que ses propos reflètent bien l'état d'esprit des discussions qui ont eu lieu à la CACRI. Effectivement, les partis qui ont des membres dans les exécutifs communaux ne se soucient pas trop de la manière dont ces exécutifs vont représenter la population de leur commune. Par contre, les partis dépourvus de membres dans les exécutifs, mais qui reflètent le vote d'une bonne proportion de la population municipale, voient avec suspicion l'octroi de pouvoirs de représentation dans leur commune à leurs exécutifs respectifs au niveau de l'ACG. Car c'est bien comme ça que le canton va consulter les communes, en demandant aux exécutifs de donner des avis sur des projets de lois qui vont passer devant notre Grand Conseil et dont le projet de loi-cadre donnait un certain nombre de garanties pour que la population puisse être consultée.

Par ce projet de loi que nous présente l'UDC Mme Meissner, nous remettons simplement la discussion au niveau des Conseils municipaux et nous demandons qu'ils puissent s'exprimer, être consultés, être informés; non pas que les Conseils municipaux bloquent le processus, mais qu'ils puissent donner leur avis pour que, fort de cet avis de la majorité du Conseil municipal, un conseiller administratif puisse représenter réellement la volonté populaire exprimée par le Conseil municipal. C'est de la compétence du Conseil administratif ou de l'exécutif, des maires et des adjoints, d'organiser l'information, d'organiser également la consultation de la population, pour ensuite être muni de cette consultation, qui ne devrait pas prendre des siècles, mais simplement se résumer à une information large, ouverte et transparente. C'est bien ce que demandent les amendements, que M. de Matteis a bien présentés. Je vous remercie de les voter, parce qu'ils nous donnent l'assurance que la population pourra ainsi coopérer et se voir sollicitée pour appuyer tous ces projets de lois sur le point de nous arriver.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les conseillers municipaux... (Exclamations.) Excusez-moi ! (Commentaires.) Oui, j'ai passé une semaine au Conseil municipal, j'espère que vous me pardonnerez, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est un lapsus quand même significatif.

J'apprécie de plus en plus M. Barrillier: il manie bien l'art oratoire et l'art de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Moi, Monsieur Barrillier, j'ai pour principe dans la vie de considérer que les réformes ne se font pas contre les gens, mais avec les gens. En l'occurrence, je vous donne un scoop, Monsieur Barrillier: nous nous sommes mis d'accord avec le Conseil d'Etat pour répartir les tâches concernant la culture. Nous sommes entrés en matière sur la gouvernance du Grand Théâtre, sur le fait que le système d'exploitation, les frais de gestion de la Nouvelle Comédie seraient à la charge unique de la Ville de Genève. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que la BGE - la Bibliothèque de Genève - passe le cas échéant sous la responsabilité de l'Etat de Genève et qu'il y ait un processus de prise en charge par la municipalité de ses six cycles d'orientation. Sauf que si nous ne mettons pas au courant nos conseillers municipaux respectifs, dans les communes - parce qu'il y a sept ou huit autres cycles d'orientation qui se trouvent dans les communes - j'imagine les problèmes qu'il y aura quand le Conseil d'Etat arrivera en annonçant qu'il s'est mis d'accord ou qu'il a la loi pour lui, que les communes doivent reprendre les cycles d'orientation et que c'est pesé et vendu. Imaginons la réaction, Mesdames et Messieurs, si nous ne mettons pas au courant nos conseillers municipaux respectifs, si nous ne les consultons pas, si nous ne leur faisons pas adopter des motions de principe sur ces questions essentielles ! Il s'agit quand même de charges, même si le système qu'on nous présente avec la caisse commune pendant trois ans d'abord, puis un verrouillage et l'augmentation des centimes additionnels des uns et des autres - de manière un peu autoritaire quand même - même si tout ça risque d'aller au «collapse», comme on dit, avec pour résultat que dans cinq ou six ans, on n'aura aucune réforme. Je plaide donc et j'ai toujours plaidé pour que ça ne se fasse pas contre les gens, y compris dans les services dont j'ai la charge et que j'ai réformés en profondeur. Or, pour que ces réformes ne se fassent pas contre les gens, il faut que cette concertation ait lieu dès le départ, Mesdames et Messieurs les députés ! Vous devez prendre en compte le volume des enjeux: dans le cas de la BGE, par exemple, vu la richesse de ses collections - elle possède des incunables et des livres extrêmement précieux - ce sont des millions qui vont être transférés à l'Etat de Genève, si ce transfert se fait. Tout ce processus ne va pas se passer comme un long fleuve tranquille, bien au contraire, si nous ne prévoyons pas dès le départ la concertation comme pivot, comme élément central dans cette problématique.

Monsieur Barrillier, je vous apprécie beaucoup, mais de là à dire qu'avec trop d'information, ou de consultation - je ne sais pas comment vous avez exprimé cela - ça ne va pas aller... Pour nous, nous sommes dès le départ entrés dans ce processus.

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Rémy Pagani. Merci ! Même si nous avons renâclé au départ, j'ai le plaisir de vous dire que, sur la culture, nous avons passé un accord avec le Conseil d'Etat et nous nous y tiendrons. Et pour que nous nous y tenions, il faut que cette concertation ait lieu, et nous soutiendrons non seulement les amendements mais aussi le texte de départ qui nous semble tout à fait cohérent avec ce que je viens d'énoncer. Je vous remercie de votre attention, et veuillez m'excuser de vous avoir confondus avec un autre cénacle !

Mme Irène Buche (S). Le groupe socialiste avait refusé l'entrée en matière en commission car il n'était pas convaincu par la formulation proposée, mais le principe même de la concertation est pour nous fondamental. Ce principe est prévu dans la constitution; nous avons été déçus par le refus de certaines dispositions que nous avions proposées pour le projet de loi-cadre et nous estimons aujourd'hui fondamental que ce principe soit également prévu dans la LAC: l'article qui parle de consultation des communes dit que «la Ville de Genève et les communes particulièrement concernées sont en règle générale consultées», mais ce n'est pas suffisant, surtout pour des projets de nouvelle répartition des tâches. C'est pourquoi nous soutiendrons tous les amendements proposés aujourd'hui, et nous vous invitons à en faire de même.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien soutiendra la majorité - qui va, il me semble, devenir une minorité - et ne votera pas les amendements. Honnêtement, c'est du bon sens ! Le bon sens veut que les Conseils administratifs des communes tiennent au courant leurs Conseils municipaux. Vous êtes dans des partis qui ont des représentants dans tous les Conseils municipaux et vous allez quand même discuter avec ces gens et les tenir au courant de ce qui se passe au Grand Conseil ! Pourquoi inventer une usine à gaz ? L'Etat négocie avec l'ACG et théoriquement, l'ACG doit être représentative de toutes les communes. Je vous ferai déjà remarquer que quand il y a une décision de l'ACG, les Conseils municipaux de toutes les communes peuvent s'y opposer en votant sur ces décisions, d'accord ? Ce droit existe ! Vous allez compliquer les choses au maximum.

Par ailleurs, je suis effaré par ce qu'a dit M. Pagani - vous lui transmettrez, Monsieur le président. Je me rends compte que l'Etat qui décide maintenant de négocier avec les communes et l'ACG mène des négociations parallèles avec la Ville de Genève. On décide sur la culture avec la Ville de Genève, mais on se moque des autres communes ! On va décider ce qui est bien pour la Ville de Genève, mais on ne tient pas au courant les autres communes de ce qui est bon pour elles. J'ai entendu que les cycles d'orientation sont remis aux communes: merci pour Carouge, ma commune, qui en a deux ! On ne lui a pas demandé si elle était d'accord ou pas de les reprendre à son compte. Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas besoin d'inventer les choses, c'est simplement une question de bon sens: il faut que chacun prenne son bâton de pèlerin, discute avec ses représentants dans les communes et leur dise de faire attention à certaines choses.

Mme Beatriz de Candolle (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, à nouveau, pour régler les éventuels dysfonctionnements des cinq grandes communes, on fait fi des quarante autres et on légifère en créant des doublons de lois existantes et d'articles de notre constitution. Soyons sérieux et arrêtons avec ces couches de mille-feuille qui ne font qu'alourdir et renchérir le processus décisionnel ! J'aimerais vous dire en outre que les magistrats communaux ne sont pas des dissimulateurs, et c'est dans l'intérêt de la population qu'ils informent leurs Conseils municipaux respectifs des lois et des décisions qui touchent leurs communes. Nous refuserons donc tous ces amendements.

Mme Christina Meissner (UDC). Monsieur le président, juste pour revenir sur ce que j'ai entendu précédemment, je rappelle: pas de suspicion, juste une mise en cohérence de la constitution et des lois entre elles, de la loi-cadre et de la LAC. En votant ce projet de loi et les amendements, ce Grand Conseil montrera son respect de toutes les instances de gouvernance. Le bon sens, c'est bien; s'assurer de son application, c'est encore mieux !

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Simone de Montmollin pour quarante-cinq secondes.

Mme Simone de Montmollin (PLR). Merci, Monsieur le président. Je suis très heureuse d'apprendre ce soir qu'un accord a été trouvé entre le canton et la Ville de Genève, un accord qui aurait fait suite à des discussions concertées entre autorités cantonales et communales, cela sans disposition légale. C'est la preuve que lorsque des magistrats se mettent autour d'une table et qu'ils doivent discuter pour arriver à une solution commune, suivie et solide, ils y arrivent, et cela indépendamment de dispositions qui les y contraindraient.

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Simone de Montmollin. Je vous encourage donc à refuser ces amendements et à refuser ce projet de loi.

M. François Lance (PDC), rapporteur de majorité. Effectivement, le rapporteur de majorité est devenu rapporteur de minorité. Personnellement, je regrette un peu le revirement de certains membres de la CACRI. Nous aurions pu continuer ce débat à la CACRI, je regrette que ces propositions n'aient pas été effectuées en commission.

Quelques remarques sur ces amendements, car à mon sens ils sont importants. Tout d'abord, quand on dit dans le premier que «tout projet de loi modifiant la répartition d'une tâche entre le canton et les communes est élaboré de manière concertée entre les autorités cantonales et les exécutifs communaux», cela signifie, il me semble, que le Conseil d'Etat doit prendre contact avec les quarante-cinq exécutifs communaux... (Commentaires.) ...pour se concerter avec eux. Quand je lis cet amendement, ce n'est pas clair ! Deuxièmement, les exécutifs communaux, pour moi, c'est l'ACG, interlocuteur officiel du Conseil d'Etat.

Ensuite, concernant l'amendement demandant d'informer le Conseil municipal: encore une fois, il appartient aux Conseils administratifs, les exécutifs, d'informer leurs Conseils municipaux de l'évolution des dossiers, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de l'inscrire comme obligation dans la LAC. Ce qui est bizarre, c'est qu'on ajouterait ces amendements à l'article 2 de la LAC, qui s'appelle «Autonomie communale». Donc, là aussi, cela suscite des doutes. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il faut aussi prendre en considération la diversité des communes. Certaines petites communes n'ont pas les moyens de répondre rapidement au Conseil d'Etat sur des prises de position; souvent, les communes se réfèrent à la position de l'ACG s'agissant de ces propositions de modifications de lois. L'obligation d'informer le Conseil municipal, comme je l'ai déjà dit, est une obligation même du Conseil administratif. Cela voudrait dire aussi que certains Conseils municipaux auraient peut-être tendance à déposer des motions et des résolutions pour retarder un processus qui est déjà long. Je rappelle le processus mis en place conjointement par le Conseil d'Etat et l'ACG: il y a d'abord une concertation au sein de l'ACG, entre les quarante-cinq communes, et ensuite, entre une délégation de l'ACG et une délégation du Conseil d'Etat. D'après ce que je vois, cette concertation fonctionne et je trouve dommage de tout remettre en cause. Pour toutes ces raisons, je propose un renvoi à la commission des affaires communales, régionales et internationales afin de réétudier ces trois amendements. (Exclamations.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer à ce propos. Le souhaitez-vous, Monsieur le conseiller d'Etat ? (Remarque.) Vous avez la parole.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat soutient le renvoi en commission, Mesdames et Messieurs les députés. Manifestement, on tente de régler des comptes par personnes interposées, en prenant le canton en otage en raison de défiances que l'on a de toute évidence à l'encontre des exécutifs communaux voire de l'Association des communes genevoises. On voudrait nous demander, à nous, canton, dans une négociation déjà compliquée - je ne vous dis pas les difficultés pour fixer des rendez-vous et pour se voir avec l'ACG ! - de discuter maintenant avec les Conseils administratifs, les exécutifs des communes. C'est tout simplement impossible ! Pour qu'ensuite ces exécutifs retournent à leurs Conseils municipaux et qu'après cela ils reviennent vers nous et nous donnent le résultat de leurs discussions ? Vous voulez enterrer le désenchevêtrement canton-communes en compliquant de manière excessive ce processus déjà particulièrement complexe !

Encore une fois, réglez vos comptes là où ils doivent être réglés ! Si vous considérez que vos exécutifs ne sont pas dignes de confiance, eh bien, dites-le-leur et changez-en ! Si vous considérez que l'assemblée des communes genevoises ne fait pas son travail, ne représente pas les communes, dites-le-lui ! Je peux vous dire en tout cas qu'elle défend bien les intérêts des communes, qu'elle ne lâche rien et que les discussions ne sont pas faciles, contrairement à ce que laisse entendre M. Pagani dans le domaine de la culture. Je peux vous dire que dans le domaine des affaires sociales, c'est particulièrement difficile d'arriver à des solutions, parce que tout le monde sait la difficulté qu'il y a à remplir certaines politiques publiques. Donc, ne votez pas cette demande qui vous est faite à la hâte: renvoyez cela en commission, écoutez le Conseil d'Etat, entendez l'ACG et vous verrez qu'il s'agit finalement de conseillers municipaux qui éprouvent une défiance à l'égard de certains exécutifs et qui veulent régler des comptes par l'intermédiaire de ce projet. Le canton n'est pas là pour cela ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et j'invite l'assemblée à se prononcer sur cette demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11603 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 55 non contre 32 oui.

Le président. Monsieur Cerutti, vous voulez prendre la parole ?

M. Olivier Cerutti (PDC). Oui, Monsieur le président !

Le président. Il vous reste vingt-cinq secondes.

M. Olivier Cerutti. C'est suffisant ! Je trouve que ce que vous êtes en train de faire ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, c'est ubuesque. Vous êtes en train de mettre à plat ce qui a été prévu par la constitution, c'est-à-dire cette répartition des tâches entre les communes et le canton. Nous nous trouvons ici face à un projet mal ficelé, qui doit retourner en commission ! Excusez-moi, mais je refais cette demande ! Merci, Monsieur le président ! Vous êtes en train de saboter un acte essentiel pour notre république: c'est véritablement scandaleux ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je vais vous faire voter sur cette nouvelle demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11603 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 56 non contre 30 oui et 1 abstention.

Le président. Nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11603 est adopté en premier débat par 53 oui contre 31 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 2, alinéa 3, ainsi que d'un sous-amendement. Voici l'amendement, que vous trouvez à la page 11 du rapport de minorité:

«Art. 2, al. 3 (nouveau)

3 Tout projet de loi modifiant la répartition d'une tâche entre le canton et les communes est élaboré de manière concertée entre les autorités cantonales et communales.»

Le sous-amendement de M. Yves de Matteis et consorts, que vous avez reçu à vos places, consiste à remplacer les mots «et communales», à la fin, par «et les exécutifs communaux». Nous votons d'abord sur ce sous-amendement.

Mis aux voix, ce sous-amendement est adopté par 55 oui contre 29 non et 1 abstention.

Le président. Nous allons maintenant voter sur l'amendement ainsi modifié par le sous-amendement. La teneur de l'amendement est donc devenue la suivante:

«Art. 2, al. 3 (nouveau)

3 Tout projet de loi modifiant la répartition d'une tâche entre le canton et les communes est élaboré de manière concertée entre les autorités cantonales et les exécutifs communaux.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 30 non.

Le président. Nous passons au second amendement de la minorité, toujours à la page 11 du rapport de minorité, ainsi libellé:

«Art. 2, al. 4 (nouveau)

4 A toutes les étapes de la procédure de répartition des tâches, les autorités cantonales compétentes veillent à ce que les communes disposent d'un délai approprié pour faire valoir leur position.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 29 non.

Le président. Enfin, nous sommes saisis d'un amendement présenté notamment par M. de Matteis, que vous avez reçu à vos places et que je vous lis:

«Art. 2, al. 5 (nouveau)

Les exécutifs communaux informent leurs conseils municipaux respectifs de la procédure de modification de la répartition d'une tâche et des projets de lois s'y rapportant.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 30 non.

Mis aux voix, l'art. 2 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarque.) Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat... (Exclamations. Huées. Applaudissements.) Le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat, dans l'attente d'un examen de la conformité avec le droit supérieur du projet de loi... (Remarque.) ...que vous vous apprêtez à voter. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Si ce projet de loi est conforme à la constitution, le Conseil d'Etat demandera ultérieurement le troisième débat, bien évidemment. (Applaudissements. Huées.)

Suite du débat: Séance du vendredi 18 décembre 2015 à 10h

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une bonne soirée ! Je lève la séance et vous donne rendez-vous début décembre.

La séance est levée à 22h50.