Séance du
jeudi 12 novembre 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
10e
session -
64e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. Alexis Barbey, Thomas Bläsi, Sandra Golay, Christian Grobet, Carlos Medeiros, Jean-Charles Rielle, Romain de Sainte Marie et Daniel Zaugg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Marko Bandler, Maria Casares, Gilbert Catelain, Christian Decorvet et Françoise Sapin.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de deux députés, Mme Delphine Klopfenstein Broggini et M. Christophe Aumeunier. Je prie Mme le sautier de les faire entrer, et l'assistance de bien vouloir se lever. (Mme Delphine Klopfenstein Broggini et M. Christophe Aumeunier entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame Delphine Klopfenstein Broggini et Monsieur Christophe Aumeunier, vous êtes appelés à prêter serment de vos fonctions de députés au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
Ont prêté serment:
Mme Delphine Klopfenstein Broggini et M. Christophe Aumeunier.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de deux députés suppléants, M. Patrick Malek-Asghar et M. Guillaume Käser. Je prie Mme le sautier de les faire entrer, et l'assistance de bien vouloir rester debout. (M. Patrick Malek-Asghar et M. Guillaume Käser entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Monsieur Patrick Malek-Asghar et Monsieur Guillaume Käser, vous êtes appelés à prêter serment de vos fonctions de députés suppléants au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
Ont prêté serment:
M. Patrick Malek-Asghar et M. Guillaume Käser.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Stéphanie Nussbaumer et M. Didier Aulas.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Correspondance
Le président. Monsieur Voumard, vous avez demandé la parole ?
M. Jean-Marie Voumard. Oui, Monsieur le président, merci. Je vous informe que le groupe MCG retire...
Le président. Les annonces se font au point suivant, Monsieur le député. Nous en sommes encore à la correspondance.
M. Jean-Marie Voumard. Ah, excusez-moi, je suis un peu en avance ! Je reprendrai la parole après.
Le président. Bien. Je passe la parole à Mme Lydia Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Le groupe socialiste souhaite que le courrier 3504 soit lu lorsque nous aborderons la R 765-A intitulée «Stop au secret des négociations de l'Accord sur le commerce des services».
Le président. Etes-vous soutenue pour cette requête, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent.) Soit, lecture en sera donnée au point de l'ordre du jour concerné. Monsieur Spuhler, c'est à vous.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Le MCG demande la lecture du courrier 3502 de M. Lavergnat François, président-fondateur du GPFI, concernant le débat sur le projet de loi du Conseil d'Etat sur la laïcité et la religion en relation avec la pétition 1890 et le nouveau rapport commandé en novembre 2014 au Conseil d'Etat sur les mesures à prendre pour maîtriser les abus d'organisations totalitaires et extrémistes du type scientologie.
Le président. Sollicitez-vous la lecture immédiate ou au moment du traitement du point concerné ?
M. Pascal Spuhler. Il n'y a pas de point, Monsieur le président, il n'est pas à l'ordre du jour.
Le président. Non, en effet, cet objet sur la laïcité ne figure pas encore à l'ordre du jour, mais ce sera le cas lors de la prochaine session. Si vous le désirez, nous pouvons faire la lecture tout de suite. (Remarque.) Faisons-le maintenant, ce sera mieux. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, je passe le micro à Mme Moyard pour la lecture de ce courrier 3502.
Annonces et dépôts
Le président. Je cède la parole à M. Jean-Marie Voumard.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Merci, Monsieur le président. Le groupe MCG retire le point 26, soit les objets liés R 561-A «Résolvez les problèmes de circulation et de mobilité à Vernier» et R 657-A «La population de Vernier-Village prise en otage par la DGM/DIM».
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Il est pris acte de ce retrait.
Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante:
Pétition : Intégrons le respect des animaux dans les écoles ! (P-1959)
à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.
Le président. Est tirée au sort: Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Nous commençons avec le PL 11316-A, notre première urgence, pour laquelle nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je salue à la tribune notre ancien collègue, M. Roberto Broggini, qui a siégé sur les bancs des Verts durant de nombreuses années. (Applaudissements. Commentaires.) Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission était chargée d'étudier un projet de loi de financement de quatre institutions dans le domaine de la formation: l'Ecole hôtelière de Genève, le Centre de bilan Genève, l'Université ouvrière de Genève et l'Association des répétitoires AJETA. La commission, comme vous avez pu le lire dans le rapport, a voté à l'unanimité les crédits en faveur de trois de ces quatre écoles et a eu de nombreuses divergences sur l'Université ouvrière de Genève. Il se trouve que celle-ci a refusé de signer un nouveau contrat de prestations. La commission a donc suggéré de sortir l'Université ouvrière de Genève de ce projet de loi par le biais d'un amendement en deuxième débat. La question du financement de cette institution viendra donc dans un deuxième temps avec un autre projet de loi, et j'espère qu'il sera traité en bonne intelligence.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Chers collègues, les commissaires de l'Alternative - le parti socialiste, les Verts et Ensemble à Gauche - sont d'accord avec la proposition formulée par le rapporteur de majorité, à savoir de sortir l'Université ouvrière de Genève de ce projet de loi et de revenir en commission pour étudier en bonne intelligence un autre projet de loi concernant le financement de cette institution. J'ajoute, Monsieur le président, que l'amendement déposé a été cosigné par M. Aellen et moi-même; je retire donc le premier amendement que j'avais déposé, au bénéfice du deuxième.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il est pris acte de ce retrait. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous fais voter sur l'entrée en matière du projet de loi 11316.
Mis aux voix, le projet de loi 11316 est adopté en premier débat par 78 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général qui modifie le titre ainsi que les articles 2 et 3. Je passe la parole à son auteur, M. Aellen, pour nous l'expliquer.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'amendement n'a pas encore été distribué mais, de tête, il consiste notamment à modifier le titre, de sorte qu'il n'est plus question du financement de quatre mais de trois institutions, ainsi qu'à supprimer, toujours dans le titre, la lettre c faisant référence à l'Université ouvrière de Genève.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant pas demandée, je vais vous lire l'amendement; ce sera plus clair pour tout le monde.
«Titre (nouvelle teneur)
Projet de loi
(11316)
accordant des indemnités et des aides financières à trois institutions du domaine de la formation initiale et de la formation continue pour les années 2014 à 2017:
a) Ecole Hôtelière de Genève (EHG)
b) Centre de Bilan Genève (CEBIG)
c) Association des Répétitoires AJETA (ARA)
Art. 2, al. 1 (nouvelle teneur)
1 L'Etat verse, au sens de l'article 2 de la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005, des indemnités et des aides financières de fonctionnement d'un montant total de 2 950 433 F en 2014 et en 2015, 2 945 433 F en 2016 et 2 940 433 F en 2017, réparties ainsi:
a) à l'Ecole Hôtelière de Genève, une indemnité annuelle de 914 433 F;
b) au Centre de Bilan Genève, une indemnité annuelle de 420 000 F;
c) à l'Association des Répétitoires AJETA, une aide financière de 1 616 000 F en 2014 et en 2015, 1 611 000 F en 2016 et 1 606 000 F en 2017.
Art. 3 (nouvelle teneur)
Ces indemnités et aides financières figurent sous le programme A02 "Enseignement postobligatoire, formation continue et orientation" et les rubriques suivantes du budget annuel voté par le Grand Conseil :
a) 03.32.00.00 363600, projet 134660, pour l'Ecole Hôtelière de Genève;
b) 03.32.00.00 363600, projet 133750, pour le Centre de Bilan Genève;
c) 03.32.00.00 363600, projet 133700, pour l'Association des Répétitoires AJETA.»
Je précise que, dans le titre, «quatre» est remplacé par «trois» et que la lettre c faisant référence à l'Université Ouvrière de Genève est barrée. La lettre d devient donc la lettre c.
A l'article 2, le montant qui était initialement attribué à l'Université ouvrière de Genève a été soustrait du montant total des indemnités et des aides financières versées aux institutions pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017. Ainsi, pour 2014 et 2015, «3 750 433 F» est remplacé par «2 950 433 F»; pour 2016, «3 745 433 F» est remplacé par «2 945 433 F»; enfin, pour 2017, «3 740 433 F» est remplacé par «2 940 433 F». Toujours à l'article 2, la lettre c faisant référence à l'Université ouvrière de Genève est barrée; la lettre d devient donc la lettre c.
Il en va de même à l'article 3: la lettre c faisant référence à l'Université ouvrière de Genève est barrée; la lettre d devient donc la lettre c. J'espère que cela vous parle. Je vous fais maintenant voter sur l'entier de cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement général est adopté par 79 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, le préambule est adopté, de même que l'art. 1.
Mis aux voix, les art. 2 et 3 ainsi amendés sont adoptés.
Mis aux voix, l'art. 4 est adopté, de même que les art. 5 à 10.
Troisième débat
La loi 11316 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11316 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 79 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Nous passons à notre prochaine urgence, la proposition de motion 2297, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la question qui vous est posée au travers de cette motion est simplement de savoir si vous êtes en phase avec ce que souhaite faire le Conseil d'Etat, à savoir augmenter le prix du macaron en zone bleue, comme il l'a déjà annoncé par la presse. En ce qui concerne les signataires de cette motion, ils s'y opposent et tiennent à le signaler au Conseil d'Etat, afin qu'il renonce à cette augmentation qui s'apparente plus ou moins à une augmentation d'impôts. Actuellement, plutôt que de montrer une réelle volonté de réformes, c'est ce que le Conseil d'Etat a tendance à proposer. Nous pensons que ce n'est pas le moment d'augmenter le prix du macaron puisqu'il l'a déjà été une fois en 2012. Nous vous invitons donc à soutenir cette motion en la renvoyant directement au Conseil d'Etat. Ce que les signataires attendent de la réponse à cette motion... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...c'est bien évidemment que le Conseil d'Etat renonce à cette augmentation, sans quoi, malheureusement - en tout cas en ce qui concerne le groupe UDC - nous reviendrons avec un projet de loi visant à fixer définitivement le prix du macaron dans la loi, bien que nous ne soyons pas convaincus que ce soit une bonne chose. Toutefois, si nous devons en arriver là, nous le ferons ! Je vous remercie. (Remarque.)
Une voix. Très bien !
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, de quoi parle-t-on ? Il est question d'une augmentation du prix du macaron de 200 F à 240 F par année, soit de 3,30 F par mois ou 11 centimes par jour. (Commentaires.) On a pu constater que, dans la situation actuelle, les habitantes et habitants de notre canton et principalement du centre-ville disposant d'une place de parking dans leur immeuble ont tendance à prendre un macaron et à sous-louer à des pendulaires leur place dans leur immeuble. Ceci a pour conséquence une augmentation du trafic dans notre canton et principalement au centre-ville, ce qu'à la commission des transports et en particulier à la sous-commission de la mobilité, nous cherchons justement à limiter. De plus, la direction générale des transports a affirmé, et cela est paru récemment dans la presse, que ce prix de 200 F est tellement attractif - en comparaison suisse, c'est largement le macaron le moins cher; à titre d'exemple, le macaron se vend à plus de 900 F par année à Nyon - qu'il y a actuellement beaucoup plus de macarons vendus que de places disponibles... (Brouhaha.) ...ce qui implique que de nombreux automobilistes doivent chercher pendant très longtemps des places, bien qu'ils aient un macaron en zone bleue. Pour répondre à ces problématiques, la direction générale des transports envisage donc cette augmentation de 200 F à 240 F par année, je le rappelle.
J'aimerais également rappeler que l'usage du domaine public a un coût, on peut le constater fréquemment: quand des chantiers utilisent le domaine public, quand un cafetier ou restaurateur veut installer une terrasse sur une place de parking ou quand une association demande l'utilisation du domaine public, ils doivent payer cet usage du domaine public. Il est normal que l'automobiliste en paie également le juste prix. Enfin, je souhaiterais rappeler que ce qui coûte cher quand on choisit d'utiliser la voiture pour se déplacer, ce n'est pas le prix du macaron, de 200 F ou 240 F par année, mais l'essence, les réparations, les assurances, etc., en somme tous les coûts liés à l'utilisation de la voiture.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Caroline Marti. Je vous remercie et je conclus là, justement, Monsieur le président. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous propose de refuser cette motion. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Mesdames et Messieurs... (Trois députés discutent devant l'orateur.)
Le président. Je crois que votre vue est quelque peu obstruée par... (Les députés regagnent leurs places.)
M. Bertrand Buchs. Ah, merci ! Il y avait des divergences devant moi.
Le président. Il y avait des divergences...
M. Bertrand Buchs. Eh oui !
Le président. Poursuivez, Monsieur le député !
M. Bertrand Buchs. Merci, Monsieur le président ! Nous allons répondre rapidement à la question de M. Florey: oui, nous sommes en phase avec le Conseil d'Etat et nous sommes d'accord avec l'augmentation du prix du macaron de 200 F à 240 F. Cette augmentation est tout à fait supportable et il est vrai que le macaron à 200 F est trop bas. Rappelons aussi que le prix des macarons permet à la Fondation des parkings de faire des investissements et de développer d'autres parkings dont nous avons besoin. Nous n'avons donc aucun problème avec une augmentation du prix du macaron qui correspondrait à 240 F, ce qui est tout à fait acceptable. Au regard du prix que paient les gens pour des places de parking dans les immeubles, qui avoisine souvent 180 F à 300 F par mois, 240 F par an pour se parquer sur la voie publique est vraiment très peu. Nous soutiendrons donc cette proposition du Conseil d'Etat et nous refuserons cette motion. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
Une autre voix. Bravo !
M. Stéphane Florey (UDC). 40 F supplémentaires pour un macaron, c'est 40 F de pouvoir d'achat en moins pour ceux qui le paient ! (Remarque.) Cumulés à toutes les augmentations annuelles, notamment de l'assurance-maladie... (Remarque.) ...cela commence à faire beaucoup ! Nous estimons que ce n'est pas le moment pour une augmentation de 40 F et que c'est trop. Nous refusons donc cette augmentation. De plus, il ne faut surtout pas oublier que ceux qui achètent un macaron sont principalement des clients captifs parce qu'ils n'ont simplement pas la possibilité de se garer dans leurs immeubles, n'ayant pas de garage souterrain à disposition. (Remarque.) Augmenter un peu de temps en temps le macaron revient donc quand même plus ou moins à arnaquer le client. (Remarque.) Pour une fois que quelque chose est moins cher à Genève en comparaison avec les autres cantons... (Rire. Commentaires.) ...essayons de le conserver ! Je vous remercie.
Mme Danièle Magnin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la première chose qui me choque lorsqu'on parle de macarons, c'est le fait qu'on vende plus de macarons qu'il n'y a de places dans la réalité. Mesdames et Messieurs, on ne peut pas dire que ce soit une escroquerie, parce que tout le monde est au courant, je dirais donc que c'est un vol pur et simple ! (Commentaires.) C'est simplement honteux ! A cela s'ajoute l'habitude de facturer les dits «émoluments» qui s'additionnent aux contraventions lorsque vous avez dépassé le temps de parking. Vous vous retrouvez à devoir payer 40 F, et si vous n'avez pas payé dans les dix jours, on ajoute 100 F à ces 40 F, soit 140 F en tout, sans autre justification que le fait qu'une machine a débité automatiquement une lettre qui vous est ensuite envoyée. Rien que pour cela, ce prix... Et avec les nouveaux tarifs, si l'amende est pour autre chose - une ligne blanche, un feu rouge - elle sera de l'ordre de 1000 F et les émoluments de l'ordre de 550 F ! Alors les petites taxes par-ci, par-là, ça commence à faire beaucoup ! Si j'ajoute à cela le macaron pour l'autoroute qu'on veut chaque année nous faire payer un peu plus cher, on arrive à des montants vraiment exagérés et qui ne servent qu'à une chose, comme toujours: à essayer d'obliger les citoyens, contre leur gré, à ne pas se déplacer en véhicule automobile...
Une voix. A pétrole !
Mme Danièle Magnin. Je ne dirais pas à pétrole, parce qu'ils deviennent maintenant souvent électriques, mais à ne pas se pas déplacer en véhicule automobile ! (Commentaires.)
Ensuite, ma collègue préopinante sur les bancs d'en face a parlé d'un juste prix. Mais qui décide de ce qu'est un juste prix ? Le juste prix, il existe une émission qui porte ce nom: on vous fait choisir des objets qui proviennent de supermarchés et dont il faut déterminer le juste prix. Mais c'est comique, cette histoire ! Il n'y a pas de juste prix, c'est strictement politique dans le cas présent ! (Brouhaha.) Enfin, puisque c'est strictement politique, j'en viens à la qualification de ce macaron. Ce macaron devient une taxe, donc un impôt et ce n'est pas correct non plus. Je voudrais aussi revenir sur les propos d'une préopinante, selon laquelle les macarons coûtent plus cher à Nyon.
Le président. Il vous reste vingt secondes.
Mme Danièle Magnin. Eh bien écoutez, grand bien fasse aux Vaudois, mais à Zurich le parking coûte moins cher, nettement moins cher ! Nous vous demandons donc de soutenir cette motion.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, donnons des chiffres, car ils n'ont été évoqués que sommairement: 360 F à Vevey, 500 F à Lausanne, 540 F à Morges, 840 F à Gland, 980 F à Nyon. A 200 F, le macaron genevois est vraiment très bon marché, quand on pense qu'il permet de se garer en zone bleue de façon illimitée ! Même si, comme la loi le permet, le prix augmentait à 240 F par an - une proposition d'un groupe de travail interne à l'administration - cela resterait tout à fait raisonnable. Je rappelle qu'il s'agit d'une occupation de l'espace public. On peut établir des comparaisons avec d'autres types d'occupation de l'espace public, comme les terrasses: selon les tarifs pratiqués en ville de Genève, une terrasse de bistrot coûte, pour huit mois d'occupation seulement par année - donc pas pour une année entière - 75 F par mètre carré. Cela revient, pour l'équivalent de la surface d'une place de stationnement, à 1125 F pour huit mois. Pour l'occupation du même périmètre de l'espace public, on constate donc un très grand décalage. Vous, je ne sais pas, moi je préfère voir une rue bordée de terrasses de bistrots plutôt qu'une rue bordée de voitures garées. (Commentaires.) C'est une question de goût.
Maintenant, ma collègue socialiste a abordé la question de la sous-location des places souterraines. Il s'agit d'un phénomène très répandu et visiblement ce groupe de travail planche aussi sur l'idée de conditionner la vente du macaron à la présentation d'une preuve que les personnes ne disposent pas déjà d'une place dans leur sous-sol qu'ils sous-louent à des pendulaires, car non seulement cela crée énormément de trafic au centre-ville mais en plus, cela implique que les places en zone bleue ne sont pas disponibles pour les automobilistes ne disposant pas de place sous leur immeuble. Aujourd'hui, 41% des ménages en Ville de Genève n'ont plus de voiture. La société est en train d'évoluer, l'heure est au changement et au rééquilibrage. Je vous rappelle également que les recettes de ces macarons sont reversées à la Fondation des parkings et utilisées pour la construction de parkings d'échange et de parkings habitants. Il s'agit donc d'alimenter un cercle vertueux en permettant la construction de ces parkings qui gardent les voitures à l'extérieur de la ville et de laisser respirer les rues du centre. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Une dernière remarque en conclusion: à l'heure où un compromis sur les transports négocié de haute lutte est à bout touchant, peut-être faudrait-il décréter un moratoire sur ce genre de motion et sur toutes ses cousines qui nous attendent au début de l'ordre du jour bleu pour ramener un peu de sérénité dans ce débat et un peu de convivialité dans nos rues au centre-ville et dans les centres urbains.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. Comme quoi, dans le macaron, tout n'est pas bon ! Monsieur Florian Gander, vous avez la parole.
M. Florian Gander (MCG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je ne qualifierais pas l'augmentation du prix du macaron, comme ma préopinante, de vol, mais simplement d'impôt déguisé. Pourquoi ? Parce qu'augmenter le prix du...
Le président. Il vous reste dix secondes. (Commentaires.)
M. Florian Gander. Alors je vais essayer d'être bref. L'augmentation du prix du macaron ne se fait pas dans le bon sens, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'amélioration de service, pas d'augmentation du nombre de zones bleues, donc... (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Florian Gander. Je termine juste ! ...le résident va payer une fois de plus pour le financement de nouveaux parkings-relais par le biais de ces macarons...
Le président. Merci beaucoup.
M. Florian Gander. ...ce qui n'est pas correct ! (Commentaires.)
M. Michel Ducret (PLR). Je souhaiterais faire quelques remarques préliminaires: on entend ce soir tout et n'importe quoi à propos du macaron. Premièrement, je vous rappelle que ce n'est pas l'achat ou la location d'une place de parking... (Remarque.) ...c'est un droit d'usage accru du domaine public qui permet de ne pas respecter une limitation de durée du stationnement. Ce n'est rien de plus ! Il n'existe pas de corrélation directe entre le nombre de macarons vendus permettant de dépasser le temps de stationnement et le nombre de places disponibles dans un secteur donné. Deuxièmement, quel était le but de l'exercice au départ ? (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Michel Ducret. Il était double: d'une part, décourager le stationnement des pendulaires dans les zones où il manquait de places de stationnement pour les habitants et, d'autre part, permettre aux habitants de ces mêmes quartiers de pouvoir laisser leur véhicule garé - parce qu'à l'époque le stationnement était limité à quinze heures ou deux heures, et s'ils ne bougeaient pas leur voiture dans la journée, ils étaient prunés ! L'idée du macaron était donc qu'ils puissent laisser leur véhicule garé et utiliser les transports collectifs. Voilà le but initial du macaron ! (Commentaires.) Remettons les choses en place.
Maintenant, concernant la fourchette de prix qui peut monter jusqu'à 240 F dans la loi actuelle, il est vrai que ce n'est peut-être pas très heureux d'augmenter aujourd'hui encore une taxe sur... Enfin, ce n'est pas une taxe, mais d'augmenter le prix d'une prestation alors même que cette prestation est difficile à obtenir parce que le nombre de places libres n'est pas suffisant. Je dirais simplement à ceux qui relèvent que 41% des ménages n'ont pas de voiture: eh bien tant mieux, c'est comme dans toutes les grandes villes du monde ! C'est un phénomène tout à fait normal. Cela étant dit, il n'y a toujours pas assez de places pour le reste des ménages, parce que si 41% d'entre eux n'ont pas besoin de ces places, le nombre de places disponibles n'en reste pas moins insuffisant pour les 59% restants qui, eux, en ont besoin pour laisser leur véhicule garé et prendre le tram. (Remarque.) Soyons prudents avec cette question; étudions au moins cette proposition de ne pas augmenter le prix du macaron et étudions en même temps la proposition de l'augmenter, ce qui revient à peu près au même, n'est-ce pas ? (Remarque.) Ce sera étudié en commission et je pense que nous y verrons ainsi un peu plus clair sur le fait de procéder ou non maintenant... (Brouhaha.) ...à cette augmentation. Je vous remercie de votre attention. (Brouhaha.)
Une voix. Bravo !
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que mon département s'est penché sur la problématique des macarons. Comme l'a résumé M. Michel Ducret, l'octroi du macaron constitue une bonne solution puisque cela permet justement aux gens de pouvoir rester garés dans leur quartier beaucoup plus longtemps que la plupart des gens qui y sont de passage. Au cours du travail mené sur cette révision de l'octroi des macarons, nous nous sommes rendu compte de plusieurs choses: tout d'abord, beaucoup trop de macarons ont été délivrés par rapport au nombre de places disponibles sur la voie publique. (Commentaires.) Ensuite, nous avons réalisé qu'une bonne partie des personnes disposant de macarons - je crois qu'il faut le dire - disposaient aussi de parkings privés. Nous nous sommes rendu compte dans un troisième temps que ces places de parking privées sont souvent sous-louées à des pendulaires... (Remarque.) ...pendant la semaine, c'est-à-dire que les gens parquent leur voiture dans la rue et sous-louent leur place de parking à des pendulaires qui viennent ainsi dans des quartiers, alors que précisément, on faisait tout pour que ces gens ne viennent pas engluer notre centre-ville. Aujourd'hui, si on veut revoir cette politique des macarons - on parle d'augmentation, mais elle n'a pas encore eu lieu, bien qu'elle soit effectivement préconisée par mes services - c'est tout simplement parce que... (Remarque.) ...si on limite la délivrance de ces macarons, moins de macarons seront délivrés et il y aura donc moins de rentrées. C'est pour cela que nous voulons augmenter légèrement le prix des macarons: pour parer ce manque de rentrées de taxes. Tout simplement. (Léger brouhaha.)
Il est probable que nous allons nous pencher sur toute cette question, et il n'est pas normal de venir aujourd'hui avec cette motion qui coupe court à tout travail - que vous avez par ailleurs demandé au département. Le prix du macaron genevois, même à 240 F, est bien au-dessous de la moyenne suisse qui s'élève à 350 F, et je vous parle bien de la moyenne. Je ne parle même pas de Nyon dans le canton de Vaud, où le prix du macaron dépasse largement 950 F. (Brouhaha.)
Enfin, Mesdames et Messieurs, cette augmentation du prix du macaron, qui se monte à peu près à 3 F par mois, n'a rien à voir avec l'augmentation que se sont allouée certains députés de ce Grand Conseil, il ne faudrait quand même pas l'oublier ! Alors vous pouvez parler de scandale... (Huées. Vifs commentaires.) ...je le dis avec un petit peu d'humour, mais... (Protestations.) ...entre ceux qui préconisent une certaine morale dans cette enceinte et ceux qui jouent du tambour dehors... (Protestations.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Luc Barthassat. Mesdames et Messieurs, je fais appel à la raison... (Protestations.) ...et cette raison me pousse à vous demander de refuser cette motion ! (Protestations.)
Le président. Je vous remercie. (Commentaires.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît ! (Commentaires.) Je rappelle au Conseil d'Etat qu'il appartient au Grand Conseil de gérer ses propres affaires.
Une voix. Exact, merci ! (Commentaires.)
Le président. Je fais maintenant voter l'assemblée sur la prise en considération de la proposition de motion 2297.
Mise aux voix, la motion 2297 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 48 oui contre 35 non et 3 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, soit le PL 11408-A, que nous traitons en catégorie I. La parole est au rapporteur de majorité, Mme Bénédicte Montant.
Mme Bénédicte Montant (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi propose de retrouver la liberté de conclure un contrat de vente entre un propriétaire bailleur et son locataire, en demandant de modifier en partie l'article 39 LDTR. Un locataire pourra dorénavant acheter l'appartement qu'il occupe effectivement depuis trois ans, et cela tant que les autres locataires de l'immeuble obtiennent la garantie de ne pas être contraints d'acheter ou de partir.
Est-il besoin de rappeler ici, chers collègues, qu'il existe en Suisse 38% de propriétaires de leur logement - alors qu'ils sont environ 65% en Europe - et qu'à Genève ce chiffre ne s'élève qu'à 17% ? Cela est notamment dû au fait qu'il n'y a aujourd'hui qu'une seule possibilité pour un locataire qui souhaite acquérir son propre logement; elle tient dans une exception juridique qui est décrite à l'article 39, alinéa 3, de la LDTR et qui nécessite deux conditions cumulatives: premièrement, que le locataire habite le logement qu'il souhaite acquérir depuis au moins trois ans et, deuxièmement, que 60% des autres locataires de l'immeuble donnent leur accord écrit à cette acquisition. Depuis l'entrée en vigueur de l'article 39, alinéa 3, LDTR et jusqu'en juin 2012, le département l'a toujours appliquée sans restrictions particulières, dans la mesure où les deux conditions cumulatives que je viens de citer étaient réunies. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il a donc délivré un certain nombre d'autorisations de vente durant cette période et a permis à quelques locataires de se pérenniser dans leur logement en en devenant les propriétaires. Cependant, la jurisprudence relative à l'application de cet article a peu à peu évolué vers la considération que l'intérêt public devait, de façon quasiment systématique, l'emporter sur l'intérêt privé que le locataire pouvait avoir à acquérir son propre logement. Dès 2010, des recours contre les décisions d'autorisation de vente ont été déposés par l'ASLOCA, jugés au Tribunal administratif de première instance en faveur des recourants et confirmés à la Chambre administrative puis finalement au Tribunal fédéral le 8 janvier 2013. L'intérêt privé des locataires à acquérir n'a depuis lors plus jamais été considéré comme pouvant justifier la délivrance d'une autorisation. A la suite de cet arrêt du Tribunal fédéral, le département n'a donc plus jamais délivré d'autorisations en application de l'article 39, alinéa 3, sauf pour deux exceptions, qui font actuellement également l'objet de recours déposés par l'ASLOCA. Mais le 5 août dernier, le Tribunal fédéral a autorisé la vente d'un appartement loué au locataire en place, alors que cette vente avait été refusée par le département et que ce refus avait été confirmé par les deux instances judiciaires du canton.
En raison de tout ce qui précède, Mesdames et Messieurs les députés, afin de favoriser l'accession à la propriété de son propre logement, le projet de loi qui nous occupe ce soir veut remplacer l'actuel régime d'exception par un régime au sein duquel l'autorité compétente devra délivrer l'autorisation sollicitée. L'autorité ne fera donc que prendre acte de l'accord qui aura été décidé entre les parties, cela évidemment pour autant que les conditions légales soient bien respectées. Comme vous le savez, le locataire occupant les lieux sera le seul interlocuteur possible du propriétaire, car il est le seul à pouvoir acquérir; il ne pourra donc accepter qu'un prix qui lui convient. Il me semble important de rappeler ici par ailleurs que toute contrainte est rendue impossible par les dispositions des articles 271 et suivants du code des obligations, qui protègent le locataire en prévoyant de pouvoir annuler un congé donné dans le cas où le propriétaire voudrait le forcer à acheter ou à quitter les lieux.
D'autre part, ces ventes n'auront de sens que si elles se situent dans un espace d'intelligence ou de logique économique. Un locataire n'aura ainsi aucune raison de vouloir acquérir un appartement dont le loyer est faible. Le prix se définira donc autour du loyer payé par le locataire au moment de la négociation et restera dans une gamme de prix moyenne, puisqu'il sera basé sur un loyer moyen. Du point de vue du crédit hypothécaire, l'acquéreur concerné ne sera pas différent de celui qui pourrait accéder à des logements neufs à des prix contrôlés. Les taux sont aujourd'hui historiquement bas et il est possible de les bloquer sur quinze ans pour amortir ensuite le mieux possible durant cette période, c'est-à-dire assurer les intérêts et l'amortissement en lieu et place du paiement d'un loyer à un tiers propriétaire. L'achat de son propre logement permet d'avoir la garantie de pouvoir rester dans son quartier, dans son immeuble, et donc dans son tissu social. Cela permet la mixité dans les immeubles, et c'est aujourd'hui, dans l'environnement économique qui est le nôtre, l'une des formes d'épargne les plus sûres.
Durant les débats de commission, le Conseil d'Etat nous a rappelé avoir fait de l'accès à la propriété de son propre logement dans l'objectif d'y vivre l'un des axes de sa politique du logement. En ce sens, ce projet de loi permet à des locataires de longue date d'accéder à la propriété de leur logement et encourage l'existence de petits propriétaires, ce qui a été considéré comme positif aux yeux du Conseil d'Etat. Cependant, ce projet de loi ne doit en aucun cas être une source d'inquiétude pour les locataires qui ne peuvent ou ne souhaitent changer de statut. L'administration devra donc veiller, dans le cadre de la mise en application de la loi, à ce que ce dispositif ne crée pas de pressions sur d'autres locataires de l'immeuble qui, par hypothèse, ne voudraient ou ne pourraient acquérir leur logement. Enfin, il faut rappeler une fois encore que le code des obligations prévoit expressément que le congé donné pour contraindre le locataire à acheter est annulable.
En résumé, ce projet de loi n'obligera personne à vendre ou à acquérir, mais ouvre une possibilité. Il se met en conformité avec la nouvelle constitution, qui demande que l'Etat encourage l'accession à la propriété. Il respecte la liberté individuelle de pouvoir choisir entre location et propriété. De plus, aucune unité de logement n'est créée ni soustraite. Le locataire devenu propriétaire habitera son logement, et c'est important. Enfin, vingt-deux cantons suisses ne connaissent pas de législation analogue à la LDTR et n'ont cependant pas de problème de rétrécissement de leur parc locatif.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues, la majorité de la commission vous recommande d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président
Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en mai 2003, dans cette même salle, nos illustres prédécesseurs ont débattu d'un projet de loi quasi identique, déposé en 2001. Il s'agit du PL 8660, qui prévoyait déjà l'abrogation de l'article 39, alinéa 3, et l'ajout d'une lettre e à l'article 39, alinéa 4, LDTR. Cette lettre e prévoyait ceci: «e) est librement acquis par le locataire en place depuis au moins deux ans pour y maintenir son domicile, les personnes faisant ménage commun avec lui bénéficiant, avec l'accord du locataire, du même droit aux mêmes conditions.» Même si la disposition proposée par le PL 11408 n'est pas strictement identique, elle relève du même esprit, puisqu'il s'agit dans les deux projets de lois d'abroger l'article 39, alinéa 3, et d'introduire dans l'article 39, alinéa 4, une cinquième cause d'autorisation sans condition. Ce projet de loi avait été refusé en votation populaire en 2004, suite à un référendum lancé par la gauche et les milieux de défense des locataires.
Comme les auteurs de l'époque, l'auteur du PL 11408 prétend en substance vouloir favoriser l'accession à la propriété des locataires en place, ce pour leur seul bien, ce qui est totalement faux. Son objectif réel est en fait de démanteler la protection instaurée par l'article 39 LDTR et de favoriser les intérêts des propriétaires par l'obtention d'énormes profits. Les propriétaires peuvent en effet bénéficier de gains nettement supérieurs à ceux qu'ils obtiendraient en vendant l'immeuble dans son entier. M. Zacharias lui-même a admis en commission que les plus-values réalisées par les propriétaires pouvaient aller jusqu'à 50% par rapport au prix de vente qu'ils en retireraient en vendant l'immeuble en bloc. Et ce chiffre est certainement bien en dessous de la réalité ! De plus, cela participera encore davantage à la spéculation que la LDTR cherche justement à combattre.
Ce projet de loi vise en réalité surtout à vider de sa substance l'article 39 LDTR, puisque le DALE serait obligé d'autoriser sans condition et sans pesée des intérêts toute vente d'appartement si elle est faite à un locataire en place depuis plus de trois ans, ce quel que soit le statut de l'immeuble considéré. Et il s'agirait d'une brèche considérable dans le système de protection instauré par la LDTR, puisque ce motif serait en fait le seul à ne pas être en lien avec le statut de l'immeuble. En effet, comme vous le savez, le département doit autoriser l'aliénation dans quatre situations précises, justement liées au statut de l'immeuble. Et si l'on prévoit que l'autorisation de vente doit être automatiquement accordée lorsque la vente se fait à un locataire en place depuis plus de trois ans - ou une autre durée - on ouvre l'ensemble du parc locatif de logements à la vente par appartement, ce qui entraînera un démantèlement progressif de ce parc locatif. Cela constituerait une grave atteinte à la politique de protection du parc locatif de logements mise en place par la LDTR et maintes fois confirmée par le Tribunal fédéral, ce au nom de l'intérêt public en jeu. Et plus grave encore, cette situation incitera un certain nombre de bailleurs à porter leur choix avant tout sur des locataires qui sont prêts à acheter leur appartement et qui en ont les moyens, rendant encore plus difficile la recherche d'un logement pour les locataires ne disposant pas de tels moyens. Or il est notoire que l'achat d'un appartement n'est à la portée que d'un faible pourcentage de locataires et est exclu pour la très grande majorité d'entre eux, en général en raison de l'absence ou de l'insuffisance de fonds propres et par manque de revenus suffisants. La tentation sera aussi forte de faire partir les locataires ne correspondant pas au profil d'acheteurs potentiels, pour les remplacer par d'autres, et cela se voit déjà dans la réalité. Cela ouvrira grand la porte au retour des congés-vente par des biais détournés, car la garantie que le projet de loi prétend donner aux autres locataires de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir sera le plus souvent inefficace. En effet, un certain nombre de bailleurs ont développé en quelques décennies de nombreuses stratégies pour tenter d'échapper aux contraintes du droit du bail en matière de protection contre les congés et ont ajusté leurs arguments à l'évolution de la jurisprudence. Il n'est aujourd'hui pas aisé pour les locataires de faire annuler une résiliation de bail, notamment en cas de vente d'appartement. Les résiliations de bail risquent ainsi de se multiplier, soit au motif de vendre un appartement libre de tout occupant, soit sous des prétextes divers, par exemple le besoin personnel d'un membre de la famille.
D'autre part, on a vu apparaître ces dernières années la conclusion de contrats de bail de durée déterminée - le plus souvent pour une durée de trois ans et demi, comme par hasard... Ces contrats sont assortis de promesses d'achat de l'appartement, dans le seul but de vendre l'appartement au futur locataire. Cette pratique abusive va s'amplifier si ce projet de loi est adopté. De surcroît, contrairement à ce qu'a indiqué la représentante de la CGI lors de son audition, il n'est pas du tout improbable que de nombreuses personnes deviennent locataires d'un appartement dans l'unique but de l'acheter trois ans plus tard, ni qu'elles l'achètent pour le revendre ensuite. Et il n'y a aucune garantie que les personnes qui achètent leur appartement l'occupent réellement, puisque aucune contrainte n'est mise à ce niveau-là. Bien au contraire, il est inévitable que l'adoption de ce projet de loi entraînera des reventes ultérieures de l'appartement par le locataire acheteur, qu'il soit obligé de s'en séparer pour des raisons financières ou personnelles, ou qu'il soit simplement tenté par les plus-values qu'offrirait une revente. Il faut encore rappeler que l'article 39 actuel est issu de divers votes populaires et qu'il répond à un intérêt public défini et approuvé par le Tribunal fédéral selon une jurisprudence constante. Cet intérêt public serait gravement atteint si le locataire pouvait obtenir le droit d'acquérir l'appartement qu'il loue sans condition autre qu'une période d'occupation de trois ans - ou d'une autre durée, je le répète. Rien n'empêche d'ailleurs un locataire genevois qui souhaite accéder à la propriété et qui en a les moyens de devenir propriétaire d'un logement destiné à la vente dès l'origine, notamment dans les zones de développement.
J'aimerais encore préciser que les socialistes ne sont pas en soi opposés à l'accession à la propriété pour les locataires, mais ils estiment qu'un tel processus doit s'insérer dans le dispositif actuel et non pas être facilité indûment au mépris de l'intérêt public visé par l'article 39 LDTR. Il faut absolument que le département puisse continuer à faire une pesée des intérêts entre l'intérêt public et l'intérêt privé, ce qui ne serait plus le cas avec le projet de loi proposé. Le groupe socialiste vous invite par conséquent à refuser ce projet de loi dans son intégralité, car tant l'ajout d'une lettre e à l'article 39, alinéa 4, que l'abrogation de l'article 39, alinéa 3, sont inacceptables. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Avec ce projet de loi au titre enjôleur, le député Ronald Zacharias continue de nous faire explorer les territoires dangereux de la perversion sémantique, la sémantique étant l'analyse du sens des mots et du processus par lequel ils changent de sens. C'est ce que nous avait déjà proposé le député Zacharias, d'ailleurs, il n'y a pas très longtemps, avec son projet de loi intitulé «Plus de logements pour les Genevois !», qui modifiait la LDTR pour transformer des bureaux en logements, sans contrainte de contrôle des loyers. C'était très fort ! Il s'agissait d'un malentendu, et pourtant ça a marché, vous vous en rappelez, c'était en juin 2015. Alors pourquoi s'arrêter en chemin ? Aujourd'hui, nous traitons d'un nouveau projet de loi du même député, trompeusement intitulé «Plus de liberté pour les locataires». Ce que veut dire en réalité M. Zacharias, c'est «Plus de liberté pour les propriétaires», mais, évidemment, ça ne marcherait pas... Alors allons-y pour «Plus de liberté pour les locataires» ! Voilà le genre de perversion sémantique avec laquelle joue le député Zacharias. Voilà le genre de perversion sémantique qui falsifie la réalité et conduit à la méprise de l'électeur qui, croyant voter pour son propre intérêt, vote en fait pour celui de M. Zacharias et de ses amis. Le vrai titre de ce projet de loi, finalement, c'est: «Aux innocents les mains pleines» !
Ce projet de loi part d'une situation qu'il veut améliorer, évidemment. Cette situation, c'est la possibilité, conservée par la LDTR, pour un locataire souhaitant librement acquérir son logement de le faire, aux conditions qu'il occupe le logement en question depuis au moins trois ans, qu'il ait les moyens de se porter acquéreur et que 60% des locataires de l'immeuble consentent à cette acquisition, avec la garantie qu'ils ne soient pas eux aussi obligés d'acheter ou alors de quitter les lieux. Voilà le cadre actuel forgé par la LDTR dans les années 80 pour protéger justement les locataires de ce qu'on appelle les «congés-vente», c'est-à-dire la proposition d'acheter ou de quitter son appartement si on ne peut pas l'acheter.
Dans un monde idéal - où vit d'ailleurs M. Zacharias - dans lequel chacun pourrait acheter son appartement, il n'y aurait pas de problème, et nous voterions votre projet, Monsieur Zacharias. Mais nous ne vivons pas dans ce monde idéal ! Nous vivons dans un monde réel, et dans ce monde réel, même si l'objectif politique du Conseil d'Etat, rappelé à maintes reprises, est de favoriser l'accès à la propriété de son propre logement pour y vivre, il est difficile de plier la réalité, qui est celle du prix du logement. Voilà la vraie réalité. Et donc le but réel de ce projet de loi est le suivant: plus de liberté pour le propriétaire, ainsi que le retour des congés-vente, sous une forme déguisée et pas clean, encadrée par la LDTR. Voilà, la farce est complète et, si vous le votez, ce sera donc maintenant un projet de loi LDTR !
Si en Suisse la proportion de locataires s'élève déjà à 65% de la population, à Genève les locataires sont très majoritaires, et depuis longtemps; en effet, alors que l'on comptait 82,5% de locataires en 1960, ils représentent aujourd'hui encore 83% de la population ! La situation n'a donc pas beaucoup évolué en cinquante-cinq ans, et elle n'est pas due à la LDTR, mais bien à la pénurie de logements - la construction de logements n'accompagnant pas la croissance de la population - et, en raison de cette pénurie, à des prix de logements qui sont maintenant inaccessibles, même aux classes moyennes supérieures. Alors oui, le frein à l'accès à la propriété, c'est le prix, et c'est pour cela que des dizaines de milliers de Genevois - 70 000, selon les chiffres du consulat suisse de Lyon - ont pu accéder à la propriété en France voisine. Et s'ils s'y sont déplacés, Mesdames et Messieurs les députés, c'est parce que le prix leur était économiquement supportable et qu'ils n'allaient pas passer leur vie à attendre que quelque chose change à Genève, alors que rien n'a changé depuis 1960... (Brouhaha.)
Le frein à l'accès à la propriété, c'est donc le prix, et le prix est soutenu par la pénurie. Or la pénurie de logements se combat par une méthode qui est connue ici de tous, celle-là même à laquelle s'opposent frontalement les porteurs de ce projet de loi. Et cette méthode qui est connue de tous consiste à construire du logement, du logement à des coûts contrôlés, et cela signifie construire du logement dans les zones de développement. C'est construire aussi moins de bureaux et plus de logements, avec un ratio de deux logements pour un emploi. Elle est connue, cette méthode ! Elle est connue depuis longtemps, mais les mêmes promoteurs de cette loi s'opposent par tous les moyens à la construction de logements, et je vais vous faire un petit inventaire. On peut citer par exemple le PL 10843 - très célèbre projet de loi dit «des Corbillettes» - proposant un déclassement en zone de développement 3 permettant de construire 1500 logements au nord de l'avenue Casaï, qui a été renvoyé deux fois en commission par notre ami Benoît Genecand - qui n'est plus là, d'ailleurs - et par la même majorité, sous prétexte d'en faire de la zone ordinaire, bloquant ainsi ces 1500 logements. Il y a également 1200 logements aux Grands-Esserts qui sont bloqués par qui ? Par les anciens magistrats PLR de Veyrier ! Sans oublier plus de 2300 logements bloqués depuis sept ans aux Communaux d'Ambilly. Et par qui sont-ils bloqués aux Communaux d'Ambilly ? Par les magistrats de l'Entente...
Voilà un autre pan de la réalité dont il faut parler. Et bien sûr, même si vous allez voter ce projet de loi, nous ne pouvons nous empêcher de vous rappeler cette réalité: où sont les bloqueurs du logement ? Ils sont ici ! Et ce n'est pas ce projet de loi qui va faciliter l'accès à la propriété de locataires en place, parce qu'il est fort probable que l'immense majorité des locataires n'auront jamais les moyens d'acheter leur logement et qu'il leur faudra quitter ce logement sous la pression, puisque la possibilité de valoriser des appartements à loyers très bas sera enfin offerte aux propriétaires en les vendant grâce à ce projet de loi Zacharias. Bien sûr, l'initiant nous promet que tout se passera bien, que toute contrainte est légalement et matériellement impossible, que le locataire ne pourra acheter qu'à un prix qui lui convient - alors ça, le concept du locataire qui achète au prix qui lui convient, c'est nouveau ! - et que le bailleur propriétaire réalisera un bénéfice s'il vend à un prix qui lui convient aussi. Vous nous l'accorderez, Mesdames et Messieurs les députés, ces deux dernières conditions sont très probablement incompatibles.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. François Lefort. Tout cela est déjà possible et les choses ne se passent pas bien, étant donné les nombreuses stratégies développées déjà pour les propriétaires afin de contourner la LDTR et d'évincer les locataires qui ne peuvent acheter leur appartement. Je connais d'ailleurs un ancien maire de Genève - vous le connaissez tous - qui a été récemment victime de ce genre d'agissements de propriétaire et qui a dû quitter son appartement car il ne pouvait pas l'acheter.
Les circonstances actuelles et les stratégies utilisées - qui viennent d'ailleurs d'être fort bien décrites par Mme Buche dans son rapport de minorité - vous ont illustré la situation.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. François Lefort. Pas de problème, je conclus, Monsieur le président de séance, et je redemande la parole immédiatement, puisque nous sommes en catégorie I. (Rires. Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11408 propose effectivement une modification de la LDTR afin de permettre à des locataires de devenir propriétaires de leur logement, logement qu'ils habitent d'ailleurs déjà. Le canton de Genève compte environ 17% de propriétaires, ce qui est bien peu en comparaison nationale et internationale, cela a été dit et redit. Ce projet de loi propose donc, pour le locataire souhaitant acquérir librement son logement, de modifier l'exception juridique actuelle. Cette dernière lui permet - s'il occupe le logement en question depuis au moins trois ans et si 60% des locataires de l'immeuble consentent à cette acquisition, tout en ayant la garantie de ne pas avoir à acheter ou à quitter les lieux - de se trouver au bénéfice d'une présomption selon laquelle l'intérêt privé l'emporte sur l'intérêt public et de se porter acquéreur. Dans les rares cas où l'autorisation d'aliéner s'est vue accordée, des recours ont été déposés par des associations de défense de locataires dans le but d'obtenir le retard ou l'annulation de la vente.
Ce projet de loi veut remplacer un régime d'administration discrétionnaire par un régime lié au sein duquel l'autorité compétente devra délivrer l'autorisation sollicitée en prenant acte de l'accord entre les parties, du moment que le délai de trois ans est bien respecté. La faculté d'acquérir étant par ailleurs uniquement réservée à l'occupant, ce dernier constitue le seul interlocuteur possible du propriétaire. Le locataire devenu propriétaire verra sa situation améliorée et pourra transmettre le bien à ses héritiers.
Au cours de son audition, M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers a rappelé que le Conseil d'Etat a fait de l'accès à la propriété de son propre logement dans l'objectif d'y vivre - ce qui est le cas - l'un des axes de sa politique du logement. En ce sens, le PL 11408 reçoit un accueil positif de la part du Conseil d'Etat, car il permettrait à des locataires de longue date d'accéder à la propriété de leur logement, la durée de trois ans dénotant à cet égard une coïncidence entre la volonté d'acquérir et la volonté d'habiter.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande d'accepter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la constitution genevoise nous oblige à édicter des règles de droit afin que les bâtiments soient adaptés pour ceux qui souffrent d'un handicap. Avec la même force obligatoire, la constitution genevoise nous contraint également à édicter des règles de droit afin de favoriser l'accès à la propriété. Le PL 11408 favorise un tel accès à la propriété pour les classes moyennes, en termes de revenus et de fortune, en restaurant une liberté contractuelle entre le bailleur et le locataire et en s'assurant de la libre détermination du locataire, sans qu'aucune contrainte ne puisse être exercée afin de le forcer à acheter. Rendons-nous à une évidence: la meilleure façon, la façon la plus efficace de protéger un locataire, c'est encore de l'aider à devenir propriétaire.
Voici un bref historique de la LDTR sur ce point: avant le 10 mars 1985, il y avait - nous l'avons connu - un système de liberté contractuelle, en même temps qu'une certaine absence de protection du locataire, notamment en termes de droit du bail fédéral. Est arrivé ensuite sur la scène en 1985 M. Stäubli, qui avait fait l'acquisition d'un immeuble squatté, qu'il fit évacuer par la force. Et c'est là, à la suite de cet événement, qu'il faut reconnaître toute l'intelligence collective de la gauche, qu'on peut parfois lui envier. En effet, elle a saisi cette occasion pour lancer une initiative qui eut comme résultat de geler le parc locatif, sur lequel la gauche pouvait agir au moyen de la crise du logement - pas assez de logements - pour l'instrumentaliser en vue d'asseoir son pouvoir politique. Voilà pourquoi la gauche est contre ce projet de loi aujourd'hui. C'est l'unique raison pour laquelle elle s'y oppose, car en réalité, vu les avantages conférés aux locataires, c'est la gauche qui aurait dû porter ce projet de loi. Je m'arrête là et reprendrai la parole ultérieurement afin de répondre aux objections éventuelles que la gauche pourrait faire valoir. (Commentaires.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai toujours été triste, comme élu genevois, que Genève soit un canton de locataires et pas de propriétaires. (Remarque.) Mon préopinant Vert, M. Lefort, a parlé de ces Genevois qui se sont exportés en France voisine pour acquérir une propriété. Eh bien laissez-moi peut-être vous parler des Français résidant en France qui touchent un salaire proche du SMIC - c'est-à-dire le minimum vital consenti par la loi française - et qui sont propriétaires de leur logement. On pourrait se poser la question de savoir comment des gens qui gagnent à peine 1500 euros par mois, c'est-à-dire 3000 euros pour un couple, peuvent... (Remarque.) J'ai dit un peu plus que le SMIC, Madame Salika Wenger, mais on pourrait même dire 1200 euros, soit 2400 euros pour le couple ! Comment des gens qui gagnent une telle somme arrivent-ils à faire l'acquisition de leur logement ? (Commentaires.) On pourrait se demander ce qui fonctionne mieux en France pour que ces familles de la classe moyenne inférieure - ou de la classe moyenne tout court - parviennent à léguer quelque chose à leurs enfants, dans la mesure où elles ne paient pas un loyer comme locataires leur vie durant sans rien pouvoir léguer à leur descendance alors qu'elles ont travaillé toute leur existence pour payer un loyer. On pourrait se poser la question, Mesdames et Messieurs: qu'est-ce qui marche mieux en France et qui ne fonctionnerait pas à Genève, où l'on gagne quand même beaucoup plus que 1200 euros par mois ? (Commentaires.)
La réponse, vous la trouverez dans une loi qui, à l'époque, je m'empresse de le dire, était dotée de bon sens pour lutter contre les congés-vente, à savoir la fameuse LDTR. Mais aujourd'hui les dispositions fédérales ont changé, Mesdames et Messieurs, et les congés-vente ne sont plus possibles au sens du droit fédéral sur le bail. Et cela, nos collègues de la gauche le savent. Alors pourquoi cette LDTR a-t-elle perduré autant de dizaines d'années dans le canton de Genève ? Eh bien mon collègue Ronald Zacharias l'a dit: c'est vrai que pour certains partis, il y a eu la tentation d'en faire un vivier électoral. Dont acte. Mais il n'est pas interdit d'évoluer, et aujourd'hui le MCG vous fait une proposition, parce que jamais il ne prêtera le flanc à la spéculation immobilière ou aux congés-vente... (Exclamations. Applaudissements.) ...et je vous défie, Mesdames et Messieurs de la gauche, de trouver un seul article dans le projet de loi du MCG... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui pourrait favoriser ce que je viens de dire. Du reste, j'invite le conseiller d'Etat Antonio Hodgers à nous livrer sa pensée sur ce projet de loi. Est-ce un projet rédigé en faveur de la spéculation et des congés-vente ou un projet qui veut pouvoir offrir à cette classe moyenne la possibilité d'acquérir son logement et de ne plus payer un loyer à vide ? Cependant il faut se poser la question du prix, Mesdames et Messieurs...
Une voix. C'est pas la classe moyenne !
M. Eric Stauffer. ...et sur ce point je dois dire que les arguments de la gauche auraient pu être percutants. Mais la droite élargie, avec le MCG, a discuté... (Remarque.) - car comme je vous l'ai dit, Mesdames et Messieurs, le projet de loi du MCG ne prêtera jamais le flanc à la spéculation ou aux congés-vente - et nous avons trouvé un accord avec le PDC, qui vous proposera un amendement en vue de limiter les prix de vente aux prix de la zone de développement contrôlés par l'Etat. Il n'y a donc plus de spéculation possible, si bien que l'argumentaire que la gauche expose aujourd'hui sur la spéculation et les congés-vente tombe. Pourquoi ? Parce que seul le locataire résidant depuis cinq ans dans son appartement pourra faire l'acquisition de son logement, si le propriétaire est d'accord de vendre. (Exclamations.) Et pour le surplus, c'est le droit fédéral sur le bail à loyer qui s'appliquera.
Mesdames et Messieurs de la gauche, je vous invite à étudier ce projet sous toutes les coutures durant les quarante jours que vous aurez à disposition afin de décider si vous allez lancer ou non un référendum. (Commentaires.) Mais rappelez-vous qu'en expliquant à la population ce que je viens de vous synthétiser en quelques minutes, cela détruira vos arguments du spectre des congés-vente et de la spéculation. Ce projet de loi est intelligent et il permet à une classe qui n'a jamais eu l'opportunité d'acheter son logement de l'acquérir et de ne plus payer un loyer toute sa vie sans rien pouvoir léguer à ses enfants. Dans n'importe quel pays d'Europe - spécialement les pays latins, dont je suis aussi originaire - chaque famille possède un bien immobilier, une petite maison familiale qu'elle peut léguer à sa descendance. A Genève seulement nous ne pouvons pas le faire, parce que la gauche a pris en otage avec cette LDTR l'ensemble des locataires genevois. Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs: réfléchissez bien avant de demander au peuple de se prononcer, car vous risquez, pour la deuxième fois en trente ans, de prendre une déculottée devant la population, qui refusera votre référendum. (Applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Barde, président
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste. (Exclamations.) Sont inscrits M. Olivier Cerutti, M. Rémy Pagani, M. Marko Bandler, M. Christian Dandrès, M. Mathias Buschbeck, M. Daniel Sormanni, Mme Danièle Magnin, M. Cyril Aellen, Mme Caroline Marti, Mme Nicole Valiquer Grecuccio, M. François Lefort et M. Bernhard Riedweg, ainsi que M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers. Je passe la parole à M. le député Olivier Cerutti.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers députés, vous avez pu remarquer que le parti démocrate-chrétien n'est pas signataire de ce projet de loi, parce qu'effectivement le logement constitue un sujet très sensible, notamment pour le parti démocrate-chrétien. Nous avons toujours eu la fibre de l'accessibilité au logement et nous l'avons toujours défendue, entre autres lors de nos campagnes électorales, et c'est pourquoi ce soir nous avons proposé un amendement qui fixe un certain nombre de cautèles. Pourquoi fixer des cautèles aujourd'hui ? Parce que ce débat touche effectivement la LDTR, c'est-à-dire une matière qui fera certainement l'objet d'une votation populaire, si la demande de référendum récolte plus de 500 signatures - ou moins, je ne sais plus la règle...
Dans ce type de débat, il faut sortir des effets pervers que peut induire une loi. Pour contrer le premier effet pervers dont nous voulons corriger le tir ce soir, nous proposons de faire passer de trois ans à cinq ans la durée d'occupation d'un appartement pour pouvoir l'acheter. De cette manière, on évitera le tourisme des locataires dans le but d'acquérir un logement, éventuellement à plusieurs reprises. La deuxième cautèle qui me paraît relativement intéressante, c'est le prix médian du mètre carré qui a été choisi, c'est-à-dire 6900 F. Nous sommes là dans la zone de développement PPE, à un prix médian, entre des communes riches et des communes moins riches, qui nous permet de fixer un montant réaliste. Quand on parle de PPE à construire, on parle de bâtiments neufs, mais là, effectivement, il est question de bâtiments qui sont déjà construits et existants, parce que nous ne sommes pas dans le cadre de la LGL.
Mesdames et Messieurs, ces cautèles fixées ce soir devaient aussi, dans la loi et le texte de loi, rappeler le code des obligations. Le spectre des congés-vente n'en est pas un pour le parti démocrate-chrétien et, nous le rappelons, le code des obligations est là pour régler ce type de méfaits à l'égard de la population de notre pays. Et cette population n'est pas seulement celle de Zurich, mais aussi celle de Genève: Genève est donc aussi concerné par le code des obligations, et il doit l'appliquer dans le cadre des baux et loyers.
Mesdames et Messieurs, à ce stade je crois qu'il est intéressant de se poser les vraies questions. La première est évidente: avoir plus de propriétaires dans un pays, c'est d'abord un gage de responsabilité, une responsabilité quand on peut investir dans son appartement et supporter soi-même, en tant que propriétaire, la garantie de son logement. C'est placer son argent sur le territoire de notre pays et non pas sur les marchés boursiers, et c'est effectivement utiliser sa fortune pour quelque chose d'essentiel qu'est le toit, le toit qui nous protège au quotidien.
Comme j'aurai la possibilité de m'exprimer une nouvelle fois plus tard sur ma proposition d'amendement, je vais garder un peu de temps de parole. Je vous remercie d'accepter mon amendement et de suivre la ligne du parti démocrate-chrétien, qui rejoint la sensibilité de nos concitoyens. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord dire que l'amendement proposé relève en tout cas avec pertinence que la loi qui nous est soumise présente sur le fond un certain nombre d'inconvénients très importants, mais aussi qu'on est dans un processus de congés-vente et de spéculation, puisque vous avez indiqué très clairement que vous vouliez en tout cas baisser le prix possible de cette spéculation. On en prend acte...
Sur le fond, j'imagine que chacun d'entre nous a envie et rêve d'avoir un petit chez-soi - une petite maison «Ça me suffit» ! - sauf que la majorité de la population des villes, et cela dans le monde entier, s'est rendu compte en 2008 qu'un certain nombre de personnes lui avaient fait miroiter ce rêve en lui proposant des hypothèques qui étaient pourries, ce qui a mis la planète sens dessus dessous. J'imagine que M. Zacharias - mais je ne veux pas l'accuser - a soutenu au niveau idéologique ce genre de pratiques, dans la mesure où il a fait des affaires dans le monde entier; et j'ai bien peur, vu le taux hypothécaire... (Remarque.) ...qui est le nôtre aujourd'hui, avec, demain, la remontée de ce taux, de voir les hypothèques et l'argent foisonnant sur la planète être aussi empoisonnés qu'ils l'ont été en 2008. Ça, c'est un premier fait. Et de manière générale, les locataires et les habitants savent donc très bien... (Remarque de M. Eric Stauffer.) Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Stauffer ! ...ce qui risque de se passer pour eux, surtout quand le chômage les guette et qu'il faudra payer des intérêts sur les emprunts.
Le deuxième problème, c'est celui de la volonté d'avoir une petite maison à léguer à ses enfants. Je suis désolé de vous le dire, mais il y a de nombreuses personnes qui sont dans des EMS et dont le petit legs de leur villa passe dans les prestations fournies par ceux-ci. En effet, sachant que leur coût de pension se situe entre 6000 F et 9000 F par mois, inutile de vous dire, et vous le savez très bien, que tout ce que possèdent vos parents, qui pensaient vous léguer quelque chose - pour celles et ceux qui ont la chance d'avoir des parents qui ont mis toute leur vie de l'argent de côté - passe dans les EMS. Et la maison de ces personnes est vendue même de force pour qu'elles puissent encore bénéficier du soutien de la population.
Cela étant, de manière générale, j'aimerais revenir dans le concret, Monsieur Zacharias. Vous nous avez fait un premier coup, et vous avez bien joué, parce que vous pensiez que les gens, voyant les bureaux vides, se diraient qu'on va y mettre des logements. J'en attends encore le résultat ! Et aujourd'hui, vous pensez que les locataires vont dire ceci: «Eh bien, je suis dans un appartement, je vais pouvoir l'acheter !» Sauf qu'ils savent très bien ce qui se passe au coin de leur rue, et je vous citerai deux cas. Aux Pâquis, par exemple, à la rue Gevray, il y a des appartements de 100 à 150 ou 200 m2 - je n'ai pas été les voir - à 17 000 F le mètre carré, qui sont en vente depuis deux ans, vides, et les habitants des Pâquis savent très bien comment ces affaires-là vont finir. Je prendrai encore l'exemple d'un immeuble situé à 200 mètres d'ici, place du Bourg-de-Four, où un propriétaire s'est installé - vous pouvez aller voir, c'est juste au-dessus du Navy, sans faire de publicité pour qui que ce soit. Il a acheté son appartement et, vu le prix de cet immeuble, il a ensuite payé les locataires pour qu'ils s'en aillent, en leur versant des sommes oscillant entre 500 000 F et 700 000 F, parce qu'il sait que son immeuble vaut bon an mal an 30 millions et que la spéculation est telle au Bourg-de-Four qu'il pourra de toute façon récupérer ses billes au moment où il le vendra.
Voilà la réalité que vous allez affronter, Mesdames et Messieurs, que ce soit avec le projet qui nous est présenté par Mme la rapporteuse de majorité ou avec le projet qui sera éventuellement amendé. Concrètement, quand on passe de la petite envie d'avoir son appartement, un petit chez-soi - qui est tout à fait naturelle - à la réalité d'aujourd'hui des locataires de la ville de Genève... Enfin, quand je dis «naturelle», je veux dire qu'on peut rêver, dans la vie ! Ce n'est pas naturel, mais on peut rêver, et d'ailleurs chacun a ses rêves ! Mais toujours est-il que la réalité est tout autre, Mesdames et Messieurs, et j'espère que les locataires, une fois de plus... Du reste, j'aimerais juste rappeler quelques faits, parce que M. Zacharias a repris l'histoire en l'aménageant comme il voulait. Monsieur Zacharias, ce n'est pas...
Le président. Vous vous adressez au président, Monsieur Pagani !
M. Rémy Pagani. Oui, je vais m'adresser au président ! ...ce n'est pas ce qui s'est passé: M. Stäubli n'était que le haut de l'iceberg, la provocation des provocations ! Je vous rappelle que la Banque cantonale a acheté des immeubles et qu'elle a subi une déconfiture ! Voilà la réalité des années 80, avec 1000 logements vides dans cette république, vides et laissés vides pendant des années. Et ça recommence, d'ailleurs... Mais surtout - et c'est ça, le plus important - ce sont les immeubles que vous habitez, Mesdames et Messieurs, ce sont les immeubles des riches de Champel, notamment, qui vont faire l'objet de ces spéculations. Ce ne sont pas les immeubles des années 60 de la Jonction, ou alors les Minoteries, dont la rénovation coûte 90 millions. Ce ne sont pas ces immeubles-là qui vont être vendus, mais ceux que vous habitez, et d'ailleurs un magistrat bien connu - je ne citerai pas son nom, parce que c'est devenu un ami - a dû subir les congés-vente, parce que la spéculation prenait toute la place dans son immeuble. (Brouhaha.) Ce qu'il a fait, parce qu'il avait les moyens, c'est qu'il s'est dit: «Eh bien puisque c'est comme ça, je m'en vais !» Si ce projet de loi passe devant nos concitoyens - et vous avez peut-être des chances de gagner - c'est le sort qui vous attend, ce n'est pas le mien. Je vous remercie de votre attention. (Exclamations. Applaudissements.)
M. Marko Bandler (S), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, je voulais dire en préambule que j'étais tout à fait d'accord avec M. Eric Stauffer: moi aussi, j'aimerais beaucoup devenir propriétaire de mon logement. Simplement, dans la mesure où je paie 2640 F de loyer pour un cinq-pièces dans la cité du Lignon, cela m'est extrêmement difficile. Je n'ai pas la chance d'habiter un manoir avec quatre hectares de terrain à la route de Vandoeuvres, et vous conviendrez, Monsieur le président, qu'on a une mauvaise vue d'ensemble quand on regarde les choses de trop près sur le marché locatif. (Commentaires.) Bref !
L'accession à la propriété n'est pas une mauvaise chose en soi. Qui ne préfère pas verser un loyer pendant quelques années à une banque et finir par devenir propriétaire de son bien plutôt que de payer un loyer exorbitant à des propriétaires sans vergogne qui profitent bien entendu, comme d'habitude, de la pénurie actuelle pour s'enrichir sur le dos des locataires ?
Cela dit, si l'on peut souscrire - et je le fais volontiers - à l'idée d'accéder à la propriété...
Une voix. Alors voilà !
M. Marko Bandler. ...il convient cependant, Mesdames et Messieurs, de garder un tout petit peu les pieds sur terre, ce que visiblement les promoteurs du PL 11408 ont totalement oublié de faire - à dessein ou par ignorance, on va examiner cela dans quelques instants... Imaginer que tout un chacun, locataire fidèle et obéissant, peut acquérir son logement facilement relève à mon sens soit d'une méconnaissance crasse de ce qu'est la réalité financière des ménages genevois, soit effectivement d'une volonté de revenir, qu'on le veuille ou non - et vous m'excuserez du terme - aux congés-vente. A croire que les promoteurs - je trouve le terme particulièrement bien choisi, Monsieur le président - de ce projet de loi imaginent que tous les locataires appartiennent à leur propre classe sociale, ce qui, vous en conviendrez, n'est évidemment pas le cas. Mais la distorsion conceptuelle des initiants n'est pas le problème ici, vous l'aurez compris, et la question qui se pose est plutôt de savoir si la majorité qui soutient ce projet a vu passer les problèmes réels qu'il pose dans son application et qui sont selon moi extrêmement graves en termes de cohésion sociale dans ce canton, car vous imaginez bien que les effets d'une telle loi sur le marché du logement auront des aspects complètement dévastateurs.
Aujourd'hui, quelle est la situation ? C'est que seules les personnes qui peuvent démontrer une situation financière extrêmement solide peuvent devenir locataires d'un logement...
Une voix. Propriétaires !
M. Marko Bandler. Non, locataires ! ...peuvent devenir locataires d'un logement. Il est extrêmement difficile, vous le savez aussi bien que moi, de louer un appartement. Alors si vous ajoutez à cela le critère économique qui fait que les régies et les propriétaires ne choisiront que les personnes capables d'accéder à l'achat de leur propre logement - après trois ans, cinq ans, dix ans, là n'est pas la question - eh bien vous allez rendre l'accès au marché du logement encore plus difficile. Sans compter que, bien évidemment, vous allez progressivement retirer du marché locatif un logement après l'autre, et tendre encore la situation qui est déjà intenable actuellement. Vous allez donc doublement renforcer la crise du logement. De plus, vous allez contraindre les régies et les propriétaires à choisir des locataires qui sont doublement solvables, c'est-à-dire d'une part pour pouvoir payer leur logement à la fin du mois, et d'autre part pour pouvoir s'offrir des logements qui, au prix du marché... Et j'aimerais bien savoir ce qu'est le prix du marché dans le domaine du logement, quand vous voyez qu'un cinq-pièces au Lignon coûte 1 250 000 F ! Vous pourrez donc choisir uniquement ce type de locataires. Ce qui fait que vous allez bien entendu, je l'ai dit, diminuer le parc locatif et faire en sorte que la situation du logement à Genève soit encore plus tendue qu'elle ne l'est aujourd'hui. Alors si ce n'est pas se tirer une balle dans le pied, tout ça pour permettre à quelques-uns de faire des bénéfices extrêmement juteux, vous l'imaginez bien, étant donné la tension du marché, je ne sais pas ce que c'est... Si vous vouliez relancer la lutte des classes, Mesdames et Messieurs les initiateurs du projet, vous ne vous y seriez pas pris autrement ! C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs, à vous opposer avec la plus grande véhémence à ce projet de loi, qui sera en bien des points dévastateur pour le canton de Genève. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, les locataires genevois ont décidément beaucoup de chance: M. Zacharias, qui est devenu le nouveau héraut des milieux immobiliers, s'occupe d'eux, et le titre de ce projet, «Plus de liberté pour les locataires», on l'a mis en oeuvre en démantelant leurs droits.
M. Zacharias a rappelé que la LDTR datait de 1985 et qu'elle s'inscrivait dans un contexte, or ce contexte, aujourd'hui, n'a pas changé. Le niveau de pénurie est le même, et si on démantèle ces mécanismes de protection, le résultat le sera aussi, et on a pu le constater à l'occasion d'un certain nombre de recours qui ont dû être déposés contre des démantèlements d'immeuble, lesquels ont ou auraient permis aux propriétaires de faire des bénéfices colossaux. Je peux vous donner quelques exemples, parce que M. Zacharias en a servi à son tour, notamment le cas d'un immeuble ancien situé à la rue de Lyon qui comprenait dix-sept appartements, lesquels avaient été achetés en bloc. Le prix de vente était donc déterminé en fonction de la valeur de rendement, principalement; il montait à 3 millions de francs environ. Les appartements ont été vendus à la découpe 800 000 F chacun, et le bénéfice pour le propriétaire a triplé. Or qu'a fait le propriétaire pour tripler ce bénéfice ? Il a investi quelques centaines ou milliers de francs pour la constitution d'une propriété par étage, puis il s'est acquitté des frais de notaire pour les ventes. Pas un seul logement de plus n'a été construit ! Il y avait au départ des logements d'une valeur d'environ 200 000 F ou 300 000 F, qui à la fin valaient 800 000 F. Et si ces logements sont revendus plus tard, ils le seront sans doute encore plus cher.
Voilà ce qui est effectivement derrière ce projet de loi. Alors on essaie de le vendre en parlant de «plus de liberté», mais je pense qu'il vaut quand même la peine de se demander de quelle liberté il est question, parce qu'en somme ce projet de loi laisse une marge de manoeuvre totale au propriétaire: c'est lui qui décide à qui il vend - ce n'est pas un droit d'emption - c'est lui qui décide quand il vend et c'est lui qui décide à combien il vend. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et c'est un point important, parce que cette liberté-là, cette liberté de spéculer, nous avions essayé au Grand Conseil de l'endiguer pour les nouveaux immeubles construits en zone de développement. Vous vous souvenez des débats importants que nous avions eus à propos de la loi Longchamp - débats que nous allons bientôt poursuivre autour d'une initiative - lors desquels nous avions justement essayé de limiter la spéculation en disant qu'il fallait plafonner le prix mais aussi faire en sorte qu'une personne ne puisse pas acheter plus d'un logement et qu'elle habite ce dernier. Avec le projet de loi du nouveau héraut des milieux immobiliers, il n'y a aucun mécanisme de protection. On ferme donc la porte aux luttes contre la spéculation sur les immeubles neufs et on l'ouvre très large sur le parc immobilier existant, où effectivement les prix et le potentiel de gains pour le propriétaire sont plus importants, puisque, d'un point de vue statistique, un appartement en zone de développement se vend à peu près 6450 F le mètre carré, tandis que pour du logement existant on est à 9000 F le mètre carré. La marge de bénéfice est donc colossale, et je dois du reste saluer la relative honnêteté de M. Zacharias qui, lors des travaux de commission, a quand même reconnu que, par ce mécanisme-là, le profit se montait en tout cas à 50% en plus. On a pu constater qu'on était très largement au-delà, mais il a tout de même admis qu'il y avait effectivement un profit supérieur à réaliser.
Il faut également rappeler un point, c'est que la LDTR, comme principal outil de protection des locataires, préserve le parc immobilier locatif. En somme, voici ce qui est demandé aux locataires, aux citoyens ou habitants de notre canton: «Si vous voulez devenir propriétaires, allez acheter un logement en propriété par étage !» Et nous sommes bien placés ici pour savoir que nous en avons construit un nombre important car, ces dernières années, près de 40% de ce qui a été construit l'a été en propriété par étage, et on s'est même laissé dire parfois dans certaines commissions qu'il était difficile de trouver acquéreur. Je ne crois donc pas qu'il soit contraire aux droits de l'Homme de demander à celui qui souhaite acheter de quitter son logement locatif et de céder la place à une personne qui, elle, n'a pas les moyens d'acheter un logement en propriété par étage - sachant que cette catégorie de personnes représente, même avec des mécanismes de contrôle prévus pour la zone de développement, 70% de nos concitoyens. Voilà ce que prévoit la LDTR. Elle permet tout de même dans certaines circonstances de vendre au locataire en place si son intérêt privé est important. Et je crois que les documents produits par les représentants de l'ASLOCA qui ont été auditionnés le montrent: en 2007 comme en 2014 - et effectivement en 2015 - des jurisprudences ont été rendues, cette pesée d'intérêts fonctionne, mais il faut évidemment qu'il y ait un intérêt privé prépondérant. La spéculation n'est pas protégée, or on peut malheureusement constater qu'un certain nombre de ventes avaient pour unique finalité cette spéculation, et non pas la préservation des intérêts privés essentiels. La jurisprudence rendue l'été dernier a montré effectivement que lorsqu'il y avait des intérêts prépondérants, la cour pouvait autoriser ces ventes.
Encore quelques mots sur la question des congés-vente, parce que l'amendement que M. Cerutti va déposer tout à l'heure prévoit que le locataire doit effectivement être informé que les congés-vente sont interdits. Ce risque se pose en réalité pour le locataire en place, mais également pour les autres locataires de l'immeuble. Cela dit, je ne pense pas qu'un propriétaire serait assez stupide aujourd'hui pour procéder à un vrai congé-vente en disant au locataire: «Vous achetez ou vous partez.» Ce qu'il va faire, c'est utiliser une jurisprudence qui existe et qui a été confirmée à réitérées reprises par les juges fédéraux, en disant ceci: «Je résilie votre contrat de bail parce que je veux vendre l'appartement, mais si vous voulez l'acheter, eh bien je ne vais pas m'opposer à ce que vous puissiez le faire.» Le résultat est le même pour le locataire, et effectivement le profit est également le même pour le propriétaire. Le mécanisme de protection qui est prévu dans le droit du bail n'est donc pas suffisant, et la LDTR est un outil indispensable pour éviter ce phénomène-là, puisqu'elle soustrait le parc locatif de la spéculation.
Je relèverai peut-être encore un point - et ce sera le dernier, puisque pas mal de choses ont déjà été dites - c'est la protection pour les autres locataires de l'immeuble. Dans la loi actuelle, les autres locataires de l'immeuble ont leur mot à dire, parce qu'ils sont concernés. Vous l'avez vu, l'une des autorisations produites par des représentants de l'ASLOCA lors de leur audition montre que si un immeuble constitue un bloc et que vous commencez à le démanteler en vendant aux locataires en place, les autres appartements pourront faire l'objet d'une autorisation de vente et il n'y aura pas nécessairement de cautèles aussi importantes que celles que l'on a connues pour les premiers. Et c'est un point important, parce que c'est le mécanisme qui a permis de démanteler des immeubles entiers, non pas sur une période d'une année ou deux, certes, mais le résultat a pu être obtenu par le propriétaire moyennant cinq à dix ans. Et le résultat est au final le même: vous avez des appartements moins chers au départ, plus chers à l'arrivée, et pas davantage de logements.
Et là - c'est le dernier point - on doit quand même relever le paradoxe absolu du MCG dans ce domaine. En effet, on nous explique aujourd'hui qu'il faut absolument que les locataires trouvent chaussure à leur pied, si possible en changeant de nature, mais je ne pense pas qu'il soit facile de changer de nature lorsqu'on a des revenus moyens qui se montent à 6000 F, et ce malgré le projet de loi de M. Zacharias, nouveau héraut des milieux immobiliers. Donc en somme ce que l'on va faire, c'est mettre en place un processus de ségrégation sociale en excluant ceux qui ne peuvent pas acheter, si bien qu'on aura effectivement une modification de la composition sociologique de notre canton, et c'est ce qu'a indiqué M. Cerutti: la droite veut des citoyens responsables, par un mécanisme censitaire, c'est-à-dire des personnes qui ont les moyens d'acheter leur appartement. Ça ce sont des gens raisonnables, qui vont voter pour le PDC et le PLR. Ce ne sont pas des personnes dans des situations difficiles qui pourraient voter pour le parti socialiste ou Ensemble à Gauche, ou encore - on le constate malheureusement bien souvent - pour le MCG, qui le leur rend d'ailleurs très mal avec ce projet de loi...
Voilà les éléments qui amènent le parti socialiste à inviter ce Grand Conseil à refuser ce projet de loi, et cela même si M. Cerutti a très habilement déposé un amendement, qui malheureusement aurait peut-être pu être proposé plus tôt...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Christian Dandrès. ...ce qui aurait effectivement permis d'en comprendre la substantifique moelle. Mais je reviendrai au deuxième débat sur cet amendement ! (Applaudissements.)
M. Mathias Buschbeck (Ve). Chers collègues, à ce stade j'ai deux regrets: j'arrive peut-être un peu tard pour espérer que l'intérêt que tout le monde a manifesté ici quant à la possibilité pour les gens d'accéder plus facilement au logement fasse l'objet d'un large consensus. Je pense qu'il va être un peu difficile ce soir d'arriver à quelque chose qui aille dans ce sens-là, bien que tout le monde ait exprimé son souhait que la population genevoise accède plus facilement au logement. Mon autre regret est... (Remarque.) ...qu'au cours des cinq séances que nous avons passées à étudier ce projet de loi, l'Alternative vous a fait part de ses doutes et de ses craintes, notamment concernant la spéculation et les congés-vente, auxquels vous avez malheureusement fait la sourde oreille, avant d'admettre, en déposant l'amendement ce soir, que les risques induits par ce projet de loi sont réels. Mon principal regret est donc que cet amendement ait été déposé seulement maintenant, alors que nous aurions pu en discuter en commission. En effet, il va dans le bon sens et peut-être aurions-nous pu trouver une solution qui convienne à tout le monde, de manière à éviter le référendum, ce qui ne va manifestement pas être le cas.
Malgré tout, je vais essayer de répondre aux deux invitations formulées par M. Stauffer. Il nous engage premièrement à étudier pendant quarante jours ce projet de loi dans les moindres détails pour constater qu'il ne contient aucun élément en défaveur des locataires ou des futurs propriétaires et qu'il n'incite pas à la spéculation. J'aurais bien voulu pouvoir disposer de ces quarante jours en commission, raison pour laquelle je demanderai le renvoi en commission...
Une voix. Ah non !
Une autre voix. Non !
M. Mathias Buschbeck. ...pour que l'amendement puisse être débattu ailleurs que dans cette enceinte qui s'y prête fort mal et pour que vous puissiez démontrer qu'effectivement l'amendement, tel qu'il est formulé - et qui change fondamentalement la loi, j'insiste sur ce point... Le député Stauffer nous a également mis au défi de trouver un élément dans ce projet de loi qui serait de nature à favoriser la spéculation et les congés-vente. Pour ma part, j'en trouve en tout cas deux: bien qu'une cautèle soit effectivement fixée pour que le prix de vente ne puisse pas dépasser 6900 F le mètre carré - ce qui est un prix totalement raisonnable, c'était même une proposition que les Verts souhaitaient vous faire dans le cadre de ces débats - malheureusement, absolument rien n'empêche, une fois que l'appartement a été vendu à ce prix-là, de le revendre deux mois après 10%, 20%, 50% ou 100% plus cher. Cette disposition n'empêche donc pas la spéculation, et je vous en fais la démonstration, Monsieur Stauffer: rien n'empêchera celui qui aura acquis ce logement de le revendre quelques mois plus tard à un prix largement supérieur.
Concernant le deuxième aspect, à savoir les congés-vente contre lesquels nous souhaitons lutter, je crois qu'aujourd'hui il ne suffit pas d'inscrire dans la loi qu'il est interdit de procéder à des congés-vente; ce serait un peu simple. Il faudrait mettre en place un certain nombre de cautèles et de garde-fous pour empêcher les pressions que peuvent exercer les propriétaires sur les locataires. Mais vous ne voulez pas entendre parler de ces cautèles, et nous le regrettons, parce que demain, lorsque cette loi sera éventuellement en vigueur, comment le propriétaire va-t-il choisir ses futurs locataires ? Il va les trier: il y aura les bons futurs locataires et les mauvais futurs locataires. (Remarque.) Les bons futurs locataires seront ceux qui pourront acheter le logement passé le délai légal. Les mauvais locataires seront ceux qu'on ne prendra pas, ceux qui ne trouveront pas de logement parce qu'ils ne pourront pas acquérir le logement.
Nous aurions voulu retrouver toutes ces cautèles dans ce projet de loi et, si tel avait été le cas, nous aurions pu vous suivre. Or ces choses ne se discutent pas en séance plénière, mais en commission. Pour toutes ces raisons, comme l'a dit mon collègue Vert François Lefort, si vous refusez le renvoi en commission, nous nous verrions dans l'obligation de refuser ce projet de loi et de demander au peuple s'il considère que les cautèles sont suffisantes pour lutter contre les congés-vente et la spéculation. Malheureusement, quelle que soit l'issue de ce vote, nous n'aurons rien fait avancer dans l'accession à la propriété, parce que les lacunes subsisteront ou que le projet de loi sera refusé, ce qu'en un sens, nous pourrions regretter puisque vous auriez refusé ce soir le renvoi en commission. Pour toutes ces raisons, je vous invite à discuter sereinement en commission de cet amendement et des façons de trouver un compromis.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi. Seuls peuvent prendre la parole les rapporteurs et le Conseil d'Etat; souhaitent-ils s'exprimer sur cette demande de renvoi en commission ? (Commentaires.) Non, très bien. Nous passons donc au vote sur le renvoi à la commission du logement.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11408 à la commission du logement est rejeté par 59 non contre 32 oui et 1 abstention.
Le président. Le débat se poursuit et je passe la parole à M. Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que je suis assez surpris par ce débat: on dirait que les démons reviennent et que, sur les bancs d'en face, on ravive la problématique des années 90. Elle était bien réelle, mais nous sommes dans une autre époque. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous ne sommes plus en 1990... (Remarque.) ...nous sommes en 2015 ! Je pense que... (Remarque.) Je vous ai écouté religieusement, alors s'il vous plaît ! ...ce n'est pas que l'être humain soit devenu meilleur, mais que nous sommes dans une autre époque et un autre contexte. Je vois ce projet de loi plutôt positivement, parce qu'il faut se rendre compte d'une chose: si une personne occupe un appartement depuis par exemple cinq ans - en l'occurrence, c'est ce que le projet de loi prévoit - qu'elle a envie de l'acheter, qu'elle en a les moyens et qu'on reste dans un cadre... A ce titre, je trouve très bien l'amendement du PDC, plus précisément de M. Cerutti, parce qu'il fixe un plafond permettant de rester dans des prix relativement raisonnables. Pour ceux qui en ont les moyens, qu'est-ce qui devrait les empêcher d'acheter leur appartement ? Pourquoi pensez-vous qu'ils ne devraient pas pouvoir le faire ? Qui cela va-t-il gêner ? Pour eux, ce sera peut-être simplement une bonne affaire; en définitive, cela va probablement leur coûter moins cher que de payer un loyer toute leur vie et cela ne va en rien favoriser la spéculation à partir du moment où, d'une part, c'est individuel et, d'autre part, un plafond sera fixé ! Par ailleurs, M. Buschbeck a dit tout à l'heure: «Mais rendez-vous compte: une personne va acheter un appartement qu'elle revendra peut-être deux mois plus tard !» Mais, vous lui transmettrez, Monsieur le président, croyez-vous vraiment qu'un individu comme vous, comme moi, comme d'autres, qui occupe depuis quelques années son logement pour lequel il paie un loyer, va l'acheter juste pour le revendre deux mois plus tard et redevenir locataire ? Cela n'a pas de sens ! D'autant plus qu'il va payer des impôts sur la revente ! Là, M. Dal Busco ne va pas le louper ! Par conséquent, il n'a aucun intérêt, ni économique, ni en tant que tel, à agir ainsi ! Il voudrait devenir propriétaire pour redevenir locataire deux mois plus tard ? Cela n'a pas de sens. Je crois que vos arguments ne tiennent pas la route et que c'est finalement là la problématique.
De plus, voyez-vous, certaines personnes sont des cigales et d'autres sont des fourmis; bon, eh bien, chacun choisit sa façon de vivre en fonction de son ressenti et de son revenu. Mais, Monsieur le président, vous transmettrez à M. Pagani, je trouve quand même dingue de penser que s'il y a des gens dans cette république... Vous n'allez quand même pas reprocher à une personne qui agit comme la fourmi de vouloir assurer son avenir ainsi que le moment où elle sera à la retraite, où elle devra peut-être aller dans un EMS; vous n'allez quand même pas lui reprocher d'assurer son avenir, grâce à un petit pécule qu'elle aura pu constituer - qui se trouvera éventuellement être l'appartement qu'elle aura acheté. Au moment où cette personne entrera à l'EMS, effectivement, on va peut-être devoir lui demander de vendre son appartement pour assurer les frais. Pour ma part, je trouve cette manière de procéder quand même infiniment plus vertueuse que de tout claquer pendant toute sa vie - mais c'est le choix de chacun ! - et à la fin de s'en fiche parce que de toute façon c'est l'Etat qui paie ! Mais l'Etat qui paie, c'est qui ? C'est vous ! C'est nous !
Des voix. C'est nous ! (Rires. Commentaires.)
M. Daniel Sormanni. Mais oui, c'est vous surtout ! Oh, du moins si vous payez des impôts ! (Commentaires.) En tout cas moi j'en paie ! (Remarque.) Alors j'espère que vous en payez aussi... (Remarque.) ...et que vous en payez beaucoup, parce que vous demandez beaucoup à l'Etat ! Donc je demande que vous en payiez beaucoup ! (Commentaires.) Par conséquent, je crois qu'il n'y a pas lieu de dire aux gens: «Non, surtout n'économisez pas, claquez tout parce qu'à la fin l'Etat paie !» Ce n'est pas une bonne philosophie ! Chacun fait comme il a envie de faire, mais il ne faut en tout cas pas encourager cette façon de voir les choses ! (Remarque.) Il est logique que quelqu'un puisse, à un moment donné, dans un cadre défini et dans une limite de prix définie pour essayer d'éviter la spéculation... Parce que comme vous, dans les années 90, je l'ai condamnée et comme vous, demain, si cela devait se reproduire, je la condamnerais ! Mais je suis sûr que cela ne va pas se reproduire, parce que nous ne sommes pas dans ce mécanisme. Je pense que vous faites fausse route en pensant que nous sommes revenus à l'époque citée tout à l'heure - on ne va pas citer à nouveau le nom de cette personne car cela n'a pas d'importance et tout le monde le sait - avec des casseurs qui viennent vider les immeubles. Cela n'a pas de sens, nous ne sommes plus dans ce «trend» ni dans cette façon de voir les choses. (Remarque.)
Je pense que cette expérience peut être menée; des cautèles sont prévues justement pour éviter de se retrouver dans cette situation et, à partir de ce moment-là, on peut aller de l'avant. Je ne vois pas de contre-indication à être propriétaire. Je ne suis pas obsédé par l'idée d'être propriétaire, peut-être que cela ne m'intéresse pas, que c'est trop tard, que je suis trop vieux pour cela, mais ce n'est pas la question ! Par ailleurs, dans d'autres endroits, les gens ont plus de facilité ou plus d'aides pour accéder à la propriété. (Remarque.) On a mentionné la France tout à l'heure et il est vrai que beaucoup de gens arrivent à acheter un logement dans ce pays: il y a tellement d'aides pour cela - l'Etat favorise même des taux à 0% - qu'un chômeur peut presque s'acheter un appartement ou même une maison, ou un pavillon. (Remarque.) Mais il n'y a pas de mal à cela, à partir du moment où il n'y a pas de spéculation et à partir du moment où ils arrivent à assumer leurs charges ! (Remarque.) C'est cela que nous vous demandons, tout simplement, et cela ne change rien sur le fond à la question du logement. Cela n'enlève rien, parce que la personne qui était locataire et qui est dans son appartement aujourd'hui, si elle en devient propriétaire, elle reste dans cet appartement ! (Commentaires.) Cela n'enlève rien ! Ce n'est pas un appartement de moins sur le marché, ou une personne de plus à la rue. Par conséquent, je trouve que vos propos sont exagérés et que vous vous trompez de cible. Je vous invite à voter ce projet de loi et je vous en remercie. (Remarque.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Chères et chers collègues, je voudrais commencer par vous demander si quelqu'un ici sait ce qu'est un «helix pomatia».
Une voix. Quoi ?
Une autre voix. Non ! (Commentaires.)
Mme Danièle Magnin. Peut-être les scientifiques le savent-ils. «Helix pomatia» est le joli escargot de Bourgogne. (Commentaires.) Le peuple de Genève n'a pas autant de droits qu'un «helix pomatia». Il est au contraire semblable aux limaces, sans coquille pour se protéger. C'est une image que j'ai depuis longtemps en tête parce que je trouve que ne pas être le maître chez soi est la plus grande des misères. (Brouhaha.) Or, lorsqu'on n'est pas propriétaire de son logement, on n'est pas maître chez soi. Je l'ai ressenti dans ma chair très durement puisque j'ai vécu un congé-vente. Nous pouvons donner la possibilité aux citoyens d'acquérir non pas n'importe quel logement, mais celui qui - normalement - correspond à leurs besoins et à leurs moyens, celui dans lequel ils logent depuis au moins trois ans. Le prix de ce logement variera en fonction du quartier, de la taille, de l'état de modernité - si le logement a été plus ou moins rénové, si la cuisine est composée de meubles encastrés avec des tiroirs et toutes sortes de choses modernes, ou au contraire si la cuisine est beaucoup plus modeste et plus simple. Vous avez compris que chacun trouve chaussure à son pied et peut acheter un logement, celui qu'une personne occupe et qui est déjà à sa mesure. (Remarque.)
On a brièvement évoqué la LPP ou en tout cas les différents moyens qui permettent d'acquérir un logement. La loi sur la prévoyance professionnelle a été promulguée en 1982 - cela fait donc maintenant plus de trente ans - et on peut se servir du capital accumulé pour acquérir son logement. Je peux vous dire qu'à vues humaines, aujourd'hui, il vaut beaucoup mieux être propriétaire, non pas d'un fonds dont on coupe progressivement le taux de rendement, mais d'un bien immobilier, et ce non pas pour spéculer mais pour y vivre ! (Remarque.) C'est le b. a.-ba ! J'ai entendu quelqu'un - je ne me rappelle plus qui, c'était peut-être M. Stauffer - parler des Genevois qui vont s'établir à l'étranger, notamment en France. Une personne avec de petits moyens peut devenir propriétaire rapidement en France, justement parce qu'elle peut acquérir un logement à la mesure de ses moyens financiers; ensuite, le système bancaire français permet de payer la totalité de son hypothèque et des intérêts en vingt ans. En vingt ans, vous êtes chez vous, vous n'êtes pas chez la banque ! Alors qu'en Suisse, à cause du système fiscal et de la valeur locative qui s'ajoute au revenu - il faut pouvoir déduire les frais de l'hypothèque - le système fait qu'il faut être endetté. Cela est très dommage et cela fait partie des choses qu'il faudrait modifier.
J'ai entendu un matin à la radio-télévision suisse, que j'ai la faiblesse d'écouter très régulièrement, Carlo Sommaruga expliquer qu'être propriétaire de son chez-soi revenait à perdre son droit à des aides sociales. Mais, Mesdames et Messieurs, où sommes-nous ? (Commentaires.) Il vaudrait mieux que ce soient les concitoyens qui paient pour vous fournir des aides sociales plutôt que d'avoir fait en sorte d'éviter de jeter votre argent par la fenêtre en payant un loyer à fonds perdus ? (Brouhaha.) Eh bien, Mesdames et Messieurs, il vaut beaucoup, beaucoup mieux mettre son argent dans une épargne qui nous appartient et qui ne dépend que bien plus faiblement des marchés financiers. Avec le marché immobilier, si vous habitez chez vous, vous êtes chez vous ! (Remarque.) Oui, bien sûr, il y a un désavantage essentiel ! Quand vous avez cotisé toute votre vie à la LPP, que vous avez payé toute votre vie votre loyer et que vous passez dans l'autre monde, pour autant qu'il existe, vos enfants n'héritent de rien ! (Commentaires.) Vous laissez des héritiers qui peuvent être un conjoint, des enfants, un parent, des frères et soeurs qui n'héritent de rien ! Rien du tout ! Parce que votre fonds de pension est terminé: une fois que vous l'avez absorbé par des rentes reçues, c'est fini, il n'y a plus rien ! Alors que si vous êtes propriétaire chez vous, vous gardez votre bien et vous le léguez à vos enfants.
L'argument de la diminution du parc locatif a également été avancé: mais oui, le parc locatif diminuerait, et savez-vous pourquoi ? Parce que les appartements seraient occupés par leurs anciens locataires, qui ne seraient à ce moment-là plus locataires ! Cela revient au même ! On aurait moins de locataires et un parc locatif moins grand, parce que les anciens locataires seraient devenus des propriétaires et que les...
Une voix. On a compris !
Mme Danièle Magnin. Bon, voilà, on a compris ! (L'oratrice rit. Commentaires.) Mais eux, en face, n'ont pas compris, et ce depuis des années ! (Commentaires.) C'est pour cela que je m'emploie à le leur expliquer à nouveau.
Je souhaite également faire un parallèle avec les sociétés coopératives: une société coopérative immobilière est là pour loger des gens et non pas pour faire du profit. On peut imaginer que, lorsqu'on achète son appartement qu'on ne va pas pouvoir revendre aisément, c'est pour y rester et non pour faire du profit. Je pourrais encore vous parler...
Des voix. Non ! (Commentaires.)
Mme Danièle Magnin. Oui ! (L'oratrice rit.) ...des EMS pour lesquels les gens doivent mettre l'entier de leur revenu, voire plus - AVS, LPP. Moi je vous dis que si on loue son logement, au lieu d'utiliser la LPP, on obtient un revenu provenant de ce bien immobilier permettant de payer l'EMS - si on doit y aller - ce qui n'est pas possible avec d'autres types de rentes.
Ensuite, j'aimerais vous dire qu'une grande partie des immeubles de notre bonne ville appartiennent à des fonds de pension, à des assurances ou à de grands propriétaires immobiliers et que ce n'est pas non plus quelque chose qui facilite l'accession à la propriété. (Brouhaha.) Je vous ai expliqué aussi que tous les mètres carrés ne sont pas vendus au même prix; certains sont plus modestes, d'autres plus élevés. En ce qui me concerne, j'aurais bien aimé, dix-sept ans auparavant, avant le congé-vente dont j'ai fait l'objet...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
Mme Danièle Magnin. ...j'aurais bien aimé pouvoir acheter mon appartement !
Une voix. Bravo !
M. Cyril Aellen (PLR). On a entendu beaucoup de choses et finalement un grand nombre d'entre elles ne concernent pas directement ce projet de loi. Permettez-moi, Monsieur le président - vous transmettrez - de revenir d'abord sur les propos des bancs de la gauche qui veulent maintenir un large contrôle du département. Je pose une question: comment se fait-il que les associations de protection de locataires, qui recourent sans cesse et de façon quasi systématique contre les autorisations délivrées par ce même département, connaissent un taux de succès particulièrement faible ? Je pose la question. J'ai entendu notre collègue des Verts nous expliquer qu'il n'y a pas eu de concertation, qu'il a découvert l'amendement sur sa table aujourd'hui et que, par voie de conséquence, quarante jours de délai référendaire ne suffiront pas pour se décider. J'aimerais lui rappeler que ce projet de loi a été déposé le 25 mars 2014 ! L'auteur de ce projet de loi et différents députés de la commission du logement non seulement ont interrogé des gens et procédé à des auditions officielles, mais ils sont aussi allés voir des gens ! Ils se sont interrogés sur les risques et avantages d'un tel projet de loi - je remercie d'ailleurs le parti démocrate-chrétien en particulier d'avoir mené ce travail avec sa proposition d'amendement - pour examiner ce qui pouvait être amélioré. Ces commissaires, qui pourtant appartiennent à la majorité, ont réalisé un travail qu'ils n'ont cessé d'essayer d'améliorer, face à l'opposition systématique des membres de la gauche qui ont adopté depuis le début de nos travaux une attitude particulièrement dogmatique qui les a empêchés de discuter et de s'asseoir à la table de ceux qui voulaient améliorer un projet déposé par un des groupes de ce parlement. Alors dire maintenant qu'il n'y a pas eu de concertation, c'est un peu fort de café !
J'ai également entendu un autre commissaire Vert donner des leçons de sémantique à certains. Il avait peut-être raison, je ne sais pas. Toujours est-il, vous transmettrez, Monsieur le président, que je me réjouis d'entendre la leçon 2 de sémantique... (Remarque.) ...portant sur le terme «démantèlement», et vous renverrez l'un de nos collègues socialistes à l'étymologie et au sens de ce mot, parce que je ne suis pas certain que le fait qu'un locataire devienne propriétaire de son appartement participe au «démantèlement» de l'immeuble ! Mais bon, c'est ce qui a été dit. Vous le renverrez peut-être, Monsieur le président, à la leçon 2 de sémantique ! Je me réjouis de vous entendre, Monsieur le député, lorsque vous aurez de nouveau la parole, puisque vous avez cet avantage-là. (Remarque.)
Ensuite, il était question de savoir si l'acquisition de l'appartement dont on est locataire pourrait être à la portée de gens modestes. Modestes, je ne sais pas; très modestes, en tout cas pas; de la classe moyenne, probablement. Pourquoi ? Je m'explique volontiers: pour un 100 mètres carrés - un appartement qui est plus qu'un petit logis selon la définition de M. Pagani - le prix maximum possible dans le cas particulier sera de 690 000 F. Il faudra donc 138 000 F de fonds propres pour acquérir un tel appartement. 138 000 F, ce n'est évidemment pas à la portée de chacun, même si la moitié de ce montant peut provenir d'une caisse de deuxième pilier. Objectivement, ce ne sera pas accessible à des gens très modestes, il ne faut pas se mentir ! C'était la première question.
En revanche, est-ce que ce sera avantageux ? Oui, parce qu'avec 138 000 F de fonds propres, pour des gens de la classe moyenne - puisqu'ils auront 70 000 F provenant de la caisse de pension et 70 000 F provenant d'économies ou d'aides personnelles - ils auront 552 000 F d'hypothèque au maximum. Je vous laisse faire le calcul: cela fait à peu près 950 F par mois. Mais de nouveau, il ne faut pas mentir: il y aura des frais complémentaires parce qu'être propriétaire, c'est aussi assumer un certain nombre de frais et de charges de copropriété; il serait donc plus juste d'estimer un appartement dans ces conditions à environ 1300 F ou 1400 F de loyer. Est-ce avantageux ? Je vous laisse juge. Probablement que 1400 F par mois pour un appartement de 100 mètres carrés, c'est avantageux. Donc pour ce qui est de savoir si c'est accessible à des gens très modestes, non; de la classe moyenne, oui, et avantageux, ça l'est également. C'est la réalité. (Remarque.)
Maintenant, y aura-t-il des profits pour les différents propriétaires qui vont vendre leur bien ? Oui, il y aura des profits, parfois peut-être plus importants que ce qu'on aimerait. Mais s'il n'y avait pas de profit, il n'y aurait pas de vente et en réalité, le problème qui se pose aujourd'hui, c'est que le prix fixé est assez bas - 6900 F le mètre carré - et il y aura en fait assez peu de ventes, précisément parce que le profit ne sera pas très important. Cela étant dit, est-ce un problème ? Si cela permet aux occupants d'acquérir un appartement à un prix avantageux, pour moi ce n'est pas un vrai problème. Je vous rappelle que nous sommes en période budgétaire; prenez le temps de lire correctement le budget et allez voir combien rapporte tout ce qui a trait à la propriété immobilière - directement, avec l'impôt sur la plus-value et indirectement, avec les montants sur la propriété: ce sont plusieurs centaines de millions chaque année. Donc, oui, il y a des profits; oui, ceux-ci sont taxés et ils le sont, globalement, de façon importante; et, oui, cela participe à la contribution de notre canton en prestations sociales.
Enfin, que dit ce projet de loi ? Parce qu'il faut quand même que nous en parlions aussi. Il dit qu'on peut vendre un logement au locataire qui l'occupe. Pourrait-il y avoir des congés-vente ? Un congé-vente, c'est assez simple, c'est quand un propriétaire dit à son locataire: «Soit tu m'achètes le logement, soit je te vire !» La réponse est non, car précisément le droit fédéral stipule que ce n'est pas possible. Le propriétaire ne pourra pas non plus décider de vendre et de virer le locataire pour ce faire: il sera en effet obligé de relouer l'appartement, étant donné que l'appartement ne sera pas destiné à la vente, puisque celui-ci ne peut être vendu qu'au locataire en place depuis cinq ans. Donc, non, il n'y aura même pas cette possibilité de dire: «Je vous vire pour vendre l'appartement à quelqu'un d'autre.» Non, ce ne sera pas possible; sur ce point également, ce n'est pas un assouplissement de la LDTR.
Je ne reviendrai pas sur les 6900 F qui correspondent à peu près à certains projets en zone PPE pour lesquels on débourse un peu d'argent étatique...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Cyril Aellen. ...alors que là, ce ne sera pas le cas. Un dernier point, Monsieur le président, et je m'arrêterai là, je vous le promets: est-ce que cela contribuera à construire plus de logements ? La réponse est non ! Mais il n'y en aura pas moins non plus. C'est simplement que des gens qui étaient locataires deviennent propriétaires. Cela ne résoudra pas la crise, il ne faut pas se mentir ! Mais vous avez raison, Monsieur Lefort - vous transmettrez, Monsieur le président - il y a des blocages, notamment dans les communes, même dans certaines qui sont effectivement aux mains de partis de l'Entente.
Une voix. Oui, surtout !
M. Cyril Aellen. Vous avez raison et vous le dénoncez, vous avez raison. Mais vous savez, il faut être complet: parfois...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Cyril Aellen. ...au sein de ce parlement, ce sont des gens de vos bancs qui se sont opposés à la densification dans des périmètres à Lancy ou ailleurs; c'est plus complexe que cela...
Le président. Je vous remercie.
M. Cyril Aellen. ...et nous combattrons cela ensemble, Monsieur Lefort. (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas nous mentir, ce projet de loi a un but: permettre aux propriétaires de maximiser leurs profits en vendant leur appartement. (Commentaires.) Il a été rappelé par Mme la rapporteure de minorité ainsi que par M. Dandrès, et reconnu par le premier signataire de ce projet de loi, que la vente individuelle d'appartements est beaucoup plus lucrative que la vente d'un immeuble en bloc. On peut donc s'interroger: à qui profite le crime ? Eh bien, ce crime... (Commentaires.)
Une voix. Chut !
Mme Caroline Marti. ...profite également aux propriétaires immobiliers dont fait partie le premier signataire de ce projet de loi. (Commentaires.) Il sera, Mesdames et Messieurs les députés, tellement facile, terriblement facile pour les bailleurs d'attribuer leurs appartements grâce à ce projet de loi uniquement aux locataires qui à terme auront les moyens financiers de les acheter ou, mieux, aux locataires qui exprimeront une volonté de devenir propriétaires. De ce fait, pour les ménages à revenu modeste - il y en a malheureusement beaucoup à Genève - il ne sera possible de se loger ni sur le marché de la vente d'appartements puisqu'ils n'ont pas les moyens financiers d'acquérir un logement, ni sur le marché locatif puisque aucun bailleur ne souhaitera leur louer d'appartement. C'est cela, Madame Magnin - vous lui transmettrez, Monsieur le président, elle est partie malheureusement - la plus grande misère pour les Genevoises et les Genevois.
De plus, les bailleurs et les propriétaires immobiliers pourront faire un pas plus loin: afin de s'assurer de ne pas être chicanés par des locataires en place indélogeables et qui ne désirent pas acheter, ils pourront multiplier la conclusion de baux à durée déterminée de trois ou cinq ans en fonction de la loi qui sera votée ce soir. Ils pourront également, après cette période-là, proposer aux locataires deux options: soit d'acheter leur appartement, soit de l'évacuer étant donné que le bail se termine, et ça, Monsieur Aellen - vous lui transmettrez, Monsieur le président - c'est ce que j'appelle un congé-vente. M. Aellen a quand même eu le respect de reconnaître... (Remarque.) ...que ce n'est qu'un très petit pourcentage de la population qui a les moyens financiers, et j'entends non seulement la fortune mais également les revenus nécessaires pour se porter acquéreur d'un appartement. (Commentaires.) Voter ce projet de loi ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, revient donc à mener une politique en faveur des propriétaires et des locataires les plus privilégiés.
Avec ce projet de loi, la majorité de ce Grand Conseil composée du MCG, de l'UDC et du PLR, soutenue en partie par le PDC... (Remarque.) ...cherche tout simplement à donner d'une main une pseudo-liberté, une liberté fantomatique - dans le sens que l'écrasante majorité des locataires n'ont pas les moyens financiers de faire usage de cette liberté - pour mieux pouvoir octroyer de l'autre main et en catimini la liberté de spéculer et de maximiser les profits sur le dos des locataires qui possiblement verront leurs baux résiliés et ne retrouveront plus de logement sur le marché locatif.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite quand même répondre à M. Zacharias - vous lui transmettrez, Monsieur le président - qui n'a pas pu s'empêcher, comme il le fait à l'accoutumée - je pense que cela doit être un TOC - de nous ressortir encore et encore la même soupe aussi amère et saumâtre selon laquelle la gauche instrumentaliserait la crise du logement et l'alimenterait à des fins électorales. Je lui rappelle quand même, comme l'a fait M. Lefort avant moi... (Commentaires.) ...que les socialistes soutiennent la construction de logements contrairement à certains partis de droite; je citerai notamment les Communaux d'Ambilly, le projet des Corbillettes ou des Grands-Esserts, des projets qui permettraient de construire un très grand nombre de logements et donc de débloquer en partie la crise du logement et qui sont bloqués par une majorité de droite de ce parlement.
Je trouve quand même particulièrement inquiétant, et je m'arrêterai là, Monsieur le président, de constater que M. Zacharias semble penser qu'il est absolument inenvisageable de faire de la politique pour défendre des valeurs, pour défendre l'intérêt général. Ce pour quoi la gauche et le parti socialiste se battent dans le domaine du logement, c'est la création de nouveaux logements et la protection des locataires contre l'appétit des propriétaires... (Remarque.) ...et pour que chacun et chacune dans notre canton puisse se loger à un prix abordable. Mais M. Zacharias ne semble pas pouvoir envisager que nous ayons une volonté d'honorer des valeurs. (Remarque.) Il pense que la seule raison pour laquelle nous faisons de la politique est la poursuite d'intérêts personnels ou partisans. Cela en dit malheureusement long sur ses motivations dans ce parlement. Je vous remercie. (Léger brouhaha.)
Le président. Merci, Madame la députée. Autant que faire se peut, je souhaiterais que vous évitiez les attaques personnelles et ne personnalisiez pas le débat. (Commentaires.) Je passe la parole à Mme la députée Nicole Valiquer Grecuccio.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en tant que socialiste, j'aimerais croire que nous pouvons défendre l'intérêt général et dessiner ensemble des solutions pour répondre à la crise du logement objectivement subie par la majorité de cette population. Je vous ai tous et toutes écoutés avec beaucoup d'attention et j'aimerais d'abord répondre au MCG qui laisse entendre qu'avec ce projet de loi on permet à la population - comme s'il s'agissait d'un tout homogène - d'accéder à la propriété. Eh bien non, ce projet de loi ne permet pas à la population dans son ensemble d'accéder à la propriété. J'ai entendu M. Aellen et je dois le remercier de ses propos parce qu'il a eu l'honnêteté de reconnaître que ce projet de loi ne pouvait pas - et c'est bien normal - concerner les catégories les plus faibles de la population, ni même les catégories modestes, pour ne rien dire des plus défavorisées. Nous avons la responsabilité sociale de permettre de se loger non seulement aux personnes les plus défavorisées de ce canton, mais aussi à celles qui gagnent honnêtement leur vie mais qui n'ont pas encore pu trouver un logement répondant à leurs besoins prépondérants. Que dire aux six mille demandeurs de logement inscrits auprès des fondations immobilières de droit public ? Que dire encore à la majeure partie de la population qui aimerait trouver un logement plus grand mais qui ne le trouve point et qui voit certaines de ses autres charges augmenter, notamment l'assurance-maladie ? Je pense que nous avons là une responsabilité sociale que nous n'honorons malheureusement pas. (Remarque.)
Nous pouvons maintenant aborder la question de la classe moyenne, puisque c'est d'elle qu'il s'agit. Je pense que le premier réel outil que nous avons à disposition consiste à bien utiliser la zone de développement. Celle-ci permet, parce que le prix est contrôlé, de construire des propriétés par étage qui s'adressent à cette même classe moyenne, ou à la classe moyenne supérieure, étant donné le prix. Or qui peut garantir que cette zone de développement est vraiment contrôlée ? Qui, aujourd'hui, peut garantir que les propriétés par étage sont vraiment occupées par cette classe moyenne ? Qui habiterait ces logements ? Et qui ne vendrait pas ces mêmes logements au bout des dix ans ? Je rappelle que ce Grand Conseil a largement dénaturé l'esprit de ce qu'on a appelé la «loi Longchamp»... (Commentaires.) ...tant et si bien d'ailleurs que ce sont les milieux des locataires qui ont repris à leur compte la loi dite Longchamp pour lancer l'initiative que vous connaissez, qui a sûrement un but juste et honorable puisqu'elle est attaquée encore aujourd'hui au tribunal.
En tant que socialiste, je plaide donc en faveur d'une utilisation correcte de la zone de développement qui permet cette fameuse accession à la propriété pour la classe moyenne et qui permet d'éviter des débats complètement stériles consistant à déterminer si on est pour ou contre la propriété. Je dirais également concernant cette classe moyenne qu'il s'agit bien de la classe moyenne supérieure, puisque vous savez comme moi qu'il faut disposer de 20% de fonds propres, ce qui n'est pas exigé dans des pays voisins où, pour cette raison, de plus larges parts de la population ont accès à la propriété. Ces 20% de fonds propres, oui, il faut les avoir et c'est pourquoi seule la classe moyenne supérieure pourrait accéder à ces logements: en effet, aujourd'hui, il n'est possible de retirer plus que 10% de ses fonds propres sous forme du deuxième pilier. L'accession à la propriété pour celles et ceux que prétendument vous représentez est donc un leurre, car la majorité de la classe moyenne ne peut pas utiliser son deuxième pilier dans ce but.
Enfin, M. Aellen a relevé qu'un travail avait été mené par le parti démocrate-chrétien à travers son amendement qui poserait des cautèles. Je pense que cet amendement a au moins l'avantage de poser ces cautèles en fixant le prix du mètre carré qui effectivement correspond à celui de la zone de développement. Je me réjouis de savoir si le PLR va suivre l'amendement du PDC, car il permet quand même d'encadrer quelque peu le sujet. En cela, il est assez éloigné des propos que j'ai entendus de la part de M. Zacharias.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons malgré tout pas entrer en matière sur ce projet de loi; nous n'avons pas encore exploré, ni encore garanti à la zone de développement la possibilité de jouer son véritable rôle. J'espère d'ailleurs que quand cette «loi Longchamp», comme on l'a rebaptisée, sera enfin soumise au peuple, vous saurez l'accepter, parce qu'elle répondra à l'objectif que vous visez.
M. François Lefort (Ve). Je reprends volontiers la parole sur ce projet de loi dont le vrai titre est, comme je vous l'ai dit, «Plus de liberté pour les propriétaires». C'est d'ailleurs le sens de l'amendement que vient de déposer la matoise députée socialiste Caroline Marti qui propose de remplacer le titre de ce projet de loi par «Plus de liberté pour les promoteurs immobiliers», et que nous voterons bien sûr avec plaisir. Maintenant, nous sommes saisis d'un autre amendement, un amendement patelin de M. Cerutti, le dom Balaguère du PDC séduit par le Garrigou du MCG dans les messes basses de la droite élargie. Cet amendement déposé ce soir aux alentours de 21h est d'une tournure tellement alambiquée... (Remarque.) ...qu'il est hors de question de le voter d'emblée, sans une analyse bien plus poussée. (Commentaires.) Raison pour laquelle, si vous vouliez vraiment en étudier les arcanes, nous, les Verts, nous soutiendrions évidemment le renvoi de ce projet de loi à la commission du logement, et uniquement pour étudier cet amendement du PDC.
M. Stauffer nous propose bien sûr un délai de quarante jours, le délai référendaire, pour réfléchir à cet amendement. (Remarque.) Mais soyons francs: il n'y a pas de quoi réfléchir ! Il y a lieu de retravailler ce projet de loi à la commission du logement en examinant l'amendement PDC, comme je vous le propose... (Remarque.) ...justement pour protéger le locataire des congés-vente, ou alors simplement de le refuser ce soir. M. Stauffer nous promet la déculottée en référendum. Mais M. Stauffer se raconte, et surtout vous raconte, ses bobards habituels ! Ce projet de loi concerne 225 000 logements, soit l'entier du parc locatif genevois, c'est-à-dire 225 000 locataires. Il est possible qu'il arrive, par hasard, de temps en temps, à certains de ces 225 000 locataires de voter MCG. Mais une partie, ou peut-être même l'entier de ces 225 000 locataires ne sont pas complètement fous et ne prendront pas le risque de se voir proposer le congé-vente, autrement dit, soyons clairs, de se voir proposer d'acheter leur logement ou, s'ils ne peuvent pas l'acheter, de le quitter. Nous ne sommes donc pas inquiets du résultat du référendum ! Il y a, Monsieur Stauffer, à Genève, davantage de gens qui ne peuvent pas acheter leur appartement que de gens qui peuvent l'acheter. (Brouhaha.) Le contraire se saurait. Et cela, Monsieur Aellen, c'est de la sémantique ! Le contraire se saurait et, si c'était le cas, Monsieur Zacharias, vous n'auriez alors pas besoin de proposer un projet de loi d'une telle - et élégante - perversité sémantique. Soyons clairs, ce projet de loi est un texte dangereux pour les locataires qui représentent 83% de la population genevoise. C'est le retour en douce des congés-vente enfin légalisés ! C'est la légalisation des congés-vente ! Et cette légalisation des congés-vente, c'est le rêve de tout propriétaire immobilier à Genève, notamment du propriétaire immobilier Ronald Zacharias, auteur de cette loi ! (Protestations.)
Une voix. C'est scandaleux ! (Protestations.)
M. François Lefort. Très bien, nous avons le temps ! (Commentaires.) Alors, Mesdames et Messieurs les députés, les Verts refuseront ce projet de loi... (Commentaires.) ...et s'y opposeront bien sûr par référendum avec les associations de locataires et avec la gauche. Et là, étant donné que ces 225 000 locataires ne sont pas complètement tombés sur la tête, il est fort possible que nous le gagnions très facilement. (Commentaires.) Maintenant, dans l'immédiat, je vous propose une dernière fois le renvoi de ce projet de loi à la commission du logement afin d'étudier l'amendement du PDC. Pour le reste, si ce renvoi n'est pas accepté, nous refuserons ce projet de loi, et bien sûr, rendez-vous au référendum ! (Commentaires.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Seuls peuvent s'exprimer les rapporteurs et le Conseil d'Etat. Les rapporteurs souhaitent-ils prendre la parole ? (Remarque.) Je cède le micro à Mme Montant.
Mme Bénédicte Montant (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. C'est la deuxième demande de renvoi en commission; je crois que le vote précédent a été assez clair. Ce sont des mesures dilatoires, qui permettent de mettre en exergue l'art oratoire de M. Lefort et bien évidemment, le parti libéral-radical s'y opposera. Merci beaucoup. (Commentaires.)
Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11408 à la commission du logement est rejeté par 61 non contre 33 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous poursuivons le débat et je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg.
Des voix. Ah !
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. L'avantage de passer en dernier, c'est que je ne serai pas critiqué sur ce que je vais vous dire pendant trois minutes et trente secondes. Devenir propriétaire de son propre logement est le rêve de chaque locataire, car on peut l'aménager comme on le souhaite et y faire des transformations. Le locataire devenu propriétaire bénéficie d'un double avantage: d'une part, les taux d'intérêt étant très bas actuellement, le loyer que le locataire paie jusqu'à ce qu'il devienne propriétaire est plus élevé que les intérêts qu'il paie à la banque et, d'autre part, le prix d'achat de son bien-fonds sera plus bas que s'il est confronté à plusieurs acheteurs potentiels qui font augmenter le prix selon la loi de l'offre et de la demande. Si le loyer en vigueur est trop élevé, le propriétaire ne vendra pas car il reçoit un revenu élevé, et si le loyer est très bon marché, le locataire ne souhaitera pas acheter étant donné que son loyer est plus bas que les charges financières de la banque. (Brouhaha.)
De plus, en devenant propriétaire, on profite de la plus-value de son logement en quelques années, le terrain n'étant pas extensible... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et la population demandeuse de logements augmentant continuellement. L'acquisition de son logement est une forme d'épargne forcée au travers de l'amortissement de son prêt hypothécaire. Il faut simplement avoir la volonté d'épargner ! Ce n'est pas facile, mais c'est tout à fait possible. Devenir propriétaire de son logement est une assurance de pouvoir y rester jusqu'à la fin de sa vie et d'éviter les hausses de son loyer. L'Etat est intéressé par ce genre de transaction pour diverses raisons... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, un peu de silence ! Poursuivez, Monsieur le député.
M. Bernhard Riedweg. L'Etat est intéressé par ce genre de transaction pour diverses raisons: le propriétaire vendeur paiera un impôt sur le bénéfice réalisé sur la vente s'il a été propriétaire durant moins de vingt-cinq ans. Il n'est pas indécent qu'un propriétaire qui vend son appartement fasse un profit, car plus la durée de possession est courte, plus le taux d'imposition sur la plus-value fixé par l'Etat sera élevé. A cela s'ajoutent les frais de mutation, des taxes et des émoluments que devra payer l'acheteur à l'Etat. De plus, l'Etat prélève un impôt à l'acheteur sur un revenu fictif appelé «valeur locative» de 3% calculé sur la valeur fiscale du bien-fonds, revenu duquel le propriétaire pourra soustraire les intérêts payés à la banque, mais la différence sera en défaveur de l'acheteur, l'intérêt hypothécaire étant très faible. Cela fera entrer davantage d'impôts sur le revenu.
La raison pour laquelle un habitant genevois n'est pas propriétaire, c'est respectivement qu'il n'arrive pas à épargner, qu'il ne se fixe pas comme priorité d'économiser 20% de la valeur d'expertise du bien-fonds, ou qu'il ne gagne pas assez pour supporter les charges théoriques. Le meilleur moyen d'accéder à la copropriété est qu'un couple... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...puisse réaliser cette transaction tant appréciée, car il peut compter sur deux salaires et deux possibilités d'épargner. Il faut également compter sur la contribution des parents, des grands-parents... (Exclamations.) ...voire des oncles et des tantes qui tous veulent plaire à leurs rejetons...
Une voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Bernhard Riedweg. ...surtout lorsque ceux-ci ont l'intention de devenir propriétaires. (Remarque.) Il faut savoir aussi que la banque veille indirectement sur le prix de vente car elle saura rendre attentif le locataire au fait que le prix à payer pour acquérir son logement est trop élevé par rapport au marché. En effet, l'institut financier peut facilement faire expertiser cet appartement par le Centre d'information et de formation immobilière, un organisme reconnu dans toute la Suisse pour les évaluations des valeurs immobilières... (Remarque.) ...valeurs sur lesquelles se basent les banques pour établir leurs expertises immobilières et pour fixer la valeur de gage du bien-fonds. (Brouhaha.)
Ce projet de loi respecte la liberté individuelle de pouvoir choisir entre l'état de locataire ou de propriétaire, cette dernière situation étant plus noble. (Commentaires.) La durée de location de trois ans dénote une coïncidence entre la volonté d'acquérir et la volonté d'habiter. Le locataire a un immense avantage, à savoir qu'il connaît exactement ce qu'il achète... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Bernhard Riedweg. ...et qu'il est en mesure d'évaluer son environnement, par exemple le comportement des voisins, les nuisances sonores et le paiement des charges, entre autres. Ce projet de loi, qui tient compte du fait que le locataire occupe son appartement depuis plus de trois ans et qu'il veut devenir propriétaire de ce logement, permettra d'éviter les recours systématiques de l'ASLOCA et les longues périodes de blocage qui en découlent. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC vous demande d'accepter ce projet de loi.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements. Commentaires.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, le Conseil d'Etat a fait de l'accès à la propriété pour y habiter un des axes de son travail en faveur de la politique du logement. C'est pourquoi il se bat avec acharnement depuis quelques années pour concrétiser ce que l'on appelle aujourd'hui la «loi Longchamp», une loi qui empêche l'accaparement des appartements en PPE en zone de développement... (Remarque.) ...par quelques-uns. Le Conseil d'Etat entend mener ce combat jusqu'au bout, une fois que les tribunaux se seront finalement décidés sur cette initiative. En l'état, ce débat sur l'accès à la propriété est intéressant puisque, comme vous le savez, dans les cultures européennes latines, la petite propriété, c'est-à-dire la propriété de son logement, est plutôt une valeur de gauche; c'est plutôt un bas de laine, un patrimoine familial que l'on cherche à constituer pour le léguer à ses enfants, pour avoir la sécurité du logement et pour ne pas dépendre d'un propriétaire qui peut, dans le cadre du contrat de bail, vous demander de partir. Ici, il en va autrement, et le prix même de la propriété genevoise explique probablement cette différence. En effet, il est question de règles et de lois destinées à favoriser l'accès à la propriété, mais cette propriété - il faut partir de ce constat - est extrêmement chère, en raison de la configuration actuelle du marché genevois. D'ailleurs, selon une récente étude de l'institut d'analyse du Crédit Suisse, il semble que seuls 15% de la population genevoise pourraient accéder à la propriété, vu les prix pratiqués dans le marché actuel. Alors évidemment, avec les prix de la zone de développement, ou avec des prix plus contrôlés, comme suggéré par l'amendement de M. Cerutti, on peut élargir quelque peu cette classe moyenne supérieure - car il faut le dire, c'est quand même plutôt la classe moyenne supérieure qui pourrait accéder à la propriété, et pourquoi pas, toujours dans cette optique d'y habiter. (Léger brouhaha.)
La loi actuelle, la LDTR, permet à un locataire d'acquérir son logement. Il ne s'agit pas d'un débat nouveau, étant donné que ce principe existe à l'article 39 et qu'il faut, selon cette loi, obtenir l'accord de 60% des locataires de ce même immeuble. Cela a été dit, le Tribunal fédéral avait annulé l'effet de cette disposition par une jurisprudence antérieure et a réintroduit la possibilité liée à cet article 39, alinéa 3, par une nouvelle jurisprudence, celle du mois d'août. Mesdames et Messieurs, je l'annonce ce soir - je ne l'ai pas encore fait publiquement: suite à l'arrêté du Tribunal fédéral du 5 août 2015, j'ai demandé à mon administration de changer ses pratiques administratives afin de permettre à nouveau la vente des appartements selon la nouvelle jurisprudence de ce tribunal. C'est dire qu'avec l'application que fait le Conseil d'Etat de cette loi, nous sommes très proches de l'amendement déposé par M. Cerutti... (Commentaires.) ...puisque cette application permet justement la vente aux locataires en place depuis trois ans, pour autant que le prix de vente ne soit pas spéculatif, autrement dit, ne dépasse pas une gamme de prix correspondant à ces 6900 F. La différence par rapport à cet amendement réside dans le fait que le locataire actuel doit quand même obtenir l'accord de 60% des autres locataires de l'immeuble, alors qu'avec cet amendement, il n'y aurait plus ce besoin. En revanche, selon la loi actuelle, il peut le faire au bout de trois ans et, selon cette proposition, ce serait au bout de cinq ans; cette proposition serait donc plus sévère que la loi actuelle. (Remarque.) Tout cela pour vous dire que, finalement, la situation proposée est très proche de la nouvelle situation telle que nous la pratiquons depuis le mois d'août et face à laquelle, vous comprendrez bien, nous n'avons aujourd'hui pas de recul pour en évaluer les effets.
Les risques ont été évoqués: la sélection des locataires en amont par les bailleurs qui sélectionnent déjà les bons locataires en fonction des risques et qui pourraient là, en plus, sélectionner des locataires suffisamment fortunés pour acquérir un logement; les congés-vente déguisés, tels qu'évoqués par le député Dandrès, des pratiques malheureuses qui existent, car on peut contourner l'article du code des obligations sur les congés-vente; enfin, bien évidemment - cela n'a pas été mentionné ce soir - les régies ont horreur des immeubles panachés ! C'est très compliqué pour une régie d'avoir un immeuble avec quelques PPE par-ci, par-là et le reste en location. (Brouhaha.) Cette situation panachée, comme on le dit dans le métier, aura tendance à devoir se clarifier soit dans un sens, soit dans un autre. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat reconnaît ces risques, mais les représentants des locataires doivent reconnaître, eux, que ces risques existent aussi avec la loi actuelle, étant donné que celle-ci permet déjà la vente de ces appartements aux conditions que j'ai exposées, très proches de l'amendement de M. Cerutti.
Mesdames et Messieurs, ce projet de loi ne crée pas un seul logement supplémentaire, et chacun sait que tous les débats de ce parlement pour légiférer dans le but de protéger des locataires, de favoriser la propriété ou autre, nous les tenons pour une seule raison: la pénurie de logements. Si nous nous trouvions dans une situation où le marché serait souple, celui-ci régulerait lui-même le prix du logement pour les locataires ou pour les propriétaires. (Commentaires.) Notre priorité fondamentale doit donc être l'assouplissement de ce marché du logement par la création de nouveaux logements, et c'est cela, la seule et vraie solution. Sans quoi, nous continuerons, à travers ces projets de lois, à mettre des emplâtres sur une jambe de bois. Pourquoi pas ! Cela peut aider, cela peut aller dans le bon sens, ou pas. Le Conseil d'Etat vous l'a indiqué dans le précédent débat sur la LDTR: le gouvernement entend garder une neutralité sur l'ensemble de ces projets de lois LDTR qui n'ont pas fait l'objet d'une consultation en termes de partenariat social entre les milieux immobiliers et les milieux des locataires. Je vous ai livré ma pensée sur la proposition de M. Cerutti qui me semble aller dans un sens très proche de la pratique du département. Il appartient maintenant à ce Grand Conseil de prendre ses responsabilités autour de cette loi et très certainement au peuple de ratifier ou non ce que vous aurez décidé ce soir. Pour ma part, je réitère aujourd'hui auprès de vous ma volonté de mener un dialogue entre partenaires du domaine du logement et d'avoir ce type de débat, comme vous les avez eus dans des enceintes où nous pouvons avoir un dialogue plus constructif pour essayer d'aboutir à un consensus. La population attend également que nous soyons présents pour le concrétiser. Mesdames et Messieurs, merci pour votre écoute.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes en procédure de vote...
M. François Lefort. Vote nominal !
Le président. Monsieur Lefort, vous demandez le vote nominal. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes, nous passons donc au vote nominal concernant l'entrée en matière.
M. Roger Deneys. Les propriétaires sont soumis à l'article 24 ! (Rires.)
Une voix. Alors personne ne peut voter !
Le président. Les locataires aussi, Monsieur Deneys !
Mis aux voix, le projet de loi 11408 est adopté en premier débat par 60 oui contre 33 non (vote nominal).
La proposition de résolution 561 est retirée par ses auteurs.
La proposition de résolution 657 est retirée par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous retrouve demain à 15h pour la séance des extraits. Bonne soirée et bonne nuit à tous !
La séance est levée à 23h10.