République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 255
13. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil communiquant l'opposition formée le 13 novembre 1995 par la Ville de Genève au projet de plan localisé de quartier n° 28731-239, situé entre la rue du Mont-Blanc, la rue du Cendrier, la rue et la place Kléberg. ( )RD255

1. En date du 4 juillet 1994, le département des travaux publics et de l'énergie (ci-après département) a été saisi d'une demande d'autorisation préalable de construire no 16975, ayant pour objet la «surélévation d'un bâtiment et aménagement de bureaux en attique», concernant la parcelle no 4761, feuille 44 de la Ville de Genève, section Cité, sise en 2e zone de construction.

 Ce projet vise à ajouter à l'immeuble du 7, rue du Mont-Blanc, un étage en attique, voué à des bureaux supplémentaires, d'une surface de 540 m2, représentant 25 à 30 postes de travail, pour les besoins de la Société d'assurance Patria, qui est propriétaire de ce bâtiment et l'utilise déjà pour ses activités.

2. Le 15 août 1994, la Ville de Genève a délivré un préavis défavorable à cette requête, au motif que la construction envisagée n'était pas conforme au règlement spécial de quartier no 26144-239, adopté le 3 décembre 1968 par le Conseil d'Etat, qui stipule que «les superstructures ne seront pas habitables».

 Le département a alors envisagé de modifier ce règlement spécial. Par lettre du 7 novembre 1994, Mme Jacqueline Burnand, conseillère administrative de la Ville de Genève chargée du département municipal de l'aménagement et de la voirie, a indiqué que «dans la mesure où la construction en attique projetée correspond bien dans sa destination aux besoins propres de la société propriétaire et que l'impact sur le site de cette superstructure restera limité», elle serait «prête à (se) rallier à votre proposition de modification du règlement de quartier no 26144, comme condition à l'octroi de l'autorisation demandée, et à modifier (son) préavis dans ce sens».

 Pour sa part, le service des monuments et des sites du département n'a pas formulé d'objection autre que celle relative à la nécessité de modifier le règlement spécial précité, estimant notamment que la création d'un attique sur le bâtiment précité n'était pas de nature à nuire au caractère du site.

3. Considérant qu'il y avait lieu de donner suite à cette requête, le département a élaboré, le 1er décembre 1994, le projet de plan localisé de quartier no 28731-239, situé entre la rue du Mont-Blanc, la rue du Cendrier, la rue et la place Kléberg. Ce projet de plan prévoit d'abroger et remplacer le règlement spécial no 26144-239, du 3 décembre 1969, dont il ne diffère, pour l'essentiel, que dans la mesure où il affecte les superstructures de l'immeuble du 7, rue du Mont-Blanc à des activités administratives. Par ailleurs, il indique désormais clairement que les superstructures devront être érigées en retrait par rapport aux façades de ce bâtiment.

4. Le projet de plan localisé de quartier no 28731-239 a été soumis à enquête publique du 3 mars au 3 avril 1995. Le 12 septembre 1995, le Conseil municipal de la Ville de Genève a toutefois délivré un préavis défavorable à ce projet de plan. La procédure d'opposition a ensuite été ouverte du 16 octobre au 14 novembre 1995.

5. Le 8 novembre 1995, le Conseil municipal de la Ville de Genève a adopté la motion no 131, qui enjoint le Conseil administratif de cette commune de faire opposition à ce projet de plan.

 C'est ainsi que, par lettre du 13 novembre 1995, adressée au Conseil d'Etat, le Conseil administratif de la Ville de Genève a déclaré former opposition au projet de plan localisé de quartier no 28731-239, situé entre la rue du Mont-Blanc, la rue du Cendrier, la rue et la place Kléberg.

6. L'article 5 de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929 (L 1 11; ci-après LEXT), traite de la procédure d'adoption des plans localisés de quartier en zone ordinaire. L'alinéa 9 de cette disposition stipule ce qui suit:

 «Toutefois, dans l'hypothèse où une commune a formé une opposition au projet et que le Conseil d'Etat entend la rejeter, il en saisit préalablement le Grand Conseil qui statue sous forme de résolution. Si l'opposition est acceptée, le Conseil d'Etat doit modifier le plan en conséquence. Il est ensuite procédé conformément à l'alinéa 8.»

 Le présent rapport a pour objet de vous communiquer le texte de l'opposition de la Ville de Genève et de vous expliciter les motifs pour lesquels cette opposition nous paraît a priori devoir être écartée.

7. La Ville de Genève reprend les griefs cités dans la motion no 131 et invoque, pour l'essentiel, les arguments suivants:

- le règlement spécial no 26144-239, adopté le 3 décembre 1968 par le Conseil d'Etat, que le projet de plan querellé se propose d'abroger et de remplacer, fixe à 24 mètres la ligne horizontale supérieure du gabarit de l'îlot situé entre les rues du Cendrier, du Mont-Blanc, Kléberg et la place Kléberg, soit 6 étages sur rez-de-chaussée. Ce règlement, qui précise notamment que les superstructures ne seront pas habitables, conserverait toute sa pertinence au vu d'un prétendu «caractère inacceptable du projet de surélévation» qui fait l'objet d'une demande de construire dûment déposée au département, et compte tenu d'un prétendu «effet d'entraînement» que ce projet risquerait «d'avoir pour d'autres immeubles dont les propriétaires réclameront l'égalité de traitement»;

- l'immeuble existant du 7, rue du Mont-Blanc aurait déjà bénéficié de faveurs importantes, accordées par le biais du règlement spécial de 1968, en ce qu'il serait «plus élevé que les immeubles qui l'entourent» et ne respecterait «manifestement pas les distances minimales exigibles par rapport aux immeubles construits antérieurement et qui lui font face»; partant, il serait «particulièrement choquant de lui accorder une dérogation supplémentaire»;

- un plan localisé de quartier, contrairement à un règlement spécial, ne permettrait pas de déroger aux distances légales entre immeubles, ce qui mettrait en cause la légalité de la démarche suivie;

- le projet de plan localisé de quartier querellé s'apparenterait «à la technique du salami»;

- le besoin réel de locaux de bureaux ne serait pas démontré;

- il ne serait pas établi que «la surélévation projetée ne serait pas visible depuis les quais, lesquels sont intégrés dans le plan de site et doivent donc être protégés»;

- enfin, le projet de plan querellé contreviendrait au plan directeur communal approuvé en avril 1993 par les Conseil administratif, lequel précise que, dans les quartiers existants, il est souhaitable, autant que possible, de limiter la densification et de maintenir l'équilibre des affectations.

8. De l'avis de notre Conseil, ces griefs peuvent être écartés pour les motifs qui suivent:

- S'agissant tout d'abord de la «légalité de la démarche suivie», il convient de préciser que l'article 23, alinéa 3, de la loi sur les constructions et installations diverses, du 14 avril 1988 (ci-après LCI), qui traite des dimensions du gabarit des immeubles constructibles en 2e zone à bâtir ordinaire, fixe certes à 24 mètres la hauteur maximale de la ligne verticale du gabarit, mais réserve expressément «les dispositions des articles 10 et 11 et celles des plans localisés de quartier au sens de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 29 mars 1929» (ci-après LEXT).

 C'est dire que tant les règlements spéciaux au sens de l'article 10 LCI que les plans localisés de quartier au sens de l'article 3 LEXT peuvent s'écarter des normes fixant le gabarit de hauteur des bâtiments en zone à bâtir ordinaire (SJ 1975, page 300; SJ 1972,page 193).

- En l'espèce, le projet de plan querellé ne fait que reprendre le gabarit maximum de hauteur déjà prévu par le règlement spécial de 1968, en vigueur. C'est dire qu'il ne permettra pas d'édifier un bâtiment plus haut que celui qui existe actuellement et qui a été construit en application de ce règlement spécial.

 Le projet de plan querellé ne diffère de ce règlement spécial que dans la mesure où il supprime la mention, qui figure actuellement dans la légende de ce dernier, selon laquelle «les superstructures ne seront pas habitables».

- Le projet de plan localisé de quartier querellé a reçu un préavis favorable de la part du service des monuments et des sites du département. Ce dernier a considéré, s'agissant de la demande d'autorisation préalable de construire à l'origine du projet de plan localisé de quartier, que la création de l'attique envisagé sur ce bâtiment «n'est pas de nature à nuire au caractère du site». De même, Mme Jacqueline Burnand, conseillère administrative de la Ville de Genève, dans un courrier du 7 novembre 1994 adressé au chef du département, relatif à cette même requête, et joint à l'acte d'opposition, estime que la construction en attique envisagée «correspond bien dans sa destination aux besoins propres de la société propriétaire et que l'impact sur le site de cette superstructure restera effectivement assez limité». A noter que le simple dépôt de la demande d'autorisation préalable de construire précitée, visant à la «surélévation d'un bâtiment» et à l'«aménagement de bureaux en attique», dont le requérant est la Patria, société mutuelle suisse d'assurances sur la vie humaine, dont le siège est à Bâle, suffit à établir le besoin de locaux, sans que le département n'ait à mener d'investigations supplémentaires, d'autant plus s'agissant d'un projet aussi modeste.

 Il est en outre douteux que cette surélévation soit visible depuis les quais, d'autant plus que l'attique envisagé sera construit en retrait par rapport aux façades de l'immeuble existant du 7, rue du Mont-Blanc. Quoi qu'il en soit, l'opposante n'établit pas en quoi cette superstructure serait de nature à porter atteinte à l'esthétique des quais.

- Enfin, les plans directeurs communaux n'ont, en tant que tels, pas d'effets juridiques et les autorités cantonales chargées de l'adoption des plans d'affectation ou de la délivrance des autorisations de construire ne sont pas tenues de s'y conformer dans les moindres détails. Cela dit, la «densification» proposée est modeste et l'opposante ne démontre pas en quoi ces 540 m2 de surfaces de bureaux supplémentaires déstabiliseraient l'équilibre des affectations, du secteur, l'immeuble du 7, rue du Mont-Blanc étant entièrement voué à ces activités administratives à l'exception du rez-de-chaussée.

Au vu des considérations qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte du présent rapport et à statuer sous forme de résolution sur l'opposition formée par la Ville de Genève, conformément à l'article 5, alinéa 9, LEXT.

Annexes:

Acte d'opposition de la Ville de Genève du 13 novembre 1995 et projet de plan localisé de quartier no 28731-239.

ANNEXES

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Ce rapport est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.