Séance du vendredi 2 février 2024 à 16h
3e législature - 1re année - 8e session - 55e séance

La séance est ouverte à 16h, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.

Assistent à la séance: Mmes Nathalie Fontanet et Anne Hiltpold, conseillères d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Lara Atassi, Dilara Bayrak, Jacques Béné, Vincent Canonica, Jennifer Conti, Marc Falquet, Pierre Nicollier, Francisco Taboada et Louise Trottet, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Céline Bartolomucci, Oriana Brücker, Rémy Burri, Daniel Noël et Frédéric Saenger.

Annonces et dépôts

Néant.

R 957-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Jean Batou, Jean Burgermeister, Pablo Cruchon, Rémy Pagani, Pierre Vanek, Salika Wenger, Jocelyne Haller : Face à la crise et au nouveau contexte politique international, un changement de cap fiscal s'impose ! (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 24 et 25 février 2022.
Rapport de majorité de M. Alexandre de Senarclens (PLR)
Rapport de première minorité de M. Jean Batou (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. Pierre Eckert (Ve)

Débat

La présidente. Nous continuons avec la R 957-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je remercie les quelques personnes qui ont décidé de revenir dans la salle et les invite à ne pas poursuivre leurs discussions. Etant donné que le groupe Ensemble à Gauche ne siège plus parmi nous, le rapport de première minorité de M. Jean Batou ne sera pas présenté. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Un projet de Jean Batou peut en cacher un autre. Plusieurs autres ! En quittant le Grand Conseil il y a quelques mois, Jean nous a laissé une oeuvre composée de textes comme autant de cadeaux empoisonnés. Député prolifique, joueur, parfois taquin, Jean aimait les impôts. Il les aimait tellement qu'il nous a laissé beaucoup d'objets qui visent à les augmenter: il a parlé de l'impôt sur les successions et donations, de revenir sur la diminution de 12% adoptée dans les années 2000, de la RIE III, qui le passionnait, de la RFFA. Ses textes étaient parfois inspirés par l'actualité internationale, comme cette proposition de résolution.

Ce texte invite le Conseil d'Etat à augmenter le taux d'imposition des entreprises, le faisant passer de 13,99% à 18,5%, et propose qu'une partie des recettes reste dans les caisses de l'Etat et que l'autre revienne à «un vaste plan d'investissements cantonal dans des infrastructures à finalité sociale et écologique, créatrices d'emplois locaux». Une autre partie de cette résolution demande à l'Assemblée fédérale de donner une suite favorable à une proposition de la secrétaire au Trésor des Etats-Unis, Janet Yellen, en fixant un taux plancher de 21% pour les entreprises en Suisse, de relever de 2,5 points l'IFD pour financer l'AVS et d'avoir un taux plancher de 10% minimum pour l'imposition des cantons dans la LHID.

Evidemment, ce projet va complètement à contre-courant de ce qui a été fait, de la politique fiscale de Genève à l'égard des entreprises, une politique saine et importante pour nos conditions-cadres et pour la préservation, le maintien des emplois; celle qu'on a appliquée avec la réforme RIE III - qui s'est finalement appelée RFFA -, et aussi avec l'adoption d'une réforme pour mettre en oeuvre le projet BEPS de l'OCDE. Toutes ces réformes sont essentielles pour que Genève soit compétitive face aux autres cantons, que la Suisse soit compétitive face aux autres pays. Cela a permis de créer de la croissance, des emplois et une Suisse dynamique. C'est pour ces motifs qu'il faut refuser cette résolution. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Je vais essayer de représenter les deux minorités, tout en m'appuyant essentiellement sur mon rapport et non sur celui de Jean Batou. Comme on l'a dit, la fiscalité des entreprises a été un centre d'intérêt de l'OCDE depuis un certain temps. On a demandé notamment d'harmoniser les taux d'imposition entre des pays membres de l'OCDE. Comme le rapporteur de majorité l'a dit, cela a conduit aux diverses réformes, RIE III et RFFA. Signalons également cette initiative prise par les Etats-Unis, le rapporteur a mentionné Mme Janet Yellen: celle-ci proposait que l'ensemble des sociétés soient imposées sur le bénéfice à hauteur de 21%, ce qui a fini par être réduit à 15%. C'est d'ailleurs ce taux qui a récemment été adopté au niveau de la Confédération.

De notre côté, celui des Verts, nous avons toujours considéré que le taux de 13,99% qui a cours actuellement, depuis la RFFA, est bien trop bas. Premièrement, il génère d'importantes pertes de recettes pour l'Etat, environ 250 millions. Cette estimation figure dans l'exposé des motifs du projet du budget 2022; malheureusement, ce texte a été écrit il y a un certain temps.

L'argument que j'amène est plus un argument des Verts: avec des taux d'imposition relativement bas, on compte toujours augmenter l'attractivité économique du canton. Je suis conscient que différents paramètres influent sur l'attractivité du canton de Genève - la fiscalité en est un. Néanmoins, on a un problème: on attire les entreprises, mais il faut aussi loger les personnes qui y travaillent et la construction des infrastructures nécessaires aux personnes attirées par ces entreprises (logements, écoles, EMS ou ce que vous voulez) doit suivre. En l'absence de ces capacités-là, on finit par devoir exporter une grande partie de la population qui travaille à Genève dans les régions frontalières du canton de Vaud ou de la France voisine.

Nous soutenons le principe de cette résolution avec un taux de 21%. Mais comme le taux de 15% a été mis en place, nous ne soutiendrons pas d'amendement. Je pense qu'il faut soutenir un taux de 21%, mais il faut que ce soit harmonisé internationalement, je le concède. Je ne proposerai donc pas d'amendement...

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Pierre Eckert. ...ne soutiendrai pas l'amendement du rapporteur de minorité Jean Batou et resterai à ce taux de 21%. Après, on pourrait procéder de plusieurs manières, bien entendu: on pourrait fixer des taux d'imposition plus élevés pour les entreprises avec des abattements possibles pour celles qui seraient plus responsables d'un point de vue social ou environnemental. Tout ça, ce sont des propositions qu'on pourrait émettre, qu'on avait émises dans le cadre de la RFFA, mais qui n'avaient pas été retenues.

Dans un monde d'échanges globalisés, la sous-enchère fiscale est un poison pour les recettes de l'Etat: les entreprises qui le peuvent, les multinationales surtout, déplacent régulièrement leur siège financier dans l'un ou l'autre des paradis fiscaux. Merci donc de soutenir cette proposition de résolution qui permettra à Genève et à la Suisse de se replacer à niveau dans le concert des nations tout en soulageant quelque peu les budgets publics. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Michael Andersen (UDC). Il est vrai que cette résolution a nécessité de mon côté un certain dépoussiérage, et il est vrai aussi que tant les considérants que les invites et la dernière demande ne sont absolument plus d'actualité. Pourquoi ? La majorité des considérants se réfère notamment à la crise sanitaire que nous avons traversée; fort heureusement, cette dernière est derrière nous et nous n'espérons pas la revivre de sitôt. Un autre considérant mentionne cette majorité rose-verte qui n'est plus là aujourd'hui. Fort heureusement ! Alléluia ! Enfin, un nouveau considérant met en avant l'opposition des partis alors majoritaires au gouvernement (la majorité rose-verte, à nouveau) à la réforme fiscale des entreprises. Encore quelque chose de complètement dépassé ! Rappelons cette réforme fiscale qui, accessoirement, a rapporté des centaines de millions supplémentaires à l'Etat de Genève et qui permet aujourd'hui de financer de nombreuses prestations.

Si on regarde les invites, on voit qu'elles sont aussi complètement dépassées. Prenons la deuxième: elle demande d'augmenter, d'ici à 2024, l'impôt des entreprises pour combler le manque à gagner causé par la mise en oeuvre de la RFFA. Or actuellement, on sait - et les comptes nous l'ont du reste montré - que la réforme fiscale des entreprises a déjà été absorbée. Cette invite est, elle aussi, complètement dépassée. Par ailleurs, l'augmentation des impôts des entreprises à 14,7% a été votée à l'unanimité de cette plénière. Enfin, la dernière demande à l'Assemblée fédérale... Il est assez étonnant de voir que les signataires viennent des bancs de l'extrême gauche et qu'ils se réfèrent au grand capitaliste américain dans cette résolution.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai dû dépoussiérer cette résolution pour vous exposer notre opposition à celle-ci. Je vous invite à la renvoyer aux archives le plus rapidement possible afin qu'elle prenne la poussière, tout comme les signataires, qui ne sont plus dans ce parlement aujourd'hui. Merci.

M. Vincent Subilia (PLR). Dans le sillage des débats qui ont eu lieu hier, je voudrais appeler de mes voeux, des voeux très certainement pieux, à ce que cette scorie de l'histoire qui nous est présentée signe le requiem de la litanie que la gauche et l'extrême gauche, ou ce qu'il en reste, nous servaient en matière fiscale. J'ai eu l'occasion de le dire: à l'instar d'autres textes dont s'est saisi notre parlement, qui, à mon sens, a d'autres priorités à traiter, cette résolution est marquée du double sceau de l'idéologie - ça, on le savait, ça n'est pas une surprise - et surtout d'une méconnaissance crasse des enjeux fiscaux. Je m'étonne - vous transmettrez, Madame la présidente - que l'excellent député Eckert, fin connaisseur de la chose fiscale, qu'il pratique notamment à la Chambre de commerce, institution qui m'est familière, tienne des propos irresponsables en appelant à une augmentation du taux de fiscalité à 21%.

Mesdames et Messieurs, on l'a dit et répété, et j'espère que c'est la dernière fois que nous aurons à nous manifester à ce propos, la Suisse, et Genève en particulier, n'est pas un paradis fiscal ! Des chiffres vous ont été encore fournis hier par notre excellente conseillère d'Etat, grande argentière de son état. La Suisse dispose d'une fiscalité marquée du double R: elle est raisonnable et responsable.

Raisonnable, parce qu'elle s'inscrit dans les moyennes basses de ce qui se pratique dans un certain nombre d'autres juridictions. Responsable, parce qu'il est, Mesdames et Messieurs, de notre responsabilité - c'est l'objectif de la fiscalité, et manifestement cette dimension semble constamment échapper à nos contradicteurs - d'associer des mécanismes de répartition, répartition dont on a dit et répété dans cette enceinte depuis des années - c'est pour ça que je nous invite à enfin changer de logiciel - qu'elle est particulièrement adaptée. (Je vois des adeptes de la fiscalité se joindre à nous et je leur souhaite la bienvenue !) La répartition est particulièrement responsable en ce sens qu'elle distribue les richesses selon la pyramide que vous savez.

Alors que ces réformes ont été faites, alors que - et M. Eckert le sait pertinemment bien - des multinationales, qu'il voue aux gémonies, ont connu une première hausse de fiscalité avec l'abolition des statuts qui les a fait basculer de 9% à 13,99%, qu'à la faveur de la réforme BEPS de l'OCDE, de ce big bang qui a été insufflé, certains groupes connaissent aujourd'hui une fiscalité de 15% dans d'autres pays de l'Union européenne qui sont nos concurrents, appeler aujourd'hui à une fiscalité de 21% est proprement irresponsable, ça n'est pas raisonnable. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est un signal désastreux, on l'a rappelé hier aussi, qui est donné à ces opérateurs économiques; ceux-ci génèrent de l'emploi et font confiance à la stabilité qui est la marque de fabrique du «Swiss made» et du «Geneva made». Revenir systématiquement à la charge avec ce type de projet...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Vincent Subilia. ...quand bien même il s'agirait d'une erreur de l'histoire imputable à un député aussi baroque que folklorique, quoique sympathique, eh bien...

La présidente. Vous avez terminé.

M. Vincent Subilia. ...tout ça est particulièrement désagréable... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue à s'exprimer hors micro.)

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Je tiens à saluer les excès de langage auxquels nous avons dû assister; ils traduisent peut-être une certaine fébrilité des rangs d'en face, ou une fatigue, ou une forme d'hybris, parce que quand on est fatigué d'entendre la vérité, d'entendre parler de faits, de constater que le moins-disant fiscal qui a marqué les dernières décennies a débouché sur des détresses sociales incontestables, lorsque les faits sont là, Mesdames et Messieurs, les contester par des excès de langage démontre bien qu'en définitive, on est parfaitement conscient de ne pas avoir d'arguments pertinents pour les combattre.

De notre côté, nous constatons dans les débats budgétaires - nous l'avons vu lorsque nous avons élaboré le budget de l'Etat et lorsque vous nous avez présenté deux lois, de ces fameuses lois «corset» visant en effet à corseter l'Etat - qu'il y a une sorte de «geignardise» à dire que l'Etat n'a pas les moyens d'offrir des prestations auxquelles les citoyennes et les citoyens ont droit et que ceux-ci requièrent par leurs votes réitérés. Eh bien, Mesdames et Messieurs, nous souhaitons que l'Etat se donne les moyens de fournir ces prestations.

Nous avons proposé des textes sur l'imposition sur le revenu. Ils ont été refusés avec un certain nombre d'arguments; effectivement, les gens méritent leur revenu et il ne faut peut-être pas les imposer de façon trop importante. Alors on s'est dit qu'on allait se tourner vers les successions, parce que le mérite d'être bien né et d'avoir des parents riches est peut-être moins évident. Vous avez également refusé. On se tourne à présent vers les entreprises: on sait (c'est la direction prise ces dernières décennies et le sens des réformes néolibérales) que le taux d'imposition des entreprises a dramatiquement baissé dans toutes les démocraties occidentales et que cela a des effets néfastes. Dans le sillage du projet BEPS et de Janet Yellen - on ne parle pas de cryptomarxistes, pour reprendre les termes excessifs qui sont proférés -, il faut qu'à l'échelle internationale nous nous entendions pour refuser la concurrence fiscale et rehausser les taux d'imposition sur le bénéfice des entreprises. C'est dans ce sens-là que va cette résolution et c'est pour cela que nous allons la soutenir. Je vous remercie.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour éclairer notre débat, j'amène quelques chiffres qui, d'une manière significative, étaient manquants. Ces données nous ont été transmises par l'OCSTAT. En 2010, nous avons à Genève 27 300 personnes morales, nous en avons 38 341 en 2020, soit pratiquement un doublement de personnes morales à Genève. Des personnes morales avec un bénéfice de plus d'un million, nous en avons 852 en 2010, 1146 en 2020, soit une augmentation certes moins forte, mais d'environ 300.

Je cite un autre chiffre assez éclairant pour que l'on comprenne bien dans quelle situation nous sommes. Pour le capital propre, donc l'accumulation de capital, en 2010, nous avons 18 milliards déclarés à Genève, et en 2020, 33 milliards. Là aussi, nous constatons pratiquement un doublement du capital global, avec une explosion entre 2019 et 2020: on passe de 22 milliards de capital déclaré, de fortune, à 33 milliards.

Concernant le bénéfice net - j'espère ne pas vous perdre, ces chiffres de l'OCSTAT sont intéressants -, 27 milliards ont été déclarés en 2010, 48 milliards en 2020. On remarque à nouveau un doublement des bénéfices, et je rejoins complètement une voix venant, je pense, de la droite, qui dit «tant mieux». Nous disons tant mieux.

Maintenant, je vais vous citer les chiffres de l'impôt cantonal, communal et fédéral des personnes morales: en 2010, 1,6 milliard, en 2019, 2,3 milliards - vous voyez, vous qui aimez les chiffres, il n'y a pas du tout un doublement de l'impôt - et en 2020, on chute à 2 milliards.

Avec ces chiffres assez simples qu'il aurait fallu exposer, vous comprendrez que la fortune accumulée a doublé, que le nombre des personnes morales et leurs bénéfices aussi, mais qu'on a des pertes fiscales d'environ 300 millions entre 2019 et 2020. L'équation est là, Mesdames et Messieurs ! Elle montre l'injustice crasse: une situation économique en croissance, des entreprises qui vont bien - tant mieux, il faut s'en réjouir -, mais moins de rentrées fiscales qu'en 2019 et 400 millions seulement en plus depuis 2010, alors que... Je ne vais pas vous tenir le discours sur l'augmentation du coût de la vie, de la précarité et des charges de l'Etat, car vous le connaissez. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Quelque chose ne joue pas ! Ce n'est pas la poussière du logiciel qu'il faut enlever - vous transmettrez à la droite -, c'est la poussière dans les yeux du PLR ! Ce n'est pas un signal désobligeant pour les acteurs économiques, comme le dit M. Subilia, vous lui transmettrez, c'est un signal absolument clair pour la population qui dit: «Mais attendez ! Les acteurs économiques font des super bénéfices, et nous, nous n'arrivons plus à boucler les fins de mois !»

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Sylvain Thévoz. Mesdames et Messieurs, il faut voter ce projet: il est bon, et grâce à une imposition rééquilibrée, permettra que la situation économique extraordinaire de Genève...

La présidente. Je vous remercie.

M. Sylvain Thévoz. ...bénéficie à toutes et tous et pas seulement... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue à s'exprimer hors micro.)

M. Stefan Balaban (LJS). Voici un énième objet qui provient d'une dystopie orwellienne - petit clin d'oeil à M. Nidegger. Je pense qu'il est temps de passer à autre chose. Ce sont des objets qui n'ont pas de sens, qui ne sont pas cohérents avec notre réalité fiscale. Je vous propose donc qu'on arrête de perdre notre temps et qu'on traite de questions un peu plus utiles pour notre république. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Monsieur de Rougemont, les Verts n'ont plus de temps de parole. Le temps de parole pour les rapporteurs étant également épuisé, je cède le micro à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je vous remercie, Madame la présidente. Nous parlions hier de prévisibilité; ce mot en avait fait sourire certains qui estimaient que, finalement, ce n'était pas nécessaire. Or, c'est justement un texte de ce type et le fait qu'il soit traité aussi longtemps après son dépôt qui remettent en question toute la prévisibilité et toutes les réformes intervenues depuis lors: RFFA en 2019, BEPS au 1er janvier 2024.

Je reviens sur certains des éléments repris par les auteurs, notamment le fait de vouloir une moins grosse concurrence entre les différents pays. Cette volonté est aujourd'hui réalisée avec la réforme BEPS, appliquée aux entreprises qui font plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires et qui seront toutes et tous imposés, toutes imposées plutôt, pardon - j'ai tellement l'habitude de parler correctement ! -, qui seront toutes imposées au même taux. Proposer à nouveau aujourd'hui de modifier ces taux, qui viennent d'être fixés, est tout simplement ahurissant, ce d'autant que notre canton n'a pas besoin de ces revenus supplémentaires.

Oui, Mesdames et Messieurs, j'ai aussi des chiffres sur l'augmentation des revenus fiscaux - si je les retrouve -, des personnes physiques, mais surtout des personnes morales durant les onze dernières années: ces revenus fiscaux sont en augmentation majeure ! Nous n'avons pas de pertes fiscales ! Alors on n'a peut-être pas exactement le même rapport entre l'augmentation du nombre d'entreprises et l'augmentation des revenus fiscaux, mais on ne peut pas dire que nous faisons des pertes fiscales. Ce mot est totalement usurpé dans ce contexte. Au contraire ! Nous le voyons d'année en année, nos revenus fiscaux sont exceptionnels, nos entreprises ont une résilience phénoménale, dont nous ne pouvons que nous féliciter. Ce sont ces revenus fiscaux, ces revenus fiscaux d'entreprises, qu'elles soient grosses ou petites, qui nous permettent de financer les politiques publiques que nous menons au sein de l'Etat de Genève.

Je souligne un dernier point, Mesdames et Messieurs les députés: toute une série d'entreprises ne paient pas d'impôts sur le bénéfice, parce qu'elles n'en font tout simplement pas. Ce n'est pas une question de taux: 63% des entreprises ne paient pas d'impôts sur le bénéfice parce qu'elles n'en font pas. Elles créent quand même de l'emploi, et ça, c'est un élément rassurant; elles paient - je vous rassure les uns et les autres - des impôts sur le capital. Elles n'existent donc pas sans payer d'impôts, ce qui répond aussi à une demande. Finalement, très peu d'entreprises paient des impôts sur le bénéfice, et comme nous avions déjà eu l'occasion de le dire dans le cadre de la réforme RFFA, nous avons utilisé de façon très parcimonieuse les possibilités de réduire le taux, de 13,99% à l'époque. Et puis, j'aimerais rappeler que ce taux a été augmenté à la suite de la suppression de la taxe professionnelle communale et que nous ne sommes plus à 13,99% mais à 14,7%. Nous sommes donc très proches de ces 15% qui s'appliquent aux très grosses entreprises.

Mesdames et Messieurs, nous pouvons nous réjouir de ces revenus fiscaux importants et surtout, surtout, nous devons prendre garde de ne pas déstabiliser les entreprises et de conserver les acquis que ces réformes nous ont apportés et vont encore nous apporter. Je vous recommande de rejeter cette résolution. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons d'abord voter sur l'amendement général du rapport de première minorité. Il consiste à modifier la première invite au Conseil d'Etat comme suit: «à déposer un projet de loi pour le relèvement du taux d'imposition des bénéfices des personnes morales de 13,9 à 15%» et à supprimer toutes les autres invites.

Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 62 non contre 27 oui.

Mise aux voix, la proposition de résolution 957 est rejetée par 61 non contre 27 oui (vote nominal).

Vote nominal

R 991-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la proposition de résolution de Sylvain Thévoz, Amanda Gavilanes, Nicolas Clémence, Grégoire Carasso, Badia Luthi, Jean-Charles Rielle, Françoise Nyffeler, Jocelyne Haller, Emmanuel Deonna, Claude Bocquet, Christian Zaugg, Jean Batou pour que les avoirs des caisses de pensions publiques genevoises ne financent pas la guerre de Poutine
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 1er et 2 septembre 2022.
Rapport de M. Jacques Blondin (LC)

Débat

La présidente. Nous passons à la R 991-A, classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, cette proposition de résolution a été déposée quelques jours après le déclenchement de la guerre en Ukraine, avec un souci légitime des signataires: savoir ce qui se passait avec l'argent des caisses de pension publiques, savoir si, de manière directe ou indirecte, celles-ci finançaient la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine. Elle invite le Conseil d'Etat:

«- à demander aux caisses de pensions publiques genevoises d'évaluer le pourcentage de leurs avoirs actuellement investis dans des entreprises russes (exposition directe ou indirecte);

- à demander aux caisses de pensions publiques genevoises d'évaluer le montant, en milliards de francs, de ces avoirs;

- à demander aux caisses de pensions publiques genevoises d'évaluer l'impact et le coût d'un retrait de ces avoirs et le délai d'une possible mise en oeuvre;

- à inciter l'ensemble des caisses de pensions publiques genevoises à suivre l'exemple de la caisse fédérale PUBLICA.»

Cette résolution a été traitée relativement vite en commission puisque, après avoir entendu les explications des signataires et discuté avec eux, il a été fait référence à un communiqué de presse de la CPEG qui indiquait ceci: «Au déclenchement du conflit, les positions en roubles ou en monnaies fortes représentaient environ 0,3% de la fortune totale de la Caisse. Ces positions ne peuvent à l'heure actuelle ni être vendues, ni être traitées, car les marchés sont fermés. A ce jour, leur valeur estimée par la Caisse est pratiquement nulle et elles figurent "pour mémoire" dans son bilan. La CPEG suit l'évolution de la situation avec attention dans une optique de gestion des risques. Il est enfin précisé que la CPEG ne verse pas de pensions en Russie ni en Biélorussie.»

Sur cette base, la commission a estimé que la question était réglée. Il était légitime de poser la question pour avoir une réponse; nous l'avons eue. Les caisses de pension n'ont donc pas de positions sur le marché russe susceptibles de financer, même de manière indirecte, la guerre qui se déroule actuellement en Ukraine. Raison pour laquelle la commission a estimé qu'il fallait refuser cette résolution. Merci.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, on dit souvent que l'argent est le nerf de la guerre. La guerre en Ukraine a débuté en février 2014, il y a dix ans. Il y a quasiment deux ans, en février 2022, l'Ukraine est bombardée et les troupes russes commencent l'invasion générale du territoire ukrainien. Cette invasion va provoquer la réaction de l'Union européenne notamment - de la Suisse également -, via des sanctions économiques. La R 991, déposée dans ce contexte, invite le Conseil d'Etat à demander aux caisses de pensions publiques genevoises plusieurs choses, dont d'évaluer le pourcentage de leurs avoirs investis dans des entreprises russes, mais aussi le montant, l'impact, le coût, etc., de ces avoirs.

Il est vrai que notre parlement a voté la R 989 qui va dans le même sens, car elle invite le Conseil d'Etat à mettre en oeuvre, avec fermeté, les sanctions prises par l'Union européenne, mais la R 991 est plus ciblée - elle est ciblée sur les caisses de pension. Il est vrai aussi que les Verts avaient déposé à l'échelon fédéral un objet concernant les investissements carbonés, auquel il a été répondu que le droit fédéral ne permet pas d'imposer à une caisse les investissements qu'elle fait.

Presque deux années se sont à présent écoulées. Nous avons pu lire dans les médias, fin novembre 2023, que la Suisse ne souhaite pas participer à la task force du G7 sur les avoirs russes gelés, malgré la pression internationale pour qu'elle contribue au renforcement de la coordination dans la lutte contre le contournement des sanctions. Les Verts ont d'ailleurs ensuite dénoncé l'action insuffisante du Conseil fédéral alors que - tous les médias l'ont dit - seuls 7,5 milliards de francs suisses ont été bloqués sur les 150 à 200 milliards d'argent russe qu'on estime dormir sur des comptes suisses. Bon, même si tout cet argent ne tombe pas forcément sous le coup des sanctions, nous pouvons dès lors constater que la traque à leur contournement est bien d'actualité.

Dans ce contexte, nous sommes, les Vertes et les Verts, évidemment favorables à plus de transparence, à ce que toutes les entités ayant reçu de l'argent de Russie fournissent plus d'informations, y compris les caisses de pension publiques. Alors nous dirons oui, tant à la R 991 qu'à la mise en application de la R 989. Merci beaucoup.

M. Guy Mettan (UDC). Je remercie M. Blondin pour son rapport. Nous allons évidemment le suivre, mais j'avoue que je dois me faire violence pour cela. Pourquoi ? Au fond, je partage le souci des signataires de cette résolution, qui condamnent la guerre et notamment la guerre de Poutine. Ça va vous étonner, mais moi aussi je condamne la guerre ! Et la guerre de Poutine également. Je n'ai donc pas de problème là-dessus.

Ce qui en revanche me scandalise, s'agissant de cette résolution, et à mon sens cela devrait vous scandaliser aussi, c'est cette espèce d'hypocrisie de la gauche, qui vient nous dire qu'il faudrait qu'on s'insurge contre la guerre de Poutine, mais qui n'a pas un mot sur la guerre de Netanyahou à Gaza alors qu'elle a causé trois fois plus de morts en trois mois que toute la guerre de Poutine en deux ans ! Je parle des victimes civiles: 12 000 en Ukraine, 33 000 à ce jour en Palestine. Elle n'a pas un mot sur les 72 autres guerres qui ont lieu en ce moment dans le monde ! Je tape aujourd'hui «guerres contemporaines» sur Wikipédia: 72 guerres ! Il n'y a pas une référence, dans la résolution de la gauche, aux 71 autres guerres qui ont actuellement cours dans le monde ! On peut donc massacrer, bombarder, tuer des enfants, brûler, ravager; il n'y a aucun problème pour la gauche ! Mais alors quand il s'agit de la Russie: «Oh, pitié, non merci !» C'est juste un scandale: soit on est contre toutes les guerres, soit on n'est contre aucune guerre !

La prochaine fois que vous nous servirez ce type de résolution, je vous en prie, renseignez-vous donc; parlez de l'ensemble des problèmes au lieu de viser seulement tel ou tel méchant qui vous convient, en oubliant tous les autres ! Vous n'avez rien fait contre la guerre en Afghanistan, où il y a eu 500 000 morts; vous n'avez rien fait lors de la guerre en Irak, où 500 000 enfants ont été tués - rien du tout ! On ne vous a pas entendus ! Et puis là, tout d'un coup, vous vous réveillez. Alors, réveillez-vous comme il faut pour la prochaine résolution que vous viendrez nous présenter. (Commentaires.)

Une voix. Très bien !

M. Christian Steiner (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, s'agissant de cette proposition de résolution, on constate que le titre cite un chef d'Etat étranger sans aucun titre de civilité ! Cela est indigne d'un parlement cantonal et surtout du parlement d'un canton comme le nôtre, qui héberge de nombreuses organisations internationales, dont le siège européen des Nations Unies. Ensuite, notre Constitution fédérale prévoit que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. Les cantons sont associés à des décisions de politique extérieure quand celles-ci touchent leurs intérêts ou concernent leurs compétences - ce n'est pas le cas ici.

Concernant les caisses de pension, qu'on appelle plus communément institutions de prévoyance, il faut préciser qu'elles sont régies par la LPP (loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité). Il faut rappeler que depuis la révision LPP de 2010, ces institutions de prévoyance sont dirigées par un organe suprême, paritaire employeur-employés, qui dispose de très larges prérogatives, intransmissibles et inaliénables. Par conséquent, les quatre invites de cette résolution vont à l'encontre de cette loi - elles sont d'ailleurs supprimées dans l'amendement. Si PUBLICA et la CPEG ont communiqué sur leur situation financière, c'est bien de leur propre initiative.

Concernant l'amendement transmis cet après-midi, on ne peut que remarquer que la première invite mentionne «halte à la guerre», ce qui est en contradiction avec le titre de la résolution et la deuxième invite. En effet, toute prise de position pour ou contre l'un des belligérants d'un conflit ne fait qu'exacerber les positions et va à l'encontre de la politique prévue dans notre Constitution fédérale ainsi que de la Charte des Nations Unies.

Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser, comme la majorité de la commission, cette proposition de résolution. Merci.

M. Yvan Zweifel (PLR). Je vais m'exprimer dans la droite ligne de ce que vient de dire mon préopinant MCG, en rappelant ici que cette résolution, pour le groupe PLR, est inapplicable et parfaitement inutile ! Elle est inapplicable parce qu'on peut lire à l'article 49a «Responsabilité de la gestion et tâches de l'organe suprême», alinéa 1, de l'OPP 2, l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle numéro 2 (Mme de Chastonay y faisait allusion précédemment): «L'organe suprême» - c'est-à-dire le conseil de fondation - «est responsable de la gestion des placements.» Il est donc le seul à pouvoir décider de ces placements. Par conséquent, une résolution comme celle-ci, qui demande au Conseil d'Etat d'expliquer à la CPEG ou à toute autre caisse de prévoyance comment elle devrait investir, contrevient tout simplement à cette ordonnance et à la loi fédérale.

Elle est par ailleurs inutile puisque l'article 50 de cette même ordonnance sur la prévoyance professionnelle précise à son alinéa 1 que «l'institution de prévoyance doit choisir, gérer et contrôler soigneusement les placements qu'elle opère». Et il est spécifié à son alinéa 3 que «lors du placement de sa fortune, l'institution de prévoyance doit respecter le principe d'une répartition appropriée des risques» ! Tout ce que demande cette résolution est donc déjà prévu dans la loi fédérale et par conséquent déjà appliqué par les caisses de prévoyance qui, vous le savez, sont extrêmement contrôlées dans ce pays - et c'est évidemment normal ! Je l'indiquais, cette résolution est inapplicable et parfaitement inutile.

Je ne reviens pas sur ce qu'a dit le rapporteur. La CPEG s'est exprimée à ce propos pour ce qui la concerne, en rappelant d'une part que seulement 0,3% de sa fortune est investi en roubles et, d'autre part, que, même en le voulant, ce n'est malheureusement pas possible aujourd'hui de s'en dessaisir: les marchés sont bloqués en Russie, ce qui fait qu'on ne peut tout simplement pas se dessaisir de ces actifs. Ce qui n'est pas grave, on le répète, puisqu'il s'agit ici d'un risque cantonné à 0,3% seulement de la fortune totale de la CPEG.

Et puis alors, on a maintenant droit à une nouveauté de M. Thévoz ! Il a décidé de balancer, si j'ai bien compris, l'intégralité de sa résolution pour en proposer une autre dans le corps de celle-ci, qui demande en fait que soient respectées les invites d'une troisième résolution. Ah, on dirait presque du Stauffer dans le texte ! (L'orateur rit. Rires.) Utiliser un objet parlementaire pour parler de tout à fait autre chose, sans même en parler ! Parce qu'en réalité, on demande au Conseil d'Etat de faire quelque chose d'une autre résolution qu'on a déjà votée; je trouve ça assez phénoménal. Vous aurez compris que ça augmente l'inutilité de cette résolution-ci. Le groupe PLR vous invite donc à la refuser, parce qu'elle est inapplicable et inutile - et grâce à M. Thévoz, cet après-midi, elle est même doublement inutile ! Je vous remercie et je vous invite à la refuser.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour répondre d'abord à M. Mettan - vous transmettrez: écoutez M. Zweifel et vous comprendrez peut-être pourquoi nous ne déposons pas plus de résolutions sur les peuples et les 72 guerres dont vous parlez. Quand on voit le mépris et l'arrogance avec lesquels M. Zweifel traite un objet comme celui-ci, qui parle de l'Ukraine, du peuple ukrainien opprimé et dominé, au moment où on célèbre, le 24 février, les deux ans de la guerre totale déclenchée par la Russie contre l'Ukraine et les dix ans de l'annexion de la Crimée !

Et en même temps - vous transmettrez à M. Mettan -, il a tort ! Dans quatre points de l'ordre du jour, nous allons traiter d'une résolution - tiens, socialiste ! - sur le peuple iranien et la défense de ses droits. Ah, tiens, il a également tort parce qu'il y a une année, nous avons déposé une résolution sur le Kurdistan ! Et puis, ah, tiens, il a encore tort sur Gaza, parce que mon excellente collègue Mme Renold a déposé une résolution à ce sujet, votée par l'entier de ce plénum, et puis parce que grâce à une proposition Verte reprise par le Conseil d'Etat, 5 millions ont été attribués à l'aide humanitaire à Gaza. Il faut donc arrêter de raconter n'importe quoi, même si c'est vrai que vous ne donnez pas envie ! Vous ne donnez pas envie, Mesdames et Messieurs de la droite, de continuer à déposer des résolutions... (Protestations.) ...qui vont au-delà de vos petits périmètres limités... (Commentaires.) Merci de m'écouter ! ...parce que quand on le fait, vous dites que ça ne sert à rien d'envoyer des résolutions à Berne, qu'il faut s'occuper de Genève, et puis quand on ne le fait pas, vous dites: «Eh, vous ne vous occupez pas des 72 conflits !» et «Pourquoi est-ce que vous traitez ceux-là et pas les autres ?»

Venons-en à la résolution. Merci au rapporteur - il aura été le plus honnête dans ce débat - qui a expliqué ce texte avec beaucoup de justesse. C'est vrai qu'elle a été écrite quelques semaines après le déclenchement du conflit, à un moment où des caisses de pension avaient des milliards d'investissements en Russie. Et sur pression, sur demande de mouvements militants, nous avons déposé cette résolution simplement pour que ces avoirs soient gelés ou retirés, que ces positions soient abandonnées. Il se trouve que, courageusement, la Suisse a suivi la décision de l'Union européenne de boycotter les avoirs russes, et cet objet, du coup, était caduc assez rapidement - c'est juste. On peut regretter quand même que la commission n'ait pas pris le temps d'auditionner PUBLICA, la grande caisse de pension fédérale, qui était prête à venir, ou la CPEG, qui se serait expliquée.

Maintenant, sur le fait de proposer un amendement pour revenir à la R 989, ce n'est pas hors sujet ! Je vous en rappelle le titre: «Ukraine: halte à la guerre - solidarité avec le peuple ukrainien». La R 989 a été votée par ce plénum voilà plus d'une année, à une large majorité, mais n'est toujours pas mise en oeuvre par le Conseil d'Etat ! (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il me reste peu de temps, mais elle demandait, par exemple, «à condamner fermement la guerre d'agression des autorités russes contre l'Ukraine et les actes commis contre des habitants [...]; à hisser le drapeau de l'Ukraine en signe de solidarité avec son peuple meurtri».

Allez à Yverdon, allez à peu près n'importe où en France, vous avez des drapeaux ukrainiens; vous n'en verrez jamais un à Genève ! Demandez-vous pourquoi, Mesdames et Messieurs de la droite ! Ah, tiens, majorité du Conseil d'Etat de droite ! Donc là aussi, balayez devant votre porte.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Sylvain Thévoz. On peut continuer avec la R 989 - et je terminerai là-dessus -, qui demande également que Genève aide à favoriser une solution diplomatique du conflit, dans la tradition d'accueil genevoise. Qu'a fait le Conseil d'Etat ? (Le micro de l'orateur est coupé.)

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Seydoux.

M. Laurent Seydoux (LJS). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, lors des auditions à la commission des finances, les réponses quant aux investissements de notre caisse de pension en roubles, dans des entreprises russes pouvant être impliquées dans la guerre en Ukraine, ont été données: ils ne représentent que 0,3% de la fortune de la CPEG - le rapporteur l'a dit - et, en plus, ces fonds sont bloqués puisque les marchés sont fermés. En conséquence, pour nous, une réponse a été donnée à cette question qui pouvait être légitime. C'est pourquoi le groupe LJS refusera la résolution ainsi que l'amendement. Merci.

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur. Je serai très court. Je veux simplement vous rappeler que les réponses du rapporteur se réfèrent à la résolution et que les questions posées concernaient les caisses de pension genevoises et non l'attitude de la Confédération s'agissant d'éventuelles mesures vis-à-vis de la Russie. De ce point de vue là, les choses sont donc claires.

On peut bien évidemment contester que l'application de la R 989 n'ait pas eu de conséquences plus strictes, Monsieur Thévoz - vous transmettrez -, mais de là à la remettre sur le tapis, à profiter d'une autre résolution pour déposer un amendement demandant son application ! J'invite simplement cette assemblée à ne pas le suivre et à refuser tant l'amendement que la résolution. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous allons d'abord voter sur l'amendement général de M. Thévoz, qui vise à supprimer les quatre invites existantes et à les remplacer par celle-ci: «à mettre en oeuvre les invites de la R 989 "Ukraine: halte à la guerre - solidarité avec le peuple ukrainien".»

Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 58 non contre 23 oui.

Mise aux voix, la proposition de résolution 991 est rejetée par 58 non contre 27 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

R 1001-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier la proposition de résolution de Thierry Cerutti, Daniel Sormanni, Ana Roch, Florian Gander, Francisco Valentin, Françoise Sapin pour une solidarité gouvernementale envers la population (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 2 et 3 mars 2023.
Rapport de majorité de M. Sylvain Thévoz (S)
Rapport de première minorité de M. Thierry Cerutti (MCG)
Rapport de deuxième minorité de M. Christo Ivanov (UDC)

Débat

La présidente. Nous continuons nos travaux avec la R 1001-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Sylvain Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution demande «de réduire les taxes étatiques sur les carburants, à l'exclusion des coûts d'approvisionnement, de distribution et de fret les grevant». La commission fiscale a procédé à une seule audition: celle du premier signataire; elle a décidé de refuser cette résolution, considérant que le sujet avait déjà été traité à Berne. En effet, un objet qui demandait de réduire de moitié les taxes sur ces carburants avait été déposé et massivement rejeté par le Conseil des Etats.

Lorsqu'on a interrogé le premier signataire sur le coût qu'une telle mesure occasionnerait, il n'a pas été possible d'avoir des réponses, mais en consultant les débats fédéraux, on apprend que ce serait un coût extrêmement élevé. Comme cet impôt sert principalement aux routes (il s'agit d'une taxe sur le carburant pour aménager les éléments routiers), sa suppression impliquerait simplement d'utiliser d'autres fonds. L'impact voulu par les signataires n'est pas atteint. Pour toutes ces raisons, la majorité a choisi de refuser ce texte et nous vous invitons, conséquemment, à refuser cette résolution.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, rappelez-vous 2023: on vivait une énorme crise énergétique, des difficultés importantes d'approvisionnement, les prix de l'essence ont flambé - ce n'est pas faute d'en parler - et les gens se ruinaient pour faire le plein de leur véhicule. L'idée était de se dire que la Confédération, au même titre que nos voisins français, pouvait, dans un effort collectif, diminuer ces fameuses taxes perçues sur le carburant; s'il est vrai que cette taxe est censée alimenter la construction, les frais et les réparations de notre réseau routier, ce n'est pas le cas forcément tout le temps, puisque cet argent est aussi dévolu à d'autres actions.

L'idée était de se dire que si on peut être solidaire avec l'Ukraine - on a parlé tout à l'heure de la guerre -, si on peut être solidaire avec le monde entier, on peut l'être aussi avec les nôtres. Soyons solidaires avec notre population qui saigne, qui souffre, qui a mal à son porte-monnaie, qui a mal à son pouvoir d'achat. L'idée était de tendre la main à notre population qui voit son budget fondre comme neige au soleil. Voilà la direction dans laquelle va cette résolution: il s'agit d'inviter le Conseil fédéral, ou du moins les Chambres fédérales, à reconsidérer cette fameuse taxe sur les carburants.

Je vous rappelle aussi, et c'est assez surprenant, qu'on paie la TVA sur cet impôt sur les carburants ou cette taxe - je vais me faire reprendre par Yvan Zweifel qui va me dire que ce n'est pas un impôt mais une taxe et vice-versa. On paie doublement un impôt, car on paie un impôt sur ce qui est déjà un impôt ! Pour ma part, je trouve ça assez choquant; si vous, ça ne vous choque pas, moi oui !

Je pense à nos entreprises et je rappelle qu'on est en train de faire une pléthore de projets de lois visant à diminuer leurs impôts pour les favoriser, les aider, les amener à investir et à procéder à des engagements. La question va aussi de ce côté-là; elle ne touche pas seulement les entreprises mais Monsieur et Madame Tout-le-Monde aussi. Je vous invite donc à soutenir cette résolution. Faisons en sorte que Berne arrête de dilapider notre argent dans de faux combats et de faux projets. Qu'on pense une fois, et pas pour la dernière fois, à notre population qui souffre aujourd'hui et qui a mal à son porte-monnaie. Merci, Madame la présidente.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe MCG a déposé il y a environ une année cette résolution qui va dans le bon sens: on a vu le coût hallucinant de l'essence en Suisse. A la suite d'une flambée des prix et de tout ce qui s'est passé dans ce contexte, notre groupe à Berne est intervenu dès l'an dernier avec un certain nombre de textes aux Chambres fédérales - j'ai les numéros, vous transmettrez, le cas échéant, Madame la présidente: la motion Wobmann, la motion Salzmann, la motion Giezendanner, la motion Imark et la motion Chiesa au Conseil des Etats. L'UDC a mené un combat à Berne pour faire baisser ces taxes qui sont un véritable problème.

Actuellement, nous avons le prix de l'essence quasiment le plus haut en Europe. Vous pouvez aller faire votre plein en France, ça vous coûtera vraisemblablement entre 25 et 30 centimes de moins par litre, ce qui est purement et simplement anormal, tout ça parce que la Confédération prend plus de 80% de taxes sur chaque litre d'essence. Comme l'a dit mon préopinant Thierry Cerutti, il faut y ajouter la TVA; cela veut donc dire qu'on paie en réalité deux fois les impôts là-dessus.

L'Italie avait baissé de 30 centimes par litre le prix à la pompe, et la France avait réduit la charge fiscale sur l'essence. Actuellement en France, de grands distributeurs, comme Leclerc, fixent des prix beaucoup plus bas pour que les gens aient un peu plus de pouvoir d'achat. Ils font un effort dans ce sens. Chez nous, rien du tout ! Tous les textes déposés par l'UDC à Berne ont été largement rejetés. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission fiscale vous demande de bien vouloir accepter cette résolution. Je vous remercie.

M. Yvan Zweifel (PLR). Vous l'aurez compris, le but de cette résolution est d'améliorer le pouvoir d'achat de la population, du moins d'une partie de celle-ci, en réduisant les taxes étatiques sur le carburant, c'est-à-dire en baissant le prix de l'essence. Ce prix a trois composantes, on l'a dit: les coûts d'approvisionnement sur le marché, les coûts de distribution et les fameuses taxes étatiques et de droit public. M. Cerutti sera peut-être étonné, mais je suis d'accord avec lui: il y a quelque chose d'incongru à prélever la TVA sur le total du prix du carburant, taxes comprises, alors que par définition celles-ci ne sont pas une valeur ajoutée. La TVA étant une taxe sur la valeur ajoutée, elle devrait s'appliquer sur les deux premières composantes, mais pas sur la troisième. Rassurez-vous, Monsieur Cerutti, sur ce point je suis d'accord avec vous.

Je suis assez d'accord, c'est peut-être plus étonnant, avec le rapporteur de majorité, même si, il faut le dire, il n'y aura pas forcément une perte de recettes fiscales: si vous baissez les taxes, vous baissez le prix de l'essence. Cela pourrait inciter des gens qui n'allaient pas forcément prendre de l'essence ou qui en prenaient moins à en prendre plus. S'ils en prennent plus, ce que vous avez perdu sur le taux, vous le gagnez sur le volume. Comme M. Thévoz, je ne suis pas capable de calculer le coût; je ne voudrais donc être ni arrogant ni méprisant envers ce qu'il a pu dire précédemment.

Mesdames et Messieurs, si on peut être d'accord avec le but et la proposition qui est faite, parce que le fond est louable, il faut dire ce qui est, et le chef du groupe de l'UDC le dit souvent et bien mieux que je ne saurais jamais le dire: une résolution à l'Assemblée fédérale, tout le monde ici en connaît le sort. En l'occurrence, c'est très clair, on n'a même pas besoin de deviner quel sort pourrait lui faire l'Assemblée fédérale: elle s'est déjà prononcée sur ce sujet le 13 juin 2022, suite à une motion de l'ex, non, de l'actuel président de l'UDC nationale. Il avait déposé une motion le 18 mars 2022 demandant précisément à diminuer les taxes sur le carburant. Celle-ci a été refusée par l'Assemblée fédérale le 13 juin 2022. On n'a donc même pas besoin de se poser la question suivante: est-ce que, par hypothèse, l'Assemblée fédérale donnera suite, une fois exceptionnellement, à une résolution de Genève ? Non, parce qu'elle s'est déjà prononcée dessus.

Donc je le répète, si le but est louable, la question a déjà été abordée, traitée, et a déjà été refusée. C'est exactement ce qui se passera avec cette résolution si on l'accepte. Je vais vous étonner, mais pour une fois, sans faire preuve ni d'arrogance ni de mépris, je suis d'accord avec M. Thévoz et, avec lui, vous invite à refuser cette résolution. (Rires. Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs... (Brouhaha. L'orateur marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) ...les députés... (L'orateur rit.) Je fais ma maîtresse d'école ! (Rire. Commentaires.)

La présidente. Vous pouvez le dire au masculin ! (Rires.)

M. Pierre Eckert. Je peux ! Absolument ! (L'orateur rit.) Que demande cette résolution ? Elle demande que l'on réduise les taxes étatiques sur les carburants. Mais pendant combien de temps ? Voilà le gros défaut dans cette histoire. A ma connaissance, ce texte a été déposé dans le cadre de la crise ukrainienne et, selon ce que je sais (je ne suis pas un spécialiste d'achat de carburant), les prix sont très largement redescendus depuis. Il n'y a donc finalement plus tellement de raisons d'intervenir.

On peut mentionner, et M. Yvan Zweifel l'a fait, la question de la TVA sur la taxe. Cela peut évidemment poser un problème philosophique que je peux comprendre. Je crois qu'on en a discuté à propos d'une autre résolution à la commission fiscale et qu'on était arrivé à la conclusion que le législateur fédéral avait voulu cet état de fait; ça ne s'applique pas seulement à la taxe sur les carburants mais également aux taxes sur les alcools. Demandez-vous pourquoi, quand vous achetez votre abricotine ou votre whisky hors d'âge, vous devez payer à la fois la taxe sur l'alcool et la TVA dessus. C'est une question qu'on peut se poser de façon générale.

Il est également écrit dans le rapport qu'en envoyant cette résolution à Berne, on arriverait comme la grêle après les vendanges. En tant que météorologue, j'aime bien qu'on formule le fait de cette façon-là: c'est de manière particulièrement inappropriée que nous nous présenterions à Berne. Comme on l'a déjà souligné, le sujet a été traité largement à Berne et refusé.

En plus de ça, ce texte conduirait à des pertes fiscales difficiles à évaluer pour la Confédération. Celle-ci a un certain nombre de tâches qui ne sont pas moins importantes que celles conduites par le canton de Genève; elle a donc aussi besoin de ces taxes.

Le dernier point que je mentionne en tant que Vert, c'est que diminuer le prix du carburant n'est pas forcément un but en soi: comme on l'a déjà dit, on peut ainsi encourager les gens à rouler, à brûler du carburant. Or, aller dans cette direction-là n'est pas du tout dans l'intention des Verts. Je pense en outre que le prix du carburant est suffisamment bas: il arrive à peine à couvrir le coût de construction des routes et de leur entretien, il ne couvre absolument pas les externalités négatives, notamment en matière de santé, que la pollution engendre. De ce point de vue là, je vous encourage à rejeter cette résolution. Je vous remercie, Madame la présidente.

La présidente. Merci. Il n'y a plus de demande de parole, je vais donc donner la parole aux rapporteurs, en commençant par celui de la seconde minorité, M. Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette résolution contient une invite qui demande «de réduire les taxes étatiques sur les carburants, à l'exclusion des coûts d'approvisionnement, de distribution et de fret les grevant»: ça va dans le bon sens. Tout le monde aujourd'hui fait campagne sur le pouvoir d'achat, et on voit ceux qui sont les plus pragmatiques: c'est évidemment la nouvelle force ! Pour toutes ces raisons, je vous demande d'accepter ce texte. Merci. (Brouhaha.)

La présidente. Je vous remercie. Je prie la salle de continuer à rester silencieuse et donne la parole au rapporteur de première minorité, M. Cerutti.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, autre temps, autre époque, mais qu'est-ce que vous êtes défaitistes ! Je ne pensais pas - vous transmettrez à mon charmant collègue Yvan Zweifel, Madame la présidente - que vous étiez aussi faibles et que vous lâcheriez aussi facilement. Ce n'est pas parce qu'à Berne, ils ont traité le sujet en 2022 qu'on ne devrait pas revenir en 2024. Il y a un nouveau parlement, une nouvelle force politique, de nouveaux parlementaires, il existe peut-être un moyen de convaincre ces parlementaires de changer la donne, de changer leur fusil d'épaule. Je vous rappelle qu'ils ont aussi des familles à nourrir, qu'ils ont aussi des entreprises, qu'ils ont aussi besoin de rentrées financières pour pouvoir payer des frais scolaires pour leurs enfants, payer des hobbys, etc. Tout le monde a besoin d'argent aujourd'hui, et tout le monde souffre de la pénurie que nous vivons actuellement.

Monsieur Zweifel et vous, le groupe PLR, purée, mais allez-y ! Sortez un peu les mains des poches et allons-y ! Soyons forts, soyons des guerriers ! Montrez-nous ce que vous avez... je ne vais pas dire dans le pantalon, parce que c'est péjoratif. Montrez-nous que vous en avez envie ! (Exclamations.)

Je suis choqué d'entendre que, parce que Berne a traité ce dossier en 2022 et l'a refusé, on devrait abandonner et passer notre chemin. Non ! Au contraire ! Allons-y, fonçons, montrons qu'à Genève, on n'est pas d'accord. Je rappelle qu'on est le canton où on paie le plus d'impôts, les loyers les plus chers, le plus d'assurances, le plus de ceci, le plus de cela.

Quand on peut crier: «Stop ! On en a marre de payer, parce que notre population souffre ! Notre population en a marre ! Elle est étouffée par ces charges, ces impôts», vous venez nous dire, autant la gauche que la droite d'ailleurs: «Non, on ne va pas y aller: Berne a déjà voté. Comme dirait un chef de groupe UDC, de toute façon, Berne s'en tape le coquillard de nos textes.» Non ! Je pense que, si l'outil de la résolution existe, il faut l'utiliser, et on explique à Berne que Genève, c'est Genève, qu'on a le Servette FC, qu'on a le Genève-Servette Hockey Club, et qu'on est les Genevois, avec notre grande bouche, notre population internationale ! Enfin, bref ! Je pense qu'on vaut mieux que ça et qu'on devrait, unis, se battre pour demander que la population genevoise puisse respirer un peu plus que ce qui est le cas aujourd'hui.

Donc oui, Mesdames et Messieurs, soutenez cette résolution ! Si finalement on en vient à dire qu'elle ne sert à rien, je vous invite, Messieurs du PLR, Messieurs les Verts et tous celles et ceux qui ont dit qu'une résolution adressée à l'Assemblée fédérale ne sert à rien, à supprimer ce mode de communication du Grand Conseil; on n'a plus besoin de faire de résolutions, parce que, comme vous le dites, ça ne sert à rien ! Si vous êtes aussi défaitistes que ça, je suis triste pour vous, Mesdames et Messieurs ! Pour nous, la vie est belle et on est là pour se battre en faveur de la population genevoise. (Exclamations.) Soutenez cette résolution et affrontons Berne !

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. La diatribe de mon préopinant, M. Cerutti, est un bon argument pour refuser d'envoyer cette résolution à Berne. Imaginez: M. Cerutti entre dans la salle d'une commission parlementaire et tient le discours qu'il vient de tenir ! Alors là, vraiment, c'en est fini de l'autorité, de la crédibilité de Genève, si du moins elle en a encore après quelques affaires récentes... (Exclamations. Commentaires.) ...qui l'ont écornée ! Je ne vais pas prendre la défense de M. Zweifel, même si, entre lui et moi, il y a le début d'une histoire... (Rires.) ...une ouverture après bientôt un an de cette nouvelle législature, un quelque chose, un dégel. Mais quand même ! M. Cerutti s'en est pris à M. Zweifel en lui demandant - citation - «ce qu'il a dans le froc». Dès qu'on parle bagnole, les garçons descendent d'un niveau et on voit le niveau du débat. M. Cerutti est un homme, et fier, mais on ne se situe pas à ce niveau-là de débat: il n'y a pas à montrer que Genève a quelque chose dans le pantalon et que Berne est vilain.

La résolution est un peu vilaine: elle décrit l'immobilisme gouvernemental au niveau fédéral et la Confédération qui remplit ses caisses de taxes et de surtaxes pendant que la population doit se serrer la ceinture. Le mépris avec lequel on traite la Confédération n'est pas très digne de l'UDC qui nous tient toujours des discours sur l'identité, ni du MCG. Cette résolution a peut-être un mérite: on découvre un MCG qui fait l'éloge du gouvernement français ! On a enfin la reconnaissance de l'amour que porte le MCG à la France quand elle arrive à baisser l'impôt sur les carburants. (Rires. Commentaires.)

Il faut évidemment refuser cet objet et renoncer à envoyer M. Cerutti à Berne, car ce serait une catastrophe ! (Rires.) Merci beaucoup.

La présidente. Je vous remercie. (Remarque.) Je ne donne pas la parole aux minorités après la majorité.

Une voix. Il m'a mis en cause ! (Exclamations. Vives protestations. Rires.)

La présidente. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote sur la résolution.

Mise aux voix, la proposition de résolution 1001 est rejetée par 69 non contre 23 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

R 1007-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de résolution de Sylvain Thévoz, Glenna Baillon-Lopez, Emmanuel Deonna, Léna Strasser, Nicole Valiquer Grecuccio, Jean-Charles Rielle, Badia Luthi, Grégoire Carasso, Thomas Wenger, Denis Chiaradonna, Amanda Gavilanes, Xhevrie Osmani, Jocelyne Haller, Marta Julia Macchiavelli, François Lefort, Pierre Eckert, Yves de Matteis, Anne Bonvin Bonfanti : Solidarité avec le peuple iranien : la Suisse peut et doit agir ! (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 22 et 23 juin 2023.
Rapport de Mme Christina Meissner (LC)

Débat

La présidente. Nous poursuivons avec la R 1007-A, classée en catégorie II, trente minutes. Madame la rapporteure, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Merci, Madame la présidente. Cette résolution «demande à l'Assemblée fédérale de demander aux autorités iraniennes un accès sans entrave aux prisons iraniennes, afin que des équipes d'observateurs puissent enquêter sur ce qui s'y déroule et le documenter; de prendre des mesures de protection [...] en faveur des opposantes et opposants au régime iranien qui séjournent actuellement en Suisse; de reconsidérer le statut des Iraniennes et Iraniens opposés au régime et déboutés de l'asile; de permettre le dépôt de demandes de protection à l'ambassade de la Suisse en Iran». Déposée en automne 2022 et traitée au printemps 2023, cette résolution n'a rien perdu de sa pertinence. Le soulèvement sans précédent du peuple iranien ne fléchit pas, même s'il ne fait plus forcément la une de l'actualité, au vu des autres conflits qui malheureusement ont émergé et perdurent.

Pour rappel, le 13 septembre 2022, la police des moeurs arrête, sous prétexte de port inapproprié du voile islamique, Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans originaire du Kurdistan iranien. Son décès en prison le 16 septembre déclenche immédiatement un tollé d'une ampleur sans précédent, et plus particulièrement chez les jeunes femmes iraniennes. Celles-ci lancent rapidement un mouvement protestataire qui s'étend en quelques jours à tout le pays. Aux jeunes femmes se joindront les jeunes hommes. De la rue, la contestation gagne les universités et bientôt les collèges, et même les écoles primaires. En quelques semaines, ce mouvement se transforme en un soulèvement qui regroupe de nombreuses composantes de la société iranienne. La population ne supporte plus ce régime terriblement répressif qui maintient les femmes dans un enfermement insupportable.

Depuis, la mobilisation ne faiblit pas et elle est toujours sévèrement et violemment réprimée; pour l'avoir défié, de nombreux Iraniens sont emprisonnés, torturés, assassinés par le régime. Les forces de sécurité continuent à prendre pour cible les minorités ethniques et religieuses et à appliquer des codes vestimentaires discriminatoires à l'égard des femmes. Il y a encore eu des condamnations à la fin de l'année passée !

En février 2024, cette résolution garde toute sa pertinence, ce d'autant que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a tenu une session extraordinaire le 24 novembre 2022 afin de discuter de l'usage excessif et meurtrier de la force, par les autorités iraniennes, contre les manifestants. Et en décembre, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté une résolution condamnant les atteintes aux droits humains commises par l'Iran, notamment le recours excessif à la force contre les manifestants.

Notre soutien est toujours aussi important, et ce que demande cette résolution est raisonnable et n'entre pas en contradiction avec le rôle particulier que notre pays joue en Iran s'agissant de la représentation des intérêts d'un autre pays, en l'occurrence des Etats-Unis. Dès lors, la majorité de la commission vous remercie de soutenir cette résolution pour le peuple iranien.

Mme Joëlle Fiss (PLR). Chers collègues, au risque de me répéter, il n'y a aucun sens à envoyer cet objet à Berne, aussi important soit-il, plus d'un an après qu'il a été rédigé et adopté en commission. L'actualité internationale a un rythme, et c'est un rythme très rapide ! Même si le régime brutal de Téhéran paraît immobile, il n'est pas crédible de commenter des émeutes datant d'il y a plus d'un an. J'espère très sincèrement que le Conseil national n'attend pas ce texte pour agir ! Je saisis par ailleurs cette opportunité pour exprimer toute ma chaleureuse solidarité avec les Iraniens kurdes et les Baloutches, constamment scrutés par la police des moeurs, comme noté dans le texte, ce qui a amené à la mort tragique de la jeune Kurde Jina Mahsa Amini.

Je vous appelle à rejeter cette résolution, parce qu'il y a des moyens plus efficaces pour promouvoir la démocratie que de voter un objet avec un an de retard. Merci.

M. Yves de Matteis (Ve). Une majorité de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) a voté en faveur de cette résolution; seuls deux commissaires ont voté contre. Si lors de précédentes interventions on a pu dire que la situation avait peut-être changé dans certains pays, cela n'est certainement pas le cas en Iran, comme l'a rappelé la rapporteuse de commission.

Depuis la mort de Mahsa Amini, jeune femme kurde de 22 ans, la situation des droits humains en Iran est catastrophique et a encore empiré. Human Rights Watch a signalé dans son rapport de 2023 - soit l'année passée - la mort de 341 personnes ayant protesté dans la rue, dont 52 enfants. De très nombreux membres de syndicats, du corps enseignant, étudiantes, étudiants, membres d'ONG, avocates, avocats, journalistes et des douzaines d'acteurs, d'actrices et d'athlètes ont été interrogés et arrêtés. L'accès à internet a été bloqué à de nombreuses reprises et l'exercice des libertés n'est tout simplement plus possible ! Nous assistons, en Iran, à une répression structurelle et à des violations continuelles des droits de l'homme.

Selon un rapport de l'organisation iranienne des droits de l'homme, plus de 700 exécutions ont eu lieu dans le pays entre janvier et novembre 2023, soit l'année passée. L'augmentation est substantielle par rapport à la même période en 2022. Parmi les personnes exécutées, 238 ont été inculpées pour meurtre intentionnel et 390 pour une infraction liée à la drogue. En outre, 10 personnes ont été condamnées à mort pour des accusations politiques ou liées à la sécurité, ou pour blasphème, et une personne a été condamnée à mort pour espionnage. Les autorités judiciaires ont considérablement accru le recours à des accusations relevant, prétendument, de la sécurité nationale à l'égard de celles et ceux dans la population qui ont manifesté pacifiquement dans la rue - une notion vaguement définie, mais pouvant entraîner la condamnation à mort de ces personnes, notamment pour avoir prétendument blessé autrui et détruit les biens publics.

Ne rien faire serait inconséquent, inconscient et en complète rupture avec la tradition humanitaire de notre pays. Et même si les autorités fédérales ne prennent pas toujours en compte les résolutions genevoises - cela a été souligné -, les positions du canton, naturellement plus proche de la Genève internationale et sensible aux thématiques liées aux droits humains, sont souvent reprises - le président de notre commission l'a d'ailleurs mentionné - par les instances onusiennes, qui ne se limitent pas aux prises de position des gouvernements, mais tiennent également compte du positionnement d'entités de niveau inférieur. S'il est de notre devoir de veiller au respect des droits humains pour les ressortissants de notre propre pays - et il y en a aussi en Iran -, nous ne pouvons pas rester insensibles au devenir de tout un peuple, et surtout de ses membres les plus vulnérables. La situation reste donc inadmissible en Iran, et c'est de pire en pire ! Par conséquent, il est de notre devoir d'approuver cette résolution et j'espère que la plénière, notre plénière, le fera. Merci, Madame la présidente.

M. Yves Nidegger (UDC). Comme Mme la rapporteure de commission l'a dit à très juste titre, il existe une résolution des Nations Unies qui condamne l'Iran - un pays que j'ai visité, que je ne connais pas trop mal - et qui lui enjoint de cesser de faire toutes les choses énumérées par l'ensemble de mes préopinants de manière plus ou moins exhaustive, parce que ce que nous entendons suscite l'indignation, est choquant, nous meurtrit, va à l'encontre non seulement de nos valeurs à nous mais probablement de valeurs qui sont par ailleurs universelles. Maintenant, au-delà de la satisfaction que vous aurez, après avoir pressé sur le bouton vert, à vous regarder dans le miroir et à vous voir vous-mêmes comme de bonnes personnes, est-ce que vous pensez une seule seconde que l'efficacité d'une résolution des Nations Unies qui reste lettre morte pourrait être renforcée par une résolution du Grand Conseil du canton de Genève aux Chambres fédérales ?! Je crois qu'il faut revenir un tout petit peu sur terre.

Alors, bien sûr, il est légitime de nous sentir indignés, nous avons besoin d'exprimer ce que sont nos convictions, mais pour ce genre de choses, il y a les manifestations. On peut obtenir, moyennant un courrier au département de Mme Kast, une autorisation de manifester devant les Nations Unies pour appuyer la résolution prise par l'organisation - Nations Unies dont l'Iran est membre ! S'il y a un endroit où les choses doivent se faire et où elles ont peut-être une petite chance d'avoir un impact, c'est donc là ! Ce n'est pas dans cette petite salle, remplie de gens dont la bonne conscience demande qu'ils se voient grands et bons dans leur propre miroir ! Il faut arrêter le ridicule des indignations genevoises et cesser de penser qu'elles ont le moindre effet.

Oui, indignons-nous, bien sûr ! Mais enfin, donnons à notre indignation la mesure et la dignité qui va avec et ne faisons pas des choses qui sont de l'ordre de la gesticulation. A Berne, vous allez tomber sur la commission des affaires extérieures, dans laquelle j'ai siégé seize ans, qui va débattre - ou pas - de cette question; M. Cassis viendra et vous expliquera: «Oui, sans doute, mais très peu de pays dans le monde sont en position d'avoir une éventuelle influence indirecte sur ce qui se passe» - c'est le cas de la Suisse ! Pour l'instant du moins: on n'a pas encore brûlé toutes nos cartes avec l'Iran, comme on l'a fait dans les grandes largeurs s'agissant de la Russie. Avec l'Iran, on peut encore parler; s'il y a une chose que la Suisse peut faire et que d'autres ne peuvent pas faire, c'est précisément ça. Ne venez pas gâcher le jeu pour des questions d'ego et de fierté de vos moralités boursouflées.

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Murat-Julian Alder pour deux minutes.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il serait déplacé de remettre en question le bien-fondé des considérants de cette proposition de résolution. Pour ma part, je ne vais pas non plus remettre en question le bien-fondé du contenu de ses demandes: je pense que cette résolution est fondée sur des faits qui sont en grande partie établis, qui ont été constatés par des organisations internationales notamment. Il ne s'agit pas du tout de remettre cela en question.

Aux propos de M. Nidegger, j'ajouterai un mot sur la particularité du lien qui unit notre pays à l'Iran. L'Iran, vous le savez, n'a pas de relations diplomatiques avec un certain nombre de pays dans le monde; ainsi, c'est la Suisse qui représente les intérêts américains en Iran. C'est également la Suisse qui représente les intérêts iraniens en Egypte et au Canada. Et, pendant très longtemps, c'est la Suisse qui a assuré les relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Nous avons donc un lien privilégié avec ce pays, ce qui ne nous empêche bien évidemment pas d'exprimer notre position et de condamner toutes les tortures, toutes les violations des droits de l'homme dont les citoyens de ce pays font l'objet. Mais, encore une fois, le Conseil national n'a pas attendu une résolution - fût-elle fort bien rédigée - du Grand Conseil genevois pour agir !

En février 2023, c'est-à-dire quatre mois avant le dépôt de ce rapport, le Conseil national a voté une déclaration qui invite le Conseil fédéral à reprendre les sanctions européennes et à soutenir toutes les associations actives dans la défense des droits de l'homme en Iran, et en Suisse en faveur des ressortissants iraniens. L'Assemblée fédérale a donc déjà fait son travail sur ce sujet, de sorte que cette résolution est obsolète. Elle est sans objet et c'est pour cette raison que nous vous invitons à la rejeter.

M. Sylvain Thévoz (S). Le parti socialiste tient à remercier Mme Meissner, la rapporteure, et la commission pour le travail de qualité qui a été fait sur cette résolution. L'UDC est comme une hydre: vous coupez une tête, une autre repousse. M. Mettan nous reproche, lorsqu'on parle de l'Ukraine, de ne rien faire pour les autres pays, et lorsqu'on vient avec une résolution sur l'Iran, c'est M. Nidegger qui se lève pour protester: mais ça ne sert à rien, ça a déjà été fait mille fois, j'ai siégé à Berne, ils n'en feront rien ! Et si on amène autre chose, il y en aura probablement un troisième qui dira que cela est inutile et déjà réalisé. Donc, à un moment, dites que vous ne voulez rien faire, que ça ne vous intéresse pas, et, peut-être, démissionnez: comme ça on pourra continuer de travailler et de faire ce qui est finalement l'honneur de Genève - défendre le droit humanitaire -, et être fiers d'une cité qui porte haut le multilatéralisme et qui est hôte des Conventions nommées d'après elle. Mais ce qui est surtout dommage, dans ce débat, c'est que vous avez loupé l'essentiel: cette résolution a été amendée en commission ! Donc tout ce sur quoi vous avez discuté, notamment M. Nidegger - vous transmettrez, Madame la présidente -, n'est plus un enjeu, s'agissant de ce texte.

Je vais quand même brièvement rappeler ce qui est ressorti du vote sur les amendements; oubliez toutes les demandes sur lesquelles vous avez longuement discouru, parce que ce n'est plus de celles-là que nous discutions. Nous avons gardé l'ancien quatrième point, qui demande de favoriser l'accès aux prisons iraniennes au personnel humanitaire; vous conviendrez que c'est quelque chose d'assez concret. La deuxième proposition - bravo aux membres de la commission qui l'ont travaillée, elle est pertinente - demande «de prendre des mesures de protection systématique en faveur des opposantes et opposants au régime iranien qui séjournent actuellement en Suisse». On parle ici du fait que les personnes qui séjournent en Suisse ne soient pas menacées, traquées ou assassinées par les autorités iraniennes, comme c'est déjà arrivé à Genève; ça rentre donc tout à fait dans notre champ de compétences. Autre demande - nouvelle demande: «reconsidérer le statut des Iraniennes et Iraniens opposés au régime et déboutés de l'asile». Là encore, il n'est pas question de choses internationalistes de l'ONU, mais du fait de reconsidérer le statut des Iraniens réfugiés en Suisse. Enfin, dernière demande, également nouvelle: «permettre le dépôt de demandes de protection à l'ambassade de la Suisse en Iran». Cela concerne donc uniquement un périmètre qui dépend de la Suisse, qui dépend de nos autorités et qui n'est en rien une gifle diplomatique, ou que sais-je, envers l'Iran.

Mais peut-être qu'un troisième UDC se lèvera pour contrer ces arguments; l'hydre a peut-être une nouvelle tête. Toujours est-il que cette résolution est pertinente: elle défend des personnes menacées, nous vous invitons par conséquent à suivre la commission et à la renvoyer au Conseil d'Etat. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Monsieur Nicolet-dit-Félix, il n'y a plus de temps de parole pour les Verts. Je cède le micro à Mme Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente. Il est absolument évident que les femmes sont maltraitées en Iran, mais le problème, c'est qu'il s'agit d'un pays prétendument démocratique, où il y a des élections. On élit le président, et peut-être d'autres encore, et cela au suffrage universel ! Et les gens choisissent de voter pour les personnes qui les oppressent et de continuer par conséquent à vivre comme ça, même si ce n'est pas toujours très simple.

Pour en revenir au texte de la résolution, voici mon sentiment - mais je n'ai pas eu le temps de regarder la position du MCG. Des mesures en faveur des opposantes qui séjournent en Suisse, pour les protéger d'un éventuel assassinat: pourquoi pas ! Reconsidérer le statut des Iraniennes et Iraniens qui sont déboutés de l'asile: mais les renvoyer, c'est de l'assassinat, c'est tout simplement les envoyer à la mort ! Quant à permettre le dépôt de demandes de protection à l'ambassade de Suisse, c'est une disposition qui me semble évidente. Je pense que tout n'est pas à jeter dans cette résolution et qu'il est aussi de notre responsabilité personnelle de ne pas renvoyer chez eux des gens dont on sait qu'ils vont à la mort, comme de ne pas oublier de protéger ceux qui risquent d'être assassinés, à l'instar de ce qui est arrivé, si je me rappelle bien, à un ancien premier ministre iranien qui a sa rue juste à côté de l'OMM, où nous avons siégé pendant un certain temps. Je vous remercie.

M. Jacques Jeannerat (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai qu'en lisant les considérants de cette résolution, on constate qu'elle dépeint une triste réalité. Je crois que personne, dans cette salle, ne peut se réjouir en lisant des considérants comme ça; c'est vraiment accablant que de telles situations existent sur cette planète. Nous serions donc tentés, dans notre groupe, d'être sensibles à ces considérants. Mais demander à l'Assemblée fédérale d'agir ! Nous sommes un tout petit parlement régional; restons à notre place. Nous avons des élus à Berne - notre mouvement pas encore, mais c'est pour la législature prochaine ! -... (Commentaires.)

Une voix. Ah !

M. Jacques Jeannerat. ...qu'ils fassent le boulot ! Qu'ils nous entendent ! Mais ne passons pas pour des rigolos qui ont toujours un train de retard ! Nous nous abstiendrons donc sur cet objet: si nous sommes sensibles aux considérants, on ne peut pas vraiment agir par voie de résolution.

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Baertschi pour une minute trente.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Madame la présidente. On a parlé de la Biélorussie, de la Russie, de l'Iran, de l'Aquarius ! On parle du monde entier ! C'est bien gentil, mais nous ne sommes pas à l'ONU. Nous sommes au Grand Conseil du canton de Genève et il y a de grands oubliés dans cette enceinte - j'en vois certains que ça amuse: les résidents genevois... (Applaudissements.)

Des voix. Ah !

D'autres voix. Bravo !

M. François Baertschi. ...les habitants de ce canton sont les grands perdants de tous ces bavardages inutiles. C'est uniquement de la gesticulation, de la posture, ce que j'estime indigne de notre parlement. Notre première fonction est de nous occuper des problèmes des résidents genevois, des gens d'ici; nous ne le faisons pas suffisamment. Quand on voit par exemple que notre initiative pour la limitation des frontaliers à l'Etat a été invalidée par le Conseil d'Etat, quand on voit comme la priorité frontalière est accordée dans les services de l'Etat, quand on voit que les intérêts les plus légitimes des habitants de notre canton sont oubliés ! Alors, avec détermination - c'est la position du groupe, que nous avons prise en caucus -, nous nous opposerons à cette résolution ! Merci, Madame la présidente.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mise aux voix, la proposition de résolution 1007 est rejetée par 45 non contre 37 oui et 11 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

RD 1360-A
Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant la L 11772 modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15) (Suppression des traitements « hors classes »)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 28 et 29 janvier 2021.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (LC)
Rapport de minorité de M. Christo Ivanov (UDC)
PL 11772-C
Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Roger Deneys, Isabelle Brunier, Christian Frey, Irène Buche, Cyril Mizrahi, Salima Moyard, Jean-Charles Rielle modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait - B 5 15) (Suppression des traitements « hors classes »)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 28 et 29 janvier 2021.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (LC)
Rapport de minorité de M. Christo Ivanov (UDC)

Premier débat

La présidente. Nous passons aux objets liés suivants: RD 1360-A et PL 11772-C. Je donne la parole à M. Alberto Velasco, qui a une annonce à faire.

M. Alberto Velasco (S). Oui, Madame la présidente: je vous informe que le parti socialiste retire le projet de loi 11772. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Il est pris acte de ce retrait.

Le projet de loi 11772 est retiré par ses auteurs.

La présidente. Il ne reste donc plus que le rapport du Conseil d'Etat RD 1360. La parole n'est pas sollicitée.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1360.

PL 11926-A
Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jean Romain, Nathalie Fontanet, Murat-Julian Alder, Yvan Zweifel, Beatriz de Candolle, Antoine Barde, Michel Ducret, Simone de Montmollin, Jacques Béné, Pierre Ronget, Alexis Barbey, Gabriel Barrillier, Georges Vuillod, Cyril Aellen, Raymond Wicky, Bénédicte Montant, Christophe Aumeunier modifiant la loi sur l'instruction publique (LIP) (C 1 10) (Formation des enseignants du primaire en 3 ans)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 1er et 2 octobre 2020.
Rapport de majorité de M. Daniel Sormanni (MCG)
Rapport de première minorité de M. Olivier Baud (EAG)
Rapport de deuxième minorité de Mme Caroline Marti (S)
Rapport de troisième minorité de Mme Alessandra Oriolo (Ve)

Premier débat

La présidente. Mesdames et Messieurs, nous abordons le point suivant, le PL 11926-A. Comme il est classé en catégorie II, cent minutes, nous allons entamer les travaux maintenant et les poursuivrons après la pause. Je précise que le rapport de première minorité de M. Olivier Baud ne sera pas présenté, le groupe Ensemble à Gauche ne siégeant plus dans ce parlement. Si les rapporteures veulent bien appuyer sur le bouton, je leur donnerai la parole... Autrement, on peut aussi voter tout de suite ! (Rires.) La parole échoit tout d'abord à Mme Danièle Magnin.

Mme Danièle Magnin. Je vous remercie, Madame la présidente... (Brouhaha.)

La présidente. Attendez, excusez-moi. Je ne l'ai pas précisé, Mesdames et Messieurs, mais nous ne sommes pas encore en pause; si certains d'entre vous souhaitent discuter, ils peuvent aller le faire à l'extérieur de la salle. (Remarque.) Ce n'était pas à vous que je m'adressais, Monsieur Poncet !

J'en profite pour rappeler que même si nous sommes en catégorie II, cent minutes, ce qui fait dix minutes par groupe, la LRGC interdit les interventions de plus de sept minutes, donc il se peut qu'à un moment donné, j'interrompe les orateurs même s'ils ont encore du temps de parole. Madame Magnin, je vous laisse reprendre.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité ad interim. Je vous remercie, Madame la présidente. La première chose que vous devez savoir, Mesdames et Messieurs, c'est que la modification proposée à l'article 129, alinéa 3, vise à diminuer d'une année le temps de formation des enseignants du primaire. Ceux-ci peuvent être responsables soit des cinq-huit ans - ou cinq-neuf ans -, soit des huit-douze ans, ce qui implique des connaissances différentes, en particulier au niveau des langues.

Certains ont souhaité - ce n'est pas nouveau, c'est déjà arrivé plusieurs fois - que les enseignants soient formés pendant plus longtemps, ce qui fait qu'à Genève, le cursus dure quatre ans. Il y a aussi une histoire de bachelor - on parle de baccalauréat, à ne pas confondre avec le baccalauréat français. Le texte sorti de commission est le suivant:

«Art. 129, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Dans l'enseignement primaire, la nomination du maître généraliste dans le cycle élémentaire ou le cycle moyen» - il s'agit de cette différence que j'évoquais suivant les âges - «est subordonnée, pour les enseignants formés à Genève, à l'obtention d'un baccalauréat universitaire (bachelor) - orientation cycle élémentaire ou, respectivement, cycle moyen - de l'institution du degré tertiaire A chargée de la formation des enseignants. L'obtention d'un certificat complémentaire, en formation duale sur un semestre, permet l'enseignement dans les deux cycles. La nomination des maîtres n'ayant pas été formés à Genève est subordonnée à l'obtention d'un titre jugé équivalent par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique. La nomination du maître de disciplines artistiques ou sportives est subordonnée à l'obtention d'un baccalauréat délivré par une haute école ou un titre jugé équivalent et d'une formation pédagogique complémentaire.

Art. 150, al. 3 (nouveau)

Disposition transitoire relative à la formation des maîtres généralistes dans l'enseignement primaire (art. 129, al. 3)

3 La nomination d'un maître généraliste ayant suivi sa formation à Genève avant la rentrée 2020 est subordonnée à l'obtention d'un baccalauréat universitaire (bachelor) et d'un certificat complémentaire - mention enseignement primaire - de l'institution du degré tertiaire A chargée de la formation des enseignants.»

C'est un petit peu du charabia, tout ça. Cela a suscité toutes sortes de commentaires, différentes positions, et au final, l'ensemble du projet de loi 11926 a été voté par 7 oui (2 MCG, 1 UDC, 4 PLR) contre 6 non (1 Ensemble à Gauche, 3 socialistes, 2 Verts) et 2 abstentions PDC. Or nous avons dépassé le temps prévu pour examiner le projet de loi, ce qui fait que des positions peuvent certainement avoir changé, tout comme la composition du Grand Conseil a changé. Les membres du PDC s'exprimeront eux-mêmes s'ils le souhaitent, mais apparemment, ils ne s'abstiendraient plus, ils voteraient... Bon, je ne sais plus si c'est pour ou contre - plutôt contre, d'après ce que l'on m'a dit...

Une voix. Vous n'allez pas nous laisser le choix.

Mme Danièle Magnin. Oh, mais vous savez, je ne fais que répéter ce que m'a indiqué le chef de groupe... (Commentaires. Rires.) Pardon ?

La présidente. Continuez, Madame, continuez.

Mme Danièle Magnin. Pas de souci. Je sais qu'il y aura une demande de renvoi en commission, mais je laisserai ceux qui veulent la proposer le faire eux-mêmes. Merci.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, lors des débats en commission, nous avons entendu les arguments des signataires de ce projet de loi qui, en gros, nous indiquaient ceci: les autres cantons forment leurs enseignants en trois ans; il faut augmenter les heures de formation pratique. Selon eux - mais cela n'a évidemment pas été démontré dans le cadre des travaux -, un cursus en trois ans sur le modèle d'une HEP permettrait d'augmenter la formation pratique et, partant, il suffirait de couper l'ensemble de la première année de formation, qui est effectivement une année très théorique.

Le DIP nous a donné toute une série d'informations durant les travaux de commission. D'abord, il a réagi à l'inquiétude des auteurs du projet de loi, qui souhaitent une formation plus pratique des enseignants de l'école primaire en augmentant le nombre de semaines de stage pratique dans le cadre du cursus.

Mais ce qu'a tout de même rappelé le DIP, c'est qu'un certain nombre de cours théoriques sont indispensables pour obtenir la reconnaissance du diplôme d'enseignant auprès de la CDIP. Il n'est simplement pas possible de couper tous les cours théoriques dispensés en première année, parce que cela nécessiterait de les ventiler sur les années restantes, ce qui réduirait la qualité de la formation pratique des enseignants; c'est bien entendu se tirer une balle dans le pied par rapport à ce que veulent les auteurs du texte.

Je signale également qu'aujourd'hui, la formation des enseignants dure quatre ans, ce qui leur permet ensuite d'enseigner dans les degrés 1 à 8 HarmoS. Or si on en vient à une formation en trois ans, on ne pourra plus leur garantir la possibilité d'enseigner dans l'ensemble des degrés de l'école primaire: ils devront se focaliser soit sur le cycle élémentaire, c'est-à-dire les degrés 1 à 4, soit sur le cycle moyen, soit les degrés 5 à 8. Non seulement cela nuit grandement à la flexibilité des enseignants de même qu'aux possibilités d'adaptation et d'organisation au sein du DIP, mais cela péjore également les possibilités d'évolution et de variété dans la carrière d'un enseignant; il est particulièrement piquant de constater que c'est le PLR, premier parti à revendiquer plus de flexibilité dans l'administration publique ainsi que des possibilités d'évolution de carrière pour les collaboratrices et collaborateurs de l'Etat, qui s'acharne à vouloir réduire le temps de formation des enseignants, ce qui prétéritera ces options.

Si le département a soudain besoin de plus d'enseignants dans le cycle moyen ou dans le cycle élémentaire pour des raisons... (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, Madame. Est-ce que je peux demander qu'il n'y ait pas de discussions juste à côté de vous ? Merci, poursuivez.

Mme Caroline Marti. Merci beaucoup. ...pour des questions de démographie d'élèves, eh bien cela nécessitera de prodiguer à des enseignants qui n'auront été formés que sur un seul cycle de l'école primaire des formations continues très importantes qui sont payées à 100% par le canton, contrairement à une formation universitaire de quatre ans dont une partie est financée par la Confédération. Dans les faits, le passage à une formation en trois ans - c'étaient les dires du DIP lors des travaux de commission - coûtera plus cher à l'Etat.

La force du système de formation en quatre ans que nous connaissons à Genève, c'est de permettre aux enseignants d'être très polyvalents, beaucoup plus que ne le sont les enseignants d'autres cantons: ils enseignent treize branches, c'est un record intercantonal. Evidemment, avec un temps de formation plus restreint, on ne pourra pas maintenir ce niveau de polyvalence.

Un point fondamental qu'il me faut encore souligner, c'est que l'école évolue tout comme les besoins des élèves évoluent, donc la formation doit elle aussi évoluer, s'adapter à des situations nouvelles, à de plus en plus d'élèves allophones, souffrant de troubles d'apprentissage, de troubles «dys-», de troubles du comportement, etc. Cela nécessite une formation spécifique pour que les enseignants puissent développer des compétences dans la prise en charge de ces nouvelles problématiques et répondre à des situations variées et évolutives, et cela s'ajoute à la formation nécessaire pour les besoins didactiques de l'enseignement des treize disciplines.

Je précise en outre que les tendances, que ce soit au niveau intercantonal ou international, vont au contraire vers un allongement de la formation des enseignants, précisément pour pouvoir tenir compte de l'évolution de l'école et des besoins des élèves. Le constat de notre minorité, c'est que les auteurs du projet de loi semblent vouloir revenir à l'école de grand-papa - ou de grand-maman, ne faisons pas de discrimination -, une école élitiste qui ne tient pas compte des besoins variés des différents élèves que l'instruction publique doit accueillir et se focalise sur les meilleurs d'entre eux pour leur permettre de développer leurs compétences en laissant les autres sur le carreau. Ce n'est évidemment pas le projet que la minorité défend.

Dernier point, Madame la présidente, j'en terminerai par là: très clairement, si on fait passer le temps de formation des enseignants de quatre à trois ans, cela va conduire à une dévalorisation de la formation, respectivement à une dévalorisation du métier d'enseignant, et cela justifiera, notamment dans le cadre des discussions sur G'Evolue, une détérioration des conditions salariales. Je rappelle que le métier d'enseignante et d'enseignant est encore très majoritairement féminin et que si on dévalorise la formation et les salaires versés, on accroît par là même les inégalités salariales indirectes entre hommes et femmes.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que la minorité que je représente vous appelle, Mesdames et Messieurs, à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de troisième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 11926 constitue une attaque contre le primaire: il vise à réduire la formation initiale des enseignants à trois ans et demi - on vient même de recevoir un amendement consistant à revenir au texte de départ, c'est-à-dire à une formation de trois ans - alors qu'il faudrait au contraire la prolonger et l'améliorer pour répondre aux enjeux actuels de l'école. Genève est le seul canton suisse offrant une formation universitaire de quatre ans, un cursus qui garantit le statut de généraliste permettant d'enseigner quatorze disciplines sur l'ensemble de la scolarité primaire.

L'effet négatif d'une telle modification, ce serait une formation diminuée, ce qui affecterait le statut même de généraliste et ne permettrait plus d'enseigner à la fois au cycle 1 et au cycle 2. C'est l'unicité du statut et la mobilité professionnelle qui sont directement attaquées ici. La formation serait non seulement réduite, différente, mais il y aurait aussi un impact sur les salaires. D'où la mobilisation des professionnels qui sont directement concernés, qui oeuvrent sur le terrain et qui s'opposent complètement à cette modification de la loi, à cette diminution de la durée de la formation; ils s'expriment en parfaite connaissance de cause. Les associations professionnelles qui les représentent, elles aussi, y sont fortement opposées, et je vais vous détailler tout cela dans le propos qui va suivre.

Les auteurs du projet de loi font preuve d'un tel mépris pour le métier d'enseignant que les associations professionnelles comme la SPG, soit la Société pédagogique genevoise, qui fait partie du Cartel, sont déjà prêtes à lancer un référendum que nous, les Vertes et les Verts, soutiendrions bien sûr si cet objet devait passer la rampe, car nous faisons confiance aux professionnels du terrain.

Avant d'entrer plus en détail sur les raisons de notre refus et de mettre en lumière le contexte dans lequel ce projet de loi a été voté, le cadre de la formation genevoise, les avantages du cursus en quatre ans - ils ont déjà été un peu évoqués, j'y reviendrai -, les inconvénients du passage à une durée de trois ans, la perte que cela créerait du point de vue de la qualité dans la formation et de la polyvalence entre les cycles, le fait qu'il n'y aura pas vraiment d'économies financières, le décalage avec les pays voisins et les recommandations de Swissuniversities, le fait que ce texte va à l'encontre de tout ce qui se passe sur le terrain - augmentation des besoins, hausse des violences, accroissement de la charge administrative, école inclusive - et est donc à l'envers du bon sens, eh bien pour toutes ces raisons que je vais développer tout à l'heure, je demande un renvoi en commission.

La présidente. Merci. Je passe la parole aux autres rapporteures ainsi qu'au Conseil d'Etat sur cette proposition. Madame Caroline Marti, c'est à vous.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Je soutiens la demande de renvoi en commission, merci.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité ad interim. Le MCG la soutient également.

La présidente. Vous représentez la majorité, en l'occurrence, mais bon... (Commentaires.) La conseillère d'Etat souhaite-t-elle intervenir sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Non, très bien, alors je le mets aux voix.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11926 à la commission de l'enseignement supérieur est rejeté par 46 non contre 43 oui.

La présidente. Bien, Mesdames et Messieurs, nous avons eu la présentation des rapporteures. Après cette ouverture en fanfare, nous allons garder le suspense sur la suite le temps de la pause.

Fin du débat: Séance du vendredi 2 février 2024 à 18h

La présidente. Nous nous retrouvons à 18h pour la suite du débat.

La séance est levée à 17h40.