République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 août 2013 à 17h
57e législature - 4e année - 10e session - 65e séance
M 2130
Débat
Le président. Nous traitons maintenant le point 25, soit la motion 2130. Il s'agit d'un débat de catégorie II, trois minutes par groupe. La parole est à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je remplace M. Guy Mettan, qui est absent. La motion que nous avons déposée a été conçue lorsque nous avons appris... (Brouhaha.) ...que le cours de civisme et économie pour les élèves de deuxième année de l'Ecole de culture générale, option art, communication, information et santé était supprimé, alors qu'il était maintenu pour les élèves de la troisième année en option socio-éducative. Il est vrai que dans le plan d'études de l'Ecole de culture générale, il est prévu d'enseigner ces notions de civisme dans le cadre des cours de géographie et d'histoire; mais nous savons très bien que lorsque l'intitulé d'un cours disparaît, l'enseignement se fait différemment et a moins d'importance. (Brouhaha.) Pour le parti démocrate-chrétien, il est essentiel que les élèves de ces écoles aient des cours sur le civisme et des cours sur la structure politique de la Suisse. C'est très important pour nous, c'est pour cela que cette motion demande au Conseil d'Etat de garantir la pérennité des cours de civisme et économie dans le cadre de l'Ecole de culture générale. Pour cette raison, nous vous demandons donc de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
Une voix. Bravo !
M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'exercice de la citoyenneté se situe au carrefour d'appartenances socioculturelles diverses et des valeurs universelles qui fondent le droit humain. (Brouhaha.) Cette éducation citoyenne doit permettre à chacun de se décentrer de sa réalité et, ainsi, mieux percevoir celle des autres. La compréhension de l'autre, et en quelque sorte du monde qui nous entoure, doit permettre à chacun de se questionner sur les préjugés. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Monsieur le député, permettez-moi de vous interrompre. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais qu'on aille jusqu'au bout. C'est un peu difficile, il fait chaud, mais je crois qu'on a fait du bon boulot et on va continuer. Monsieur le député, vous pouvez poursuivre !
M. Henry Rappaz. Merci. L'éducation de la citoyenneté a pour but essentiel de construire des repères communs compris et acceptés par tous; elle doit permettre à chacun et à chacune de devenir des acteurs de notre société. Or, le plus important est de savoir qu'il n'y a pas d'acteur qui n'ait une place, un rôle, des droits reconnus et des responsabilités dans notre société. L'exercice de la citoyenneté exige des espaces de participation ouverts à tous. Ainsi, le meilleur endroit ne serait-il pas à l'Ecole de culture générale ? Oui, cela ne fait aucun doute car la citoyenneté et l'école ne font et ne doivent faire qu'un. Vivre ensemble signifie s'impliquer à l'échelle du groupe, de la classe et de l'établissement scolaire à travers des structures participatives et la pratique du débat démocratique. C'est là que se situe le véritable commencement du grand apprentissage de citoyen et citoyenne. La citoyenneté, plus que jamais, est un grand enjeu de notre société démocratique. Vivre et agir dans une société qui se mondialise à une vitesse «grand V», qui se caractérise par des enjeux à l'échelle locale et mondiale pour la répartition des ressources, la migration, la globalisation et l'économie, demande aux jeunes citoyens et citoyennes d'apprendre à analyser ces enjeux, d'être en mesure de se situer et d'opérer des choix en tant qu'acteurs individuels et en tant que citoyens ou citoyennes d'un Etat. Mais bien avant tout, d'aimer son pays par le biais d'un apprentissage sérieux qui commence à l'école. Je vous propose donc d'accorder un accueil patriotique à cette excellente motion.
Mme Sylvia Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, l'éducation à la citoyenneté est essentielle, en particulier dans une démocratie participative comme la nôtre. Les jeunes sont malheureusement fréquemment absents des bureaux de vote, et un encouragement à voter et à participer passe par une bonne compréhension du système. Alors on peut saluer ici l'initiative CinéCivic qui a été lancée par la Ville de Genève et pour laquelle j'ai justement pu voter récemment, mais cela ne suffit pas. Pour mieux comprendre le système et ses enjeux, il faut, à notre sens, des cours de qualité. Afin de s'assurer que cette qualité est maintenue à l'ECG maintenant que les cours ont été déplacés dans les cours d'histoire, les Verts soutiendront le renvoi de cette motion en commission de l'enseignement; effectivement nous recommandons plutôt le renvoi dans cette commission afin de pouvoir étudier la question avant le renvoi au Conseil d'Etat. (Brouhaha.) Je voudrais juste encore préciser, comme je l'ai dit tout à l'heure, que ces cours n'ont pas été supprimés mais bien déplacés dans le cadre du cours d'histoire.
M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, sans préjuger du fond, le groupe radical ne va pas s'opposer à un renvoi à la commission de l'enseignement pour un examen plus approfondi de cette problématique. Est-ce que les élèves, à l'ECG, ont besoin d'un cours d'éducation civique et d'économie - on oublie toujours l'économie mais c'est dans l'intitulé de la motion - en deuxième année ? Oui, probablement ! Néanmoins, la grille horaire des heures d'enseignement n'est pas extensible à l'infini ! Et si la direction de l'ECG a décidé la suppression de ces cours en deuxième année, c'est qu'il y a probablement une raison; il y a un rationnel derrière cette décision. Et un passage en commission de l'enseignement pour examiner son bien-fondé nous parait tout à fait judicieux. Renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, c'est désapprouver la démarche. Et je pense que ça vaut la peine d'entendre la direction de l'ECG par rapport à cette mesure. C'est pour cela que nous soutiendrons le renvoi à la commission de l'enseignement.
Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis d'accord avec la conclusion de mon préopinant parce qu'en effet ces cours ne sont pas supprimés et qu'il s'agit probablement d'une autre répartition. Par contre, les personnes qui étaient en charge jusqu'à maintenant de ce cours «citoyenneté et économie», comme M. Saudan l'a si justement relevé, sont inquiètes, parce que le public de l'ECG est un public un peu spécifique; il y a énormément d'élèves qui sont issus de l'immigration et d'un milieu peu propice à la participation spontanée à la vie politique. Et bénéficier d'un cours qui est expressi verbi consacré à l'éducation citoyenne semble plus important que de le noyer dans un cours d'histoire, d'un côté, et de géographie, de l'autre. Le cours est un instrument efficace à l'intégration, et le supprimer serait dommage. Les professeurs qui donnaient ce cours, en tout cas ceux avec qui j'ai discuté, organisent des discussions avant les votations - d'ailleurs on a souvent accueilli des élèves ici, au Grand Conseil - et je trouverais assez conséquent que l'on soutienne ces activités-là, sachant que quelqu'un qui est peu formé à la citoyenneté risque plutôt d'être abstentionniste. Donc ne formons pas des abstentionnistes, et comme l'affaire nécessite des éclaircissements le parti socialiste soutiendra le renvoi à la commission de l'enseignement. Je vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC soutiendra le renvoi en commission, mais en cas de refus ne pourra pas soutenir le renvoi direct au Conseil d'Etat. Ce qui m'a d'abord interpellé en lisant cette motion, c'est que je me suis demandé - et je n'ai pas trouvé la réponse - pourquoi «civisme et économie». Parce que le groupe UDC estime qu'il est important, justement, que le civisme soit enseigné dans nos écoles.
La deuxième chose qui m'a interpellé, et là non plus il n'y a pas tellement d'éléments de réponse dans l'exposé des motifs... (Brouhaha.) ...c'est que si le département a décidé de ce changement au niveau de cette branche, c'est qu'il doit bien y avoir une raison ! Comme M. Saudan l'a dit, les heures d'enseignement ne sont pas extensibles, les exigences sont élevées, donc on ne peut pas tout faire ! Et je vous rappellerai aussi que ce n'est pas la première fois que ce Grand Conseil, quelle que soit l'école - on l'a vu pour le primaire, le CO, le collège - débat sur ce genre de suppression ou diminution d'horaires. C'est pour cela qu'il est important, pour pouvoir se prononcer, de renvoyer ce texte en commission... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...afin d'avoir de véritables réponses sur le pourquoi de ce changement. De cette manière nous pourrons prendre la bonne décision quant à la suite à donner à cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg pour une minute !
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Le cours de civisme suisse permet de se familiariser avec le fonctionnement politique de notre Confédération, de nos cantons et de nos communes. (Brouhaha.) Nous devons à tout prix intéresser nos apprenants de l'Ecole de culture générale aux mécanismes et aux institutions qui dirigent notre société, et leur donner les moyens d'influencer le développement politique de notre pays et de notre canton. Pour comprendre la macroéconomie, soit la situation économique d'un pays ou d'un continent, sa position conjoncturelle ou structurelle, l'étudier sur les bancs de l'école est idéal. L'étude de la microéconomie, soit les comportements individuels, est un apport indéniable pour la recherche d'un emploi, par exemple. Non seulement le civisme et l'économie sont fort utiles dans la vie, mais ce sont deux notes au-dessus de la moyenne assurées pour des élèves appliqués dans leurs études à l'Ecole de culture générale. Nous sommes donc également pour le renvoi à la commission de l'enseignement.
M. Pierre Ronget (L). Permettre aux jeunes de comprendre la société dans laquelle ils vivent et de s'intégrer dans cette société est une chose essentielle; comme magistrat communal, en lisant les demandes de naturalisation de jeunes qui ont suivi l'ensemble des cours dans nos écoles, je suis surpris de leur incapacité à saisir le b.a.-ba de nos institutions. Alors je crois que le renvoi en commission est indispensable, parce qu'un cours particulier de citoyenneté, vu d'une manière générale, n'est pas la meilleure solution; il faut incruster les notions de citoyenneté dans la réalité historique, et je pense que les cours d'histoire à la manière de Braudel, qui impliquent tant l'histoire que la géographique, la géographie économique, etc., sont là pour permettre cela, et je crois qu'il nous est possible, à ce moment-là, dans ces cours, d'amener les jeunes à comprendre et à vivre nos institutions en les faisant venir non seulement au Grand Conseil, mais aussi dans les conseils municipaux, au tribunal, au Tribunal fédéral, et pourquoi pas - ce serait la cerise sur le gâteau - à une Landsgemeinde. C'est bien en commission qu'il conviendra de discuter de ces options, mais en rappelant qu'effectivement la grille horaire n'est pas extensible et qu'il n'y a plus de mercredi supplémentaire - il y avait la semaine des quatre jeudis, il n'y a pas de semaine des quatre mercredis !
Une voix. Très bien !
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. En quelques mots, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il convient de bien noter que la confusion entre des compétences qui doivent être acquises en matière de citoyenneté et l'existence d'un enseignement spécifique est effectivement dommageable. Ce que j'aimerais dire, c'est que nous devons aujourd'hui satisfaire à un plan d'études; un plan d'études cantonal mais aussi romand. Ce qui veut dire que nous avons aujourd'hui un émiettement de l'histoire et de la géographie. Peut-on dire, Mesdames et Messieurs les députés qui êtes sensibles à cette question, qu'il est satisfaisant de voir émietter, au nom du patriotisme, des connaissances en géographie ou en histoire ? Mesdames et Messieurs les députés, il y a trente-trois heures, pratiquement, à la grille horaire d'enseignement de l'Ecole de culture générale. Je passe volontiers du temps avec vous en commission pour étudier les problèmes, car je pense que ces questions sont importantes - les mêmes questions existent au collège de Genève, les mêmes questions existent dans les centres de formation professionnelle. M. Ronget a la chance d'avoir fait partie de la direction générale de l'enseignement postobligatoire, il connaît bien ces problématiques; il a dirigé également le centre de Lullier, donc il sait ce que c'est que d'enseigner dans un centre de formation professionnelle comme dans un collège, et je crois que ce qu'il est important de dire aujourd'hui c'est tout simplement qu'on se tient à la disposition des commissions. Mais attention à ne pas sombrer dans le sous-corporatisme de tel ou tel groupe qui veut garantir un certain nombre d'enseignements à sa propre grille horaire, en faisant une confusion entre corporatisme et civisme. Je pense qu'il y a danger en la matière.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2130 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 62 oui (unanimité des votants).