République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2100
Proposition de motion de MM. Christo Ivanov, Patrick Lussi, Stéphane Florey demandant que les directeurs d'établissement scolaire consacrent une partie de leur temps de travail à l'enseignement

Débat

Le président. Nous arrivons au point suivant de notre ordre du jour, la motion 2100. Nous sommes en catégorie II, avec trois minutes par groupe. La parole est à M. le député Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président de séance. La motion M 2100... (Brouhaha.) ...demande que les directeurs d'établissements scolaires du primaire consacrent une partie de leur temps à l'enseignement. Par le passé, les écoles primaires étaient dirigées par des maîtres principaux, qui touchaient une indemnité pour leur travail à la direction des écoles. Des inspecteurs venaient compléter le dispositif en visitant les classes plusieurs fois par année. Une loi a été adoptée il y a peu par ce parlement pour mettre en place des directeurs d'école et supprimer les postes d'inspecteurs, et donc de maîtres principaux. Ces directeurs sont épaulés par du personnel administratif afin de les décharger au maximum de certaines tâches; malheureusement, ils sont coupés de la réalité de l'enseignement. Cette motion demande donc que les directeurs d'écoles primaires puissent enseigner jusqu'à 50% de leur temps de travail. En effet, le lien avec le terrain est capital, et les considérants de cette motion démontrent bien l'importance de cette question.

Par ailleurs, le remplacement des enseignants est un problème crucial; les absences pour raisons médicales, à cause de périodes de service militaire, de maternité ou de PLEND, ne manquent pas. C'est pourquoi le groupe UDC vous demande de soutenir cette motion, qui est un signe positif en faveur des enseignants du primaire et qui leur affirme notre soutien et notre admiration.

M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion de l'UDC est une proposition qui convient au MCG. Elle pose le principe que les directeurs enseignent 50% du temps de travail dans l'établissement, ce qui leur permettrait de concrétiser au mieux les tâches qui leur sont imparties. Par ailleurs, cette mesure est tout à fait réalisable selon les informations que nous avons prises auprès des intéressés. Pour faire bref, je dirai donc que le MCG soutient cette motion et propose de la renvoyer à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.

Mme Marie Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est une fausse bonne idée; assez logique à première vue mais en fait totalement contreproductive, et cela sur au moins trois plans.

Le premier, c'est l'excellente utilisation des deniers publics, ou comment payer en classe 24 des directeurs - les directeurs sont donc actuellement payés en classe 24 - alors qu'ils mèneraient des activités d'enseignement avec des enseignants qui sont payés en classe 16 ou 18. Excellent. Au niveau de l'utilisation du temps, ensuite: soit il y a 100% de travail pour le directeur ou la directrice, et à ce moment-là il ne reste pas de temps pour enseigner, soit il n'y a pas de quoi remplir un 100% et à ce moment-là le directeur ou la directrice est à temps partiel. Mais le compromis qui est proposé est boiteux, et il n'aura comme conséquence que de faire abandonner des tâches administratives à la direction... (Brouhaha.) ...alors qu'elle est là pour ça, et ces tâches administratives devant bien être remplies, elles seront reportées sur les enseignants qui, eux, ne sont pas là pour ça.

Deuxième élément, cela pose des problèmes de collaboration au sein des écoles sur le plan de la gestion des équipes. On va avoir des personnes qui seront en même temps supérieurs hiérarchiques et collègues; collègues tout en étant payés plus, comme je l'ai dit avant, ce qui est une situation assez peu satisfaisante. La position des directions, à la fois soutien et évaluateur, n'est déjà pas toute simple aujourd'hui, il n'y a donc pas besoin d'en rajouter une couche. C'est un mélange de casquettes... (Brouhaha.) ...qui les mettrait dans une situation complètement paradoxale.

Enfin sur le plan des moyens, on peut se demander si le but de cette motion de l'UDC n'est pas plutôt une tentative de rogner sur les postes au primaire - ceux-là même qui seront nécessaires pour l'entrée en vigueur du mercredi matin qui a été plébiscité par notre Grand Conseil et par la population - puisque dès la prochaine rentrée on aura besoin de postes supplémentaires. Le peuple a voulu cette réforme, il s'agit maintenant de l'introduire avec les moyens qui ont été votés - ce sont d'ailleurs 150 postes et non pas 120 comme il est noté dans l'exposé des motifs, de même qu'il y a eu aujourd'hui la fusion d'un certain nombre d'établissements et il n'y en a donc plus 93, comme il est là aussi indiqué dans l'exposé, mais plus que 79 voire même 78, parait-il, avec la baisse des charges y relative.

C'est pour ces différentes raisons que le groupe socialiste vous propose de refuser cette motion, qui est une fausse bonne idée.

Présidence de M. Gabriel Barrillier, président

M. Jean Romain (R). Chers collègues, cette motion n'est pas du tout une fausse bonne idée, c'est une véritable bonne idée étant donné la situation genevoise. Mme Moyard nous dit que les directeurs sont payés en classe 24, donc que finalement on ne peut plus bouger. On a peut-être fait une erreur parce qu'il y en a trop, mais enfin, serait-ce dommage de les faire descendre au rang de simples enseignants ? Je ne le crois pas.

On nous dit encore que des supérieurs hiérarchiques pourraient jouxter des collègues: mais enfin, ça a bien été le cas et ça l'est toujours puisque certains sont doyens, donc nos supérieurs hiérarchiques, et en même temps nos collègues, et c'était la même chose lorsqu'il y avait des maîtres principaux.

Je crois qu'au primaire les élèves ont augmenté de 26% ces dernières années, et il est clair qu'on ne pouvait plus se contenter des 25 inspecteurs et maîtres principaux qui étaient en poste. Cela ne suffisait pas, et le DIP a mis en place, dans un premier temps, 94 directeurs, qui sont aujourd'hui au nombre de 79. Et on nous a dit hier que sur ces 79 ils étaient 5 à n'avoir jamais enseigné de leur vie. Or, je pense que ce n'est pas normal de prétendre diriger une école primaire et de ne pas en connaître au minimum quelques arcanes. Je crois que ces directeurs ne sont pas nécessaires - ils organisent toute une série de réunions, je reviendrai là-dessus - et je crois surtout que réduire les forces directoriales du primaire à leur juste proportion, et ne pas tripler l'offre comme ça a été le cas à Genève, est une bonne chose; ce n'est pas une fausse bonne idée, c'est une bonne bonne idée ! Vu leur surnombre par rapport aux autres cantons, on peut manifestement, comme ça se passe ailleurs, leur demander d'enseigner. Faut-il aller jusqu'à 30, 40, 50, 60%, ça reste à déterminer, faut-il demander cela dans toutes les écoles avec le même pourcentage, ça reste à déterminer aussi, mais au fond je crois que nous devons mettre ces directeurs devant les élèves, parce que cela va permettre d'économiser aussi un certain nombre de choses. Ces directeurs sont assistés par des secrétaires, ils ont, depuis la rentrée de l'année passée, des maîtres adjoints, et je crois que moins de professeurs à engager est une bonne chose pour Genève. Il ne s'agit pas de jeter l'anathème sur quiconque, mais on n'a pas besoin, à Genève, d'une telle cohorte de directeurs, dont on ne m'a pas montré encore l'utilité première. Je vous remercie de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement pour que nous puissions l'étudier ! (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien va aussi demander le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement, simplement parce qu'elle ne peut pas être adoptée telle quelle; il faut en discuter, il faut voir quels sont les moyens à disposition, il faut savoir ce qui se passe actuellement avec les directeurs d'école. Mais il est vrai que de la base remontent de nombreuses critiques sur les directeurs d'écoles primaires, qu'on entend beaucoup de choses et qu'il faut, une fois ou l'autre, peut-être en discuter clairement au niveau de la commission. Est-ce que les directeurs d'écoles primaires sont utiles ou pas ? Beaucoup d'enseignants, peut-être de l'ancienne génération, ceux qui sont en train de finir leur période de travail, critiquent les réunionites, critiquent le temps perdu actuellement à suivre des directives; il y a beaucoup moins de souplesse qu'avant au niveau de la gestion des classes, et tout cela, je pense, doit être discuté au niveau de la commission de l'enseignement pour savoir s'il y a une utilité ou pas, et à partir de là... (Brouhaha.) ...voir si la proposition qui est faite par l'UDC est réalisable ou pas. Et ça, on ne peut pas le savoir aujourd'hui. Il ne faut pas non plus dire tout de suite que cette fonction de directeur d'école est inutile, il faut en discuter.

Mme Esther Hartmann (Ve). Les Verts ont lu cette motion avec un certain scepticisme; nous ne sommes pas tout à fait convaincus du choix de donner un mandat d'enseignement à des directeurs d'établissement, cela pour la raison que certains directeurs ne sont tout simplement pas des enseignants, ce qui pourrait poser problème. (Remarque.) Cependant, nous n'allons pas nous opposer au renvoi à la commission de l'enseignement: je pense qu'il sera effectivement utile de faire le point de la situation sur l'évolution de cette fonction qui est quand même assez récente, afin de voir quelles seraient les améliorations à apporter.

M. Antoine Barde (L). Chers collègues, le groupe libéral du PLR acceptera le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement. Effectivement, il est assez rare de voir des motions qui font preuve de bon sens et celle-ci nous permettra, pour une fois, de nous amener à réfléchir sur l'idée de mettre de la rationalité dans l'enseignement, d'éviter des doublons, des couches administratives. Et je pense que ce n'est que du bon sens que d'essayer de faire en sorte que les directeurs de ces établissements puissent avoir au moins une partie de leur temps consacrée à l'enseignement, pour qu'ils se rendent bien compte de ce que c'est que de travailler avec des enfants, sans être quelque part, loin de la réalité du terrain. Je pense donc que c'est important que cette motion soit étudiée en commission.

Enfin, je voulais rajouter à titre d'exemple que pour ma part, quand j'étais petit, j'étais dans une école où la directrice enseignait; cela n'a jamais posé problème, au contraire, cela a plutôt créé un lien fort entre les élèves de tous les niveaux et la directrice, et je pense que c'est tout à fait favorable à l'éducation des enfants. Je vous invite donc à renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.

M. Pierre Losio (Ve). Je ne vais pas m'exprimer sur le fond de cette motion puisqu'il paraît acquis que celle-ci sera renvoyée à la commission de l'enseignement, mais je voudrais quand même dire une chose qui a rapport au bon sens qu'a évoqué mon collègue Barde, et à l'inutilité qu'a évoquée mon collègue Jean Romain. Durant toute ma carrière d'enseignant, j'ai milité contre la hiérarchie scolaire; j'étais pour la suppression des inspecteurs, estimant que les enseignants étaient suffisamment formés et suffisamment raisonnables pour gérer leur école eux-mêmes. En ce qui concerne l'utilité des directeurs d'établissement, je dois confesser que j'ai eu pendant longtemps un certain doute. Mais ce qui m'est apparu, en discutant avec des enseignants et surtout en discutant avec d'anciens parents, c'est que la grande qualité de la création de ce poste de directeur d'établissement est l'accessibilité à l'école. Et je me souviens du nombre de fois où des parents se sont plaints des délais hallucinants auxquels il fallait se soumettre pour avoir un rendez-vous avec l'inspecteur, qui courait de circonscription en circonscription, alors que maintenant les parents, lorsque se pose un problème, ont un accès direct à l'autorité scolaire. Cela facilite et permet la résolution de nombreux problèmes concrets et immédiats, j'allais presque dire de domesticité scolaire, et cet acquis-là c'est aussi un pas en avant vers l'intérêt et vers l'inscription des parents dans la démarche de l'autorité scolaire, qui très longtemps, de par la diffusion...

Le président. Il vous faut conclure, cher collègue !

M. Pierre Losio. Oui, oui je vais conclure, mon cher collègue ! (Rires.) Je disais... qui de par la diffusion géographique des compétences des inspecteurs n'était à l'époque pas possible. L'existence même de ces directeurs d'établissement permet une accessibilité à un des éléments et à une des entités fondamentales dans la vie de l'école que sont les parents. Pour le reste, nous nous exprimerons en commission. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, deux députés de grande qualité se sont notamment exprimés - ils sont tous de qualité mais certains sont de meilleure qualité encore... (Rires.)

Une voix. Des noms !

M. Pierre Weiss. Je pense en particulier à une personne qui porte le même prénom que moi, ce qui est déjà une preuve de qualité... (Rires.) ...et puis à un autre qui est presque latin par sa romanité ! (Exclamations.) Je suis en désaccord avec les deux, mais j'aimerais ajouter un élément complémentaire.

Je suis en désaccord avec Pierre Losio sur la question de l'autorité: je pense qu'il est bon qu'il y ait de l'autorité à l'école, et en ce sens-là un minimum de hiérarchie est une bonne chose, et c'est aussi ce que je souhaite dire à Jean. En revanche, pour que l'on puisse imposer cette hiérarchie, encore faut-il être compétent. Et là, il y a eu, à l'époque de la nomination de ces directeurs, des engagements qui ont été faits de personnes qui n'avaient pas les compétences nécessaires et qui ont dû être, en tout cas pour certaines d'entre elles, formées après leur engagement en gestion de ces entreprises scolaires - si on peut les appeler ainsi - que sont les écoles. Donc je pense que lors des travaux de la commission, il sera en particulier utile de savoir ce qu'il en est devenu de l'amélioration des compétences managériales des dizaines de directeurs qui ont été nommés, notamment de ceux qui ne les possédaient pas. Les a-t-on, entre temps, améliorées, ou ces personnes ont-elles été évincées ? Voilà une question qui méritera en tout cas d'être posée pour légitimer leur place.

M. Antoine Bertschy (UDC). Monsieur le président, si vous le permettez je vais revenir à la motion, parce qu'on est un petit peu partis dans tous les sens avec la dernière intervention. Je commence déjà par remercier ceux qui auraient été en classe 24 et qui n'ont pas pris la parole pour le moment - il y en a quelques-uns - car c'est rare, lorsque l'on a un débat, que les personnes impliquées ne prennent pas la parole. (Brouhaha.) Ici ceux qui auraient été concernés ne l'ont pas fait et je les en remercie.

Je retiens ce qui a été dit par notre collègue Jean Romain, soit que pour une fois, dans ce parlement, on a une bonne bonne idée ! C'est extrêmement rare, et effectivement je pense que la motion qui vous est soumise est une bonne idée. Je vous propose de la traiter à la commission de l'enseignement, ce qui sera probablement fait vu la majorité qui semble se dégager.

J'aimerais aussi juste relever deux petites choses qui ont été dites par les seuls opposants au renvoi en commission, c'est-à-dire le parti socialiste: avec tout le respect que j'ai pour Mme Moyard, non, nous ne voulons pas, par ce moyen, rogner des postes, contrairement à ce que vous avez dit. Au contraire, nous voulons plus d'enseignement et moins de tâches administratives. C'est notre but, car à notre sens il y a trop de tâches administratives - elles se sont multipliées très rapidement pour les directeurs d'école - et nous voulons que ces directeurs soient près de la réalité, près de l'enseignement. La vraie place d'un enseignant ce n'est pas derrière un bureau, mais c'est face à une classe.

Une voix. Bravo Antoine !

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, ce n'était pas une bonne idée mais une «Bonny D.» (Commentaires.) Je n'ai pas pu résister ! (Brouhaha.) On arrive en fin de législature, et je vais être d'accord avec mon collègue Pierre Weiss - c'est dire que nous commençons à fatiguer un peu ! Diriger et enseigner ne sont pas les mêmes métiers, et si un enseignant devient directeur sans l'accompagnement nécessaire, on peut s'interroger sur la pertinence du modèle. Il ne s'agit pas d'opposer des niveaux hiérarchiques, directeurs et enseignants, mais de distinguer des fonctions qui appellent des compétences et des qualifications différentes. Une gestion éclairée de l'organisation du travail, dans ce sens, ne suppose non pas une organisation où les professionnels sont des Shivas, c'est-à-dire font un peu de tout, mais une organisation contemporaine du travail, soit dit en passant, efficace, efficiente... (Brouhaha.) ...qui rende les gens heureux et les situe à la bonne place. C'est une organisation dans laquelle chacun est dans sa fonction et où on met l'accent sur la collaboration. Nous serions désolés...

Le président. Vous avez mangé tout votre temps, chère Madame.

Mme Christine Serdaly Morgan. Pardon ?

Le président. Vous avez mangé tout votre temps !

Mme Christine Serdaly Morgan. Je vais donc conclure en disant que je ne souhaiterais pas que l'école primaire soit moins bien traitée que le secondaire, mais que ces petites entreprises sociales puissent bénéficier des mêmes qualités managériales que les autres.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Didier Bonny pour une clarification !

M. Didier Bonny (HP). Merci, Monsieur le président. Etant donné le sujet de la motion, bien évidemment, je ne participerai pas au vote.

Le président. Voilà qui vous honore, Monsieur le député ! La parole est à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ayant écouté attentivement le débat et l'ensemble des déclarations, je tiens à dire d'emblée que l'esprit dans lequel M. le député Weiss propose de renvoyer l'objet à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, non seulement retient mon attention mais suscite mon approbation. S'il y a encore - et visiblement c'est le cas ! - des motions sur le sujet et de l'émotion, aussi, dans la discussion, eh bien cela veut dire que nous avons encore à en parler et probablement à faire des démonstrations. Et dans ce cadre-là, étant donné notamment les prérogatives constitutionnelles de l'exécutif, le lieu de la commission me semble être adéquat pour étudier le dispositif.

J'aimerais aussi vous dire, au passage, parce que cela a été évoqué, qu'apparemment plusieurs représentations s'opposent: certains considèrent que diriger est un métier, et d'autres que c'est finalement une activité accessoire de l'enseignant. C'est typiquement cette discussion qui devrait vous éclairer à l'occasion des travaux parlementaires en commission. Pour ma part, je tiens à dire à M. le député Weiss, en ce qui concerne son interpellation sur la formation préalable des directrices et des directeurs, qu'encore aujourd'hui, dans l'enseignement primaire comme dans l'enseignement secondaire - que ce soit le cycle d'orientation ou l'enseignement postobligatoire - les formations ont lieu après les nominations pour des raisons souvent évidentes de calendrier, respectivement de recrutement. Cela doit être changé; nous avons mis en place un certain nombre de formations qui concernent les cadres scolaires et les directions d'établissement, de manière à nous permettre effectivement, à l'avenir, de pouvoir compter sur des gens qui s'engagent à suivre des formations pour pouvoir postuler à une fonction. J'aimerais dire également que si nous avons des gens qui dirigent et qui ne sont pas enseignants de formation, ils n'en sont pas moins d'excellents directeurs ou directrices. Et il n'y en a pas cinq, Monsieur le député Romain, il s'agit d'une imprécision de votre part ! (Remarque.) Quand vous m'avez posé la question du nombre, je vous ai dit au maximum cinq. Je peux vous préciser aujourd'hui qu'il y en a deux.

J'aimerais également, Mesdames et Messieurs les députés, saisir l'occasion de ce débat pour vous dire que l'émergence des directions d'établissement prend son sens dans une modification profonde de l'enseignement obligatoire dans notre pays, en Suisse romande et à Genève. Pourquoi ? Nous avons évoqué ce matin le processus d'harmonisation au niveau suisse, respectivement au niveau romand avec l'élaboration du plan d'études romand. Cela a entraîné une redéfinition complète du dispositif, et notamment des prérogatives pour les directions générales. Cela nous a amenés, Mesdames et Messieurs les députés, à regrouper la direction générale de l'enseignement primaire et la direction générale du cycle d'orientation pour en faire une seule, qui est la direction générale de l'enseignement obligatoire. Dès lors, les établissements ont pris plus d'autonomie ! C'est logique et c'est normal dans un tel système, qui est recomposé à la fois par des compétences suisses, à la fois par des compétences intercantonales sur le plan romand, et à la fois par un redimensionnement des directions générales, respectivement dans l'enseignement primaire et dans l'enseignement secondaire.

Par ailleurs j'ajouterai, Mesdames et Messieurs les députés, que souvent, en ce qui concerne les enseignants - et j'ai évidemment un petit sourire attendri par rapport à la déclaration de M. Losio sur la question de l'autorité scolaire - vous me demandez où nous en sommes du point de vue de leur évaluation ! Le PLR en particulier, mais aussi l'UDC, nous demandent régulièrement - et vous avez raison de le faire parce que c'est la loi - où nous en sommes du point de vue des entretiens périodiques avec les enseignants. Et vous le savez, c'est un des éléments sur lesquels nous sommes régulièrement en retard. Pensez-vous sérieusement qu'en diminuant la disponibilité des directeurs on va augmenter le taux d'entretiens périodiques ? Il y a évidemment un problème mathématique. J'aimerais dire également qu'il y a un rapport sur la santé - une enquête du docteur Papart - qui met en évidence le besoin de réponses de proximité pour les enseignants, par rapport notamment aux parents et à un certain nombre de questions qui proviennent des communes, étant donné leurs compétences en matière de bâtiment, respectivement de construction et d'entretien.

Enfin, par rapport aux élèves et par rapport aux parents, il est nécessaire qu'il y ait des réponses rapides. Nous avons eu l'occasion, tout à l'heure, de discuter des besoins pédagogiques des élèves; la question a été posée de savoir comment y répondre. En tout premier lieu, nous devons pouvoir accéder non seulement aux enseignants mais aux responsables de l'établissement, le cas échéant, pour pouvoir tenir un certain nombre de discussions quand il y a des difficultés constatées avec un élève. Mesdames et Messieurs les députés, les différentes problématiques de bagarre, respectivement d'incivilités dans les écoles, posent la question de l'autorité. Et je ne pense pas qu'une décision qui viserait à affaiblir l'autorité serait particulièrement pertinente.

Je terminerai mon propos par deux éléments. Le premier pour vous rappeler que dans l'histoire, nous avons déjà bégayé; en effet, à la fin de la Première guerre mondiale, le parlement avait aboli la fonction d'inspecteur pour la remplacer par celle de directeur. Et puis ensuite, dans les années qui ont suivi, en fonction du manque de moyens, en fonction notamment du nombre d'établissements attribués à ce qu'on appelait des directeurs, on a constaté par leur faible temps de disponibilité qu'ils étaient, dans les faits, redevenus des inspecteurs. Dès lors, la loi a été abandonnée et revue pratiquement à la sortie de la Deuxième guerre mondiale. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit donc bien évidemment d'un problème du point de vue de notre histoire; aujourd'hui nous rejoignons les autres cantons, et c'est une excellente chose. Votre travail en commission permettra de dire s'il s'agit d'une fausse bonne idée, d'une vraie bonne idée, ou d'une vraie mauvaise idée. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la demande de renvoi à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2100 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 67 oui contre 12 non.