République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 juin 2013 à 20h30
57e législature - 4e année - 10e session - 57e séance
RD 996
Le président. Nous passons au point 5.a de notre ordre du jour, le RD 996. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous informe que nous avons reçu de notre collègue, M. Olivier Norer, sa lettre de démission de son mandat de député. Je prie M. Barde de bien vouloir lire le courrier 3249. (Applaudissements à l'issue de la lecture.)
Le président. Il est pris acte de cette démission. Mesdames et Messieurs les députés, M. Olivier Norer a été élu en 2009 sur la liste du parti des Verts et a siégé près d'une législature au Grand Conseil. Durant son mandat, il a participé aux travaux de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat, de l'énergie, de grâce, d'aménagement et des pétitions. Il présida la commission des pétitions en 2011-2012.
On lui doit le dépôt de trois motions, qui furent toutes renvoyées au Conseil d'Etat, soit un taux de réussite de 100%. La première concernait la relocation des activités du PAV vouées à un déménagement. La deuxième avait trait à la possibilité de déposer en ligne des prises de position lors de votations. Quant à la troisième, elle visait à mettre en place des infrastructures de transports publics aux Grands-Esserts.
On relèvera de plus que sa vie familiale fut également riche durant cette législature, puisqu'il vit sa famille s'agrandir à deux reprises ! (Exclamations.)
Nous formons tous nos voeux pour la suite de ses activités et lui remettons, fidèles à la tradition, un stylo souvenir. (Applaudissements. Le président descend de l'estrade, embrasse M. Olivier Norer et lui remet le stylo souvenir.)
M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je n'avais pas prévu d'être amené à rendre hommage à Olivier Norer, ce fringant et jeune député qui aurait pu blanchir sous le harnais de la charge parlementaire de nombreuses années encore en notre compagnie, comme certains d'entre vous ici, d'ailleurs. (Rires.) Je ne l'avais pas prévu, tout au contraire, car je comptais qu'il fût encore des nôtres à la prochaine législature.
Olivier, cela a été rappelé, a été commissaire aux pétitions, à l'aménagement, à l'énergie, à la grâce, à la commission ad hoc du personnel. Mais Olivier a surtout été un homme de dossiers; pas seulement adossé, ni agrippé, comme d'autres, à son dossier de fauteuil parlementaire, mais un député connaissant ses dossiers. Ses domaines de prédilection ont été l'aménagement, les transports, l'énergie, domaines où nous pouvons tous - oui, tous - lui reconnaître une certaine expertise, toujours amenée avec délicatesse, permettant de lier les débats en commission et souvent d'aboutir à des consensus sous forme de motion de commission, l'une de ses grandes spécialités.
Olivier Norer est un homme de débat, de consensus. Chez lui, pas d'effet de manche, pas de rodomontades «tartarinesques» comme celles dont nous sommes gavés à chaque session parlementaire par les habituels bancs d'en face... (Rires. M. François Lefort est interpellé.) Merci, Monsieur Jeannerat ! Non, Olivier, son arme, c'est le débat, c'est la persuasion, c'est la discussion, c'est l'épuisement du sujet, jusqu'à l'épuisement de ses interlocuteurs. (Rires.) Mais cela toujours en toute politesse et délicatesse, et si par hasard cette vieille technique chinoise ne marche pas, cela finit de toute façon en rapport de minorité.
Expert en transports, énergie, aménagement, il lui manquait un peu de formation continue dans toutes les autres et nombreuses matières qu'il savait ne pas maîtriser. Pour cette raison, il a adoré - il n'y a pas d'autre mot - la commission des pétitions, qu'il présida aussi ! Cette commission des pétitions, caisse de résonance des inquiétudes de notre population, fut pour lui une grande pourvoyeuse de rapports sur tous les sujets qui agitent notre république. Il a beaucoup appris, et d'ailleurs nous aussi en lisant les très nombreux rapports dont il fut l'auteur. Olivier Norer a été sans conteste le rapporteur champion de notre groupe, avec 42 rapports de majorité et de minorité - j'ai dit le rapporteur champion de notre groupe, Madame von Arx, je n'ai pas dit celui de la législature, parce que celui de la législature serait une championne, et ce serait vous ! (Rires.) Des rapports de majorité et de minorité, donc, sur des sujets très divers, mais tous de prédilection.
Enfin, Olivier Norer est un député convivial, ne détestant pas partager quelque boisson rassérénante à la buvette du Grand Conseil, où, nous l'espérons, tu nous feras quelques visites pour ne pas nous oublier tout à fait, si bien sûr ta nombreuse progéniture - qui, elle, sera heureuse de te retrouver et de te voir plus souvent à la maison - te le permet. Et puis qui sait, d'ici quelques années tu reviendras peut-être un jour ici, rejoindre des députés qui n'auront pas changé, solidifiés sur leur fauteuil, et qu'il faudra toujours convaincre des bien-fondés de l'écologie. (Rires. Applaudissements.)
M. François Haldemann (R). A la lecture de cette lettre de démission, je comprends la frustration d'Olivier, et en fait la raison qui le pousse à quitter les bancs de la députation. Pourquoi ? Olivier, c'est un homme qui pratique l'honnêteté intellectuelle, c'est un homme dont les interventions ont toujours été frappées au coin du bon sens. On dit souvent que ce sont les meilleurs qui partent les premiers; Olivier, c'est tristement vrai aujourd'hui. Tu es un homme discret mais efficace, pragmatique et jamais dogmatique. Franchement, aujourd'hui on perd un bon camarade, quelqu'un avec qui on avait plaisir à avoir un débat, un vrai débat politique, et c'est dommage. Ici, il y a 99 députés qui se prétendent ingénieurs en mobilité, mais il n'y en a qu'un qui en a vraiment la compétence. Cher Olivier, tu nous quittes, mais j'espère que, peut-être, tu reviendras amener un peu de bon sens au sein de cette noble assemblée. Merci, Olivier. (Applaudissements.)
M. Antoine Bertschy (UDC). Olivier, le porte-parole des Verts a dit qu'il n'avait pas prévu de parler de toi; moi je ne l'avais pas prévu non plus, mais je l'ai voulu. Je l'ai voulu parce que tu es l'une des personnes avec lesquelles j'ai pu avoir énormément de divergences, voire une totale divergence, sur le plan politique, mais avec qui j'étais totalement en accord sur le plan humain. Tu es devenu un copain, on s'est fréquentés longuement - effectivement, pas dans cette assemblée parce qu'on était un peu loin, mais on a souvent beaucoup discuté le soir à la buvette... (Commentaires.) Eh bien vous n'aviez qu'à venir à la buvette avec nous, ça aurait été très sympathique ! - et on s'est trouvé énormément de points communs. Le premier, c'était celui de penser que la politique n'est vraiment pas tout. Et qu'il y a des choses beaucoup plus importantes que cette assemblée, qui parfois se prend un petit peu au sérieux, surtout lorsqu'il faut voter des comptes qui, de toute façon, sont ce qu'ils sont.
Olivier, dans ta lettre tu nous as engagés à souhaiter une prochaine législature sereine. C'était un voeu pieux; tel que je te connais, je ne pense pas que tu y croyais. Néanmoins, c'est bien toi de l'avoir souhaité pour les autres. Je comprends que tu partes, comme moi je partirai cet automne, parce qu'on a franchement des doutes sur le fait que les choses puissent être plus sereines qu'elles ne le sont à l'heure actuelle et qu'elles ne l'étaient avant. Je pense comme toi que la politique prend un mauvais tournant, mais on espère qu'elle s'améliorera avec le temps.
J'aimerais finir par cette fameuse phrase que tu as citée, qu'on écoute à chaque début de séance et qui se termine par: «Vous pouvez vous asseoir.» Vu que je ne veux pas parler trop longuement, parce qu'on aura tout le temps de le faire plus tard, je vais m'asseoir. (Rires. Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Cher Olivier, c'est avec une grande émotion que je prends la parole ce soir pour dire quelques mots à l'occasion de ton départ. Ta présence dans ce Grand Conseil était en quelque sorte la preuve malheureuse que l'intelligence discrète n'a pas l'aura médiatique de la bêtise tonitruante. (Rires. Commentaires.) A maintes reprises... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...on a pu, en commission, profiter de ton savoir, profiter de ton intelligence dubitative - parce que le doute fait partie de l'intelligence - et c'est vrai que cette qualité, ma foi, est bien trop rare dans ce Grand Conseil. Quelque part, ton départ aujourd'hui est peut-être un signe que l'intelligence et le temps n'ont pas leur place dans un parlement qui veut avancer comme un bulldozer - et j'en suis parfois également l'incarnation... (Exclamations.) ...bien malgré moi.
J'ai eu l'occasion de profiter de la présence d'Olivier notamment à la commission de l'énergie, et ça me rappelle un célèbre voyage de cette commission pour aller voir les tréfonds de la terre et la géothermie de grande profondeur du côté de l'Alsace, et non pas de la Lorraine, mais de l'Allemagne - voyage auquel tu n'as pas participé ! D'abord, c'était pour une question de principe: nous, nous y allions en car pour des raisons de timing, quand toi tu voulais absolument y aller en train. C'était une décision sage mais assez difficilement concrétisable sur une si courte période, et malheureusement tu ne nous as finalement pas rejoints. Mais en même temps, ton savoir et ta connaissance des transports publics nous ont permis de découvrir que la ligne de tram qui passait à proximité de la riante cité de Bad Wildbad était l'une des plus anciennes d'Europe ! Sans toi, nous ne l'aurions jamais su.
Olivier, ces moments en dehors des travaux de commission, en dehors des séances, sont évidemment conviviaux, parce que c'est justement l'occasion de parler, d'échanger, de réfléchir aux problématiques, et ce de façon extrêmement sereine - je crois que c'est quelque chose qui marque tous les députés présents.
Et puis en tant que socialiste, je dois dire que ta présence dans ce Grand Conseil a aussi été l'occasion d'être rassuré à certains moments, quand subitement des divergences pouvaient survenir entre les Verts et les socialistes ! Parce que dans ces moments-là, Olivier pouvait parler de son point de vue, dire ce qui le rapprochait des Verts mais aussi ce qu'il partageait avec les socialistes, et j'ai beaucoup apprécié ces échanges qui ont permis de voir qu'une alternative cohérente, pour l'avenir de Genève, était possible. Et Olivier, ton rôle n'était de loin pas négligeable. J'en ai d'autant plus de plaisir qu'à plusieurs reprises, Olivier a eu l'opportunité - mais ne le répétez pas - de me dire que sur smartvote, nous étions les plus proches l'un de l'autre dans nos positions politiques. Et j'en ai été très honoré. Merci, Olivier. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Cher Olivier, ton départ me laisse sans voix... (Un instant s'écoule.) ...au sens propre comme au sens figuré... (Exclamations. Applaudissements.) ...mais je vais quand même continuer.
Il y a des nouvelles qui sont tristes. Personnellement, j'ai beaucoup apprécié ta présence en commission d'aménagement parce que tu m'as appris beaucoup de choses. Je ne connaissais rien du tout en matière d'aménagement quand je suis arrivé - pour moi, en tant que médecin, c'était un monde à part - et ta gentillesse, ta façon d'expliquer les choses très clairement, ta manière de trouver en commission des consensus extrêmement utiles... Et j'aimerais dire que la commission d'aménagement, où il y a des gens de tous les partis avec des différences énormes, ce n'est pas la commission des transports: on arrive toujours à être d'accord ! Je pense que tu étais un élément qui calmait les gens, comme M. Haldemann, et qui permettait d'avancer dans le travail que l'on faisait. C'est donc triste de se dire que, si on est réélu, ce qui ne sera peut-être pas le cas, on va se retrouver sans toi pendant cinq ans. J'ai en tout cas appris beaucoup de choses, surtout concernant les motions de commission, et j'essaie maintenant de suivre ta voie dans ce domaine - mais c'est un peu plus difficile.
Il y a un point pour lequel je suis content, c'est que tu n'as pas été avalé par ton ordinateur; parce que certains jours, j'avais vraiment peur que tu disparaisses dans l'écran ! Je me suis dit qu'une fois ton ordinateur allait te manger, et qu'on ne te retrouverait plus à ta place ! Mais tu es encore là, et je pense qu'on continuera à discuter ensemble. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. David Amsler (L). A mon tour, Olivier, de te remercier pour ton engagement, au nom du parti libéral. C'est vrai qu'entre un député Vert, ex-président de l'ATE, employé d'une grande régie publique, et puis un député libéral, membre du comité du TCS, ingénieur civil de surcroît, il n'y avait à priori pas grand-chose à partager d'un point de vue politique ! Mais en fait on s'est tout de suite bien entendus, et je voulais le souligner.
On a longtemps siégé ensemble à la commission d'aménagement, à la commission de l'énergie, et aussitôt ton pragmatisme, parfois ton air malicieux, et surtout - cela a aussi été relevé par M. Haldemann - le fait que tu ne sois pas dogmatique sur les différents sujets traités ont eu pour effet qu'on a tout de suite trouvé des terrains d'entente et partagé de bonnes discussions. A ce sujet, je voudrais quand même te communiquer un petit message: celui de ne pas quitter ton parti trop vite, de ne pas quitter les Verts trop vite, et de continuer à t'impliquer auprès d'eux, parce que nous avons besoin de gens comme toi pour pouvoir discuter. (Brouhaha.)
Et on peut peut-être juste évoquer la question qui a été soulevée par le professeur Kaufmann et le constat qui a été fait après dix ans d'évolution de la mobilité à Genève: finalement, après dix ans, nous ne sommes pas arrivés à améliorer cette mobilité un tant soit peu. Alors je pense qu'il faut qu'on continue à discuter ensemble; en tout cas nous, nous sommes prêts à aller dans ta direction, et on sait qu'on aura toujours une écoute attentive de ta part et de la part des Verts. Voilà le petit message que je voulais te transmettre. Profite bien de ta famille, fais plus de voyages en Russie, et reviens nous voir de temps en temps. Bon vent, et merci à toi ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Dominique Rolle.
Une voix. Au nom du PLR ? (Rires.)
Mme Dominique Rolle (HP). Au nom de moi toute seule, désolée ! Olivier, eh bien pour ma part j'ai peu connu le député. Mais derrière le député, il y a le bonhomme; et en côtoyant le bonhomme, j'ai acquis la certitude d'avoir le meilleur du député. Sous mon ancienne étiquette MCG, j'ai pu apprécier ton ouverture, ta souplesse d'esprit, et je suis très honorée de te dire que tu es un Vert ouvert; j'espère que tu le resteras toujours. J'ai encore en mémoire cette petite Calvinus prise devant la Nautique - eh oui - qui avait contribué à briser la glace. Depuis lors la glace a bien fondu, et je ne sais combien de fois nous avons pu rigoler à la buvette de sujets et d'autres, tout en restant légers, souples et lumineux. Olivier, reste toujours comme cela. (Applaudissements.)