République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 7 juin 2013 à 17h
57e législature - 4e année - 9e session - 53e séance
PL 11084-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant aux urgences avec le point 102 de l'ordre du jour, qui est classé en catégorie II - quarante minutes. Le rapport est de Mme la députée Aurélie Gavillet, à qui je cède la parole.
Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est un texte absolument fondamental pour notre fonctionnement et j'apprécierais que vous m'écoutiez. (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Madame le rapporteur, vous avez eu raison de rappeler l'importance de ce texte qui nous concerne très très très directement. Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite que vous ayez du respect et de l'attention. Poursuivez, Madame le rapporteur.
Mme Aurélie Gavillet. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi fait partie du train de modifications prioritaires que notre parlement doit adopter pour être opérationnel au regard de la nouvelle constitution. Les modifications que nous allons voter vaudront pour la prochaine législature et consistent en une série d'adaptations à la nouvelle constitution. Nous avons traité en particulier trois points que je me propose d'aborder rapidement avant de laisser la parole aux nombreuses personnes qui apparemment souhaitent s'exprimer... (Brouhaha.)
Le président. Chut !
Mme Aurélie Gavillet. ...et qui trépignent d'impatience !
D'abord, nous avons introduit dans la LRGC le postulat. Il s'agit d'un nouvel instrument parlementaire prévu par la nouvelle constitution. Il consiste en une demande de rapport au Conseil d'Etat, avec un délai de réponse de celui-ci qui est plus long que pour la motion. La réglementation proposée ne permet par contre pas le renvoi en commission.
Ensuite, nous avons réglé en détail la situation des députés suppléants dont l'existence est prévue par la nouvelle constitution.
Enfin, nous avons précisé les règles sur les incompatibilités avec la fonction de député. Nous avons, d'une part, ajouté le principe de l'incompatibilité pour les cadres supérieurs des établissements autonomes de droit public, principe qui n'existe pas aujourd'hui mais qui est prévu par la nouvelle constitution. D'autre part, nous avons précisé la notion de cadre supérieur de l'administration cantonale, notion qui nous a posé quelques problèmes d'interprétation l'hiver dernier et que nous avons souhaité préciser dans ce projet de loi. La nouvelle définition montre que le critère fondamental pour déterminer l'incompatibilité est celui de la proximité avec le sommet du pouvoir exécutif de la personne concernée.
Je vous signale qu'à la fin du rapport sur ce projet de loi il y a un texte important; si vous ne lisez pas le rapport, lisez au moins ce texte: un avis de droit absolument fondamental et passionnant de l'ancien professeur de l'Université de Lausanne M. Etienne Grisel. Je vous en recommande très vivement la lecture.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi et je prendrai à nouveau la parole le cas échéant, en fonction des interventions des députés.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Il s'agit de faire des modifications prioritaires et d'adapter une petite partie du règlement du Grand Conseil à la nouvelle constitution. L'incompatibilité avec la fonction de député a été étudiée en long et en large et il a fallu un avis de droit d'un professeur réputé pour guider la commission sur ce point.
Il a été difficile pour les commissaires de définir avec exactitude quels candidats et candidates ne pourraient pas siéger du fait de leur situation dans la hiérarchie, tant dans le petit Etat que pour ceux qui occupent des postes importants dans des établissements de droit public du grand Etat.
Dans certains cas, qui toutefois devraient être rares, la commission ad hoc devra définir l'incompatibilité d'un élu et opérer le cas échéant un arbitrage dans sa décision d'autoriser un candidat à siéger comme député. Dans quelques cas, ce n'est pas la classe salariale qui définit la compatibilité mais d'autres critères. Toutefois, la commission des droits politiques doit garder la mainmise et elle est compétente sur la question de l'incompatibilité, quitte à auditionner le candidat ou la candidate. En aparté, mais ça n'a pas été déterminant dans la décision de la commission, on peut se poser la question de savoir si un fonctionnaire aura suffisamment de temps à consacrer à la députation, qui demande de l'énergie et une disponibilité en temps de 20, 30 ou 40%.
La nouvelle constitution institue des députés suppléants qui feront leur apparition au Grand Conseil. Il s'agit d'activer les premiers viennent-ensuite en les nommant députés suppléants pour remplacer les députés en cas d'absence et cela pour l'ensemble des dossiers politiques.
Ces députés suppléants recevront toute la documentation remise aux députés et seront équipés, à peu de choses près, comme eux, à savoir avec un ordinateur et un abonnement pour les transports publics. Il s'agit d'une tâche plutôt ingrate, puisqu'un très bon député suppléant devra lire et s'imprégner de toute la documentation afin de pouvoir remplacer au pied levé un député absent. De plus, un député suppléant ne pourra remplacer un député en commission que s'il n'y a pas d'autre député disposé à faire ce remplacement.
Si les députés sont consciencieux dans leurs tâches et solides dans leur santé, le député suppléant restera sur la touche et risque avec le temps de voir sa motivation diminuer pour, au pire, s'éteindre par dépit et découragement. Une consolation tout de même: en cas de démission d'un député, seul un député suppléant pourra le remplacer. Il faut aussi savoir que la création d'un poste de député suppléant engendre des coûts de 2000 F par année. Pour toute la législature, le coût supplémentaire de tous les suppléants sera de 1 250 000 F.
Le Grand Conseil n'a pas d'autre choix que d'accepter ce projet de loi qui, avec le temps, pourra être amendé en fonction des réalités du terrain.
M. Miguel Limpo (Ve). Comme l'ont dit mes préopinants, ce projet de loi est particulièrement important et il faut absolument qu'il soit voté ce soir. Néanmoins, j'aimerais insister sur un point, qui a poussé les Verts à s'abstenir en commission.
En effet, comme l'a dit M. Riedweg, les députés suppléants auront une tâche bien ingrate. Nous allons passer - sans que cela figure vraiment dans ce projet de loi - à un parlement de 115 personnes. En effet, contrairement à ce qu'a dit M. Riedweg, ce projet de loi ne contient plus aucune restriction au niveau des remplacements des suppléants, aussi bien en commission qu'en plénière. Dorénavant, si vous acceptez ce projet de loi tel quel, les suppléants pourront nous remplacer au pied levé, être des semi-députés et, finalement, mourir d'engagement parce qu'ils ne seront là que pour nous remplacer quelques fois. Quand je dis «nous», ce qui est intéressant, c'est que ce ne sont pas forcément d'autres personnes. Ces suppléants pourront être des gens qui sont autour, qui n'auront pas été élus et qui devront remplacer au pied levé un député pour une séance plénière, entre 15h et 17h, ou encore en commission, pour une séance, sans avoir suivi l'ensemble des débats ! Cette situation a particulièrement révolté les Verts en commission, sachant que l'intention de la constitution était bel et bien de permettre... (Le protège-micro de l'orateur glisse.) Le micro m'en tombe ! L'intention était bel et bien de permettre un remplacement sur le long terme pour les personnes qui seraient malades longtemps ou en congé maternité. (Brouhaha.)
Nous avons donc détourné non seulement le sens de la constitution, mais également l'amendement qui était proposé par le Bureau. Le Bureau demandait qu'on prévoie une durée minimale d'un mois pour que les députés suppléants puissent s'approprier une problématique sur le long terme, mais également se préparer au mieux à une entrée au Grand Conseil et pas seulement pour le remplacement d'une séance.
Nous avons donc proposé des amendements ce soir, en espérant que ceux-ci soient acceptés par cette plénière, parce que je sais que de nombreuses personnes de ce parlement ne partagent pas la position de la commission au niveau de son vote par rapport aux députés suppléants. Voilà pour ce qui concerne les remplacements en commission.
Nous proposons aussi un autre amendement sur les séances plénières, afin que les députés suppléants ne remplacent pas uniquement pour une séance, c'est-à-dire entre 15h et 17h chaque vendredi, par exemple, mais pour l'ensemble de la session. Si un député titulaire ne souhaite pas se faire remplacer pour l'ensemble de la session, tant pis, il ne sera pas là pour une séance, comme c'est le cas actuellement. Cette solution est un premier pas pour voir comment nous parvenons à intégrer les députés suppléants. S'il s'avérait que ces propositions ne soient pas valables, nous pourrions revenir ultérieurement afin d'élargir leurs droits, mais il nous semble vraiment prématuré, en l'état actuel, d'avancer sans savoir à quoi vont ressembler les députés suppléants, avec une solution où finalement nous les mettons sur un pied d'égalité avec les députés, dans la mesure où ils pourront nous remplacer partout, mais sans qu'ils n'aient aucun droit. Ils ne pourront pas être dans le protocole, par exemple.
Parce que je sais que de nombreuses personnes dans ce parlement partagent cette vision des institutions, je vous prie d'accepter ces amendements. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Schneuwly (R). Mesdames et Messieurs les députés, depuis sept jours, nous vivons avec la nouvelle constitution. C'est un grand pas pour la démocratie, mais c'est un petit pas pour les députés, tant il nous reste de travail ! Aujourd'hui, il est urgent d'adapter certaines dispositions concernant le fonctionnement des institutions et le Bureau du Grand Conseil s'est attaché à ces questions qui nous sont soumises aujourd'hui. Ce sont les questions de l'incompatibilité des députés, de la suppléance et de la durée de la présidence.
Pour la présidence, nous n'avons eu aucun problème en commission: elle sera de treize mois. C'est une solution équitable sur cinq ans.
En ce qui concerne les incompatibilités, nous avons un regret au parti libéral-radical, c'est que la solution la plus précise, qui était préconisée par le Conseil d'Etat, n'ait pas été retenue. Elle avait pourtant le mérite d'être claire: tout cadre supérieur de l'administration cantonale ne devait pas siéger au Grand Conseil. Nous n'avons pas trouvé de majorité, c'est dommage !
Nous avons encore un autre regret: suite à l'examen des listes de fonctionnaires ou des membres de régies autonomes qui nous ont été fournies, nous n'avons pas réussi à dégager des tendances claires. Les commissaires, très attachés à leurs prérogatives, ont préféré laisser une marge d'appréciation à la commission. Espérons que, lorsqu'il faudra se pencher sur des cas précis, nous ayons de la rigueur et que nous ne cédions pas à des tentations partisanes ! Nous ne reviendrons pas avec un amendement sur ce sujet, car nous savons qu'il n'a aucune chance de succès. C'est le jeu de la démocratie, nous sommes minoritaires sur ce point.
S'agissant des députés suppléants, nous pensons avoir trouvé un bon compromis. Il ne faut pas trop de suppléants: 15 à 18, c'est assez. Assez pour éviter de perdre des majorités à cause d'absences au Grand Conseil, assez pour travailler au complet en commission et pas trop pour éviter de se disperser, puisque nous sommes attachés à un parlement de milice généraliste.
Pour ce qui est de l'amendement proposé par M. Limpo, nous le refuserons, parce que nous pensons qu'il faut laisser aux groupes la liberté de s'organiser. En principe, le député suppléant ne devra pas remplacer si un député titulaire peut le faire. Et ce n'est que quand un député titulaire ne pourra pas remplacer qu'on se tournera vers un député suppléant. Le PLR est très attaché à la liberté, nous préconisons de laisser aux groupes la liberté de s'organiser et nous refuserons donc cet amendement. Nous vous proposons en conséquence d'adopter le projet de loi tel qu'il est ressorti de commission.
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, six séances ont permis d'analyser et de se familiariser avec un concept qui découle de modifications principales qui vont animer et secouer ce parlement. Cela fait suite à l'acceptation de notre nouvelle constitution. De fait, nous arrivons à trois niveaux.
Le premier niveau est celui de l'incompatibilité des fonctions. Cela a déjà été longuement expliqué, notamment en ce qui concerne la notion de cadre supérieur, j'y reviendrai rapidement tout à l'heure. Le deuxième niveau concerne ces députés suppléants qui constituent un thème très intéressant et sensible, dirais-je. Enfin, il y a la durée des présidences, élément sur lequel je ne reviendrai pas.
Les détails techniques, vous les avez déjà entendus, ils sont parfaitement répertoriés et analysés, notamment dans l'excellent rapport de notre rapporteuse et dans l'avis de ce professeur de droit lausannois, le professeur Grisel, qui est du plus grand intérêt.
Il y a toutefois quelques éléments négatifs concernant les groupes d'influence qui peuvent jouer un rôle dans une démocratie, entre autres lorsqu'il y a besoin de définir les incompatibilités de fonctions. Il y a un petit effet qui ressort bien dans cette bouture, c'est l'identification du mécanisme fondamental qui fait qu'un petit groupe organisé cherchant à imposer ses intérêts ou ses idées à un grand groupe a de bonnes chances d'y parvenir. C'est ce qu'on appelle l'effet Olson.
Eh bien, nous y sommes restés et nous y resterons probablement, parce que, dans les enjeux politiques, par-delà la gauche ou la droite, il y a toujours l'obsession du quantitatif, du performatif et des idées innovantes. Là, bien sûr, c'est l'exemplarité et la disponibilité. C'est la raison pour laquelle le thème numéro 2 était le problème posé par ce type de députés - appelons-les comme ça. Il y a, d'une part, les anciens députés, les actionnaires, rompus aux fondamentaux d'ancienne orthodoxie et qui seront en tête des listes des votations et dont les mesures ne peuvent déboucher que sur des bénéfices électoraux. Ils représentent une valeur ajoutée pour les partis, notamment lorsqu'ils sont diplômés, étiquetés compatibles et regroupés dans les observatoires de confiance de chaque parti. Ils sont en quelque sorte les valeurs-refuges et ils resteront donc parmi les cent personnages importants de ce parlement.
Toutefois, découlant de cette nouvelle constitution, eh bien il y a ce député suppléant - ô divine surprise qui nous est née ! Si vous me permettez de faire un parallèle avec les médicaments, ce suppléant sera le médicament générique; celui à qui on peut faire confiance, qui coûte moins cher, mais qui a la même valeur. Il permettra d'anticiper et de remplacer les failles, les absents, que ce soient ceux qui savent tenir le haut du pavé médiatique, les ignorants ou les experts voire les savants, pour tordre le cou aux fausses idées.
Cela nous permettra de refuser l'amendement des Verts et de revenir de fait sur l'élément qui, à nos yeux, reste important, à savoir cette mutation. Cette mutation, si j'ose prendre une nouvelle image, ce ne sont pas les cellules souches, ce ne sont pas les nanostatistiques ou les neurosciences, mais c'est une fantastique reconfiguration de ce parlement qui est née avec des tactiques de sélection des députés, pour retrouver le député type, sans oublier des techniques de recombinaison pour associer le député suppléant au député classique.
Cette approche est cohérente et éthiquement satisfaisante. C'est un choix légitime que le peuple de Genève a fait et, au nom du PDC, nous nous y conformerons et vous proposons de vous y associer. (Applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous ne serons plus cent députés à l'avenir; nous intégrerons dorénavant dans nos groupes respectifs des députés suppléants. Et, contrairement à ce qui a été dit, ces députés suppléants seront des élus. Il s'agira des députés viennent-ensuite à l'issue des élections qui auront donc priorité pour devenir des suppléants, s'ils acceptent cette charge. La commission des droits politiques a travaillé longuement sur ce projet de loi et les socialistes sont d'accord avec le projet tel qu'il est ressorti de commission.
D'une part, ce projet de loi laisse une marge d'appréciation de la compatibilité d'un citoyen avec cette charge, en particulier d'un citoyen travaillant dans la fonction publique ou dans une régie autonome. Il pourra cumuler ou correspondre à plusieurs définitions, relativement à sa classe salariale, son statut en tant que cadre supérieur, s'il est proche du pouvoir exécutif ou du parlement... Un certain nombre d'indicateurs ont été donnés et figurent dans la loi, mais nous n'avons pas voulu inscrire dans le marbre ces définitions et ces exigences quant à la compatibilité avec la fonction de député. A l'instar d'une constitution, le règlement du Grand Conseil - ce règlement que nous devrons appliquer - doit laisser la possibilité d'une évolution, suivant ce qui se passera dans la république, et surtout ce règlement doit permettre à un maximum de citoyens d'accéder à ce parlement, selon les qualités professionnelles de ces personnes.
Les suppléants pourront remplacer un député dès la première absence de celui-ci. Les règles quant à la suppléance sont définies en partie par le règlement du Grand Conseil et c'est ce qui ressort du projet de loi. Toutefois, ce sont aussi les partis et groupes politiques qui fixeront ces règles.
Par exemple, si un élu ne veut pas siéger en tant que suppléant mais seulement en tant que député, ce sera à son groupe de fixer la règle et de savoir si c'est acceptable. Ce sont les partis qui décideront s'ils veulent garder un député suppléant qui accepte la charge de suppléant mais ne voudrait pas remplacer. Est-ce que les groupes accepteront que, en cas d'absence, un député suppléant vienne remplacer, même sans le demander aux autres députés ?
Je crois qu'il y aura quelques règles à mettre en place et nous avons voulu laisser une marge de manoeuvre à chacun des groupes représentés dans ce Grand Conseil, pour permettre de voir et de tester comment se passera l'introduction de ces suppléants dans notre parlement.
Nous aurons aussi à nous acclimater à un nouvel objet parlementaire qui est le postulat. Difficile encore à définir dans les faits, le postulat permettra pourtant de porter devant le gouvernement un problème de la république d'une autre manière que la motion ou le projet de loi.
Le président. Il vous reste trente secondes !
Mme Lydia Schneider Hausser. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons d'accepter ce projet de loi. Nous reparlerons de l'amendement, mais nous le refuserons.
M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'invite les collègues de ce parlement à lire l'avis de droit du professeur Etienne Grisel, qui résume un peu les débats que nous avons eus lors des précédentes analyses d'incompatibilités. Il en ressort que la marge de manoeuvre était fondamentale au niveau de la commission des droits politiques. La notion de cadre supérieur de l'Etat et de ses responsabilités ressortait évidemment, ainsi que la classe salariale.
Concernant les députés suppléants, je pense qu'il faut être au clair par rapport à leur fonction. Les députés suppléants ne peuvent pas présider une commission, ne peuvent pas être rapporteurs. Une fois qu'on a pris connaissance de ces deux éléments, il semble logique que les députés suppléants puissent remplacer pour une séance et pas uniquement pour une session complète. L'amendement des Verts demandant de figer dans le marbre un suppléant pour une session complète...
Le président. Monsieur le député, pourriez-vous parler plus clairement dans votre micro, on ne vous entend pas !
M. Serge Hiltpold. Diantre ! J'élève la voix, Monsieur le président. (Exclamations.) Le fait d'avoir un député suppléant uniquement pour une session complète semble beaucoup trop figé, beaucoup trop rigide. Imaginez simplement que l'un de nous ait à effectuer un déplacement professionnel sur le canton de Vaud le jeudi. Il serait pénalisé en ne pouvant pas siéger tout le vendredi, parce qu'on prévoirait que le député suppléant remplace pour une session complète. Je pense que cela doit relever du libre arbitre du député, qui doit avoir une bonne relation avec son suppléant.
L'avantage pour le député suppléant, c'est qu'il peut se mettre à jour. Avant d'être un vient-ensuite débarquant directement au parlement, si j'ose dire, il peut suivre les caucus, il peut s'informer de ce qui se passe. Entre guillemets, il est déjà «prêt» pour siéger. C'est la raison pour laquelle ça semble une bonne formule.
Ensuite, ce qui est important, c'est de laisser aux groupes la liberté de s'organiser. Je pense que c'est un argument contre lequel on ne peut s'opposer. C'est à nous d'organiser les remplacements en commission pour ne pas siéger uniquement avec les commissaires.
Voilà, je crois que je vais laisser la parole à mon collègue Renaud Gautier qui attend.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. l'ancien président Renaud Gautier - pour une minute cinquante, me précise-t-on.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, vous me surprenez. Vous qui aimez bien rythmer nos séances en disant qu'il s'agit de «la dernière séance de...» ou «la première séance de...», ici vous auriez dû dire que c'est la première fois que l'ancien parlement traite d'un point de la nouvelle constitution. Je le fais à votre place !
Juste quelques remarques concernant ce projet de loi. Je rappelle quand même, le bon sens le veut, que les remplacements en commission ne sont pas forcément le fait des députés suppléants, mais peuvent aussi être le fait des députés élus. Donc, par rapport à la situation actuelle, potentiellement, rien ne va ou ne peut changer.
Je n'ai rien compris au développement extrêmement intellectuel de notre camarade socialiste et je fais partie de ceux et celles qui considéraient que nous aurions dû avoir le courage d'être beaucoup plus clairs sur les incompatibilités, sinon c'est l'assurance de futurs problèmes garantis. Nous aurions dû avoir le courage de régler cette question, ce que n'a pas fait la Constituante. C'est sûr, c'est un problème qui se posera la première fois que nous aurons une discussion pour savoir si quelqu'un peut ou non siéger, et je suis totalement en désaccord avec ma collègue d'en face lorsqu'elle dit que le plus de personnes possible doivent pouvoir siéger. Oui, mais à condition que nous ne soyons pas dans une situation conflictuelle, avec quelqu'un qui voterait ici et serait en même temps le récipiendaire de ce vote, ce qui est le cas pour un certain nombre de cadres supérieurs de l'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Miguel Limpo, pour cinquante secondes.
M. Miguel Limpo (Ve). Merci, Monsieur le président. J'aimerais évidemment revenir sur le cas des suppléants. Je veux répéter ici que les Verts ne sont pas contre l'existence des suppléants, nous souhaitons simplement revenir à la situation qui avait été discutée, avec la proposition du Bureau qui nous semblait largement meilleure que ce qui est sorti de commission.
Deuxièmement, Mme Schneider Hausser vient de dire qu'il s'agira d'élus. Justement pas, ce ne seront pas des élus ! On a eu plusieurs explications en commission qui nous ont montré que les députés suppléants ne seront pas des élus, parce que, selon la liberté que beaucoup de groupes veulent leur donner, peut-être que ces suppléants ne siégeront jamais ! C'est pour ces raisons qu'ils ne figureront pas dans le protocole de notre république.
J'aimerais donc vraiment redire ici que, dans le pire des cas, avec l'amendement proposé, la situation sera identique à ce qu'elle est aujourd'hui. Sauf que nous, nous voulons réellement séparer la fonction de député de celle de député suppléant. Dans votre exemple, Monsieur Hiltpold, si jamais un député veut s'absenter le jeudi, il ne sera simplement pas remplacé par un suppléant le jeudi et il viendra pour toutes les séances du vendredi. Il nous paraît vraiment contradictoire d'utiliser les députés suppléants et de leur demander de se mettre à jour tout en les considérant comme de simples remplaçants lorsqu'un député a un rendez-vous professionnel ! Nous avons été élus, assumons nos responsabilités jusqu'au bout et démissionnons le cas échéant ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme le rapporteur Aurélie Gavillet... Vous avez utilisé tout votre temps ?
Une voix. Non, elle a encore une minute dix.
Le président. Vous avez une minute dix !
Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse. Je vous remercie, Monsieur le président. Je voulais être la dernière à prendre la parole, parce que je souhaitais donner l'avis final de la commission, à la fois sur ce qui a été dit maintenant et sur l'amendement des Verts, je propose donc de redemander la parole après les différentes interventions qui auront lieu.
Le président. Je vous en remercie, Madame la députée. Je crois que c'est tout à fait rationnel ! La parole est à M. le député Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voulais simplement dire que le groupe MCG soutiendra évidemment ce projet de loi. J'aimerais faire une remarque par rapport à l'amendement qui a été déposé par le groupe des Verts, que nous ne soutiendrons pas, parce qu'il pose des problèmes pratiques qui sont à mon avis importants. Je pense qu'il est essentiel que notre parlement puisse siéger avec le nombre maximum de députés et le fait qu'une personne soit absente lors d'une séance ne doit pas empêcher, finalement, un suppléant d'être présent. Et cela ne doit pas empêcher le titulaire de revenir à la séance suivante, puisqu'il sera prêt à ce moment-là à suivre les débats.
Le fait que l'on ne puisse se faire remplacer en commission que lorsqu'il y a une absence prévisible égale ou supérieure à un mois, d'après le texte de l'amendement, pose également un problème. De toute façon, la loi telle qu'elle est prévue indique clairement que, en priorité, un député absent en commission doit être remplacé par un autre député de son groupe et - c'est la logique même - si cet absent ne peut pas être remplacé par un député du groupe, c'est à ce moment-là qu'un député suppléant prendra sa place. Fixer une limite d'un mois prévisible est une exigence qu'on ne peut pas poser parce que cela toucherait directement le fonctionnement de nos institutions.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à Mme le rapporteur Aurélie Gavillet.
Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur la question des incompatibilités. Plusieurs députés, en commission, avaient souhaité des précisions quant à la définition légale. Il a notamment été proposé de faire une liste des fonctions qui seraient incompatibles, que l'on annexerait à la loi. On a assez rapidement réalisé que, en réalité, ce n'était pas possible, parce que les fonctions évoluent rapidement et qu'il est malaisé de devoir systématiquement adapter la loi !
Nous avons conclu à l'unanimité qu'il s'agissait d'un domaine dans lequel il n'est pas possible de tout prévoir à l'avance. C'est un domaine dans lequel une marge d'incertitude subsistera toujours systématiquement. C'est dans ce cadre qu'il appartiendra à la commission des droits politiques de créer une pratique qui concrétisera au mieux les dispositions légales que nous avons votées.
Je suis navrée que M. l'ancien président Renaud Gautier ait trouvé que mes explications étaient un peu intellectuelles. (Exclamations.) J'espère que l'avis de droit du professeur Grisel l'est moins et je le renvoie véritablement à ce texte qui explique que nous n'avons pas d'autre choix que de préciser la disposition.
En ce qui concerne l'amendement des Verts, nous avons choisi d'ouvrir au maximum les possibilités de remplacements par des suppléants. C'est un choix quasiment unanime de la commission. J'ai peur que M. Limpo n'ait pas véritablement compris le sens des dispositions constitutionnelles que nous concrétisons ici. (Commentaires.) Le but de l'Assemblée constituante était de respecter au mieux la volonté populaire en garantissant qu'il y ait dans la mesure du possible toujours le même nombre de députés siégeant que d'élus par le peuple, parce que le résultat de la proportionnelle est souvent faussé par des absents. C'est le seul but, et c'est dans ce cadre qu'il faut garantir au maximum le remplacement par des suppléants. En outre, l'alinéa 5 proposé dans l'amendement est extrêmement choquant du point de vue de l'égalité de traitement. Il prévoit que les absences soient à la fois prévisibles et supérieures à un mois. On en a parlé en commission, cela aboutit, Mesdames et Messieurs les députés, à favoriser l'étudiant qui souhaiterait partir en séjour Erasmus pendant six mois et qui pourrait se faire remplacer en commission sans problème, alors que la personne qui souffrirait d'une maladie chronique une semaine par mois ne pourrait pas être remplacée...
Le président. Il va vous falloir conclure !
Mme Aurélie Gavillet. Je termine rapidement. Cette personne ne pourrait pas être remplacée, alors qu'il me semble que, du point de vue de l'équité, elle mériterait de pouvoir être remplacée par un suppléant. Je vous demande donc de refuser cet amendement. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Monsieur le député Renaud Gautier, vous avez vingt secondes...
M. Renaud Gautier (L). Je voulais m'excuser auprès de Mme le rapporteur. Ce n'était pas elle que je visais de mon ire, mais la représentante des hauts du Jura.
Le président. Très bien, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi 11084.
Mis aux voix, le projet de loi 11084 est adopté en premier débat par 72 oui et 4 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, alinéa 2 (nouveau), et 3 (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 5, alinéa 1. Cet amendement figure à la page 29 de votre rapport et est libellé ainsi: «La première session de la législature a lieu, en principe, dans un délai de 30 jours à compter de la date de l'élection du Grand Conseil.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 77 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 5, alinéa 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 19, alinéa 1, lettre e (nouvelle teneur) est adopté, de même que les articles 20 (nouvelle teneur) à 25, alinéa 1 (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 27A, que vous avez tous reçu. Le voici:
«Article 27A, al. 4 (nouvelle teneur), 5 et 6 (nouveaux)
4 En cas d'absence d'une session plénière, un député titulaire peut se faire remplacer par un député suppléant.
5 En cas d'absence prévisible supérieure à un mois au sein d'une commission, un député peut se faire remplacer par un suppléant.
6 Les modalités pratiques de l'application des alinéas 4 et 5 du présent article sont définies par le Bureau du Grand Conseil.»
La parole est à M. le député Miguel Limpo.
M. Miguel Limpo (Ve). Merci, Monsieur le président. Je vais encore insister, considérant les arguments entendus chaque fois pour expliquer ce qu'était un député suppléant par rapport aux gens qui siègent ici. Or ce n'est pas ça qui m'intéresse ! Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir quelle sera la fonction des députés suppléants. Il ne s'agira pas simplement de remplacer les députés quand ils ne pourront pas venir parce qu'ils auront un empêchement, de les remplacer en cas de maladies chroniques. C'est l'exemple qu'on nous a donné chaque fois pour nous faire pleurer un peu dans les chaumières. Oui, c'est un exemple concret qui peut arriver, mais il y a aussi des députés qui peuvent remplacer.
Ce qui est important pour moi et pour les Verts, c'est de dire quelle sera la fonction exacte des députés suppléants. Comment peut-on valoriser cette fonction ?
On peut la valoriser seulement en considérant que les députés suppléants peuvent remplacer sur une période donnée, en suivant un sujet donné. En tant que députés, vous avez sûrement déjà assisté à une séance de commission pour un seul sujet. Finalement, vous participez à une séance au cours de laquelle il y a une audition sur un sujet que vous ne connaissez pas et vous vous retrouvez à écouter sans comprendre vraiment ce qui se passe.
Ce n'est pas ce qu'on veut pour des députés suppléants ! Nous, ce qu'on veut, ce sont des députés qui sachent quel est le sujet discuté et comment on travaille sur le long terme. Et il nous semble qu'un mois, c'est une durée tout à fait raisonnable et qui valorisera cette fonction de député suppléant. Ces députés suppléants ne seront pas juste des personnes qui n'ont jamais siégé, mais des gens qui seront aussi ici autour de nous. Ayons un peu de respect pour eux ! Considérons que cette fonction existe en tant que telle et donnons-lui un vrai rôle, celui de remplacer sur le long terme les députés, aussi bien en plénière qu'en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Renaud Gautier. Je vous donnerai la parole à la fin, Madame le rapporteur.
M. Renaud Gautier (L). Je constate avec bonheur que l'éminent député Limpo part du principe que les députés, suppléants ou pas, savent de quoi ils parlent. Si c'était le cas, à mon sens, depuis le temps, ça se saurait ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! (Brouhaha.) S'il vous plaît ! La parole est à Mme le rapporteur Aurélie Gavillet.
Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. J'admire la volonté de M. Limpo d'intégrer les députés suppléants et de leur assurer beaucoup de respect, mais ce n'est pas de cela que nous parlons. Nous ne parlons pas du respect envers les suppléants. Nous pensons que ce type de réglementation doit être établi à l'interne, dans chaque groupe. Ce sont les groupes qui doivent se déterminer, en fonction de la situation particulière de chacun, et qui doivent décider dans quelle mesure et dans quelles situations un député se fait remplacer. Il nous semble que cela n'a rien à faire dans notre règlement.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous fais voter l'amendement de M. Limpo à l'article 27A dans son ensemble.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 19 oui et 11 abstentions.
Mis aux voix, l'article 27A (nouveau) est adopté, de même que les articles 27B (nouveau) à 234, alinéa 3 (nouveau).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 11084 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11084 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 1 non et 29 abstentions.