République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 6 juin 2013 à 17h
57e législature - 4e année - 9e session - 50e séance
GR 521-A
Le président. Je prie M. Serge Hiltpold de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter ce dossier. Monsieur le député, vous avez la parole.
M. Serge Hiltpold (L), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de grâce s'est réunie lundi dernier, 3 juin, afin d'analyser la demande de grâce déposée le 21 mai 2013, relative à M. R., âgé de 50 ans, marié, deux enfants, consultant immobilier de profession. Cette demande de grâce concerne des faits qui se sont déroulés jusqu'au début de l'année 2003 dans le cadre d'une histoire financière complexe dont l'instruction judiciaire a duré jusqu'au 30 novembre 2009. L'accusé a été condamné pour abus de confiance, escroquerie par métier et faux dans les titres. Il a purgé une peine avant jugement de cinq mois et vingt-cinq jours et a été libéré en novembre 2003. Depuis lors, et malgré la gravité des faits dont la commission ne conteste l'importance, M. R. a montré une ferme volonté de respecter ses engagements financiers de remboursement de dettes, qui ont lésé les parties civiles privées ou les caisses de compensation; il assume ses actes et mène un combat permanent, dans la limite de ses moyens, pour rembourser et honorer les arrangements de paiement qu'il a pu obtenir auprès de ses créanciers divers.
Vu l'importance du dossier reçu et la complexité des procédures, j'ai moi-même rencontré cette personne et analysé de manière objective et impartiale les engagements qui ont été honorés jusqu'à présent. Les discussions de commission ont été serrées et la demande de grâce partielle a été acceptée à une très courte majorité. Cependant, la réinsertion professionnelle et le respect des engagements qui a été montré depuis dix ans ont été favorables à cette requête, dans les intérêts des parties civiles et de la famille du condamné. Ne contestant ni les faits ni le travail de la justice, la majorité de la commission vous demande à titre exceptionnel un acte de clémence, prérogative suprême de ce Grand Conseil. En vous demandant donc de suivre la majorité de la commission de grâce, je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de votre attention.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, la relation qui vient d'être faite des travaux de commission est particulièrement précise et objective, et j'aimerais en profiter pour remercier notre collègue Hiltpold pour la qualité de son étude et l'engagement qu'il a montré dans le cadre de ce dossier. Je fais toutefois partie de la minorité - la large minorité de la commission - qui a refusé la grâce, et je me base, pour vous le dire, sur la lecture de l'arrêt du Tribunal fédéral qui conclut que dans la fixation de la peine, dans l'ensemble de la procédure, il n'y a pas eu de déni de justice, il n'y a pas eu de violation du droit d'être entendu, il n'y a pas eu d'inégalité de traitement, il n'y a pas eu d'arbitraire ni d'appréciation arbitraire des preuves; il a été pris en considération l'effet de la peine sur l'avenir du condamné.
J'ajoute que dans son arrêt le Tribunal fédéral nous dit - et je pense que c'est important pour nous qui allons maintenant voter sur cette affaire - que le recourant se prévaut de la convention signée avec les parties civiles, par laquelle il reconnaît leur devoir 40 millions de francs, et s'engage à leur verser mensuellement 1500 F. Le tribunal ajoute qu'il s'agit certes d'un élément à mettre au bénéfice du recourant, mais dont la portée ne saurait être exagérée tant son engagement apparaît modeste en regard de l'importance des sommes détournées, comme son sacrifice l'est en comparaison du train de vie que lui ont offert, durant plusieurs années, ses activités délictueuses. Le tribunal conclut en disant que l'autorité cantonale genevoise n'a pas abusé du large pouvoir d'appréciation dont elle disposait dans ce domaine, que la peine prononcée ne procède pas d'une violation du droit fédéral, et que le recours, mal fondé, doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous prie de voter différemment de la majorité de la commission sur cet objet.
M. Serge Hiltpold (L), rapporteur. Chers collègues, je me propose une dernière petite intervention objective, alliée de pragmatisme et d'un certain humanisme. Les montants sont considérables, les arrangements ont été effectués, et je pense que, comme disait souvent un député de ces bancs, nous n'avons pas à refaire le travail de la justice ni à juger la justice; nous avons une prérogative qui est celle de la clémence, c'est ce dont nous devons parler, et non du fond du jugement. Je vous invite donc à suivre le rapport de la commission de grâce. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter le préavis de grâce partielle de la commission de grâce. (Brouhaha durant la procédure de vote.)
Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (grâce partielle) est adopté par 48 oui, 26 non et 4 abstentions.