République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 avril 2013 à 17h
57e législature - 4e année - 7e session - 43e séance
M 2087
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes au point 35 de l'ordre du jour. Il s'agit d'un débat en catégorie II: trente minutes. La parole est à M. le député Eric Bertinat.
M. Eric Bertinat (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose avec cette motion un peu de réflexion sur la participation à nos scrutins, qu'ils soient électoraux ou qu'il s'agisse des votations qui jalonnent la vie des citoyens suisses et qui voient d'année en année la désaffection des citoyens augmenter et, finalement, poser des problèmes quant à la légitimité des résultats. Je vous renvoie simplement à Genève: lorsque nous avons des élections, comme celles qui nous attendent à la fin de cette année, quand un parti comme le mien - ou d'autres - voit qu'il a juste 10% de 40% du scrutin, cela veut dire qu'il a pour légitimité quelques pourcents pour siéger dans ce Grand Conseil.
On peut donc se poser des questions quant à l'avenir de notre démocratie et se demander comment pouvoir, si j'ose dire, «allécher» le citoyen, afin qu'il vienne aux urnes et qu'il puisse ainsi participer à la vie civile, qui est finalement l'un des seuls liants que nous avons dans notre pays. En effet, notre pays est partagé en plusieurs cultures, en plusieurs langues, en plusieurs religions, et il est assez rare qu'on ait de grands rendez-vous nationaux, hormis peut-être ceux auxquels nous invite le sport. Mais à part cela, quels sont vraiment les grands rendez-vous lors desquels le pays baigne dans une espèce de communion, si ce n'est au soir des votations fédérales ou des élections nationales ?
On voit bien que l'enjeu principal de notre système démocratique, c'est de trouver cette communion, cette envie de communiquer, de participer au destin d'un pays, et il ne peut se faire en Suisse que par le biais de la démocratie directe que chacun de vous, j'espère, apprécie et utilise.
Le vote obligatoire, on peut en discuter. Certains pays l'ont accepté, comme la Belgique, le Luxembourg, la Grèce, l'Autriche et le Liechtenstein. On peut aussi se dire que, pour que les gens participent aux scrutins, on peut jouer du bâton, à savoir que lorsque les citoyens ne votent pas on leur inflige une amende; sans doute petite, mais une amende quand même; ou bien on peut agiter devant leur nez une carotte, c'est-à-dire trouver un moyen de les inciter à venir voter, à exprimer leur opinion au sein de notre démocratie.
C'est la raison pour laquelle je vous propose cette idée, qui en a fait sourire quelques-uns mais qui n'est peut-être pas si farfelue: au lieu d'infliger une amende à celui qui ne viendrait pas voter, pourquoi ne pas lui offrir une petite déduction fiscale qui serait en quelque sorte une reconnaissance pour sa participation...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député !
M. Eric Bertinat. ...aux scrutins électoraux. C'est pour cela que je vous invite vivement à accepter ma motion.
Présidence de M. Antoine Droin, premier vice-président
Le président. Merci, Monsieur le député. Si jamais, vous pourrez toujours réintervenir sur le temps du groupe.
D'autre part, j'aimerais souhaiter à M. Poggia, avec quelques heures de retard, un joyeux anniversaire ! (Applaudissements. Remarque.) Personne n'y échappe, effectivement ! Par ailleurs, j'ai le plaisir d'accueillir à la tribune un ancien député, notre collègue M. Ducrot. (Applaudissements.)
La parole est maintenant à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. La question posée par cette motion est intéressante, parce que c'est un peu la quête du Graal: comment faire venir les gens aux urnes et comment les faire voter. On peut leur mettre des amendes, on peut leur promettre de leur donner de l'argent... Je pense qu'il n'y a pas de solution ! Les solutions passent probablement par une meilleure action des partis politiques pour intéresser les gens aux votations, mieux leur expliquer les choses, mieux leur faire comprendre qu'il faut aller voter. Mais si les gens ne veulent pas aller voter, ils ne vont pas voter !
Et ce genre de promesse, de donner de l'argent ou de déduire un peu sur les impôts parce qu'on va voter, cela nous fait quand même penser à l'achat des votes. Dans certains pays, heureusement pas en Suisse, on achète beaucoup les votes en donnant de l'argent aux gens, et cela nous gêne un peu. Derrière cela, il y a une question de principe, et c'est pour cela que le parti démocrate-chrétien ne votera pas cette motion. Je pense qu'il n'y pas de solution pour faire venir les citoyens aux urnes. C'est à nous de continuer à nous battre, et si les gens ne veulent pas aller voter, c'est leur problème.
Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous tous ici, j'imagine, je suis très attachée à notre démocratie directe et à l'exercice de nos droits politiques. C'est un privilège, c'est l'avantage de vivre dans un pays démocratique, et, tout comme vous, je l'apprécie tous les jours ! Même si, tout comme vous aussi, je me fais un devoir d'exercer ce droit, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un droit, et non pas d'une obligation.
Dès lors, l'idée de récompenser celui qui en fait usage ou qui exerce ce privilège est un peu particulière ! Mais ce qui est le plus curieux, à mon sens, c'est l'aspect technique du dispositif proposé: pour octroyer une déduction fiscale à celui qui fait le geste de voter, il faut en effet pouvoir vérifier qu'il a voté, sinon autant accorder la déduction à l'ensemble du corps électoral !
Mais comment vérifier que M. Tartempion a voté ? C'est impossible ! On peut vérifier qu'il a renvoyé gratuitement son enveloppe bleue, fermée, et sa carte de vote, mais il est impossible de vérifier que l'enveloppe bleue de M. Tartempion contient bien un bulletin de vote ! Personne n'a le droit d'ouvrir cette enveloppe en sachant qu'elle appartient à M. Tartempion, la loi garantit la confidentialité du vote.
Ce qui est proposé ici, c'est d'offrir une réduction fiscale à tous ceux qui auront renvoyé gratuitement leur enveloppe bleue ! Laquelle pourra donc contenir soit le bulletin de vote consciencieusement rempli de celui qui tient à exprimer sa position - et c'est, j'imagine, le cas de tous les députés ici - soit un bulletin blanc, rempli au hasard de celui qui n'a qu'un seul objectif, celui d'obtenir sa déduction fiscale; soit rien du tout parce que, finalement, pour bénéficier de cette déduction, il n'est même pas nécessaire d'avoir mis un bulletin... L'enveloppe peut être vide !
Mesdames et Messieurs les députés, le seul avis qui est intéressant pour notre démocratie est le premier: l'avis du citoyen qui, en toute conscience, nous donne l'expression de ses convictions. Les autres n'ont strictement aucun intérêt hormis celui de faire du chiffre et de nous faire croire que les 70% ou 80% de la population se sont réellement exprimés sur un sujet.
L'exercice du droit de vote est un exercice responsable, ce n'est pas un «cadeau-bonus», et nous refuserons cette motion.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Hugo Zbinden (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux qu'être d'accord avec mes préopinants, effectivement cette motion pose de grands problèmes aux niveaux moral et technique.
Mais j'aimerais évoquer un autre problème, et je suis étonné que cela ne soit pas mentionné dans la proposition de motion, car vous aimez bien les chiffres - en particulier M. Riedweg, qui fait partie des signataires. Donc, je suis étonné que vous n'ayez pas essayé d'estimer un peu le coût de cette mesure, et c'est ce que je tente de faire.
Je suis parti de l'idée que, peut-être, pour motiver les gens à aller voter, il faudrait accorder un rabais de l'ordre de 100 F; je pense que c'est raisonnable - si c'est trop peu, ce ne sera pas efficace. Alors, si l'on accorde un rabais de 100 F, avec 250 000 personnes ayant le droit de vote à Genève - et en supposant que cette motion remporte un succès - eh bien, avec un taux de participation de 50% et quatre votations par année, on arrive à 50 millions de manque à gagner pour l'Etat ! C'est une coquette somme !
Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs de l'UDC, que vous avez refusé hier le budget pour 31 millions - cela vous semblait un grand problème. Et aujourd'hui, vous proposez une baisse de recettes à hauteur de 50 millions !... C'est une raison de plus pour refuser cette motion. (Quelques applaudissements.)
M. Mauro Poggia (MCG). Aussi louable que soit le but de cette motion, car nous avons tous intérêt à ce que les résultats qui sortent des urnes soient représentatifs des électrices et des électeurs de ce canton, la démocratie ne se construit ni par la carotte, ni par le bâton. Elle se construit avant tout par l'éducation. Le citoyen doit être amené à l'expression de sa volonté par la conscience du privilège que cette démarche implique, et par rien d'autre !
Tous nos efforts doivent tendre à sensibiliser les électrices et les électeurs de ce canton sur la nécessité qu'ils s'impliquent véritablement dans la vie politique, dont ils ne manquent d'ailleurs pas de se plaindre aussitôt les élections terminées.
Mais nous sommes convaincus que la motion proposée par l'UDC - encore une fois, parfaitement louable, dans le sens où elle vise à redonner cette légitimité aux élus que nous sommes - est une mauvaise solution, parce qu'elle prend le problème de la démocratie par le mauvais bout.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que cette proposition a tendance à nous faire sourire, parce que proposer de récompenser les électeurs par une déduction fiscale revient en réalité à créer une démocratie de mercenaire ! Et je pense que pour un parti qui est attaché à la démocratie suisse et à la notion de liberté, la question de l'achat du vote est un véritable problème !
Est-ce que par hasard, peut-être, vous ne pensez pas que la liberté se dissout dans l'argent ? Est-ce qu'on n'est pas en train de corrompre complètement la démocratie en permettant à certains d'avoir un rabais fiscal ? Car je vais vous dire, en réalité une partie non négligeable de la population genevoise est suffisamment pauvre pour ne pas payer d'impôts du tout aujourd'hui ! Et, avec cette proposition, vous créez deux catégories de citoyens: ceux qui bénéficieront d'un avantage et les autres.
Il aurait fallu tourner la proposition dans l'autre sens, il aurait peut-être fallu dire: «Les électrices et les électeurs bénéficient d'un ticket de loterie»... Ç'aurait été une incitation positive, un peu moins chère mais peut-être tout aussi incitative !
Et puis, d'une certaine façon, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?... On pourrait proposer de faire des déductions fiscales aux parents qui envoient leurs enfants à l'école, ou des déductions fiscales pour les gens qui prennent les transports publics... Mais, là, on peut dire qu'on peut déjà déduire les frais de transport. Et on pourrait multiplier les exemples !
Effectivement, comme l'a relevé M. Zbinden, hier l'UDC exprimait - fortement ! - sa volonté de réduire le déficit à zéro. Est-ce que vous avez réalisé le coût de cette mesure ?... On ne le dirait pas ! Et je ne vois pas où sont les nouvelles recettes, avec cette proposition ! J'ai donc un grand doute que ce soit une bonne idée si vous pensez vouloir renforcer le taux de participation. Parce que, comme l'a dit M. Zbinden, cela va coûter très cher !
Mesdames et Messieurs les députés, je pense que la démocratie de mercenaires est extrêmement grave, et la liberté de voter, la liberté de participer ou non, doit être maintenue ! Les socialistes sont attachés à ce principe.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Voter à Genève est devenu encore plus facile avec le vote par correspondance, avec le vote par internet, sans oublier le local de vote traditionnel; ce n'est que par paresse que les citoyens et les citoyennes de notre canton s'abstiennent de voter.
Une augmentation du pourcentage de vote aurait l'avantage d'une pondération plus exacte du poids de chaque parti dans le cadre des votes proposés. Mais il y a des effets pervers, effectivement, dans le fait que pour discipliner les citoyens et les citoyennes l'Etat doive rétribuer les votants - cela serait unique au monde - il y a un coût pour l'Etat du fait des contrôles à effectuer relatifs à des salaires et à une paperasse supplémentaires.
Nous vous demandons tout de même de soutenir cette motion. (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Bertinat, pour deux minutes et dix secondes.
M. Eric Bertinat (UDC). Monsieur le président, je serai relativement bref. Visiblement, je vous fais sourire, mais j'avoue qu'à vous écouter je souris également. Vous soulevez des problèmes de paperasse, de confidentialité du vote, etc. Expliquez-moi comment cela se passe, par exemple dans le canton de Schaffhouse, puisque ceux qui ne vont pas voter sont amendables ! (Brouhaha.) Il y a donc bien un système qui permet de contrôler si la personne a voté ou non ! (Brouhaha.) C'est une première réponse.
Quant au reste, je n'avais pas d'autre intention que le fait d'en parler, car le problème du taux de participation est quelque chose qui à Genève doit évidemment nous toucher. Je vous proposais l'inverse d'une punition, et vous dites que c'est rendre mercenaire le citoyen qui va voter, c'est acheter son vote... Je ne sais pas qui achète quoi dans ce genre de démarche, d'ailleurs !
Bref, vous voulez trouver plein de défauts, plein de problèmes, plein d'entraves. Vous ne voulez donc, d'après ce que j'ai compris, pas étudier cette idée. Qu'importe ! Elle aura au moins eu le privilège durant - je ne sais pas, peut-être vingt minutes - de faire parler de ce problème, tout simplement !
M. Pierre Conne (R). «C'est dans le renoncement à la liberté que se trouve le danger majeur pour les sociétés démocratiques» écrivait Tocqueville, et je pense qu'à partir du moment où on achète un geste citoyen, la liberté se perd. Je crois qu'il faut qu'on reste effectivement sur les fondamentaux de la société démocratique qui font la citoyenneté et, comme cela a déjà été dit, qui supposent un engagement de chacun dans la cause commune, en fonction de ses valeurs.
L'éducation, cela a été rappelé, est un des fondements de la démocratie, et c'est cela que nous devons vraiment garder comme règle de base.
Mettre en place un système qui supposerait qu'on puisse indirectement acheter le vote des électeurs, c'est le début d'une dérive totalitaire et nous devons absolument nous inscrire en faux contre toute démarche de cette nature.
L'autre élément est beaucoup plus trivial: à partir du moment où quelqu'un aurait un avantage financier ou matériel à simplement déposer son vote, est-ce que vous pensez qu'il aurait un quelconque intérêt à savoir pour qui ou pourquoi il vote ? Bien sûr que non ! Ce serait, en plus de cela, la faillite de la qualité des résultats et de la validité des résultats des votes. Donc le groupe radical vous demande de rejeter cette proposition de motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Marion Sobanek, pour quarante-huit secondes.
Mme Marion Sobanek (S). Oui, Monsieur le vice-président, je serai brève. Je pense que l'attractivité de la politique pour le citoyen dépend également du personnel politique, c'est-à-dire que cela dépend aussi du spectacle que nous offrons ici. Il faut surtout qu'on soit proche du citoyen, qu'on soit cohérent et qu'on ne joue pas toujours une politique politicienne. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Eric Stauffer, pour une minute et cinquante secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Mais c'est largement de quoi enflammer cet hémicycle, Monsieur le président. (Exclamations.) Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a dit mon préopinant Mauro Poggia, nous allons donc nous opposer à cette proposition de motion. Mais je ne peux pas résister au plaisir de venir mettre mon grain de sel, en réaction aux propos du député socialiste qui vient nous dire: «Vous voulez donner un allégement fiscal pour ceci, pour cela»... Alors, pour l'exercice, on va se mettre dans la peau d'un socialiste qui aurait présenté cette motion en disant: «Nous allons mettre une taxe et un impôt sur ceux qui ne vont pas voter, Mesdames et Messieurs !» Et là, évidemment, on aurait eu le plein soutien du parti socialiste !... Je vous rappelle que ce sont quand même les seuls dans ce parlement, sauf erreur ou omission de ma part - vous transmettrez, Monsieur le président - qui ont la volonté parlementaire d'instaurer un impôt ou une taxe sur les piscines ! Parce que les gens qui auraient une piscine doivent payer un impôt ! Par contre, quand on leur demande une taxe sur les cyclistes, alors là... C'est «Touchez pas à mon pote le vélo !» Du reste, ils font toujours leur manif' de gauchistes pour bloquer toute la circulation - une fois par mois, je crois - pour bien montrer qu'ils existent. Mais rassurez-vous, on ne vous oublie pas ! Du reste, c'est tous les jours de l'année...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Pardon ?
Le président. Trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. C'est largement suffisant, Monsieur le président. Finalement, moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, la gauche est pour les impôts, et l'UDC... Eh bien, c'est l'enfer pavé de bonnes intentions. Et, résultat des courses, si les gens ne votent pas, je pense que c'est à cause du spectacle que vous leur donnez. Mais rassurez-vous, la démocratie corrige toute seule. Parce qu'à force d'embêter les citoyens, ça réveille leur force civique, et là ils vont voter !... Et c'est l'apparition du Mouvement Citoyens Genevois !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Constatez l'ampleur de votre échec à la progression du Mouvement Citoyens Genevois !
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Deneys, pour vingt-huit secondes.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes n'ont jamais déposé de motion pour proposer de taxer ceux qui ne vont pas voter. (Commentaires.) M. Stauffer a des fantasmes qu'il exprime ici publiquement. Mais s'il a besoin de quelqu'un pour parler quand il a des problèmes, volontiers ! On peut se rencontrer à la salle des Pas-Perdus... (Commentaires.) Je suis prêt à l'écouter et à lui faire des propositions, il n'y a aucun problème.
Des voix. Ah !
M. Roger Deneys. Venez avec moi, Monsieur Stauffer, on va pouvoir en parler calmement. Cela vous fera beaucoup de bien ! (Commentaires.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, évidemment le Conseil d'Etat, pour toutes les raisons qui ont été indiquées, est - sur le fond, sur la démarche, et pas sur les modalités - opposé à l'utilisation d'incitations économiques dans ce domaine, qu'il s'agisse de rendre le vote obligatoire et de mettre une amende; qu'il s'agisse de donner 50 F à chaque personne qui vote; qu'il s'agisse de faire une déduction fiscale; qu'il s'agisse au contraire de taxer ceux qui ne votent pas. Et puis, dans le domaine de la simplification administrative, je dois vous dire que ce n'est pas exactement la bonne route.
Cependant, je crois en effet que le temps est peut-être venu de s'interroger. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Pourquoi les gens ne votent-ils pas ? Ça, c'est une chose. Il y a des éléments sociologiques qui l'expliquent aisément. L'éducation, vous l'avez indiqué: l'école a été créée dans nos sociétés pour permettre la démocratie ! Parce qu'en démocratie, si les gens ne savent ni lire ni écrire, c'est relativement compliqué.
Aujourd'hui, c'est la complexité qui nous noie, s'agissant des votations: comment se faire une idée ? D'autant plus que le fait que les différents courants utilisent sans arrêt des arguments contraires aux événements rend la tâche du citoyen relativement compliquée.
Mais, Mesdames et Messieurs, je dois dire que je m'interroge plutôt - et je pense que vous devriez le faire aussi - sur un autre phénomène: pourquoi est-ce que les gens participent plus massivement à des votations, surtout quand ce sont des votations fédérales, qu'aux élections du Grand Conseil, avec des écarts de pratiquement 15% ? Là, Mesdames et Messieurs, évidemment, c'est vous qui connaissez la solution.
Monsieur Stauffer, oui, la démocratie introduit des correctifs. Mais vous conviendrez avec moi que, certains «correctifs», en regard de situations dramatiques survenues dans le passé, eh bien, il aurait quand même été souhaitable de les éviter, par exemple l'élection démocratique d'Adolf Hitler. Et, il ne s'agit pas du tout d'une comparaison... (Commentaires.) ...je vous dis simplement que quand les élites politiques et économiques ne sont plus à la hauteur des attentes des citoyens, il y a toujours le risque d'une dérive totalitaire, d'extrême droite, d'extrême gauche, religieuse ou tout ce que vous voulez. (Commentaires.)
Je tiens quand même à vous indiquer qu'en Europe, pour la première fois, l'institut qui identifie les dix principaux risques pour le monde développé a mis en avant le fait que l'affaiblissement des élites dans les pays démocratiques risquait de produire à terme des situations où l'on aurait des régimes autoritaires, et je crois que, quel que soit notre camp, il faut tous qu'on fasse un petit effort pour que cela ne se reproduise pas.
M. Eric Stauffer. Absolument d'accord !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il me reste à soumettre au vote cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2087 est rejetée par 71 non contre 8 oui.